M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Sur le fond, cet amendement revient sur le consensus fondant la loi de 2007, c’est-à-dire sur le fait que les enfants doivent être protégés, quelle que soit leur nationalité. Or il est proposé de créer, parmi les bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance, une catégorie distincte, non définie par la loi, qui serait constituée des mineurs isolés étrangers. Un tel traitement spécifique nous paraît contraire aux valeurs de la République.
Au surplus, l’article 40 de la Constitution pourrait être invoqué contre cet amendement, dont l’adoption aurait pour conséquence un accroissement des dépenses de l’État.
M. le président. Je mets aux voix l'article 22 quater, modifié.
(L'article 22 quater est adopté.)
Article 22 quinquies
L’article 375-5 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’un service de l’aide sociale à l’enfance signale la situation d’un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, selon le cas, le procureur de la République ou le juge des enfants demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l’orientation du mineur concerné.
« Le procureur de la République ou le juge des enfants prend sa décision en stricte considération de l’intérêt de l’enfant, qu’il apprécie notamment à partir des éléments ainsi transmis pour garantir des modalités d’accueil adaptées. » – (Adopté.)
Article 23
(Suppression maintenue)
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission modifié, je donne la parole à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. La proposition de loi relative à la protection de l’enfant vise à offrir aux enfants placés une vie plus stable.
Ce texte, corédigé par Michelle Meunier et Muguette Dini, avait été adopté à l’unanimité, en mars dernier, par la Haute Assemblée en première lecture. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale l’ont enrichi.
Son élaboration témoigne de l’existence d’un réel besoin de réajuster la loi du 5 mars 2007, de tirer les enseignements des disparités observées et d’encadrer les pratiques.
Les avancées obtenues au cours de nos débats sont notables et je veux de nouveau remercier notre rapporteur, Michelle Meunier, d’avoir réintroduit le thème de la protection de l’enfant dans le débat national au travers de cette proposition de loi.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre implication, de votre engagement et de votre mobilisation. Je salue votre souci d’associer étroitement à ce travail les acteurs de terrain.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale : assurer une protection à tous les enfants, garantir leurs droits et leur permettre de se construire un avenir est au cœur de cette réforme.
Si nous partageons, mes chers collègues, le constat d’une trop grande hétérogénéité de l’application de cette politique sur le territoire national, force est de constater que nous ne sommes pas totalement parvenus à nous accorder sur les moyens d’en assurer une meilleure organisation.
Même si nous regrettons la suppression de la création du conseil national de la protection de l’enfance, celle de la mesure d’accompagnement des jeunes majeurs leur permettant de terminer leur année scolaire et le rejet de la solution innovante consistant à verser l’allocation de rentrée scolaire sur un compte destiné à aider les jeunes parvenus à l’âge de la majorité à démarrer dans la vie, nous voterons en faveur de l’adoption de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. L’intention de Muguette Dini et de Michelle Meunier d’améliorer la politique publique de la protection de l’enfance était tout à fait louable et légitime. Toutefois, tant le texte que la situation des départements ont beaucoup évolué depuis la première lecture.
Je veux lancer un cri d’alarme. Dans tous nos départements, les dispositifs sont saturés : nous n’avons plus de places disponibles dans les structures ou les familles d’accueil ; chaque travailleur social, chaque éducateur suit davantage de jeunes aujourd’hui qu’il n’en suivait hier, et la charge de travail ne fera que s’alourdir demain.
Nous attendons d’un texte visant à améliorer la protection de l’enfance qu’il nous donne les moyens financiers et humains d’accompagner au mieux les enfants confiés à l’ASE, pour leur permettre d’évoluer et de grandir dans de bonnes conditions. Or, cette proposition de loi ne remédie pas au manque de moyens actuel.
J’ai donc pris mes ciseaux et proposé la suppression de dispositions qui me semblaient de nature à compliquer encore le travail des professionnels, dont on exige chaque jour davantage que la veille, comme dans la patrouille de France ! Je tiens à saluer ici leur motivation et leur courage.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Élisabeth Doineau. Je le répète, plus que d’un nouveau conseil national, ce sont de moyens dont nos départements ont besoin. Il existe déjà une structure dont les missions pourraient être étoffées : je pense à l’Observatoire national de l’enfance en danger.
