compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Claude Haut,

Mme Colette Mélot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidature à une délégation sénatoriale

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Colette Giudicelli, démissionnaire.

Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

3

Article 23 et état A (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164).

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons terminé hier l’examen des articles de la seconde partie et procédé à la seconde délibération.

Nous en sommes parvenus aux explications de vote et au vote sur l’ensemble.

Vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2016 s’achève en effet aujourd'hui avec le vote sur l’ensemble de ce projet de loi. Comme l’année dernière, je tiens à exprimer la satisfaction du Sénat d’avoir examiné non seulement la première partie du projet de loi de finances, les recettes, mais également la seconde partie, les crédits et les articles non rattachés.

En préambule, permettez-moi d’adresser mes remerciements à Mme la présidente de la commission des finances, qui a su veiller à la grande qualité de nos débats, aux rapporteurs qui ont travaillé à des heures parfois tardives sur chaque mission et à tous nos collègues qui se sont investis dans ce débat budgétaire. Je ne saurais manquer d’adresser également mes remerciements à M. le secrétaire d'État qui, malgré nos divergences de fond, a répondu avec compétence et précision à nos interrogations, contribuant ainsi à la qualité de nos travaux. (Mme Odette Herviaux applaudit.)

M. Yvon Collin. C’est vrai ! C’est un excellent secrétaire d'État !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je remercie, enfin, les présidents de séance qui se sont succédé au plateau, car ils ont permis à nos débats de tenir dans des temps qui étaient, cette année, très limités.

Les votes du Sénat ont été la traduction des convictions de la majorité de notre assemblée. Pour que la croissance redémarre vraiment, pour réduire les déficits et l’endettement, nous devons accélérer les réformes. Cela impose que les prélèvements obligatoires pèsent moins sur les entreprises et les ménages. Cela suppose aussi que les dépenses publiques amorcent une véritable réduction.

Le Sénat a ainsi allégé la fiscalité à hauteur de 1,75 milliard d’euros en faveur des ménages, des familles, de l’investissement et de la croissance pour 2016.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concernant les ménages, nous avons réduit l’impôt sur le revenu au bénéfice de 5 millions de contribuables, qui ont supporté les plus fortes hausses d’impôt au cours de ces trois dernières années – et ce ne sont pas, monsieur le secrétaire d'État, les plus aisés, ou alors, cette catégorie est très large !

Nous avons également souhaité envoyer un signal positif aux familles, en relevant le plafond du quotient familial.

Pour favoriser l’investissement des entreprises, nous avons prolongé, jusqu’à la fin de l’année 2016, le dispositif de suramortissement « Macron », une mesure qui semble désormais envisagée par le Gouvernement lui-même.

Nous avons essayé de redonner de l’espoir à nos agriculteurs, durement touchés par la crise. Nous avons, pour ce faire, supprimé diverses taxes.

En outre, nous avons préparé l’avenir grâce à des dispositions permettant de rendre effective l’imposition des revenus de l’économie collaborative et de lutter contre la fraude à la TVA sur internet.

Nous avons souhaité que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dispose des moyens financiers nécessaires pour répondre à son programme d’investissements sur les infrastructures, à hauteur de plus de 400 millions d’euros.

M. Charles Revet. C’était nécessaire !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons réduit la baisse des dotations aux collectivités locales de 1,6 milliard d’euros et rendu éligibles au remboursement par le Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, leurs investissements dans le haut débit.

Je note, monsieur le secrétaire d'État, que le collectif budgétaire, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, reprend déjà nombre de propositions et de nos idées, sans parler de l’amendement parfaitement identique au nôtre concernant les investissements des collectivités locales dans le haut débit.

L’Assemblée nationale a adopté des mesures en faveur des agriculteurs qui s’inspirent largement de celles qui ont été adoptées par la Haute Assemblée et a repris des dispositions pour ce qui concerne le PEA-PME que nous avions nous-mêmes envisagées.

Les députés sont également revenus sur la fiscalité énergétique, au point que la réforme prévue à l’article 8 bis du présent projet de loi de finances est déjà obsolète, comme nous l’avions dit.

C’est bien la preuve que le Sénat a souvent raison et que le Gouvernement est obligé de le reconnaître par la suite ! (Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le secrétaire d’État est atterré.) Le projet de loi de finances rectificative en est l’illustration.

Par ailleurs, au titre des dépenses, le Sénat a montré la voie sur les économies possibles, à hauteur de près de 4 milliards d’euros.

