M. Alain Bertrand. Monsieur le ministre, si Mme Pinel et vous ne parvenez pas à convaincre le Premier ministre et le Président de la République de la nécessité d’élaborer une grande loi de programmation pour les ruralités et une loi de programmation pour la ville, nous manquerons forcément l’objectif. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » est très diverse, puisqu’elle recouvre des missions du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, l’intervention territoriale de l’État, l’aménagement des territoires et la politique de la ville, mais ses différents programmes relèvent d’une logique de solidarité territoriale et d’équilibre des territoires.
Qu’il s’agisse de territoires ruraux en voie de désertification ou de quartiers déshérités de certaines agglomérations, tout le monde s’accorde à dire que, pour maintenir ou redynamiser ces territoires, il faut des services publics, des entreprises et des commerces de proximité, de la mixité fonctionnelle entre habitat et activités compatibles avec celui-ci.
Cette dernière dimension est essentielle. On ne peut cantonner des espaces à une fonction spécifique, comme nous l’avons fait trop longtemps dans de nombreuses agglomérations : ici les zones résidentielles, là les zones commerciales, un peu plus loin les activités industrielles. On observe même cette sectorisation dans les espaces ruraux, où l’on multiplie parfois les zones d’activités, au détriment de la mutualisation et des terres agricoles, alors que la démarche consistant, chaque fois que c’est possible, à conjuguer sur un même espace plusieurs fonctions favorise les échanges, le dynamisme et la résilience du territoire, bref le lien social, qui nous fait tant défaut aujourd’hui.
S’agissant des actions du CGET, l’aménagement numérique est effectivement devenu essentiel pour favoriser l’installation de nouvelles entreprises et de nouveaux habitants. Il faut veiller toutefois à ne pas se fourvoyer en pensant que cela suffira à rendre leur dynamisme à des territoires en déshérence.
Il reste néanmoins important de favoriser l’accès aux technologies numériques, et pas seulement en rendant possible la connexion, mais aussi en accompagnant les possibles nouveaux connectés dans l’utilisation de ces technologies. Il convient de rappeler que, à l’heure actuelle, 13 % de nos concitoyens, qui ne vivent pas seulement dans les zones rurales, sont encore entièrement déconnectés d’internet : cela peut tenir à des difficultés de connexion ou à une forme de militantisme, mais il y a aussi des victimes de la fracture numérique, qui ne sont pas entrées dans cette culture.
Cela doit nous inciter à conserver des points d’accès physiques de proximité pour l’ensemble des services publics. (M. Jean Desessard approuve.) Aucun système numérique, aussi sophistiqué soit-il, aussi performant soit-il, ne remplacera la relation humaine.
Au sein du programme « Interventions territoriales de l’État », deux éléments ont retenu particulièrement mon attention.
Le premier est l’action Eau agriculture en Bretagne, relative à l’amélioration de la qualité de l’eau en Bretagne. Elle vise à mettre en cohérence, par bassin versant, les démarches des différents acteurs économiques, en particulier les agriculteurs, au travers notamment de la poursuite du plan de lutte contre les algues vertes. Pour cette action, les autorisations d’engagement passent de 7 millions à 5 millions d’euros et les crédits de paiement de 8 millions à 5 millions d’euros. Est-ce parce que l’on entreverrait enfin le bout du tunnel ? Je ne le pense pas. De gros efforts restent à fournir.
M. Michel Canevet. Merci !
M. Joël Labbé. Les mesures curatives, c’est une chose ; le financement de la nécessaire transition agricole permettant d’éviter ces désordres, c’en est une autre !
Second élément ayant retenu mon attention, les crédits affectés au plan de lutte contre la contamination par le chlordécone des sols et des eaux en Martinique et en Guadeloupe diminuent également, passant de 2,5 millions à 2 millions d’euros. Sur ce point également, on peut s’interroger.
Le big bang territorial, dont on verra les premiers effets en 2016, se prépare déjà au travers de ce projet de loi de finances. Les régions auront-elles les moyens d’assumer leurs compétences ? Elles auront à mettre en œuvre des schémas prescriptifs pour l’aménagement du territoire et le développement économique. Cela concerne les transports, les déchets, l’énergie, la biodiversité. Il faudra bien qu’elles en aient les moyens.
Au sein du programme 147, un dispositif a retenu mon attention, celui de l’Établissement public d’insertion dans l’emploi, l’EPIDE. Les crédits de ce dispositif sont revalorisés, ce qui permet le financement de la création de 570 places nouvelles. Ainsi, 1 000 jeunes supplémentaires pourront être accueillis, ce qui porte la capacité des dix-huit centres à plus de 3 700 jeunes, bénéficiant d’un accompagnement renforcé. Cette progression et la création de la garantie jeunes témoignent de l’engagement du Gouvernement en faveur de la jeunesse. Cet effort mérite d’être soutenu et encore accentué dans les années à venir.
