M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Les membres de la commission des affaires sociales ont été sensibles aux arguments présentés. Le placement des mineurs en centre de rétention n’est évidemment pas une solution. Nous souhaitons entendre le Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je voudrais préalablement souligner qu’il n’y a aucun « vice » dans l’élaboration du calendrier des travaux du Sénat. Les articles en question ont été introduits dans la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, par voie d’amendements à l’Assemblée nationale, à un moment où celui-ci n’était pas encore précisément fixé. La concomitance avec l’examen du projet de loi relatif au droit des étrangers en France est donc fortuite.
Concernant l'amendement n° 33, l’Assemblée nationale a limité le placement en rétention de familles avec enfants mineurs à deux cas : celui des familles qui se sont soustraites de toutes les manières possibles aux mesures d’éloignement et le cas très rare du placement pour une nuit en vue de prendre un avion tôt le matin. Si nous ne placions pas en rétention les familles concernées par ce second cas, nous devrions les contraindre à dormir dans un véhicule de police, ce qui ne constituerait pas vraiment un progrès…
Le Sénat a lui-même participé à cet encadrement, en précisant que la rétention des familles devrait s’exercer uniquement dans des centres de rétention dotés de chambres isolées, adaptées et spécifiquement dédiées à l’accueil des familles.
Le Gouvernement considère donc que l’amendement est déjà largement satisfait par la disposition adoptée par le Sénat. S’il devait être maintenu, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
Comme beaucoup de mes collègues, j’ai visité des centres de rétention administrative : les conditions d’hébergement y sont terribles. Je ne crois nullement qu’il soit possible de garantir aux familles un hébergement dans de bonnes conditions.
Notre assemblée s’honorerait en votant cet amendement prévoyant qu’aucune famille ne doit être placée en rétention. C’est une question de principe.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je comprends les motivations qui ont poussé Mme Cohen à déposer cet amendement, mais que l’on invoque, encore une fois, le cas de Mayotte pour appuyer des revendications sans s’intéresser réellement à ce qui se passe sur ce territoire, notamment en matière d’immigration clandestine, me gêne profondément.
Mayotte est un territoire de 374 kilomètres carrés, où sont pratiquées plus de la moitié des reconduites à la frontière. Dans ces conditions, si un droit des étrangers dérogatoire ne s’y applique pas, comment faire pour mettre un terme à une pression migratoire insensée ?
Soit on prend en considération la situation de ce territoire dans sa globalité au lendemain de la départementalisation, soit on arrête d’en tirer argument pour justifier le dépôt de tel ou tel amendement ! Je m’oppose farouchement au présent amendement et je demande à mes collègues de me suivre sur ce point.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 21 ter.
Mme Laurence Cohen. Le groupe CRC vote contre !
(L'article 21 ter est adopté.)
Article 22
Le titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Le paragraphe 3 de la section 3 du chapitre II est ainsi modifié :
a) L’article 222-31-1 est ainsi rétabli :
« Art. 222-31-1. – Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis sur la personne d’un mineur par :
« 1° Un ascendant ;
« 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;
« 3° (Supprimé)
« 4° Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° à 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une des personnes mentionnées aux 1° à 2°, s’il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. » ;
b) Au premier alinéa de l’article 222-31-2, les mots : « ou l’agression sexuelle » sont remplacés par les mots : « incestueux ou l’agression sexuelle incestueuse » ;
2° La section 5 du chapitre VII est ainsi modifiée :
a) Après l’article 227-27-2, il est inséré un article 227-27-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-27-2-1. – Les infractions définies aux articles 227-25 à 227-27 sont qualifiées d’incestueuses lorsqu’elles sont commises sur la personne d’un mineur par :
« 1° Un ascendant ;
« 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;
« 3° (Supprimé)
« 4° Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° à 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une des personnes mentionnées aux 1° à 2°, s’il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. » ;
b) Au premier alinéa de l’article 227-27-3, après le mot : « sexuelle », il est inséré le mot : « incestueuse ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
, si cette personne a sur le mineur une autorité de droit ou de fait
II. – Alinéa 7
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 3° Son tuteur ou la personne disposant à son égard d’une délégation totale ou partielle d’autorité parentale ;
III. – Alinéa 8
1° Après les mots :
le conjoint
insérer les mots :
ou l’ancien conjoint
2° Après les mots :
le concubin
insérer les mots :
ou l’ancien concubin
3° Remplacer (deux fois) la référence :
2°
par la référence :
3°
4° Après les mots :
le partenaire
insérer les mots :
ou l’ancien partenaire
IV. – Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
, si cette personne a sur le mineur une autorité de droit ou de fait
V. – Alinéa 15
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
3° Son tuteur ou la personne disposant à son égard d’une délégation totale ou partielle d’autorité parentale ;
VI. – Alinéa 16
1° Après les mots :
le conjoint
insérer les mots :
ou l’ancien conjoint
2° Après les mots :
le concubin
insérer les mots :
ou l’ancien concubin
3° Remplacer (deux fois) la référence :
2°
par la référence :
3°
4° Après les mots :
le partenaire
insérer les mots :
ou l’ancien partenaire
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous regrettez que la définition pénale de l’inceste ne corresponde pas exactement à sa représentation sociétale ou à sa définition implicite qui résulte des règles du code civil. J’entends bien la difficulté, mais il n’est pas possible d’avoir une correspondance exacte entre ces différents périmètres. C’est la spécificité et l’autonomie du droit pénal qui justifient ces différences. Le Gouvernement estime donc nécessaire de rétablir la condition d’autorité de droit ou de fait.
Par mesure de prudence et pour éviter toute difficulté constitutionnelle, il paraît nécessaire de pouvoir répondre que l’inceste ne s’applique que dans des cas où la loi prévoyait déjà une aggravation.
L’exemple le plus évident, qui est incontestable, est celui de l’inceste entre frère et sœur majeurs commis sans violence ni contrainte. Il s’agit bien d’un inceste au regard de la représentation sociétale de la notion ; il s’agit également d’un inceste au regard du droit civil, qui édicte une impossibilité absolue de mariage. Pour autant, il ne s’agira pas d’un inceste au sens du code pénal, même avec la rédaction retenue par la commission des affaires sociales. Ce ne sera un délit que dans un cas prévu par l’article 227-27 du code pénal : si l’une des personnes est mineure de plus de quinze ans, l’autre ayant sur elle une autorité de droit ou de fait.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 8 et 16
Remplacer (deux fois) les références :
1° à 2°
par les références :
1° et 2°
La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 50.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. L'amendement n° 56 est un amendement de précision.
La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 50, pour les raisons que M. Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois, ne manquera pas d’exposer.
À titre personnel, je suis favorable à cet amendement présenté par Mme la secrétaire d'État tendant à redéfinir les contours de l’inceste.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 56 ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Madame la secrétaire d'État, j’ai beaucoup apprécié la modération de vos propos au sujet de l’amendement n° 50, dans le texte duquel je ne reconnais pas forcément votre plume…
Nous avions supprimé cet article en première lecture, comme le Gouvernement nous y avait d'ailleurs lui-même invités.
Tenant compte des travaux des députés, nous acceptons de traiter la question de l’inceste dans ce texte. J’avais d’ailleurs indiqué, lors de la première lecture, que nous n’y étions pas du tout opposés, mais que nous voulions que la réflexion soit approfondie, pour éviter une deuxième censure du Conseil constitutionnel.
Notre souci aujourd’hui est donc double : établir une définition pénale de l’inceste qui corresponde à la représentation qu’en a la société ; être suffisamment précis pour éviter une nouvelle censure, la première ayant été particulièrement forte et nette.
Les I et IV de l’amendement du Gouvernement visent à poser l’exigence, pour reconnaître l’inceste, que les membres de la famille disposent d’une autorité de droit ou de fait sur la victime.
Compte tenu de cette rédaction, il serait impossible de qualifier d’inceste l’agression sexuelle commise par un frère sur sa sœur plus âgée que lui, dans la mesure où cette différence d’âge équivaudrait à une absence d’autorité de droit ou de fait. Pourtant, un tel crime apparaît bien présenter un caractère incestueux, et il est important, fondamental même, notamment aux yeux des associations, que le périmètre de l’inceste pénal corresponde aux représentations de la société.
Les II et IV de l’amendement visent à ajouter le tuteur d’un enfant ou la personne disposant à son égard d’une délégation d’autorité parentale dans la liste des personnes susceptibles de commettre un inceste. Cela permettrait de qualifier d’inceste une agression sexuelle alors qu’il n’existe entre l’enfant et l’auteur de l’infraction aucun lien familial ou d’alliance.
J’ajoute que cette mention pourrait poser des difficultés insurmontables dans le cas, par exemple, où le mineur aurait été confié avec délégation d’autorité parentale à l’ASE et serait abusé par un travailleur social employé par ce service. Cette agression sexuelle serait alors qualifiée d’incestueuse, alors que nous sommes tout de même loin de l’idée que l’on se fait de l’inceste. Il ne faut pas faire perdre tout sens à la notion.
Enfin, en retenant les anciens conjoints, concubins ou partenaires de PACS parmi les personnes susceptibles de commettre un inceste, le présent amendement rendrait possible la condamnation d’une personne pour inceste contre l’enfant d’un ancien compagnon ou d’une ancienne compagne né après leur séparation.
En conclusion, il faut toujours éviter, en droit pénal, que la représentation que la victime se fait d’une infraction ne soit pas de nature à caractériser une infraction pénale.
Telles sont, exposées à grands traits, les raisons pour lesquelles je m’oppose à cet amendement du Gouvernement. S’il était adopté, il rendrait le texte conforme à celui de l’Assemblée nationale – nous ne pourrions donc pas y revenir – et poserait, selon moi, un problème de légalité constitutionnelle de cette qualification pénale. Il serait tout de même très désagréable d’essuyer un deuxième avis défavorable du Conseil constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 50.
M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiens la position de M. le rapporteur pour avis. En effet, l’argumentation qu’il a livrée doit nous conduire à réfléchir.
À partir du moment où l’on pose l’obligation de l’existence d’un rapport d’autorité, de droit ou de fait, ce qui est appelé inceste entre un frère et une sœur par exemple, ne pourra plus être qualifié ainsi, du fait de l’absence de rapport d’autorité.
Il est tout à fait clair aussi que le lien familial caractérisé est à prendre en compte de la manière la plus rigoureuse possible, et la proposition du rapporteur pour avis de la commission des lois me semble en effet de nature à éviter une nouvelle censure du Conseil constitutionnel.
Je comprends les arguments de Mme la secrétaire d’État. Toutefois, la rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales et de la commission des lois du Sénat présente l’avantage de comporter les précisions nécessaires quant au périmètre de l’inceste, ce qui permet de répondre à l’objection du Conseil constitutionnel, qui avait jugé la première définition imprécise et ne répondant donc pas aux critères de lisibilité et d’intelligibilité de la loi. Si nous retenons cette rédaction, nous pourrons enfin faire entrer l’inceste dans le code pénal, ce qui nous paraît être une nécessité.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 16 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l’adoption | 1 |
Contre | 316 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 22, modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Article 22 bis
Au deuxième alinéa de l’article 434-1 du code pénal, les mots : « de quinze ans » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 22 ter
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 434-3 du code pénal, les mots : « atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans » sont remplacés par les mots : « agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ». – (Adopté.)
