Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, sur l’article.
M. Michel Raison. Je suis évidemment favorable au développement de la vente directe de produits agricoles, notamment pour l’approvisionnement des cantines, mais ne faisons pas croire à nos concitoyens qu’il s’agit d’un levier extraordinaire qui permettra de sauver notre agriculture.
La « ferme France » présentait encore, en 2015, un excédent commercial de près de 10 milliards d’euros. Nous sommes un pays fortement exportateur de produits agricoles et M. le secrétaire d’État au commerce extérieur a rappelé hier soir que la volonté du Gouvernement était de maintenir cette vocation. La part de la vente directe devant avoisiner 10 % de la production agricole, il reste encore à commercialiser 90 % de celle-ci…
En ce qui concerne la qualité des produits, j’observerai tout d’abord que cette notion peut revêtir différentes significations. En tout état de cause, tous les produits agricoles et agroalimentaires français sont de qualité !
À cet égard, je voudrais m’insurger contre le tableau apocalyptique, dressé par certains, de l’état de notre agriculture, de nos sols et de nos produits alimentaires. L’espérance de vie de nos concitoyens ne fait que croître, malgré certains à-coups liés à des événements climatiques ou à des épidémies de grippe : on sait que la qualité des produits alimentaires français joue un rôle important dans cette évolution.
Bien sûr, des erreurs et des excès ont été commis dans les années cinquante ou soixante, au moment de la grande modernisation de l’agriculture d’après-guerre, mais, depuis, les progrès ont été considérables. En outre, on oublie trop souvent que l’agriculture moderne a permis d’éradiquer de nombreuses maladies végétales et animales.
Mme la présidente. Mon cher collègue, il faut conclure !
M. Michel Raison. Je tenais à souligner ces grands apports positifs de l’agriculture moderne pour faire pièce à certaines descriptions apocalyptiques. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Félix Desplan, sur l'article.
M. Félix Desplan. Dans la culture indienne, la terre n’est pas un don reçu de nos parents, ce sont nos enfants qui nous la prêtent. Encourager la mise en place d’une alimentation de qualité et de proximité dans la restauration collective, principalement scolaire, c’est miser sur l’avenir, sur ces générations qui feront notre monde de demain.
L’éducateur que j’ai été ne peut qu’approuver l’enjeu éducatif et citoyen qui sous-tend cette proposition de loi.
Le sénateur de la Guadeloupe, île lointaine cumulant les handicaps structurels, que je suis se réjouit de cette volonté de développer l’approvisionnement de proximité, de qualité, respectueux d’un environnement fragile et facteur de développement économique local.
Le problème est de parvenir, dans les faits, à suffisamment produire local, pour pouvoir manger le plus possible local, à un coût raisonnable.
La Guadeloupe reste un territoire majoritairement agricole. Toutefois, l’agriculture biologique ne représente que 150 hectares, pour une surface agricole utile, d’ailleurs en diminution, de 32 000 hectares, soit moins de 1 % de celle-ci !
Il faut dire que l’agriculture biologique se heurte outre-mer à de nombreux obstacles techniques : je pense à ceux qui sont engendrés par la pression parasitaire, la pression climatique, le manque d’encadrement technique, sans parler du surcoût.
Aujourd’hui, la trentaine d’agriculteurs guadeloupéens bio suffit à peine à emplir les rayons des magasins spécialisés. Aussi le bel objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective peut-il sembler inaccessible.
J’ajoute que, d’une façon générale, nous sommes très loin, en Guadeloupe, d’être autosuffisants, puisque nous importons environ 75 % de notre alimentation, de l’Hexagone surtout. Nous achetons aussi bon nombre de produits tropicaux, que nous pouvons pourtant cultiver, à des pays de la Caraïbe ou de l’Amérique latine qui produisent à un coût bien moindre !
Il ne faut pas non plus oublier que fournir la restauration collective suppose, pour nos petits producteurs locaux, de pouvoir soumissionner aux marchés publics, de supporter des délais de paiement de quatre-vingt-dix jours, d’assurer une planification suffisante.