Sans pouvoir entrer dans tous les détails des crédits de la mission, j’indiquerai que, malgré les contraintes budgétaires, il semble que leur ventilation tient compte des enjeux de solidarité et d’équilibre de nos territoires. C’est pourquoi les écologistes les voteront.
Mes chers collègues, je vais devoir vous quitter, Mme la ministre de l’écologie m’ayant invité à intégrer la délégation française à la COP 21. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Je dois me rendre au Bourget en vue de m’informer des idées des peuples autochtones pour faire face aux changements climatiques.
M. Michel Canevet. Et la France ?
M. Joël Labbé. Ces peuples, qui entretiennent un rapport harmonieux à la biosphère, se reflétant dans leur gestion des ressources naturelles, sont les premières victimes du dérèglement climatique. Je souhaite vivement que leur sagesse puisse nous inspirer ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy.
M. Jean-Claude Leroy. Monsieur le ministre, je voudrais d’abord redire ici combien le groupe socialiste et républicain apprécie que vous ayez mis en 2015 la ruralité au cœur de votre action, notamment par la tenue de deux comités interministériels aux ruralités. Nous pouvons d’ailleurs déjà voir, au travers de différentes mesures, la traduction des propositions et des engagements pris à ces occasions.
La mission « Politique des territoires » ne représente, il est vrai, qu’une très petite partie – moins de 5 % – de l’engagement global de l’État en faveur de l’aménagement du territoire, mais si l’on considère l’ensemble des crédits consacrés à la politique d’aménagement du territoire, on constate qu’ils sont globalement stables : 5,675 milliards d’euros de crédits étaient inscrits dans la loi de finances pour 2015 et 5,706 milliards d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2016. Seuls les crédits des programmes 112 et 162 accusent une légère baisse, qui peut s’expliquer par le cadre budgétaire contraint dans lequel nous sommes tenus de travailler.
Des engagements ont été pris, et soixante-cinq mesures ont été mises en place lors des deux comités interministériels aux ruralités, que ce soit au travers des volets territoriaux des contrats de plan État-région, les CPER, de l’extension du haut débit ou de la création de 1 000 maisons de services au public. Ces dernières ouvriront d’ici à la fin de l’année 2016, grâce à une mutualisation avec La Poste. Le dispositif du prêt à taux zéro rural sera quant à lui étendu. Enfin, 200 maisons de santé supplémentaires ont été créées en 2015 et le chiffre de 1 000 sera atteint en 2017. Toutes ces mesures, et bien d’autres encore sur lesquelles je ne reviendrai pas, témoignent de l’engagement du Gouvernement.
Une autre réforme importante, celle des zones de revitalisation rurale, vient d’être engagée, avec une redéfinition des critères de classement. Cette réforme, prévue par l’article 18 du projet de loi de finances rectificative pour 2015, était nécessaire.
Je constate aussi avec satisfaction que le centre-bourg a été remis au cœur de l’aménagement du territoire : le programme de revitalisation des centres-bourgs a été officiellement lancé le 3 novembre dernier. Ce programme, qui concerne cinquante-quatre sites, est doté d’un budget global de 230 millions d’euros sur six ans ; il bénéficiera également d’une partie de l’enveloppe de 300 millions d’euros issue du fonds de soutien dont la mobilisation a été annoncée lors du comité interministériel de Vesoul.
Ce programme a suscité un réel intérêt de la part des bourgs-centres, dans la mesure où plus de 300 communes se sont déclarées candidates. Il était important d’apporter une réponse aux quelque 250 d’entre elles qui n’ont pas été retenues, mais qui avaient perçu, dans l’annonce de ce nouveau programme, une réelle chance à saisir.
Je retiens à ce sujet la prise de position de Mme la ministre, qui nous a indiqué, lors de son audition par la commission, que les préfets avaient reçu pour instruction de donner la priorité à ces bourgs au titre de l’attribution des dotations de l’État. Je vous suggérerais volontiers, monsieur le ministre, d’augmenter le taux de subvention au bénéfice de ces bourgs, afin d’améliorer le caractère incitatif de cette politique, qui redonne aux bourgs-centres une place centrale dans l’aménagement du territoire. En effet, une loi de l’aménagement du territoire veut que quand le bourg va bien, l’arrière-pays se porte bien, et que quand il va mal, c’est tout l’arrière-pays qui souffre.
