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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. J’ai le très grand plaisir de saluer, au nom du Sénat tout entier, la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de députés de l’Assemblée nationale du Québec, conduite par M. Raymond Bernier, président de la commission des finances de cette assemblée. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que vous portez à notre institution.
Au nom du Sénat de la République, je vous souhaite la bienvenue et je forme des vœux pour que votre séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié francophones entre la France et le Québec. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs applaudissent.)
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Convention fiscale avec la Suisse
Suite de la discussion et adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse modifiant le protocole additionnel à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. Nous avons bien compris, monsieur le secrétaire d’État, que vos recommandations ne s’adressaient pas à nos collègues présents dans l’hémicycle, ni à nos amis québécois, mais à tous ceux qui se trouvaient à l’extérieur ! (Sourires.)
Il est toujours difficile d’intervenir après un orateur avec qui on est à peu près d’accord. Je risque donc de répéter un certain nombre de points, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mes chers collègues.
Contrairement à la convention fiscale avec Singapour, qui est de portée générale, le présent accord avec la Suisse vise à répondre à un problème ponctuel et précis : l’échange d’informations fiscales.
Est-il nécessaire de rappeler combien la bonne coopération fiscale avec la Suisse est importante ? Les faits parlent d’eux-mêmes : 85 % des 45 000 régularisations effectuées depuis 2013 auprès du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives proviennent de la Confédération helvétique. On peut aussi rappeler que, en février 2015, l’affaire SwissLeaks révélait un vaste système de fraude fiscale organisé par la banque HSBC. En janvier 2016, les médias faisaient état de près de 38 000 comptes non déclarés, soit près de 12 milliards d’euros, détenus par des citoyens français auprès de la banque UBS.
On pourrait à première vue s’étonner que le Parlement soit à nouveau saisi de ce sujet : les échanges de renseignements fiscaux entre la France et la Suisse sont, en théorie, régis depuis 2009 par un dispositif conforme au standard de l’OCDE. La convention fiscale bilatérale de 1966, modifiée par un avenant d’août 2009, prévoit en effet un mécanisme d’échange d’informations « à la demande », grâce auquel l’État requérant peut obtenir des éléments de nature à prouver que certaines bases fiscales ont été illégalement soustraites à l’impôt.
Toutefois, la ratification de cet avenant avait à l’époque été conditionnée par la Suisse à la signature d’un échange de lettres, daté du 11 février 2010, qui paraphrase l’avenant par des formulations ambiguës. Alors qu’il aurait tout à fait pu être utilisé par la France pour appuyer ses demandes, cet échange de lettres est en pratique invoqué par la Suisse pour écarter de nombreuses requêtes, qu’elle ne juge pas « vraisemblablement pertinentes ».
L’interprétation restrictive de la Suisse interdit notamment les demandes qui ne comportent pas le nom et l’adresse du contribuable, et celles qui ne désignent pas précisément la banque qui détient les informations, des éléments que, par définition, on ignore fréquemment, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé.
C’est très précisément à ces insuffisances que s’est heurtée la demande adressée par la France le 24 janvier 2013 dans le cadre de ce qui est devenu « l’affaire Cahuzac ». D’une manière générale, l’attitude vétilleuse des autorités suisses aboutit fréquemment à ce que les réponses, si elles sont transmises, soient inutilisables. Sur les 426 demandes formulées entre le 1er janvier 2011 et le 15 avril 2013, seules 29 réponses ont été reçues par la France, soit 6,5 % du total, et seulement 6 ont été jugées satisfaisantes.
Avec la modification des commentaires de l’OCDE sur son modèle et, plus généralement, la pression internationale croissante sur la Suisse, la mise en conformité du dispositif est devenue possible, et même inévitable. Elle a abouti au présent accord du 25 juin 2014, qui aurait dû initialement être inclus dans la nouvelle convention sur les successions si celle-ci n’avait pas été rejetée par le Parlement suisse en 2014.
Ce texte prévoit trois avancées notables.
