Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.
2. Candidature à une délégation sénatoriale
3. Loi de finances pour 2016. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
Adoption, par scrutin public à la tribune, du projet de loi de finances, modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
4. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
6. Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
M. Jean Louis Masson ; Mme la présidente.
8. Dématérialisation du Journal officiel de la République française. – Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires
Discussion générale commune :
M. Alain Anziani, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires
Clôture de la discussion générale commune.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission mixte paritaire.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Claude Haut,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à une délégation sénatoriale
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Colette Giudicelli, démissionnaire.
Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
3
Loi de finances pour 2016
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164).
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons terminé hier l’examen des articles de la seconde partie et procédé à la seconde délibération.
Nous en sommes parvenus aux explications de vote et au vote sur l’ensemble.
Vote sur l’ensemble
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2016 s’achève en effet aujourd'hui avec le vote sur l’ensemble de ce projet de loi. Comme l’année dernière, je tiens à exprimer la satisfaction du Sénat d’avoir examiné non seulement la première partie du projet de loi de finances, les recettes, mais également la seconde partie, les crédits et les articles non rattachés.
En préambule, permettez-moi d’adresser mes remerciements à Mme la présidente de la commission des finances, qui a su veiller à la grande qualité de nos débats, aux rapporteurs qui ont travaillé à des heures parfois tardives sur chaque mission et à tous nos collègues qui se sont investis dans ce débat budgétaire. Je ne saurais manquer d’adresser également mes remerciements à M. le secrétaire d'État qui, malgré nos divergences de fond, a répondu avec compétence et précision à nos interrogations, contribuant ainsi à la qualité de nos travaux. (Mme Odette Herviaux applaudit.)
M. Yvon Collin. C’est vrai ! C’est un excellent secrétaire d'État !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je remercie, enfin, les présidents de séance qui se sont succédé au plateau, car ils ont permis à nos débats de tenir dans des temps qui étaient, cette année, très limités.
Les votes du Sénat ont été la traduction des convictions de la majorité de notre assemblée. Pour que la croissance redémarre vraiment, pour réduire les déficits et l’endettement, nous devons accélérer les réformes. Cela impose que les prélèvements obligatoires pèsent moins sur les entreprises et les ménages. Cela suppose aussi que les dépenses publiques amorcent une véritable réduction.
Le Sénat a ainsi allégé la fiscalité à hauteur de 1,75 milliard d’euros en faveur des ménages, des familles, de l’investissement et de la croissance pour 2016.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concernant les ménages, nous avons réduit l’impôt sur le revenu au bénéfice de 5 millions de contribuables, qui ont supporté les plus fortes hausses d’impôt au cours de ces trois dernières années – et ce ne sont pas, monsieur le secrétaire d'État, les plus aisés, ou alors, cette catégorie est très large !
Nous avons également souhaité envoyer un signal positif aux familles, en relevant le plafond du quotient familial.
Pour favoriser l’investissement des entreprises, nous avons prolongé, jusqu’à la fin de l’année 2016, le dispositif de suramortissement « Macron », une mesure qui semble désormais envisagée par le Gouvernement lui-même.
Nous avons essayé de redonner de l’espoir à nos agriculteurs, durement touchés par la crise. Nous avons, pour ce faire, supprimé diverses taxes.
En outre, nous avons préparé l’avenir grâce à des dispositions permettant de rendre effective l’imposition des revenus de l’économie collaborative et de lutter contre la fraude à la TVA sur internet.
Nous avons souhaité que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dispose des moyens financiers nécessaires pour répondre à son programme d’investissements sur les infrastructures, à hauteur de plus de 400 millions d’euros.
M. Charles Revet. C’était nécessaire !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons réduit la baisse des dotations aux collectivités locales de 1,6 milliard d’euros et rendu éligibles au remboursement par le Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, leurs investissements dans le haut débit.
Je note, monsieur le secrétaire d'État, que le collectif budgétaire, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, reprend déjà nombre de propositions et de nos idées, sans parler de l’amendement parfaitement identique au nôtre concernant les investissements des collectivités locales dans le haut débit.
L’Assemblée nationale a adopté des mesures en faveur des agriculteurs qui s’inspirent largement de celles qui ont été adoptées par la Haute Assemblée et a repris des dispositions pour ce qui concerne le PEA-PME que nous avions nous-mêmes envisagées.
Les députés sont également revenus sur la fiscalité énergétique, au point que la réforme prévue à l’article 8 bis du présent projet de loi de finances est déjà obsolète, comme nous l’avions dit.
C’est bien la preuve que le Sénat a souvent raison et que le Gouvernement est obligé de le reconnaître par la suite ! (Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le secrétaire d’État est atterré.) Le projet de loi de finances rectificative en est l’illustration.
Par ailleurs, au titre des dépenses, le Sénat a montré la voie sur les économies possibles, à hauteur de près de 4 milliards d’euros.
Nous le savons, les dépenses de personnel de l’État représentent à elles seules 40 % des dépenses de l’État. Nous avons ainsi réduit les crédits de la fonction publique de 2,8 milliards d’euros, sur un total de 122 milliards d’euros, ce qui représente 2,3 % des crédits.
Nous pensons, en effet, que certaines mesures permettraient de dégager de réelles économies : une augmentation du temps de travail dans la fonction publique pour atteindre les 35 heures effectives, puisque seul un quart des fonctionnaires accomplissent la durée légale du travail ; le non-remplacement d’une partie des fonctionnaires partant à la retraite, hors missions prioritaires, bien évidemment ; un gel provisoire du glissement vieillesse-technicité, le GVT ; l’instauration de trois jours de carence ou encore la réduction de 1,5 % des effectifs des opérateurs, dont les effectifs ont crû de moitié en quatre ans.
D’autres pays, parfois très voisins, ont pris de telles mesures – souvent des mesures bien plus radicales ! – pour redresser leurs comptes publics.
La priorité désormais donnée à la défense et à la sécurité intérieure, que nous avons approuvée en adoptant des augmentations de crédits à hauteur d’environ 800 millions d’euros, montre que l’État doit désormais faire de réels arbitrages parmi les trop nombreuses missions qu’il exerce. Nombre de missions sont en effet réalisées à la fois par l’État et ses opérateurs ou par l’État et les collectivités. Si la priorité doit être donnée à certaines missions, cela impose de faire des économies par ailleurs.
C’est ce défaut de choix que nous déplorons. Nous pensons, contrairement aux déclarations du Président de la République, qu’il n’existe aucune contradiction entre le pacte de stabilité et le pacte de sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, la maîtrise de notre dette, qui dépasse désormais les 2 000 milliards d’euros, est aussi un élément de notre souveraineté.
Concernant les autres réductions de crédits, nous avons diminué les crédits de la prime d’activité, en prenant en compte le taux de recours prévisible. Dans l’exposé des motifs de l’amendement dit « Ayrault », on ne lisait pas autre chose ! Nous l’avons évidemment supprimé, car il complexifiait encore un système fiscal déjà très peu lisible.
Nous avons souhaité contenir les crédits pour les contrats aidés – ils ont dérapé de 1 milliard d’euros cette année –, en supprimant les nouveaux contrats signés dans le secteur public et en augmentant ceux qui relèvent du secteur privé, lesquels permettent une véritable insertion dans l’emploi. La lutte contre le chômage doit passer non pas par des artifices, mais par des mesures concrètes.
Enfin, le Sénat a choisi de rejeter plusieurs missions pour marquer sa désapprobation quant à la politique menée dans ces domaines, faute de disposer de la possibilité, en application de la Constitution et de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, de faire des arbitrages entre les missions, mais je pense que plusieurs collègues y reviendront.
Pour conclure, je vous invite, mes chers collègues, à voter le projet de loi de finances pour 2016, tel qu’il a été modifié par les votes de notre assemblée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion budgétaire qui s’achève a montré que le budget reste un moment essentiel de la vie parlementaire, laquelle, comme je le rappelais lors de la discussion générale, prend tout son sens dans les périodes de turbulence de notre démocratie.
Le budget, c’est l’expression du bien commun, la matérialisation du vivre ensemble. À l’occasion de l’examen des articles et des crédits, c’est l’ensemble des préoccupations des acteurs économiques et sociaux, comme des territoires, qui remontent du terrain qu’il nous faut prendre en compte, pour tenter de les concilier.
Ce sont 235 sénateurs qui ont pris une part active aux débats que nous avons conduits dans un contexte si particulier : nous les avons interrompus pour examiner le projet de loi relatif à l’état d’urgence et nous avons aussi accueilli dimanche dernier dans l’hémicycle des parlementaires venus du monde entier dans le cadre de l’Union interparlementaire.
Je remercie sincèrement l’ensemble des collègues qui ont pris part à cette discussion et qui ont fait vivre les nouvelles règles du jeu que nous avions fixées, celles qui sont issues de la réforme du règlement et celles qui sont spécifiques à la discussion budgétaire, adoptées en conférence des présidents.
Nous n’en sommes pas encore à l’heure des bilans, mais l’expérience des deux dernières semaines – une expérience positive avec des discussions générales plus brèves et des débats thématiques – me conduit à penser qu’il ne faut pas nous interdire de faire évoluer encore les modalités d’organisation de la discussion budgétaire, afin de rendre nos débats plus vivants et d’enrichir la navette.
Nous avons adopté 291 amendements présentés par la commission des finances, mais aussi par le Gouvernement et nos collègues issus de tous les groupes.
Je veux remercier tout particulièrement le Gouvernement d’avoir joué le jeu de la navette et d’avoir présenté au Sénat, dans un temps très contraint, les amendements ayant pour objet de traduire les mesures annoncées par le Président de la République devant le Congrès le 16 novembre dernier.
À cet égard, permettez-moi de saluer de nouveau M. le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, qui sait rendre nos discussions à la fois techniques et politiques vivantes, mais aussi approfondies, s’exprimant avec conviction, dans le respect de tous les points de vue. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Mes remerciements vont également à Michel Sapin et Clotilde Valter, qui ont égrené avec nous les articles non rattachés, ainsi qu’à tous les membres du Gouvernement qui sont venus ici présenter et défendre leur budget.
Ce budget a été profondément modifié par le Sénat et la majorité sénatoriale. Je sais le travail des rapporteurs spéciaux et du rapporteur général. Aussi, je veux saluer leur implication et rendre hommage à leurs efforts de pédagogie, à leur vivacité, mais aussi à leur convivialité, avec une mention toute particulière à l’adresse du rapporteur général, Albéric de Montgolfier.
Ces travaux ont parfois abouti à des initiatives qui montrent que le Sénat sait être un laboratoire d’idées. Je pense en particulier aux amendements issus de nos groupes de travail sur l’économie numérique ou le financement et la fiscalité du logement.
Le budget est, surtout, un texte politique, dont les orientations traduisent des conceptions de la société, de la justice sociale ou du rôle de l’État et de la puissance publique.
J’ai souligné, à l’issue de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, combien les principaux votes de la majorité sénatoriale étaient éloignés de l’idée que je me fais d’une fiscalité redistributive et progressive.
Je n’approuve pas plus les amendements adoptés en deuxième partie sur les crédits des missions ou le rejet de certaines autres missions. Je considère en effet que le Gouvernement réalise des économies d’une ampleur sans précédent, qui permettent de tenir nos engagements devant nos partenaires européens et, par conséquent, d’assurer la stabilité de la zone euro, tout en préservant les services publics et les moyens d’action des services de l’État dans les territoires.
Les économies engagées par la majorité sénatoriale ne m’ont semblé – excusez-moi de le dire ainsi ! – ni réalistes ni adaptées aux besoins du pays.
M. Jean-Louis Carrère. C’est habituel !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est pourquoi je voterai contre le projet de loi de finances pour 2016 dans sa rédaction issue des travaux du Sénat.
Enfin, je veux vous adresser mes remerciements, monsieur le président, pour la tenue de nos débats, ainsi qu’à l’ensemble des présidents qui se sont succédé au plateau. Je tiens également à féliciter les services de la séance et des comptes rendus, qui rendent compte jour et nuit, avec efficacité, de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation des débats décidée le 5 novembre par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes et les non-inscrits de trois minutes, à raison d’un orateur par groupe.
La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’avais imaginé depuis longtemps que ce projet de loi de finances s’inscrirait dans des circonstances spéciales.
Seulement, j’avais pensé que ce contexte serait celui d’un débat planétaire sur notre avenir commun, à l’image de celui concernant la COP 21 que le Sénat a abrité dimanche dernier. Ce contexte aura finalement été celui de la violence : la violence sanguinaire des terroristes, la violence xénophobe de l’extrême droite.
M. Hubert Falco. Les électeurs nous ont fait atterrir !
M. André Gattolin. Alors que cette situation plonge notre société dans un large désarroi, je crois plus que jamais à la nécessité de l’écologie comme horizon nouveau, comme pensée globale, comme projet durable, apaisant et inclusif.
Je crois profondément que l’écologie peut être ce dépassement, ce renouvellement, cette transformation que beaucoup, issus de tous les rangs, appellent aujourd’hui de leurs vœux comme un sursaut.
Outre une vision de l’avenir, ce projet représente une démarche politique très concrète, définie à tous les niveaux des politiques publiques, à commencer par le budget, qui en est la pièce maîtresse.
Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que c’est d’abord à cette aune qu’il m’apparaît utile d’évaluer ce projet de loi de finances.
Les axiomes de ce texte sont malheureusement de mauvais augure. Le Gouvernement nous a annoncé d’emblée que la fiscalité écologique, pour laquelle la France accuse un sérieux retard, serait traitée non pas dans le budget, mais dans le projet de loi de finances rectificative. Il s’agit, à mon sens, d’un détournement de nos procédures budgétaires, d’autant plus scandaleux qu’il est récurrent. Nous aurons précisément l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen de ce texte.
Pour être tout à fait honnête, monsieur le secrétaire d’État, il est tout de même question de fiscalité écologique dans ce projet de loi de finances. En effet, sur les six taxes qu’il supprime au motif qu’elles seraient inefficientes, quatre d’entre elles ont trait à l’environnement.
De plus, contrairement à sa décision initiale, le Gouvernement a finalement introduit, à l’Assemblée nationale, une partie du rattrapage de la fiscalité sur les carburants. Bien peu de motivation écologiste, en réalité, dans cette démarche, mais simplement un besoin d’argent frais pour financer des mesures générales non budgétisées !
Cela s’inscrit dans une vision de la fiscalité écologique de rendement, qui vient financer à hauteur de 40 milliards d’euros les facilités offertes aux entreprises, plutôt que procéder à l’adaptation de notre modèle économique et social. Au fond, c’est précisément l’écologie punitive que dénonce régulièrement la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Ségolène Royal.
Certes, vous considérez, je le sais, monsieur le secrétaire d'État – nous avons souvent eu cet échange –, qu’il y a déjà beaucoup d’argent pour l’écologie par ailleurs. Vous évoquez généralement le milliard d’euros dédié au Fonds de financement de la transition énergétique, l’autre milliard d’euros – pour être large ! – du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, ou encore les 6 à 7 milliards d’euros au titre de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. En revanche, vous omettez inexorablement que les exonérations qui s’élèvent à plus de 20 milliards d’euros sont de nature à encourager la consommation d’énergies fossiles, sans compter les nombreux milliards accordés au titre de subventions et de garanties implicites de l’État au profit de l’énergie nucléaire.
En attendant, quel est le budget et le bilan de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ?
On y constate une perte de 920 emplois cette année. Sur trois ans, ce sont près de 7 500 emplois pour l’écologie qui ont disparu, soit une baisse de 19,5 % des effectifs ! Or ces emplois, ce sont des ressources humaines, des compétences, des expertises. Cela ne se compense pas par l’élargissement d’un crédit d’impôt !
À l’instigation de ses rapporteurs spéciaux, le Sénat a rejeté les crédits de cette mission, au terme d’une analyse assez proche de celle que je viens d’exposer ici rapidement.
Par ailleurs, s’il a malheureusement confirmé la suppression de deux taxes écologiques par le Gouvernement, le Sénat a, en revanche, rétabli l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000 et sécurisé – c’est une bonne chose ! – le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. Il a également adopté une demande de rapport sur les modalités de mise en œuvre à l’échelon régional d’une taxe sur les poids lourds.
Je salue d’ailleurs l’engagement et les convictions sincères, en matière d’écologie, d’un grand nombre de mes collègues, y compris, bien sûr, sur les travées de la majorité sénatoriale. Pour autant – il faut bien le dire ! –, tout cela, vous le savez bien, n’engage pas à grand-chose.
Vous n’avez pas de mots assez durs, mes chers collègues, pour fustiger la dépense publique, mais, vous-mêmes, vous la laissez filer. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, sous couvert d’excédent somptuaire !
Les quelque 40 milliards d’euros de crédits que vous avez supprimés l’ont été, le plus souvent, au motif qu’ils étaient trop modestes. On a d’ailleurs bien vu votre embarras lorsque le Gouvernement a présenté des amendements visant à augmenter les moyens matériels et humains en matière de lutte contre le terrorisme. Des rapporteurs spéciaux, qui avaient dénoncé, par écrit, une fonction publique pléthorique, en ont approuvé l’accroissement quelques jours plus tard.
De plus – même si cela n’a pas occupé l’essentiel de nos débats –, vous avez pris soin, ce qui est votre droit le plus strict, d’introduire dans ce texte quelques marqueurs très idéologiques.
Vous avez ainsi transféré 2 milliards d’euros d’impôt sur le revenu des contribuables les plus riches vers les contribuables les moins aisés. Vous avez, par ailleurs, allégé l’impôt sur la fortune.
Enfin, pour masquer ces incohérences, pour compenser vos nouvelles dépenses et vos pertes de recettes, votre seule réelle initiative aura consisté à vous attaquer à la fonction publique : une fonction publique qui serait trop nombreuse, trop oisive, trop malade et trop payée, cette même fonction publique que vous aviez couverte d’éloges, quelques heures plus tôt, pour son rôle exemplaire dans la crise que nous traversons.
Ce libéralisme, selon moi quelque peu poussiéreux, ne suffit pas à bâtir un projet politique d’avenir : on le voit au résultat de nos travaux.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’impression que, au cours de l’examen de ce budget, nous sommes passés du vide au bide (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : du vide d’un budget déshabillé d’une réelle substance en matière écologique au bide d’un budget à présent troué de part en part par la suppression en cascade de nombre de ses missions.
Vous le comprendrez, les écologistes voteront contre ce projet de loi de finances, auquel l’absence de trop nombreux crédits a fait perdre son crédit. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Avec de tels amis, vous êtes gâtés !
Une sénatrice du groupe Les Républicains. L’union fait la force !
M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. David Rachline. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’heure de voter le budget de la France, la seule question qui vaille est la suivante : ce budget est-il au service de la France et des Français ? Ou plus exactement, est-il avant tout au service de la France et des Français ? Malheureusement, la réponse est évidemment négative.
Certes, on peut noter une amélioration du budget dévolu aux missions « Sécurités » et « Défense ». Néanmoins, d’une part, cela est trop faible et, d’autre part, cela n’est qu’une pause dans la stratégie de déconstruction de notre appareil sécuritaire entamée depuis des décennies et amplifiée par M. Sarkozy et sa RGPP ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La sécurité, chez M. Sarkozy, est très shakespearienne : beaucoup de bruit pour rien ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Que les choses soient claires : les succès de l’islamisme radical sur notre sol sont dus, certes, au laxisme de la classe politique au pouvoir depuis des années, mais aussi à la diminution drastique des budgets ! Le plus grave, c’est que les causes de ces choix sont également extérieures à la France : ils sont le fait de « machins » extra-étatiques, fruits de la trahison des élites qui ont vendu la souveraineté de notre pays, notamment à cette funeste Union européenne ! (Mêmes mouvements.)
M. François Patriat. Rien de nouveau sous le soleil !
M. David Rachline. En effet – ne nous voilons pas la face ! –, depuis des années, le budget de la France est soumis au diktat des technocrates bruxellois. Le Président de la République a beau expliquer que le pacte de sécurité prévaut sur le pacte de stabilité, telle n’est pas du tout la vision bruxelloise.
M. François Grosdidier. Vous voulez augmenter la dette !
M. David Rachline. D’ailleurs, le secrétaire d’État s’est empressé de donner des gages à Bruxelles pour expliquer que la France remplirait ses objectifs budgétaires. Cela sous-entend que la sécurité des Français est, dans les faits, conditionnée à l’austérité budgétaire.
M. François Grosdidier. L’indépendance, ce n’est pas la dette !
M. David Rachline. Une autre caractéristique de ce budget, qui marque pour nous une difficulté importante, est le fait qu’il n’a pas comme unique objet de servir la France et les Français.
Je considère que la France et les Français sont une famille, qu’il faut donc gérer comme telle ! Comment faites-vous, chacun et chacune, dans vos familles ?
Donne-t-on le minimum aux Français avant de le donner aux étrangers (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.), dont certains veulent changer notre pays quand ce n’est pas l’attaquer froidement, comme les derniers événements l’ont montré ? (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Lorsque tous les Français vivront décemment,…
M. Jean-Louis Carrère. Pas avec vous !
M. David Rachline. … lorsque tous les Français auront un emploi – malheureusement, on n’en prend pas la direction, les chiffres sont têtus : il n’y a jamais eu autant de chômage qu’aujourd’hui ! –, lorsque tous les Français auront le sentiment de vivre en sécurité, lorsque tous les Français auront un accès égal aux soins et aux services publics sur l’ensemble du territoire – je pourrais sans difficulté continuer cette liste ! (Exclamations.), –, lorsque, donc, toutes ces conditions seront réunies, alors nous pourrons commencer à nous occuper des autres ! Pour l’instant, nous n’en avons clairement pas les moyens !
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est scandaleux !
M. David Rachline. À nos yeux, un budget doit garantir la sécurité aux Français. C’est pourquoi nous proposons de sanctuariser l’effort de défense dans la Constitution.
Un budget doit servir les forces vives de la nation. Et nous proposons d’arrêter de donner des milliards d’euros à l’Union européenne (Huées.), surtout lorsqu’elle les utilise pour tenter d’y faire entrer la Turquie. (Protestations sur la plupart des travées. – Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain martèlent leurs pupitres.)
Un budget doit favoriser les entreprises françaises : nous proposons une loi « Acheter français ».
Bref, nous proposons un budget avant tout au service de la France et des Français, ce qui est loin d’être le cas de celui-ci. (Les protestations s’intensifient.) C’est pourquoi nous ne voterons pas ce budget ! (M. Jean Louis Masson applaudit. – Le brouhaha couvre en partie la voix de l’orateur.)
Les Français apprécieront l’image que vous donnez de la démocratie,…
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est scandaleux !
M. le président. Votre temps de parole est épuisé !
M. David Rachline. … vous qui n’êtes pas respectueux des élections et encore moins des élections sénatoriales !
M. Alain Bertrand. Vous votez contre tout, dans toutes les régions !
M. David Assouline. Retirez-vous dans le Languedoc, la droite !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, n’ayons pas peur de ceux qui soufflent le vent de la tempête : la République en a vu d’autres ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Notre assemblée, dans ce contexte difficile, s’apprête à se prononcer sur le projet de loi de finances pour 2016.
Nous avons examiné quelque 400 amendements en première partie et un nombre à peu près équivalent en seconde partie. Les amendements ont porté, dans une large proportion – plus d’une centaine d’amendements ! – sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Preuve de l’intérêt que porte la Haute Assemblée, sur toutes les travées, à cette question, et ce conformément, d’ailleurs, à notre mission constitutionnelle. De nombreux amendements ont également été déposés sur les articles non rattachés, qui constituent quasiment une troisième partie du projet de loi de finances.
Les graves événements qui ont frappé notre pays au cours de ces dernières semaines se sont télescopés avec cet exercice annuel. Les attentats du 13 novembre dernier étant survenus après l’adoption, en première lecture, du projet de loi de finances pour 2016 par l’Assemblée nationale, c’est au Sénat qu’est revenue la responsabilité d’adopter les mesures exceptionnelles relevant des missions régaliennes de l’État, à savoir les missions « Sécurités », « Justice » et « Défense ».
Ces mesures, nous le voulons tous, devront être appliquées sans délai, afin de remédier le plus rapidement possible à la situation d’insécurité que craignent nos concitoyens, une situation qui fait partie, avec celle de l’emploi, de leurs préoccupations prioritaires.
Il faut aussi, comme nous l’avons rappelé au cours des débats, que la Commission européenne prenne en compte les dépenses militaires exceptionnelles assumées, au nom de l’Europe, afin de défendre les objectifs énoncés dans les traités fondateurs de l’Union européenne. C’est ce que souhaite notre groupe, dont l’engagement européen correspond à une conception exigeante de l’Europe, une conception qui ne se limite pas à un projet mercantile et technocratique et qui doit, plus que jamais, être un projet politique au sens le plus noble. Oui, nous avons besoin de l’Europe et d’une Europe forte : c’est l’intérêt de la France !
