M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la politique de la ville. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, même si je porte, à titre personnel, une appréciation positive sur les crédits proposés pour le programme « Politique de la ville », je souhaite tout de même exprimer un regret, qui rejoint l’analyse du rapporteur précédent.
Il est dommage que le programme 147 « Politique de la ville » ne figure plus dans la mission « Égalité des territoires et logement ». Je considère en effet que les politiques du logement et de la ville sont étroitement liées et que la précédente architecture du budget était plus cohérente.
Mais je me réjouis que la politique de la ville bénéficie de crédits confortés pour 2016 afin de tenir compte des mesures décidées le 6 mars 2015, dans le cadre du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté, le CIEC, et qui s’appuient sur une nouvelle géographie prioritaire, avec 1 500 quartiers prioritaires et 100 zones franches urbaines-territoires entrepreneurs.
Ainsi, les crédits d’intervention de la politique de la ville sont tout particulièrement renforcés. Certes, la seconde délibération à l’Assemblée nationale a réduit de 3 millions d’euros l’effort initial de 15 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2015, mais le soutien aux associations et aux actions menées sur le terrain est indéniable, ce qui mérite d’être souligné au moment où des événements tragiques, que nous avons tous à l’esprit, prouvent la nécessité d’interventions et d’accompagnement de ce type.
L’établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, bénéficiera aussi d’une dotation de fonctionnement majorée de 3,9 millions d’euros. Plus largement, votre ministère porte des actions en faveur des quartiers prioritaires, comme le financement de 1 000 éducateurs ou des subventions aux associations agréées « Jeunesse éducation prioritaire ». Je pense que vous ne vendez pas assez cet aspect, monsieur le ministre !
C’est donc bien la simple mise en extinction progressive, au 31 décembre 2014, du dispositif d’exonération de charges sociales dans les zones franches urbaines, les ZFU, qui explique principalement l’apparente diminution des crédits du programme 147. L’engagement du Gouvernement sur le plan opérationnel n’est pas en cause.
L’ensemble des mesures décidées dans le cadre du CIEC devraient être ainsi financées par une enveloppe globale de 55 millions d’euros en 2016, dont 18,5 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale ; le solde proviendra du dégel des crédits en cours d’exercice, comme en 2015, année au cours de laquelle le programme 147 a bénéficié d’un dégel de 31,5 millions d’euros.
Les dépenses fiscales rattachées au programme, qui représenteraient 367 millions d’euros en 2016, ont été profondément redéfinies. Elles visent à assurer, dans les quartiers concernés, une mixité à la fois sociale et fonctionnelle, mixité fonctionnelle à laquelle je suis particulièrement attaché. Il ne suffit pas d’exiger la mixité sociale dans l’habitat, il faut qu’elle soit aussi dans les activités !
Ainsi en est-il de l’application de la TVA à taux réduit pour l’accession sociale à la propriété étendue à l’ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous pouvons encore aller plus loin, et je sais que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, fait en sorte d’aider les projets à se développer dans le domaine économique.
Je me félicite également du lancement de l’Agence France Entrepreneur, pour laquelle 660 000 euros ont été transférés depuis le présent programme. Cette agence devrait permettre de mutualiser les moyens aujourd’hui éclatés et de concentrer les efforts sur les territoires les plus fragiles. Je sais que le montant initial de ces 660 000 euros suscite des interrogations, mais je pense, monsieur le ministre, que vous pourrez nous donner des précisions sur cette agence.
Les crédits de droit commun, qui représenteraient en 2016 4,2 milliards d’euros de crédits de paiement, sont désormais mobilisables à l’échelon territorial, dans les contrats de ville. Je me félicite que plus de 90 % de ces contrats soient d’ores et déjà signés. Pensez-vous parvenir à signer l’ensemble des contrats avant la fin de l’année ?
De nombreuses mesures en faveur des habitants des quartiers prioritaires, en termes de développement économique, d’emploi, de santé ou de rénovation urbaine, sont d’ailleurs prévues par le CIEC. Elles doivent désormais se concrétiser.
Je finirai par le financement de la rénovation urbaine.