Premièrement, il assouplit les conditions d’identification de la personne visée : celle-ci doit toujours être « identifiée », mais plus forcément par son nom et son adresse. Cela constitue une réponse à la dissimulation parfois grossière du bénéficiaire effectif des avoirs derrière un prête-nom ou une structure intermédiaire. Elle ouvre par la même occasion la possibilité de procéder à des « demandes groupées ».
Deuxièmement, cet accord met fin à l’obligation d’identifier au préalable l’établissement financier qui détient les informations recherchées. Le nom et l’adresse de la banque ne seront fournis par l’autorité requérante que « dans la mesure où ils sont connus » : en fait, c’est déjà ce que dit l’accord actuel, mais la nouvelle formulation « efface » son interprétation restrictive.
Troisièmement, l’accord contient une clause de portée générale, qui stipule que les éléments de la convention et du protocole « doivent être interprétés de manière à ne pas faire obstacle à un échange effectif de renseignements ». Il s’agit d’une sorte de précaution supplémentaire, recommandée par l’OCDE, et qui devrait prévenir d’éventuelles interprétations restrictives à l’avenir.
Cet accord s’applique aux faits survenus à compter du 1er février 2013, une portée rétroactive qui correspond opportunément au délai de prescription fiscale.
Bien sûr, le présent accord se limite à améliorer l’échange « à la demande » entre les deux pays. Ce dispositif conserve sa faiblesse intrinsèque : il suppose de savoir au préalable ce que l’on cherche, ce qui est par définition rarement le cas, et repose in fine sur la bonne volonté des autorités interrogées.
Toutefois, il est raisonnable d’espérer que la Suisse mette en œuvre l’échange automatique d’informations d’ici à 2018, comme elle s’y est engagée, avec 94 autres pays, le 29 octobre 2014 à Berlin, et comme elle le pratique déjà avec les États-Unis dans le cadre de la loi « FATCA », ou Foreign Account Tax Compliance Act.
La loi fédérale a été récemment modifiée afin de permettre la mise en œuvre de ce dispositif, qui signe véritablement la fin du secret bancaire. L’échange automatique oblige en effet les États à transmettre de leur propre initiative et de façon exhaustive les informations concernant les comptes détenus par des non-résidents, conformément à une « norme commune de déclaration » particulièrement exigeante présentée par l’OCDE l’année dernière.
S’agissant de l’accord « FATCA », je souhaiterais d’ailleurs interroger le ministre sur la réalité de la coopération des États-Unis. La France a déjà envoyé les premières informations. Les États-Unis sont censés l’avoir fait également de leur côté, conformément à leur engagement : est-ce bien le cas ? Je parle non pas du solde des comptes, car FATCA n’est pas réciproque sur ce point – les membres de la commission des finances l’ont suffisamment déploré –, mais bien de toutes les autres informations. Les États-Unis jouent-ils le jeu ?
Pour en revenir à la Suisse, l’amélioration réelle de notre coopération fiscale devra bien sûr être confirmée dans les prochaines années, mais ses premiers effets sont indéniables. La perspective de la levée du secret bancaire a d’ores et déjà conduit près de 45 000 « repentis » à se manifester auprès du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives depuis 2013, produisant 1,9 milliard d’euros de recettes en 2014, 2,7 milliards d’euros en 2015, et probablement un peu plus de 2 milliards d’euros en 2016. La place de Genève, qui ne fait pas mystère de ces bouleversements, incite désormais ses clients à régulariser leur situation.
Concrètement, à quoi ressemblent aujourd’hui les échanges d’informations entre les deux pays ? Il était difficile de le savoir, puisque le « jaune » budgétaire sur la coopération fiscale de la France avec ses partenaires n’était plus disponible depuis deux ans. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir précisé que ce document nous sera remis sous quelques jours.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Éric Doligé, rapporteur. Nous avons toutefois pu obtenir quelques chiffres, hier, auprès de vos services, et ils sont intéressants : en 2013, la France a envoyé 246 demandes, mais n’a reçu que 51 réponses, avec un délai moyen de 225 jours : c’était encore le temps des blocages ; en 2014, nous avons envoyé 319 demandes et reçu… 696 réponses ! Ce grand « rattrapage » est bien le signe que les choses ont commencé à changer ; en 2015, nous avons envoyé 323 demandes et reçu 246 réponses.
