M. Alain Milon. La variole est une maladie infectieuse hautement contagieuse, grave, et contre laquelle il n’existe pas de traitement efficace. Le seul véritable moyen de lutte est la prévention par la vaccination.

Dans les années 1980, la vaccination de la population contre la variole a été interrompue en raison de l’éradication de cette maladie au niveau mondial. Toutefois, il existe encore des stocks de virus, qui sont détenus à des fins d’expérimentation par des laboratoires habilités.

Or, dans la période que nous traversons, on ne peut écarter le risque d’un détournement des stocks existants à des fins malveillantes ou la possibilité que le virus soit recréé par un procédé de biologie de synthèse pour être ensuite disséminé.

Face à cette menace, notre pays s’est équipé d’un stock de vaccins antivarioliques de première génération, conformément au plan national de lutte contre la variole établi en 2006. Mais cette stratégie est aujourd’hui dépassée au regard des recommandations internationales et nationales, en particulier les recommandations du Haut Conseil de la santé publique, qui soulignent la nécessité de privilégier désormais les vaccins de troisième génération.

L’avantage du vaccin de troisième génération réside dans l’absence des risques d’effets secondaires graves – notamment d’effet létal – associés à ses prédécesseurs. En outre, il ne se réplique pas dans les cellules humaines et ne comporte pas de sérum, de conservateur, ni, je le précise à l’intention de certains collègues, d’adjuvant aluminé. Il permet donc de mobiliser plus efficacement les équipes d’intervention en cas d’attaque biologique.

Dans son avis de 2012 relatif à la révision du plan variole, le Haut Conseil de la santé publique recommande la constitution d’un stock de 250 000 doses de vaccins dans le cadre d’un scénario intermédiaire d’attaque. Ces vaccins seraient réservés aux intervenants de première ligne, c’est-à-dire les plus exposés en cas d’épidémie.

Le présent amendement nous donne les moyens de mettre enfin en œuvre cette recommandation. Le coût unitaire du vaccin étant estimé à 15 euros, cet amendement majore de 3,75 millions d’euros les crédits de l’action 16 du programme 204, qui retrace la subvention de l’État à l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS. Il minore du même montant les crédits de l’action 2 du programme 183.

Cette mesure permettrait de renforcer immédiatement les équipes de première ligne qui seraient appelées à vacciner ou à diagnostiquer et traiter, soit environ 100 000 personnes au total.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Avis favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État. Votre amendement, monsieur le sénateur, vise à insérer un article disposant que le ministre de la santé doit assurer l’existence sur le territoire d’un stock de 250 000 vaccins antivarioliques non réplicatifs de troisième génération. Ces vaccins seraient réservés aux intervenants de première ligne en cas de menace terroriste à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national.

Les pouvoirs publics français sont tout à fait conscients des risques liés à la variole et sont investis pour assurer un haut niveau de protection de la population. C’est pourquoi le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a initié en novembre 2013 la révision du plan interministériel de lutte contre la variole, datant de 2006. Cette révision associe l’ensemble des ministères concernés, dont le ministère qui est chargé de la santé.

Dans ce cadre, l’Institut national de veille sanitaire a été saisi d’une demande portant sur la stratégie de vaccination, afin de définir les conditions optimales de protection. Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et l’avis du Haut Conseil de la santé publique du 21 décembre 2012 seront pris en compte pour élaborer une stratégie de prise en charge sanitaire qui comprendra notamment l’acquisition de vaccins.

Ces travaux sont d’ores et déjà achevés et les arbitrages interministériels sont en cours. Le nouveau plan de lutte contre la variole sera donc élaboré sur ce fondement et il restera classifié pour des raisons de sécurité. La diffusion d’informations trop précises sur la stratégie de lutte retenue faciliterait effectivement leur éventuel contournement à des fins malveillantes.

C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Le sujet exposé par notre collègue Alain Milon est tout à fait d’actualité. J’ai moi-même abordé ce sujet ce matin, lors de la séance de questions orales.

