Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du conseil national d’évaluation des normes
Article unique
L’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
I (nouveau). – Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Le Conseil national d’évaluation des normes est consulté par le Gouvernement sur les projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes ayant un impact technique et financier pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics. »
II (nouveau). – Le III est ainsi rédigé :
« III. – La commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs soumet, avant de prononcer son avis définitif, tout projet de norme d’une fédération délégataire à l’avis du conseil national. »
III (nouveau). – Les deux premiers alinéas du V sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« V. – Le conseil national examine les demandes d’évaluation des normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics qui lui sont transmises par le Gouvernement, les députés et les sénateurs, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
« Il examine les demandes d’évaluation de ces normes présentées par un ou plusieurs de ses membres représentant les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
« Les demandes d’évaluation sont motivées. »
IV (nouveau). – Le troisième alinéa du V est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette évaluation est effectuée sur la base d’une analyse réalisée par l’administration compétente à la demande du conseil national, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la demande par le conseil à l’administration concernée. »
V (nouveau). – Le VI est ainsi modifié :
1° La troisième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Sur demande motivée du Premier ministre ou du président de l’assemblée parlementaire qui le saisit, ce délai peut être fixé à deux semaines. » ;
2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« En cas d’impérieuse nécessité et sur demande motivée du Premier ministre, ce délai peut être réduit sans être inférieur à quatre jours ouvrables. »
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Doligé, Mouiller et Lefèvre, Mme Troendlé, MM. Jarlier et Maurey, Mme Cayeux et M. Bockel, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
, et les associations d’élus locaux
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. L’alinéa 7 de l’article unique de la proposition de loi prévoit que les demandes d’évaluation adressées au Conseil national d’évaluation des normes peuvent être transmises par le Gouvernement, les députés et les sénateurs, ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements. Les associations d’élus ne peuvent donc pas être l’auteur de saisines. Nous proposons de leur ouvrir cette possibilité.
Cela étant, nous aurions dû préciser que seules les associations nationales d’élus locaux sont concernées, faute de quoi toutes les associations départementales pourraient aussi saisir le CNEN.
M. Jean-Claude Requier. Eh oui !
M. Rémy Pointereau. Aussi, je rectifie l’amendement en ce sens, madame la présidente, afin qu’il soit plus précis.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Pointereau, Doligé, Mouiller et Lefèvre, Mme Troendlé, MM. Jarlier et Maurey, Mme Cayeux et M. Bockel, et ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
, et les associations nationales d’élus locaux
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission demande à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Avec les modifications proposées par la commission, le Conseil national d’évaluation des normes pourra être saisi par toutes les communes, à savoir les 36 700 communes, y compris une commune de vingt habitants, tous les départements, toutes les régions,…
M. Éric Doligé. Il n’y en a plus que treize !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … toutes les intercommunalités à fiscalité propre, tous les députés, tous les sénateurs. Le Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territorial pourra également s’autosaisir – chacun des membres pourra saisir le CNEN. Dans ces conditions, il ne nous a pas paru nécessaire d’ajouter les associations d’élus, d’autant que l’amendement initial visait toutes les associations, c'est-à-dire également les associations départementales.
J’observe que les associations d’élus sont des organismes de droit privé, qui n’ont pas de consécration législative : elles ne figurent pas dans les textes de loi.
Vous le savez, si l’une des associations que nous connaissons parfaitement, à laquelle nous avons adhéré et que l’un d’entre nous a parfois présidée, souhaite que tel problème soit soulevé devant le CNEN, elle n’aura aucune difficulté à le faire : tous ses membres pourront le faire.
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas pareil !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Telle est la position de la commission.
Cela dit, je prends acte, mon cher collègue, de la modification que vous avez apportée : l’amendement n° 2 rectifié bis restreint le champ, mais, en tant que rapporteur, je me dois de maintenir l’avis de la commission. La Haute Assemblée tranchera…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Pour les raisons que vient excellemment d’exposer M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Bockel. La logique du raisonnement de M. Sueur est tout à fait respectable. Pour autant, si l’on veut, dans la pratique, que le travail se fasse, il faut impliquer les associations d’élus, qui sont capables de préparer et de suivre les demandes. Bien sûr, on peut toujours s’adresser à un élu, mais c’est une démarche simplifiée que l’on nous propose ici, même si ces associations, dont on peut limiter le nombre, ne figurent pas formellement dans les textes de loi.
Au fond, l’amendement de notre collègue Rémy Pointereau, que nous avons été plusieurs à cosigner, vise à simplifier la méthode.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je tiens à saluer l’extrême précision du rapporteur. Toutefois, même si je partage le souci de notre collègue de ne pas engorger le Conseil national d’évaluation des normes, il me semble plus simple que la contestation d’une norme portée par dix, vingt, cinquante ou soixante communes ne soit formulée que par le biais d’un seul canal, celui d’une association nationale. C’est pourquoi je soutiens cet amendement, qui constitue un élément facilitateur et simplificateur.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Doligé et Lefèvre, Mme Troendlé, M. Mouiller, Mme Cayeux et MM. Jarlier et Bockel, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par le mot :
succinctement.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. La commission des lois a prévu que les demandes soient motivées.
Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, la demande d’évaluation adressée au CNEN par une communauté de communes, par exemple, ne doit pas se transformer en pensum. La motivation doit pouvoir se faire succinctement, en quelques lignes, nul besoin d’un rapport de cinquante pages.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé. Succinctement ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Je veux vous persuader, mon cher collègue, du bien-fondé de la position de la commission des lois, qui n’a pas retenu cet amendement.
Dès lors que l’on écrit dans la loi que la saisine est motivée, cela suffit : le texte peut ne comporter que trois lignes. Mais si vous inscrivez que la demande doit être motivée succinctement, cela signifie que, aux termes de la loi, la motivation devra forcément être succincte. Vous priverez ainsi certaines entités, telle une association d’élus, d’écrire une, cinq ou dix pages. Moi-même, j’estime qu’il serait vexatoire d’empêcher quelqu’un d’écrire cinq pages…
Mme Cécile Cukierman. Surtout vous ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mon cher collègue, si l’on en reste à la rédaction proposée par la commission, je vous l’assure – le compte rendu fera foi –, la motivation pourra faire l’objet d’un texte très court ou plus long si telle collectivité, telle association ou tel parlementaire souhaite faire valoir davantage d’arguments.
Par conséquent, je sollicite le retrait de votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Sans être du parti socialiste, je propose d’ajouter un petit mot qui pourrait nous permettre de réaliser la synthèse. (Sourires.) Pourquoi ne pas écrire « même succinctement » ? Avec cette rédaction, les demandes d’évaluation pourraient être motivées en cinq pages, comme l’indique M. le rapporteur, ou en quelques lignes seulement, comme le souhaite M. Pointereau.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je serai succincte. (Sourires.)
Nous passons cet après-midi à examiner une proposition de loi dont l’objet est de contrer la rédaction d’un décret. J’ai toute confiance en M. Sueur, mais ce n’est pas lui qui sera chargé de lire les objets de motivation des demandes de saisine. Or il est tout à fait possible qu’une personne trouve l’un de ces objets trop succinct et écarte, de ce fait, la saisine du CNEN.
Par conséquent, je trouve que l’adverbe « succinctement » est génial en cet après-midi de simplification.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Je trouve que la proposition de M. Requier répondrait à la problématique évoquée par M. le rapporteur. Ainsi, celui qui voudra motiver sa demande en faisant long pourra le faire, quand celui qui voudra faire court n’en sera pas privé non plus.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Malgré toute la sympathie que je porte à M. Requier, je rappelle que nous faisons la loi.
La proposition de loi prévoit que les demandes doivent être motivées. La motivation pourra donc faire l’objet d’un texte de quelques lignes – succinct, donc – ou d’une argumentation plus développée.
Mme la présidente. Permettez-moi d’intervenir, mes chers collègues. Tout cela n’est peut-être pas fondamental, monsieur Pointereau…
M. Rémy Pointereau. Non, en effet.
Mme la présidente. Vous retirez donc l’amendement ?
M. Rémy Pointereau. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14
Remplacer le mot :
fixé
par les mots :
réduit sans être inférieur
II. - Alinéa 16
1° Remplacer les mots :
En cas d’impérieuse nécessité
par les mots :
À titre exceptionnel
2° Remplacer les mots :
sans être inférieur à quatre jours ouvrables
par les mots :
à soixante-douze heures
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Il convient de concilier deux impératifs : le Conseil national d'évaluation des normes doit exercer sa mission dans de bonnes conditions – c’est l’objet de la proposition de loi – et le Gouvernement doit pouvoir s’inscrire, notamment en cas de circonstances exceptionnelles, dans un calendrier resserré, voire parfois très resserré.
Si prévoir une demande motivée du Premier ministre pour la procédure d’urgence nous paraît constituer une bonne mesure, le délai minimum de quatre jours ouvrables pour l’extrême urgence est très contraignant et pourrait gêner le Gouvernement lorsqu’il se trouve confronté à une situation exceptionnelle. De surcroît, la référence aux jours ouvrables introduit un élément mouvant en termes de délai et peut, en pratique, conduire à un délai de six jours.
L’objet de cet amendement est donc d’accorder la gradation définie dans la proposition de loi avec les impératifs de délai auxquels le Gouvernement ne peut se soustraire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, vous jouez votre rôle de membre du Gouvernement, mais vous savez que cet amendement est contraire à la position de la commission. En effet, j’ai évoqué au cours de la discussion générale un événement qui a vraiment eu lieu. Le CNEN, en la personne de son président Alain Lambert, a été saisi du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte un vendredi soir.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Certes, mais cela s’est produit. Le Conseil national d’évaluation des normes a dû rendre un avis dans les soixante-douze heures ! Ce délai ne nous paraît vraiment pas raisonnable. Il convient de laisser le temps nécessaire à cette instance, qui a un rôle important à jouer, de travailler.
Nous sommes tout à fait d’accord avec le délai de saisine de quinze jours dans le cas d’une procédure d’urgence, mais nous demandons un délai de quatre jours ouvrables en cas de procédure d’extrême urgence, car un minimum de temps est indispensable pour examiner un projet de loi qui peut comporter plusieurs dizaines de pages ou un texte réglementaire qui peut être extrêmement complexe.
Mes chers collègues, je vous invite donc à ne pas adopter l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du Conseil national d'évaluation des normes.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la délégation à la prospective.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Robert del Picchia membre de la délégation à la prospective, en remplacement de Mme Natacha Bouchart, démissionnaire.
12
Protection des installations civiles abritant des matières nucléaires
Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires (proposition n° 277, texte de la commission n° 447, rapport n° 446).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, déposée par M. Claude de Ganay et plusieurs autres députés, a été adoptée par l’Assemblée nationale au mois de février dernier.
La discussion de ce texte doit permettre d’en envisager tous les aspects concrets, car les enjeux associés à la sécurité des installations nucléaires françaises ne sauraient souffrir d’incompréhension au moment où, de manière globale, les intérêts de notre pays sont régulièrement pris pour cible.
La France attache la plus grande importance à la sécurité nucléaire, dans le respect de ses engagements et des recommandations internationales. Elle maintient dans ce domaine une vigilance particulière, en cherchant à adapter de manière constante son corpus réglementaire et législatif à la réalité des menaces ; j’en veux pour preuve le décret du 17 septembre 2009 relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport.
Il est essentiel, pour faire ressortir clairement les enjeux de la présente proposition de loi, de rappeler le contexte dans lequel elle a été déposée.
Depuis le mois de décembre 2011, plusieurs actions d’intrusion ont été menées illégalement sur le site de différentes installations nucléaires civiles pour exprimer une contestation des choix énergétiques de la France. Si l’expression d’une opinion doit demeurer un droit fondamental lorsqu’elle s’accompagne d’actions pacifiques, elle ne doit pas prendre la forme d’une transgression des lois, et encore moins fragiliser les dispositifs que l’État met en place pour la protection de ses installations dites « d’importance vitale ».
En effet, les dispositifs actuels de protection de ces installations étant conçus pour parer à de multiples menaces de haute intensité, leur robustesse et les organisations qui les structurent ne doivent pas être détournées un seul instant de leur vocation initiale : la protection des matières nucléaires. Il est d’autant plus inacceptable qu’elles puissent l’être dans le contexte actuel de menace terroriste.
Quel citoyen français accepterait que la protection de nos installations nucléaires civiles ne soit pas optimale parce qu’on aurait laissé se dérouler illégalement une action de contestation militante qui peut être librement menée à l’extérieur du site ?
C’est dans le contexte particulier que je viens d’évoquer que l’État doit trouver un équilibre garantissant à la fois l’efficacité des dispositifs de protection et le respect des expressions démocratiques. Cette recherche d’équilibre nécessite de rappeler que la liberté d’expression doit être exercée dans le respect des lois : nous ne pouvons pas laisser croire que ces actions d’intrusion pacifique menées illégalement sont un moyen d’expression acceptable, surtout lorsqu’elles inspirent, à des individus ou à des groupes d’individus mal intentionnés, l’idée que nos installations seraient mal protégées et pourraient être facilement prises pour cible.
Le Gouvernement soutient pleinement les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale visant à renforcer la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, en particulier le durcissement des sanctions.
De la même manière, et bien qu’ils ne représentent aucune menace pour la sécurité des installations, les survols par des drones qui se sont multipliés à la fin de l’année dernière ont pu créer une certaine confusion. Il convient d’anticiper d’ores et déjà l’évolution de ce phénomène et de trouver dès que possible des réponses opérationnelles pour garantir à nos concitoyens que ces installations dites « sensibles » bénéficient des meilleures conditions de sécurité. Tel est l’objet de l’article 2 de la proposition de loi.
Le Gouvernement approuve l’équilibre sur lequel se fonde ce texte. Au titre des responsabilités de l’État, plus particulièrement des responsabilités relatives à la sécurité nucléaire exercées par Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, j’invite le Sénat à l’adopter, pour que nos installations soient entourées rapidement d’une protection plus efficace, car mieux adaptée aux menaces potentielles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 1996, les installations nucléaires civiles françaises ont été visées par une quinzaine d’intrusions ou de tentatives d’intrusion menées par des militants antinucléaires. Celles-ci n’ont à aucun moment remis en cause la sûreté des installations ; tel n’était d’ailleurs pas l’objectif de ces actions militantes à visée contestataire, destinées à provoquer un fort retentissement médiatique.
Le 18 mars 2014, en particulier, une soixantaine de militants se sont introduits par la force, et même par la violence, jusqu’au sommet du dôme d’un réacteur et sur le toit de la piscine de stockage de la centrale de Fessenheim. À l’issue de la procédure judiciaire qui a suivi ces événements, le tribunal correctionnel de Colmar, au mois de septembre dernier, a reconnu coupables de violation de domicile cinquante-cinq de ces militants, dont trois seulement étaient présents à l’audience : il les a condamnés à des peines de deux mois de prison avec sursis.
Mes chers collègues, des sanctions de ce type ne sont pas suffisamment dissuasives, ce qui nous expose à la multiplication d’intrusions spectaculaires comparables à celles qui ont émaillé l’actualité de ces dernières années. Tel est le constat qui a inspiré la présente proposition de loi, que nous examinons en première lecture après que l’Assemblée nationale l’a adoptée le 5 février dernier.
Ce texte vise à renforcer la protection de sites qui se caractérisent tant par leur importance économique que par leur sensibilité du point de vue de la sécurité, puisque des matières radioactives y sont entreposées. Si ce renforcement est nécessaire, c’est parce que les actions des militants antinucléaires, même si elles ne représentent aucun danger direct, entraînent la mobilisation d’importants moyens humains et font courir des risques non seulement au personnel des installations et aux forces de sécurité qui y sont déployées, mais aussi aux militants eux-mêmes. De fait, les moyens mobilisés pour répondre aux intrusions sont détournés de leur vocation principale : la défense des installations contre le risque terroriste.
Je vous rappelle que la protection des installations nucléaires d’EDF est assurée par les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie, les PSPG, qui comptent 882 hommes et femmes formés par le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN. Quant aux sites non militaires du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, et aux sites d’Areva, ils sont protégés par des services internes de sécurité, les formations locales de sécurité, dont l’effectif total est de 1 300 agents. Le dernier maillon de la chaîne d’intervention est, dans le premier cas, le GIGN et, dans le second, le RAID, unité de la police nationale.
La vocation première du dispositif qui nous est soumis est évidemment de parer à la menace terroriste. Or les actions militantes, si elles se multipliaient, risqueraient à terme d’entamer la vigilance vis-à-vis du risque terroriste, qui n’est pas un risque théorique, comme l’ont montré les attaques perpétrées au mois de janvier dernier à Paris et en région parisienne.
Ces deux types de menaces appellent des réponses distinctes, adaptées et proportionnées aux risques respectifs qu’elles font courir. Or il faut bien le reconnaître, le droit pénal actuel ne permet pas de répondre aux intrusions récurrentes.
En effet, si des délits spécifiques sont prévus par le code de la défense afin de préserver l’intégrité des matières nucléaires, de protéger les zones militaires ou intéressant la défense nationale et de réprimer les destructions et dégradations, aucun des différents régimes de sanctions pénales ne permet de réprimer de façon satisfaisante les intrusions militantes commises dans les installations nucléaires. En conséquence, le juge pénal est contraint de retenir des qualifications juridiques inadaptées, telles que la violation de domicile ; cette méthode a été validée par la Cour de cassation en 2014.
C’est ainsi que des militants ont été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis, une peine symbolique, pour dégradation en réunion et violation de domicile. Plus généralement, les affaires jugées à ce jour n’ont conduit qu’à des peines de prison avec sursis de deux à six mois, lorsque l’intrusion était accompagnée de dégradations, ainsi qu’à des amendes ou frais de procédure compris entre 1 000 et 3 000 euros.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’article 55 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a autorisé le Gouvernement à insérer par ordonnance dans le code de la défense et dans le code général des collectivités territoriales des dispositions visant à renforcer la protection des installations nucléaires. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a permis aux préfets de réglementer la circulation et le stationnement autour des installations. Reste que, s’agissant de dispositions pénales instaurant une nouvelle infraction, il est préférable de recourir à la procédure parlementaire.
La présente proposition de loi prévoit un dispositif échelonné de peines, fondé sur une peine de base : un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros ; cette peine est équivalente à celle qui est prévue pour la répression de l’introduction sans autorisation en zone militaire ou de la violation de domicile. Elle est susceptible d’être aggravée en fonction des circonstances, en particulier si l’infraction est accompagnée de destructions, commise en réunion ou en bande organisée, ou associée à l’usage d’une arme.
Par ailleurs, le texte que nous examinons instaure des peines complémentaires, applicables non seulement aux personnes physiques, mais aussi aux personnes morales, ce qui permettra de sanctionner l’instigateur de l’action par des amendes susceptibles d’être très élevées, puisque leur taux pourra atteindre le quintuple de celui qui est prévu pour les personnes physiques.
Mes chers collègues, cette proposition de loi permet, je le crois, de répondre aux actes d’intrusion d’une manière spécifique, adaptée et proportionnée. Son adoption réduira le doute des forces de sécurité quant aux intentions réellement malveillantes des intrus, compte tenu du risque encouru, ce qui permettra aux dispositifs de sécurité de se focaliser sur leur mission première : la lutte contre le terrorisme.
Après l’adoption de ce texte, l’État aura pris les mesures qui sont de son ressort ; il pourra alors légitimement demander aux opérateurs d’accélérer les investissements en matière de protection physique passive des installations.
Enfin, et surtout, la proposition de loi ne prive en aucun cas les militants antinucléaires de leur liberté d’expression et de manifestation : comme M. le secrétaire d’État l’a souligné, ils pourront l’exercer dans un cadre légal à l’extérieur des sites.
J’en viens à présent à l’article 2 de la proposition de loi, aux termes duquel le Gouvernement devra déposer au Parlement, avant le 30 septembre 2015, un rapport sur la question des drones, qu’il est nécessaire de tirer au clair. De fait, une quarantaine de survols distincts et non revendiqués ont été répertoriés au-dessus de dix-neuf sites abritant des matières nucléaires depuis le mois de septembre dernier. Six centrales nucléaires ont notamment été survolées de façon simultanée le 31 octobre 2014. La base militaire de l’Île-Longue a également été survolée, les 26 et 27 janvier dernier. Tous sites confondus, soixante-sept survols illégaux ont été recensés.
Ceux-ci n’ont pas présenté de menaces directes. Toutefois, ce phénomène ne doit pas être minimisé ; il appelle une réflexion sur une nouvelle dimension de la sécurité aérienne, du fait de l’usage croissant des drones civils, professionnels ou de loisir. Notons que la détection des petits drones employés, volant à basse altitude, nécessite des investissements particuliers.
À la suite de ces survols, une démarche interministérielle a été engagée, sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, en vue d’identifier les adaptations juridiques, techniques et capacitaires requises. Des projets de recherche ont été lancés ; des essais seront réalisés, afin de tester des outils de détection, d’identification et de neutralisation des drones. Il faut le souligner, une synergie est recherchée avec nos partenaires internationaux majeurs – c’est une bonne chose –, qui sont eux aussi confrontés au même problème.
Sur l’initiative de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, l’article 2 du texte que nous examinons vise à ce que le Parlement soit pleinement associé à cette démarche.
En conclusion, cette proposition de loi, utile, ne prétend pas pour autant apporter de réponse à l’ensemble des problèmes soulevés par la multiplication des intrusions et des survols d’installations sensibles. Ainsi, le statut juridique des drones devra probablement être précisé, de même que la formation et l’information de leurs pilotes, sans pour autant porter atteinte au développement économique de cette filière en pleine expansion. Les intrusions aériennes requièrent des évolutions des systèmes d’alerte et de détection, ainsi que des moyens de neutralisation.
Au-delà, l’évolution des menaces doit amener à également prendre en compte les problématiques de cybersécurité. Nous serons attentifs au renforcement de la sécurité des systèmes d’information des opérateurs d’importance vitale qui est prévu à l’article 22 de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
Ainsi, si cette proposition de loi ne répond pas à l’ensemble de ces enjeux, si elle doit probablement être complétée à l’avenir par d’autres dispositions, elle est néanmoins nécessaire et son adoption est opportune et même urgente. C’est la raison pour laquelle, vous l’avez parfaitement expliquée, monsieur le secrétaire d’État, je vous propose, mes chers collègues, que nous l’adoptions sans modification, cela afin que ses dispositions puissent entrer rapidement en vigueur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)