M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 17 novembre, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et seront retransmises sur Public Sénat et le site internet du Sénat.
Avant de reprendre la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
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Financement de la sécurité sociale pour 2016
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2016.
Dans la discussion des articles de la troisième partie, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre Ier, à l’examen d’amendements portant article additionnel après l’article 15.
Articles additionnels après l’article 15
M. le président. L'amendement n° 387, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les quatrième et sixième alinéas du I de l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par souci de cohérence, je vous propose, monsieur le président, de présenter en même temps l’amendement no 388, qui vise également l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 388, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux 1° et 2° du II de l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, les pourcentages : « 30 % » et « 20 % » sont respectivement remplacés par les pourcentages : « 40 % » et « 30 % ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. La contribution sociale prévue à l’article L. 137-13 est prélevée sur les formes atypiques de rémunération des salariés, comme les distributions d’actions gratuites. Elle est d’un rapport relativement significatif : des recettes à hauteur de 355 millions d’euros sont attendues en 2015 pour la Caisse nationale d’assurance maladie, de quoi faciliter, par exemple, la fixation d’un objectif national de dépenses d’assurance maladie plus pertinent et plus réaliste, en particulier au regard des besoins.
Or des mesures prises dans le cadre de la loi Macron tendent à exonérer certaines entreprises du paiement de cette contribution, selon des conditions définies. L’objectif serait de favoriser leur émergence et leur développement, en permettant la distribution d’actions gratuites aux salariés ou la mise en place de plans d’option d’achat d’actions, en lieu et place d’augmentations de rémunérations.
Nous nous étions opposés, lors de la discussion de cette loi, à une telle orientation, qui mine d’autant plus les ressources de la sécurité sociale qu’elle tend à ne pas reconnaître la réalité de la qualification et des compétences professionnelles réelles des salariés concernés. Les comptes sociaux n’ont pas vocation à servir de variable d’ajustement pour le développement d’entreprises dont la survie doit, de notre point de vue, dépendre beaucoup plus de la créativité de leurs dirigeants et salariés – salariés auxquels il faudrait d’ailleurs attribuer des droits nouveaux –, de l’appui apporté par les banques et établissements de crédit ou encore du réinvestissement des bénéfices éventuels dans l’entreprise pour financer des dépenses de recherche et de développement.
Croire que l’absence de prélèvements sociaux suffise à assurer le devenir d’une entreprise est illusoire, que ce soit pour une start-up de l’internet ou pour une entreprise du bâtiment et des travaux publics. Il est donc préférable de faire différemment. C’est ce que proposent nos deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, qui tendent respectivement à supprimer les exonérations de la contribution patronale et salariale sur les attributions d’actions gratuites et à dissuader les entreprises de rémunérer leurs salariés en leur attribuant des options d’achat d’actions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Même avis.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Par dérogation aux articles L. 168 à L. 189 du livre des procédures fiscales, les réclamations introduites en 2015 pour la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale payées sur l’année 2012 au titre de l’imposition de la plus-value immobilière par tout contribuable non affilié à un régime de sécurité sociale d’un pays autre que la France situé dans l’Union européenne, l’Espace économique européen ou la Suisse, sont recevables.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Comme nous l’avons dit ce matin, à la suite de l’arrêt de Ruyter de la Cour de justice de l’Union européenne, un certain nombre de remboursements vont avoir lieu.
Dans un premier temps, on nous a expliqué qu’il y aurait prescription en ce qui concerne les plus-values immobilières payées en 2012, alors même que ces prélèvements ont été réalisés en dépit du droit européen. Or il serait paradoxal d’opposer la prescription aux personnes qui ont fait confiance au Gouvernement en ce qui concerne la légalité des prélèvements auxquels ils ont été soumis et contre lesquels ils n’ont pas déposé de réclamation.
Toutefois, j’ai entendu l’intervention, lundi, lors de la discussion générale, du secrétaire d’État chargé du budget, M. Eckert, qui a indiqué que les paiements effectués en 2012 seraient également susceptibles d’être remboursés, sans qu’il soit nécessaire de modifier la loi. Si cela est confirmé, je retirerai mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Par dérogation aux articles L. 168 à L. 189 du livre des procédures fiscales, les réclamations introduites en 2015 pour la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale payées sur l’année 2012 au titre de l’imposition de la plus-value immobilière par tout contribuable non affilié à une caisse de sécurité sociale française, quel que soit son lieu de résidence, sont recevables.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement tente de répondre à la même préoccupation que l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements prévoient une dérogation à la prescription en matière fiscale en ce qui concerne la CSG et la CRDS payées en 2012 sur les plus-values immobilières.
