Mme Cécile Cukierman. Étant donné le vote qui vient d’avoir lieu, je me doute du sort qui sera réservé à cet amendement…
Pour autant, à la suite des propos tenus par M. Sueur, nous tenons à l’affirmer : la réforme de la composition des CDAD va dans le bon sens, mais elle doit encore être améliorée.
Mes chers collègues, à nos yeux, il importe également d’accroître le nombre des associations représentées au sein des CDAD. Nous songeons notamment aux structures qui, en pratique, assistent les personnes les plus précaires dans le cadre de l’accès au droit.
De plus, à l’instar de nos collègues du groupe socialiste et républicain, nous vous proposons qu’un certain nombre de personnalités soient appelées à siéger au sein des CDAD.
Mme la présidente. L'amendement n° 193, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’une association qui assiste les personnes les plus précaires dans le cadre de l’accès au droit. » ;
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 55 de la loi du 10 juillet 1991 fixe la composition du Conseil départemental de l’accès au droit.
En vertu du présent texte, le représentant d’une association œuvrant dans le domaine de l’accès au droit siège au sein de cette instance.
Cet amendement tend à préciser que l’association désignée peut également œuvrer dans les domaines de l’aide aux victimes ou de la médiation. Aussi, nous proposons que, parmi les membres du CDAD, figurent les représentants d’associations assistant les personnes les plus précaires dans le cadre de l’accès au droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Si j’osais, je dirais : « Même motif, même sanction ! » À travers ces amendements, il s’agit encore d’accroître le nombre de personnes siégeant au sein des CDAD.
Je ne sais si Mme la garde des sceaux le confirmera ; toutefois, rien, à mon sens, n’empêcherait le président du CDAD d’inviter, selon les points inscrits à l’ordre du jour, telle ou telle personne maîtrisant plus spécialement telle question à venir éclairer le conseil.
Cette solution me semble préférable. En effet, il n’est pas souhaitable de laisser ces conseils « enfler » au fil des ans. À l’origine, les CDAD ont été conçus de manière assez informelle ! Peut-être ont-ils été complétés et amplifiés depuis leur création, il y a dix-sept ans. Mais si l’on veut qu’ils gardent le rôle qui leur a été assigné à cette époque, ils doivent conserver ce caractère informel.
Voilà pourquoi, au nom de la commission, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce débat peut sembler simple, surtout si on le résume à une question arithmétique, mais, dans les faits, il ne l’est pas tant que cela. J'en veux pour preuve la préoccupation exprimée il y a un instant à travers l’amendement n° 192 rectifié : quelle place laisser, sinon à la conciliation, du moins à ceux qui peuvent en porter la voix, rendre compte de sa mise en œuvre et des difficultés qu’elle soulève ?
Le présent texte indique que les CDAD se réuniront au moins une fois par an. Si l’on s’en réfère à cette fréquence, on peut juger nécessaire de veiller à ce que tous les points à l’ordre du jour soient bel et bien examinés par ces conseils.
Cela étant, ces deux amendements appellent, de la part du Gouvernement, un avis défavorable.
Tout d’abord, l’observation formulée par M. le rapporteur est fondée.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Merci, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le président du CDAD peut demander à tout moment aux représentants des conciliateurs ou des personnes précaires de se rendre auprès de cette instance, pour l’éclairer ou lui soumettre leurs propositions.
Ensuite, il est difficile de définir précisément les associations qui représentent ou accompagnent les personnes précaires. Elles sont de multiples natures. Leurs champs d’action sont très différents. Elles peuvent intervenir dans les domaines de la santé, du logement, ou encore assurer un accompagnement dans la recherche d’un logement. La définition de cette catégorie est donc bel et bien complexe.
Monsieur Sueur, pour ce qui concerne la représentation de la conciliation, la réflexion mérite, à mon sens, d’être mûrie en lien avec l’Assemblée nationale. (M. Jean-Pierre Sueur opine.) Si les CDAD procédaient à une réunion mensuelle ou trimestrielle, la disposition que vous proposez serait difficile à mettre en œuvre ; en revanche, l’instauration d’une réunion annuelle obligatoire, assortie de la possibilité de réunir ces conseils de manière plus fréquente, permettrait peut-être de ménager une place différente aux conciliateurs.
En conséquence, si je formule, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces deux amendements, c’est sous bénéfice d’une réflexion à venir au sujet de la conciliation.
Mme la présidente. L'amendement n° 56 rectifié sexies, présenté par Mme N. Goulet, M. Bonnecarrère, Mmes Joissains, Loisier et Deroche, M. Canevet, Mme Billon et MM. Guerriau et Kern, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi rédigé :
« Le bureau d’aide juridictionnelle recueille tous les renseignements utiles sur la situation financière de l’intéressé et bénéficie d’un accès aux fichiers sociaux et fiscaux du demandeur, dans des conditions permettant de préserver la confidentialité des informations reçues. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Voici, mes chers collègues, une nouvelle occasion d’évoquer l’aide juridique.
Par cet amendement, nous souhaitons en effet modifier le premier alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Dans le rapport que nous avons consacré à l’aide juridictionnelle, Sophie Joissains et moi-même avons souligné que le contrôle des ressources ne relevait absolument pas du cœur de métier des personnes composant le bureau d’aide juridictionnelle, qu’il s’agisse des magistrats, des greffiers ou des auxiliaires de justice.
Or, dans la pratique, il est très difficile de savoir si le patrimoine du demandeur l’exclut ou non du bénéfice potentiel de l’aide juridictionnelle : dans les faits, tout repose sur les déclarations de l’intéressé. Les greffes ne disposent pas des moyens de vérifier ses dires. Quant aux bureaux d’aide juridictionnelle, ils ont très rarement recours aux prérogatives que leur accorde l’article 21 de la loi du 10 juillet 1991, en vertu duquel « les services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l’intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. »
Aussi, dans le droit fil du rapport de la mission de modernisation de l’action publique, la MAP, nous proposons que les bureaux d’aide juridictionnelle aient accès aux fichiers sociaux et fiscaux, tout simplement pour pouvoir vérifier réellement la situation patrimoniale des demandeurs.
Lorsqu’on souhaite, comme c’est notre cas, développer l’accès au droit et à l’aide juridictionnelle, on ne peut se contenter d’un système déclaratif !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Jacques Mézard a indiqué que la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique permettait déjà aux bureaux d’aide juridictionnelle de se faire communiquer les éléments nécessaires à la vérification de la situation fiscale et sociale de la personne concernée.
Le problème naît de la non-application de ces dispositions législatives. À mon sens, les inscrire dans le présent projet de loi ne changerait pas grand-chose, car elles existent déjà.
Il me semble que c’est plutôt au règlement de faire évoluer les modalités pratiques de communication de ces informations.
Madame la garde des sceaux, la transmission restant insuffisamment pratiquée, je vous suggère de recourir à la voie réglementaire pour mieux l’organiser
En attendant, je propose donc que cet amendement soit retiré ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, l’organisation de la transmission relève du domaine réglementaire. Toutefois, l’amendement n° 47 rectifié tend à permettre un accès direct aux informations par les bureaux d’aide juridictionnelle.
Il est vrai que nous pourrions encore améliorer le dispositif, tant dans le règlement qu’en pratique. Nous nous consacrons à cette tâche depuis plusieurs mois, mais les résultats ne sont pas encore entièrement satisfaisants. Les délais sont en effet très variables d’un point à l’autre du territoire, d’une juridiction à l’autre.
J’ai visité beaucoup de bureaux d’aide juridictionnelle : les délais varient de deux semaines à six ou huit mois, exceptionnellement plus. Il nous faut donc à la fois harmoniser et simplifier ces pratiques.
Permettre l’accès direct aux informations, ce qui apparaît comme la méthode la plus rapide, ressortit bien au domaine de la loi. Cette proposition est donc fondée.
Cet amendement se heurte toutefois à deux difficultés. Tout d’abord, nous travaillons déjà à la mise en œuvre d’une telle disposition : un applicatif – @J CONNECT, de France Connect – sera déployé en 2017 et permettra cet accès direct sous certaines conditions pratiques, liées à la loi, au secret fiscal et à l’obtention de l’autorisation d’accéder à ces informations fiscales ou sociales. Un certain délai est donc nécessaire.
En outre, adopter cet amendement – fondé, mais prématuré – nécessiterait de définir des dispositions transitoires. Il faudrait également obtenir un accord sur le partage des informations, afin de préciser les conditions dans lesquelles les greffiers chargés des bureaux d’aide juridictionnelle pourraient accéder à l’information fiscale des personnes.
Pour une raison de calendrier exclusivement, il ne m’est pas possible d’émettre un avis favorable sur cet amendement, qui rejoint toutefois la démarche que nous avons entreprise et que nous parviendrons à mettre en œuvre en 2017, une fois aplanies les difficultés qui subsistent.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. À l’appui des propos de Mme la garde des sceaux, on vient de me communiquer l’article 21 de la loi de juillet 1991 relative à l’aide juridique, qui dispose clairement que les services sont « tenus » de communiquer au bureau d’aide juridictionnelle, sur sa demande, tous renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Reste à faire connaître ce texte et à préciser la manière dont l’information sera transmise.
Quoi qu’il en soit, il me paraît impossible de renforcer la loi, et cet amendement me semble donc inutile.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Personne ne refuse de communiquer ces données, mais les réponses sont beaucoup trop tardives, c’est pour cela que nous travaillons sur un accès direct.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l’amendement n° 47 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je remercie M. le rapporteur d’avoir relu ce que j’avais écrit dans l’objet de l’amendement. Sauf à considérer que j’avais mal recopié le texte de la loi, il lui était inutile de se le faire communiquer !
Ce que je propose est donc soit prématuré, soit déjà écrit ! Je distingue une contradiction entre ce que nous dit M. le rapporteur et ce que nous dit, à juste titre, Mme le garde des sceaux. Si c’est prématuré, c’est bien parce que cela n’existe pas encore !
Je retire cet amendement, puisque l’on me dit que cette question fera l’objet d’une loi à venir. Quand celle-ci nous sera soumise, je ne doute pas que M. le rapporteur admettra que ces dispositions n’existaient pas jusqu’alors dans le droit en vigueur !
Mme la présidente. L’amendement n° 47 rectifié est retiré.
L’amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les bureaux d’aide juridictionnelle mettent en œuvre le traitement dématérialisé des dossiers.
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le présent amendement vise à mettre en œuvre une préconisation issue du rapport d’information sur l’aide juridictionnelle que j’ai cosigné avec notre collègue Sophie Joissains. Nous proposions que les bureaux d’aide juridictionnelle puissent mettre en œuvre le traitement dématérialisé des dossiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement prévoit une application généralisée et immédiate de la procédure de traitement dématérialisé des dossiers d’aide juridictionnelle, avec la perspective d’un coût élevé pour le ministère de la justice.
Il semble à la commission qu’une certaine prudence s’impose en la matière. Comme le soulignaient les auteurs du rapport d’information susmentionné, « s’agissant des échanges entre les bureaux d’aide juridictionnelle et les justiciables, pour la transmission de pièces par exemple, la dématérialisation ne pourra être qu’une simple faculté. Elle ne pourra être imposée en raison de la fracture numérique qui existe encore sur le territoire ». J’espère que cette fracture sera rapidement comblée, mais, en l’état actuel des choses, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ainsi que nous venons de le dire, la dématérialisation est nécessaire pour accéder aux fichiers fiscaux et sociaux, au départ et à l’arrivée.
Pour les mêmes raisons que précédemment, à savoir que le processus est en cours et sera achevé en 2017, je propose le retrait cet amendement.
Cet avis ne reflète pas un désaccord de fond, mais le constat que cette proposition est prématurée au regard du processus en cours.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l’amendement n° 48 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Mes propositions seraient « prématurées » d’un côté, on m’appelle à la « prudence » de l’autre… En matière d’aide juridictionnelle, la justice du XXIe siècle n’est pas encore pour demain !
M. François Grosdidier. Il reste quatre-vingt-cinq ans ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. C’est vrai ! Mais ce n’est pas en présentant les choses ainsi que l’on donnera de l’espoir à ceux qui en ont besoin.
Je fais confiance aux déclarations de Mme la garde des sceaux et je ne doute donc pas que le texte annoncé sera présenté dans les meilleurs délais.