Comme chaque année, le groupe du RDSE a formulé nombre de propositions pour tenter de construire un budget à la fois responsable, solidaire et, surtout, favorable à la croissance et au développement économique, sans lesquelles rien n’est possible sur le long terme.
Les quelque soixante amendements que nous avons déposés sur l’ensemble du texte, et que nous avons tous défendus en séance publique, témoignent de cette volonté, par-delà les clivages idéologiques et partisans. Nous avons apprécié les débats toujours constructifs, aussi bien avec le Gouvernement, le rapporteur général qu’avec les autres groupes politiques.
Nous nous félicitons d’avoir permis l’adoption de plusieurs amendements significatifs. Ainsi, en première partie, comme je l’ai mentionné la semaine dernière, nous avons fait reconnaître le principe d’un traitement fiscal égal des structures non lucratives du secteur médico-social.
Je note aussi que c’est par un amendement du RDSE qu’a été abaissé le taux de TVA sur les produits hygiéniques reconnus de première nécessité.
Nous avons, surtout, beaucoup défendu les intérêts des territoires ruraux, notamment en préservant les ressources des chambres d’agriculture.
Ces mêmes territoires, nous les avons aussi défendus lors de l’examen de la mission « Politique des territoires ». Leur revitalisation doit être une priorité, alors que les grandes métropoles sont soumises à des pressions démographiques de plus en plus fortes. Nous devons rééquilibrer la relation entre les grandes villes et les territoires ruraux, sans les opposer ; les remontées que nous avons du terrain nous le confirment. Concernant une autre mission, nous avons fait adopter un amendement de nature à préserver la géographie prioritaire de la politique de la ville. En tout état de cause, nous ne pouvons que déplorer le rejet des crédits de cette mission.
Nous avons fait entendre la voix des collectivités et des élus de terrain, dont il faut reconnaître les efforts importants réalisés en faveur du redressement des finances publiques et de l’activité économique de notre pays.
Nous avons œuvré pour la préservation de l’investissement public, en particulier des bourgs-centres. Ainsi, une enveloppe de 300 millions d’euros leur sera consacrée dans le cadre de la création du fonds, doté de 1 milliard d’euros, en faveur du soutien à l’investissement local.
Mes chers collègues, le Sénat représente les collectivités territoriales, aux termes de la Constitution. C’est encore l’empreinte que nous avons essayé d’exprimer dans ce budget.
Notre pays traverse une période particulièrement difficile, comme nous le savons tous : les chiffres de l’emploi et de l’économie, tout comme les résultats électoraux de dimanche dernier, nous le rappellent. Les parlementaires que nous sommes doivent, plus que jamais, être à la hauteur des défis et savoir répondre aux attentes légitimes de la population, que ce soit en termes de sécurité, d’emploi ou d’exemplarité.
Toutefois, mes chers collègues, l’adoption de plusieurs de nos amendements les plus significatifs – nous espérons que l'Assemblée nationale les maintiendra ! – ne suffira pas à nous faire approuver le texte issu des travaux du Sénat.
Il s’agit en effet d’un budget incomplet, puisque près du tiers des missions de la seconde partie n’a pas été adopté, alors que ce sont les missions qui touchent à des secteurs essentiels pour notre pays : agriculture, politique d’immigration et d’asile, culture, écologie, santé, logement, politique des territoires, médias et presse, gestion des ressources humaines. Comment approuver un budget ainsi amputé ?
Il est vrai que l’on peut relever de réels apports. Toutefois, force est de constater que l’attitude constructive qui a prévalu n’a pas permis d’aboutir à la proposition d’un budget alternatif sur lequel nous aurions pu réellement nous prononcer.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La LOLF nous l’interdit !
M. Jacques Mézard. Le RDSE, réfractaire aux postures par trop partisanes, ne peut que déplorer ce résultat final.
Par conséquent, l’ensemble des membres du RDSE, à l’exception de notre collègue Gilbert Barbier, s’opposera à la copie du projet de loi de finances pour 2016 élaborée par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voilà donc au terme de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, qui sera, rappelons-le, le dernier, en année pleine, du quinquennat de François Hollande.
M. Hubert Falco. Tout à fait !
Mme Frédérique Espagnac et M. Alain Bertrand. Du premier quinquennat !
M. Philippe Dallier. En comptant le collectif budgétaire de l’automne 2012, c’est donc la cinquième fois que la majorité gouvernementale a l’occasion de traduire ses options politiques en mesures budgétaires. Pour quels résultats jusqu’à présent ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Aucun !
M. Philippe Dallier. Alors que nous débattions de ce projet de loi de finances sont tombés les derniers chiffres du chômage.
M. Bruno Sido. Des claques !
M. Philippe Dallier. Ils sont calamiteux : 42 000 chômeurs de plus !
La croissance sera de 1,1 % ou, au mieux, de 1,2 % en 2015, et vous n’anticipez qu’un maigre 1,5 % de croissance pour l’an prochain, ce qui est, certes, prudent, mais tellement insuffisant.
Pourquoi en sommes-nous là, mes chers collègues ? Pourquoi, alors que les taux d’intérêt, l’euro, mais aussi les matières premières sont au plus bas, la croissance reste-t-elle aussi faible chez nous ? Pourquoi, partout en Europe, les autres font-ils mieux que nous ?
Ce sont bien les questions que se posent tous les Français, mais aussi nos partenaires, qui finissent d’ailleurs par regarder la France comme l’homme malade de l’Europe.
Si certains à gauche cherchent encore des explications aux résultats des élections de dimanche dernier, je leur répondrai simplement : commencez donc par regarder cela !
M. Dominique Bailly. Attendez dimanche prochain !
M. Didier Guillaume. Ce n’est guère mieux pour vous !
M. Philippe Dallier. Pourquoi ? La réponse est pourtant claire, et le Président de la République lui-même a fini par le reconnaître. À l’automne 2012, vous avez manié l’assommoir fiscal avec une telle brutalité que vous avez étouffé la croissance et la consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Depuis, vous courez derrière les conséquences sans aller assez loin, faute d’avoir le courage d’engager les réformes nécessaires, c'est-à-dire de baisser les dépenses pour redonner de l’air à nos entreprises, du pouvoir d’achat aux Français et pour réduire le déficit.
M. Jean-Louis Carrère. Continuez comme cela ! Vous allez voir ce que cela va donner ! Vous n’avez donc rien compris ?
M. Philippe Dallier. Ce projet de loi de finances pour 2016 en est l’illustration parfaite.
Côté recettes, nous avons connu, en plein débat budgétaire, un épisode « de panique à bord au Gouvernement », alors que les Français recevaient leur avis d’impôt sur le revenu et découvraient, ahuris, même chez les plus modestes, que votre discours sur la pause fiscale était un leurre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. C’est exact !
M. Didier Guillaume. On a corrigé vos erreurs !
M. Thierry Carcenac. Ce sont vos mesures !
M. Philippe Dallier. Comment en serait-il autrement, alors que le produit de l’impôt sur le revenu a progressé de 25 milliards d'euros depuis 2012 ? Vous parlez de justice fiscale, mais tout le monde a été touché.
Pour calmer les alarmes, vous avez, en catastrophe, trouvé 2 milliards d'euros pour exonérer d’impôt sur le revenu les personnes les plus modestes, oubliant une nouvelle fois les classes moyennes, qui sont et restent les grandes oubliées du projet de loi de finances pour 2016.
Il est vrai, mes chers collègues, que nous sommes en désaccord sur la définition des classes moyennes ; nos débats l’ont encore montré. Du reste, ce n’est guère étonnant, puisque, pour François Hollande, à partir de 4 000 euros de revenu par mois, on est riche !
M. Roger Karoutchi. Ah ça !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Il l’a dit : il n’aime pas les riches ! (M. Maurice Vincent s’exclame.)
M. Christian Cambon. Il vit avec !
M. Philippe Dallier. Mes chers collègues, avec 4 000 euros par mois, un célibataire paie 7 321 euros d’impôt sur le revenu. Rajoutez-y les impôts locaux et le prix d’un loyer dans une grande ville, vous comprendrez alors pourquoi beaucoup de jeunes préfèrent partir sous d’autres cieux pour tenter de réussir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Riche avec 4 000 euros par mois ? Allons donc ! Que dire alors de ceux qui gagnent 2 500 euros par mois et qui sont soumis, comme les précédents, au taux marginal d’imposition de 30 % ?
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Oui, la majorité sénatoriale a une autre vision des choses, et elle l’a de nouveau traduite dans ce projet de loi de finances, en cherchant aussi à soulager le fardeau fiscal des classes moyennes et des familles. (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.)
Nous avons aussi pensé aux agriculteurs, qui souffrent en silence, mais dont la colère gronde, et nous nous réjouissons de voir le Gouvernement reprendre quasiment toutes nos propositions dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015, que nous discuterons à la fin de cette semaine.
M. Didier Guillaume. Ben voyons !
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Vous voulez le voter ?
M. Philippe Dallier. Et que dire aussi des entreprises ?
Votre projet de budget pour 2016 revenait malheureusement sur la promesse de réduction des charges liée à la montée en puissance du pacte de responsabilité. La majorité sénatoriale vous a aidés à tenir vos promesses, en faisant sauter le décalage au 1er avril prochain, pour ramener au 1er janvier la nouvelle phase de baisse des charges.
Pour aller plus loin, il faudrait bien sûr faire des économies sur les dépenses, ce que vous n’osez manifestement pas faire, en tous les cas, dans des proportions qui nous permettraient de redonner de l’air à notre économie et de réduire le déficit public.
M. Alain Néri. C’est vous qui ne manquez pas d’air !
M. Philippe Dallier. Votre budget n’envisageait qu’une réduction de 1 milliard d'euros du déficit du budget de l’État – un petit milliard, mes chers collègues, un milliard seulement ! –, alors même que vous amputiez encore une fois les dotations aux collectivités locales de 3,6 milliards d'euros et que nous constatons la chute de l’investissement public que vous aviez niée jusqu’à présent.
Quant aux hausses d’impôts locaux qui en découleront également, vous êtes trop heureux de repasser le mistigri aux élus locaux. Heureusement, le Sénat a su corriger le tir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
Réduire les dépenses, c’est possible, et nous l’avons encore démontré en remettant, par exemple, un peu d’équité entre le secteur public et le secteur privé pour ce qui concerne les jours de carence,...
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Philippe Dallier. ... en réformant l’aide médicale de l’État, qui est un puits sans fond, en réduisant le nombre de fonctionnaires hors missions régaliennes,...
M. Dominique Bailly. Lesquelles ?
M. Philippe Dallier. ... en ralentissant le glissement vieillesse-technicité, le GVT.
Il faudrait aller plus loin, mais vous le savez tous, mes chers collègues, la LOLF étant ce qu’elle est, il n’est pas possible, au travers d’une loi de finances, de faire beaucoup plus.
Nous avons également été amenés à repousser les crédits d’un certain nombre de missions, non pas, contrairement à ce que vous répétez, monsieur le secrétaire d'État, parce que nous voudrions dépenser plus,...
M. Didier Guillaume. Mais si !
M. Philippe Dallier. ... mais parce que les crédits sont manifestement insincères, car sous-estimés.
M. Gérard César. Eh oui !
M. Roger Karoutchi. C’est exact!
M. Philippe Dallier. Je citerai la mission « Égalité des territoires et logement », que je connais le mieux : il manque manifestement entre 300 millions d'euros et 400 millions d’euros. Excusez du peu !
Mme Sylvie Goy-Chavent. En effet !
Mme Catherine Troendlé. C’est lamentable !
M. Philippe Dallier. Le Parlement n’ayant pas le pouvoir d’augmenter les crédits, nous ne pouvons donc que les repousser pour manifester notre désaccord sur ces budgets en trompe-l’œil, qui vous conduiront nécessairement, en cours d’année, comme cela a été le cas en 2015, à réajuster les choses à coups de rabot ou alors à creuser le déficit.
La majorité sénatoriale est parfaitement dans son rôle en pointant du doigt l’insincérité manifeste des crédits de certaines missions.
Mes chers collègues, il me reste à remercier le rapporteur général du travail accompli (M. Philippe Bas acquiesce.), ainsi que Mme la présidente de la commission des finances. Je tiens également à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, de la qualité de nos échanges, même si cela n’aura pas suffi à nous faire changer d’avis.
Votre projet de budget pour 2016 n’était pas un bon projet. Le Sénat aura fait ce qu’il a pu pour l’améliorer. Le groupe Les Républicains du Sénat votera donc le projet de loi de finances pour 2016 ainsi modifié. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.