Le message adressé par les territoires ruraux a été entendu. La démarche était opportune, le diagnostic est précis, les réponses sont pertinentes. Les crédits affectés à cette politique constituent une première réponse, que certains jugeront insuffisante, mais une véritable politique d’aménagement du territoire doit aussi être faite de mutualisation et de transversalité.
L’État n’est pas seul à mettre en œuvre les projets. Cette transversalité suppose certes de mettre à disposition tous les moyens de l’État. C’est le cas aujourd’hui avec la DETR, qui a été augmentée, et le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Il est également possible de faire appel non seulement aux fonds européens, au travers notamment du programme LEADER, que les régions géreront, mais aussi aux départements, dont les solidarités territoriales relèvent désormais.
Pour faire évoluer le monde rural, il faut donc une volonté politique et un projet de territoire. Pour autant, l’élaboration d’un véritable projet de territoire nécessite de l’ingénierie, laquelle fait défaut dans les territoires ruraux. Il faut donc travailler dans cette direction : les territoires ont besoin d’outils pour déceler et mettre en valeur leurs potentialités. Ils ont besoin d’une ingénierie, c’est-à-dire d’une aide à l’analyse, au diagnostic, puis à la mise en forme du projet.
Dans le département du Pas-de-Calais, dont je suis élu, une enquête réalisée auprès des communes a révélé que 25 % d’entre elles ont renoncé à un projet par défaut d’ingénierie. Beaucoup d’élus ruraux ont une vision du développement de leur territoire, mais ils ne disposent pas, la plupart du temps, de moyens humains suffisants pour concrétiser leur ambition. C’est là que l’ingénierie joue un rôle fondamental. Certains vont la chercher auprès des agglomérations, lesquelles sont dotées d’agences de développement ou d’urbanisme, mais cette démarche a l’inconvénient de renvoyer le plus souvent à une vision urbaine du développement du territoire rural. D’autres attendent beaucoup du renforcement de l’ingénierie départementale, consacrée par la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République et à laquelle peuvent s’adosser les territoires ruraux depuis la disparition programmée de l’ATESAT, l’assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire.
Le monde rural se modernise et sait être inventif. Il s’agit donc, non seulement pour l’État, mais aussi pour l’ensemble des partenaires potentiels de ces territoires, de continuer à lui en donner les moyens. Nous sommes convaincus que les dispositions retenues sont une première réponse et qu’elles vont dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous voterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à associer à mon propos mon collègue de l’Ardèche Mathieu Darnaud, empêché, qui devait intervenir dans cette discussion générale.
En examinant les crédits de la mission « Politique des territoires » prévus pour 2016, on s’étonne d’abord de l’éclatement de la politique d’aménagement du territoire entre trente programmes, eux-mêmes disséminés entre quatorze missions du projet de loi de finances. L’existence de deux comités interministériels distincts, consacrés l’un aux ruralités, l’autre aux villes, illustre le fait que la démarche d’unification née de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires est loin d’être aboutie.
Ne disposant que de peu de temps, je concentrerai mon intervention sur le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », qui concerne notamment les territoires ruraux, éternels parents pauvres de la politique d’aménagement du territoire, où vivent des citoyens qui peinent à se faire entendre.
Monsieur le ministre, on observe que si des dispositifs pertinents existent aujourd’hui pour favoriser l’attractivité de ces territoires, l’insuffisance des moyens les prive d’efficacité. Ainsi de la montagne, qui n’a plus de ligne budgétaire dédiée, des centres-bourgs, qui sont menacés par le déclin démographique et par les dernières réformes, liées à la loi NOTRe ou au nouveau découpage des cantons, ou encore des communes qui, touchées par le phénomène de périurbanisation, voient s’accroître les demandes de services et d’équipements de la part de leur population.
J’aimerais pouvoir faire preuve d’enthousiasme devant l’expérimentation conduite par le CGET, en lien avec l’Agence nationale de l’habitat, sur la base des projets des cinquante-quatre communes sélectionnées – sur plus de 300 éligibles – en matière de logements sociaux, de soutien à l’habitat privé et d’actions de revitalisation menées dans les centres-bourgs, mais, sur l’enveloppe initialement prévue lors de l’appel à projets lancé en juin 2014, seulement 6 millions d’euros de crédits de paiement sont débloqués.
De plus, est-il réaliste d’espérer faire « rebondir » durablement ces communes sans en développer le dynamisme économique ? Comment expliquer que le budget du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, dont les crédits, je vous l’accorde, sont inscrits dans une autre mission budgétaire, soit tombé à 15 millions d’euros en autorisations d’engagement dans ce projet de budget pour 2016 ? Il était en effet de plus de 19 millions d’euros en 2015, et de 40 millions d’euros en 2012.