J’ai bien écouté la réponse de Mme la secrétaire d’État et en effet la question est grave. Aujourd’hui, environ 25 millions de nos concitoyens ne sont plus couverts par la vaccination antivariolique compte tenu de l’arrêt de celle-ci dans les années 1980. Cela dit, j’entends bien les arguments développés par Mme la secrétaire d’État, qui demande le retrait de l’amendement ; cela ne relève cependant pas de notre responsabilité.

Enfin, je ne reviens pas sur le débat que nous venons d’avoir sur l’amendement n° II-142 rectifié, mais je regrette que les crédits de cet amendement tendant à instaurer une protection antivariolique soient pris sur l’aide médicale de l’État.

Mme Laurence Cohen. Bien sûr !

Mme la présidente. Monsieur Milon, l’amendement n° II–258 est-il maintenu ?

M. Alain Milon. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-258.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits, modifiés.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 62 quinquies qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Santé ».

Santé

(Intitulé nouveau)

Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article additionnel après l’article 62 quinquies

Article 62 quinquies (nouveau)

Les victimes ou leurs ayants droit qui ont été reconnus débiteurs du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante par décision juridictionnelle rendue de manière irrévocable entre le 1er mars 2009 et le 1er mars 2014, à raison de la non-déduction des prestations versées par les organismes de sécurité sociale au titre de l’indemnisation d’un même préjudice ou de l’application, pour le calcul du montant de l’indemnité d’incapacité fonctionnelle permanente, de la valeur du point d’incapacité prévue par un barème autre que celui du fonds, sont réputés avoir définitivement acquis les sommes dont ils étaient redevables. – (Adopté.)

Article 62 quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Egalité des territoires et logement

Article additionnel après l’article 62 quinquies

Mme la présidente. L’amendement n° II–195, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 62 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les conditions dans lesquelles la caisse d’assurance maladie chargée d’instruire la demande par délégation de l’État accède aux informations contenues dans le fichier des demandes, délivrances et refus de visas sont définies par décret en Conseil d’État. »

La parole est à Mme la rapporteur pour avis

Mme Corinne Imbert, rapporteur pour avis. Le travail d’instruction des demandes d’AME réalisé par les caisses d’assurance maladie n’est pas facilité – c’est un euphémisme – par le caractère souvent déclaratif des informations fournies par les requérants.

Selon les informations transmises par les caisses, il arrive que l’étude des demandes d’AME laisse pressentir que les demandeurs disposent d’un visa et donc qu’ils sont en principe couverts par une assurance. Or, en l’état actuel du droit, les services instructeurs n’ont pas accès aux informations leur permettant de vérifier l’existence éventuelle d’un visa et de connaître, le cas échéant, la nature et la durée de validité de ce document. Certaines personnes sont ainsi admises à l’AME alors qu’elles n’y sont pas éligibles, avec les conséquences financières que cela emporte.

Il nous paraît donc nécessaire de consentir à la demande des caisses, qui souhaiteraient pouvoir accéder aux informations contenues dans le fichier de délivrance des visas du ministère des affaires étrangères.

Tel est l’objet de cet amendement de la commission des affaires sociales, qui renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de définir les modalités selon lesquelles cet accès sera mis en place. Il pourrait s’agir d’un accès indirect ; par exemple, les directeurs des caisses transmettraient périodiquement une demande de renseignements aux services du ministère à partir d’une liste de requérants.

Cette mesure contribuerait ainsi à assurer une meilleure maîtrise financière du dispositif en évitant les prises en charge indues – je précise que l’on se situe là en amont de l’attribution des droits et donc de la série de contrôles que Mme la secrétaire d’État a mentionnés tout à l’heure. Cette mesure permettrait d’accompagner les caisses dans les efforts qu’elles réalisent pour améliorer l’efficience des procédures et optimiser la maîtrise de la dépense publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Il s’agit d’une revendication de toutes les caisses d’assurance maladie, notamment de la région parisienne. Elles ont en effet du mal à établir une collaboration cohérente avec le ministère des affaires étrangères. L’accès à ces informations relatives aux visas leur permettrait surtout de mieux contrôler les demandes. Tout le monde semblait s’accorder pour considérer que, dans un souci de clarté pour nos concitoyens, les caisses d’assurance maladie ont besoin de ces éléments pour faire leur travail.

