Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Les dispositions prévues par cet article 2 nous semblent particulièrement dangereuses pour le respect du pluralisme, comme l’a souligné Éliane Assassi tout à l’heure.
En effet, sous couvert de modernité, en particulier avec la transmission par voie électronique des parrainages, qui nous laisse perplexes, et d’une amélioration de la transparence, la proposition complique en réalité la procédure de recueil des parrainages pour les candidats.
Du point de vue des signataires, elle comporte une obligation nouvelle, qui peut paraître minime, mais qui, dans certains cas, et pour des candidats qui recueillent de justesse les 500 signatures, peut se révéler déterminante : adresser soi-même au Conseil constitutionnel le parrainage.
Surtout, cette nouvelle disposition, si elle ne le met pas à l’abri des pressions, prive le candidat d’une possibilité de contrôle de l’évolution de sa campagne de parrainage. Déjà, à l’heure actuelle, pour les petites structures, ce moment de l’élection présidentielle constitue une étape difficile et nécessite une organisation certaine, sans parler des enjeux financiers.
Nous avons bien noté la volonté de la commission des lois de l’Assemblée nationale de corriger les effets des nouvelles modalités de transmission, en assurant une publicité « au fil de l’eau », publicité progressive de la liste des noms des signataires avant la clôture de la campagne de parrainage.
Il est regrettable, dans ce cadre, que la commission des lois ait restreint cette publicité progressive au nombre de parrainages, en écartant la publication des noms. Le seul objectif de ces mesures est en réalité de gérer l’accès au scrutin présidentiel et de réduire l’offre démocratique. Ces dispositions rejoignent l’esprit de ces deux textes que nous critiquons, qui visent à réduire le pluralisme et le débat démocratique.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de supprimer l’article 2 de la proposition de loi organique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Béchu, rapporteur. J’ai entendu avec attention notre collègue nous expliquer les raisons pour lesquelles il était opposé à cette transmission.
Je vois en réalité deux sujets. Il y a, tout d’abord, cette idée selon laquelle la transmission directe entraînerait un défaut de contrôle. Nous allons examiner ce point dans quelques minutes, en nous interrogeant sur l’opportunité de publier les parrainages au fur et à mesure. Ce n’est pas la transmission directe au Conseil constitutionnel qui modifie la condition de contrôle.
Si les parrainages sont publiés au fil de l’eau, la question ne se pose pas. Celui qui parraine reçoit un récépissé. Logiquement, quand vous présentez un candidat, on peut imaginer, à défaut d’une publication intégrale, que vous transmettiez le récépissé qui prouve votre soutien au candidat que vous avez soutenu. Cette pratique va généralement de pair avec le principe du parrainage ou de la présentation.
L’idée, qui a fait l’objet d’un large consensus, est la suivante : plutôt que les parrainages soient recueillis par les partis ou par les candidats, puis envoyés directement au Conseil, un contrôle s’opère de manière régulière. Ainsi, on n’attend pas d’avoir la liasse des 500 parrainages, c’est-à-dire la fin du processus, pour vérifier la qualité des parrains.
Ensuite, ce système permettrait d’éviter le petit cinéma auquel nous assistons avec ces candidats qui, le dernier jour, viennent expliquer devant micros et caméras qu’ils ont réussi sur le fil à obtenir le nombre de parrainages nécessaires.
Mme Éliane Assassi. Ah ! C’est donc cela qui vous dérange !
M. Christophe Béchu, rapporteur. Dans le dispositif proposé, celui qui parraine accomplit un acte volontaire, qui consiste, par voie physique dans un premier temps, par voie électronique ensuite – des précisions sont apportées sur la manière dont cette transmission électronique s’effectuera, et la date-butoir de 2020 a été fixée pour rendre possible cette transmission électronique –, à faire remonter directement l’information au Conseil constitutionnel.
