Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à modifier l’article 19 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique de sorte que l’avocat commis ou désigné d’office recueille, lors d’une première consultation, tout renseignement sur la situation financière de son client.
Il n’a pas semblé à la commission que cette modification de l’article 19 permettrait d’atteindre l’objectif exposé par les auteurs de cet amendement : rémunérer la consultation de l’avocat préalable à l’action juridique ou judiciaire.
Par conséquent, cette précision étant apparue inutile à la commission, elle a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je partage totalement la préoccupation que vient d’exprimer M. Mézard en présentant son amendement. J’y souscris d’autant plus que j’ai clairement indiqué pendant le processus de consultation préalable à la rédaction de ce projet de loi qu’une des raisons de l’engorgement des tribunaux et des reports prévisibles d’audiencements tenait au fait que l’aide juridictionnelle est réservée à la procédure judiciaire.
Par conséquent, il faut travailler de telle sorte que celle-ci puisse être mobilisée en amont afin de permettre aux avocats d’exercer un rôle de conseil juridique en évaluant la demande de justice pour décider, in fine, s’il est nécessaire d’engager une procédure judiciaire.
Actuellement, c’est impossible et c’est ce qui explique que les personnes éligibles à l’aide juridictionnelle compte tenu de leurs ressources engagent systématiquement et nécessairement un procès. Or, pour le bon fonctionnement de la justice, il vaut mieux que les magistrats et les greffiers se concentrent sur leur mission juridictionnelle.
Nous ne nous contentons pas de mesures d’affichage. Les articles 3 à 7 de ce projet de loi, qui en constituent le titre II, ont un objectif très clair : favoriser les modes alternatifs de règlement des petits litiges du quotidien.
De même, ce texte améliore le fonctionnement de la procédure participative.
Nous obéissons à une logique : rendre réel l’accès au droit et égal pour tous l’accès à la justice. Pour autant, l’accès au droit et à la justice n’implique pas nécessairement l’introduction d’une procédure judiciaire. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2016 prévoit de mobiliser l’aide juridictionnelle pour ces actions de conseil juridique. Par conséquent, monsieur Mézard, je ne serais pas choquée que soit modifié l’article 1er du projet de loi dans le sens que vous proposez. Au contraire, j’y serais même très favorable, de manière à donner un fondement législatif à ce rôle de conseil.
Cependant, je reviens sur l’observation qu’a formulée M. le rapporteur : je ne suis pas certaine, en effet, que, tel qu’il est rédigé, votre amendement réponde parfaitement à la préoccupation que vous avez exprimée. J’y vois plus une disposition pratique visant à mobiliser plus facilement l’aide juridictionnelle qu’une modification substantielle de la loi de 1991 – que nous engageons – qui permettrait d’octroyer celle-ci à un justiciable même sans qu’une procédure judiciaire soit engagée.
De fait, votre amendement nécessiterait d’être réécrit.
Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, dois-je suspendre la séance pour vous donner le temps de revoir la rédaction ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, le sujet étant quelque peu complexe, la commission s’en tient à l’avis défavorable qu’elle a émis à l’instant.
Mme la présidente. Madame la garde sceaux, quel est finalement l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur le plan strictement rédactionnel, le Gouvernement se voit contraint d’émettre un avis défavorable, même si, je le répète, il partage entièrement l’intention des auteurs de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 140, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 11
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité. » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il participe à la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends. » ;
c) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut développer des actions communes avec d’autres conseils départementaux de l’accès au droit. » ;
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. L’article 1er du projet de loi modifie l’article 54 de la loi du 10 juillet 1991 en ajoutant que le conseil départemental de l’accès au droit « participe à la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends ».
Lors de l’examen de la loi du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, il avait été proposé de modifier l’article 53 de la loi de juillet 1991, en précisant que l’aide à l’accès au droit comportait l’assistance à la rédaction et à la conclusion des actes juridiques, « ces actions [étant] conduites de manière à favoriser le règlement amiable des litiges » et « les modalités de l’aide à l’accès au droit [étant] adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité ».