Il reste vrai que les objectifs fixés à l’article 1er de ce texte, même édulcorés en commission, constituent un signal fort. Ils pourront stimuler la mise en œuvre de réels potentiels ; il faut donc encourager la démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Cette proposition de loi, dont je salue la teneur, s’inscrit dans la continuité d’un processus engagé depuis plusieurs années, qu’elle vise à faire aboutir.
Je rappelle l’objectif fixé par le Président de la République de parvenir à une part de 40 % de produits de proximité dans la restauration collective, ainsi que l’engagement du ministre de l’agriculture en faveur de l’approvisionnement de celle-ci par les circuits courts ou les avancées permises par la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014.
Pour moi, l’ancrage territorial de l’alimentation est étroitement lié au développement d’une alimentation de qualité. Le développement des circuits courts, c’est moins de camions sur les routes, et les pratiques agroécologiques sont créatrices d’emplois, moins polluantes et respectueuses de l’environnement, des hommes et de la biodiversité.
Cela étant dit, je regrette que l’objectif de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective ait disparu du texte de la commission. Je suis en effet favorable au développement de l’agriculture biologique, tout comme je suis attaché à notre agriculture conventionnelle raisonnée, qui offre au quotidien et à des millions de Français des produits de grande qualité. Pour autant, faire une place aux produits bio me semble utile, en termes de qualité, d’ambition pour notre agriculture et d’enjeux économiques pour les années à venir.
On nous rétorque souvent que les produits bio ont un coût de production supérieur. Certes, mais, comme cela a été dit au cours des débats à l’Assemblée nationale, cette filière est créatrice d’emplois non délocalisables et est source de valeur ajoutée pour les territoires. Il est en outre possible de baisser les coûts en luttant contre le gaspillage alimentaire, sachant que 30 % des denrées achetées pour la restauration collective sont aujourd’hui jetées. Bref, il existe d’importantes marges de manœuvre.
Cette proposition de loi garde donc de grandes ambitions, qui peuvent marquer notre volonté de développer les circuits courts et l’ancrage territorial de l’alimentation. Pour cela, quel meilleur vecteur que la restauration collective publique, qui sert en France 11 millions de repas par jour, soit près de 3 milliards par an, et a toujours eu, historiquement, une vocation sociale ? Le restaurant scolaire, d’entreprise ou d’établissement public est un lieu idéal de démocratisation de la nourriture de qualité. De plus, dans le contexte actuel de crise agricole, il devient urgent de privilégier les circuits courts et une alimentation durable. C’est pourquoi je partage totalement les objectifs fixés par cette proposition de loi et son article 1er.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.
M. Henri Cabanel. Mes propos iront dans le même sens que ceux de M. Courteau : il faut remettre les choses à leur juste place.
M. le ministre l’a souligné, on sent très bien, sur certaines travées de cet hémicycle, une opposition à l’objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective, qui représente 25 % de notre alimentation : la part du bio, à savoir 20 % de 25 %, resterait donc pourtant assez faible.
Cela étant, il est de fait que, en 2015, 65 % des Français ont consommé des produits bio. Étant moi-même viticulteur, je suis pleinement conscient qu’il est impossible d’aller à l’encontre de la tendance actuelle, même si je ne produis pas de vins bio.
J’estime que nous devrions pouvoir nous accorder pour voter à l’unanimité cette proposition de loi, à l’instar de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l’article.
M. Gérard Bailly. Bien entendu, dans son principe, cette proposition de loi va dans le bon sens, eu égard à l’importance de la part des importations dans l’approvisionnement de la restauration collective, alors que, souvent, des ressources locales sont disponibles.
Je suis, cela va sans dire, très favorable à l’ancrage territorial de l’alimentation. L’ancrage territorial, c’est le recours à des produits de proximité, de saison, issus du terroir, le cas échéant bio.
Cependant, que l’on puisse invoquer, pour appuyer le recours aux produits bio, un enjeu de santé publique me gêne : cela donne à penser que les productions non biologiques poseraient problème à cet égard. À ma connaissance, il n’existe, à l’heure actuelle, aucune étude montrant que manger bio permet de vivre plus vieux et en meilleure santé…
Par ailleurs, la notion de production locale peut être sujette à caution. Dans les magasins U, des pièces de viande vendues sous l’étiquette « origine France » proviennent en fait de bœufs nés, élevés et abattus en Irlande, puis découpés en Grande-Bretagne, ces précisions figurant en plus petits caractères… Je ne vous fais pas reproche de cette situation qui n’est pas de votre fait, monsieur le ministre, mais elle n’en pose pas moins problème.
Dans le même ordre d’idées, la célèbre « Vache qui rit » est fabriquée par le groupe Bel à Lons-le-Saunier à partir de fromages importés… Doit-elle ou non être considérée comme une production locale ?
De nombreux problèmes d’interprétation rendront donc l’application de cette mesure très difficile, même si je l’approuve sur le fond.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Gérard Bailly. L’appréciation du caractère local des produits posera de nombreux problèmes dans la pratique.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Manable, sur l’article.
M. Christian Manable. Le marché de la restauration collective constitue un enjeu politique considérable dans notre pays, avec 3 milliards de repas servis chaque année et 7 milliards d’euros d’achats alimentaires.
De nombreuses collectivités se sont déjà engagées dans la voie des circuits courts, à l’instar des villes de Saint-Étienne, de Bordeaux, de Toulouse, de Rouen, de Lons-le-Saunier, de Paris, de Grenoble… Je relève au passage que les exécutifs de ces municipalités sont de tendances politiques diverses. Comme l’a souligné M. le rapporteur, cette question n’est ni de droite ni de gauche ; elle transcende largement les clivages politiques traditionnels.
Dès 2010, le conseil général de la Somme, dont j’étais alors le président, a mis en place les filières courtes. Aujourd’hui, sur les cinquante collèges publics que compte le département, quarante sont ravitaillés, en totalité ou partiellement, par le biais de ces circuits, y compris avec des produits d’origine biologique.
En partenariat avec la chambre d’agriculture, nous avons mis en place des plateformes de distribution assurant un maillage du territoire départemental. Aujourd’hui, outre les collèges, certains particuliers bénéficient de ce dispositif, ainsi que des restaurateurs.
Au total, tout le monde est gagnant : les cuisiniers tout d’abord, qui retrouvent le goût de leur métier et peuvent élaborer de véritables plats, au lieu de se contenter de décongeler de la viande ou d’ouvrir des boîtes de conserve ; les élèves, ensuite, qui bénéficient d’une bonne « bouffe », sachant que l’alimentation fait partie de l’éducation et que certains jeunes prennent à la cantine leur seul repas équilibré de la journée.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Christian Manable. Les producteurs locaux y trouvent également leur compte : pourquoi faire venir des haricots verts de l’autre bout de la Terre, alors que l’on peut en produire sur place ? (M. Jean Desessard applaudit.)
Enfin, la planète y gagne aussi : en termes de bilan carbone, l’approvisionnement de proximité est préférable à l’importation de produits issus de pays lointains.
Quant au coût des produits bio, je puis affirmer d’expérience que s’il est en effet parfois plus élevé que celui des produits de l’agriculture conventionnelle, l’inverse est parfois également vrai.
En conclusion, je ne comprends pas très bien la frilosité de nos collègues du groupe Les Républicains à l’égard de ce texte, eux qui montraient tant d’enthousiasme hier pour le Grenelle de l’environnement… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Kennel, Mmes Cayeux, Lamure, Gruny et Procaccia, MM. Charon, Delattre, Lefèvre, D. Laurent et P. Leroy, Mme Hummel, MM. Milon, Longuet et Mouiller, Mmes Giudicelli et Deromedi, M. Houel, Mme Primas et M. Pointereau, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Plusieurs orateurs, dont Michel Raison, ont rappelé que les maires, les présidents d’intercommunalité et les présidents de conseil général, pour ce qui concerne les collèges, n’ont pas attendu le dépôt de cette proposition de loi pour prendre des initiatives tendant à développer les circuits courts.
On peut donc s’interroger sur l’opportunité de débattre du présent texte, dans la mesure où il est déjà possible de mettre en œuvre de tels dispositifs : c’est une question de volonté politique. J’ai bien peur que, en réalité, cette proposition de loi ne soit qu’un outil de communication.
Les élus locaux sont déjà sensibles à la question de l’amélioration de la qualité des plats servis dans les restaurants scolaires, au travers notamment du recours à des produits bio ou de proximité, l’ancrage territorial de l’alimentation étant propre à stimuler, de surcroît, le dynamisme de l’économie locale.
Dans cette perspective, les élus souhaitent un accompagnement de l’État, et non l’introduction de nouvelles normes contraignantes en termes de part de produits relevant de l’alimentation durable ou de produits bio dans la composition des repas. Ils s’interrogent fortement sur la capacité des producteurs français à assurer la fourniture à la restauration collective de 40 % de produits relevant de l’alimentation durable ou de 20 % de produits bio d’ici à 2020.
Les collectivités ont besoin d’un accompagnement visant à mieux définir les marchés publics. Encore faudrait-il que les dispositions du présent texte soient conformes aux procédures des marchés publics : sur ce point, prenons garde de ne pas nous faire « tacler » par l’Europe.
Par ailleurs, il faut favoriser la structuration des filières agricoles locales aptes à répondre de manière pérenne aux besoins des collectivités sur la base de critères juridiquement sécurisés. Un accompagnement est également nécessaire pour mieux relever les défis de l’alimentation durable.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 1er !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Joël Labbé, rapporteur. La commission estime qu’il faut conserver un dispositif juridiquement contraignant pour permettre la structuration, à l’horizon 2020, d’une filière solide en vue de l’ancrage territorial de l’alimentation. Supprimer l’article 1er reviendrait à supprimer cette proposition de loi.
Il ne s’agit pas de créer de nouvelles normes, mais de fixer des objectifs, d’assurer une mise en perspective. Il convient de structurer la demande, pour que l’offre puisse mieux se structurer encore. Il s’agit là d’un objectif noble. Je le répète, aucune sanction n’est prévue.
Mme Catherine Procaccia. Donc, ça ne sert à rien !
M. François Bonhomme. C’est du prêchi-prêcha !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Ce débat est devenu idéologique, alors qu’il devrait être territorial.
Que n’avons-nous entendu à propos de la part de 20 % de produits bio dans la restauration collective, alors que nous avons tous voté cette mesure dans le cadre du Grenelle de l’environnement, en affirmant, dans notre communication, qu’elle allait dans le bon sens, car elle répondait à une réelle demande ?
Aujourd’hui, certains, animés d’une vision idéologique passéiste, entendent opposer agriculture conventionnelle et productions bio, biotechnologies et agriculture biologique, grandes cultures et production locale. Je le dis comme je le pense, c’est absurde !
Lors du dernier salon de l’agriculture, aucun intervenant des colloques et des débats auxquels j’ai assisté n’a souhaité que l’on remette en cause l’objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective. (M. le rapporteur opine.) Bien au contraire, les chambres d’agriculture, tous les syndicats agricoles, y compris le syndicat majoritaire, l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique ont tenu ensemble des réunions pour expliquer que, en la matière, nous touchons au but et qu’il faut persévérer, même si les choses sont difficiles. Par conséquent, vous menez un combat d’arrière-garde, mes chers collègues !
M. Jean Desessard. Passéiste !
M. Didier Guillaume. On le sait très bien, les menus des cantines ne comporteront pas demain 20 % de produits bio, mais si la volonté est là, nous atteindrons à terme cet objectif. Que l’on ne me dise pas que ce n’est pas possible, puisque cela est déjà une réalité dans plus de trente départements.
Aujourd’hui, depuis trois ans, les agriculteurs ont accès aux marchés publics. C’est une première, validée par Bercy, le ministère de l’agriculture et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.