Nous le savons, les dépenses de personnel de l’État représentent à elles seules 40 % des dépenses de l’État. Nous avons ainsi réduit les crédits de la fonction publique de 2,8 milliards d’euros, sur un total de 122 milliards d’euros, ce qui représente 2,3 % des crédits.

Nous pensons, en effet, que certaines mesures permettraient de dégager de réelles économies : une augmentation du temps de travail dans la fonction publique pour atteindre les 35 heures effectives, puisque seul un quart des fonctionnaires accomplissent la durée légale du travail ; le non-remplacement d’une partie des fonctionnaires partant à la retraite, hors missions prioritaires, bien évidemment ; un gel provisoire du glissement vieillesse-technicité, le GVT ; l’instauration de trois jours de carence ou encore la réduction de 1,5 % des effectifs des opérateurs, dont les effectifs ont crû de moitié en quatre ans.

D’autres pays, parfois très voisins, ont pris de telles mesures – souvent des mesures bien plus radicales ! – pour redresser leurs comptes publics.

La priorité désormais donnée à la défense et à la sécurité intérieure, que nous avons approuvée en adoptant des augmentations de crédits à hauteur d’environ 800 millions d’euros, montre que l’État doit désormais faire de réels arbitrages parmi les trop nombreuses missions qu’il exerce. Nombre de missions sont en effet réalisées à la fois par l’État et ses opérateurs ou par l’État et les collectivités. Si la priorité doit être donnée à certaines missions, cela impose de faire des économies par ailleurs.

C’est ce défaut de choix que nous déplorons. Nous pensons, contrairement aux déclarations du Président de la République, qu’il n’existe aucune contradiction entre le pacte de stabilité et le pacte de sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, la maîtrise de notre dette, qui dépasse désormais les 2 000 milliards d’euros, est aussi un élément de notre souveraineté.

Concernant les autres réductions de crédits, nous avons diminué les crédits de la prime d’activité, en prenant en compte le taux de recours prévisible. Dans l’exposé des motifs de l’amendement dit « Ayrault », on ne lisait pas autre chose ! Nous l’avons évidemment supprimé, car il complexifiait encore un système fiscal déjà très peu lisible.

Nous avons souhaité contenir les crédits pour les contrats aidés – ils ont dérapé de 1 milliard d’euros cette année –, en supprimant les nouveaux contrats signés dans le secteur public et en augmentant ceux qui relèvent du secteur privé, lesquels permettent une véritable insertion dans l’emploi. La lutte contre le chômage doit passer non pas par des artifices, mais par des mesures concrètes.

Enfin, le Sénat a choisi de rejeter plusieurs missions pour marquer sa désapprobation quant à la politique menée dans ces domaines, faute de disposer de la possibilité, en application de la Constitution et de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, de faire des arbitrages entre les missions, mais je pense que plusieurs collègues y reviendront.

Pour conclure, je vous invite, mes chers collègues, à voter le projet de loi de finances pour 2016, tel qu’il a été modifié par les votes de notre assemblée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion budgétaire qui s’achève a montré que le budget reste un moment essentiel de la vie parlementaire, laquelle, comme je le rappelais lors de la discussion générale, prend tout son sens dans les périodes de turbulence de notre démocratie.

Le budget, c’est l’expression du bien commun, la matérialisation du vivre ensemble. À l’occasion de l’examen des articles et des crédits, c’est l’ensemble des préoccupations des acteurs économiques et sociaux, comme des territoires, qui remontent du terrain qu’il nous faut prendre en compte, pour tenter de les concilier.

Ce sont 235 sénateurs qui ont pris une part active aux débats que nous avons conduits dans un contexte si particulier : nous les avons interrompus pour examiner le projet de loi relatif à l’état d’urgence et nous avons aussi accueilli dimanche dernier dans l’hémicycle des parlementaires venus du monde entier dans le cadre de l’Union interparlementaire.

Je remercie sincèrement l’ensemble des collègues qui ont pris part à cette discussion et qui ont fait vivre les nouvelles règles du jeu que nous avions fixées, celles qui sont issues de la réforme du règlement et celles qui sont spécifiques à la discussion budgétaire, adoptées en conférence des présidents.

Nous n’en sommes pas encore à l’heure des bilans, mais l’expérience des deux dernières semaines – une expérience positive avec des discussions générales plus brèves et des débats thématiques – me conduit à penser qu’il ne faut pas nous interdire de faire évoluer encore les modalités d’organisation de la discussion budgétaire, afin de rendre nos débats plus vivants et d’enrichir la navette.

Nous avons adopté 291 amendements présentés par la commission des finances, mais aussi par le Gouvernement et nos collègues issus de tous les groupes.