Trois conventions ont permis, au cours des derniers mois, de fixer les ressources qui permettront de couvrir à la fois la fin du programme national de rénovation urbaine, le PNRU, dont les engagements s’achèveront à la fin de cette année, et le nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU, pour les années 2014 à 2019.
Ainsi, le NPNRU disposera de concours financiers à hauteur de 6,4 milliards d’euros, correspondant à 5 milliards d’euros d’équivalents subventions. Action Logement en financera l’essentiel, avec 3,2 milliards d’euros de subventions directes et 2,2 milliards d’euros en prêts bonifiés. Le reste du financement sera assuré par la Caisse de garantie des logements locatifs sociaux, la CGLLS, à hauteur de 400 000 euros, et le reliquat attendu au titre du PNRU, soit environ 600 millions d'euros.
L’équilibre financier du NPNRU semble donc assuré, ce dont il faut se féliciter. Il repose toutefois sur l’hypothèse de ce report de 600 millions d’euros du PNRU, dont la concrétisation apparaît désormais indispensable. Les dernières nouvelles semblent rassurantes sur ce point.
Par ailleurs, le niveau de trésorerie, qui suscitait des inquiétudes, continue de se réduire. Toutefois, avec le soutien de trésorerie d’Action Logement et le système de préfinancement de 1 milliard d’euros prenant la forme d’un prêt de la Caisse des dépôts et consignations, le financement de la rénovation urbaine semble assuré jusqu’en 2019. Action Logement s’est même engagé, dès à présent, à verser, après cette date, 500 millions d’euros jusqu’en 2031.
Il apparaît toutefois que la soutenabilité financière de l’ANRU reste fragile. Un pilotage fin de la mise en œuvre des programmes et des capacités financières de l’Agence devra donc être assuré.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et, en particulier, du renforcement des crédits consacrés aux actions territorialisées et aux dispositifs spécifiques de la politique de la ville, j’avais proposé à la commission des finances d’adopter les crédits consacrés à la politique de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, rapporteur spécial.
M. Jacques Genest, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte pour la deuxième année consécutive les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », le FACÉ.
M. Charles Revet. C’est important !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Créé en 1936, le « Fonds d’amortissement des charges d’électrification » est resté jusqu’à aujourd’hui le FACÉ. Il a en effet conservé le même acronyme, mais il a changé de statut depuis 2012, en devenant un compte d’affectation spéciale, intitulé « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».
En tant que président du syndicat des énergies de l’Ardèche, fonction que j’occupe depuis huit ans, je pourrais vous parler très longuement du FACÉ. Cela étant, je m’en tiendrai, ce jour, à une présentation des principales observations que m’inspire ce compte d’affectation spéciale dans le projet de loi de finances pour 2016.
Ma première remarque concerne les recettes du FACÉ, qui sont assises sur une contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité – ERDF, principalement.
Le taux de cette contribution est recalculé régulièrement, de manière à couvrir exactement les crédits prévus sur l’exercice. Son produit est ainsi attendu à hauteur de 377 millions d’euros en 2016, soit un montant stable depuis 2012.
Ainsi, les taux en vigueur à ce jour ont été récemment fixés par un arrêté du ministre chargé de l’énergie en date du 2 septembre dernier. Aux termes de cet arrêté, le taux de la contribution reste cinq fois plus élevé en zone urbaine qu’en zone rurale, faisant du FACÉ, dès le stade de son financement, un dispositif de péréquation. Ce mécanisme de répartition des charges entre communes rurales et communes urbaines doit rester, selon moi, du même ordre et devrait même être appliqué au très haut débit.
Ma deuxième remarque porte sur les destinataires des aides du FACÉ, c'est-à-dire les autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité, ou AODE. Il peut s’agir de communes ou d’établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d’électrification, dans la mesure où ces collectivités sont les maîtres d’ouvrage de travaux d’électrification rurale.
Ces AODE sont, le plus souvent, des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d’électrification à l’échelle départementale. À cet égard, je me félicite qu’en 2015 le mouvement de regroupement des syndicats soit quasi achevé ; seuls cinq départements n’ont pas encore abouti aujourd’hui.