Les membres du groupe UDI-UC voteront ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le débat s’est, au début, un peu éloigné du sujet de la protection de l’enfance, pour se focaliser sur la question de l’insuffisance des moyens financiers des collectivités territoriales. Je me réjouis de cette prise de conscience et j’espère que, lors de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous serez très nombreux à demander la fin des restrictions budgétaires et à voter les recettes que nous proposerons…
Pour en revenir au présent texte, nous regrettons que la majorité sénatoriale ait supprimé deux mesures qui nous paraissaient importantes et de nature à améliorer la situation des jeunes confiés à l’ASE : la création du conseil national de la protection de l’enfance et l’accompagnement des jeunes atteignant l’âge de dix-huit ans pour leur permettre de terminer leur année scolaire ou universitaire.
Par ailleurs, la pratique des tests osseux pour déterminer l’âge des jeunes étrangers isolés a malheureusement été réintroduite. Nous l’avons dit, une telle disposition n’a pas sa place dans un tel texte, et nous regrettons qu’une majorité ne se soit pas dégagée pour rejeter cette pratique d’un autre âge.
Alors que, en première lecture, ce texte avait été adopté à l’unanimité, nous ne pourrons le voter aujourd’hui, tel qu’il a été remanié par le Sénat. Cela étant, cette proposition de loi allant malgré tout globalement dans le bon sens, notre groupe s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Sous la présidence de Mme David, la commission des affaires sociales avait chargé Mmes Dini et Meunier de rédiger un rapport sur l’application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, issue d’un projet de loi présenté par le ministre Philippe Bas. Ce rapport a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales. Mme Meunier a ensuite déposé une proposition de loi qui a été examinée en séance publique dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain.
L’examen de ce texte en première lecture fut, déjà, extrêmement chaotique : commencé le 11 décembre 2014, il s’est poursuivi les 28 janvier et 11 mars 2015.
Lorsque cette proposition de loi a été transmise à l’Assemblée nationale, elle comportait seize articles. Il était normal que les députés fassent leur travail et essaient d’améliorer le texte du Sénat. Pour une fois, l’Assemblée nationale n’a pas si mal travaillé… (Sourires.) Je le dis par provocation !
Mme la secrétaire d’État avait déclaré, à la fin de nos débats de première lecture, qu’elle se pencherait sur le sujet. Dans l’ensemble, contrairement à Mme Cohen, j’ai le sentiment que ce texte marque une amélioration certaine par rapport à la loi de 2007. Je suis intimement persuadé que sa mise en œuvre permettra des progrès importants dans le fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance.
Je remercie de leur contribution l’ensemble des participants à ce débat. Ce texte me semble bon et j’estime donc que nous devons le voter.
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Je tiens à saluer à nouveau le travail réalisé par Mmes Dini et Meunier.
Concernant les apports de l’Assemblée nationale, il faut souligner l’importance de la concertation. En vue de la deuxième lecture, nous avons dû fournir, tant en commission qu’en séance publique, un travail supplémentaire, mais tout à fait intéressant.
Je ne m’appesantirai pas sur nos difficiles conditions de travail, en première comme en deuxième lecture, M. le président de la commission venant de les évoquer.
Je voudrais faire part de ma préoccupation quant à la question du délaissement au regard des perspectives d’adoption. Nous pensons d’abord aux jeunes, ainsi qu’à tous les professionnels qui interviennent auprès d’eux. Cette proposition de loi comportant des éléments tout à fait positifs par rapport au constat établi sur la mise en œuvre de la loi de 2007, l’ensemble du groupe du RDSE votera en faveur de son adoption.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je tiens moi aussi à saluer le travail de Mmes Dini et Meunier. Le groupe écologiste se félicite de voir aboutir l’examen de cette proposition de loi relative à la protection de l’enfant et, malgré la teneur de certains amendements adoptés, il votera en faveur de son adoption.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Tout naturellement, je m’associe aux remerciements et au recadrage de M. le président de la commission des affaires sociales.