C’est un excellent amendement de Mme la rapporteur ; la commission émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je tiens à préciser qu’il existe déjà des échanges d’informations avec les services de l’État chargés des affaires consulaires, dès lors qu’il a été procédé aux déclarations adéquates auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Les organismes de sécurité sociale et les services de l’État chargés des affaires consulaires se communiquent en effet toutes les informations visant notamment à vérifier les conditions de délivrance des documents d’entrée et de séjour sur le territoire français. Voilà pour le ministère des affaires étrangères.

Pour ce qui concerne le ministère de l’intérieur, il existe une application : l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, ou AGDREF2. Cette application permet notamment de connaître la situation des étrangers et donc la nature de leur visa. Cet outil est d’ailleurs en train d’évoluer pour améliorer encore le contenu des informations disponibles et ainsi enrichir les échanges de renseignements.

Aussi, puisque votre demande est en grande partie satisfaite, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Notre collègue maintient, me semble-t-il, son amendement, donc je souhaite indiquer que mon groupe ne le votera pas.

Voilà un instant, à propos de l’amendement n° II-142 rectifié, notre collègue Yves Daudigny évoquait les sommes dérisoires dues à ce que vous assimilez à la fraude à l’AME.

En outre, Mme la secrétaire d'État nous dit que l’évolution en cours du dispositif permettra de communiquer aux caisses les informations que vous estimez nécessaire de leur délivrer.

Pour ma part, je veux rappeler, à l’intention de mes collègues de la majorité sénatoriale, que les fraudes patronales s’élèvent aujourd'hui, selon la Cour des comptes, à 20 milliards d’euros.

J’aurais aimé, chers collègues, que vous preniez des initiatives, à l’occasion de ce projet de loi de finances, comme, d'ailleurs, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour permettre un meilleur contrôle, dans les entreprises, de l’emploi de travailleurs détachés ou du travail illégal, notamment par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, les DIRECCTE.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. C’est déjà le cas !

Mme Annie David. Oui, j’aurais aimé que vous déposiez des amendements visant à enrichir le texte en ce sens…

M. Philippe Dallier. C’est vous, la majorité !

Mme Annie David. Non, ce n’est pas nous ! Vous savez très bien, monsieur Dallier, que je n’en fais pas partie… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Précision utile !

Mme Annie David. En tout état de cause, il aurait été beaucoup plus intéressant et, pour parler le langage que vous affectionnez, efficient, pour les caisses du budget, de prévoir un meilleur contrôle de la fraude patronale.

Cette proposition s’inscrit dans la continuité des amendements que nous venons d’examiner. On s’en prend toujours aux mêmes, aux plus faibles, aux plus défavorisés, à ceux qui ont le plus besoin de notre soutien. Eh oui, mes chers collègues, il y a encore, en France, un peu de solidarité et un peu de soutien à apporter à des populations en difficulté.

C’est à cette population que vous vous en prenez. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Nous ne voterons pas non plus cet amendement, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, Mme la secrétaire d'État a expliqué, de manière extrêmement précise, que les moyens de contrôle que vous demandez, à juste titre, madame la rapporteur, existent déjà. Nous ne voyons donc pas de raison de maintenir cet amendement.

Ensuite, il ne me semble pas utile d’éveiller la suspicion quand cela n’est pas justifié.

Enfin, pour ce qui concerne la fraude sociale, des études très sérieuses réalisées récemment ont montré que les causes agitées par certains pour expliquer, par exemple, les difficultés financières de l’assurance maladie ou la situation des finances publiques relevaient du fantasme. Ces études ont notamment montré que la fraude sociale avait une part tout à fait minime dans les difficultés financières que nous rencontrons par ailleurs.

Mme la présidente. Madame Imbert, l'amendement n° II–195 est-il maintenu ?

Mme Corinne Imbert. Je vais le maintenir, madame la présidente.

Madame la secrétaire d'État, je vous ai bien entendue. J’ai compris que mon amendement était en grande partie satisfait. J’en déduis qu’il ne l’est pas totalement, raison pour laquelle je le maintiens.