Ma troisième remarque est relative à la destination des dotations. Il s’agit de financer des travaux sur les réseaux de distribution d’électricité, avec un taux de prise en charge du coût des travaux qui s’établit à 80 % hors taxes. Les dotations sont notamment réparties en fonction des départs mal alimentés, les DMA, calculés par ERDF.
En 2016, les investissements sur les réseaux de distribution publique d’électricité auront, comme à l’accoutumée, diverses finalités : le renforcement des réseaux, qui vise à accroître la qualité de l’électricité distribuée pour 184 millions d’euros ; la sécurisation des réseaux, à hauteur de 81 millions d’euros, en prévision d’événements exceptionnels, tels que des tempêtes ou d’autres intempéries ; l’enfouissement, soit 55,5 millions d’euros d’aides, permettant d’importantes améliorations d’ordre esthétique, mais également de fiabilisation, en particulier en montagne ; ou encore, l’extension des réseaux, pour près de 47 millions d’euros, afin d’assurer leur développement.
J’estime que les actions de renforcement et de sécurisation doivent bien demeurer des axes prioritaires pour les missions du FACÉ, mais il convient de réviser progressivement à la hausse la part des travaux d’extension et d’enfouissement.
Ma quatrième et dernière remarque – sans doute la plus importante, monsieur le ministre – vise les graves dysfonctionnements rencontrés en 2014 et 2015 dans l’exécution du FACÉ, qui ne doivent plus se reproduire. Je déplore, en effet, que des retards de paiement soient à nouveau intervenus en 2014 et 2015.
Après les problèmes rencontrés en 2012, à la suite de la réforme du FACÉ, la situation a été en voie de normalisation en 2013, mais l’exécution 2014, loin de confirmer le processus de rattrapage, n’a non seulement pas permis de combler le retard, mais l’a aggravé.
M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, le taux de consommation des crédits ouverts n’a été, l’année passée, que de 74 % en autorisations d’engagement et de 47 % en crédits de paiement.
Le rapport annuel de performance 2014 de la mission indiquait un « ralentissement lié à une situation exceptionnelle, composée du déménagement du FACÉ sur le site de la Défense à l’été 2014, suivi de la vacance de plusieurs postes de gestionnaires, ainsi que de la formation dispensée aux nouveaux arrivants ». Malheureusement, ces difficultés se sont poursuivies tout au long du premier semestre de 2015.
J’ai obtenu des précisions sur la nature du problème : ce fonctionnement perturbé fait suite au départ d’agents qui ont choisi de rejoindre EDF en 2014 avant l’emménagement du FACÉ dans les locaux de la DGEC, la Direction générale de l’énergie et du climat, à l’été 2014, la mission étant placée sous la dépendance d’une convention de mise à disposition de personnels issus d’EDF. La vacance de plusieurs postes pendant de nombreuses semaines a profondément désorganisé la gestion des aides du FACÉ.
Monsieur le ministre, il faut tirer des enseignements de cette exécution difficile en 2014 et 2015. Je m’interroge sur l’état de dépendance de la mission à l’égard de la mise à disposition de personnels issus d’EDF. Faut-il s’orienter vers une gestion en régie du FACÉ et sur la fin de la convention avec EDF, de manière à garantir la continuité du fonctionnement de ce compte d’affectation spéciale ?
Quelle que soit votre réponse, la priorité est aujourd’hui que les services de l’État assurent le bon déroulement de l’exécution 2015 et procèdent aux paiements en retard dans les délais les plus brefs.
Ce mauvais fonctionnement est illustré par le délai inadmissible de délivrance des arrêtés de subvention. Pour des demandes complètes déposées en juin les arrêtés ne sont délivrés que fin novembre, et encore pas pour toutes les opérations.
M. Charles Revet. Ce n’est pas normal !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. C’est inadmissible, mais cela illustre l’impensable lourdeur de l’administration française.
M. Michel Savin. Eh oui !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. De ce fait, l’acompte de 10 % de la subvention ne peut être délivré qu’à ce moment-là, soit six mois après la demande…
En cette période de chômage exceptionnel tout autant qu’exponentiel, et pour relancer l’investissement, il est indispensable, d’une part, de réduire au minimum le délai de rédaction des arrêtés en supprimant les étapes technocratiques inutiles,…
M. Michel Savin. Très bien !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. … et, d’autre part, de porter à 30 % l’acompte, comme pour toute autre subvention de l’État.