Je veux remercier tout particulièrement le Gouvernement d’avoir joué le jeu de la navette et d’avoir présenté au Sénat, dans un temps très contraint, les amendements ayant pour objet de traduire les mesures annoncées par le Président de la République devant le Congrès le 16 novembre dernier.

À cet égard, permettez-moi de saluer de nouveau M. le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, qui sait rendre nos discussions à la fois techniques et politiques vivantes, mais aussi approfondies, s’exprimant avec conviction, dans le respect de tous les points de vue. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Mes remerciements vont également à Michel Sapin et Clotilde Valter, qui ont égrené avec nous les articles non rattachés, ainsi qu’à tous les membres du Gouvernement qui sont venus ici présenter et défendre leur budget.

Ce budget a été profondément modifié par le Sénat et la majorité sénatoriale. Je sais le travail des rapporteurs spéciaux et du rapporteur général. Aussi, je veux saluer leur implication et rendre hommage à leurs efforts de pédagogie, à leur vivacité, mais aussi à leur convivialité, avec une mention toute particulière à l’adresse du rapporteur général, Albéric de Montgolfier.

Ces travaux ont parfois abouti à des initiatives qui montrent que le Sénat sait être un laboratoire d’idées. Je pense en particulier aux amendements issus de nos groupes de travail sur l’économie numérique ou le financement et la fiscalité du logement.

Le budget est, surtout, un texte politique, dont les orientations traduisent des conceptions de la société, de la justice sociale ou du rôle de l’État et de la puissance publique.

J’ai souligné, à l’issue de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, combien les principaux votes de la majorité sénatoriale étaient éloignés de l’idée que je me fais d’une fiscalité redistributive et progressive.

Je n’approuve pas plus les amendements adoptés en deuxième partie sur les crédits des missions ou le rejet de certaines autres missions. Je considère en effet que le Gouvernement réalise des économies d’une ampleur sans précédent, qui permettent de tenir nos engagements devant nos partenaires européens et, par conséquent, d’assurer la stabilité de la zone euro, tout en préservant les services publics et les moyens d’action des services de l’État dans les territoires.

Les économies engagées par la majorité sénatoriale ne m’ont semblé – excusez-moi de le dire ainsi ! – ni réalistes ni adaptées aux besoins du pays.

M. Jean-Louis Carrère. C’est habituel !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est pourquoi je voterai contre le projet de loi de finances pour 2016 dans sa rédaction issue des travaux du Sénat.

Enfin, je veux vous adresser mes remerciements, monsieur le président, pour la tenue de nos débats, ainsi qu’à l’ensemble des présidents qui se sont succédé au plateau. Je tiens également à féliciter les services de la séance et des comptes rendus, qui rendent compte jour et nuit, avec efficacité, de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation des débats décidée le 5 novembre par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes et les non-inscrits de trois minutes, à raison d’un orateur par groupe.

La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’avais imaginé depuis longtemps que ce projet de loi de finances s’inscrirait dans des circonstances spéciales.

Seulement, j’avais pensé que ce contexte serait celui d’un débat planétaire sur notre avenir commun, à l’image de celui concernant la COP 21 que le Sénat a abrité dimanche dernier. Ce contexte aura finalement été celui de la violence : la violence sanguinaire des terroristes, la violence xénophobe de l’extrême droite.

M. Hubert Falco. Les électeurs nous ont fait atterrir !

M. André Gattolin. Alors que cette situation plonge notre société dans un large désarroi, je crois plus que jamais à la nécessité de l’écologie comme horizon nouveau, comme pensée globale, comme projet durable, apaisant et inclusif.

Je crois profondément que l’écologie peut être ce dépassement, ce renouvellement, cette transformation que beaucoup, issus de tous les rangs, appellent aujourd’hui de leurs vœux comme un sursaut.

Outre une vision de l’avenir, ce projet représente une démarche politique très concrète, définie à tous les niveaux des politiques publiques, à commencer par le budget, qui en est la pièce maîtresse.

Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que c’est d’abord à cette aune qu’il m’apparaît utile d’évaluer ce projet de loi de finances.

Les axiomes de ce texte sont malheureusement de mauvais augure. Le Gouvernement nous a annoncé d’emblée que la fiscalité écologique, pour laquelle la France accuse un sérieux retard, serait traitée non pas dans le budget, mais dans le projet de loi de finances rectificative. Il s’agit, à mon sens, d’un détournement de nos procédures budgétaires, d’autant plus scandaleux qu’il est récurrent. Nous aurons précisément l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen de ce texte.