Cela étant, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 48 rectifié est retiré.
Chapitre II
Faciliter l’accès à la justice
Article 2
I. – Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’organisation judiciaire est complété par un article L. 123-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-3. – Il est institué un service d’accueil unique du justiciable dont la mission n’est pas limitée à la compétence de la juridiction dans laquelle il est implanté. Le service informe les personnes sur les procédures qui les concernent et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures. »
II. – L’article 48-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le dixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles sont également accessibles aux agents de greffe du service d’accueil unique du justiciable prévu à l’article L. 123-3 du code de l’organisation judiciaire et pour les seuls besoins de fonctionnement de ce service, sous réserve qu’ils aient été habilités à cette fin dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
2° (nouveau) Au onzième alinéa, après la référence : « 706-108 », sont insérés les mots : « du présent code ».
III. – Le dernier alinéa de l’article 13 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifié :
1° Aux première et deuxième phrases, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « déposer ou » ;
2° La première phrase est complétée par les mots : « ou, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, auprès d’un agent de greffe d’une juridiction de l’ordre judiciaire ».
Mme la présidente. L'amendement n° 221, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il est institué un service d'accueil unique du justiciable dont la compétence s'étend au-delà de celle de la juridiction où il est implanté.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à réintroduire dans sa version initiale la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 2.
Je demande au Sénat de bien vouloir permettre qu’y soit rétabli le mot « compétence », que la commission a remplacé par « mission ».
Nous souhaitons que ce service d’accueil unique du justiciable, ou SAUJ, une innovation majeure de ce texte, offre à la fois un accès centralisé à la justice et un point d’entrée procédural utile sur l’ensemble du territoire national.
Un justiciable pourra ainsi se présenter dans n’importe quel SAUJ et être informé, orienté et accompagné. Il aura la possibilité de suivre le traitement de son affaire dans toutes ses dimensions. En matière d’ambition pour le XXIe siècle, il est difficile d’aller au-delà !
En remplaçant « compétence » par « mission », vous limitez le champ territorial. Nous souhaitons que la compétence des greffiers affectés à ce service d’accueil unique du justiciable s’étende au-delà de celle de la juridiction dans laquelle le service est implanté. Cette différence de vision nous conduit à solliciter votre vote pour rétablir le texte dans sa rédaction initiale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Mme la garde des sceaux est convaincante, et j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je m’étais réjoui que la commission ait adopté un amendement que j’avais proposé, et je me réjouis aujourd’hui que la commission émette un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement.
Toutefois, madame la garde des sceaux, j’ai besoin d’une précision relative à la procédure.
Aujourd’hui, un père de famille qui voudrait modifier le montant de la pension alimentaire qu’il doit payer parce que les enfants sont chez leur mère, qui ne réside pas au même domicile, ou qui souhaite demander une modification du droit de visite, voire de la résidence alternée, doit saisir un tribunal qui ne se situe pas à proximité de chez lui. Pourra-t-il déposer cet acte, ou un autre relatif à une autre procédure, au SAUJ du tribunal le plus proche de son domicile, en interrompant ainsi les délais ?
M. Jacques Bigot. Si c’est le cas, alors votre rédaction est exacte. J’avais besoin de cette précision importante dans la mesure où il s’agit d’une révolution judiciaire, utile pour les justiciables. Je le disais hier, nous sommes dans la justice du XXIe siècle, laquelle met à profit les systèmes informatiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Bertrand, Collombat et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer les mots :
et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’institution du service d’accueil unique du justiciable est une excellente mesure. Le texte précise que sa mission n’est pas limitée à la compétence de la juridiction dans laquelle il est implanté. Au deuxième alinéa de l’article 2, il est indiqué ensuite : « Le service informe les personnes sur les procédures qui les concernent et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures ».
Ces quelques mots posent tout de même question. Dans nos palais de justice, madame la garde des sceaux, il est traditionnellement écrit sur les portes des greffes : « Il est interdit aux greffiers de donner des renseignements. » Ces temps ne sont pas si anciens, puisque de telles inscriptions existent encore !
Le problème que nous soulevons découle du fait que le SAUJ puisse recevoir des actes afférents aux procédures. On peut, bien sûr, apporter au SAUJ une convocation ou une citation, en demandant des informations, mais jusqu’où va-t-on ?