L’arrêt de Ruyter ne concernant que les Européens, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 5 rectifié. En revanche, l’amendement n° 6 rectifié nous paraît légitime. Nous souhaiterions cependant connaître l’avis du Gouvernement pour savoir si cette demande n’est pas déjà satisfaite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous souhaitez créer, monsieur Leconte, les conditions susceptibles de permettre aux résidents français à l’étranger d’effectuer des recours. Si l’on en juge par le nombre de recours présentés à l’administration fiscale, l’information est bien passée…
Je peux vous confirmer, comme l’a indiqué le secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, qu’un dispositif sera mis en place pour permettre à l’administration fiscale d’examiner les demandes qui seraient formulées au-delà du délai de recours prévu par les textes, notamment en direction des contribuables qui n’avaient pas déposé de réclamation dans l’attente de l’issue des contentieux en cours.
Compte tenu de cet engagement, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Monsieur Leconte, les amendements nos 5 rectifié et 6 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Yves Leconte. Dès lors que la prescription ne joue pas, je les retire.
M. le président. Les amendements nos 5 rectifié et 6 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mmes Micouleau, Deroche, Lamure, Estrosi Sassone, Gruny, Di Folco, Deromedi et Garriaud-Maylam et MM. Raison, Perrin, Chatillon, Mandelli, Lemoyne, Revet, Pierre, Pinton, Commeinhes, Mouiller, Bonhomme, Chasseing, Bouchet, Morisset, Houpert, Lenoir et César, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 231 bis U du code général des impôts, il est inséré un article 231 bis… ainsi rédigé :
« Art. 231 bis… – Les rémunérations versées aux salariés des associations d’aide à domicile sont exonérées de la taxe sur les salaires à hauteur de 6 % du montant de la rémunération brute. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Dans le secteur de l’aide à domicile, les acteurs associatifs souffrent aujourd’hui d’une distorsion de concurrence avec les entreprises, qui est la conséquence directe de l’instauration du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Afin de rétablir une saine concurrence entre les secteurs associatif et privé, cet amendement vise à exonérer de la taxe sur les salaires les associations d’aide à domicile, à hauteur de 6 % des salaires bruts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à compenser l’impact de la mise en œuvre du CICE sur le secteur privé non lucratif, en exonérant de taxe sur les salaires, jusqu’à 6 % du montant de la rémunération brute, les rémunérations versées aux salariés des associations d’aide à domicile.
La commission a estimé qu’une telle mesure pourrait s’avérer opportune, compte tenu de la situation financière particulièrement contrainte de ce secteur. Avec Dominique Watrin, j’avais constaté ces difficultés lorsque nous préparions un rapport sur le sujet. Malheureusement, la situation ne s’est pas ou peu améliorée depuis lors. Le problème s’est peut-être même aggravé avec le temps. Toutefois, l’impact financier de l’amendement n’est pas chiffré. C’est pourquoi la commission aimerait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous dites, madame la sénatrice, qu’il s’agit de compenser l’absence d’éligibilité au CICE des associations qui interviennent dans le secteur de l’aide à domicile. Or le Gouvernement a déjà accordé un avantage à ces associations grâce à un abattement de taxe sur les salaires, qui s’élève à 20 262 euros en 2015 par association, ce qui est significatif. En outre, je vous rappelle que les associations peuvent bénéficier des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité, comme les acteurs du secteur privé.
L’amendement que vous proposez comporte un risque constitutionnel élevé au regard du principe d’égalité, dès lors qu’il ne vise qu’une partie des associations. Indépendamment de ce risque constitutionnel, son adoption aboutirait à avantager beaucoup plus les associations que le secteur privé, voire des associations qui ont des activités exclusivement non lucratives.
Au bénéfice de ces explications, en particulier du risque constitutionnel, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Micouleau, l’amendement n° 33 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Brigitte Micouleau. Les associations sont exsangues et souvent au bord du dépôt de bilan. Des milliers d’emplois sont perdus du fait de cette situation et, si rien ne change, des milliers de personnes se trouveront dans un état encore plus fragile, car elles ne seront pas aidées. On ne peut pas laisser les associations dans un tel désarroi. Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement estime qu’une mesure existe déjà, mais le problème est que cette mesure est insuffisante. L’abattement de 20 000 euros favorise les plus petites associations, alors même que nous cherchons à encourager les regroupements, la mutualisation afin de sauver l’existence même des services.
Je rappelle solennellement – je pense que Dominique Watrin se joindra à moi – qu’il est urgent d’agir. C’est pourquoi nous avions déposé un amendement visant à recréer un fonds de restructuration, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Il me semble pourtant indispensable de maintenir une telle structure cette année encore.