Pour être tout à fait honnête, monsieur le secrétaire d’État, il est tout de même question de fiscalité écologique dans ce projet de loi de finances. En effet, sur les six taxes qu’il supprime au motif qu’elles seraient inefficientes, quatre d’entre elles ont trait à l’environnement.

De plus, contrairement à sa décision initiale, le Gouvernement a finalement introduit, à l’Assemblée nationale, une partie du rattrapage de la fiscalité sur les carburants. Bien peu de motivation écologiste, en réalité, dans cette démarche, mais simplement un besoin d’argent frais pour financer des mesures générales non budgétisées !

Cela s’inscrit dans une vision de la fiscalité écologique de rendement, qui vient financer à hauteur de 40 milliards d’euros les facilités offertes aux entreprises, plutôt que procéder à l’adaptation de notre modèle économique et social. Au fond, c’est précisément l’écologie punitive que dénonce régulièrement la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Ségolène Royal.

Certes, vous considérez, je le sais, monsieur le secrétaire d'État – nous avons souvent eu cet échange –, qu’il y a déjà beaucoup d’argent pour l’écologie par ailleurs. Vous évoquez généralement le milliard d’euros dédié au Fonds de financement de la transition énergétique, l’autre milliard d’euros – pour être large ! – du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, ou encore les 6 à 7 milliards d’euros au titre de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. En revanche, vous omettez inexorablement que les exonérations qui s’élèvent à plus de 20 milliards d’euros sont de nature à encourager la consommation d’énergies fossiles, sans compter les nombreux milliards accordés au titre de subventions et de garanties implicites de l’État au profit de l’énergie nucléaire.

En attendant, quel est le budget et le bilan de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ?

On y constate une perte de 920 emplois cette année. Sur trois ans, ce sont près de 7 500 emplois pour l’écologie qui ont disparu, soit une baisse de 19,5 % des effectifs ! Or ces emplois, ce sont des ressources humaines, des compétences, des expertises. Cela ne se compense pas par l’élargissement d’un crédit d’impôt !

À l’instigation de ses rapporteurs spéciaux, le Sénat a rejeté les crédits de cette mission, au terme d’une analyse assez proche de celle que je viens d’exposer ici rapidement.

Par ailleurs, s’il a malheureusement confirmé la suppression de deux taxes écologiques par le Gouvernement, le Sénat a, en revanche, rétabli l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000 et sécurisé – c’est une bonne chose ! – le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. Il a également adopté une demande de rapport sur les modalités de mise en œuvre à l’échelon régional d’une taxe sur les poids lourds.

Je salue d’ailleurs l’engagement et les convictions sincères, en matière d’écologie, d’un grand nombre de mes collègues, y compris, bien sûr, sur les travées de la majorité sénatoriale. Pour autant – il faut bien le dire ! –, tout cela, vous le savez bien, n’engage pas à grand-chose.

Vous n’avez pas de mots assez durs, mes chers collègues, pour fustiger la dépense publique, mais, vous-mêmes, vous la laissez filer. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, sous couvert d’excédent somptuaire !

Les quelque 40 milliards d’euros de crédits que vous avez supprimés l’ont été, le plus souvent, au motif qu’ils étaient trop modestes. On a d’ailleurs bien vu votre embarras lorsque le Gouvernement a présenté des amendements visant à augmenter les moyens matériels et humains en matière de lutte contre le terrorisme. Des rapporteurs spéciaux, qui avaient dénoncé, par écrit, une fonction publique pléthorique, en ont approuvé l’accroissement quelques jours plus tard.

De plus – même si cela n’a pas occupé l’essentiel de nos débats –, vous avez pris soin, ce qui est votre droit le plus strict, d’introduire dans ce texte quelques marqueurs très idéologiques.

Vous avez ainsi transféré 2 milliards d’euros d’impôt sur le revenu des contribuables les plus riches vers les contribuables les moins aisés. Vous avez, par ailleurs, allégé l’impôt sur la fortune.

Enfin, pour masquer ces incohérences, pour compenser vos nouvelles dépenses et vos pertes de recettes, votre seule réelle initiative aura consisté à vous attaquer à la fonction publique : une fonction publique qui serait trop nombreuse, trop oisive, trop malade et trop payée, cette même fonction publique que vous aviez couverte d’éloges, quelques heures plus tôt, pour son rôle exemplaire dans la crise que nous traversons.

Ce libéralisme, selon moi quelque peu poussiéreux, ne suffit pas à bâtir un projet politique d’avenir : on le voit au résultat de nos travaux.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’impression que, au cours de l’examen de ce budget, nous sommes passés du vide au bide (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : du vide d’un budget déshabillé d’une réelle substance en matière écologique au bide d’un budget à présent troué de part en part par la suppression en cascade de nombre de ses missions.