M. François Zocchetto. Monsieur le secrétaire d'État, nous ne vous comprenons pas. La France compte plus de 5,4 millions de chômeurs. Après trois années à attendre l’inversion de la courbe, nous venons de franchir un nouveau record historique en matière de chômage.
M. Gérard Longuet. Hélas !
M. François Zocchetto. Dans le même temps – mais est-ce un hasard ? –, la France est devenue la vice-championne du monde des prélèvements obligatoires.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Hallucinant !
M. François Zocchetto. Après trois années de déclarations d’intention à l’endroit de nos entreprises, 1 000 sociétés déposent chaque semaine leur bilan.
Malgré l’alignement des astres économiques, les entreprises françaises n’investissent plus. Le tissu économique local se délite.
Et le Gouvernement reste passif !
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. François Zocchetto. Personne n’est dupe en effet de l’absence d’envergure du texte qui a été déposé sur le bureau du Sénat voilà trois semaines.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement a remis les clefs de notre destin collectif entre les mains d’une conjoncture internationale incertaine. C’était pourtant la dernière loi de finances utile de ce quinquennat ! Vous auriez pu engager la décrue fiscale attendue par nos concitoyens. Vous auriez pu moderniser notre fiscalité. Vous auriez pu moderniser nos politiques publiques.
Où sont passées les déclarations volontaristes du mois d’avril 2014 ?
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. François Zocchetto. J’entends encore le Premier ministre soutenir farouchement : « Sans une croissance plus forte, nous ne ferons rien. Et la croissance ne se décrète pas. Elle se stimule, avec pragmatisme et volontarisme. »
M. Didier Guillaume. Nous le faisons !
M. François Zocchetto. Il ajoutait : « Sans croissance, pas de confiance, et sans confiance, pas de croissance. »
Où sont les réalisations du Premier ministre qui affirmait il n’y a pas deux ans : « Nous avons besoin de nos entreprises, de toutes nos entreprises, de nos PME, de nos start-up, de nos artisans. » En tout cas, elles ne sont pas dans ce projet de loi de finances.
La majorité sénatoriale a ainsi dû relever la lourde tâche de donner à ce projet de loi de finances inerte le souffle qui lui manquait. Nous avons tâché de produire un texte assez significatif pour envoyer ce message d’espoir à nos concitoyens : cette politique, la politique du Gouvernement, n’est pas une fatalité ! Un avenir différent est possible.
Pour ce faire, la majorité sénatoriale a investi plus de 4 milliards d’euros pour répondre aux attentes des Français. Je ne puis citer tout le travail important qui a été accompli durant les trois semaines qui viennent de s’écouler, mais nous avons proposé la décrue de l’impôt sur le revenu des classes moyennes, la hausse du quotient familial pour les familles, la rénovation du pacte Dutreil pour nos entreprises, la réforme de la fiscalité des plus-values de cessions mobilières, la réforme de l’actualisation des valeurs locatives cadastrales.
Je tiens à évoquer la prorogation de l’avantage fiscal sur le suramortissement des entreprises. C’était en effet une proposition du groupe UDI-UC lors de la précédente loi de finances, qui a été adoptée par le Sénat lors de l’examen de la loi « Macron ». Après avoir participé à la création de ce mécanisme, nous sommes aujourd'hui heureux de proposer son adaptation de façon qu’il bénéficie au plus grand nombre possible d’entreprises.
Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous poser une question. Tous les textes économiques et financiers que nous examinons depuis maintenant près de trois ans donnent lieu à de terribles affrontements entre, d’une part, le Gouvernement et, d’autre part, les frondeurs, les écologistes et les élus du Front de gauche.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Oui !
M. François Zocchetto. Vous avez accordé il y a quelques mois des pouvoirs accrus aux régions en matière économique. Plus que jamais, celles-ci sont devenues les interlocutrices des artisans et des entreprises en matière d’apprentissage, de formation professionnelle et d’investissement.
Or, depuis dimanche dernier, nous assistons à une course à l’échalote entre les socialistes, le Front de gauche et les écologistes (Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.),…
M. Didier Guillaume. Balayez donc devant votre porte !
M. Dominique Bailly. Pas de leçons !
M. François Zocchetto. … qui fusionnent leurs listes chaque fois que cela est possible, y compris là où ne le Front national ne présente pas de menace. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Dominique Bailly. Parlez donc du budget !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est la réalité !
M. François Zocchetto. Comment voulez-vous qu’un entrepreneur, un artisan ne soient pas perplexes et ne doutent pas de votre sincérité ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Dominique Bailly. Ne donnez pas de leçon !
M. François Zocchetto. D’un côté, ils entendent Emmanuel Macron et Manuel Valls leur déclarer des « Je vous aime ! » à profusion ; de l’autre, ils voient Alain Rousset et Claude Bartolone s’allier avec les tenants d’une idéologie d’un autre âge ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Comment voulez-vous établir de la confiance et restaurer de la croissance en envoyant des signaux aussi contradictoires et incompréhensibles ?
M. Jean-Louis Carrère. Décidément, vous n’avez rien compris !
M. François Zocchetto. La balle est dans votre camp, monsieur le secrétaire d’État.
Nous avons fait des propositions opérationnelles, pratiques, concrètes, pragmatiques. Il vous reste maintenant dix-huit mois. Vous devez les mettre à profit pour mettre en œuvre les réformes dont nous avons besoin et que nous ne cessons de réclamer : réforme du marché du travail, réforme des investissements, réforme des retraites, décrue de la dépense publique. Voilà ce qu’il vous reste à faire, en peu de temps !
Aussi, fidèles à leur engagement pour un État au service de l’économie et de nos concitoyens au lieu d’un État qui étouffe et écrase, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur du projet de loi de finances pour 2016 tel qu’il a été réécrit par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour le groupe CRC.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler, en préambule, à M. Zocchetto, qui a évoqué les alliances en vue du second tour des élections régionales, que l’essence même du parti communiste français, depuis sa création, c’est le combat contre le capitalisme et le fascisme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Christian Cambon. Et les goulags ? (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
M. Thierry Foucaud. Nous voici parvenus, mes chers collègues, au terme de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, et on se souviendra des circonstances tout à fait particulières qui l’ont marqué.
Ce texte, qui, à l’origine, contenait peu d’aspérités, s’est retrouvé « coincé », en quelque sorte, par les plus terribles attentats que notre pays ait connus. Il aura malheureusement fallu ces attaques terroristes pour que soit remis en question le dogme de la baisse des dépenses et des effectifs publics. Les dégâts provoqués par le chômage de masse, l’urgente transition énergétique ou encore la nécessité de faire face à la crise des réfugiés n’avaient pas jusqu’à présent permis une telle remise en cause.
Cette crise doit donc sonner le glas de la politique d’austérité qui enferme l’Europe dans la stagnation économique et menace la cohésion sociale. La réponse immédiate aux besoins de sécurité de nos concitoyens doit cependant être l’occasion d’ouvrir – et d’ouvrir en grand ! – un véritable débat sur la dépense publique en ce qu’elle a de déterminant pour la vie économique et sociale de la nation.
Agir contre le terrorisme et préserver notre peuple des dangers qui viendraient à le menacer nécessitent d’appliquer sans faiblir le principe de précaution, lequel appelle à repenser l’action publique à tous les niveaux.
Nous avons ainsi besoin d’une dépense publique renforcée dans le domaine de l’éducation, afin de lutter contre l’échec scolaire. Comme la précarité, le chômage et l’absence de perspectives, l’échec scolaire nourrit la désocialisation, la colère, la déculturation.
« Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons. » : c’est ainsi que Victor Hugo avait, en son temps, résumé la nécessité de l’éducation et de l’instruction publiques. Cela reste vrai aujourd'hui. L’éducation est la mission cardinale de l’État !
Une politique audacieuse doit également être menée en matière de logement, d’emploi, de santé publique.
M. Bruno Sido. Avec quel argent ?
M. Thierry Foucaud. Il faut faire en sorte que chacun puisse trouver sa place dans la société, apporter sa sensibilité et son originalité, fût-ce pour changer l’ordre des choses par ailleurs, en lieu et place de la véritable « machine à exclure », qui continue de diviser. Cela demande des efforts à la collectivité et lui impose des objectifs sans commune mesure avec tout ce qui a pu se faire jusqu’à présent.
Surtout, mes chers collègues, nous devons abandonner le cadrage budgétaire européen, dont les limites viennent d’être démontrées. Il ne permet pas en effet de répondre aux défis du temps et aux besoins de la société. À cet égard, comment ne pas rappeler la lourde responsabilité des gouvernements qui se sont succédé au cours de ces dix dernières années, qui ont tout fait, j’y insiste, pour enterrer le vote des Français contre l’Europe libérale en 2005 ?
Il est temps – il est plus que temps ! – d’agir pour la santé publique, le développement des activités culturelles, le logement social, l’emploi.
C’est ce message que nous retenons de dimanche dernier : pas plus d’un électeur sur quatre n’a voté pour l’un des deux partis politiques qui conduisent depuis fort longtemps les affaires du pays.
Nous ne vous cacherons pas notre inquiétude face à la cristallisation et à l’influence des idées de division, de régression sociale et de chaos soutenues aujourd’hui par les six millions d’électeurs du Front national. Mais c’est bel et bien la somme des déceptions, des attentes non satisfaites, des limites imposées à la démocratie, …
M. Bruno Sido. À cause de qui ?
M. Thierry Foucaud. … dans la société ou l’entreprise, qui, au-delà du vote pour un parti de division, nourrit une abstention toujours aussi forte.
M. Hubert Falco. Qui est au pouvoir ?
M. Thierry Foucaud. Notre système politique traverse une crise durable. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ?
Quelles mesures ont été prises alors que notre PIB est à la peine, que le CICE n’entraîne pas de redressement sensible de la production industrielle, que le pouvoir d’achat est en berne, que l’immobilier, qui semblait se redresser, subit de nouveau un coup de frein, que l’activité du secteur automobile, même si ce dernier connaît une petite reprise, reste inférieure à celle d’avant la crise, que la balance du commerce extérieur ne s’améliore pas malgré la baisse du prix du pétrole, que l’emploi est toujours en baisse ? Il n’y a pas de quoi pavoiser !
M. Bruno Sido. Vous y avez participé vous aussi !
M. Thierry Foucaud. C’est vous qui y avez participé !
Quand on gèle pendant sept ans d’affilée le point d’indice de la fonction publique,…
MM. Bruno Sido et Éric Doligé. Arrêtez de nous regarder !
M. Hubert Falco. Adressez-vous plutôt à vos partenaires !
M. Bruno Sido. Regardez vos amis !
M. Thierry Foucaud. … quand d’aucuns proposent recul social sur recul social, quand on remet en cause l’âge du départ à la retraite, la réduction du temps de travail et la prise en charge des dépenses de maladie, quand on laisse partir, sans exercer de contrôle, 18 milliards d’euros au titre du CICE et 5,5 milliards d’euros de crédit d’impôt recherche, alors même que 5,8 millions de personnes sont privées d’emploi, dont une masse de plus en plus importante de jeunes diplômés, il ne faut pas faire mine de s’étonner !
La majorité sénatoriale a défendu des propositions – M. Dallier les a rappelées – qui semblent particulièrement éloignées des préoccupations des Français.
En première partie, on a fait pleuvoir les cadeaux fiscaux sur les catégories les plus privilégiées, en réduisant, par exemple, de 500 millions d’euros le produit de l’impôt de solidarité sur la fortune, en accordant une baisse d’impôt sur le revenu aux couches – surtout ! – supérieures, en accroissant encore les abattements sur les plus-values financières et immobilières, et j’en passe...
Comme le tout commençait à faire un peu cher, il a fallu réaliser des économies en seconde partie.
Dès lors, on a crié haro sur les fonctionnaires et ponctionné 5 milliards d’euros – rien que cela ! – sur le dos des agents du secteur public ! Les hommages aux policiers, aux infirmiers, aux secouristes, aux soldats ont vite été oubliés. Gel du point d’indice, des promotions, de la reconnaissance des qualités professionnelles et de l’expérience, non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, application d’un délai de carence de trois jours en cas d’arrêt maladie, augmentation du temps de travail sans rémunération complémentaire : tout y est passé !
M. Philippe Bas. Dites-nous ce qu’il faut faire !
M. Thierry Foucaud. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons sans hésiter contre le projet de loi de finances pour 2016, trop soumis, selon nous, aux grands intérêts privés, nationaux et internationaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous traversons une période dramatique de notre histoire, marquée par l’état d’urgence et la préoccupation majeure des Français pour la sécurité et la lutte contre le terrorisme.