Il ne s’agit ni de discrimination ni de suspicion. Il s'agit de respecter les règles d’éligibilités à un droit, mais aussi de faciliter la tâche à la fois de la Caisse primaire d’assurance maladie de Paris et de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, qui, comme me l’ont expliqué leurs représentants, que j’ai auditionnés, rencontrent des difficultés dans l’instruction d’un certain nombre de dossiers.

Au demeurant, je me réjouis d’apprendre que les conditions d’accès aux visas seront prochainement satisfaites.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-195.

(L'amendement est adopté.)

M. Philippe Mouiller. Très bien !

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 62 quinquies.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Santé ».

Égalité des territoires et logement

Article additionnel après l’article 62 quinquies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Débat interactif et spontané sur la mission « Egalité des territoires et logement »

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » (et articles 54 à 56 bis.)

Madame la ministre, mes chers collègues, j’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de sept minutes au rapporteur spécial, de trois minutes aux rapporteurs pour avis, puis de quarante-cinq minutes aux orateurs des groupes.

Le Gouvernement disposera ensuite de quinze minutes pour répondre aux commissions et aux orateurs.

Puis nous aurons une série de questions de deux minutes maximum chacune, avec la réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des finances, pour une durée totale de quarante-cinq minutes.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai sept minutes pour vous parler de 18 milliards d’euros de crédits budgétaires, de l’hébergement d’urgence, de la réforme des aides personnelles au logement, ou APL, du financement des aides à la pierre, de la création FNAP… Je réclame donc votre indulgence, ainsi que celle de la présidence de séance. À l’impossible, nul n’est tenu ! (Sourires.)

Ce budget présente pour première caractéristique de connaître une forte hausse, de près de 33 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Toutefois, cette hausse est essentiellement due à la montée en puissance du pacte de responsabilité et de solidarité et au transfert, au budget de l’État, de 4,7 milliards d’euros de cotisations sociales. Il faut donc entrer dans le détail des crédits de la mission pour y voir clair et, malheureusement, c’est là que les choses se gâtent.

Pour ce qui concerne le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », je commencerai par saluer la poursuite de l’effort budgétaire en direction de la création de places d’hébergement de toutes natures.

Cependant, malgré une augmentation de près de 6 % des crédits du programme, je ne peux que constater, comme l’an dernier, que ceux-ci seront nettement insuffisants. En effet, avec 1,5 milliard d’euros, ces crédits sont d’ores et déjà inférieurs de 85 millions d’euros à ce que sera le réalisé de 2015, tel qu’il nous apparaît aujourd’hui, après deux décrets d’avance et un dernier abondement à venir dans le prochain projet de loi de finances rectificative.

Quant à l’objectif de réduction du nombre de nuitées hôtelières encore affiché pour l’année prochaine, autant dire, mes chers collègues, qu’il relève du vœu pieu !

Madame la ministre, cette situation d’insincérité chronique des crédits de ce programme n’est plus acceptable.

S’agissant du programme 109, « Aide à l’accès au logement », il convient, au-delà du mouvement de rebudgétisation du financement du fonds national des aides à la pierre, le FNAL, de s’attarder sur les réformes retenues par le Gouvernement concernant le calcul des aides.

Rappelons que l’objectif initial du Gouvernement était ambitieux, puisqu’il s’agissait de réaliser 1 milliard d’euros d’économies. Au final, le Gouvernement n’espère plus trouver qu’environ 200 millions d’euros.

Pourtant, les idées ne manquaient pas dans les nombreux rapports disponibles, qu’il s’agisse de ceux de la commission des finances du Sénat, des enquêtes réalisées par la Cour des comptes en application de l’article 58, alinéa 2, de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, des rapports des grands corps de l’État, du rapport de notre collègue député François Pupponi…

Vous auriez donc pu aller plus loin, madame la ministre, tout en préservant le caractère indéniablement redistributif de ces aides.

À cet égard, la commission des finances souhaiterait que soit étudiée la définition d’un véritable taux d’effort minimal, mais également que soit revu le sujet manifestement tabou de l’APL étudiant, versée aujourd’hui sans condition de ressources des parents.

Je me réjouis cependant que l’idée d’une dégressivité des aides au-delà d’un loyer plafond, que je défends ici depuis plusieurs années, ait enfin été retenue pour lutter contre leur caractère parfois inflationniste.

Revenons aux crédits eux-mêmes, en partant de ce que sera la situation, à la fin de l’année 2015, du FNAL, vis-à-vis duquel l’État aura une dette aujourd’hui estimée à 215 millions d’euros.

Les crédits proposés pour 2016 ne permettront pas de résorber cette dette. En espérant que les réformes engagées permettent bien d’économiser les 200 millions d’euros attendus, il faudrait encore que les autres hypothèses que vous avez retenues, madame la ministre, se révèlent exactes !

Vous tablez sur une progression de 100 millions d’euros de la part encore versée au FNAL par les employeurs. Or celle-ci ne peut résulter que d’une amélioration de la conjoncture économique !

Vous comptez aussi sur une baisse du nombre des allocataires et/ou des montants versés. Mais, pour l’obtenir, il faut également que la conjoncture s’améliore sensiblement et que le nombre de chômeurs diminue ! Permettez-moi d’en douter, surtout après la publication des chiffres du chômage du mois dernier... Peut-être obtiendrez-vous une stabilisation du nombre des allocataires et des sommes à engager – nous le souhaitons, du reste ! Toutefois, envisager une baisse nous semble déraisonnable.

Dans ces conditions, il est quasiment certain que le programme 109 est, au total, sous-doté d’environ 300 millions d’euros.

Madame la ministre, sur les aides personnelles comme sur l’hébergement d’urgence, l’insincérité chronique ne peut plus être la règle.

Je veux maintenant évoquer les aides à la pierre, qui relèvent du programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ».

Dans le projet de loi déposé à l’été par le Gouvernement, il ne restait plus que 100 millions d’euros de crédits de paiement, autant dire rien, puisqu’un prélèvement exceptionnel de 100 millions d’euros sur la trésorerie de la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, était opéré par ailleurs au profit du budget général de l’État. Eh oui, mes chers collègues, 100 millions d’euros moins 100 millions euros égalent bel et bien zéro ! Ce tour de passe-passe budgétaire s’inscrit dans une tendance lourde, qui fait craindre à beaucoup la disparition totale de ces crédits budgétaires.

Heureusement, le Président de la République a décidé de se rendre au congrès HLM de Montpellier et, manifestement, il a eu peur d’y arriver les mains vides. C’est ainsi que 150 millions d’euros de crédits budgétaires sont opportunément venus abonder les 100 millions d’euros initialement prévus…

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Tant mieux pour les aides à la pierre, dont les crédits budgétaires progressent, ainsi, sensiblement !

Autre nouveauté importante de ce budget : la création du FNAP, que la commission des finances considère comme une bonne décision. À l’évidence, cette création peut ouvrir une nouvelle ère dans la gestion des aides à la pierre, mais à deux conditions : que l’on redonne de la visibilité aux acteurs, en cessant de changer les règles du jeu chaque année – je comprends tout à fait que les bailleurs sociaux en aient absolument assez de ces changements permanents – et que la création du FNAP ne soit pas le signe avant-coureur de la disparition complète des crédits budgétaires. Sur ce point, chacun s’interroge…

Quant au prélèvement de 270 millions d’euros qui sera opéré sur la CGLLS pour alimenter le Fonds en 2016, en complément des 250 millions d’euros de crédits budgétaires, la commission des finances n’a pas souhaité y toucher, considérant qu’une enveloppe permettant de répondre aux besoins doit être garantie.

En conclusion, madame la ministre, je dois vous dire que j’ai longtemps hésité avant de prendre une décision sur les crédits de la mission.

Oui, je le répète, votre budget comporte des points positifs. Cependant, il se caractérise par une sous-budgétisation bien trop importante.

Certains, rapportant les quelque 400 millions d’euros manquants aux 18 milliards d’euros de crédits, considéreront peut-être notre trait bien épais.

Vous me permettrez, mes chers collègues, de suivre un raisonnement différent. Le projet de loi de finances pour 2016 qui nous est présenté prévoit une réduction du déficit de seulement 1 milliard d’euros par rapport à l’année dernière, ce qui est déjà bien faible… Or 400 millions d’euros manquent sur cette seule mission, soit 40 % de la réduction du déficit affichée !

Dans pareil cas, la LOLF étant ce qu’elle est, le Parlement ne peut que déshabiller Pierre pour habiller Paul, ce qui n’aurait strictement aucun sens, compte tenu de ce que je vous ai dit sur les crédits du FNAL ou sur l’hébergement d’urgence.

En revanche, vous, madame la ministre, par voie d’amendement, vous pouvez au moins rebaser les crédits de l’hébergement d’urgence de 85 millions d’euros, pour les maintenir à leur niveau de 2015, et ceux des aides personnelles au logement de 215 millions d’euros, afin d’absorber à coup sûr la dette de l’État à l’égard du FNAL.

Sur cette base, la commission des finances du Sénat pourrait revoir sa position, mais, en l’état actuel des choses, je ne peux que proposer, en son nom, le rejet des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » connaissent une forte augmentation pour des raisons comptables et se caractérisent par la mise en place de deux réformes : celle qui concerne les aides personnelles au logement, ou APL, et celle qui a trait aux aides à la pierre.

S’agissant de la réforme des aides personnelles au logement, les économies attendues dépendent très largement des critères retenus. À cet égard, je regrette que le Gouvernement ne soit pas en mesure, à ce stade, de nous indiquer avec précision les seuils exacts qui seront arrêtés, que ce soit pour la valeur du patrimoine ou pour la dégressivité de l’aide, et qu’il nous place ainsi dans l’incapacité de nous prononcer sur les crédits du programme en parfaite connaissance de cause.

J’ajoute qu’il est très difficile de dire si les montants prévus seront à la hauteur des besoins en 2016 puisque, depuis 2008, les prévisions sont toujours inférieures à l’exécution constatée.

S’agissant de la réforme des aides à la pierre, l’article 56 prévoit la création du fonds national des aides à la pierre, dont les ressources proviendront d’une fraction d’euros des cotisations versées par les organismes d’HLM – à hauteur de 270 millions d’euros –, des subventions de l’État et de la majoration du prélèvement sur les communes carencées en logements sociaux.

L’augmentation des crédits de l’État destinés aux aides à la pierre est certes bienvenue, mais elle ne doit pas dissimuler le fait que l’État n’assume plus la part principale de ce financement. J’ajoute que nous ne disposons d’aucune visibilité sur les crédits qui seront réellement affectés au FNAP ni sur leur pérennité. Des gels de crédits avant affectation au FNAP ne sont pas à exclure.

Les cotisations des bailleurs augmentent de 125 %, pour atteindre 270 millions d’euros. Le taux maximal de cette cotisation est porté à 3 %, alors même que l’assiette a été élargie au supplément de loyer dans la limite de 75 %

Ces augmentations, qui anticipent le probable désengagement de l’État, auront nécessairement des conséquences sur les capacités d’investissement des bailleurs sociaux. Il n’est pas exclu que ces hausses soient répercutées in fine sur le loyer des locataires du parc social.

Le prélèvement de 3 % équivaut à une baisse de 20 % sur les travaux d’entretien ou encore à une baisse significative des investissements dans la production et la rénovation de logements.

En conséquence, je vous proposerai un amendement visant à modifier la contribution des bailleurs sociaux.

Je vous proposerai également que la cotisation versée par les sociétés d’économie mixte puisse aussi reposer sur le produit du supplément de loyer.

S’agissant de la gouvernance du FNAP, je vous proposerai, enfin, que des représentants des métropoles puissent siéger en son sein.

Pour terminer, je dirai un mot sur les ressources de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH : à l’heure où se déroule la COP 21 et après avoir posé des objectifs ambitieux dans la loi sur la transition énergétique, il est anormal que l’Agence n’ait pas de ressources pérennes, alors qu’elle doit aider à la rénovation de 50 000 logements par an. Je déplore également que les financements du Fonds d'aide à la rénovation thermique, le FART, ne soient assurés que pour l’année 2016, alors même que chacun reconnaît les effets positifs du programme Habiter mieux.

En conséquence, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de cette mission. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)