Vous le comprendrez, les écologistes voteront contre ce projet de loi de finances, auquel l’absence de trop nombreux crédits a fait perdre son crédit. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Avec de tels amis, vous êtes gâtés !

Une sénatrice du groupe Les Républicains. L’union fait la force !

M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. David Rachline. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’heure de voter le budget de la France, la seule question qui vaille est la suivante : ce budget est-il au service de la France et des Français ? Ou plus exactement, est-il avant tout au service de la France et des Français ? Malheureusement, la réponse est évidemment négative.

Certes, on peut noter une amélioration du budget dévolu aux missions « Sécurités » et « Défense ». Néanmoins, d’une part, cela est trop faible et, d’autre part, cela n’est qu’une pause dans la stratégie de déconstruction de notre appareil sécuritaire entamée depuis des décennies et amplifiée par M. Sarkozy et sa RGPP ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La sécurité, chez M. Sarkozy, est très shakespearienne : beaucoup de bruit pour rien ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Que les choses soient claires : les succès de l’islamisme radical sur notre sol sont dus, certes, au laxisme de la classe politique au pouvoir depuis des années, mais aussi à la diminution drastique des budgets ! Le plus grave, c’est que les causes de ces choix sont également extérieures à la France : ils sont le fait de « machins » extra-étatiques, fruits de la trahison des élites qui ont vendu la souveraineté de notre pays, notamment à cette funeste Union européenne ! (Mêmes mouvements.)

M. François Patriat. Rien de nouveau sous le soleil !

M. David Rachline. En effet – ne nous voilons pas la face ! –, depuis des années, le budget de la France est soumis au diktat des technocrates bruxellois. Le Président de la République a beau expliquer que le pacte de sécurité prévaut sur le pacte de stabilité, telle n’est pas du tout la vision bruxelloise.

M. François Grosdidier. Vous voulez augmenter la dette !

M. David Rachline. D’ailleurs, le secrétaire d’État s’est empressé de donner des gages à Bruxelles pour expliquer que la France remplirait ses objectifs budgétaires. Cela sous-entend que la sécurité des Français est, dans les faits, conditionnée à l’austérité budgétaire.

M. François Grosdidier. L’indépendance, ce n’est pas la dette !

M. David Rachline. Une autre caractéristique de ce budget, qui marque pour nous une difficulté importante, est le fait qu’il n’a pas comme unique objet de servir la France et les Français.

Je considère que la France et les Français sont une famille, qu’il faut donc gérer comme telle ! Comment faites-vous, chacun et chacune, dans vos familles ?

Donne-t-on le minimum aux Français avant de le donner aux étrangers (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.), dont certains veulent changer notre pays quand ce n’est pas l’attaquer froidement, comme les derniers événements l’ont montré ? (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

Lorsque tous les Français vivront décemment,…

M. Jean-Louis Carrère. Pas avec vous !

M. David Rachline. … lorsque tous les Français auront un emploi – malheureusement, on n’en prend pas la direction, les chiffres sont têtus : il n’y a jamais eu autant de chômage qu’aujourd’hui ! –, lorsque tous les Français auront le sentiment de vivre en sécurité, lorsque tous les Français auront un accès égal aux soins et aux services publics sur l’ensemble du territoire – je pourrais sans difficulté continuer cette liste ! (Exclamations.), –, lorsque, donc, toutes ces conditions seront réunies, alors nous pourrons commencer à nous occuper des autres ! Pour l’instant, nous n’en avons clairement pas les moyens !

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est scandaleux !

M. David Rachline. À nos yeux, un budget doit garantir la sécurité aux Français. C’est pourquoi nous proposons de sanctuariser l’effort de défense dans la Constitution.

Un budget doit servir les forces vives de la nation. Et nous proposons d’arrêter de donner des milliards d’euros à l’Union européenne (Huées.), surtout lorsqu’elle les utilise pour tenter d’y faire entrer la Turquie. (Protestations sur la plupart des travées. – Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain martèlent leurs pupitres.)

Un budget doit favoriser les entreprises françaises : nous proposons une loi « Acheter français ».

Bref, nous proposons un budget avant tout au service de la France et des Français, ce qui est loin d’être le cas de celui-ci. (Les protestations s’intensifient.) C’est pourquoi nous ne voterons pas ce budget ! (M. Jean Louis Masson applaudit. – Le brouhaha couvre en partie la voix de l’orateur.)

Les Français apprécieront l’image que vous donnez de la démocratie,…