M. Éric Doligé. La faute à qui ?
M. Maurice Vincent. Les questions budgétaires n’en demeurent pas moins importantes, y compris pour pouvoir financer dans la durée les nouvelles mesures que la situation exige.
Dans ce contexte, je retiens, d’abord, le consensus dégagé au Sénat sur le pacte de sécurité proposé par le Président de la République. Les sénateurs ont unanimement voté en faveur d’une augmentation de 750 millions d’euros des crédits dédiés à la sécurité et à la justice ; ils ont confirmé l’arrêt des suppressions de postes dans l’armée jusqu’en 2019, ce dont se félicite le groupe socialiste et républicain.
Le budget proposé par le Gouvernement est utile, indispensable à la France, car il permet de faire face à des défis multiples et particulièrement complexes : contenir notre dette pour la stabiliser, par rapport au PIB, dès 2017 ; réduire nos dépenses publiques sans casser la croissance qui renaît ; préparer l’avenir en fixant des priorités claires en faveur de la jeunesse et de l’innovation.
J’évoquerai aussi la maîtrise de la dette : plus qu’une préconisation européenne, c’est une question de souveraineté nationale.
M. Dominique Bailly. Très bien !
M. Maurice Vincent. Nous empruntons 200 milliards d’euros par an à des taux qui ne seront pas éternellement faibles, nous le savons. Personne ne peut donc s’abstraire de cette exigence, même ceux qui espèrent un jour, comme moi, l’avènement d’une politique plus accommodante de la Banque centrale européenne. Au regard du passé – la dette a augmenté de 600 milliards d’euros entre 2007 et 2012 et de 930 milliards d’euros entre 2002 et 2012 –, nous proposons une véritable rupture marquée du sceau du courage politique.
Pour y parvenir, ce projet de budget poursuit la maîtrise des dépenses publiques de l’État et de ses agences, un point sur lequel les précédents gouvernements – je suis désolé de le rappeler à MM. Dallier et Zocchetto ! – n’ont pas su agir, les dépenses publiques ayant augmenté de 80 milliards d’euros en 2010, en 2011 et en 2012 !
En 2016, les dépenses publiques augmenteront de 1,3 % par rapport à 2015, soit un taux inférieur au taux de croissance. Nous éviterons ainsi l’écueil d’une baisse trop brutale des dépenses : une telle orientation casserait en effet la croissance et mettrait à mal la solidarité nationale, en reportant sur les ménages des dépenses coûteuses en matière de santé et d’éducation. N’oublions jamais, en effet, que, derrière les dépenses publiques, il y a des services collectifs indispensables et finalement peu coûteux par rapport au secteur privé.
Par son contenu, le projet de loi de finances tel qu’il résultait des travaux de l’Assemblée nationale marquait des priorités claires : sécurité, défense, justice, mais aussi emploi, éducation et transition énergétique. L’engagement constant du Gouvernement en faveur de l’éducation, de l’école à l’université, est essentiel, ce domaine étant le facteur clé du succès dans une économie de la connaissance. C’est aussi le meilleur moyen de préserver notre modèle social et nos valeurs républicaines.
L’engagement du Gouvernement en faveur de l’emploi, de la croissance et de la compétitivité des entreprises s’exprimait par de nombreuses mesures, avec la création d’emplois aidés et la réduction des charges salariales, en passant par les mesures en faveur du numérique et les investissements d’avenir.
Pourtant, chers collègues de la majorité sénatoriale, ce subtil équilibre, vous l’avez sérieusement maltraité avec vos amendements souvent très idéologiques, il faut le dire. Vous avez également démontré, à votre corps défendant, l’impossibilité de donner un contenu un tant soit peu concret aux grandes déclarations d’intention de vos leaders nationaux. Ces derniers volent de tribune en tribune, de plateau en plateau, et se livrent à un véritable concours Lépine des coupes budgétaires en s’engageant sur des réductions étonnantes des dépenses publiques de 100 milliards, 120 milliards ou 150 milliards d’euros ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Pour ma part, je me suis livré à un calcul. Ici, au Sénat, vous êtes parvenus, chers collègues de la majorité sénatoriale, à force d’amendements et de sous-amendements, dirigés pour l’essentiel contre les fonctionnaires et les emplois d’avenir, à une économie d’environ 4 milliards d’euros. Et encore, M. Dallier le rappelait, vous réclamez, à l’inverse, des crédits supplémentaires pour le logement – 400 millions d’euros –, pour les transports – 600 millions d’euros –, pour la culture, l’agriculture, l’économie. À ce jeu de bonneteau, le texte, tel qu’il résulte de vos propositions, ne contient finalement aucune économie réelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
Du côté des recettes, nous entendons aussi, à la télévision notamment, des promesses aussi multiples que démagogiques, la dernière en date étant celle de M. Sarkozy, qui plaide pour une réduction des impôts de 30 milliards d’euros dès que possible. (M. Francis Delattre s’exclame.)
Et qu’avons-nous vu, ici, concrètement, dans vos propositions ? Des pertes de recettes de l’ordre de 4 milliards d’euros, qui alourdiraient d’autant le déficit budgétaire.
En définitive, vos propositions illustrent la démagogie des discours publics de l’opposition : des chiffres faramineux lancés dans les débats, mais jamais, devant les Français, l’annonce de combien de milliers de postes d’enseignants, de policiers, de militaires, de personnels soignants vous devriez supprimer pour y parvenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vos propositions en matière de fiscalité, de jeunesse, de solidarité marquent aussi une rupture regrettable avec les choix gouvernementaux. Je rappelle que ce gouvernement a fait des choix fiscaux en direction des Français aux revenus modestes et moyens (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Jean-Louis Carrère. C’est la réalité !
M. Jacques-Bernard Magner. Bien sûr !
M. Maurice Vincent. … avec une nouvelle baisse de 2 milliards d’euros cette année, qui s’ajoute à la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu l’an dernier. Quelque 8 millions de foyers fiscaux en bénéficieront, contre 3 millions l’an dernier.
Vous avez rejeté ces choix, y compris les aménagements pris au bénéfice des veuves et des retraités modestes confrontés aux impôts locaux, alors que c’est votre précédente majorité qui avait supprimé la demi-part fiscale correspondante ! (Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
À l’inverse, vous avez privilégié les réductions pour les catégories aisées et même voté de nouveaux abattements, à hauteur de 510 millions d’euros, pour ce qui concerne l’impôt de solidarité sur la fortune. Vous avez relevé le plafond de plusieurs niches fiscales ; vous avez même proposé d’exonérer des plus-values de cession pour près de 1 milliard d’euros, ce qui représente évidemment une somme considérable.
Vous avez fait clairement le choix de l’accroissement des inégalités sociales, …
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Maurice Vincent. … comme si la crise n’en produisait pas suffisamment par elle-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Vos propositions sont aussi fortes sur le plan symbolique qu’elles sont finalement faibles, voire inexistantes, sur le plan du dynamisme économique, car c’est une conception patrimoniale de l’entreprise que vous avez défendue dans ce projet de budget, là où le Gouvernement est mobilisé pour le soutien à l’investissement, à l’emploi et à la formation.
Je veux aussi souligner que le groupe socialiste et républicain a beaucoup travaillé et apporté de nombreuses améliorations, que je ne détaillerai pas pour ne pas être trop long, notamment sur la fiscalité numérique ou la lutte contre la fraude à la TVA.
Je déplore le rejet de huit missions et d’un compte de concours financiers, et les 34 scrutins publics que vous avez dû demander en raison de votre faible mobilisation.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vincent !
M. Maurice Vincent. Je conclurai en rappelant que notre groupe ne pourra pas adopter le budget ainsi modifié par la majorité sénatoriale, l’exigence péremptoire de coupes budgétaires sévères, mais l’impossibilité d’en assumer les conséquences ne pouvant rallier nos suffrages. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous allez vous prononcer dans quelques instants sur le projet de loi de finances pour 2016 et, comme les autres orateurs, je souhaiterais établir un bilan de l’examen de ce texte par votre assemblée.
Je tiens tout d’abord à saluer votre travail, monsieur le rapporteur général. Nous avons une préoccupation partagée, c’est la protection des intérêts financiers de l’État et l’assainissement de nos finances publiques. Bien entendu, nos choix politiques divergent, mais je tiens à souligner le soin que vous avez pris à assurer des votes globalement assez neutres sur le budget (MM. Vincent Capo-Canellas et Robert del Picchia applaudissent.) : 4 milliards d'euros de dégradation en première partie et, facialement, j’y reviendrai, 4 milliards d'euros d’amélioration en seconde partie. À quelques détails près, vous prétendez assurer un équilibre budgétaire dans les votes que vous avez soutenus.
Le choix que vous avez opéré assurerait la protection des finances publiques, et il aurait le grand mérite de présenter clairement les options politiques des uns et des autres.
Vous avez certes opté pour l’allégement de l’impôt des ménages les plus aisés,…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Non !
M. Éric Doligé. Des classes moyennes !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … avec un ciblage de la baisse de l’impôt sur le revenu sur les derniers déciles et une extension de l’abattement sur la résidence principale, qui conduit à une forte réduction de l’ISF.
Vous avez également choisi d’alléger la contribution demandée aux collectivités territoriales, même si la quasi-totalité du Sénat est d’accord sur le principe d’une contribution significative des collectivités aux économies en matière de dépense publique.
Pour financer ces priorités, vous dégageriez trois pistes.
Vous revenez sur la baisse d’impôt pour les classes moyennes que vous propose le Gouvernement. Vos choix en matière de politique fiscale ont donc le mérite de la clarté.
Vous demandez aux fonctionnaires un effort de près de 3 milliards d’euros sur une seule année,…
M. Bruno Sido. C’est bien le moins !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … principalement en diminuant leur rémunération et en réduisant leur nombre. Je pense que cette réduction porterait principalement sur les professeurs, puisque c’était là tout l’objet du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite que nous avons connu il y a quelques années.
Soyons sérieux, monsieur le rapporteur général, vous nous reprochez un défaut de choix. Mais avez-vous précisé quels postes de fonctionnaires vous vouliez supprimer ? Des policiers, des gendarmes, des soignants ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, des contrôleurs agricoles, des postes dans les DREAL !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ou bien des forces de sécurité, des militaires de nos armées ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Arrêtez !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous citez des chiffres, vous manipulez des masses, parfois des pourcentages. Vous demandez à supprimer 1,4 % des personnels des opérateurs publics. Voulez-vous supprimer des postes dans les universités ? Souhaitez-vous vous attaquer aux agents de Pôle emploi ? Vous ne le dites pas !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La Chancellerie !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous vous contentez d’aligner des chiffres, de prétendues économies, sans en donner ni le détail ni les moyens.
M. François Grosdidier. Vous augmentez les dépenses !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Enfin, vous réduisez certaines prestations sociales, en particulier la prime d’activité.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme M. Ayrault !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je m’étonne d’ailleurs que cette prime soit, avant même sa naissance, l’objet de critiques. Elle a pourtant pour objet de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs les plus modestes, et je pensais que cet objectif pouvait être partagé sur l’ensemble des travées.
En un mot, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage avec vous le souci de l’assainissement budgétaire.
M. François Grosdidier. Vous augmentez les dépenses !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Calmez-vous, monsieur Grosdidier, mon intervention touche à sa fin ! (Sourires.)
Toutefois, il diverge profondément sur les moyens d’y arriver. Le débat est clair et précis, et les Français se feront leur propre jugement sur les options que vous défendez et sur les nôtres.
Malheureusement, la clarté du débat nous manque cruellement quand il s’agit de comprendre la position de la majorité sénatoriale, au-delà de la démarche du rapporteur général.
Sans compter les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », le Sénat a rejeté les crédits de huit missions du budget général – les missions Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ; Culture ; Écologie, développement et mobilité durables ; Égalité des territoires et logement ; Immigration, asile et intégration ; Médias, livre et industries culturelles ; Politique des territoires et Santé.
M. Éric Doligé. Elles étaient mauvaises !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certes, nous savons tous que l’article 40 de la Constitution vous aurait empêché de majorer ces crédits.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais si vous les avez rejetés, c’est que vous vouliez les majorer. Or vous n’avez dit ni de combien ni pourquoi !
Ce choix conduit à une prévision de déficit irréaliste ; il nous conduit même à un excédent structurel totalement fictif. Mais surtout, monsieur le rapporteur général, ce choix, ou plutôt ce défaut de choix, brouille complètement la position de la majorité sénatoriale. En effet, si ces missions ont été rejetées, c’est parce que le Sénat estimait que les crédits étaient insuffisants et qu’il fallait dépenser plus.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas forcément !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Bien entendu, nous ferons le compte, et nous verrons si l’équilibre budgétaire est bel et bien respecté si, par hasard, vous précisiez vos choix budgétaires.