À titre personnel, je suis donc favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’aimerais que Mme la ministre m’explique la raison du maintien de la taxe sur les salaires. Pourquoi ne pas soumettre tout le monde à la TVA ? Cette différence a-t-elle encore un intérêt, alors que l’on souhaite faire jouer un rôle économique à certaines associations à but non lucratif ? L’économie sociale et solidaire n’est-elle pas elle-même à la frontière des deux mondes ? Dès lors, pourquoi maintenir deux régimes différents ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je pense que le secrétaire d’État chargé du budget serait mieux à même de vous répondre…
M. Jean Desessard. Mais il n’est pas là ! (Sourires.)
Mme Marisol Touraine, ministre. Pour calculer la TVA, encore faut-il pouvoir définir la valeur ajoutée. La taxe sur les salaires va donc intervenir dans le secteur non lucratif ou financier, par exemple, où il est malaisé d’évaluer la valeur ajoutée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Dans nos territoires, bon nombre d’associations connaissent de grandes difficultés. Je voterai donc cet amendement, dont l’adoption permettra de renforcer l’équité de l’ensemble du dispositif.
Quels sont les cas d’exonération de taxe sur les salaires ? L’article 231 bis P du code général des impôts dispose que cette exonération s’applique pour l’emploi d’un ou de « plusieurs salariés à domicile dont la présence au domicile de l’employeur est nécessitée par l’obligation pour ce dernier ou toute autre personne présente à son foyer de recourir à l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie ».
Nous savons tous que la mise en place d’une véritable politique de maintien à domicile n’est possible qu’à partir du moment où certaines interventions sont conduites par les associations. Dès lors, au regard des dispositions déjà existantes en matière d’exonération de certaines catégories de personnels à domicile, il me semble logique d’instaurer un parallélisme des formes en adoptant l’amendement de Mme Micouleau, que nous sommes un certain nombre à avoir cosigné. Cette mesure en faveur de l’activité dans nos territoires me semble frappée au coin du bon sens.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement. D’abord, parce que nous ne sommes pas de grands amateurs des exonérations diverses et variées ; ensuite, parce que, comme l’a rappelé Mme la ministre, le non-bénéfice du CICE aux associations du fait de leur statut a été compensé par un forfait de 20 000 euros.
Le vrai problème, c’est que les associations ne sont pas rémunérées au juste prix. Nous avons déjà discuté de cette question dans le cadre du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Actuellement, 60 % des conseils départementaux leur versent moins de 20 euros par heure.
Nous attendons toujours l’étude nationale promise par Mme Laurence Rossignol pour nous permettre de déterminer objectivement la juste rémunération d’un service d’aide à domicile bien organisé, offrant de bonnes conditions de travail à ses personnels et assurant un service de qualité à ses usagers. En effet, la question n’est pas d’offrir des exonérations diverses et variées, mais de rémunérer les associations au juste coût. Et il y a urgence !
Dans notre rapport sur l’aide à domicile auprès des publics fragiles, M. Vanlerenberghe et moi-même avions proposé que l’État prenne en charge la partie supérieure à la moyenne actuelle de rémunération des services d’aide à domicile par les départements afin de ne pas créer un effet d’aubaine pour les conseils départementaux qui n’ont pas encore joué le jeu en faveur des services d’aide à domicile. Une telle mesure aurait un coût d’environ 300 millions d’euros, que le groupe CRC, en toute logique, a proposé de financer par une part de la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, sur les actionnaires. Malheureusement, aucun sénateur n’a soutenu cette proposition.
Sans moyens, nous n’arriverons pas à régler la question des services d’aide à domicile. Il faut prendre l’argent là où il est ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Ce dossier est extrêmement important, beaucoup d’associations étant aux abois.
La situation est assez complexe : les entreprises privées et le monde associatif interviennent tous deux dans le secteur des services à domicile. Nous avons voté, lors de la discussion du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, la convergence des régimes d’autorisation et de l’agrément. Le problème de fond ne changera pas entre ceux qui sont tarifés et les autres, mais l’approche, elle, changera peut-être.
Toujours est-il que les associations ne sont pas toutes sur un pied d’égalité. Certaines ne paient pas la taxe sur les salaires, parce qu’elles se regroupent en fédération de petites associations : ayant peu d’employés, elles ne sont pas assujetties à cette taxe,…
M. Jean Desessard. Ah bon ?
M. Gérard Roche. … à l’image, par exemple, des associations ADMR – aide à domicile en milieu rural. Par contre, les associations membres de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles, l’UNA, plus grandes, sont assujetties à cette taxe.
M. Jean Desessard. Elles sont assujetties soit à la TVA soit à la taxe sur les salaires : il n’existe pas de troisième catégorie !
M. Gérard Roche. Ces petites associations nous expliquent qu’elles sont pourtant confrontées à un effet de ciseau : blocage des heures du fait des conseils départementaux, parfois rémunérées en dessous de 20 euros – M. Watrin a raison, mais les départements doivent aussi payer l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, et ils ne disposent pas d’enveloppes importantes – et augmentation de leurs frais de gestion.
