M. Bruno Retailleau. Je n’ai pas pris part au vote !
M. David Assouline. Je sais ! Je veux rappeler que la CMDA a délibéré. Elle s’est prononcée et a considéré que ce calendrier était tenable. On ne va pas lui demander de se réunir à nouveau juste pour vous donner raison, madame la rapporteur !
Je vous demande donc, madame la rapporteur, d’émettre un avis favorable sur cet amendement de suppression défendu par le Gouvernement, et ce pour trois raisons. Premièrement, la loi ne fixe pas de calendrier. Deuxièmement, la CMDA s’est déjà prononcée sur le calendrier, qu’elle a jugé bon. Troisièmement, Mme la ministre a accepté que la CMDA se réunisse pour un point d’étape qui fera le tour des questions –– sans pour autant retenir d’emblée l’idée que ce calendrier pourrait être modifié, ce qui augurerait mal de la suite !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Permettez-moi d’apporter un certain nombre de précisions. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’ensemble des acteurs ont besoin d’avoir de la visibilité. Or il ne me paraît pas de bonne gestion de recréer régulièrement des échéances de nature à suggérer que le processus peut être interrompu.
Je suis tout à fait favorable à un point d’étape destiné à assurer la parfaite information de la CMDA au fur et à mesure de l’évolution du processus et des échéances – que ce soit sur les équipements, sur la campagne d’information, sur tous les aspects qui sont discutés dans le cadre de cette loi.
N’allons pas cependant donner le sentiment que le calendrier pourrait régulièrement être mis en cause. Les équipementiers, que vous avez évoqués, sont demandeurs d’un calendrier extrêmement précis – je peux vous l’assurer ! En effet, ils ont d’ores et déjà lancé la fabrication des dispositifs. S’ils se retrouvent avec des stocks à gérer pendant des mois, cela leur coûtera beaucoup d’argent, à proportion de leur rapidité à produire les équipements. Ils ont donc absolument besoin que les dates soient respectées et que le calendrier se déroule conformément aux prévisions.
France Télévisions ne partage pas non plus votre point de vue, madame la rapporteur. J’ai entendu dire que les chaînes de télévision s’inquiètent. Ce que j’ai lu dans le courrier de France Télévisions que j’ai reçu, c’est non que la date du 5 avril 2016 n’est pas tenable, mais qu’elle est tenable à condition qu’un certain nombre de précautions soient prises.
Prenons ces précautions, plutôt que de nous employer à repousser les échéances ! En déployant toutes sortes de solutions dilatoires, nous ne nous mettons pas dans de bonnes conditions pour offrir ce service aux Français !
Je suis très favorable à ce que la CMDA soit extrêmement bien informée et puisse se réunir. Elle a déjà donné un avis. Mettons-nous collectivement en situation d’apporter les réponses que les Français attendent et que les équipementiers attendent eux aussi, à l’évidence. Mais n’est-ce pas le rôle de l’État que de prendre ses responsabilités et de fixer le calendrier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. J’entends votre ambition, madame la ministre, et votre volonté que, surtout, nous ne mettions pas le pied sur le frein. Mais, pour reprendre votre image, ce qui nous importe, c’est moins de mettre le pied sur le frein que de relâcher l’accélérateur pour éviter d’aller dans le mur !
On peut maintenir l’objectif du 5 avril 2016, à condition d’inscrire dans le texte une possibilité d’assouplissement en fonction de ce qui sera constaté au fil du processus.
La date du 5 avril 2016 est plus que tendue. Nous ne l’inventons pas, madame la ministre, on nous l’a dit et répété à plusieurs reprises. Nous l’avons entendu des différents acteurs sur le sujet, y compris du CSA, que nous avons auditionné à deux reprises. L’ACERP parle d’un calendrier « extrêmement tendu », rejointe par la CMDA qui, dans ses dernières conclusions, fait état d’un calendrier « extrêmement sous tension ».
Il ne me paraît pas très compliqué, c’est même le bon sens, comme le disait M. Retailleau, de se prémunir en actant le principe que le calendrier comportera une certaine souplesse pour se laisser la possibilité, le cas échéant, de bénéficier d’une marge de manœuvre et d’adaptation.
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Daniel Raoul. Tout ça pour ça…
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’avant-dernier alinéa de l’article 25 de la même loi est ainsi rédigé :
« Il peut également, en vue d’assurer la gestion optimale des fréquences radioélectriques ou de favoriser la modernisation de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre, modifier les autorisations et les assignations délivrées en application des articles 30-1 et 30-2 pour organiser le regroupement des éditeurs de services sur une ou plusieurs ressources radioélectriques. »
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
articles
insérer la référence :
29-1,
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. L’article 3 a pour objet de permettre au CSA de recomposer les multiplexes.
L’Assemblée nationale a supprimé, dans cet article, la référence à l’article 29-1, qui régit les autorisations allouées par le CSA à la RNT. Il nous semble que cette suppression est préjudiciable au CSA en ce sens qu’elle peut fragiliser la sécurité juridique de sa décision ; le Conseil sera en effet responsable de la réorganisation des multiplexes qui doit prendre en compte à la fois la TNT et la RNT.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi, d’inspiration gouvernementale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, la loi limite aujourd’hui les possibilités pour le CSA de réaménagement des fréquences aux seuls cas de développement de la TNT et au passage au tout-numérique en télévision.
L’article 3 de la proposition de loi a pour objet de généraliser cette possibilité de recomposition en vue de favoriser la modernisation de la diffusion de la TNT.
C’est donc logiquement que les députés ont supprimé – et à l’unanimité – la référence, dans ce dispositif, à la recomposition des multiplexes pour la RNT : elle ne fait pas partie de l’objet de cette proposition de loi et aucune concertation n’a été menée sur ce point avec les acteurs radiophoniques qui, pour beaucoup d’entre eux, y sont tout à fait opposés.
Je ne suis pas d’accord avec vous, madame la rapporteur. L’alinéa en cause de la loi de 1986 ne concerne pas la RNT. Ne pas modifier cet article pour traiter de la RNT ne fragilise en rien le CSA.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ici encore, je ne comprends pas bien ! Au cours de nos réunions de commission, Mme la rapporteur a fait part des ajouts importants qu’elle proposait sur le texte. Nous avons eu le temps d’en discuter. Quand cet amendement nous est arrivé ce matin, je me suis dit qu’il traitait peut-être d’un gros sujet qui venait de surgir.
Partant à la recherche de renseignements, j’ai demandé ce qui s’était passé à l’Assemblée nationale. Et j’ai appris que ce que Mme la rapporteur propose de rétablir a été retiré par les députés.
Je comprends d’autant moins que l’initiative est venue de M. Riester, député qui appartient au groupe Les Républicains. S’il a demandé à l’ensemble de ses collègues de modifier le texte initial du Gouvernement, c’est parce que ce texte lui paraissait porteur des dangers qui ont été évoqués par Mme la ministre. M. Riester a convaincu l’Assemblée nationale d’adopter à l’unanimité une nouvelle rédaction, soutenue par le Gouvernement.
Et Mme la rapporteur propose maintenant de rétablir l’écriture initiale du Gouvernement, que M. Riester a modifiée avec le soutien du Gouvernement, ce qui, au passage, prouve que ce débat n’est pas partisan !
Ne comprenant toujours pas, j’ai persévéré, toujours pour essayer d’y voir clair. J’ai donc pris contact avec les acteurs de la RNT, notamment ceux qui se battent – un peu seuls, depuis un moment ! – pour développer la RNT.
La RNT, vous le savez, est un objectif inscrit dans la loi, mais qui n’est pas appliqué – cela arrive parfois, malheureusement ! La RNT n’a pas été développée, notamment parce que les grands opérateurs radiophoniques n’y ont pas d’intérêt. En revanche, il existe un réseau qui y voit de l’intérêt et qui se bat mordicus sur le sujet, il s’agit du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, le SIRTI. Mme la rapporteur connaît très bien ces petites radios locales associatives qui maillent le territoire et elle sait quel est leur combat pour le développement de la RNT.
Ces acteurs, je les ai écoutés. Ils me disent que, si l’on suit votre proposition, madame Morin-Desailly, si l'on rétablit la rédaction initiale, on va, au contraire, freiner le développement de la RNT.
Vous avez dit en commission que le CSA soutenait votre proposition, car elle pourrait l’aider sur le plan juridique. Mais il arrive au CSA de se tromper dans ses analyses ! Cela s’est déjà vu !
Autrement dit, les acteurs concernés disent non ; les députés, unanimes derrière M. Riester, disent non. Je ne comprends pas votre position !
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue ! Vous avez épuisé les deux minutes trente imparties !
M. David Assouline. Je conclus en disant que cet amendement ne devrait pas être maintenu parce qu’il ne correspond ni à une demande du secteur – il veut le développement de la RNT – ni aux débats transpartisans qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
L’article 30-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) À la fin de la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « de la télévision en haute définition » sont remplacés par les mots : « des différents standards de diffusion innovants de la télévision » ;
b) Après le mot : « précédents », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « chaque standard de diffusion constitue une catégorie de services. » ;
2° Les neuvième et dixième alinéas du II sont remplacés par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Le cas échéant, le standard de diffusion du service concerné. » ;
2° bis Le III est ainsi modifié :
a) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « prioritaires », sont insérés les mots : « que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversité des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « renforcer la diversité des opérateurs ainsi que » sont remplacés par les mots : « la diversité des opérateurs ainsi qu’à renforcer » ;
3° Le V est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « si le service est diffusé en définition standard ou en haute définition » sont remplacés par les mots : « le standard de diffusion du service » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « l’une ou l’autre de ces deux définitions » sont remplacés par les mots : « des standards de diffusion différents ». – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
Après le troisième alinéa du V de l’article 30-2 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, à la suite des regroupements prévus à l’article 25, le distributeur n’a plus à assurer les opérations techniques nécessaires à la transmission et à la diffusion auprès du public de services de télévision, l’autorisation est abrogée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. » – (Adopté.)
Article 5 bis (nouveau)
Après l’article 30-2 de la même loi, il est inséré un article 30-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 30-2-1. – Les titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences dans la bande de fréquences 694-790 mégahertz pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau radioélectrique mobile ouvert au public supportent le coût de l’indemnisation due aux éditeurs de service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre titulaire d’autorisation en conséquence de l’interruption de la réception gratuite de leur service consécutive à la modification des spécifications techniques des signaux émis pour la fourniture de ce service décidée en application de l’article 12. Un décret en Conseil d’État précise les éléments pris en compte pour le calcul de ce coût ainsi que les modalités d’indemnisation des éditeurs de service concernés par cette interruption. »
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. L’article 5 bis fait supporter aux opérateurs de communications électroniques le coût de l’indemnisation des éditeurs de services du fait de la réduction du nombre de multiplexes.
Je comprends l’inquiétude de certains professionnels face à cette transition, notamment les prestataires techniques de diffusion, dont il est ici question. Ceux-ci devront en effet interrompre la diffusion de deux multiplexes pour libérer des fréquences.
Je l’indiquais précédemment, il est très difficile d’évaluer précisément et a priori l’impact économique de ce transfert pour ces professionnels. En effet, d’une part, les contrats liant les prestataires techniques de diffusion et les éditeurs de chaînes sont couverts par le secret des affaires, ce qui est normal, et, d’autre part, ces marchés incluent des coûts d’investissement et de fonctionnement que la rupture des contrats n’affecte pas de la même façon.
Conscients de ces difficultés, et puisque chacun doit trouver sa place dans cette transition, Emmanuel Macron et moi-même avons demandé à l’Inspection générale des finances de déterminer très précisément l’impact, pour les acteurs de la diffusion, de l’arrêt de la norme MPEG-2 et de la fin de la diffusion de deux multiplexes devant libérer la bande de fréquences des 700 mégahertz.
Cette mission, je le rappelais, devra établir un diagnostic exhaustif prenant en compte l’ensemble des paramètres susceptibles d’affecter l’économie des opérateurs de diffusion à l’occasion de la libération de la bande 700. Elle évaluera également les perspectives de marché offertes par la libération de la bande 700 et la recomposition des six multiplexes TNT.
Ce travail est engagé ; il fournira une base solide de diagnostic. Par ailleurs, j’ai demandé à l’IGF que le contact avec les opérateurs de diffusion soit établi dès aujourd'hui.
Disons-le clairement : si cet impact devait être particulièrement sévère, si nous constations une forme de préjudice, nous en tirerions évidemment les conséquences à l’occasion de l’examen d’un prochain texte financier.
Il faut donc simplement procéder avec méthode, dans un souci d’équilibre et en prenant en compte les implications industrielles et économiques de la libération de la bande 700.
Tel est l’objet de cet amendement de suppression.
Par ailleurs, je m’interroge sur la possibilité juridique de faire porter la charge de l’éventuelle indemnisation sur une catégorie particulière d’acteurs – en l’espèce, les opérateurs mobiles – alors que le préjudice, s’il existait, relèverait de la responsabilité du fait des lois et serait donc à la charge de l’État.
En effet, ne confondons pas le dispositif visant à faire supporter la charge des travaux de réaménagement par les bénéficiaires de ces travaux avec la réparation d’un préjudice né de l’application de la loi ; ce sont deux choses complètement différentes. Que ces mêmes opérateurs puissent intégrer cette charge dans le calcul du montant de leurs enchères ne me semble d’ailleurs pas de nature à répondre à cette critique importante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Comme l’ont rappelé certains collègues, contrairement à un projet de loi, une proposition de loi ne bénéficie pas d’une étude d’impact. Or cette mission a été confiée à l’IGF de manière extrêmement tardive, nous ne disposerons de ses résultats que dans quelques semaines, et nous ne sommes bien entendu pas certains de l’existence d’un préjudice.
En outre, le Gouvernement n’a pas explicitement confirmé qu’il prendrait en charge ce préjudice, si celui-ci devait se confirmer, ni, a fortiori, dans quels délais.
On peut donc regretter cette situation, qui aboutit à ce que le Gouvernement mette en vente une ressource rare – la bande de fréquences des 700 mégahertz –, ce qui oblige à réorganiser les multiplexes, mais refuse d’en supporter les conséquences en laissant le soin aux tribunaux de trancher les différends qui ne manqueront pas de surgir. C’est une source de grandes incertitudes pour les entreprises concernées – elles nous l’ont indiqué – et de contentieux potentiels.
C’est non seulement injuste mais aussi difficilement compréhensible, dans la mesure où l’État devrait retirer de cette vente près de 2,5 milliards d’euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’indemnisation pose effectivement problème. Vous avez ainsi commandé, madame la ministre, une étude à l’IGF pour en connaître le montant ; de l’avis de beaucoup, celui-ci devrait être compris entre 30 et 100 millions d’euros.
Pourquoi la commission a-t-elle adopté l’amendement de Mme la rapporteur visant à insérer cet article 5 bis dans le texte ? Parce que, bien que l’on puisse s’interroger avec vous, madame la ministre, sur l’opportunité de la disposition – je serais d’ailleurs tenté de pencher de votre côté –, l’article 40 de la Constitution ne nous a pas permis d’obliger, par amendement, l’État à prendre en charge cette indemnisation. Nous empruntons donc clairement une voie détournée…
Pour ce qui est du parallèle avec la vente de la bande 800, initialement dédiée à l’armée de terre pour le système FELIN, les opérateurs de téléphonie mobile avaient eux-mêmes financé l’achat de matériel et le réaménagement des fréquences. Cela représentait 100 millions d’euros ; en l’espèce, il s’agirait, selon moi, de 30 à 80 millions d’euros.
M. David Assouline. Ce n’est pas le même ordre de grandeur !
M. Bruno Retailleau. Cela se justifiait par le réaménagement consécutif à la réutilisation de la bande par les opérateurs de télécommunications.
Or, ici, le préjudice économique est causé du fait de la loi, et il faudra donc à ce titre que ce soit l’État qui indemnise. Avec un prix de réserve de 2,5 milliards d’euros, je pense qu’il pourra trouver quelques dizaines de millions d’euros pour ce faire…
Le problème est que l’IGF n’a pas commencé à travailler ; on sent d’ailleurs parfaitement que Bercy, que vous connaissez bien, madame la ministre, freine des quatre fers.
Le présent article n’est donc là que pour s’assurer de la bonne fin d’une indemnisation, qui pourra prendre une autre voie.
Tel était le propos que je voulais développer, sans trahir, je l’espère, l’esprit de Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. En tant que législateur, nous devons, avant d’aller plus avant sur le fond, accorder quelque attention à la forme, puisque notre tâche consiste à élaborer le droit.
Or il n’est pas possible d’aller plus loin dans le débat de fond si les promoteurs de cet article, y compris Mme la rapporteur, reconnaissent eux-mêmes qu’effectivement la forme n’est pas très bonne. En effet, à cause de l’irrecevabilité de l’article 40 de la Constitution, le texte indique que les opérateurs privés peuvent être amenés à indemniser.
Si nous savons, sur le fondement de la jurisprudence administrative, que c’est l’État qui devra prendre en charge cette indemnisation, ce n’est pas ce que dit l’article 5 bis.
M. Bruno Retailleau. Il y a deux voies !
M. David Assouline. Certes, mais vous affirmez que l’une d’elles n’est pas possible. On ne peut pas légiférer de cette façon, voyons !
Le Sénat a la réputation d’être très sérieux du point de vue juridique par rapport à d’autres institutions.
M. Jean-Claude Lenoir. Oui, et c’est tout à fait vérifié !
M. David Assouline. Nous n’allons pas voter, pour des circonstances touchant – pardon de le dire – à la précipitation, un article dont ses propres promoteurs admettent qu’il n’est pas juridiquement « blindé » ! Voilà pour la forme.
En ce qui concerne le fond, on peut sans doute soutenir que la mission de l’IGF intervient tardivement, mais c’est un fait.
M. Bruno Retailleau. Et elle ne se précipite pas pour se mettre au travail !
M. David Assouline. Mais nous sommes un certain nombre ici, dont Mme la ministre, à vouloir faire en sorte qu’elle accélère.
M. Bruno Retailleau. On est d’accord !
M. David Assouline. Sans ce rapport, personne ici n’est capable de préciser le montant des indemnisations. Vous avancez une fourchette comprise entre 30 et 100 millions d’euros, monsieur Retailleau : excusez du peu ! Ce n’est pas rien, comme différence !
Pour ma part, avant de légiférer, avant d’introduire cette disposition dans la loi, je voudrais que nous sachions s’il s’agit de 30 millions ou de 100 millions !
M. Bruno Retailleau. Nous aussi, nous l’aurions voulu !
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Oui, en effet !
M. David Assouline. Or nous ne le savons pas encore.
Mme la présidente. Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. J’en termine, madame la présidente.
Nous serons attentifs au contenu de ce rapport, qui, certes, arrivera tard, mais qui est nécessaire. Je propose donc, comme le Gouvernement, que cet article soit supprimé, pour des raisons tant de forme que de fond.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. J’entends bien les arguments des uns et des autres ; je veux toutefois dire à M. Retailleau que, si cette mission de l’IGF a commencé ses travaux tardivement, elle les a bel et bien commencés.
M. David Assouline. Mais oui !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Pour ma part, je me suis engagée devant vous à ce qu’elle travaille de manière sérieuse, qu’elle prenne en compte l’ensemble des éléments économiques et financiers nécessaires pour déterminer s’il existe un préjudice et pour évaluer son montant précis, et enfin qu’elle produise ses résultats.
Si le préjudice est avéré, je me suis aussi engagée à ce que l’État le prenne à sa charge – cela va dans le sens de ce que vous souhaitez, me semble-t-il –, et le fasse rapidement, via les textes budgétaires qui seront examinés avant la fin de cette année.
Il me semble donc qu’il faut maintenant faire preuve de responsabilité et ne pas voter, à travers cet article, des mesures qui seraient, vous le savez bien, juridiquement très fragiles et économiquement peu justifiées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons le même objectif et j’ai pris des engagements très forts devant vous ; aussi, je vous encourage à supprimer cette disposition.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5 bis.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 6 (réservé)
Mme la présidente. Je rappelle que l’article 6 a été réservé jusqu'après l’article 7
Article additionnel après l’article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du cinquième alinéa de l’article 42-3 de la même loi est complétée par les mots : « et est délivré en tenant compte du respect par l’éditeur, lors des deux années précédant l’année de la demande d’agrément, de ses obligations conventionnelles relatives à la programmation du service ».
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Mes chers collègues, vous le savez, le CSA doit donner son agrément lors de la cession d’une chaîne de la TNT. Cet agrément est accordé sur la base d’une étude d’impact dans laquelle sont examinées les conséquences du rachat pour le secteur de l’audiovisuel, notamment s’agissant du marché publicitaire.
En l’état de la législation, le CSA ne peut refuser cet agrément au motif que le propriétaire de la chaîne n’aurait pas respecté ses obligations en matière d’investissement dans la création audiovisuelle, malgré les engagements qu’il avait pris lorsqu’il a reçu à titre gratuit une fréquence dont l’État s’est dépossédé.
Vous le savez, nous menons cette réflexion parce que l’épisode de la vente de la chaîne Numéro 23 a montré qu’il existait une faiblesse dans le droit applicable.
Le présent amendement prévoit donc de corriger le dispositif et de compléter les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale selon lesquelles les nouveaux entrants ne sont pas prioritaires dans l’octroi des fréquences gratuites.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je comprends très bien votre intention, madame la rapporteur ; il me semble néanmoins que nous nous éloignons un peu de la règle que nous nous sommes fixée tendant à restreindre nos débats à l’objet de cette proposition de loi. Ce n’est en effet pas tout à fait le cas avec cet amendement.
Par ailleurs, vous êtes à l’origine d’un amendement dans le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui tendait à lutter fiscalement contre la spéculation en cas de vente de chaînes de la TNT.
Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.