Le Gouvernement envisage-t-il que le SAUJ intervienne dans les aiguillages de procédure ?
La question mérite d’être posée, la rédaction actuelle ne fermant aucune possibilité, y compris l’éventuelle responsabilité de ceux qui recevront ces actes de procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement revient sur l’une des innovations essentielles du SAUJ. Ce nouveau greffe de proximité permet en effet au justiciable de déposer tout acte relatif à une procédure le concernant, quelle que soit par ailleurs la juridiction compétente pour en connaître.
Ne souhaitant pas remettre en cause cette avancée, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Permettez-moi de rappeler la finalité du service d’accueil unique du justiciable, qui offrira un point d’entrée de proximité pour tous les contentieux, quelle que soit la juridiction dont ils relèvent.
L’article 2 introduit de plus une modification du code de procédure pénale permettant aux greffiers du service d’accueil unique du justiciable d’accéder à l’applicatif Cassiopée, réservé aujourd’hui aux seuls greffiers des tribunaux compétents pour chaque contentieux.
Ainsi, tout justiciable pourra se tourner vers le site judiciaire le plus proche de son domicile, même s’il s’agit d’un conseil de prud’hommes et que son contentieux concerne un tribunal d’instance ou un tribunal de grande instance.
J’entends votre interrogation, monsieur Mézard, mais sans la possibilité pour les justiciables de déposer les actes nécessaires à l’engagement d’une procédure, l’action de ce service d’accueil unique serait en quelque sorte bloquée, neutralisée dès l’étape d’après.
La complexité de l’institution judiciaire, qui est normale et même nécessaire compte tenu du nombre important de contentieux et de la diversité des procédures, pèse aujourd’hui sur le justiciable. Par exemple, pour un contentieux supérieur à 4 000 euros, il n’est pas rare qu’un justiciable perde une journée de congé en se présentant seul devant le tribunal d’instance. L’institution judiciaire considère qu’il est censé savoir que sa démarche relève du tribunal de grande instance et que le ministère d’avocat est obligatoire.
Le service d’accueil unique du justiciable permet de neutraliser cette complexité, d’en faire notre affaire à nous, institution judiciaire. Le justiciable n’a pour sa part qu’à solliciter le site judiciaire le plus proche de chez lui. Or pour que ce dispositif soit pleinement efficace, il faut que le justiciable puisse ensuite déposer les pièces qui vont nourrir sa procédure auprès de ce service d’accueil unique.
Monsieur le président Mézard, je sais à quel point vous êtes attaché à ce que l’accès à la justice soit réel, et non virtuel ni partiel. C’est pour cette raison, et pour éviter les conséquences néfastes que je viens d’indiquer, que je vous invite à retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, cette conjonction des forces du Gouvernement, de la commission et du groupe majoritaire est difficile à contrer !
Je répète néanmoins que la rédaction actuelle de l’alinéa 2 génèrera inéluctablement des problèmes pratiques. Pourquoi n’avoir pas écrit : « et peuvent recevoir de leur part les actes afférents à ces procédures », plutôt que : « et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures » ?
Est-ce que cela veut dire que tous les actes découlant des procédures peuvent être remis au SAUJ, dans le respect des délais et contre récépissé ?
On reproche souvent à la loi son caractère « bavard », et il m’arrive aussi parfois de mal rédiger mes amendements. Toutefois, en dépit du visa très positif du rapporteur et de la commission des lois, je maintiens que la rédaction retenue risque de poser un certain nombre de problèmes concrets.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, retirez-vous finalement cet amendement ?
M. Jacques Mézard. Comme je serai battu, autant renoncer à l’acharnement thérapeutique !
L’un de nos collègues socialistes a déploré tout à l’heure que la procédure accélérée ait été engagée sur ce texte. Comme nous l’avons vu ce matin en commission, nous n’avons pas le temps de faire du travail utile sur ce type de sujets techniques. Eh bien, continuez !
Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié est retiré.
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont directement accessibles aux avocats s’agissant des dossiers dont ils ont la charge. »
La parole est à M. Jacques Mézard.