Cette proposition était malheureusement restée en l’état, les parlementaires n’y ayant pas donné suite à l’époque.
Notre amendement est simple : il vise à inscrire dans notre droit la priorité politique de l’accès au droit des plus démunis. C’est pourquoi nous proposons de préciser à l’article 54 que « les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité ».
Mme la présidente. L'amendement n° 191, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je rejoins ce que vient de dire M. Favier.
Monsieur le rapporteur, vous me direz peut-être que cet amendement est en quelque sorte « surabondant » puisque la justice est un service accessible à tous les citoyens, et donc aux personnes en situation de précarité. Néanmoins, il est parfois utile de préciser les choses. C’est pourquoi écrire que « les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité » aurait, nous semble-t-il, une signification.
Voyez-vous, il est facile de parler de l’accès au droit en général, mais, pour nos concitoyens qui vivent dans la misère, qui n’ont pas de toit, qui sont à la rue, qui n’ont pas de moyens de subsistance, il n’est pas du tout évident de recourir à la justice.
Je le répète, la précision que nous proposons d’apporter est peut-être redondante, mais elle a du sens pour rendre la justice accessible à nos concitoyens très démunis, en situation de grande détresse, accessibilité qui est loin d’être une évidence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cette affirmation est dénuée de portée normative. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les auteurs de ces deux amendements expriment une préoccupation identique à celle qu’a manifestée tout à l’heure M. le président Mézard à travers son amendement visant à ce que les plus démunis puissent effectivement bénéficier de l’aide juridictionnelle. C’est aussi notre préoccupation.
Ces deux amendements ont en commun de faire référence aux personnes en situation de grande précarité. Quelle définition en donner ? Voilà la difficulté ! Pour qu’une loi soit appliquée, il faut qu’elle soit rédigée précisément.
Une personne peut être considérée en situation de grande précarité lorsque, totalement dépourvue de revenus et d’hébergement, elle se trouve complètement marginalisée au sein de la société. Elle est alors éligible à l’aide juridictionnelle, puisque le plafond de ressources pour accéder à la totalité de cette aide a été relevé à 1 000 euros. Par conséquent, toute personne dont le niveau de ressources est inférieur à 1 000 euros peut bénéficier de l’aide juridictionnelle.
Le problème de la grande précarité n’est pas tant le niveau de ressources que le fait de vivre aux marges de la société, d’être exclu des circuits traditionnels, de ne pouvoir être pris en charge, effectuer les démarches nécessaires, fournir des papiers afin d’obtenir l’aide juridictionnelle.
De mon point de vue, cette question ne relève pas d’un engagement purement formel – cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas d’importance –, car les dispositions législatives visent à traduire en termes juridiques les engagements formels, politiques que nous prenons, que vous prenez. Or les personnes en grande précarité que vous visez se trouvent confrontées à des difficultés, car elles sont, de droit, éligibles à l’aide juridictionnelle, tout en se trouvant dans une situation telle qu’elles ne peuvent y prétendre.
Il ne s’agit donc pas ici de la norme législative, juridique à tout le moins, pour l’octroi de l’aide juridictionnelle. Il est davantage question des politiques publiques pour la prise en charge de ces personnes, la détection des besoins juridiques de celles-ci et la mise en place d’un accompagnement efficace.
Le service d’accueil unique du justiciable devrait normalement faciliter les choses, mais je ne prétends pas qu’il apporte beaucoup de solutions, car ce dispositif suppose, pour être efficace, que les personnes visées connaissent son existence, qu’elles aient les codes culturels permettant de s’adresser à un tel service d’accueil et qu’elles effectuent les démarches requises.
Pour conclure, votre assemblée est très familière de ces débats traitant de la grande précarité et de la difficulté d’établir des critères objectifs. À partir du moment où quelqu’un réclame l’application de la loi, nous devons lui donner des réponses précises sur le seuil à partir duquel il peut obtenir l’aide prévue. C’est l’une des grandes difficultés que nous avons résolues, en réglant le problème de la référence à la précarité lors de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ou de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.
Il faut bien garder à l’esprit que ces personnes relèvent déjà de l’aide juridictionnelle et qu’elles sont prioritaires dans la mesure où, une fois la priorité très clairement établie, l’aide juridictionnelle est attribuée à 100 % à toute personne dont le niveau de ressources est inférieur à 1 000 euros.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable, en manifestant bien entendu mon plein accord avec la préoccupation exprimée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l’amendement n° 140.
M. Jacques Mézard. L’amendement n° 140 ne porte pas seulement sur les modalités de l’aide en vue de répondre aux besoins des personnes en situation de grande précarité ; il concerne aussi la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends et le développement d’actions communes avec d’autres conseils départementaux de l’accès au droit.
Je suis tout à fait d’accord avec les dispositions proposées sur ces deux derniers points et insérées respectivement après les deuxième et troisième alinéas de l’article 54 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. En revanche, les termes proposés après le premier alinéa, à savoir « les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité », constituent un message assez médiatique. Sur ce point, j’approuve totalement les explications de Mme la garde des sceaux. Pour ma part, j’ai donné des consultations juridiques gratuites durant toute ma vie, et on en trouve, à l’exception de certains cabinets, dans tous les palais de justice de France. Cela ne veut pas dire que les personnes en situation de grande précarité y ont recours systématiquement, sinon, il n’y aurait pas de problème ; disposant de revenus très faibles, voire inexistants, celles-ci peuvent solliciter le bénéfice de l’aide juridictionnelle. La difficulté réside ailleurs, plutôt dans la démarche,…
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. … délicate pour ces personnes, cher Jean-Pierre Sueur : le fait même de monter les marches d’un palais de justice est inenvisageable pour elles. Voilà la réalité !
Des structures d’aide gratuite ont donc été mises en place, très souvent avec des bénévoles et des travailleurs sociaux. Mais cela ne fonctionne pas bien et ne règle pas le problème. Il ne nous paraît pas judicieux d’envoyer, en plus, des messages qui ne résoudraient rien.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. J’ai bien entendu vos explications, madame la garde des sceaux. Sans doute notre amendement n’est-il pas parfaitement rédigé, mais ce que nous visions à travers ces dispositions, ce n’est pas seulement les conditions financières de l’accès à l’aide juridictionnelle pour les personnes en grande précarité dont on sait évidemment qu’elles répondent à ces critères et devraient en bénéficier de droit ; c’est plutôt d’examiner les moyens d’accompagner plus efficacement ces personnes qui rencontrent des difficultés pour accéder à la justice, en vue notamment de l’accès à l’aide juridictionnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À la suite de l’observation du président Mézard, je crois effectivement utile de revenir sur l’amendement n° 140.
J’avais dit que les deux amendements présentaient un point commun : la référence à la grande précarité.
Mme Catherine Tasca. Oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Toutefois, j’ai omis – pardonnez-moi cet oubli, monsieur Favier – de revenir sur les deux dispositions supplémentaires. Pourtant, ce sont des préoccupations que nous partageons.
En l’occurrence, notre souci porte non sur la rédaction, mais sur la difficulté, à propos de la grande précarité, d’établir un seuil précis.
Participer à la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends figure déjà dans le titre II du projet de loi, avec une contrainte supplémentaire, l’obligation de conciliation sur les petits litiges, ceux pour lesquels la demande est inférieure ou égale à 4 000 euros. Nous savons bien que ce que vous envisagez ne correspond même pas à ce niveau.
Quant au développement des actions communes avec d’autres conseils départementaux de l’accès au droit, comme je l’ai indiqué, nous avons fini le maillage territorial sur l’accès au droit avec les CDAD, puisque nous avons créé ceux qui manquaient. En outre, nous avons ouvert un bureau d’aide aux victimes dans chaque tribunal de grande instance.
Cette préoccupation à la fois du maillage et de la mise en œuvre des politiques locales d’accès au droit nous a incités à apporter des modifications dans le Conseil national de l’aide juridique, le CNAJ, mais en réalité ce sont des dispositions réglementaires figurant non pas dans la loi, mais dans ce que j’ai évoqué hier au cours de mon intervention et que nous appelons « le décret miroir ». Ce décret contient des dispositions équivalentes, en termes de contenu et d’orientations, à celles que nous trouvons dans la loi, mais qui ne relèvent pas du niveau législatif. Par exemple, la mise en œuvre locale de la politique d’accès au droit sera assurée par des dispositions qui seront définies dans le décret.
En substance, vos deux autres demandes sont satisfaites, soit par la loi, soit par le décret, mais sur ce projet de décret qui est sur le point d’être transmis au Conseil d’État, nous veillerons évidemment à recueillir vos observations et faire en sorte qu’il en soit tenu compte lors de son examen par le Conseil d’État, et avant la publication à laquelle nous procéderons à la suite de cet examen.
Mme la présidente. Monsieur Favier, l'amendement n° 140 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 140 est retiré.
Monsieur Sueur, qu’en est-il de l’amendement n° 191 ?
M. Jean-Pierre Sueur. Au vu des explications qui ont été données, et compte tenu du fait que cette préoccupation reste au cœur du débat sur l’accès au droit, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 191 est retiré.
L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand, Collombat et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le 4° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’une association représentative d’avocats pratiquant la médiation, désignée dans les conditions prévues au 4° ; »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement prévoit simplement, après l’alinéa 12, que les associations d’avocats médiateurs soient également membres de droit des conseils départementaux de l’accès au droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Les avocats sont déjà représentés, à travers l’ordre des avocats, au sein du conseil départemental de l’accès au droit. Une association d’avocats médiateurs pourrait donc siéger dans cette instance en tant que représentant de l’ordre des avocats. Il n’a donc pas paru opportun à la commission des lois d’aller plus loin en imposant la présence systématique d’une association représentative d’avocats médiateurs dans chaque conseil départemental de l’accès au droit, d’autant plus qu’aucune certitude n’existe aujourd’hui concernant l’existence, dans tous les départements, d’une association d’avocats médiateurs.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une difficulté pratique se pose eu égard au nombre d’associations concernées. Acceptez-vous que les associations de médiation soient membres de droit des conseils départementaux ?
M. Jacques Mézard. Non !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour l’heure, je ne sais pas résoudre cette difficulté. C’est la raison pour laquelle je réserverai l’avis du Gouvernement.
Indépendamment de la présence de l’ordre des avocats, une association représentative des avocats médiateurs aurait totalement sa place au sein du CDAD. Mais comment décider aujourd’hui qu’une association est représentative d’avocats médiateurs ? Dans la mesure où, au travers de votre amendement, monsieur Mézard, une association de médiation est membre de droit, on pourrait considérer que votre préoccupation est satisfaite, pour contourner cette difficulté liée à l’existence de plusieurs associations.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je vais retirer cet amendement. Toutefois, la difficulté tient au fait, madame la garde des sceaux, que les associations ne représentent pas les avocats médiateurs. Si une demande précise apparaît aujourd’hui sur ce point, c’est qu’il y a une raison. Il est en effet légitime de penser que les professionnels du droit souhaitent s’investir dans la médiation.
M. Jacques Mézard. Disons les choses telles qu’elles sont : le dépôt de cet amendement résulte du souhait de la profession.
Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.
L'amendement n° 192 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 5° est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° D'un représentant des conciliateurs du département ; »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. À l’origine, madame la garde des sceaux, nous avions estimé judicieux d’ajouter aux membres du CDAD, le président du bureau de l’aide juridictionnelle, un juge d’instance du ressort et le représentant des conciliateurs. Puis, à la suite du débat ce matin en commission et sur la suggestion de M. le rapporteur, nous avons décidé de rectifier cet amendement.
Il s’agit simplement d’ajouter au CDAD, pour éviter un nombre trop important de membres dans cette instance, un représentant des conciliateurs. Cela est conforme à l’esprit de votre projet de loi, madame la garde des sceaux, qui donne une importance très grande au conciliateur et l’explique noir sur blanc un peu plus tard. De plus, pour un certain nombre de litiges, le présent texte de loi rend obligatoire une tentative de conciliation, donc le passage devant le conciliateur, avant d’arriver devant le juge. Les conciliateurs vont donc jouer un rôle absolument essentiel.