Je crois, pour ma part, que, si les choses étaient dites clairement, vous seriez conduits à accroître fortement la dépense et le déficit. Cependant, je ne puis en faire la démonstration, car le rejet des crédits entraîne une autre conséquence particulièrement préjudiciable : il conduit à brouiller la clarté du débat et nous laisse, nous et tous ceux qui nous écoutent, dans un certain flou, dans une incertitude qui ne sera pas levée à l’issue de l’examen de ce projet de loi de finances.
Cette incertitude porte sur la capacité de la majorité sénatoriale à assumer la responsabilité budgétaire…
M. Philippe Dallier. Rassurez-vous !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … et à accepter la contrainte budgétaire qui nous conduit à faire des choix, car cette contrainte existe, et elle nous interdit d’ajouter des crédits supplémentaires sur tel ou tel ministère, au motif que chacun est plus prioritaire que l’autre.
Certains voudraient nous entraîner vers d’autres débats. Je vous ai entendu, monsieur le président Zocchetto, essayer de pointer les divisions dans la majorité.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Il n’y en a pas ?...
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous ferai observer que jamais, dans les textes financiers, le Gouvernement n’a eu recours au vote bloqué ou à l’article 49-3 de la Constitution.
Mme Catherine Procaccia. La loi Macron !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez voté l’amendement Ayrault !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous avez voulu mettre en œuvre vos propositions. Mais je reste sur ma faim, monsieur Zocchetto, je ne vous ai pas croisé durant les débats ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Bruno Sido. C’est petit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est sur ce regret et cette déception que se termine la discussion de ce projet de loi de finances devant votre assemblée.
Pour autant, je ne voudrais pas clore ce débat sur une note négative. Je tiens à saluer la qualité du débat qui nous a occupés pendant près d’un mois. Je renouvelle mes remerciements à M. le rapporteur général et j’adresse des remerciements à Mme la présidente de la commission des finances, les représentants des groupes et tous les orateurs ayant participé à nos travaux. Je ne saurais, bien entendu, oublier la présidence et les services du Sénat, notamment ceux de la commission des finances et de la séance, qui ont parfois été contraints par des délais que le Gouvernement leur a imposés, ainsi que les collaborateurs des groupes.
Ce débat se termine, mais nous nous retrouverons dès jeudi matin pour l’examen du collectif budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi de finances pour 2016, je veux souligner que, pour la deuxième année consécutive, le Sénat a pu examiner l’ensemble du budget, ce qui me semble un point particulièrement positif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Comme vous avez évoqué ce point, monsieur le secrétaire d’État, je profite de l’occasion pour souligner que le Gouvernement a respecté la parole qu’il m’avait donnée selon laquelle il n’y aurait pas de vote bloqué – les choses doivent être dites.
Je me félicite de la participation importante à la discussion : 235 sénateurs sont intervenus au cours des débats. Le Sénat a entendu à la tribune 49 rapporteurs spéciaux – 27 appartenant à la majorité sénatoriale, 22 à l’opposition sénatoriale et aux groupes minoritaires – et 82 rapporteurs pour avis des autres commissions permanentes.
Permettez-moi de remercier tout particulièrement la présidente de la commission des finances, Mme Michèle André, qui a été présente de façon permanente au banc des commissions, y compris le week-end dernier sur un autre sujet, et le rapporteur général, M. Albéric de Montgolfier, qui a réalisé un travail considérable et a confirmé ses qualités d’écoute, de pédagogie et de conciliation,…
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. le président. … tout en nous tenant étroitement informés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je remercie aussi l’ensemble des vice-présidents qui se sont succédé au plateau pendant ces seize jours de séance. Je sais qu’ils sont parvenus à concilier le droit de chacun à s’exprimer avec le respect de temps de parole contractés, en application de notre nouveau règlement, qui, me semble-t-il, n’a pas empêché l’expression des différentes sensibilités et des propositions de chacun.
Je souhaite également vous remercier, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, de votre franchise, de votre souci de la précision, de votre goût du débat – qui n’exclut pas, on vient de le voir, quelques piques.
L’exemple du projet de loi de finances pour 2016 pourra d’ailleurs être utile à nos collègues Roger Karoutchi et Alain Richard, qui procéderont à l’évaluation globale de la réforme du règlement au cours du premier trimestre de 2016, pour en tirer les conséquences.
Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2016.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
J’invite M. Claude Haut et Mme Colette Mélot, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.
(Le sort désigne la lettre E.)
M. le président. Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.
(L’appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote, le résultat du scrutin n° 102 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté.
Je remercie une nouvelle fois Mme la présidente de la commission des finances, M. le rapporteur général et M. le secrétaire d’État.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons dans quelques instants pour examiner les conclusions des commissions mixtes paritaires portant sur des textes qui, je le rappelle, avaient été discutés selon la nouvelle procédure d’examen en commission. Nous en dresserons bientôt le bilan en conférence des présidents.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention n° 29 de l’Organisation internationale du travail sur le travail forcé, 1930, déposé sur le bureau du Sénat le 15 juillet 2015.
5
Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois ainsi qu’à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
6
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée, et je proclame Mme Patricia Morhet-Richaud membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Colette Giudicelli, démissionnaire.
7
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 75 relatif aux questions écrites et à leurs modalités de réponse.
Nous assistons à une dégradation inadmissible du taux de réponse à nos questions écrites. Au cours de l’année parlementaire 2010-2011, 4 878 questions écrites avaient été déposées et 4 315 réponses avaient été obtenues, soit un taux de 88,45 %. En 2013-2014, 4 836 questions avaient été enregistrées et 4 026 réponses avaient été apportées, soit un taux de 83,25 %. Par contre, lors de la session 2014-2015, sur les 4 815 questions posées, seules 3 268 réponses ont été obtenues, soit un ratio désastreux de 67,87 %.
Une telle situation est inacceptable, d’autant que l’article 75 du règlement du Sénat prévoit que les questions écrites doivent obtenir une réponse dans un délai de deux mois. Or un très grand nombre de questions sont toujours sans réponse deux ans après.
L’attitude du Gouvernement me paraît absolument scandaleuse. Je souhaiterais que la présidence du Sénat intervienne très vigoureusement auprès du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement pour mettre un terme à cette désinvolture très désagréable à l’égard du Sénat.
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, monsieur Masson. Je pense que la conférence des présidents se saisira du sujet.
8
Dématérialisation du Journal officiel de la République française
Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer des textes sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi et de la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française (textes de la commission nos 186 et 187, rapport n° 185 rectifié).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Anziani, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer des textes sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi et de la proposition de loi organique ont abouti à un accord sur l’opportunité de dématérialiser le Journal officiel de la République française et sur la légalité de ce principe.
Oui, cette dématérialisation est opportune ! Le Journal officiel sera ainsi disponible rapidement et gratuitement. Il sera également accessible au même moment sur l’ensemble du territoire et en permanence, autrement dit à toute heure du jour et de la nuit et sept jours sur sept. Cette réforme permettra en outre de réaliser une économie, même si celle-ci est marginale, de 400 000 euros.
Un débat sur la fracture numérique s’est bien évidemment engagé. La couverture du territoire, notamment en haut débit, est-elle suffisante ? Plusieurs de nos collègues ont mis en avant les difficultés de certains territoires à accéder à internet. Nous avons alors adopté un amendement visant à prévoir une exception, afin de permettre à tout administré d’obtenir une version papier du Journal officiel.
Je me souviens que nous avions évoqué les risques d’abus qui pourraient résulter de demandes répétitives et massives en vue d’obtenir des versions au format papier. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement visant à reprendre la formulation de la loi du 17 juillet 1978, dite « loi CADA », sur les demandes abusives. Les commissions mixtes paritaires ont accepté cette rédaction, qui ouvre un droit à la version papier, sauf en cas de demandes répétitives et systématiques.
Par ailleurs, j’ai apporté aux commissions mixtes paritaires une précision qu’il me semble utile, pour des raisons constitutionnelles, de répéter ici.
Conformément à la procédure assez particulière des articles 74 et 77 de la Constitution, le président du Sénat a sollicité l’avis des assemblées délibérantes des collectivités d’outre-mer ; je rappelle que si celles-ci ne délibèrent pas dans le délai d’un mois, leur avis est réputé acquis. Cette formalité a été respectée. Je tiens toutefois à préciser que c’est le conseil exécutif et non l’assemblée délibérante de Saint-Barthélemy qui a rendu sa décision ; à Wallis-et-Futuna, c’est la commission permanente. Toutefois, ce n’est pas un obstacle constitutionnel, dès lors que vous en êtes informés.
Mes chers collègues, nous ne pouvons que nous montrer satisfaits des conclusions des commissions mixtes paritaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. Yves Daudigny. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l’examen de ces deux textes, je veux remercier le Sénat pour la qualité de ses travaux. Je tiens en particulier à remercier la commission des lois et son président Philippe Bas, ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la réflexion et à la discussion.
Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, le Sénat a tenu à aménager un dispositif afin que ceux de nos concitoyens qui n’utilisent pas les moyens modernes de communication, en particulier internet, puissent accéder au Journal officiel. Le Gouvernement y a été sensible. Nous avons en effet la préoccupation de ne laisser personne au bord du chemin et d’accompagner chacun dans l’évolution des technologies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’Assemblée nationale, vous êtes parvenus à une rédaction qui donne satisfaction à tous. Ce travail collectif et l’esprit de responsabilité qui y a présidé nous permettent aujourd’hui d’aboutir au terme d’un processus engagé dès 2004 pour une mise en œuvre au 1er janvier 2016. Nous touchons au but ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe du RDSE est d’autant plus enclin à voter ces deux textes portant dématérialisation du Journal officiel de la République française que la proposition de loi qui nous revient de l’Assemblée nationale via la CMP a retenu son amendement, adopté par la commission des lois du Sénat.
Cet amendement, je le rappelle, prévoyait que lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. Il nous avait semblé, en effet, que cette disposition non seulement répondait à un vrai problème – l’existence de territoires oubliés de la révolution informatique, le fait que tous nos concitoyens ne nagent pas avec la même aisance dans le fleuve numérique –, mais éviterait aussi un refus de principe d’une modernisation pour une fois souhaitable et possible.
Que cette proposition de bon sens et de faible coût ait, au départ, reçu un accueil fort tiède du Gouvernement et de ses supporters m’a, je l’avoue, quelque peu surpris.
Parmi les objections, une seule était à mon sens réellement fondée : le risque d’abus de cette procédure, les maniaques désœuvrés ne manquant pas. Le texte final, en prévoyant que « l’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique », y a apporté une réponse satisfaisante.
Les autres objections m’ont laissé rêveur : le terme « administration » serait trop « général », m’a-t-on dit. La proposition de loi n’entraînerait pas de changement par rapport à la situation actuelle où l’administration est destinataire de 90 % des abonnements papier – quant aux autres, ma foi, qu’ils fassent comme ils peuvent… Il serait inutile de prévoir ce recours individuel, le Journal officiel n’étant pas disponible en kiosque ; pour le lire, il est déjà nécessaire de recourir à internet ou de se rendre à la mairie, qui se fera un plaisir de vous en délivrer la photocopie…
Happy end, donc !
Cet examen de passage réussi par le premier texte examiné, et probablement adopté, selon la procédure prévue à l’article 47 ter de notre règlement lève-t-il pour autant toutes les réserves à l’encontre de cette procédure ? Malheureusement non !
Pas plus que la réduction des temps de parole en séance, allant parfois jusqu’au ridicule – comme nous avons pu l’apprécier lors de l’examen du projet de loi de finances –, le transfert du pouvoir législatif de la séance publique, où tous les parlementaires peuvent exercer leur pouvoir d’initiative et intervenir, à une commission ne va pas dans le sens d’une revalorisation du Parlement. Il contribue plutôt à sa transformation en un théâtre où sont validées des décisions prises dans la coulisse. L’essentiel est d’aller le plus vite possible…
Certes, des précautions ont été prises, notamment le fait que cette procédure ne puisse être utilisée sans le consentement unanime des groupes. Mais, que je sache, un parlement est composé de parlementaires et non de groupes. On l’oublie un peu trop !
Je ne crains pas que, dans un avenir proche, soient examinés selon cette procédure d’autres textes que consensuels ; mais, au train où vont les choses, rien ne dit qu’il en sera toujours ainsi. Les rapports Jospin, Balladur et dernièrement Bartolone-Winock, pour ne parler que des dernières années, de même que, je dois le dire, certaines évolutions de notre règlement ne sont pas là pour me rassurer.