Dans l’autre sens, la Suisse n’a envoyé qu’une seule demande à la France en 2013 et en 2014, et puis, soudain, 22 demandes en 2015, auxquelles nous nous sommes empressés de répondre. Cela démontre qu’il est sans doute plus intéressant, sur le plan fiscal, d’aller vers la Suisse que vers la France !
Pour conclure, je rappelle que cet accord, qui porte sur la coopération fiscale, n’épuise pas les sujets à régler avec la Suisse : demeurent encore la question des frontaliers, des travailleurs, ou encore de l’accès au marché financier européen. Nous aurons bien sûr à y revenir.
Si le renforcement simultané de l’échange à la demande et de l’échange automatique ne mettra pas fin à la fraude fiscale internationale, il constitue néanmoins un progrès très important, qui aurait été difficilement concevable il y a seulement deux ou trois ans. C’est pourquoi toutes les initiatives politiques qui vont en ce sens doivent être soutenues avec constance et détermination. C’est également la raison pour laquelle la commission des finances souhaite, mes chers collègues, que vous souteniez cette convention fiscale franco-suisse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, il est plus facile de parler quatre minutes sur Singapour que sur la Suisse, où il y a tant à dire !
« Là où il y a une volonté, il y a un chemin », ai-je dit tout à l’heure. J’espère que vous n’avez pas jugé cette remarque désagréable, monsieur le secrétaire d’État. Au demeurant, j’ai immédiatement précisé que Transparency international avait souligné les progrès très importants accomplis par la France, qui lui permettent de se situer de nouveau à un niveau très convenable en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Si cette convention ne constitue pas encore l’éloge funèbre du secret bancaire, l’on s’approche toutefois de l’extrême onction tant les progrès sont importants. (Sourires.)
La mise en place, depuis 2009, du dispositif d’échange d’informations en matière fiscale avec la Suisse porte en effet ses fruits.
Un peu moins de 7 milliards d’euros ont été rapatriés dans les caisses de l’État, ce qui constitue une somme extrêmement importante.
La présente convention prévoit trois avancées particulièrement importantes par rapport à notre cadre bilatéral actuel. Elle assouplit les conditions d’identification et mettra donc un terme aux dissimulations derrière un prête-nom ou une structure-écran. Elle permettra aussi, dans l’attente d’une mise en œuvre par la Suisse des obligations « FATCA », d’achever le cadre d’échange et de dialogue avec nos services fiscaux.
Je veux également revenir sur un point qui ne figure pas dans la convention, mais qui me préoccupe, et sur lequel j’ai eu notamment l’occasion de travailler avec Éric Bocquet : la protection des lanceurs d’alerte. Tous les systèmes qui sont mis en place sont acceptables et vont fonctionner, mais, pour ce qui concerne la fiscalité et la fraude fiscale, la protection des lanceurs d’alerte n’est pas encore totalement assurée, monsieur le secrétaire d’État.
Se pose aussi le problème des ports francs. Là encore, nous tardons quelque peu à avancer et, dans l’excellent rapport des autorités britanniques, l’on découvre que la fraude et l’évasion fiscales nourrissent désormais le terrorisme. La Suisse est citée comme le troisième pays au monde pour le blanchiment d’argent en lien avec le terrorisme. Une porosité existe donc entre évasion fiscale, optimisation fiscale et terrorisme, ce qui nous donne d’autant plus de raisons de lutter contre ces pratiques.
En outre, l’opinion publique supporte de moins en moins ces problèmes de fraude et d’évasion fiscales – l’optimisation est un autre sujet.
Nous voterons bien entendu cette convention, qui va indéniablement dans le bon sens.
En tant que membre de la commission des affaires étrangères, je voudrais toutefois vous faire part, mes chers collègues, de ma grande humilité à l’égard de ces sujets. Je ne peux pas suivre toutes les conventions qui sont conclues ni tout le travail effectué au quotidien par la commission des finances ou par votre cabinet, monsieur le secrétaire d’État, même si je sais combien il est important.
Je crois que des progrès restent à accomplir avec la Suisse. Quoi qu’il en soit, sur cette convention comme sur les textes qui pourront suivre, et pour le travail d’investigation à mener par ailleurs, vous pourrez compter sur le soutien complet de notre groupe. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après une escapade asiatique avec la convention entre la France et Singapour, nous voici revenus sur le Vieux Continent pour examiner la convention fiscale entre notre pays et la Suisse.
C’est peu dire que les relations entre nos deux pays sur les matières financières et fiscales revêtent une certaine complexité et, en tout cas, un intérêt certain.
Pour l’anecdote – et le clin d’œil –, nous traitons ce matin, dans la même séance, des questions fiscales avec Singapour et la Suisse, alors que l’actualité récente a pu nous rappeler l’existence, entre ces deux États, d’une tuyauterie financière et fiscale assez sophistiquée… Mais là n’est pas l’essentiel !
Il s’agit tout de même d’une illustration supplémentaire de la sophistication du système d’évasion fiscale sur notre planète.
Tout cela pour dire, mes chers collègues, que la mise à jour des conventions bilatérales ne constitue plus, aujourd’hui, la réponse adaptée dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale.
Ainsi, pas moins de 3 600 conventions fiscales bilatérales sont en vigueur dans le monde aujourd’hui.
Mme Nathalie Goulet. Tant mieux !
M. Éric Bocquet. Plusieurs décennies seraient nécessaires pour les mettre à jour, les spécialistes – M. Saint-Amans par exemple – parlant de 30 à 40 années pour mener cette tâche à bien…
Il est urgent de changer de méthode et de modèle.
Un travail de fond s’est engagé. L’OCDE, mandatée par le G20, a fait des propositions concrètes et précises. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que le standard international, que nous devons viser, est bien celui de la création d’une convention multilatérale prévoyant l’obligation de transmission automatique des informations entre les administrations fiscales de l’ensemble des États.
Les sommes en jeu – chacun le sait dorénavant – se chiffrent en centaines de milliards d’euros ! À l’heure où les besoins humains sont considérables, l’urgence est d’avancer.
Je souhaite également profiter de ce débat pour rappeler combien il importe que le Parlement aborde les questions liées à l’évasion fiscale le plus régulièrement possible et avec constance. L’échange de ce matin en est une fort belle occasion. En effet, ces sujets ne sauraient être l’apanage de Bercy, les parlementaires qui votent le budget – ou pas, d’ailleurs… – ont un intérêt évident pour ces sujets.
Je me permettrai à ce stade de rappeler la première proposition que les commissions d’enquête du Sénat avaient formulée, à savoir la création d’un Haut-Commissariat à la défense des intérêts financiers publics. Il s’agit certes d’un titre un peu pompeux, mais cette proposition garde toute sa pertinence et son actualité. Cela permettrait notamment d’associer, en son sein, les parlementaires des deux chambres.
Pour en revenir à la Suisse, nous prenons acte du fait que les lignes ont incontestablement bougé, ces dernières années, sous la pression efficace des États-Unis et de la justice française en ce qui concerne la banque UBS ou de l’action des lanceurs d’alerte et de l’opinion publique pour l’autre géant de la finance internationale, la banque HSBC.
Contrairement à celle avec Singapour, nous voterons cette convention fiscale avec la Suisse, en pleine lucidité, afin de marquer un tout petit pas dans la bonne direction.
Le chemin sera long et semé d’embûches. La marche en avant nécessitera beaucoup de volonté politique de la part des États et la mobilisation des opinions publiques ; ils ne devront pas hésiter à s’attaquer au poids de la finance et des grands groupes dans l’économie mondiale.
Nous voterons cette convention, en attendant la grande lumière universelle qui doit rester notre objectif central et urgent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe UDI-UC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en attendant la « grande lumière universelle » (Sourires.)…
Mme Nathalie Goulet. Le grand soir…
M. Richard Yung. … que notre Sénat – laïc – appelle de ses vœux, nous examinons aujourd’hui une convention fiscale ou, plutôt, un accord d’échange de renseignements. En effet, à la différence du texte relatif à Singapour, qui traitait de problèmes fiscaux, celui-ci, qui est relatif à la Suisse, concerne, en fait, les échanges de renseignements dans le cadre des standards actuels de l’OCDE.
Après l’échec d’une tentative de ratification d’une nouvelle convention visant à remplacer les règles de la convention de 1966, parce que le parlement suisse y était très opposé – je pourrais même dire extrêmement opposé… –, il s’agit de modifier le point XI du protocole additionnel pour renforcer le dispositif juridique de coopération bilatérale.
Nous le faisons dans ce cadre bilatéral, parce que nous disposons effectivement d’une convention avec la Suisse, comme c’est le cas avec plus d’une centaine de pays. Toutefois, des dispositions de cette nature existent désormais entre les États membres de l’Union européenne eux-mêmes et nous pouvons espérer que la Suisse, qui passe beaucoup de temps et dépense beaucoup d’énergie à négocier des accords avec l’Union européenne, se raccroche finalement à ces dispositions. Nous serons alors dans un cadre multilatéral, ce qui est souhaitable en effet.
L’avenant du 27 août 2009, aujourd’hui en vigueur, et l’interprétation qu’en fait la Suisse sont contraires à la norme internationale.
Nombre d’entre vous ont dû lire, comme moi, Le Monde daté d’aujourd’hui : on y dénonce les pratiques d’une grande banque suisse, qui a mis en place, dans les années 2000, une fraude fiscale de grande ampleur en France, et certainement dans d’autres pays. En 2014, cette banque aurait détenu entre 13 et 23 milliards d’euros d’actifs français occultes, selon le juge chargé de l’affaire.
Le projet de loi que nous nous apprêtons à voter est donc essentiel, dans la mesure où il est devenu impératif, pour la Suisse, de mettre fin à ces pratiques et de coopérer efficacement et de manière transparente avec les autres administrations fiscales.
Les États-Unis avaient fait plus simple : ils avaient juste présenté aux Suisses le dispositif FATCA, en leur montrant l’endroit où signer… Sans cette signature, les droits des banques suisses d’exercer sur le territoire américain auraient été retirés… Mais les États-Unis sont les États-Unis et nous sommes plus diplomates…
Le nouvel accord permettra de fluidifier l’échange d’informations avec la Direction générale des finances publiques en France et facilitera ainsi la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.
Comme ceci a déjà été dit, les demandes d’assistance administrative pourront désormais porter sur des groupes de contribuables, sans qu’il soit nécessaire de fournir leurs noms et adresses. Dans la convention actuelle, ce point constitue un obstacle majeur puisque, souvent, nous ne disposons évidemment pas de ces informations et la Suisse en profite pour ne pas répondre… Cela entrave grandement le travail de nos administrations, étant donné la lenteur des procédures nécessaires pour donner le nom de chaque individu mis en cause.
Cette première évolution répond aux besoins de notre administration fiscale, qui doit certainement être lasse des obstacles juridiques qu’elle rencontre dans ses relations avec la Suisse. Souvenons-nous du cas célèbre d’un ancien ministre…
Plus que cela, le texte que nous adoptons aujourd’hui permettra de clarifier les modalités de mise en œuvre de l’échange de renseignements bancaires, en n’exigeant plus l’identification de l’établissement détenteur des avoirs du contribuable en cours de vérification.
Enfin, l’échange d’informations sur demande, que permet cet accord, sera d’autant plus satisfaisant qu’il concerne tous types d’impôts et de contributions, y compris les impôts indirects perçus par les administrations des douanes, ainsi que la fiscalité fédérale, cantonale – très importante en Suisse, comme l’ont montré les discussions sur la convention en matière de droits de succession – et locale.
Depuis qu’il a été mis en place en 2013, le service de traitement des déclarations rectificatives a bien fonctionné : 2 milliards d’euros en 2014, dont 80 % – voire 90 %, comme vous venez de nous l’indiquer, monsieur le secrétaire d’État – proviennent de Suisse. Pour reprendre l’exemple de la présente affaire UBS, ce sont 4 200 clients, qui ont choisi de régulariser leur situation.
M. François Marc. Il était temps !
M. Richard Yung. Si cet accord ne constitue qu’une étape transitoire vers une coopération bilatérale réellement satisfaisante, et peut-être plus tard vers une coopération multilatérale, il clarifie de manière cruciale les accords fiscaux déjà conclus et il interdit à la Suisse d’interpréter ses obligations fiscales et bancaires de manière restrictive.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain votera le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe UDI-UC et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme Singapour, qui a occupé notre précédent débat, la Suisse est un des principaux protagonistes de l’évasion fiscale internationale, avec un rôle qui excède largement celui de certains États confettis dépourvus d’économie réelle…
Longtemps, il a été de bon ton de commenter avec une certaine fatalité, pour ne pas dire une complaisance certaine, l’attraction exercée par les paysages et le climat helvètes sur les grandes fortunes comme sur les petits magots, notamment français.
Depuis quelques années, grâce à la volonté politique des États-Unis et au courage de quelques lanceurs d’alerte, qui n’ont d’ailleurs pas échappé à certaines poursuites, ce que tout le monde savait et tolérait confusément commence à prendre une tournure plus précise.
Les banques suisses, aux premiers rangs desquelles UBS et la filiale locale de HSBC, ont développé une fraude massive, soustrayant des dizaines de milliards d’euros aux administrations fiscales étrangères.
Non seulement ces banques en ont fait une activité commerciale lucrative comme une autre, en mettant en place un système aussi sophistiqué qu’illégal de démarchage des prospects, mais la Suisse elle-même assumait sans vergogne, en pleine crise mondiale, son soutien actif à cette démarche d’affaiblissement des États.
En particulier vis-à-vis de la France, l’attitude de la Suisse a été sans nuance : soutien juridique dans les actions de justice intentées contre ses banques, refus d’appliquer l’échange d’informations à la demande prévu par la convention bilatérale modifiée en 2009, rejet du véhicule législatif de 2014…
Elle aura tout tenté – absolument tout – pour préserver son secret bancaire !
Pourtant, la présente convention introduit, enfin, une formulation sans ambiguïté juridique de l’échange d’informations à la demande. De plus, la Suisse s’est engagée à appliquer l’échange automatique à partir de 2018.
Deux éléments ont concouru à ce miracle – je parle naturellement d’un miracle laïc ou républicain, pour éviter les ambiguïtés de tout à l’heure… (Sourires de M. Éric Bocquet.)
D’abord, le rapport de force brutal instauré par les États-Unis avec leur loi FATCA.
Ensuite, la menace du forum de l’OCDE d’étiqueter la Suisse comme un paradis fiscal, avec toutes les conséquences économiques qui en auraient découlé.
En la matière, seuls payent le volontarisme, la transparence et le rapport de force.
Lorsque nous décidons, comme dans la dernière loi de finances rectificative, que les schémas d’optimisation fiscale agressive des entreprises relèvent du secret des affaires, nous faisons le choix politique de tolérer la disparition de milliards d’euros de recettes fiscales,…
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. André Gattolin. … comme nous avons fermé les yeux, pendant des décennies, sur la transhumance franco-suisse des valises de billets.
En conclusion, s’il reste par ailleurs plusieurs contentieux en matière de fiscalité ou de protection sociale entre la France et la Suisse, cette convention entérine un progrès majeur quant aux échanges d’informations.
C’est pourquoi le groupe écologiste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et de l'UDI-UC.)