Article 22 quater A
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (Supprimé) ;
2° L’article 356 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La qualification d’inceste prévue aux articles 222-31-1 et 227-27-3 du code pénal fait l’objet, s’il y a lieu, d’une question spécifique. » ;
3° (Supprimé)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22 quater A.
(L'article 22 quater A est adopté.)
Article 22 quater
(Non modifié)
Après l’article L. 221-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 221-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-2-2. – Pour permettre l’application du troisième alinéa de l’article 375-5 du code civil, le président du conseil départemental transmet au ministre de la justice les informations dont il dispose sur le nombre de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille dans son département. Le ministre de la justice fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements en fonction de critères démographiques. Les modalités d’application du présent article, ainsi que les conditions d’évaluation de la situation de ces mineurs, sont définies par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer les mots :
fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements
par les mots :
évalue les capacités d’accueil de ces mineurs de chaque département
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à remplacer la fixation d’objectifs par une évaluation des capacités d’accueil de mineurs isolés étrangers par chaque département, en fonction de critères démographiques.
Cet amendement ne modifie pas substantiellement l’article 22 quater, mais vise simplement à assouplir sa rédaction.
De plus, les termes « capacités d’accueil » sont également ceux utilisés par le Conseil d’État dans un arrêt du 30 janvier 2015, Département des Hauts-de-Seine et autres, décision à l’origine de l’introduction des articles 22 quater et 22 quinquies dans le présent texte. Le Conseil d’État a considéré que le garde des sceaux pouvait inviter les magistrats du parquet à prendre contact, préalablement au prononcé de l’ordonnance de placement provisoire, avec une cellule nationale chargée de mettre à tout moment à leur disposition des indicateurs sur le nombre de mineurs isolés étrangers déjà accueillis dans chaque département et sur les capacités d’accueil des services d’aide sociale à l’enfance de chacun d’entre eux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
Les objectifs de répartition, qui ne s’imposent pas aux juges, doivent bien évidemment s’appuyer sur une évaluation de la capacité d’accueil. Néanmoins, cette évaluation serait sans effet si elle ne conduisait pas, d’abord, à la fixation d’objectifs de répartition. Il est donc important de préciser que la décision d’orientation demeure celle du juge, qui la prend en fonction de l’intérêt de l’enfant. Les objectifs de répartition n’ont qu’une valeur indicative destinée à éclairer la décision du juge. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. L’article vise à introduire dans le code de l’action sociale et des familles l’obligation, pour les départements, de transmettre au ministère de la justice les informations dont ils disposent sur le nombre de mineurs isolés étrangers présents sur leur territoire.
La transmission de ces informations permet au ministère de la justice de fixer des objectifs de répartition proportionnés aux capacités d’accueil de ces mineurs dans les différents départements. Il s’agit donc d’un dispositif de solidarité nationale entre les départements relativement à l’accueil des mineurs isolés étrangers. Par ailleurs, il appartient toujours au juge de prendre, ensuite, une décision dans l’intérêt de l’enfant.
Monsieur le rapporteur pour avis, nous avons besoin non pas d’une évaluation des capacités d’accueil des départements, mais d’objectifs de répartition et de solidarité entre les départements. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et d'éloignement géographique
2° Dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’évaluation de la situation de ces mineurs, et la prise en compte de la situation particulière des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, sont définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. En 2013, Mme la garde des sceaux a mis en place un système de solidarité entre les départements pour la prise en charge des mineurs isolés. Ce système, qui permet de s’occuper de nombreux enfants en détresse, exclut les départements et collectivités d’outre-mer, au motif – certes louable – d’éviter aux enfants originaires de ces territoires des déracinements traumatisants. En effet, imaginerait-on envoyer un enfant isolé de Mayotte en Bretagne ou un mineur de Martinique à Marseille ?
Toutefois, le dispositif créé par Mme Taubira en 2013 offre également un soutien de l’État aux départements au titre de la mission régalienne d’évaluation du danger et de l’isolement. Actuellement, les enfants d’outre-mer en sont également exclus, ce qui n’est pas juste. J’ai pris l’attache du ministère de la justice afin d’engager une concertation en vue de trouver une solution. J’y ai trouvé une écoute, ainsi qu’un intérêt marqué pour la situation ultramarine.
Le présent amendement tend à replacer les départements et les collectivités d’outre-mer dans lesquels s’applique le code de l’action sociale et des familles dans une situation de droit commun, tout en protégeant les enfants d’un éloignement excessif. Ce dispositif sera mis en œuvre en concertation avec les collectivités concernées, qui ne manqueront pas d’être consultées dans le cadre de l’élaboration d’un décret pris en Conseil d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement de bon sens. Effectivement, le critère d’éloignement géographique doit être pris en compte, indépendamment des critères démographiques. Par ailleurs, cet amendement ne remet pas en cause la solidarité entre les départements. En conséquence, l’avis du Gouvernement est favorable.
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par M. Luche, Mme Doineau, MM. Détraigne et Pozzo di Borgo, Mmes Gatel, Morin-Desailly et Loisier, M. Cigolotti, Mme Goy-Chavent, M. Longeot, Mme Billon et M. Guerriau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
II. – Est institué, à compter de 2015, un prélèvement sur les recettes de l’État au bénéfice des départements.
Le montant de ce prélèvement est égal aux dépenses contractées par les départements au cours de l’année précédant la répartition au titre de la mise à l’abri, de l’évaluation de la situation et d’orientation des jeunes se présentant comme mineurs isolés étrangers, déduction faite des charges déjà assumées par l’État. Il comprend également la prise en charge des mineurs isolés étrangers au sein des établissements et services relevant du 1° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles lorsque le coût de celle-ci excède un seuil fixé par arrêté interministériel.
Ce montant est réparti entre les départements en proportion des dépenses engagées à ce titre.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent II.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. L’article 22 quater tend à mettre en place une répartition plus équilibrée des mineurs isolés étrangers dans l’ensemble des départements, notamment pour assurer une meilleure prise en charge de chacun d’entre eux.
Toutefois, les départements ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour proposer un accueil matériel et un accompagnement socio-éducatif adaptés à ces mineurs isolés étrangers. En effet, la participation de l’État – qui reconnaît ainsi sa responsabilité dans ce dossier – est strictement limitée à un forfait équivalent au financement des cinq premiers jours de l’accueil et de l’évaluation des mineurs isolés étrangers. Or l’essentiel de la charge financière, pour les départements, concerne l’accueil de longue durée de ces mineurs, souvent jusqu’à leur majorité et parfois au-delà, dans le cadre des contrats jeunes majeurs.
Pour les départements les plus concernés par la présence de mineurs isolés étrangers, la prise en charge de ceux-ci a des conséquences économiques bien plus importantes encore : de nouveaux dispositifs ont dû être créés, de nouveaux travailleurs sociaux ont dû être recrutés… Tout cela a un coût.
La question d’une prise en charge, au niveau national, des mineurs isolés étrangers est aussi celle du rôle que doit jouer l’État en la matière. Ce dernier ne peut se désintéresser d’un phénomène qui relève directement de ses compétences régaliennes, donc d’un traitement à l’échelon national, reposant sur la solidarité nationale. Il a d’ailleurs reconnu sa responsabilité en la matière au travers de la prise en charge du coût de l’accueil et de l’évaluation.
Ainsi, le présent amendement prévoit la création d’un prélèvement sur recettes couvrant la prise en charge des mineurs isolés étrangers accueillis au sein des services de l’aide sociale à l’enfance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Les relations financières entre l’État et les départements au titre de la prise en charge des mineurs isolés étrangers sont organisées par le protocole du 31 mai 2013, qui a été signé par les représentants des départements. En outre, une telle disposition n’a pas sa place dans la présente proposition de loi, sachant que le projet de loi de finances pour 2016 nous sera bientôt soumis.