M. Michel Savin. Eh oui !
M. Jacques Genest. Concernant les déserts médicaux, monsieur le ministre, nous avons entendu votre collègue Marisol Touraine promettre l’ouverture d’un millier de maisons de santé d’ici à 2017. Nous constatons cependant que ce projet de loi de finances ne mentionne que 2 millions d’euros de crédits de paiement, qui serviront à couvrir des engagements anciens.
J’en viens au numérique : il s’agit d’une dimension incontournable de la politique des territoires, tant un piètre accès à internet, dans les territoires enclavés, aggrave encore les inégalités entre les citoyens.
Certes, un effort notable est réalisé en la matière : 188 millions d’euros d’autorisations d’engagement viennent abonder le plan « France très haut débit » et s’ajouter aux moyens importants votés en 2014. Néanmoins, comme le rappelait notre collègue Pointereau dans son rapport pour avis, le traitement des dossiers déposés par les collectivités est trop lent, deux ans séparant souvent l’enregistrement de la demande de la prise de décision, ce qui oblige les collectivités à des décaissements importants. Même le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, est battu : ses délais ne sont que de six ou sept mois !
Or le très haut débit représente non seulement un lien offrant aux habitants des zones rurales les mêmes capacités de communiquer que celles dont disposent leurs concitoyens urbains, mais aussi une chance incontournable pour développer le travail à domicile et aider nos PME à tirer leur épingle du jeu dans la mondialisation.
M. Labbé – j’espère qu’il se rend au Bourget à vélo ! – se désole d’une prétendue multiplication des zones d’activités en milieu rural, mais cela relève d’une vision urbaine et idéologique. Nous, élus ruraux, savons protéger nos terres agricoles tout en essayant de développer les autres activités économiques.
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Jacques Genest. Le Président de la République a annoncé le 14 septembre dernier, à Vesoul, la création d’un fonds doté de 1 milliard d’euros, destiné à soutenir l’investissement des communes et des EPCI. Le moins que l’on puisse dire est qu’un grand flou entoure cette annonce quelque peu miraculeuse…
M. Michel Savin. On a l’habitude…
M. Jacques Genest. Une part substantielle des ressources de ce fonds provient d’un recyclage des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux.
Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai contre l’adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires », composée des trois programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », « Politique de la ville » et « Interventions territoriales de l’État », constitue un outil d’intervention en faveur de l’ensemble de nos territoires.
Une approche globale de cette mission budgétaire nous permet de tenir compte des disparités entre des zones urbaines, périurbaines ou touristiques concentrant une part croissante de la population et certaines zones de montagne ou rurales isolées et en voie de dépeuplement.
Tous ces territoires, malgré leur diversité, sont confrontées à certaines problématiques communes, comme le logement, l’emploi, les transports, l’accès aux services publics de proximité, le très haut débit, la téléphonie mobile, le développement économique, l’égal accès aux soins et, enfin, la mise en réseau des territoires, depuis les métropoles jusqu’aux villes moyennes, aux petits bourgs et aux zones rurales environnantes.
C’est pourquoi il me paraît essentiel et urgent de pouvoir disposer des moyens nécessaires pour mettre en œuvre une politique nationale volontariste en matière d’aménagement du territoire, afin de permettre un développement territorial équilibré et d’éviter que le déséquilibre existant déjà entre ces zones rurales et urbaines ne se transforme en une fracture irrémédiable.
Comme en témoignent les différents domaines que j’ai cités, le maître-mot, en matière d’aménagement du territoire, est bien celui de transversalité. Tous les ministères, ou presque, ont une part active à prendre dans cette politique.
Malheureusement, les crédits de la mission budgétaire dont nous débattons aujourd’hui sont bien maigres en regard des enjeux et des sommes à mettre en œuvre. Ils s’élèvent pour 2016 à 674 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 718 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse, respectivement, de 2,75 % et de 3,75 %.
Pourtant, le document de politique transversale d’aménagement du territoire présente 5,38 milliards d’euros de crédits au total, répartis entre trente programmes relevant de quatorze missions.
Dans ces conditions, comment apprécier réellement l’effort budgétaire réalisé pour l’aménagement du territoire ? Je le dis, comme d’autres l’ont fait avant moi aujourd’hui et les années précédentes, cette mission budgétaire n’aura de sens que lorsqu’elle regroupera un maximum de crédits. C’est aussi une question de sincérité et de priorités.