Nous avons pensé que, dans le cadre de l’accès au droit, un représentant des conciliateurs pourrait avoir toute sa place au sein de ce conseil qui a pour objet de favoriser l’accès au droit.
On nous a fait remarquer qu’il n’existait pas d’ordre des conciliateurs ni d’association de conciliateurs, mais il n’est tout de même pas très compliqué de demander aux conciliateurs présents dans un département de se réunir et de désigner un représentant. Monsieur le rapporteur, vous aviez accueilli cette proposition de façon plutôt positive, et j’espère que notre assemblée fera de même.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. M. Sueur vient de l’expliquer, à l’origine, cet amendement tendait à ce que siègent, au sein des CDAD, un représentant des conciliateurs du département, le président du bureau de l’aide juridictionnelle et un juge d’instance du ressort.
Ce matin, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement ainsi rédigé, et il a été proposé de s’en tenir au représentant des conciliateurs du département.
À titre personnel, je suis soucieux que le CDAD fonctionne effectivement, qu’il ne devienne pas une enceinte trop large où quelques-uns décideraient de tout et où les autres n’oseraient pas prendre part aux discussions.
J’ai moi-même siégé au sein d’un CDAD lors de la création de ces instances, il y a quelques années de cela, comme représentant des maires de mon département. Les débats y étaient intéressants, ce qui est toujours le cas, même si je ne suis plus membre de ce conseil – ma présence n’est pas indispensable pour que les discussions soient dignes d’intérêt… (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Mais si, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
M. Yves Détraigne, rapporteur. J’en suis intimement persuadé, et la commission a confirmé ce sentiment par l’avis qu’elle a émis ce matin : si l’on faisait trop grossir ces conseils départementaux de l’accès au droit, leurs réunions pourraient se réduire à des grand-messes, et ils risqueraient de perdre la capacité de décision que l’on attend d’eux.
À cet égard, même après la rectification exposée par M. Sueur, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Sueur, vous avez vous-même souligné cette difficulté pratique : il n’existe pas d’associations départementales de conciliateurs.
M. Jean-Pierre Sueur. On peut réunir ces acteurs !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sans doute – les CDAD pourront en débattre eux-mêmes –, mais je n’en suis pas moins réservée au sujet de cet amendement.
M. Charles Revet. Nous aussi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je comprends le sens de votre proposition, et je sais que la conciliation est nécessaire. Au reste, je vous rappelle que nous allons augmenter le nombre des conciliateurs et améliorer leur indemnisation, qui, aujourd’hui – disons les choses franchement –, s’établit à un niveau dérisoire.
La conciliation devra bel et bien s’installer dans la culture du règlement amiable des litiges. Toutefois, je crains moi aussi que les CDAD finissent par ne plus fonctionner efficacement, du fait d’un risque d’embolie lié au nombre de leurs membres.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, il s’agit d’y ajouter une personne, pas une foule !
Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Je comprends l’idée suivie à travers cet amendement, mais je ne le voterai pas, pour une raison simple.
Dans certains départements, les conciliateurs de justice se sont organisés en association. Or les présidents des CDAD, qui sont les présidents de tribunaux de grande instance des chefs-lieux de département, peuvent décider d’ouvrir ces conseils à des associations.
Dès lors, il n’est pas impossible que les CDAD s’ouvrent aux associations réunissant les conciliateurs de justice du département.
Conservons la souplesse du dispositif : il n’est pas souhaitable de légiférer sur tout. Mieux vaut préserver la possibilité, pour les CDAD, de s’organiser en fonction des réalités du territoire.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 141, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 16
Après les mots :
aide aux victimes
insérer les mots :
, de l’assistance aux plus précaires dans le cadre de l’accès au droit
II. – Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b bis) Le 10° est ainsi rédigé :
« 10° Du président du bureau d’aide juridictionnelle ; »
III. – Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 10°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’un représentant local du Défenseur des droits. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.