Dès lors, le présent débat me semble dépassé. Chacun a le droit d’avoir ses convictions, mais il ne faut pas opposer les différentes formes d’agriculture les unes aux autres, surtout à l’heure où les agriculteurs manifestent parce qu’ils souffrent. Nous devons nous rassembler pour aider cette profession, comme le fait le Gouvernement.
De grâce, ne remettez pas en cause l’objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective sous de faux prétextes : il ne constitue pas l’alpha et l’oméga en matière d’alimentation, mais c’est un signal à donner à la société française, qui, aujourd’hui, est en demande ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. Yannick Vaugrenard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le seuil de 20 % de produits bio dans la restauration collective est d’intérêt national.
En effet, nous n’aurons pas de filière biologique suffisamment diversifiée sur l’ensemble de notre territoire si nous ne garantissons pas aux producteurs bio une masse critique sur le marché national. C’est à cette condition qu’ils pourront investir et s’engager fortement dans la mutation que nous appelons de nos vœux.
En Allemagne, les producteurs bio savent que le marché national se développe et qu’un débouché leur est garanti par les collectivités publiques ; ensuite, ils se débrouillent à leur façon avec les règles de la concurrence.
La généralisation de l’objectif de 20 % de produits bio aurait l’avantage non seulement de consolider une filière d’avenir pour l’économie nationale, y compris à l’export, mais également d’apporter une réponse à une attente citoyenne majeure.
Je sais vos efforts, monsieur le ministre, en faveur de l’agroécologie. On lit dans la presse de ce jour que la consommation de pesticides et de produits phytosanitaires a augmenté d’environ 9 % en un an dans notre pays : on ne peut ignorer les interrogations des citoyens sur ce sujet !
M. Jean Desessard. Bien sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est donc impératif de consolider la filière bio, sans l’opposer aux autres.
En matière de recours aux produits locaux, certains maires sont plus proactifs, plus mobilisés que d’autres, notamment dans les territoires proches de la ruralité, le lien avec la production locale étant moins fort dans les grandes métropoles. Cependant, certains élus ne savent pas comment utiliser les nouveaux outils destinés à favoriser la consommation de produits locaux sans enfreindre les règles européennes. La généralisation de l’utilisation de ces outils permettrait de les aider à atteindre les objectifs de consommation de produits locaux ou bio et de répondre ainsi aux attentes des citoyens.
Il y a eu unanimité à l’Assemblée nationale sur un sujet qui fait consensus dans la société française.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Par conséquent, je ne comprends pas votre obstination ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Catherine Troendlé. Nous sommes au Sénat, pas à l’Assemblée nationale !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, pourquoi êtes-vous si frileux ? Pourquoi refusez-vous d’encourager une évolution bonne à la fois pour les consommateurs, l’environnement et les producteurs ? Votre attitude est donc en contradiction avec votre volonté affirmée de défendre les producteurs ! Le bio est aujourd’hui une filière intéressante pour eux. Que vous réclamiez une augmentation des moyens pour réussir la conversion, d’accord, mais n’allez pas à contre-courant, cela ne sert à rien !
Manger des produits bio permet-il de vivre plus longtemps ? Je l’ignore, monsieur Bailly, n’en ayant pas encore fait l’expérience… (Sourires.)
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. En tout cas, on vit mieux !
M. Jean Desessard. En revanche, ce que je sais, c’est que l’espérance de vie diminue pour la première fois en France.
M. Alain Vasselle. Mais non !
M. Michel Raison. Non !
M. Jean Desessard. Si, monsieur Raison, des statistiques le montrent ; c’est une tendance récente, il faut lire la presse du jour, pas celle d’il y a dix ans ! L’espérance de vie diminue à cause de l’emploi des pesticides et autres produits chimiques, y compris dans l’agriculture.
Il y a trente ou quarante ans, nos parents bénéficiaient d’une alimentation saine, beaucoup moins polluée (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), ce qui a permis l’allongement de l’espérance de vie. Je ne peux pas affirmer que l’on vit plus longtemps en mangeant bio, mais, avec l’agriculture chimique, on vit moins longtemps.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Si nous ne supprimons pas l’article 1er, nous instaurerons un mécanisme au fond très libéral, qui devrait donc plaire à nos collègues de droite : la demande crée le marché, suscite la production, structure la distribution.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Marie-Christine Blandin. Ainsi, on développe l’emploi, de surcroît l’emploi local ! Vous n’avez de cesse de parler de vos territoires : souhaitez-vous favoriser leur développement, ou la fabrication de tracteurs à l’autre bout du monde ou de molécules par Monsanto ?
Je vais prendre deux références à droite de notre hémicycle.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, Mme Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture pour l’enseignement agricole, avait plaidé en faveur du développement de l’offre de formations à la production bio et à l’agroécologie. Le ministre avait approuvé, ce qui doit conduire à l’émergence de générations de jeunes prêts à s’engager dans cette voie, mais voilà que vous vous opposez à ce que l’on stimule la demande de produits bio. C’est tout de même un peu dommage pour tous ces jeunes !
Mme Catherine Procaccia. C’est un peu réducteur !
Mme Catherine Troendlé. On n’a pas dit cela !
Mme Marie-Christine Blandin. Par ailleurs, M. Barbier a remis, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, un excellent rapport relatif aux phtalates contenus dans les pesticides et aux perturbateurs endocriniens : l’exposition à ces produits crée des désordres ravageurs sur la santé, notamment des cancers précoces. (M. Alain Milon proteste.)
Par conséquent, favorisons une alimentation plus saine : cela profitera à l’emploi et à la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je n’ai bien évidemment rien contre le bio, mais je ne peux laisser affirmer sans réagir que seule l’agriculture bio serait saine et que les autres formes d’agriculture, soit 95 % de la production, seraient malsaines ! Notre pays bénéficie d’une alimentation saine.
Par ailleurs, l’espérance de vie peut diminuer un peu d’une année à l’autre, du fait d’une canicule, d’un hiver anormalement froid ou d’une épidémie de grippe. Il convient de considérer la courbe sur une longue période, et il apparaît alors qu’il n’y a pas de réduction de la durée de vie. Du reste, même si c’était le cas, on ne pourrait pas pour autant la mettre sur le dos de l’agriculture conventionnelle, ou que sais-je encore ! Sur un tel sujet, il faut être sérieux et se fonder sur de véritables études scientifiques !
M. Didier Guillaume. Justement !
M. Michel Raison. Notre pays et son agriculture sont dans une situation difficile : cela nous interdit de recourir à des slogans. Affirmer que 95 % de la production agricole serait malsaine n’est tout de même pas très sérieux ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Vasselle. Très bien, monsieur Raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Un adage veut que tout ce qui est excessif est insignifiant… J’ai l’impression que ce débat est en train de dériver vers des prises de position excessives, dans un sens ou dans l’autre.
Il y a de la place pour les deux types d’agriculture, bio et conventionnelle.
On constate une demande croissante de produits bio, et il faut pouvoir y répondre. Dans un pays développé, on doit avoir le choix en matière d’alimentation, comme dans d’autres domaines. Il ne faut pas non plus opposer l’agriculture bio à l’agriculture conventionnelle, en soutenant que cette dernière serait synonyme de pollution ou que la consommation de ses produits entraînerait automatiquement des problèmes de santé.
M. Didier Guillaume. Bien sûr que non !
M. Yves Détraigne. Nous avons créé dans la Marne 1 200 emplois en quelques années au sein du pôle de compétitivité « industries et agro-ressources », dont le site principal est implanté sur le territoire de la communauté de communes dont ma commune est membre. Nous accueillons des chercheurs venant du Canada, du Japon ou d’ailleurs, qui travaillent sur de nouveaux modes d’agriculture permettant de concilier compétitivité et réponse aux attentes nouvelles de la population.
Il ne faut donc pas, je le répète, opposer une agriculture à une autre : les deux ont leur place. C’est grâce à l’agriculture conventionnelle que nous mangeons aujourd’hui à notre faim,…