M. Jean-François Husson. Très juste !
Mme Patricia Morhet-Richaud. Je reste convaincue que nous devons faire confiance aux territoires, sans ajouter de nouvelles normes, sans complexifier toujours plus les procédures. Nous devons faire confiance aux élus locaux, mais aussi aux agriculteurs, qui doivent pouvoir répondre plus facilement aux cahiers des charges des marchés publics de la restauration collective.
Dans cet esprit, je voterai ce texte, sous réserve que certains amendements y soient apportés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans le contexte difficile que connaissent nombre de nos filières agricoles, la proposition de loi dont Joël Labbé est le rapporteur est bienvenue. Je tiens à saluer ici le travail de notre collègue et l’engagement sincère qui l’anime.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Franck Montaugé. L’analyse des échanges que nous avons eus en commission des affaires économiques devrait nous inciter, mes chers collègues, à nous abstenir de faire de cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, un enjeu politicien.
N’opposons pas les différentes formes de production, de transformation et de commercialisation de nos produits agricoles. Agricultures biologique, raisonnée et conventionnelle sont non pas opposées, mais complémentaires. Cette diversité, pour autant que nous puissions la préserver – ce que je souhaite –, est une chance pour la France !
L’agriculture industrielle s’inscrit elle-même dans une perspective de qualité croissante de la production et de compétitivité accrue. Elle ne doit pas être opposée à l’agriculture des circuits courts. Sa contribution au commerce extérieur de notre pays est importante. Elle représente une chance et nous devons avoir aussi le souci de son développement.
Dans le cadre des règles communes et des interprétations licites du code des marchés publics, notamment en matière d’alimentation dite « durable », tous les types de production permettent donc de répondre à la demande. Le texte qui nous est proposé ne remet aucunement en question ce point important.
S’agissant plus particulièrement des productions locales organisées en circuits courts, les expériences réussies, quand bien même elles sont susceptibles d’améliorations permanentes, prouvent que, dans un cadre organisationnel pensé dans le souci d’un développement plus durable, qualités sanitaire et gustative à coûts maîtrisés, voire dans certains cas à moindres coûts, sont possibles.
Plateformes départementales de type Agrilocal, comme dans la Drôme et le Puy-de-Dôme, préservation d’outils d’abattage locaux, comme dans le Gers, afin de favoriser la commercialisation en circuits courts de viandes locales de haute qualité pour la restauration collective : nombreux sont les exemples démontrant que l’ancrage territorial de l’alimentation permet de conjuguer performances économique, sociale et environnementale, et que l’agroécologie a toute sa place dans l’économie rurale française.
Les groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, issus de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – il s’en est créé près de 250 en un an –, montrent également que c’est par l’organisation collective que les défis de la qualité, de la performance et de la régularité de production peuvent être relevés.
Qui plus est, les actuels plans régionaux d’agriculture durable, que le présent texte tend à transformer en plans régionaux d’agriculture et d’alimentation durables, permettront d’associer, sous l’égide des régions, l’ensemble des acteurs des filières et leurs représentants, les chambres d’agriculture pouvant jouer, avec les donneurs d’ordre publics, un rôle moteur.
Pour cerner mieux encore l’impact positif de ce texte, je crois utile d’évoquer l’enjeu d’avenir que constitue notre capacité nationale à répondre, sur ce segment de l’alimentation durable, aux attentes et besoins croissants des consommateurs, à côté de la restauration publique collective.
Par effet de levier, les progrès d’organisation permis par ce texte faciliteront aussi l’accès aux marchés de grande consommation trouvant leurs débouchés dans la grande et la moyenne distribution. Ne prenons pas de retard sur ce sujet !
L’enjeu est stratégique, et certains pays européens l’ont bien compris qui, par une politique d’exportation offensive, sont en train de prendre pied dans nos propres réseaux de distribution. Notre commerce extérieur est aussi affecté : il y va de notre compétitivité agricole globale.
La crise de l’agriculture française pose également, on le sait, la question centrale de la juste répartition de la création de valeur, de l’amont à l’aval, du paysan au consommateur. Par ses dispositions incitatives, la proposition de loi qui nous est soumise tend à permettre une meilleure maîtrise de la chaîne de valeur par le producteur ou l’organisation de producteurs, sur le territoire même de production.
En approuvant ce texte, nous donnerons à l’une des composantes de l’agriculture française et à ses producteurs le soutien qu’ils méritent, en même temps que nous contribuerons au renforcement de l’économie, souvent fragile, de territoires ruraux en difficulté, en particulier ceux où se pratique la polyculture-élevage.
Pour ces raisons, nous soutiendrons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Il convient de noter, me semble-t-il, l’existence d’un large consensus sur la nécessité de favoriser l’ancrage territorial en matière alimentaire : l’ensemble des orateurs, quel que soit le groupe politique auquel ils appartiennent, se sont exprimés en ce sens.
Au-delà de la loi, il faut bien sûr considérer les conditions dans lesquelles celle-ci s’applique. À cet égard, comme je l’ai mentionné dans mon propos liminaire, il est indispensable de pouvoir s’appuyer sur des plans alimentaires territoriaux – régionaux ou locaux – structurant l’offre agricole, sa transformation et sa distribution.
J’ai pu moi-même le constater dans ma région. Par exemple, quand on veut faire passer un hôpital, où des centaines de repas sont servis chaque jour, à un approvisionnement local, il faut également se préoccuper de la régularité de celui-ci, en termes de qualité et de quantité. Pour cela, une structuration est nécessaire, ce qui suppose la participation à la définition des objectifs et à l’organisation des plans alimentaires territoriaux de l’ensemble des partenaires, d’où l’intégration, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, des chambres d’agriculture.
La divergence porte non pas sur l’objectif de 40 % de produits locaux et de qualité, mais sur celui de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique.
J’observe que, à l’Assemblée nationale, le débat sur ce sujet a débouché sur un vote à l’unanimité.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Atteindre cet objectif suppose, bien évidemment, des efforts. Ceux que j’évoquais, s’agissant de la structuration de l’offre et de l’organisation de la distribution locale, valent autant pour l’agriculture conventionnelle, l’agriculture raisonnée, l’agroécologie ou la permaculture que pour l’agriculture biologique.
Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, il avait été fixé pour objectifs que, à terme, 20 % de la surface agricole utile soit consacrée à l’agriculture biologique et 20 % des approvisionnements de la restauration collective des administrations de l’État soient issus de l’agriculture biologique, mais ces objectifs sont bien loin d’être atteints, faute de structuration et d’organisation.
Lorsque j’ai présenté le plan Ambition bio 2017, nous l’avons assorti d’un doublement du budget consacré à la filière bio. Je tiens à le rappeler à l’adresse des représentants de certaines fédérations qui dénoncent dans la presse une insuffisance de moyens : ce budget est passé de 90 millions d’euros à 180 millions d’euros. Du fait de la multiplication des conversions à l’agriculture biologique, cela n’a d’ailleurs pas suffi ! Ce succès nous amène aujourd'hui à envisager d’aller plus loin encore.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans le même temps, j’ai toujours été sensible à la question de l’organisation de la filière de l’agriculture biologique. Il ne s’agit pas simplement de produire ; il faut aussi transformer et assurer la commercialisation. C’est pourquoi l’Agence bio a été dotée de 4 millions d’euros par an, pour assurer la structuration et l’organisation de la filière.
Tout comme l’agriculture conventionnelle, l’agriculture raisonnée ou l’agroécologie, l’agriculture biologique a besoin d’organisation. Or c’est en inscrivant dans la loi des objectifs ambitieux que nous permettrons aux acteurs de s’organiser.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est pourquoi je préférerais que le Sénat puisse confirmer le vote unanime de l’Assemblée nationale, puisqu’il n’y a pas de divergences sur l’objectif, tout en apportant au texte des corrections. Je souhaite que nous puissions aboutir au consensus le plus large, y compris sur l’objectif concernant l’agriculture biologique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation
Article additionnel avant l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par MM. Le Scouarnec, Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 9° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« 9° D'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, notamment par des actions en faveur du maintien des abattoirs à proximité des élevages ; de favoriser la diversité des produits et le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ; ».
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Dans la chaîne des coûts de l’étable à la table, l’abattoir est un maillon intermédiaire indispensable. Ce maillon a la particularité d’avoir été de tout temps encadré par la puissance publique, dès le début du XIXe siècle. Les abattoirs municipaux sont ainsi nés à Paris par décret impérial du 9 février 1810.
Aujourd’hui, les abattoirs ont acquis de nouvelles fonctions.
D’abord, ils sont le moyen, pour une collectivité, de faciliter l’implantation d’entreprises. En pratique, il s’agit le plus souvent de maintenir des entreprises, soit parce qu’elles sont source d’emplois, en particulier en milieu rural, soit parce qu’elles sont fournisseurs des collectivités locales, notamment pour la restauration collective.
Ensuite, ils sont le support indispensable de la boucherie traditionnelle, qui achète ses animaux sur pied et affiche l’origine locale de la viande. En ce sens, ils sont un maillon de la traçabilité de l’origine des viandes de qualité commercialisées sous label ou appellation, dont la viande bio.
Enfin, ils sont un appui indispensable aux circuits courts de vente directe de viande par les agriculteurs. Pour ces éleveurs qui transportent leurs animaux à l’abattoir avec les moyens de la ferme, la proximité de celui-ci est une nécessité impérative. Le développement des circuits courts est aussi favorable à la création d’un emploi complémentaire sur une exploitation et conforte l’objectif d’installation de davantage de jeunes agriculteurs.
C’est pourquoi l’argument de l’opposabilité du droit européen de la concurrence et de la directive « Services » n’est pas recevable à nos yeux. Nous savons qu’il y a aujourd’hui des possibilités de déroger au droit de la concurrence au vu du caractère d’intérêt général de l’activité économique considérée. La reconnaissance explicite de ce caractère d’intérêt général de l’activité d’abattage est un impératif si l’on veut remédier au déséquilibre géographique actuel, certaines régions étant dépourvues d’abattoirs tandis qu’ils sont peut-être trop nombreux dans d’autres, si l’on veut favoriser les filières courtes, qui sont fortement dépendantes de la proximité de tels outils.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joël Labbé, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il ressort des auditions que nous avons menées que l’une des clés de l’ancrage territorial de l’alimentation réside dans le maintien, la création ou la recréation d’équipements de proximité – légumeries, abattoirs, ateliers de transformation –, pour assurer la transformation des produits avant leur commercialisation.
Cet amendement vise spécifiquement les abattoirs. Pourquoi pas ? On pourrait étendre le champ de son dispositif à l’ensemble des équipements de proximité.
La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je serai extrêmement clair : cet amendement n’a pas sa place dans la discussion d’un texte portant sur l’alimentation.
Par ailleurs, plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont évoqué les mails qu’ils reçoivent ; pour ma part, je ne parlerai pas des insultes que j’ai reçues après la diffusion, par une certaine association, d’images sur le traitement réservé aux animaux dans certains petits abattoirs. Or multiplier les abattoirs sur le territoire implique de multiplier, parallèlement, les contrôles visant à assurer le bien-être des animaux. En tant que ministre, je ne puis accepter que l’on demande à l’État de favoriser le maintien ou la création d’outils d’abattage sans que celui-ci soit en mesure d’assurer partout le bien-être animal et le respect des normes en matière d’abattage.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je suis clairement et fermement opposé à l’adoption de cet amendement dans le cadre de l’examen du présent texte. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je suis d’accord avec le ministre. J’ajouterai que le maintien ou la création d’un abattoir ne se décrète pas. (M. le ministre approuve.) C’est un outil de service qui, pour fonctionner, a besoin de clients solvables. Pour en avoir sauvé un dans ma commune, je puis vous dire que c’est difficile, y compris sur le plan sanitaire. Certes, plus il y aura d’abattoirs, mieux ce sera, mais même si le ministre se déclarait aujourd’hui partisan d’en installer un ou deux de plus dans chaque département, encore faudrait-il que ces outils puissent fonctionner dans des conditions économiques acceptables. En effet, dans la filière viande, tout le monde souffre, et même les abatteurs ne font pas forcément fortune ! Si un petit abattoir pratique des tarifs doubles de ceux d’un abattoir plus important situé quelques kilomètres plus loin, il ne sera pas compétitif.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je partage la position de mon collègue Michel Raison et j’approuve les arguments du ministre.
L’idée est peut-être bonne, mais on ne peut pas d’un côté poser l’exigence de la sécurité sanitaire des produits alimentaires, y compris pour l’approvisionnement de proximité, et de l’autre favoriser le maintien ou la création de petits abattoirs sans avoir les moyens de s’assurer du respect des normes sanitaires, sans même parler du bien-être animal.
L’adoption de cet amendement reviendrait à créer un précédent, au-delà du seul secteur de l’abattage : le dispositif pourrait également concerner le conditionnement des fruits et légumes, les productions fromagères, etc. On peut tout imaginer ! Même si l’idée peut paraître séduisante, on ne peut faire abstraction des exigences économiques et sanitaires. On risquerait sinon de mettre en péril la reconquête des marchés locaux, surtout dans le domaine de la restauration hors domicile, en détériorant l’image de l’approvisionnement de proximité, au rebours de l’objectif visé au travers du texte.
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Je soutiens moi aussi la position du ministre.
La France compte de nombreux abattoirs maintenus plus ou moins artificiellement en vie, au nom de la proximité, alors que leur rentabilité n’est pas assurée.
On demande aux collectivités locales – communes, départements ou régions – de financer des abattoirs de proximité qui, faute d’une production suffisante ou de respect des normes sanitaires, ne sont pas viables. Il est parfois chimérique de vouloir maintenir de tels outils de proximité, dans une activité qui exige autant de compétence et se trouve soumise à des règles de sécurité aussi strictes. Je ne dis pas que cet amendement est démagogique ; je dis qu’il n’est pas réaliste et qu’il ne répond pas aux exigences de traçabilité, d’efficacité, de sécurité des consommateurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je soutiens cet amendement, qui a d’ailleurs reçu un avis favorable de la commission.
Bien évidemment, le bien-être animal et les aspects économiques doivent être pris en compte. Nous demandons non pas que l’on instaure une obligation d’implanter partout des abattoirs qui ne seraient pas rentables et ne respecteraient pas les normes sanitaires, mais que l’on favorise l’ancrage territorial de l’alimentation, dans une logique de circuits courts. Or le respect de cette logique suppose l’existence d’abattoirs de proximité.
Notre collègue Michel Raison nous expliquait avoir sauvé un abattoir dans sa commune ; pour ma part, je n’ai pas eu la même chance lorsque j’ai soutenu le maintien d’un abattoir dans une commune de montagne de mon département. Or, pour qu’une viande puisse bénéficier du label « produit de montagne », les bêtes ne doivent pas avoir parcouru plus d’un certain nombre de kilomètres pour rejoindre l’abattoir, même si elles ont grandi dans nos alpages. De fait, les abattoirs de proximité répondent à cette exigence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. J’entends les arguments du ministre, mais nous avons tous en tête des exemples d’expériences territoriales ayant conduit au sauvetage et à la poursuite d’activité de certains abattoirs de proximité de petite taille, notamment dans le cadre d’organisations collectives auxquelles l’État peut d’ailleurs être partie prenante.
Ainsi, dans mon territoire, toutes les collectivités se sont associées à la mise en place d’un pôle d’excellence rurale. Les éleveurs locaux se sont constitués en association et sont entrés au capital de la société d’exploitation de l’abattoir, parce qu’un tel outil est de nature à contribuer à la valorisation de leur production.
Le présent amendement n’impose aucune obligation (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.) : il vise simplement à inciter au maintien des abattoirs locaux de petite taille. C’est dans cet esprit que je le soutiens.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Ce matin, en commission, j’ai voté cet amendement. Depuis des décennies, on voit disparaître les abattoirs de proximité ; il ne faudrait pas que ce mouvement se poursuive, même si la fermeture de certains outils était bien sûr nécessaire. Si l’on ne favorise pas le maintien des abattoirs de proximité restants, il sera difficile d’atteindre les objectifs affichés par le texte.
Par exemple, le maire de Lons-le-Saunier nous a expliqué que si les 1,2 million de repas servis annuellement par son restaurant municipal étaient préparés à base de produits issus de circuits courts, c’était en particulier grâce au maintien d’un abattoir de proximité où sont tués chaque année quelque 300 bovins. Dans le même esprit, toujours en Franche-Comté, le maintien de l’abattoir de Valdahon est indispensable pour la production de la saucisse de Morteau
Même si je comprends la position de M. le ministre, surtout au regard de l’actualité de ces derniers jours, je voterai cet amendement, qui vise simplement au maintien des abattoirs de proximité, et non à leur développement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Il ne faut pas généraliser : il n’y a pas d’un côté de petits abattoirs qui travailleraient très mal et, de l’autre, de grands abattoirs qui seraient exemplaires. Il faut étudier les situations au cas par cas. Parfois, le maintien d’un petit abattoir de proximité peut être utile, et même indispensable, pour soutenir l’économie locale, éviter le transport d’animaux sur de très longues distances et assurer le respect des critères d’obtention des labels locaux.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Joël Labbé, rapporteur. Monsieur le ministre, je comprends votre position : il est très désagréable d’être ainsi pointé du doigt et accusé de tous les maux du monde. Néanmoins, nous avons besoin d’outils de proximité pour favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation. Il faudra bien que les moyens de contrôle et de suivi nécessaires soient mis en œuvre, comme c’était le cas auparavant : les services vétérinaires, au temps de leur splendeur, disposaient véritablement des moyens d’exercer leur mission de contrôle. Il faudra bien y revenir si l’on veut garantir la qualité des produits.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le rapporteur, monsieur le sénateur Bailly, il est certes préférable que les abattoirs se trouvent au plus près des élevages. Il est facile de dire qu’il faut des abattoirs partout (Protestations sur les travées du groupe CRC.),…
Mme Annie David. Ce n’est pas ce que nous demandons !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … mais, pour les contrôler, il faut dimensionner les services vétérinaires en conséquence alors que, dans le même temps, pour développer l’agriculture bio, il faut doubler le budget consacré à cette filière, et au-delà !
Évidemment, si tout le monde est d’accord pour considérer que la dépense publique peut être augmentée dans tous les domaines (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC.), on peut tout envisager… Et encore, proximité n’est pas toujours synonyme d’efficacité !
J’ajoute, monsieur Le Scouarnec, que, si une région ne manque pas d’abattoirs de proximité, c’est bien la Bretagne !
Mmes Annie David et Cécile Cukierman. M. Le Scouarnec ne défend pas que la Bretagne !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je le répète, ce sujet n’a pas sa place dans un débat sur l’alimentation. Je maintiens fermement ma position : oui, il faut des abattoirs ; oui, il faut pouvoir les contrôler ; oui, ils doivent respecter toutes les normes sanitaires et de bien-être animal, ce qui suppose que l’on soit capable de les contrôler. Nous devons assumer cette dernière nécessité, sans nous borner à prôner la généralisation de l’abattage de proximité.
Mme Annie David. C’est incroyable !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Ce matin, après débat, la commission a adopté l’amendement de M. Le Scouarnec.
Monsieur le ministre, en vous écoutant, j’ai d’abord été près de me laisser convaincre, mais tel n’est plus du tout le cas : contrairement à ce que vous dites, il ne s’agit de généraliser les abattoirs de proximité, d’en installer partout !
M. Jean-François Husson. Bien sûr, nous voulons juste leur maintien !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Je vous invite à relire le texte de l’amendement : il s’agit seulement de favoriser le maintien des abattoirs existants, avec les moyens de l’État à leur niveau actuel, sauf à ce que vos propos signifient que ces derniers sont insuffisants pour assurer les contrôles. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
À mon sens, nous pouvons tous nous retrouver, mes chers collègues, pour adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Sur le principe, j’entends les arguments de M. le ministre, mais la rédaction de l’amendement n° 6 vise bien le maintien des abattoirs de proximité, et non pas la création de nouvelles structures.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Yannick Vaugrenard. Il pourra d’ailleurs arriver que le maintien de certains abattoirs ne soit pas opportun compte tenu de la conjoncture économique. Il me semble que, dans ce cas, le bon sens l’emportera : c’est une question d’aménagement intelligent du territoire.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, alors que nous dénonçons souvent la multiplication des normes, l’excès de réglementations, l’inflation législative, le caractère « bavard » de la loi, nous nous apprêtons à en rajouter… Nous sommes quelquefois contradictoires dans nos prises de position ! En tout état de cause, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. L’implantation actuelle des abattoirs est souvent liée à des considérations locales. Comment comprendre que l’agglomération toulousaine, qui compte un million d’habitants, n’ait pas d’abattoir ? Comment expliquer l’existence d’un abattoir ovin dans l’arrière-pays niçois, qui ne doit d’ailleurs plus être aux normes, d’un autre à Sisteron et d’un troisième du côté de Dijon ? Il n’est pas possible de mettre en place des circuits courts dans ces conditions !
Nous devons trouver des solutions, par exemple en créant des abattoirs qui ne fonctionneraient qu’un ou deux jours par semaine. Cela permettrait de répondre à nombre de besoins à des coûts acceptables.
Je comprends la position de M. le ministre, mais je voterai l’amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
Article 1er
Après l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 230-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 230-5-1. – Dans le respect des objectifs de la politique de l’alimentation définie à l’article L. 1, au plus tard le 1er janvier 2020, l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics incluent dans la composition des repas servis dans les restaurants collectifs dont ils ont la charge 40 % de produits relevant de l’alimentation durable, c’est-à-dire des produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine ou sous mentions valorisantes, définis à l’article L. 640-2, ou issus d’approvisionnements en circuits courts ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits. Une proportion de produits correspondant aux capacités de production locale est issue de l’agriculture biologique. »