Même cet essai réussi n’est pas totalement rassurant dès lors que l’on entre dans le détail de la discussion : la dématérialisation du Journal officiel est-elle seulement une banale question technique et financière ou une question politique essentielle : la possibilité d’accès de tous à la loi ? Est-ce une question simple ou compliquée ?
Si, pour moi, il est évident que tous les citoyens ne sont pas égaux devant l’accès à l’information numérisée, j’ai constaté, à l’occasion de l’examen de ces propositions de loi, que cette évidence n’était pas partagée par tout le monde.
Si cette expérience réussie est un encouragement à continuer, c’est aussi une invitation à ne pas confondre vitesse et précipitation, le détail et l’essentiel. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme il est agréable d’achever un parcours législatif consensuel en ces temps de crise – certes, sur un sujet qui, en apparence, peut ne pas passionner les foules : la dématérialisation du Journal officiel. Néanmoins, les deux textes, organique et ordinaire, dont nous débattons marquent une étape significative dans la voie de l’administration électronique.
Certains passionnés du Journal officiel, attachés à la magie tactile du papier, verseront quelques larmes à la perspective de n’avoir plus entre les mains ce recueil quasi quotidien de nos lois et décrets. Il est parfois plus facile et reposant pour les yeux de lire un texte imprimé que de visualiser un écran. Quoi qu’il en soit, le papier disparaît peu à peu au profit d’un écran de tablette ou d’ordinateur. O tempora, o mores, diront nos latinistes.
Ceux qui liront ces débats dans quelques années s’étonneront peut-être qu’il ait fallu réunir une commission mixte paritaire et engager la procédure accélérée pour résoudre une question aussi simple. Toutefois, l’objectif est de réaliser cette réforme au 1er janvier 2016.
La réforme profitera à tous. Elle favorisera la connaissance du droit par tous les citoyens, nul n’étant censé ignorer la loi. Si la maxime est belle, avouons que c’est un peu difficile quand le citoyen est confronté à des milliers de lois et décrets. C’est une incitation à faire des lois claires et courtes. Notre commission des lois s’y attelle sous la bienveillante férule de son président Philippe Bas. Cependant, les moteurs de recherche du site Legifrance sont là pour nous faciliter le travail, plus rapidement, plus sûrement, et donc plus efficacement.
Les nouvelles dispositions s’appliqueront outre-mer. Pour ce faire, alors que, en métropole, une loi ordinaire suffit, dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, une loi organique est nécessaire. Le régime juridique du Journal officiel outre-mer figure donc au niveau le plus élevé après la Constitution, celui des lois organiques. Vice-présidente du groupe d’études Arctique, Antarctique et Terres australes, je n’aurai garde d’oublier l’application du nouveau texte aux Terres australes et antarctiques françaises. Ces terres aux paysages de rêve ont droit, elles aussi, au Journal officiel.
La commission mixte paritaire a procédé à quelques ajustements techniques. Depuis notre première délibération au Sénat, en effet, une ordonnance du 23 octobre 2015 a promulgué un nouveau code des relations entre le public et l’administration. Les lois que nous souhaitions modifier ont été insérées dans ce nouveau code. Le projet de loi ordinaire remplace donc heureusement les références aux lois codifiées par les dispositions du nouveau code. Là encore, la création de ce nouveau code, voulue par le Parlement, est bienvenue et permettra une meilleure compréhension de nos lois.
Une question méritait sans doute une précision de fond. C’est la possibilité pour les citoyens de demander aux administrations une copie papier du Journal officiel, particulièrement pour ceux qui n’ont pas encore accès à internet. Même si internet s’est considérablement démocratisé ces dernières années, il faut constater qu’une petite partie de la population y est réfractaire ou a du mal à s’y adapter. La Haute Assemblée a donc prévu la faculté pour tout citoyen de demander une copie papier.
En première lecture, j’avais évoqué la nécessité de préciser les conditions d’exercice de ce droit afin de prévenir tout abus. C’est la solution qui a heureusement été choisie par la commission mixte paritaire, qui s’est référée au régime de communication des documents administratifs précédemment prévu par une loi de 1978, et maintenant par le nouveau code des relations entre le public et l’administration. L’administration ne sera pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique.
C’est donc avec un enthousiasme non mesuré que notre groupe apportera ses suffrages à cette projection dans la modernité que représente cette heureuse réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les textes dont nous achevons la discussion ne constituent, sous bien des aspects, qu’un épisode mineur de la vie et du devenir de l’impression légale et administrative.
Rappelons les données du problème : la diffusion devenue très limitée de la version papier du Journal officiel, de l’ordre de 2 500 exemplaires par jour, à mettre en regard du succès relatif de la version électronique, qui touche plus de 65 000 abonnés, rendue évidemment attractive par la gratuité, explique la proposition principale qui nous est faite.
Épisode mineur, car cela fait déjà quelque temps que l’activité de la direction de l’information légale et administrative, la DILA, dont les Journaux officiels sont l’un des éléments, fait l’objet de la plus grande attention de la part de l’autorité de tutelle, à savoir le secrétariat général du Gouvernement. Je rappelle que mon collègue Thierry Foucaud a longtemps eu l’honneur d’être le rapporteur de la commission des finances pour le budget annexe des Journaux officiels avant que cette tâche ne soit confiée à mon collègue et ami Bernard Vera, ancien sénateur de l’Essonne.
Aujourd’hui, l’impression publique, avec ses différentes entités, est directement affectée par l’évolution des techniques d’impression, la montée en puissance d’internet et la modernisation progressive des outils de travail.
L’impression des Journaux officiels a fait l’objet de lourds investissements en matériels modernes de tirage, noir et blanc comme couleur, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont encore loin d’être pleinement utilisés.
En effet, nonobstant la part mineure que représente la vente au numéro ou par abonnement du Journal officiel dans les comptes de la direction, nous sommes bien obligés de constater que le regroupement opéré entre l’ancienne direction de la Documentation française et la direction des Journaux officiels ne s’est pas traduit par un développement spectaculaire de l’activité. Depuis plusieurs années, la DILA connaît un chiffre d’affaires en stagnation, signe d’une absence de volonté de développement des activités par les autorités de tutelle.
Une telle situation interpelle d’autant plus que la direction a connu, ces dernières années, une réduction sensible du personnel en activité, les effectifs de la société anonyme de composition et d’impression du Journal officiel, la SACIJO, ayant été réduits de moitié au fur et à mesure de restructurations recourant largement à des mesures d’âge pour être « vécues » sans trop de douleur… du point de vue de la tutelle !
Un nouveau protocole d’accord entre direction et syndicat a été signé en juin dernier. Il fixe comme objectif la mise en œuvre d’une nouvelle réduction des effectifs de la SACIJO, quand bien même l’essentiel des suppressions d’emplois ne pourra intervenir que sous la forme de départs volontaires avec incitations financières à la clé.
Je suis évidemment conscient de m’éloigner des quelques centaines de milliers d’euros d’économies en jeu avec la fin de la version papier du Journal officiel, objet de ces commissions mixtes paritaires, mais la question du développement et du devenir du pôle d’impression publique que constitue la DILA demeure posée en ce mois de décembre, comme elle était posée en octobre quand nous avons examiné les textes des propositions de loi initiales.
Provisionner un certain nombre de départs volontaires dans les quatre ou cinq années à venir se révélera-t-il moins coûteux à terme que rechercher de nouvelles activités pour la SACIJO, comme le prévoit également le protocole d’accord ?
La qualité de la formation et l’expérience des salariés de cette entreprise, héritière de la société Wittersheim qui, jusqu’en 1880, effectuait le travail d’impression pour le compte de l’État, sont des raisons suffisantes pour que soit étudiée, avec bien plus de sérieux que jusqu’à présent, la possibilité de regrouper un certain nombre de travaux d’impression publics, aujourd’hui réalisés par des établissements privés pour le compte de ministères ou d’administrations.
Comment ne pas évoquer ici le fait que le Sénat confie un certain nombre de travaux d’impression à des imprimeries de labeur, domiciliées en banlieue, alors même que nous disposons, avec l’imprimerie des Journaux officiels, d’un outil performant quasiment situé à nos portes, dans Paris intra-muros ? Au moment où l’on nous parle tant de réduire les atteintes à l’environnement liées à l’activité économique, cela serait bienvenu.
Nous pourrions également évoquer les travaux d’impression du ministère de la défense, dont les principales directions sont appelées à occuper le nouveau site de Balard.
Dans tous les cas de figure, il est grand temps que la recherche d’économies pour le budget de l’État en matière d’impression publique passe par le regroupement du plus grand nombre d’activité au sein de l’imprimerie des Journaux officiels, notamment en vue de dégager des économies d’échelle en amortissant les investissements réalisés.
Pour terminer, je dirai que les textes issus des commissions mixtes paritaires ne posent pas de problèmes majeurs, le recours au papier demeurant possible pour qui le souhaiterait. Comme lors de l’examen des propositions de loi, nous nous abstiendrons donc sur les conclusions des commissions mixtes paritaires, le devenir stratégique de la DILA et de la direction des Journaux officiels demeurant, à nos yeux, posé.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les commissions mixtes paritaires ont adopté à l’unanimité les propositions de loi portant sur la dématérialisation du Journal officiel de la République française présentées par notre collègue Vincent Eblé. Je tiens ici à souligner la qualité et la pertinence de son travail, ainsi qu’à remercier mes collègues membres des CMP pour ce bel d’élan d’unanimité.
En acceptant ce changement de support de diffusion du Journal officiel, nous allons renforcer, j’en suis sûr, la position de la France au classement mondial de l’e-gouvernement, réalisé tous les deux ans par le département des affaires économiques et sociales de l’ONU. En effet, la France, qui se situait en sixième position mondiale en 2012, est déjà passée au quatrième rang en 2014, juste derrière la Corée du Sud, l’Australie et Singapour. Elle est par ailleurs le premier pays de l’Union européenne pour ce qui concerne la qualité de son e-administration.
Cette classification montre une fois encore que notre pays sait évoluer, contrairement à ce qui est répété à longueur de temps par certaines personnes. En revanche, nous ne faisons sans doute pas suffisamment preuve de volonté didactique vis-à-vis de nos concitoyens. C’est d’ailleurs au regard de cette considération que je souhaiterais appeler votre attention sur deux points.
En commission, la possibilité accordée, grâce au vote d’un amendement de nos collègues Mézard et Collombat, qui était très pertinent,…
M. Jean-Pierre Sueur. Une fois encore ! (Sourires.)
M. André Gattolin. … à tout administré de demander la communication papier d’un extrait du Journal officiel l’intéressant a fait beaucoup débat. Il a notamment été argué que cette mesure pourrait présenter le risque de donner lieu à une éventuelle guérilla procédurale prenant la forme de demandes de reproduction d’une page en milliers d’exemplaires en vue de provoquer la paralysie de l’administration. Pour illustrer cette hypothèse, l’un de nos éminents collègues de la commission des lois a pris l’exemple, évidemment fictif, de possibles manœuvres de ce type exécutées par de dangereux écologistes lors de débats environnementaux.
Prêter ce genre de pensée à des défenseurs de l’environnement, c’est bien mal les connaître. Disons-le clairement, si certaines formes de recours, parfois discutables, voire abusives sont actionnées par certains de nos concitoyens, c’est bien souvent parce que nos procédures de concertation en amont des décisions prises ne sont pas toujours à la hauteur de celles qui ont cours chez beaucoup de nos voisins européens.
Améliorer l’accès à l’information officielle est une chose, mettre en œuvre la concertation et le débat public en amont des choix faits par les pouvoirs publics en est une autre. Je ne suis pas certain que le classement de notre pays à cet égard soit aussi flatteur que celui qui concerne l’e-administration.
J’arrête là ma réflexion sur les formes que peut prendre l’expression citoyenne, car j’ai bien noté que les membres de la commission ont exprimé leur pusillanimité en limitant ce droit à reproduction en reprenant la formule de la loi du 17 juillet 1978 sur les demandes abusives.
L’autre remarque que je souhaite faire concerne la fracture numérique et, de façon plus large, la question de l’accès équitable à la connaissance que chaque citoyen français doit avoir de ses droits et de ses obligations. J’insiste de nouveau sur cette problématique, que j’ai déjà soulevée lors de la discussion budgétaire sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Dans la volonté actuelle de faire du tout-numérique, on oublie trop souvent que les Français ne possèdent pas tous un ordinateur et, surtout, que les usages communs d’internet sont loin de correspondre à tous les potentiels technologiques offerts par ce nouvel outil.
Savoir aller trouver l’information pertinente dans la jungle d’internet, où se confondent vraies et fausses informations, informations institutionnelles et communications commerciales, n’est pas donné à tout le monde. Les moteurs de recherche supposés nous aider en la matière sont souvent vérolés par le business du référencement qu’ils ont eux-mêmes développé. D’ailleurs, il n’existe pas, à ma connaissance, d’étude sérieuse permettant d’évaluer le ranking, ou le classement, des sites institutionnels dans l’ordonnancement des références proposées par le moteur de recherche en position ultra-dominante dans notre pays. C’est bien dommage, car elle nous fournirait un bon indicateur de performance de nos administrations publiques en matière de diffusion d’information au sein de la sphère internet.
Pour autant, si je me félicite du processus de dématérialisation du Journal officiel, que nous allons adopter, je ne pense pas qu’il soit pertinent de l’appliquer systématiquement et sans discernement à tous les actes de la vie citoyenne. Je pense en particulier aux projets de dématérialisation des cartes d’électeur ou du matériel de propagande électorale. Après l’utilisation de machines à voter, qui remplacent dans de nombreuses villes le vote papier, ces projets reviennent de manière récurrente.
Je me permets de vous rappeler que le développement de cette technique était censé garantir plus de fiabilité lors des opérations de dépouillement des votes. Or, comme le constate le dernier rapport portant sur les municipales de 2014 de l’Observatoire du vote, les résultats électoraux issus des bureaux de vote équipés d’un ordinateur de vote présentent davantage d’incohérences que ceux provenant des bureaux de vote équipés de simples urnes. Les écarts constatés ne peuvent être imputés à la nouveauté, puisque, dans les communes étudiées, les dispositifs de vote électronique sont en usage depuis huit à dix ans. Cet exemple montre bien que le recours aux nouvelles technologies doit être considéré au cas par cas.
Pour conclure sur le sujet qui nous occupe, j’indique que le groupe écologiste votera naturellement en faveur de ces textes. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que je ne vais pas utiliser mes quatorze minutes ; la mauvaise, c’est que j’ai encore quelque chose à dire. (Sourires.)
Je veux en effet adresser mes remerciements, ce que je n’ai pas fait tout à l’heure, à Vincent Eblé, qui est à l’origine de ces deux propositions de loi qui vont nous faire entrer dans une nouvelle ère, et à Mme la secrétaire d’État, avec qui nous avons très bien travaillé pendant ces quelques semaines.
En fait, nous nous trouvons dans un moment assez particulier, qui marque la fin d’une époque, celle où chaque matin arrivait un paquet dans les mairies ou d’autres collectivités territoriales, dans les administrations, parfois même, mais plus rarement, chez des particuliers. En l’ouvrant, on voyait des liasses de papier gris s’étaler sur son bureau. C’est la fin d’une période qui a débuté sous la Révolution française avec le Bulletin des lois.
Cette évocation pourrait nous valoir quelques regrets ; en réalité, il ne faut pas en avoir. En effet, depuis une ordonnance de 2004, la publication électronique a la même force probante que la publication papier. Certes, certaines publications ne pouvaient être reproduites que sur papier ; à l’inverse, certaines décisions individuelles, certains actes réglementaires ou des documents relatifs au budget de l’État comportant des annexes très lourdes ne faisaient l’objet que d’une publication électronique. Désormais, cette distinction n’aura plus lieu d’être. Nous pourrons ainsi avoir à notre disposition vingt-quatre heures sur vingt-quatre les très nombreuses annexes du budget, qui sont une mine d’informations.
Je partage tout à fait ce que vient de dire André Gattolin au sujet du vote électronique. J’ai moi-même beaucoup travaillé sur cette question. J’ai d’ailleurs publié un rapport et déposé une proposition de loi à ce sujet. À mon sens, ce n’est pas aujourd’hui une bonne opportunité pour notre pays : il y a non seulement trop de bugs, mais aussi, parfois, des malversations. Il serait sans doute dangereux de recourir massivement au vote électronique, même s’il peut être utile dans certains cas, notamment pour les Français de l’étranger.
L’e-administration doit aussi être regardée avec prudence. Nous devons en effet veiller à la protection des données personnelles. Dans les propositions de loi qui nous sont soumises et grâce au travail accompli par la DILA et par Mme la secrétaire d’État, nous avons veillé à ce que les données personnelles ne puissent pas faire l’objet d’une utilisation frauduleuse.
Il faut savoir qu’avec un bon moteur de recherche et des mots clés bien choisis, on pourrait sélectionner trente-six informations dans le Journal officiel, par exemple sur les changements de nom, les changements de sexe ou d’autres indications, à partir desquels il serait possible de constituer un fichier illégal. Un certain nombre de dispositions techniques ont donc été adoptées pour que les données personnelles les plus confidentielles, c’est-à-dire celles qui peuvent faire l’objet de propagande ou d’un mauvais usage, ne puissent pas donner lieu à la constitution de fichiers. On ne pourra ainsi accéder qu’au sommaire du numéro du Journal officiel, et pas au contenu intégral ; par ailleurs, un système de sécurité de type « captcha », que nous connaissons bien, avec des lettres et des chiffres permettant d’accéder à certaines informations, a été prévu.
Pour conclure, je rappellerai, comme Pierre-Yves Collombat, mais peut-être pas avec les mêmes craintes que lui, que ces deux propositions de loi sont les premiers textes à avoir a été adoptés selon la nouvelle procédure d’examen en commission prévue à l’article 47 ter de notre règlement. Cette procédure a vocation à être rare, et donc à ne s’appliquer qu’à une minorité de textes, puisqu’elle nécessite l’accord de tous. À partir du moment où quelqu’un s’y oppose dans le délai prévu, on doit revenir à la procédure d’examen normale.
À mes yeux, il s’agit d’une bonne procédure, car elle nous a permis de faire adopter des textes en quelques mois, sans exclure la discussion, c’est-à-dire tout en garantissant la liberté de débattre, comme nous l’avons vu avec l’amendement adopté. Ces propositions de loi pourront donc entrer en vigueur le 1er janvier 2016, comme prévu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
proposition de loi portant dématérialisation du journal officiel de la république française
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
Article 1er
I. – La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II du code des relations entre le public et l’administration, telle qu’elle résulte de l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l’administration, est ainsi modifiée :
1° À la première phrase de l’article L. 221-10, les mots : « , le même jour » sont remplacés par les mots : « sous forme électronique » et, à la fin, les mots : « , sur papier et sous forme électronique » sont supprimés ;
1° bis Le même article L. 221-10 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. » ;
2° À la fin de la première phrase de l’article L. 221-14, les mots : « ne doivent pas, en l’état des techniques disponibles, faire l’objet d’une publication sous forme électronique » sont remplacés par les mots : « doivent être publiés dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche » ;
3° L’article L. 221-11 est abrogé.
II. – Au 1° de l’article L. 573-1 du code des relations entre le public et l’administration, tel qu’il résulte de l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 précitée, la référence : « L. 221-11 » est remplacée par la référence : « L. 221-10 ».
Article 2
L’article 1er-2 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton est ainsi modifié :
1° À la première phrase du II, les mots : « , le même jour » sont remplacés par les mots : « sous forme électronique » et, à la fin, les mots : « , sur papier et sous forme électronique » sont supprimés ;
1° bis Le même II est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Sont applicables de plein droit dans les Terres australes et antarctiques françaises les dispositions réglementaires en vigueur en métropole qui définissent les actes individuels devant être publiés dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche. »
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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à souligner l’importance de cet instant : nous nous apprêtons à prendre une décision historique.
Naturellement, je pourrais exprimer quelque nostalgie, moi qui suis fils de journaliste, pour le temps du papier, de l’imprimerie et de la typographie. Je rends d’ailleurs hommage aux typographes, qui étaient des hommes de culture et de grands lettrés. Ils ont beaucoup apporté à notre pays.
Peut-être pourrais-je, comme le fit Léo Ferré, dénoncer Le temps du plastique, une époque où nous serons tous devant des écrans d’ordinateur, à taper sur des claviers – au reste, c’est déjà le temps d’aujourd’hui.
Mais, voyez-vous, je ne céderai pas à la nostalgie,…
M. Jean-Pierre Sueur. …. et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord, parce qu’Alain Anziani a rédigé un excellent rapport, bien argumenté ;…
M. André Gattolin. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. … ensuite, parce que Pierre-Yves Collombat a déposé un amendement très judicieux, grâce auquel chaque citoyen pourra avoir accès aux documents en version papier ; enfin, parce que j’ai lu Victor Hugo, en particulier Notre-Dame de Paris.
Dans le chapitre de Notre-Dame de Paris intitulé « Ceci tuera cela », Victor Hugo assure que les cathédrales et leurs discours de pierre vont disparaître face au temps nouveau, celui de l’imprimerie. Eh bien, cette prédiction ne s’est pas réalisée !
De même, on a cru que la télévision tuerait la radio : on constate qu’il n’en est rien.
J’en suis convaincu, c’est une bonne chose d’aller vers cette modernité, qui permettra d’accéder gratuitement et plus facilement au Journal officiel. Mais j’en suis également convaincu : restera la force de l’écrit, de ces recueils de poésie, de ces ouvrages d’histoire, de ces romans, de tous ces livres où se trouvent tant de choses que nous aimons et que nous continuerons d’aimer. Non, ceci ne tuera pas cela ! C’est pourquoi nous allons vers le progrès en gardant le sens, la beauté et la force de l’histoire ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. André Gattolin. Mémoire et modernité !
M. Jean Desessard. M. Sueur a parlé comme un livre ! (Sourires.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi portant dématérialisation du Journal officiel de la République française dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(La proposition de loi est adoptée.)
proposition de loi organique portant dématérialisation du journal officiel de la république française
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
Article 1er
L’article L.O. 6213-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du II, les mots : « , le même jour » sont remplacés par les mots : « sous forme électronique » et, à la fin, les mots : « , sur papier et sous forme électronique » sont supprimés ;
1° bis Le même II est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Sont applicables de plein droit à Saint-Barthélemy les dispositions réglementaires en vigueur en métropole qui définissent les actes individuels devant être publiés dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche. »
Article 2
L’article L.O. 6313-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du II, les mots : « , le même jour » sont remplacés par les mots : « sous forme électronique » et, à la fin, les mots : « , sur papier et sous forme électronique » sont supprimés ;
1° bis Le même II est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Sont applicables de plein droit à Saint-Martin les dispositions réglementaires en vigueur en métropole qui définissent les actes individuels devant être publiés dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche. »
Article 3
L’article L.O. 6413-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du II, les mots : « , le même jour » sont remplacés par les mots : « sous forme électronique » et, à la fin, les mots : « , sur papier et sous forme électronique » sont supprimés ;
1° bis Le même II est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Sont applicables de plein droit à Saint-Pierre-et-Miquelon les dispositions réglementaires en vigueur en métropole qui définissent les actes individuels devant être publiés dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche. »
Article 4
L’article 4-1 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer est ainsi modifié :
1° À la première phrase du II, les mots : « , le même jour » sont remplacés par les mots : « sous forme électronique » et, à la fin, les mots : « , sur papier et sous forme électronique » sont supprimés ;
1° bis Le même II est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Sont applicables de plein droit dans les îles Wallis et Futuna les dispositions réglementaires en vigueur en métropole qui définissent les actes individuels devant être publiés dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche. »
Article 5
L’article 8 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française est ainsi modifié :
1° À la première phrase du II, les mots : « , le même jour » sont remplacés par les mots : « sous forme électronique » et, à la fin, les mots : « , sur papier et sous forme électronique » sont supprimés ;
1° bis Le même II est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Sont applicables de plein droit en Polynésie française les dispositions réglementaires en vigueur en métropole qui définissent les actes individuels devant être publiés dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche. »
Article 6
L’article 6-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :
1° À la première phrase du II, les mots : « , le même jour » sont remplacés par les mots : « sous forme électronique » et, à la fin, les mots : « , sur papier et sous forme électronique » sont supprimés ;
1° bis Le même II est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie les dispositions réglementaires en vigueur en métropole qui définissent les actes individuels devant être publiés dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche. »
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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Personne ne demande la parole pour explication de vote sur l’ensemble ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 103 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 324 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
9
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 décembre 2015, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire (n° 341, 2014-2015) (ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain) ;
Rapport de M. Jean-Claude Carle et Mme Françoise Laborde, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 220, 2015-2016) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 221, 2015-2016).
Proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire (n° 86, 2015-2016) ;
Rapport de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 216, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 217, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART