M. Gérard Longuet. C’est toujours mieux que de faire partie des mauvais ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. En effet, on attend de vous toujours plus, toujours mieux ! Et aujourd’hui, nous attendions plus quant au rapport particulièrement important qui fait l’objet de ce débat, dont nous vous remercions, monsieur le ministre.
Logiquement, c’est au Sénat que ce débat se tient en premier lieu, car c’est la commission des affaires étrangères et de la défense de la Haute Assemblée qui en a introduit le principe dans la loi de programmation militaire.
Il est vrai que le Gouvernement a pris le temps de la réflexion. Ce déploiement sur notre sol de forces jusqu’alors principalement engagées à l’extérieur constitue en effet un tournant majeur des relations entre l’armée et la Nation, sans doute le plus important depuis la suspension du service national par le président Chirac.
Je propose ici une triple exigence : il nous faut une pensée, afin de fixer la politique que nous devons mener et de la faire partager, il nous faut un cadre d’action et il nous faut des moyens. C’est cette triple exigence que je vais interroger. En conclusion, je vous transmettrai volontiers, monsieur le ministre, non pas un ordre de mission, mais un mandat de fidélité aux convictions du Sénat !
Première question : disposons-nous vraiment d’une doctrine d’emploi ?
Cet aspect ayant été fort bien traité par plusieurs orateurs avant moi, je ne m’y étendrai que pour souligner à la fois la pleine légitimité de l’armée dans la protection du territoire, mais aussi, quelques insuffisances de la situation actuelle. Malgré la mise en place d’états-majors tactiques et le très lent reflux des gardes statiques, les militaires restent guettés par le piège d’être des supplétifs destinés à soulager les forces de sécurité intérieure. La sédimentation des réquisitions et la trop lente dynamisation du dispositif Sentinelle en sont la preuve.
En conséquence, les qualités de nos armées sont trop peu exploitées : pas de remontée vers le renseignement territorial, pas d’utilisation des compétences proprement militaires, autonomie limitée. C’est se priver du pouvoir de faire changer l’incertitude de camp !
Demandons plutôt aux militaires un effet final recherché et laissons-les déployer leur savoir-faire. Les scènes de guerre, la sécurisation de zones, le contact avec les populations sont leur lot en OPEX. Sachons mieux en tirer profit. Il reste du chemin à faire.
Disons-le clairement, à quel autre ministère oserait-on demander un tel effort dans la durée ? Quelque 10 % des soldats de Sentinelle campent pour six à huit semaines dans des lits de camp, et en plein Paris, pas à Gao ni à Kidal ! Leurs journées sont du genre six heures vingt-trois heures et ils font quinze kilomètres de marche en portant vingt-cinq kilogrammes sur le dos. Cela doit être dit : les conditions sont dures.
Enfin, le Président de la République a demandé à la défense, en quelque sorte, de « faire tapis » et d’engager d’entrée de jeu un plafond de 10 000 soldats, ce qui ne permet pas de remontée en puissance ultérieure. Il y a là, à mon sens, une des lacunes de ce rapport, monsieur le ministre : il manque un outil pour adapter Sentinelle.
En conséquence, les tensions seront fortes pour l’armée de terre, au moins jusqu’en 2017, et nous n’avons pas de réserve pour faire face à un nouvel attentat.
Deuxième question : disposons-nous d’un cadre juridique solide ?
Dans le code de la défense, il est écrit noir sur blanc que le devoir militaire va jusqu’au sacrifice suprême, celui de sa vie. C’est une réalité, chaque année, pour de nombreux soldats, auxquels nous rendons tous ici hommage. Réciproquement, la Nation doit à ses militaires des conditions claires et sûres d’exercice de leur mission.
Concernant les opérations extérieures, la rédaction du Sénat, plus protectrice pénalement, avait prévalu en 2013, lorsque, à la suite du traumatisme d’Uzbin, le code de la défense et le code pénal avaient été modifiés pour mettre un terme à l’utilisation abusive des recours juridictionnels contre les opérations militaires, lesquelles comportent, par leur nature même, le risque du combat, donc celui de la mort. Je le rappelle et je salue la sagesse de notre assemblée.
Sur le territoire national, c’est la règle de la légitime défense qui s’applique. Chacun connaît les fortes exigences de la Cour de cassation en la matière. L’article 19 du projet de loi contre le crime organisé propose d’autoriser l’usage des armes en cas de « périple meurtrier ». Notre commission s’en est saisie pour avis. Il importe que les militaires bénéficient de la même sécurisation juridique que les forces de sécurité intérieure, avec lesquelles ils opèrent désormais.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Nous serons très attentifs sur ce point.
Troisième question : disposons-nous de moyens suffisants ?
« À mission nouvelle, moyens nouveaux ». Ces mots du chef d’état-major des armées, nous les faisons nôtres. Une mission de l’ampleur de Sentinelle implique, bien sûr, la mobilisation de moyens en conséquence. Il est tout à fait évident aux yeux des Français, dont la sécurité est, après le chômage, la deuxième préoccupation prioritaire, que le budget de la défense doit remonter en puissance après des années de décrue, afin de prendre en compte la menace terroriste, laquelle puise ses racines à l’extérieur pour venir frapper à l’intérieur.
C’est d’ailleurs une prescription que nous nous sommes donnée à nous-mêmes, lors du sommet des chefs d’État à Newport en 2014, où a été affirmé l’objectif de consacrer 2 % du produit intérieur brut à la défense. Cet objectif doit bien sûr s’imposer aujourd’hui à tous ceux qui se préparent à diriger notre pays à l’avenir. L’intensité de l’effort demandé à nos armées doit avoir, pour contrepartie, l’assurance que les ressources nécessaires seront disponibles. C’est une question d’éthique politique et de responsabilité.
Des déclarations solennelles ont été faites. Le Président de la République, le 16 novembre dernier, à Versailles, devant le Parlement réuni en Congrès, a annoncé expressément qu’il n’y aurait « aucune diminution d’effectifs dans la défense jusqu’en 2019 ». Vous-même, monsieur le ministre, le 27 novembre, dans cet hémicycle, vous avez indiqué que « 10 000 postes supplémentaires à l’horizon 2017, 2018 et 2019 […] seront sauvegardés en application de la décision du Président de la République ».
Encore faut-il que ces décisions soient gravées dans le marbre de la programmation militaire, qui se décline chaque année en loi de finances et confère des moyens à nos forces armées. Il s’agit donc, mes chers collègues, d’enclencher la deuxième vague, logique et attendue, de la remontée en puissance, après l’étape, franchie en juillet dernier, de la première actualisation de la loi de programmation militaire.
Il pourrait en effet se révéler aventureux de laisser le dernier mot en la matière à la loi de programmation des finances publiques, l’autre document budgétaire pluriannuel, dont nous attendons le projet à l’automne. Nous le savons, celui-ci est rédigé de l’autre côté de la Seine !
D’après les évaluations de la commission, le gel des réductions d’effectifs représente 600 millions d’euros de masse salariale sur la durée de la programmation en coût complet, 700 millions d’euros avec le fonctionnement et l’investissement. S’y ajoute le surcoût budgétaire annuel de Sentinelle, qui était de 170 millions d’euros en 2015.
À cet égard, le rapport dont nous débattons se révèle peu rassurant.
Tout d’abord, ce document rappelle que la couverture des surcoûts entraînés en 2015 par Sentinelle a été intégralement assurée par la voie d’un décret d’avance. Dont acte.
Ensuite, il se borne à exposer que « ce traitement budgétaire accordé en 2015 […] devra être reconduit lors des exercices budgétaires à venir. À défaut, la prise en charge de ces surcoûts […] induirait des redéploiements de ressources budgétaires en cours de gestion générant principalement un effet d’éviction sur les dépenses d’entretien programmé des matériels, alors que l’accroissement de [ces dépenses] constitue un objectif majeur au service de l’amélioration de la disponibilité des parcs de matériels, lourdement sollicités en opérations extérieures ».
Une telle incertitude pour l’avenir, un si faible engagement du Gouvernement dans ce rapport ne constituent pas, à nos yeux, de bonnes nouvelles ni, d’un point de vue politique, pour notre Assemblée ni, d’un point de vue opérationnel, pour les armées. Monsieur le ministre, vous avez compris que nous nous battons pour votre cause, mais que nous voulons des assurances sur ce sujet.
Lors de l’examen de la loi de programmation militaire, le Sénat voulait mutualiser les surcoûts liés aux missions intérieures, comme pour les opérations extérieures. Cette disposition n’a pas franchi l’étape de la commission mixte paritaire. Il paraît maintenant urgent de relancer cette réflexion.
Personne ne sera donc surpris que je suggère, en conclusion, que le Sénat donne cet après-midi au ministre de la défense un mandat de suite, comportant deux objectifs.
Premièrement, actualiser les tableaux de plafond d’emplois et les tableaux de ressources financières de la loi de programmation militaire, afin d’y intégrer les annonces du Président de la République du 16 novembre dernier, et cela avant la loi de programmation des finances publiques. La menace est claire : cette dernière pourrait précéder la décision !
Deuxièmement, introduire un système de mutualisation du surcoût des opérations intérieures, comme c’est déjà le cas pour les OPEX.
Le sujet n’est pas annexe. Faute de consolider la trajectoire financière, la défense serait dans l’impasse à l’heure des lourds investissements programmés à partir de 2018. L’industrie de défense représente quelque 165 000 emplois, des milliers de PME et des technologies de pointe dans nos territoires. Nous voyons combien ces efforts sont nécessaires. Monsieur le ministre, nous sommes heureux d’avoir eu ce débat et d’entendre vos réponses à nos interrogations.
Nous avons conscience que le pays mérite des efforts pour sa défense et que la sécurité des Français l’exige. C’est pour cela que nous élevons un peu le ton : nous menons une bataille commune, celle de la sécurité des Français et de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez exprimé dans ce débat l’attention que la Nation porte à nos armées, mais aussi son soutien dans cette période de fortes sollicitations et la fierté que nous tirons collectivement de l’engagement de nos soldats.
Vous avez également – je pense à Mme Michelle Demessine, mais aussi à d’autres orateurs – insisté sur la nécessité d’être extrêmement vigilant sur les conditions d’hébergement et de vie quotidienne de nos forces déployées très rapidement dans le cadre de l’opération Sentinelle.
Je tiens à vous remercier de la qualité de vos propos et de l’appui que vous apportez à nos forces armées. Je vous remercie également de votre soutien à mon action, répété par les uns et par les autres au-delà des clivages politiques.
Je crois avoir déjà évoqué la plupart des sujets qui ont été abordés, et je reviendrai donc simplement sur deux ou trois points, en réponse à certaines interpellations qui m’ont été adressées.
J’assume complètement la « menace militarisée ». Cette expression, qui n’est pas neutre, explique en partie la mobilisation encore plus forte qu’auparavant de nos forces armées pour assurer la protection intérieure.
De fait, la menace s’est militarisée. Je crois avoir été le premier à parler d’« armée terroriste » au sujet de Daech. Cette expression dit bien la dimension territoriale et la volonté d’élargir le califat en se projetant à l’extérieur, y compris d’ailleurs en Libye, qui anime cette organisation. Nous sommes confrontés à une armée terroriste.
Permettez-moi à ce sujet de suggérer à M. Jacques Gautier, dont j’apprécie toujours la tonicité, bien que parfois elle m’interpelle, la lecture intégrale du dernier ouvrage de M. Pierre Servent, un expert assez connu de la chose militaire. Cette suggestion de lecture ne s’adresse d’ailleurs pas qu’à lui ! Je précise que la publicité que je vais faire pour ce livre n’engage que moi. Son seul titre, Extension du domaine de la guerre, est assez révélateur, le mot « domaine » étant pris ici dans son sens aussi bien numérique que territorial.
Monsieur Gautier, vous vous demandez si nous sommes en guerre ou non, en soulignant que la guerre n’est pas visible sur le territoire comme elle l’était auparavant. Je cite l’introduction de l’ouvrage de M. Servent, en miroir de votre interpellation : « [Les guerres] n’obéissent plus aux partitions classiques d’hier : État contre État, armée contre armée, étendard contre étendard. Elles sont baroques, dodécaphoniques et en perpétuelles transformations. » Il nous faut changer ensemble notre logiciel sur la guerre.
En réponse au terrorisme militarisé, pour que nos armées soient en mesure d’assumer ce nouveau domaine de la guerre, nous devons changer de logiciel et nous donner d’autres priorités.
Cela suppose sans doute une mutation culturelle assez considérable de notre part et de la part de l’ensemble des acteurs, y compris des militaires, mais je crois que les priorités que nous nous sommes fixées, y compris celles que j’affichai aujourd’hui dans mes propos et celles qui figurent dans le rapport sur l’emploi des forces armées sur le territoire, correspondent à peut-être ce début de réflexion.
Je vous le concède, mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouveau domaine de la guerre ne concerne pas uniquement le territoire national ; les événements que nous venons de vivre en Côte d’Ivoire en participent.
Vous avez raison, changer de logiciel et de priorités suppose également, et nous le faisons, de renforcer le renseignement, de le rendre plus fluide, plus opérationnel, plus interactif entre les différents acteurs, et de faire en sorte que les personnels engagés dans l’opération Sentinelle contribuent à la politique et à l’action du renseignement.
Il nous faut pour cela renforcer les forces spéciales, la préparation opérationnelle et la prévention. L’ambition que nous donnons aux forces armées sur le territoire national est animée par cette volonté. Les forces armées ne peuvent en aucun cas être des supplétifs, et je partage volontiers les propos de M. Raffarin soulignant combien il est nécessaire que le potentiel de nos armées soit suffisamment exploité.
Les choses ont déjà beaucoup bougé. Nous ne sommes plus aujourd’hui dans la situation du mois de novembre 2015, eu égard notamment à la bonne utilisation de l’agilité de nos forces et de l’effet de surprise. Les compétences de nos armées sont mises en œuvre dans le cadre du respect de la loi et de la Constitution, en lien étroit avec le ministère de l’intérieur et dans le cadre d’une interopérabilité renforcée.
Nous avons beaucoup progressé, parce qu’il y avait une urgence et qu’il fallait prendre la situation telle qu’elle était. Une mutation s’opère progressivement dans le respect des textes et dans une collaboration extrêmement étroite, je le dis pour l’ensemble des sénateurs, entre le ministre de l’intérieur et moi-même pour la mise en œuvre de cette nouvelle logique de protection du territoire.
Certains l’ont rappelé avec force et ils ont eu raison, il ne s’agira en aucun cas de faire de nos forces armées des supplétifs d’autres forces sur le territoire national. Les évolutions qui sont déjà engagées en la matière permettront d’assurer notre sécurité dans la durée.
Cela m’amène à répondre à la question de Mme Leila Aïchi, qui me demandait : jusqu’à quand ? Eh bien, jusqu’à longtemps ! Étant donné que nous sommes confrontés à un nouveau domaine de la guerre, je ne sais pas si cette situation aura une fin. Nous devons faire face à une nouvelle donne, et il faut y répondre le mieux possible, avec cohérence et dans le dialogue. Ce débat, que vous avez souhaité, nous permet ainsi de progresser.
Concernant le cadre juridique, M. Raffarin et d’autres sont intervenus sur ce point, et je tiens à ce que les choses soient très claires : nous sommes pour le respect de la légitime défense comme référence juridique sur le territoire intérieur de nos forces. Nous y intégrons le concept de « périple meurtrier », qui a été voté par l’Assemblée nationale et qui sera débattu demain dans cet hémicycle, afin que les forces armées aient à cet égard les mêmes capacités d’action et d’intervention que les forces de police ou de gendarmerie. Il s’agit donc d’une extension du droit de légitime défense.
Je souhaite également répondre à M. Gilbert Roger et à d’autres orateurs sur la question de la préparation opérationnelle de nos forces. Y a-t-il eu une diminution de la préparation opérationnelle de nos forces terrestres, qui sont les principales concernées par la nouvelle logique de protection du territoire déployée au cours de l’année 2015 ? Oui, bien sûr ! Et le contraire eût été stupéfiant, puisque nos forces terrestres ont été mobilisées par l’opération Sentinelle dès janvier 2015, puis remobilisées en novembre au maximum de la capacité indiquée dans le contrat opérationnel.
L’activité de préparation opérationnelle de l’armée de terre est tombée à 64 jours, au lieu des 90 prévus, mais face aux événements que vous connaissez, il était d’une certaine manière logique qu’il en soit ainsi.
Nous sommes en phase de recrutement, certains d’entre vous l’ont rappelé, puisque quelque 11 000 militaires supplémentaires seront recrutés pour renforcer la force opérationnelle terrestre en 2015-2016, et plus de 10 000 en 2017-2019. Nous pouvons donc alléger le dispositif Sentinelle, en particulier les rotations, et accroître progressivement le nombre de jours consacrés à la préparation opérationnelle. En augmentation dès 2016, celui-ci sera porté à 83 en 2017 et à 85 en 2018, afin d’atteindre de nouveau l’objectif de 90 jours.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous apporter un élément de précision concernant l’action de préparation opérationnelle des forces en OPEX ou sur le territoire national. L’opération Sentinelle prévoit des préparations sur les actions de présence d’unité. Dans les périodes creuses, l’état-major de l’armée de terre propose également sur le territoire national, par exemple en région parisienne, des créneaux de formation et de maintien en condition opérationnelle, des actions de préparation au tir ou encore l’utilisation de simulateurs de chars Leclerc.
Le cycle de présence Sentinelle est désormais intégré dans les préparatifs et dans les scénarios d’emploi et d’activité de nos forces, en particulier terrestres, afin d’éviter une partie des inconvénients ou des carences que certains d’entre vous ont pointés.
Par ailleurs, il m’a été demandé si des moyens avaient été engagés en vue de l’acquisition des nouveaux matériels nécessaires pour la protection intérieure du territoire. Je répète que le développement d’une protection intérieure renforcée nécessite l’acquisition de matériels supplémentaires, notamment des véhicules légers.
Nous allons commander 16 000 armes d’infanterie du futur, qui seront mises à la disposition des réserves renforcées et des nouveaux personnels affectés à l’opération Sentinelle dans le cadre des recrutements que j’ai indiqués tout à l’heure ; s’y ajoute une action particulièrement forte de renforcement de l’entretien programmé des matériels. Comme je l’ai annoncé à l’occasion de l’actualisation de la loi de programmation militaire, il s’agit de l’une de mes priorités, et l’action sera poursuivie dans ce sens.
MM. de Legge et Raffarin m’ont interrogé sur le financement. Je répète que, en 2015, la dépense supplémentaire entraînée par l’opération Sentinelle s’est élevée à 171 millions d’euros et que cette opération intérieure a été traitée de la même manière qu’une OPEX classique. Je l’avais annoncé lors des débats budgétaires, et cet engagement a été tenu.