La mission « Politique des territoires » ne concentre, au final, que 13 % des crédits destinés à l’aménagement du territoire. Si l’on observe l’évolution de ces crédits globaux, c’est une baisse de 9,73 % qu’il faut noter pour cette politique, si essentielle pour l’équilibre et le développement territoriaux. Cette baisse n’est pas acceptable. Elle l’est d’autant moins que nos territoires souffrent également des autres mesures prises par le Gouvernement : diminution drastique des dotations aux collectivités locales, transfert de compétences sans compensation financière, évolution du paysage institutionnel.
Tous ces changements ont des conséquences sur nos territoires. Les élus locaux, qui sont les premiers maillons de l’animation des territoires, qui sont finalement les meilleurs acteurs de l’aménagement du territoire, ne comprennent plus quel cap leur est fixé – leur est imposé, devrais-je dire. Monsieur le ministre, au-delà des considérations purement budgétaires, ne négligez pas les élus et leur implication.
J’aborderai maintenant quelques thèmes qui me tiennent particulièrement à cœur, à commencer par celui de la mobilité, sous toutes ses formes : mobilité physique, notamment avec la problématique des trains d’équilibre du territoire, et mobilité des idées, avec la téléphonie mobile et le développement du très haut débit.
Les conclusions du rapport Duron sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire ne sont pas pour nous rassurer. Les secteurs les plus ruraux pâtiront encore des décisions prises.
M. Jean-Jacques Filleul. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-François Longeot. On verra ! J’espère me tromper, mais j’en doute.
Si le constat sur la situation de ces lignes de train est sans appel, les réponses proposées ne conviennent pas. Faute d’entretien, l’État va limiter les services aux usagers et, demain, le même État dira que les trains d’équilibre du territoire ne sont pas assez fréquentés et supprimera encore des lignes. La baisse de qualité de nos services publics provoque immanquablement une disparition de ceux-ci en milieu rural, comme cela a été le cas pour La Poste.
Par ailleurs, derrière ces questions d’aménagement du territoire, il y a aussi des enjeux industriels. Des entreprises comme Alstom souffrent aussi des décisions prises par l’État et la SNCF. L’absence de renouvellement du matériel pourrait entraîner un démantèlement de ce fleuron de notre industrie, avec pour conséquence une perte de nos savoir-faire techniques et de nos emplois.
En matière de communications, l’accès à la téléphonie mobile, marqué par d’importantes inégalités, constitue toujours, en 2015, un grave problème. Les difficultés sont encore plus flagrantes en ce qui concerne l’accès au très haut débit pour tous.
Aujourd’hui encore, trop de communes sont en zones blanches. Ces communes, situées en zones rurales ou de montagne, ne disposent pas d’une couverture numérique digne de ce nom.
M. Loïc Hervé. Absolument !
M. Jean-François Longeot. En effet, pas assez peuplées, ces zones blanches présentent peu d’intérêt pour les grands opérateurs. Le coût de l’installation du très haut débit étant très élevé en zone rurale, les programmes d’équipement actuels privilégient très majoritairement les zones offrant un retour sur investissement. Heureusement, les collectivités locales, tels les départements, viennent pallier l’absence d’investissement des opérateurs.
J’en viens à la question des déserts médicaux.
Mme Françoise Gatel. Oui, excellente question !
M. Jean-François Longeot. Vous le savez, j’ai eu la chance d’être rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire pour le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Les propositions que nous avons formulées étaient fortes, mais mesurées. Elles s’inscrivaient dans la droite ligne du rapport d’information réalisé par Hervé Maurey quelques années auparavant.
Les déserts médicaux progressent. La densité médicale départementale moyenne, toutes spécialités confondues, diminue : elle est passée de 275,7 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants au 1er janvier 2007 à 266,4 au 1er janvier 2015. Aujourd'hui, 3 millions de Français vivent dans un désert médical, et les prévisions n’ont rien pour nous rassurer. En effet, la demande de soins augmente avec le vieillissement de la population et les maladies chroniques. La démographie médicale devrait ainsi connaître un creux dans les dix prochaines années, sachant que 26,4 % des médecins ont plus de soixante ans.
Même si nos propositions pour favoriser l’installation des médecins n’ont pas été retenues, je reste convaincu qu’elles constitueraient de bonnes solutions pour remédier à ces difficultés.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-François Longeot. D’autres voies peuvent nous permettre de progresser : le développement de la télémédecine et de la délégation de soins pourrait également être accéléré.
En conclusion, compte tenu de la déception que nous ne pouvons qu’éprouver à l’examen des crédits de cette mission, le groupe UDI-UC suivra les avis de la commission des finances et de celle de l’aménagement du territoire et votera contre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.