Les phénomènes de retards de paiement constatés en 2012, 2014 et 2015 ne doivent plus jamais se reproduire !
C’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances propose l’adoption, sans modification, des crédits pour 2016 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », ce FACÉ qui est pour moi un bel instrument de solidarité entre les territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la ville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’agissant des crédits du programme 147, « Politique de la ville », je tiens à saluer, dans un contexte global de restriction budgétaire, les efforts du Gouvernement pour augmenter les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la ville.
Je ferai deux observations, sur l’emploi des jeunes et sur l’habitat.
Le CIEC, le comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté, a en effet décidé de renforcer les mesures en faveur de la formation et de l’emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires, dont le taux de chômage demeure très supérieur au taux constaté en dehors des quartiers « politique de la ville ».
C’est le cas de l’EPIDE, qui met en place un cadre structurant d’inspiration militaire.
Le CIEC a décidé d’augmenter de 27 % le nombre de places d’accueil de cet établissement. Ce sont ainsi 4 000 jeunes qui pourront être accueillis dans l’un des dix-huit centres à partir de 2016 pour une durée de huit mois environ. Deux nouveaux centres devraient ouvrir, à Nîmes et à Toulouse.
Il faut encourager ce dispositif, qui a permis en 2014 d’insérer 51 % des jeunes engagés, alors même que le contexte économique était difficile.
En matière d’habitat, le Premier ministre a appelé à « casser les logiques de la ségrégation avec une autre répartition de l’habitat ».
À cette fin, le CIEC a adopté plusieurs mesures parmi lesquelles l’accélération de la mise en œuvre du nouveau plan de renouvellement urbain, dont tous les acteurs rappellent l’importance au regard du succès du précédent plan, le PNRU, et une meilleure répartition du parc social sur les territoires.
S’agissant plus particulièrement du NPNRU, le nouveau programme national de renouvellement urbain, qui va concerner 200 quartiers d’intérêt national et 250 quartiers d’intérêt régional, il me paraît essentiel que l’on mette fin à la concentration de logements sociaux dans un certain nombre de quartiers et que l’on favorise la mixité tant sociale que fonctionnelle.
Je souhaite redire que la démolition-reconstruction est l’un des moyens pour mettre un terme à une situation que le Premier ministre a qualifiée d’« apartheid territorial, social, ethnique »,…
M. Charles Revet. Tout à fait ! Il y a du travail !
Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. … sachant qu’il est prévu que, dans les zones tendues, les logements sociaux démolis soient reconstruits en dehors des quartiers prioritaires, sauf exception justifiée par l’intérêt local.
Le NPNRU se verra consacrer 6,4 milliards d’euros – Action Logement sera le premier contributeur – ; un prêt de 1 milliard d’euros de la Caisse des dépôts et consignations devrait en outre permettre d’accélérer sa mise en œuvre.
Si la question de la trésorerie semble ainsi résolue, il faudra cependant prendre en compte les conséquences, sur la réalisation des projets de rénovation urbaine, des baisses de dotations et des nouvelles règles de financement de l’ANRU, règles qui obligent les bailleurs sociaux à avoir recours de façon plus importante à leurs fonds propres, car il est indispensable d’agir, et d’agir vite.
En conclusion, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 147, « Politique de la ville », crédits que je voterai à titre personnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je viens rapporter devant vous l’avis de la commission de l’aménagement du territoire sur les crédits consacrés à la politique des territoires inscrits sur le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », sur le programme 162, « Interventions territoriales de l’État » – ou PITE – et sur le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».
Au regard de l’importance de ces programmes et de ce compte d’affectation spéciale, je commencerai par regretter que cette commission ne dispose que de trois minutes de temps de parole…
Je regrette aussi, comme j’ai eu l’occasion de le dire à cette tribune depuis plusieurs années, que notre commission n’ait pas l’occasion de donner son avis sur l’ensemble de la politique d’aménagement du territoire, qui représente 5,7 milliards d’euros, contre 6,1 milliards d’euros en 2012, je le rappelle.
Les programmes examinés représentent un des plus faibles postes du budget de l’État, avec 270 millions d’euros en crédits de paiement et de 227 millions d’euros en autorisations d’engagement pour 2016, soit une baisse respective de 9 % et de 7 % par rapport à 2015.
Cette diminution prolonge, une nouvelle fois, la forte baisse des crédits constatée depuis 2012. C’est un signal regrettable, pour nos territoires ruraux en particulier. Malgré les effets d’annonces à Laon et à Vesoul, nous ne pouvons que constater un recul du soutien aux territoires, qui ne semble pas être une priorité du Gouvernement.
Avec l’objectif de maîtrise des finances publiques et la baisse sans précédent des dotations de l’État, c’est une double peine pour nos territoires.
Certes, ces crédits ne représentent que 5 % des ressources de la politique transversale d’aménagement du territoire, mais celle-ci se limite finalement à 1,4 % du budget général.
C’est très peu pour une politique publique qui ambitionne d’assurer le développement équilibré des territoires et qui devrait résorber les inégalités existantes.
Aujourd’hui, nous partageons la pénurie plutôt que la richesse, et la politique des territoires illustre le fossé qui sépare les promesses des réalisations.
Bien sûr, nous pouvons souscrire à un certain nombre de mesures, comme l’effort consacré aux maisons de services au public, mesure lancée en 2010, ou encore le soutien aux bourgs-centres, mais sous réserve que cette démarche soit sous-tendue par une vision socioéconomique et corresponde à un vrai soutien aux artisans et commerçants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui !
Pour ce qui est de l’accès aux soins, avec les maisons de santé pluriprofessionnelles, il n’y a plus de financement dédié, puisque c’est dorénavant la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, qui interviendra dans ces opérations.
Quant à la fracture numérique, vécue comme une grande inégalité, force est de constater que les financements annoncés n’arrivent pas davantage à un très haut débit !
Par ailleurs, plusieurs dispositifs efficaces qui avaient été mis en place par la précédente majorité voient leurs ressources réduites ou diluées, quand ils ne sont pas abandonnés. Je pense aux pôles de compétitivité, aux grappes d’entreprises ou encore aux pôles d’excellence rurale.
En conclusion, même si le montant des crédits ne témoigne pas à lui seul de l’effort réalisé en direction des territoires, nous déplorons le manque de lisibilité, d’innovation et, finalement, de stratégie pour mener une politique d’aménagement du territoire cohérente et ambitieuse.
Mais avons-nous encore, dans notre pays, une véritable politique d’aménagement du territoire ?
M. Charles Revet. C’est tout le problème !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. On peut sans doute se poser la question aujourd’hui !
Pour toutes ces raisons, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de Mme Évelyne Didier, qui doit reposer ses cordes vocales (Sourires.) et à qui nous souhaitons un prompt rétablissement.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Patrick Abate. Nous centrerons notre intervention sur l’accès aux technologies numériques.
Le programme concernant le très haut débit est, certes, rattaché à la mission « Économie », mais, pour nous, il relève bien de l’aménagement du territoire. C’est ce qui a conduit le rapporteur de l’Assemblée nationale à examiner, dans son rapport sur la politique des territoires, le programme sur le très haut débit. Il s’agit d’ailleurs d’un élément clé des futurs contrats de plan État-régions. Il figure enfin au sommaire des deux comités interministériels à la ruralité qui se sont tenus cette année.
C’est un enjeu essentiel de ce XXIe siècle, comme l’ont été en leur temps le rail ou l’électricité. Les possibilités de croissance liées au développement numérique sont immenses, au point que l’on a pu parler de « révolution » numérique, tant ces nouvelles pratiques transforment les manières de s’informer, de communiquer, d’échanger, de produire, et donc de vivre.
Le Gouvernement a présenté en 2013 un plan pour le très haut débit. Nous sommes d’accord avec l’objectif d’une couverture totale de la population en très haut débit fixe d’ici à 2022, principalement par la fibre optique jusqu’à l’habitant. Malheureusement, nous doutons que le calendrier puisse être respecté. Ce n’est pas le premier plan numérique dont les objectifs seraient repoussés faute de financements et malgré les efforts réalisés par les collectivités !
En effet, les objectifs fixés reposent principalement sur le bon vouloir des opérateurs privés. Or, soyons clairs, le « conventionnement » ne garantit pas le respect des engagements pris. Pensons à SFR…
Certes, la carence peut être déclarée, mais elle ne permet que l’intervention du public pour pallier ce défaut d’exécution. D’ailleurs, nous notons que ce sont dans les territoires où les collectivités publiques sont intervenues que les efforts les plus importants ont été réalisés et l’accès a été le plus renforcé. À l’échelle nationale, la couverture en très haut débit est passée de 27 % à 44 % en juin 2015 ; en zone d’initiative publique, c’est-à-dire en zone peu dense, autrement dit non rentable, la couverture est passée de 2 % à 24 %.
Pourtant, il est aujourd’hui risqué pour les collectivités d’intervenir. Elles ne disposent ni des moyens financiers ni des moyens juridiques pour le faire. Surtout, les opérateurs contestent souvent la qualité de leur réseau.
Bien sûr, dans les zones très denses, il n’y a pas de problème : les opérateurs sont tous au rendez-vous !
Dans les zones intermédiaires, l’idée de mutualisation est intéressante, mais la fusion entre SFR et Numericable a ralenti les déploiements et montre, une fois de plus, que l’intérêt privé n’est pas toujours l’intérêt général.
À cet égard, la secrétaire d’État chargée du numérique, Axelle Lemaire, a indiqué que la Commission européenne s’interrogeait sur l’application du régime des aides d’État au cahier des charges.
La France a longtemps disposé, pour les activités de service public, d’opérateurs historiques efficaces sous contrôle public, voire en situation de monopole. C’était le cas dans les transports, les télécommunications ou l’énergie. Ces opérateurs servaient l’intérêt général et assuraient l’aménagement du territoire tout en développant la recherche et des savoir-faire qui sont encore aujourd’hui en pointe dans le monde.
L’objectif des politiques actuellement mises en œuvre sous l’égide des textes européens n’est pas vraiment de protéger le consommateur, mais bien d’« effacer » le service public et ses opérateurs.
Le choix de l’État de concentrer la totalité des investissements publics sur les zones rurales part d’un bon sentiment, mais cela revient à accepter l’idée qui fonde tout le système : au privé les activités rentables, au public les activités déficitaires. Ne pourrait-on pas, à un moment ou à un autre, remettre ce principe en discussion ?
Les géants de l’industrie des télécommunications menacent aujourd’hui le Gouvernement de ne pas faire les investissements sur lesquels ils s’étaient engagés concernant la téléphonie mobile et la couverture des zones blanches, en invoquant la récente hausse de la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet. Le patron d’Orange a qualifié cette mesure de « racket », tandis que Free a indiqué que cette augmentation serait répercutée sur la facture de l’abonné. Les politiques publiques seraient ainsi tout à fait incongrues et illégitimes, ce qui, bien sûr, n’est jamais le cas de la rémunération des actionnaires !
En dernier lieu, je souhaite évoquer la nécessité de contrôler le niveau d’émission des ondes.
La crainte des populations du « bain » d’ondes électromagnétiques n’est pas totalement infondée. Il convient de mieux associer les citoyens et de mettre en œuvre le principe de précaution, non pas pour bloquer les initiatives, mais pour introduire un questionnement légitime et nécessaire.
Nous avons besoin de données fiables pour mieux décider des implantations des antennes-relais et être en mesure d’apporter des réponses concrètes aux riverains. En attendant, nous demandons, depuis plusieurs années, la réduction du seuil maximal d’exposition du public à 0,6 volt par mètre pour les antennes-relais. Cette proposition est soutenue par plusieurs associations et est reprise par une résolution du Conseil de l’Europe de 2011. La prendre en considération est nécessaire dans la mesure où nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à se déclarer électro-sensibles.
Plutôt que de n’envisager l’avenir qu’au travers de la construction et du développement de réseaux prétendument concurrents, ne pourrait-on s’interroger sur l’intérêt du déploiement d’un seul réseau organisé par la puissance publique, qui permettrait à la fois de garantir la suppression des déserts numériques, d’éviter aux collectivités d’être mises en difficulté et de prévenir la surabondance des sources d’ondes électromagnétiques, en mettant ainsi en œuvre le principe de précaution ? (M. Joël Labbé applaudit.)
Tels sont, mes chers collègues, les éléments que nous voulions verser au débat.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit, ou presque… (Sourires.)
M. Jean Desessard. Presque seulement !
M. Alain Bertrand. Monsieur le ministre, nous voterons les crédits de cette mission. Nous saluons la rénovation des centres-bourgs, la dotation d’équipement des territoires ruraux, supérieure à 100 millions d’euros, l’extension du champ d’intervention du Fonds de compensation pour la TVA, l’expérimentation du guichet unique, le plan de développement des maisons de services au public et des maisons de santé.
Cependant, il est tout de même un peu effrayant de constater que la politique d’aménagement du territoire se résume aux quelques centaines de millions d’euros de la mission « Politique des territoires »…
Imaginez un habitant d’un quartier difficile relevant de la politique de la ville, qui entend sans cesse affirmer, sur toutes les chaînes de télévision, que l’on vit mal dans les quartiers comme le sien, qu’y sévissent le mal-logement, l’entassement, le manque d’emplois, l’absence de services publics et d’entreprises… Il finit par se demander quand on s’occupera enfin de son quartier, s’il y a un plan, une stratégie pour remédier à une telle situation. Il se répond à lui-même qu’il n’y en a pas, constatant que l’on ne définit jamais de moyens ni d’objectifs. Dans ces conditions, il ne croit plus dans les politiques publiques et, s’il ne s’abstient pas, il votera sans doute pour un parti extrémiste.
D’autres émissions de télévision traitent de la ruralité. On y montre une exploitation agricole, une école de campagne, un beau village où l’on aimerait passer des vacances, mais ces images recouvrent une réalité moins flatteuse : faute d’accès à l’internet et à la téléphonie mobile, les touristes hésitent à venir, l’infirmière ne peut pas prendre rendez-vous avec les patients, l’artisan, ne pouvant commander rapidement une pièce, perd du chiffre d’affaires. Quant à l’école, elle est fermée ! Restent l’église, le monument aux morts (Rires.)…
M. Rémy Pointereau. C’est l’hyper-ruralité !
M. Alain Bertrand. … et la mairie.
M. Jean Desessard. Pas pour longtemps !
M. Alain Bertrand. Tout le monde s’accorde à dire qu’il faudrait tout de même maintenir un minimum de symboles républicains,…
Mme Catherine Procaccia. Le drapeau !
M. Alain Bertrand. … mais on ne le fait pas !
Tout le monde s’accorde à dire qu’il faudrait aider à la démétropolisation, à l’implantation d’entreprises dans ces territoires ruraux et hyper-ruraux.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il faudrait mettre en place un plan associant le département, la région et l’État pour amener l’internet, mais je puis vous assurer que nous autres, ruraux et hyper-ruraux, nous aurons internet vingt ans après tout le monde !
M. Jacques Mézard. Optimiste !
M. Alain Bertrand. Le problème de fond, c’est le manque de stratégie et de volonté pour s’atteler à ce qui devrait être une grande cause nationale. Toutes les lois devraient prendre en compte l’hyper-ruralité, la démétropolisation devrait être une règle, mais ce n’est pas le cas ! On commence seulement à expérimenter les guichets uniques dont j’avais préconisé la mise en place dans mon rapport. Peut-être l’habitant de l’hyper-ruralité n’ira-t-il pas non plus voter dimanche prochain, à moins qu’il ne vote pour un parti extrémiste…
Chers camarades sénateurs… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Évelyne Didier et M. Patrick Abate. Très bien !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Pas camarades, compagnons !
M. Alain Bertrand. Camarades, c’est un beau mot, qui exprime la fraternité, comme dans la devise de la République ! Nous sommes tous camarades !
Mme Évelyne Didier. Tout à fait.