Ce surcoût de 171 millions d’euros se décompose en 52 millions d’euros de dépenses salariales et 119 millions d’euros de dépenses hors titre II. Cet effort sera poursuivi, et les opérations intérieures connaîtront le même sort positif que les opérations extérieures en fin d’année.
L’autre question, posée à la fois par M. de Legge et par M. Raffarin, concerne la pérennité de l’effort financier sur la durée, c'est-à-dire, en quelque sorte, l’actualisation de l’actualisation !
Le Président de la République a annoncé la création de 10 000 postes sur la période 2017-2019 – puisqu’il y en a 10 000 en moins, 10 000 seront maintenus. Cette perspective triennale de la loi de programmation militaire sera soumise à l’examen du Parlement avant la fin de cette année, même si je ne sais pas encore sous quelle forme. Je précise que cette perspective triennale est indépendante du triennal budgétaire, puisqu’il s’agit de l’adaptation de la loi de programmation militaire à des décisions prises par le Président de la République et qu’elle sera appliquée même si la forme n’en est pas encore définitivement arrêtée.
Je voudrais conclure mon propos en revenant sur la question des réserves, sur laquelle M. Perrin, notamment, a insisté. Lors des premières assises de la réserve qui ont eu lieu il y a quelques jours, j’ai redit que mon objectif était d’atteindre les 40 000 réservistes en 2019.
Nous constatons déjà un progrès en 2016, mais l’atteinte de cet objectif suppose de rendre la réserve plus attractive, d’y consacrer des moyens financiers plus importants – quelque 100 millions d’euros annuels y seront désormais dédiés, contre 75 millions d’euros au cours de la période précédente –, d’inciter les entreprises à contracter avec le ministère de la défense pour faciliter l’accès des réservistes à des périodes de réserve, et d’augmenter les périodes dans la mesure du possible, pour passer d’une moyenne de vingt jours à une moyenne de trente jours.
Pour répondre à la préoccupation exprimée par MM. Bockel et Roger en particulier, nous travaillons également dans le sens d’une plus grande territorialisation des réserves. Les réserves « nouvelles formules » pourront ainsi être le creuset d’une garde nationale qui serait l’aboutissement de cette évolution, mais celle-ci ne peut se faire que progressivement.
Nous observons déjà des résultats dès 2016, et je suis certain que nous atteindrons l’objectif grâce à la mobilisation de tous, à la communication sur la facilité de devenir réserviste et sur l’attractivité de cette mission, ainsi qu’à la mobilisation de l’intérieur.
Je précise que le même officier général assurera la fonction d’organisation des réserves et celle de responsabilité de la force opérationnelle terrestre, ce qui montre bien l’impulsion que nous souhaitons donner à la territorialisation de la réserve.
La réserve fait l’objet d’une mobilisation très forte, dont les résultats nous permettront d’alléger progressivement certaines contraintes. Nos militaires ont en effet été extrêmement mobilisés en 2015 et ils le seront de manière très significative jusqu’à l’été 2016 dans le cadre de l’opération Sentinelle. Ensuite, les recrutements nouveaux qui sont engagés, ajoutés à la montée en puissance de la réserve permettront d’aboutir à une situation plus stable, tout en maintenant le principe en vertu duquel nos forces armées sont parties prenantes de la protection intérieure du territoire.
C’est la première fois dans l’histoire de la République que nous avons un débat sur l’emploi des forces armées sur le territoire national, me semble-t-il. Ce n’est pourtant pas la première fois que la mission de protection du territoire est confiée à nos armées, puisque c’était prévu par la loi de 2008, ainsi que par la loi de 2013 et dans les lois de programmation militaire précédentes, du fait de ce qu’on appelait alors la défense opérationnelle du territoire.
C’est en quelque sorte une nouvelle forme de défense opérationnelle du territoire qu’il nous appartient de mettre en œuvre désormais. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le rapport au Parlement relatif aux conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.