Je ne vois pas objectivement ce que cette disposition pourrait modifier. La publicité et la transparence sont susceptibles de déplacer des curseurs. À l’inverse, la transmission directe est une manifestation supplémentaire du consentement et de la volonté du parrain, qui aura aussi pour effet de diminuer la pression exercée par ceux qui, sur le perron de la mairie, insistent jusqu’à obtenir la signature du fameux formulaire, pour, ensuite, le prendre, partir avec et aller le déposer au Conseil constitutionnel.
Je ne pense donc pas que cette disposition mérite le qualificatif d’« atteinte au pluralisme ». Cela me semble excessif par rapport aux sujets dont nous parlons. En revanche, un certain nombre d’articles dont nous débattrons par la suite pourraient justifier de votre part ce type de critiques.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage la position du rapporteur et les éléments qu’il vient de rappeler.
Je souligne aussi que nous nous référons en la matière à une recommandation du Conseil constitutionnel du 21 juin 2012.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Bosino, l’amendement n° 28 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Bosino. On peut être sensibles à l’argumentation de M. le rapporteur, mais il subsiste tout de même un problème : il faudra courir après les récépissés pour s’assurer que le parrainage a été adressé, ce qui complique grandement les choses pour un certain nombre de candidats.
Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi et Kammermann et MM. Cantegrit, del Picchia, Duvernois et Frassa, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
de membres de l'Assemblée des Français de l'étranger ou de vice-présidents de conseil consulaire
par les mots :
d’élus au conseil consulaire
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il s’agissait d’un amendement de coordination. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 est retiré.
L’amendement n° 39, présenté par MM. Cadic et Détraigne et Mme Joissains, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 44, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
ou de vice-présidents de conseil consulaire
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme la présidente. L’amendement n° 44 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.
Article 3
Le dernier alinéa du I du même article 3 est ainsi rédigé :
« Au fur et à mesure de la réception des présentations, le Conseil constitutionnel rend publics, au moins deux fois par semaine, le nombre par candidat des citoyens qui ont valablement présenté des candidats à l’élection présidentielle. Une fois publiée, une présentation ne peut être retirée. Huit jours au moins avant le premier tour de scrutin, le Conseil constitutionnel rend publics le nom et la qualité des citoyens qui ont valablement proposé les candidats inscrits sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent I. »
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 45, présenté par MM. Anziani, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
nombre par candidat
par les mots :
nom et la qualité
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement vise à modifier le texte actuel en remplaçant la publication régulière du nombre de parrainages par candidat par une publication régulière du nom et de la qualité des parrains.
Nous formulons cette proposition au nom d’un principe de transparence. Un moyen d’éviter l’effet pervers évoqué tout à l’heure consiste justement à faire en sorte que le candidat puisse être informé régulièrement du nom de ceux qui ont déposé un parrainage pour lui.
C’est pourquoi il faut publier non seulement le nombre de parrains, mais également le nom et la qualité de ces derniers. Le candidat pourra alors s’assurer de lui-même que les élus de son bord et les élus qui le soutiennent, ont accompli cet acte de soutien.
C’est une mesure de transparence en faveur des candidats, mais aussi en faveur de l’opinion publique, pour éviter les combinazione. Sinon, nous le savons, certains demanderont sans doute à des élus d’appuyer un candidat qui apparaît comme leur adversaire naturel, simplement dans le but d’éviter une autre candidature.
Les critiques adressées à cette publication intégrale et régulière sont de deux ordres.
Premièrement, certains redoutent d’être sanctionnés si leur nom est publié, car ils n’auraient pas suivi les consignes de tel grand élu, de tel président de telle grande collectivité. Nous sommes dans une République majeure, adulte, au sein de laquelle chacun doit prendre ses responsabilités. De surcroît, s’il devait y avoir des pressions, je rappelle qu’elles sont susceptibles de sanctions pénales.
Deuxièmement, d’aucuns prétendent que ceux dont le nom n’a pas été publié feront l’objet de sollicitations incessantes. Toutefois, si vous ne publiez aucun nom, les sollicitations incessantes concerneront tout le monde. Or je n’imagine pas qu’un candidat attende le dernier jour pour savoir si les élus de son camp l’ont parrainé !
La publication intégrale des noms et des qualités, deux fois par semaine, me semble donc nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Béchu, rapporteur. Je salue le talent de notre collègue Alain Anziani, qui invoque aussi les arguments au nom desquels on pourrait s’opposer à cet amendement. Toutefois, ces arguments ne sont pas les miens et, s’il ne devait y avoir que ces objections, je serais tenté d’appeler à voter en faveur de cet amendement.
Je le rappelle, nous venons de décider de la transmission directe au Conseil constitutionnel des parrainages, notamment afin de limiter les pressions. L’écrasante majorité d’entre nous votera un dispositif qui accroît la transparence par rapport au régime actuel.
Notre position, ce n’est pas le tirage au sort, ex post, de 500 parrains, c’est bien la présentation de tous les noms. Notre débat ne porte que sur la mise en œuvre de la transparence entre le début et la fin de la collecte des parrainages.
Deux positions sont en présence. Selon notre collègue Alain Anziani, dès lors qu’un parrainage arrive au Conseil constitutionnel, il faut le rendre public. Cela permet aux candidats de pouvoir contrôler les noms de ceux qui les ont déjà parrainés et, a contrario, de connaître les noms de ceux qui, ne les ayant pas encore parrainés, sont susceptibles d’être relancés ou, tout simplement, démarchés.
Quel est l’objectif premier du texte ? C’est de diminuer la pression exercée sur les élus tout en allant vers plus de transparence. Le point d’équilibre entre ces deux exigences consiste, selon nous, à publier le nombre de parrainages reçus au fil de la période de collecte, puis à publier l’intégralité des noms des parrains une fois cette période achevée.
Le vrai risque de la publication anticipée de ces noms n’est pas tant la sanction que risquerait un élu pour avoir parrainé tel ou tel candidat, qui pourrait intervenir quel que soit le moment auquel cette publication interviendrait ; c’est plutôt le harcèlement plus ou moins intense auquel seraient exposés les élus n’ayant pas encore fait leur choix.
En revanche, dès lors qu’il appartient aux élus d’envoyer directement leur parrainage au Conseil constitutionnel, plutôt que par le truchement du candidat, et que leur nom reste secret jusqu’après la collecte, ils ont la possibilité de répondre une fois pour toutes que leur choix est déjà fait ou que cela ne regarde en rien les candidats qui le leur demandent : ils verront bien à l’arrivée ! Chaque parrain sera libre de rendre public auprès du candidat qu’il aura parrainé le récépissé qu’il aura reçu. Dès lors, la totalité du dispositif est encadrée de manière équilibrée.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Le Gouvernement soutient cet amendement dans un souci de transparence de la vie démocratique, comme M. Anziani l’a expliqué lors de sa présentation.
J’entends bien les arguments de M. le rapporteur quant à la pression qui pourrait être exercée sur les élus qui n’auraient pas offert leur parrainage.
Néanmoins, nous sommes attachés au principe d’une information juste et transparente des citoyens. Dès lors qu’un élu a décidé de parrainer un candidat, il nous paraît juste que son nom et sa qualité soient rendus publics au profit des citoyens. Ceux-ci ont en effet le droit de savoir quels élus parrainent tel ou tel candidat. Par ailleurs, comme cela a été dit précédemment dans le débat, cette publicité évite l’instrumentalisation des candidatures et de leur nombre. L’agitation médiatique à ce sujet est toujours désagréable, y compris pour les citoyens.
Je rappellerai enfin que la publication des noms, grades et qualités des parrains au fil de l’eau a constitué une recommandation constante du Conseil constitutionnel depuis 1974.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. La transparence a bon dos ! Cette disposition est très clairement une manœuvre visant à permettre l’exercice de pressions sur les grands électeurs.
Quand vous parlez de transparence, monsieur Anziani, vous me faites un peu rire. En effet, cet amendement vient en examen après le remplacement du principe d’égalité, tout de même simple à faire respecter, par celui d’équité dans la campagne électorale. Bonjour la transparence !
Quant à votre amendement visant à réduire la période intermédiaire, dont nous discuterons dans quelques minutes, là encore, quelle transparence ! J’ai moi-même mis un certain temps à comprendre le dispositif à ressort, qui s’apparente tout de même à un bricolage. L’électeur risque donc de ne pas y comprendre grand-chose, sans parler des dosages entre les heures de programmation, la longueur des interventions, etc. Bonjour la transparence !
Toutes ces mesures visent à limiter le nombre de candidats en faisant pression sur leurs parrains potentiels. C’est logique : il y a un embouteillage autour de l’élection présidentielle, qui tient à sa nature de mère des élections. Il n’y a plus d’autre élection où l’on puisse effectivement changer les choses en s’exprimant. Il faut soit tout changer, soit ne rien changer ! Voilà le résultat de cette logique.
On nous dit pourtant qu’il ne faut pas y toucher ; on préfère continuer ainsi comme si de rien n’était en ne faisant que poser des rustines à la marge. Or des rustines de ce caractère-là, je n’en veux pas !
Voilà pourquoi je soutiens la position de la commission, qui permet de suivre le déroulé des parrainages tout en ne publiant les noms des parrains qu’une fois les choses faites, quand les pressions n’ont plus lieu d’être. À vouloir ainsi la transparence à tout prix, on supprimera bientôt les isoloirs ! (Sourires sur les travées du RDSE et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Les amendements nos 45 et 46, tous deux déposés par M. Anziani, ne sont pas examinés en discussion commune. Or l’amendement qu’il vient de défendre est en totale cohérence avec l’autre, et l’argumentation développée par notre rapporteur à l’appui de son avis défavorable sur le premier gagnera encore en cohérence si l’on reste entièrement fidèle au texte de la commission.
Cette rédaction est en effet selon moi parfaitement équilibrée. Nous savons que notre rapporteur a accompli un excellent travail et a très sérieusement pesé les avantages et les inconvénients de la rédaction proposée. Il y aurait donc à mes yeux danger à s’en écarter.
J’invite par conséquent mes collègues à suivre la position de notre rapporteur et à rejeter les amendements nos 45 et 46.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Selon moi, tous ceux qui sont présents dans cet hémicycle aujourd’hui savent que des pressions sont exercées sur les élus. Celles-ci émanent surtout de grandes formations politiques qui cherchent à éviter la multiplication des candidatures en imposant au plus grand nombre le parrainage de leur candidat.
Bien évidemment, la publication des parrainages peut répondre à une exigence éthique ; c’est d’ailleurs une idée que notre groupe a longtemps défendue. Néanmoins, à la lumière des deux textes que nous examinons aujourd’hui, mais aussi de l’évolution du présidentialisme dans notre pays, il nous apparaît important de protéger autant que faire se peut, c’est-à-dire le mieux possible, la vie démocratique, le pluralisme et donc la possibilité pour les candidats dits « petits » d’exister.
Nombre d’entre nous se réclament souvent du regretté Guy Carcassonne. Or cette semaine, un quotidien bien connu a publié une tribune au sein de laquelle ont justement été repris des propos tenus par M. Carcassonne le 22 février 2013.
Permettez-moi de les citer : « Je ne suis pas sûr, disait-il, qu’il y ait lieu à changer la publicité des parrainages par rapport au système existant. » Il ajoutait : « Je suis très sensible […] à éviter tout ce qui pourrait ressembler à un pré-premier tour d’une manière ou d’une autre. À cet égard, transformer la quête aux signatures […] en une course de performance, où chaque candidat aura à cœur de montrer qu’il a le plus de soutiens à cette occasion, me paraît profondément malsain, parce que cela ne correspond ni à l’objet, ni à la règle, ni à la logique même de l’élection présidentielle. »
Rendre public l’ensemble des signatures pourrait faire entrer dans les faits cette prémonition de Guy Carcassonne. Voilà pourquoi nous souhaitons que le débat qui s’instaure à ce sujet s’élargisse encore et que l’on y réfléchisse à deux fois avant de modifier toutes les règles.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, un mot en particulier revient sans cesse dans ce débat : « pression ». Je voudrais que l’on soit très clair à ce sujet. Lorsque nous allons voir des électeurs pour leur expliquer que ce serait une bonne idée de voter pour le candidat que nous sommes, ce n’est pas exercer une pression ; c’est faire exercice de démocratie !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce dont on parle !
M. Jean-Pierre Sueur. De même, lorsque nous allons voir des maires pour leur demander de bien vouloir signer pour que tel candidat puisse se présenter à l’élection présidentielle, ce n’est pas une démarche critiquable. Est-ce une pression ? C’est tout simplement l’exercice de la démocratie ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ne soyons pas angéliques !
M. Jean-Pierre Bosino. Si vous le présentez ainsi…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est tout à fait clair. En outre, madame Assassi, ce que disait Guy Carcassonne s’applique dans tous les cas de figure : que ce soit secret ou public, des contacts sont pris, des démarches sont accomplies : tout cela peut être qualifié de pressions. Or, dans cette logique, quel inconvénient y aurait-il à ce que cela se passe de manière publique et transparente ?
Mme Éliane Assassi. Vous êtes tout de même ennuyé quand c’est Guy Carcassonne qui le dit !
M. Jean-Pierre Sueur. Lorsqu’un élu choisit de parrainer un candidat, il accomplit un acte tout à fait respectable ; il peut donc tout à fait s’en expliquer. J’ai personnellement été témoin de nombreux cas où un élu expliquait qu’il ne voterait pas pour le candidat qu’il avait parrainé, mais qu’il jugeait simplement sa présence à l’élection présidentielle justifiée par la nécessité d’un débat démocratique.
Par conséquent, nous pensons pour notre part qu’il est mieux qu’il y ait transparence, ce qui doit se traduire par une publication régulière des parrainages pour une raison très simple : comme ce n’est plus le candidat qui les envoie au Conseil constitutionnel, il faut, à tout le moins, qu’il sache régulièrement qui a choisi de le parrainer et s’il dispose ou non d’un nombre suffisant de parrainages.
Finalement, je suis persuadé qu’il faut vraiment simplifier cette question sans soupçonner d’arrière-pensées. Il est préférable que ce processus soit public, clair et transparent, monsieur Collombat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Les différentes interventions dans ce débat montrent clairement que, de fait, la quête des 500 signatures ne revêt pas du tout le même sens pratique pour les uns ou pour les autres. Pour le dire simplement, pour les grands partis où le maillage des élus locaux est très important, cette collecte est assez simple. En revanche, pour ceux qu’on appelle les « petits candidats », cela s’apparente à une course de fond qui nécessite beaucoup de temps et d’énergie.
Je voudrais sur ce point faire remarquer que, souvent, les parrainages ne concordent pas avec les votes. Bien des maires, dans un souci de pluralisme, offrent leur parrainage à un candidat qui est loin de recueillir leur suffrage.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Corinne Bouchoux. Néanmoins, l’inverse a parfois lieu aussi : pour des raisons de pure tactique politicienne, on suggérera à certains maires, quand ce n’est pas une pression plus forte qui s’exerce, de donner leur parrainage à un candidat non seulement éloigné de leurs idées, mais qui peut même appartenir au camp opposé, et cela dans une perspective de fragmentation des suffrages.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
Mme Corinne Bouchoux. Dès lors, il s’agit de déterminer si la visibilité immédiate des noms protège ou non les maires. Pour ma part, j’ai toute confiance en ces derniers : ils savent ce à quoi ils se sont engagés et assument par ailleurs énormément de responsabilités.
Je me demande si nous ne nous abritons pas derrière la pression et le stress qu’ils subiraient alors pour nous masquer une autre question, relative au stress subi par les petits candidats. En effet, ceux-ci se trouvent clairement mis en compétition entre eux, alors que les plus grands candidats échappent complètement à cette course. Par conséquent, pendant que les petits s’agitent pour essayer de trouver ces parrainages, une sorte de propédeutique au premier tour se met peu à peu en place.
Je regrette pour ma part l’absence d’une réelle expertise scientifique sur les différences entre une publication des noms à la fin de la période et une publication au fil de l’eau. Je manque peut-être d’informations, mais j’ai bien lu le rapport de la commission, qui est très documenté. Il aurait peut-être été intéressant d’avoir une telle enquête parce que deux points de vue légitimement opposés s’affrontent ici au nom de la même transparence.
Je peux personnellement prendre acte politiquement de ce dilemme très important, mais je ne suis pas capable de le trancher. Voilà pourquoi nous ne pourrons pas voter en faveur de cette mesure, dont on ne connaît pas les retombées pratiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par M. Béchu, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer le mot :
publiée
par le mot :
envoyée
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Béchu, rapporteur. L’objet de cet amendement est très simple : il s’agit de préciser que le parrainage, une fois qu’il a été envoyé au Conseil constitutionnel, ne peut être retiré.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 17, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 46, présenté par MM. Anziani, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer les mots :
inscrits sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent I
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Par cet amendement, nous entendons aller au bout de notre logique de publicité intégrale des parrainages en l’étendant aux candidats n’ayant pas obtenu 500 signatures.
Ainsi, on assurerait non seulement la transparence pour tout le monde, mais aussi l’égalité. En effet, si notre amendement n’était pas adopté, on pourrait voir se multiplier des candidatures de posture dont les parrains, contrairement à ceux des autres candidats, resteraient opaques.
Mme Corinne Bouchoux. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 46 ?
M. Christophe Béchu, rapporteur. Dès lors que l’amendement n° 45 n’a pas été adopté, la publication au fil de l’eau conduira à la publicité intégrale des signataires, y compris ceux dont les candidats n’ont pas obtenu 500 parrainages.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Christophe Béchu, rapporteur. Je soutiens l’amendement n° 46. En effet, si nous ne l’adoptons pas, il y aura en quelque sorte un trou dans la raquette de la transparence que nous voulons mettre en place.
Il n’est pas normal de ne pas connaître le nom de ceux qui ont soutenu un candidat ayant obtenu 499 parrainages, alors que, pour celui qui en a obtenu 501, on le sait.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Christophe Béchu, rapporteur. Cette disposition n’a de sens que parce que nous avons rejeté l’amendement n° 45.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes logique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J’ai déjà annoncé que je ne suivrai pas la position de la commission sur l'amendement n° 46.
Je comprends qu’il faille que le candidat qui aura recueilli 499 signatures ait accès à la liste nominative de ses parrains. En revanche, il me semble sans intérêt de rendre cette liste publique.
Mme Éliane Assassi. C’est la transparence !
M. Alain Vasselle. Si la publicité des signatures est nécessaire pour ceux qui seront les candidats officiels à l’élection présidentielle, elle n’est pas utile pour les autres, et je ne vois pas ce que cela apportera en termes de transparence.
En revanche, pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur, il est vrai qu’il y a un trou dans la raquette, dans la mesure où aucun dispositif permettant d’informer le candidat du nom de ceux qui lui ont apporté leur soutien n’est prévu.