Des efforts de mutualisation sont sans doute à faire, comme l’a souligné le rapporteur général, d’autant que les interventions se multiplient : il faut parfois aller deux ou trois fois chez la même personne dans la même journée. En ville, les déplacements prennent du temps ; à la campagne, les distances sont souvent importantes… Tous ces déplacements doivent être mutualisés sur les heures.
Si on additionne frais de gestion, blocage des heures et frais de mutualisation, on comprend que les associations, qui assurent une véritable mission de service public, n’y arrivent pas. Cette situation dure depuis trois ou quatre ans. Nous avions tous écrit au ministère pour le maintien de ce que j’appelle « le plan Bachelot », qui venait en aide aux associations en les maintenant sous perfusion.
En attendant que la nouvelle organisation prévue dans le cadre du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement se mette en place, nous devons continuer à soutenir ces associations. Les recettes de la CASA ne vont pas être intégralement dépensées par les conférences des financeurs départementaux. Dès lors, on pourrait prélever une partie de cet argent pour leur venir en aide. Il ne s’agit pas d’une équipe de football ou autre, il s’agit de venir en aide à des associations qui assurent une mission de service public. Nous ne pouvons les abandonner.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gérard Roche. Nous avons fait en sorte, lors de la discussion du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, que la partie non utilisée du produit de la CASA en 2016 et 2017 soit consacrée à l’aide à l’investissement de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, dans le secteur médico-social.
Peut-être pourrait-on utiliser l’éventuel reliquat pour leur maintenir la tête hors de l’eau pendant deux ou trois ans.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Si je partage les préoccupations des auteurs de l’amendement, le dispositif proposé – certes généreux – ne nous permet pas de mesurer toutes les conséquences d’une telle décision.
Le service à domicile a beaucoup évolué ces trente dernières années. Auparavant, les personnes âgées s’appuyaient sur leurs parents, leurs voisins, leurs proches. Ils ont ensuite pu faire appel à des bénévoles ou à des gens de la commune qui n’avaient pas de formation spécifique. Au fil des années, les associations ont amélioré la qualité du service rendu : aujourd’hui, de véritables professionnels interviennent auprès des personnes âgées.
Ces associations ont offert formation et progression de carrière à leur personnel afin de le conserver. Les entreprises privées n’ont pas forcément ce souci : elles peuvent se permettre une rotation de personnel importante, quitte à ne pas fournir le service de qualité que des personnes âgées sont en droit d’attendre. Du coup, la concurrence est faussée.
Par ailleurs, mais cela a déjà été souligné, les taux de remboursement sont, dans un certain nombre de départements, largement inférieurs au coût de revient pour les associations. S’ajoute le fait que tous les départements ne sont pas égaux entre eux : dans les départements ruraux, les déplacements sont parfois extrêmement importants. Or le coût du déplacement représente une part très importante du prix de revient et peut générer à lui seul des déficits élevés.
Nous devons nous pencher sur cette question et faire en sorte d’éviter que le service rendu ne se dégrade parce qu’il aura été confié à des entreprises privées qui n’auraient pas le souci de la qualité. Il serait sans doute nécessaire de disposer d’un référentiel obligeant associations et entreprises privées à former leur personnel et à lui assurer une progression de carrière afin de le fidéliser.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Comme je le disais à l’instant à Mme la ministre en aparté, nous avons adopté, dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, une mesure d’un peu plus de 25 millions d’euros pour améliorer la valeur du point de l’aide à domicile. Si le Gouvernement acceptait d’y ajouter 25 millions d’euros, nous retrouverions le montant du fonds de restructuration de cette année et des années précédentes que Gérard Roche évoquait. Cette mesure, qui me semble indispensable, pourrait se substituer à ce dispositif relatif à la taxe sur les salaires, dont j’ignore totalement les conséquences financières.
Nous avons tous été sollicités pour le maintien de ce fonds de 50 millions d’euros. C'est la raison pour laquelle je me permets de suggérer cette solution à Mme la ministre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le rapporteur général, je pense beaucoup de bien de cette suggestion, qui sera soumise au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d’année.
Je peux d'ores et déjà annoncer que le Gouvernement va mettre en place un fonds exceptionnel de 25 millions d’euros afin d’accompagner les associations concernées, le temps que le travail évoqué par M. Watrin puisse se déployer et nous permette d’apprécier de manière plus structurelle et durable les difficultés auxquelles sont confrontées ces associations.
Il me semble que cette mesure répond aux préoccupations exprimées sans pour autant encourir le risque constitutionnel que j’évoquais ni introduire une distorsion excessive entre les différentes structures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)