Les amendements visant à rétablir les dispositions ayant été supprimées par l’Assemblée nationale ont été adoptés et les deux dispositions introduites sur l’initiative du Gouvernement relatives aux mineurs étrangers et au pécule constitué à partir de l’allocation de rentrée scolaire ont été supprimées : pratiquement tous les objectifs que j’avais fixés lors de mon intervention dans la discussion générale ont donc été atteints. Je ne pense pas que les prises de position de notre groupe aient abouti à dénaturer le texte. Comme l’a dit Alain Milon, nous avons œuvré en faveur de la protection de l’enfance. Le groupe Les Républicains votera la proposition de loi telle qu’elle est issue de nos travaux.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. L’élaboration d’un tel texte s’apparente un peu à une naissance : lorsque l’on voit l’enfant apparaître, on oublie les douleurs de l’accouchement…
Nos désaccords ont parfois tenu à ce que l’on se trompait de texte et de cadre : il s’agissait de la deuxième lecture, au sein de la Haute Assemblée, d’une proposition de loi dont l’examen n’aurait sûrement pas atteint ce stade sans l’appui de Mme la secrétaire d’État, que je tiens à remercier encore une fois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.) Depuis 2007, j’avais rarement eu l’occasion de me sentir aussi proche d’un membre du Gouvernement sur les questions relatives à la politique publique de protection de l’enfance.
Je remercie également l’ensemble de nos collègues de l’intérêt qu’ils ont manifesté pour cette proposition de loi, et plus particulièrement M. le président de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, avec qui j’ai pu travailler dans un esprit cordial et positif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Je tiens à remercier à mon tour l’ensemble de la Haute Assemblée, en particulier les deux auteurs de la proposition de loi, dont je crois pouvoir dire qu’elles reconnaissent leur travail dans ce texte dont la discussion va se poursuivre. Muguette Dini a suivi le cheminement parlementaire de la proposition de loi, puisqu’elle a été associée au comité de pilotage de la concertation et a validé les évolutions intervenues à l’Assemblée nationale.
Je remercie les deux rapporteurs, ainsi que M. le président de la commission des affaires sociales pour sa présence utile et apaisante tout au long de l’examen de la proposition de loi.
Enfin, je souhaiterais exprimer quelques regrets.
Tout d’abord, pour bien débattre de tels sujets, il faut une représentation nationale apaisée. Or, à cet égard, le calendrier de cette semaine n’a pas été particulièrement favorable.
Je regrette ensuite que le cri d’alarme lancé par certains au nom des départements ait pu parfois couvrir ceux des enfants, des familles et des professionnels de l’aide sociale à l’enfance.
Le travail que nous avons réalisé ne doit pas être interprété comme une remise en cause ou l’expression d’une forme de suspicion à l’égard des départements. Bien au contraire, il a pour objet de faciliter et d’accompagner leur action.
Je regrette également la suppression de certaines dispositions importantes. Je pense, en particulier, à la possibilité offerte aux jeunes étrangers atteignant l’âge de dix-huit ans de terminer leur année scolaire et à la constitution du pécule pour les jeunes majeurs.
Je regrette également la disparition du conseil national de la protection de l’enfance, même si cela aura moins d’incidence sur la vie des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.
La concertation a permis de donner la parole à ceux que l’on entend peu et dont j’ai tenu à me faire la porte-parole, à savoir les mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance et leurs parents, qui eux aussi peuvent émettre des propositions utiles à l’élaboration d’une réforme importante.
Le travail n’est pas fini et j’aurai l’occasion de revenir sur les amendements dont je déplore l’adoption. Je ne désespère pas de vous convaincre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – M. Olivier Cadic applaudit également.)
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 octobre 2015, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ;
Rapport de M. André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 25, 2015 2016) ;
Texte de la commission (n° 26, 2015-2016).
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, pris par décision II/1 adoptée dans le cadre de la deuxième réunion des parties à la convention ;
Rapport de M. Cédric Perrin, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 27, 2015 2016) ;
Texte de la commission (n° 28, 2015-2016).
- Projet de loi autorisant la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac (procédure accélérée) ;
Rapport de M. Gilbert Roger, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 23, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 24, 2015-2016).
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes (procédure accélérée) ;
Rapport de M. Michel Vaspart, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 16, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 17, 2015-2016).
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ;
Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission spéciale (n° 37, 2015-2016) ;
Texte de la commission spéciale (n° 38, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 octobre 2015, à une heure vingt-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART