M. Michel Savin. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. Imaginons que, demain, du fait de la fermeture de ces quelques centaines d’émetteurs, la population couverte se révèle inférieure de 1 % ou 2 % à l’objectif – cela représenterait une part bien plus grande du territoire – et que la suppression de ces équipements soit examinée par le Conseil d’État. Ce dernier, conformément à sa jurisprudence, jugerait à coup sûr qu’il ne s’agit pas d’une modification substantielle.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Exact !
M. Bruno Retailleau. Vous ne pouvez pas demander à la Haute Assemblée de fermer les yeux sur l’abandon d’un objectif de couverture du territoire qu’elle a elle-même voté, et qui représente l’une des avancées significatives de la loi relative à la télévision du futur.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Nous avons déposé des amendements tendant à assurer le respect de cet objectif. Je vous en prie, aidez-nous à le faire respecter ! Mes chers collègues, nous qui formons l’assemblée des territoires de France, nous devrions tous souscrire à ce but.
Le deuxième point, c’est l’indemnisation des opérateurs de diffusion audiovisuelle. (M. Jean-Claude Carle acquiesce.)
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Bruno Retailleau. L’État a élaboré un calendrier - j’ai dit ce que j’en pensais - qui impose une rupture anticipée des contrats de diffusion conclus avec des entreprises privées.
Madame la ministre, si un recours est formé par ces sociétés, l’État perdra. Vous en êtes consciente : à preuve, vous avez missionné l’Inspection générale des finances, l’IGF, en lui demandant de déterminer le montant de l’indemnisation nécessaire.
À cet égard, je vous pose deux questions.
Tout d’abord, pourquoi avoir tant tardé à commander ce rapport à l’IGF ?
Ensuite, pourquoi, sans lui demander la moindre étude au sujet des acteurs utilisant le microphone sans fil, avez-vous créé, pour ces derniers, un fonds d’indemnisation spécial ? L’indemnisation des professionnels concernés est absolument juste. Toutefois, ces décisions aboutissent à une rupture d’égalité. Pourquoi faire deux poids deux mesures ?
David Assouline l’a rappelé, les parlementaires sont soumis à l’article 40. Aussi, nous n’avons pas pu déposer un amendement tendant à fixer les modalités d’une indemnisation. Mais nous avons, à tout le moins, besoin d’entendre vos engagements.
Le troisième point, ce sont les foyers satellitaires. Il me semble que, dans ce domaine, nous convergeons progressivement vers une solution.
Certains ont relevé que, lors du premier basculement, les foyers disposant de la télévision analogique n’avaient pas bénéficié d’une aide pour passer au numérique. En revanche, je rappelle que l’on avait aidé les foyers qui avaient dû acquérir un équipement satellitaire pour recevoir la télévision numérique.
M. Jean-Claude Carle. Oui !
M. David Assouline. En effet !
M. Bruno Retailleau. S’agissant du passage du MPEG-2 au MPEG-4, vous n’êtes pas sans savoir que les opérateurs satellites fournissent également des modes de réception diffusant, ensuite, par un relais, vers des antennes râteaux.
Certains foyers n’auront donc d’autre choix que changer d’équipement. Ils devront, de ce fait, supporter une contrainte. En conséquence, il nous semble juste que les foyers les plus modestes obtiennent une aide, pour bénéficier, comme les autres, de cette innovation.
Le quatrième et dernier point a spécifiquement trait au déroulement de ce chantier. Je le dis en toute franchise : gardons-nous de tout fétichisme calendaire !
À l’instar de Mme la rapporteur, j’invite le Gouvernement à faire preuve d’un tant soit peu de souplesse, en desserrant la contrainte.
Tout d’abord, au prorata temporis, le montant de l’indemnisation sera diminué d’autant. Les finances publiques ne pourront qu’y gagner !
Ensuite, qui a dit que le basculement du MPEG-2 au MPEG-4 devait être assuré, systématiquement, nécessairement, avant l’Euro 2016 ? Cette opération peut parfaitement être menée à une date ultérieure.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Madame la ministre, enjambez l’Euro 2016, et tout se passera bien ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Et pourquoi ne pas enjamber la présidentielle, aussi ?... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Bruno Retailleau. Vous connaissez les dispositions des contrats de diffusion souscrits au titre de l’Euro 2016. Diverses chaînes procéderont sans aucun problème à la diffusion d’un certain nombre de matchs déjà en MPEG-4.
Enfin, en desserrant le calendrier, le Gouvernement donnera le maximum de chances à une opération industrielle qui promet d’être assez lourde, qui présente des risques techniques et, pour votre gouvernement comme pour votre majorité, des risques politiques.
M. David Assouline. Eh bien, nous les assumons !
M. Bruno Retailleau. Sur cette base, si nous ne versons pas dans le fétichisme, si nous nous efforçons d’aborder le problème avec calme, sérénité et objectivité, nous devrions trouver la voie d’un accord.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous l’espérons !
M. Michel Savin. Ce serait la sagesse !
M. Bruno Retailleau. Dès lors, en commission mixte paritaire, nous pourrions faire prévaloir le bon sens…
M. David Assouline. Qui est la chose du monde la mieux partagée !
M. Bruno Retailleau. … et l’intérêt général.
Ce serait tout bénéfice pour les opérateurs de télécommunications, les éditeurs de services audiovisuels et les foyers. Quant à la Haute Assemblée, elle assumerait, de cette manière, l’un de ses rôles auxquels nous tenons beaucoup.
Madame la ministre, vous avez face à vous un Sénat qui n’est pas dans une posture partisane, un Sénat attentif et constructif, qui cherche tout simplement à apporter sa pierre à l’édifice, en couvrant quelques angles morts du présent texte.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C’est le choix du pragmatisme !
M. Jean-Claude Lenoir. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. Au demeurant, il s’agit là, non d’un projet de loi, mais d’une proposition de loi : vous n’êtes pas tenue de l’endosser, vous êtes libre d’observer une certaine distance politique. Nous vous demandons d’être très attentive aux suggestions d’amélioration que nous allons vous présenter, aux côtés de Mme et de MM. les rapporteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Michel Savin. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen des amendements va sans nul doute me permettre de répondre à la plupart des questions soulevées au cours de la discussion générale.
Aussi, à ce stade, je n’apporterai que quelques brèves précisions.
Tout d’abord, je me réjouis d’entendre M. Retailleau rappeler l’esprit constructif avec lequel la Haute Assemblée engage l’examen de cette proposition de loi. Chacun en est convenu, en l’espèce, le but est d’améliorer le service rendu à nos concitoyens, en les faisant bénéficier d’une innovation, d’un nouveau vecteur de modernité.
Monsieur le sénateur, vous avez cité à plusieurs reprises le plan France Très Haut Débit, qui, vous le savez, est cher à mon cœur. Je remarque que, lorsque j’ai lancé ce chantier, j’ai entendu des réticences comparables à celles que vous avez formulées.
Or il est de l’honneur des responsables politiques que nous sommes d’assumer les risques auxquels ils sont confrontés. À nous de nous donner collectivement les moyens de relever au mieux des défis qui doivent être ambitieux, et qui le sont.
Mme Maryvonne Blondin. Absolument !
M. David Assouline. Très bien !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Nos concitoyens pourraient sinon nous reprocher de garder en permanence le pied sur le frein, au motif que nous redoutons tel ou tel problème, et de ne pas nous donner, collectivement, les meilleures chances d’aboutir à un résultat représentant un progrès pour l’ensemble des Français.
C’est là le postulat de départ.
Bien entendu, nous sommes face à un texte très technique, et l’objectif n’est pas nécessairement retranscrit dans le corps des articles. Mais, au fond, il s’agit bien de cela : améliorer un service rendu à nos concitoyens et, si possible, pour une circonstance qui promet d’être un grand rassemblement, une grande fête populaire.
Comme chacun sait, les championnats d’Europe de football sont toujours des moments positifs, marqués par une certaine exaltation.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. N’oublions pas non plus le Tour de France ! (Sourires.)
Mme Fleur Pellerin, ministre. Aussi serait-il bon que cet événement bénéficie d’une meilleure réception audiovisuelle.
De plus, cette échéance nous permettrait de prendre en compte les fêtes de Noël : on le sait très bien, les Français saisissent souvent cette occasion pour acquérir ou renouveler leur équipement audiovisuel.
Être à même de suivre ce calendrier, ce serait donc servir l’intérêt général. J’en suis certaine, c’est là le but que nous visons tous.
À propos du calendrier, j’ai entendu prononcer le mot « précipitation ».
Je le rappelle d’emblée, cette proposition de loi ne fixe aucune échéance : les mesures seront mises en œuvre en fonction du calendrier législatif, conduisant – je l’espère – au vote de ce texte, et de la campagne de communication qui doit être menée.
Cette échéance ne relève pas du domaine législatif. Ne considérons pas que le Sénat est aujourd’hui réuni pour se prononcer sur une date très précise.
Au surplus, j’ai entendu, toujours au sujet du calendrier, des propos un peu contradictoires.
On rappelle que le trafic mobile 4G sera multiplié par dix-sept d’ici à 2019,…
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ce qui est exact !
Mme Fleur Pellerin, ministre. … et que le trafic mobile croît de 60 % chaque année. J’ai pu le constater lorsque j’étais chargée des télécommunications : la France assiste à une explosion des usages des technologies mobiles.
Ce mouvement était très difficile à anticiper, ne serait-ce qu’il y a deux ans.
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas contradictoire du tout !
M. David Assouline. Si !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Comment donc pourrions-nous savoir, aujourd’hui, quels seront les usages en 2018 ou en 2019 ? En réalité, très rares sont les experts en mesure d’anticiper nettement les besoins de demain.
Or les opérateurs de téléphonie mobile ou de communications électroniques le savent très bien, ils ont besoin de ces fréquences.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Mais pas dans l’immédiat !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Certains en ont peut-être plus besoin que d’autres. Je songe, par exemple, à ceux qui n’ont pas eu la chance d’accéder à ces « fréquences en or »,…
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas une question de chance…
Mme Fleur Pellerin, ministre. … à l’époque du premier dividende numérique, parce qu’ils n’étaient pas, alors, bien positionnés pour ce faire.
M. Bruno Retailleau. Voilà !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Quoi qu’il en soit, l’intérêt économique et l’intérêt industriel de ces opérateurs vont stimuler cette vente.
M. Assouline l’a rappelé à juste titre : ceux qui songent à candidater et à enchérir n’ont aucun intérêt à déclarer, aujourd’hui, que ces fréquences ont de la valeur, même si elles en ont énormément.
Permettez-moi une image : si l’on vous propose d’acheter une bouteille d’eau alors que vous en avez déjà quatre, vous ne serez pas trop preneur ; mais si l’on ajoute que vous ne pourrez pas obtenir d’autre bouteille durant les quatre prochains mois, vous serez enclins à acheter cette cinquième bouteille, même si vous n’en avez pas immédiatement besoin. (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. Je vous le confirme !
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bonne image !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Les opérateurs sont exactement dans cette situation.
Mais, si nous pouvons entendre les opérateurs privés, nous avons à cœur l’intérêt général et nous ne saurions nous contenter de relayer leurs arguments économiques et financiers.
J’en viens à la crainte concernant d’éventuels effets d’éviction sur l’investissement dans les réseaux à très haut débit ou dans les réseaux mobiles ; le sujet me tient particulièrement à cœur.
Certains prétendent que ce processus est précipité, mais la perspective d’enchères est connue de tous les opérateurs depuis de nombreux mois, et leur calendrier indicatif depuis plus d’un an. Cela n’a pas empêché les opérateurs d’aller extrêmement vite dans le déploiement du plan France Très Haut Débit pour l’internet fixe.
De même, quand nous avons pris la décision de libérer des fréquences pour la 4G au profit de certains opérateurs, on entendait dire que personne n’était intéressé par la 4G sur ces bandes. Six mois après, et ce n’est pas la ministre qui le dit, mais l’ARCEP, ces réseaux se sont développés à vitesse grand V et continuent à être déployés à un rythme très rapide.
Concernant le plan France Très Haut Débit, quatre-vingt-sept départements sont couverts depuis mai 2015, ainsi que 44 % des Français.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. Non, pas « couverts » ! Quatre-vingt-sept départements ont déposé un projet !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Il est rare qu’un plan de déploiement d’infrastructures aussi ambitieux soit réalisé au bout de deux ans à un rythme aussi proche de ce qui était escompté.
J’ai eu la chance et l’honneur de porter durant ce quinquennat un plan d’équipement extrêmement ambitieux, qui se déroule parfaitement et qui repose, pour beaucoup, sur l’investissement des opérateurs privés, lesquels n’ont en rien été contrariés ou inhibés dans leurs investissements, par la perspective de devoir enchérir sur les « fréquences en or ».
Cette crainte ne me semble donc pas justifiée.
Pour conclure ce propos un peu général, je ne suis pas venue vous demander un vote conforme à l’unanimité, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est effectivement fondamental que ce débat ait lieu. Le sujet est suffisamment important pour nos concitoyens pour que nous débattions et que nous améliorions ce texte ; si c’est justifié, je suis prête à le faire.
Il me semble toutefois préférable de ne pas commencer en affirmant que le calendrier ne pourra pas être tenu. Essayons de définir les conditions pour parvenir à un texte qui apportera un mieux-être aux Français. Nous verrons ensuite, au cours des rendez-vous prévus, comment les choses se passent, afin, le cas échéant, d’ajuster le processus. Nous devons garder en tête qu’il s’agit de faire profiter les Français de ce qui constitue un progrès.
Certains ont évoqué le financement de la création et l’affectation de ces ressources. Le Président de la République l’a dit, les ressources ainsi dégagées sont destinées au budget général. Vous savez tous ici que je me préoccupe de faire de la culture un budget prioritaire. J’ai d’ailleurs obtenu des arbitrages en ce sens : le Premier ministre a dit encore récemment à Avignon que le budget du ministère de la culture serait augmenté.
J’entends pourtant votre préoccupation, monsieur Retailleau, au sujet de l’exception culturelle, et donc du financement du cinéma et de l’audiovisuel. Celui-ci repose, vous l’avez dit, sur la mise à disposition gratuite de la ressource hertzienne aux télédiffuseurs, en contrepartie d’obligations de financement, ainsi que sur les taxes affectées, prélevées sur les fournisseurs d’accès à internet.
Si le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès ou des opérateurs de téléphonie mobile augmente, cela permettra d’alimenter ce cercle vertueux de l’investissement dans la création.
De manière plus générale, vous savez tous ici que je suis au cœur du combat pour inclure dans le financement de la création les nouveaux acteurs, dits « over the top », qui tirent de la circulation des œuvres des milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais qui ne participent pas au budget général, à travers l’impôt sur les sociétés, ni ne contribuent au financement de l’audiovisuel ou du cinéma, parce que des stratégies très efficaces d’évitement fiscal leur permettent de s’exonérer de toute responsabilité envers les territoires dans lesquels ils réalisent des profits. Vous pouvez compter sur moi pour continuer ce combat, je suis très mobilisée.
Pour terminer, concernant l’aménagement du territoire, j’entends parfaitement ce que vous dites, monsieur Retailleau. Nous en avons déjà discuté et j’aurai l’occasion de confirmer, au cours de la discussion des articles, que je suis favorable à la détermination d’objectifs de cet ordre. Je suis, moi aussi, très attachée à la couverture du territoire pour nos concitoyens, qui constitue, nous le savons bien, une nécessité vitale.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Nous franchirons les pas nécessaires pour combler ce manque dans le texte. Forte de cette détermination, je suis donc disposée à retirer mon amendement au profit du vôtre sur ce point.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Nous aurons l’occasion de discuter des questions relatives à l’indemnisation. Nous avons diligenté cette mission parce que, dans nos discussions préalables avec l’ensemble des opérateurs de télédiffusion, nous n’avons pas pu obtenir d’eux des éléments qui nous auraient permis de faire le calcul des indemnisations : au nom du secret des affaires, ils ont refusé de nous communiquer leurs contrats.
C’est donc après ces vaines tentatives pour obtenir directement les éléments dont nous avions besoin que nous avons confié cette mission à l’Inspection générale des finances. Cela n’a toutefois rien à voir avec ce que nous faisons par ailleurs pour les festivals ou le spectacle vivant, des actions qui correspondent plus à un accompagnement qu’à une indemnisation.
Je n’ai certainement pas répondu sur l’ensemble des points qui ont été soulevés, mais j’aurai l’occasion d’y revenir en détail dans la discussion des articles.
Encore une fois, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous apporter tous les éclaircissements nécessaires afin que nous aboutissions au meilleur texte possible. Gardons à l’esprit l’intérêt de nos concitoyens, qui doit prévaloir.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Madame la présidente, je souhaiterais une courte suspension de séance.
Mme la présidente. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, madame la ministre.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre
Chapitre Ier
Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
Article 1er
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article 12 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque ces spécifications techniques sont modifiées afin d’assurer une utilisation optimale des fréquences radioélectriques, l’arrêté s’impose aux titulaires d’autorisation par voie hertzienne terrestre ou satellitaire. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1 est adopté.)
Article 2
L’article 21 de la même loi est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, la bande de fréquences radioélectriques 470-694 mégahertz reste affectée, au moins jusqu’au 31 décembre 2030, au Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre. Cinq ans au moins avant cette date, le Gouvernement remet un rapport au Parlement relatif aux perspectives de diffusion et de distribution des services de télévision en France. »
2° (nouveau) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans un délai d’un mois, elle rend son avis sur la date choisie pour procéder à tout changement de standard de diffusion des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique. »
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
1° Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article 21 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
2° Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Cet amendement a pour objet de supprimer la compétence conférée à la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, la CMDA, pour rendre un « avis sur la date choisie pour procéder à tout changement de standard de diffusion des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique ».
La CMDA a été instituée par la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Elle est consultée sur tous les projets de réaffectation de fréquences par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ainsi que sur les projets de modernisation de la diffusion audiovisuelle.
Cette commission, qui réunit quatre députés et quatre sénateurs, a été saisie le 3 décembre 2014 sur le projet de libération de la bande de fréquences des 700 mégahertz au profit des opérateurs de communications électroniques et sur le projet d’arrêt de l’utilisation du MPEG-2. Elle a rendu le 15 mai 2015 un avis favorable sur l’ensemble du projet, considérant que le calendrier de l’opération était « exigeant, mais réaliste », notamment si la présente proposition de loi était promulguée avant la fin du mois de novembre.
Je me suis prononcée à plusieurs reprises en faveur d’une information régulière de la CMDA par le Gouvernement au sujet de l’avancée de ce projet majeur, pour les Français comme pour la création et, plus généralement, l’économie du pays. En revanche, l’élargissement des compétences de la CMDA n’est pas nécessaire, dans la mesure où cette commission a déjà rendu son avis sur l’extinction du MPEG-2.
Sur la forme, je souhaite par ailleurs apporter un éclaircissement d’ordre sémantique sur le nouvel article 2, modifié par la commission de la culture. La notion de « standard de diffusion » n’est pas appropriée pour viser l’arrêt du MPEG-2, dans la mesure où elle renvoie au mode de diffusion, en haute définition ou en définition standard. Il serait plus pertinent d’utiliser l’expression « spécification technique », visant les normes de diffusion et de codage, c’est-à-dire le MPEG-2 ou le MPEG-4, pour le codage de vidéos.
M. Daniel Raoul. C’est exact !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Je voudrais rappeler, après de nombreux collègues, que le choix de la date relève non de la loi, mais du règlement. Nous ne souhaitons pas figer les choses dans un texte législatif.
En revanche, beaucoup ici l’ont rappelé, nous avons été alertés par la grande majorité des acteurs sur les risques posés par le calendrier retenu par le Gouvernement, prévoyant une « nuit bleue » le 5 avril 2016. Un consensus semble se dessiner pour retarder cette échéance de quelques semaines, jusqu’à septembre 2016.
Un tel report donnerait le temps nécessaire à une bonne information du public. La campagne de communication ne commencera en effet qu’en novembre, alors que les éditeurs de programmes souhaitent qu’elle soit lancée dès septembre.
De même, il garantira que le stock d’adaptateurs sera suffisant. Il faudra en effet en mettre des millions en vente, en tenant compte des délais de fabrication. L’ANFR nous a très bien expliqué ce processus durant les auditions.
Il est également nécessaire de bien considérer le préjudice des acteurs, au regard de ce rapport de l’IGF, dont nous ne disposons pas aujourd’hui, puisqu’il sera rendu à la mi-septembre.
Enfin, il nous revient de permettre aux chaînes de télévision de réaliser les très nombreuses modifications nécessaires dans des délais particulièrement contraints, d’autant que les opérations doivent être « parallélisées », comme disent les ingénieurs pour rendre compte de leur complexité.
Madame la ministre, je vous sais gré d’avoir proposé, quand je vous ai sensibilisée à cette question, un bilan d’étape de la CMDA.
Il serait en tout cas tout à fait réaliste que la CMDA puisse en même temps s’emparer de la question du calendrier et émettre un avis. Je rappelle que cet avis – tel que nous l’avons proposé – est consultatif. Il ne bloque rien !
Mme la présidente. Il faut maintenant émettre votre avis, madame la rapporteur !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Acter ce principe dans la loi, renvoyer aux parlementaires cette responsabilité dans le cadre de cette commission nous semble tout à fait souhaitable.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 11.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Madame la rapporteur, je vous ai entendue, dans la discussion générale, exprimer vos doutes sur le calendrier.
Je ne comprends pas : vous acceptez que cette loi ne comporte pas de calendrier, et le principal argument que vous développez pour émettre un avis défavorable sur cet amendement est d’ordre calendaire !
Vous dites qu’il faut que la CMDA soit réunie pour juger de la pertinence du calendrier du Gouvernement. Or la loi ne prévoit pas de « calendrier du Gouvernement » !
Je sais bien qu’il nous arrive de déposer des amendements afin de provoquer des débats ou d’obtenir des assurances. Pour autant, il me paraît excessif d’aller jusqu’ au bout de ce type de contradictions.
Je vous demande, madame la rapporteur, d’émettre un avis favorable sur cet amendement, puisque Mme la ministre a fait un pas pour satisfaire votre demande, ce que vous soulignez, d’ailleurs, dans votre argumentation.
La ministre convient que la CMDA doit se réunir à nouveau pour un point d’étape. Il s’agira d’apprécier si les choses se passent bien, s’il y a des effets pervers, si le calendrier est tenu. À partir de là, les avis que la CMDA va émettre sur l’ensemble du processus d’avancement vont intégrer les aspects calendaires : le calendrier sera-t-il tenable ? Comment accélérer les choses ? Sera-t-il possible de repousser l’échéance de quelques jours ?
N’allez pas pour autant penser que mon propos est une incitation à reculer les échéances ! Ce que je veux dire, c’est que Mme la ministre fait un pas vers vous, madame la rapporteur, et qu’elle répond à l’objection que vous avez soulevée.
Mais vous ne pouvez pas demander aujourd’hui à la CMDA de se réunir pour se prononcer sur un calendrier qu’elle a déjà jugé bon – cela figure dans son avis. Vous y étiez, monsieur Retailleau, j’y étais moi aussi.