M. Alain Fouché. Tout à fait !
M. Michel Delebarre. Pour autant, je le répète, leur utilisation doit être encadrée au maximum, afin de prévenir les drames qui, immanquablement, détruisent la vie des victimes.
Il nous faut affronter le dilemme entre le respect de l’ordre public et la garantie du droit de s’exprimer, de protester ou de manifester qui, s’il n’est pas explicitement consacré par le constituant, n’en est pas moins essentiel dans une démocratie. J’insiste sur ce point, car il s’agit au fond de la motivation essentielle des auteurs de cette proposition de loi. L’intention véritable et supérieure qui sous-tend ce texte suscite de la part de la représentation nationale une réaction de principe, pour que ne soit pas portée une atteinte excessive à la liberté de manifestation et à la liberté individuelle.
La solution réside dans la poursuite d’une formation plus soutenue des policiers et des gendarmes, afin que le recours à de telles armes et à la force ne s’exerce que dans le cadre de leurs missions, et seulement en cas de nécessité, en respectant une attitude humaine, même durant les affrontements. Sans doute conviendrait-il de réduire l’écart entre deux séances de formation, actuellement fixé à trois ans pour le pistolet à impulsion électrique et à deux ans pour le LBD.
Insister dans la formation des agents sur la nécessité de viser uniquement le bas du corps avec ces armes constituerait également un progrès. Poursuivre le renouvellement de l’équipement, avec un matériel plus moderne et plus précis, est tout autant nécessaire. Ce sont là, je crois, des pistes de réflexion intéressantes pour le Gouvernement.
En conclusion, je tiens à remercier une fois encore nos collègues d’avoir ouvert le débat. Toutefois, pour l’ensemble des raisons que j’ai développées, le groupe socialiste s’abstiendra sur cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Éliane Assassi, visant à instaurer un moratoire sur l’utilisation et la commercialisation d’armes de quatrième catégorie et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations.
Depuis plusieurs années, les écologistes souhaitent encadrer, voire interdire, toutes les formes d’utilisation de ces armes. À cet égard, je salue le travail des députés Noël Mamère, Yves Cochet et François de Rugy, d’une part, et de notre ancienne collègue sénatrice Dominique Voynet, d’autre part, qui ont déjà engagé cette réflexion en déposant deux propositions de loi similaires, respectivement en 2009 et en 2010, qui sont désormais caduques.
Mes chers collègues, le groupe écologiste se réjouit que nous soit donnée l’occasion de débattre de ce sujet grave. En effet, ces dernières années, de nombreux incidents ont mis en lumière la dangerosité des armes de catégorie B dont nos forces de police sont équipées – depuis 2002 pour le Flash-Ball et depuis 2006 pour le Taser. Il est temps que la représentation nationale se saisisse d’un problème devenu récurrent.
Depuis que le Flash-Ball est utilisé pour disperser des manifestants, plus d’une dizaine de personnes ont été grièvement blessées à l’œil, et ce malgré l’interdiction des tirs au-dessus de la ligne d’épaule. À Marseille, un homme est mort par arrêt cardiaque après avoir été touché au thorax. La gravité des blessures et des handicaps causés met ainsi en évidence un recours disproportionné à cet armement.
Compte tenu de l’imprécision des trajectoires des tirs, ainsi que de la gravité et de l’irréversibilité des dommages collatéraux manifestement inévitables que ces armes provoquent, il convient, selon les termes du Défenseur des droits, de « proscrire ou limiter très strictement l’usage du Flash-Ball dans le cadre de manifestations ».
Plus généralement, la commercialisation et l’usage de telles armes doivent être suspendus, de sorte que soient redéfinies les conditions de leur utilisation par rapport à leurs spécificités. En effet, d’une part, plus les tirs sont rapprochés, plus ils sont dangereux, et, d’autre part, plus ils sont éloignés, moins ils sont précis.
Il en est de même du pistolet à impulsion électrique, le Taser, employé en France par la police nationale et la gendarmerie depuis 2006 et par la police municipale depuis 2010. Les risques et les accidents liés à son utilisation sont nombreux.
Le premier risque est celui d’un usage abusif de l’arme. Le comité contre la torture des Nations unies a ainsi rappelé en 2010 que « l’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture ». Or l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales énonce que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Le second risque est lié aux conséquences de l’usage de cette arme sur la santé des personnes. Selon les données recueillies par Amnesty International et figurant dans un rapport publié en décembre 2008, quelque 334 personnes seraient mortes, depuis 2001, au cours de leur arrestation ou en détention aux États-Unis, à la suite de décharges infligées par des pistolets paralysants, un chiffre qui aurait augmenté pour atteindre les 500 morts en 2012.
En raison de ces risques, du manque de formation des agents et des conséquences que peut entraîner l’emploi d’un tel armement, il convient non seulement de suspendre l’utilisation de ces armes dangereuses et de réaliser un état des lieux, mais aussi de protéger le droit imprescriptible de manifester en interdisant l’utilisation de ces armes par la police et la gendarmerie nationales contre des attroupements et des manifestations.
Le tragique décès de Rémi Fraisse, venu manifester contre le barrage de Sivens, est la triste illustration de la disproportion des moyens parfois engagés par les forces de police – en l’occurrence, il s’agissait d’une grenade offensive – et nous oblige à prendre des mesures restrictives, sinon prohibitives ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, déposée par notre collègue Éliane Assassi, nous invite à nous interroger sur la question de l’emploi de la force, mais également sur la confiance que nous plaçons en celles et ceux qui sont en première ligne pour faire respecter l’ordre républicain.
Je tiens avant tout à rendre hommage au remarquable travail accompli par M. le rapporteur de la commission des lois, Jean-Patrick Courtois, qui nous permet d’en appréhender tous les effets juridiques et pratiques.
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Mathieu Darnaud. Tout d’abord, je crois qu’il faut savoir reconnaître la bonne foi qui a présidé à l’élaboration de ce texte et la volonté de ses auteurs d’éviter les drames qui ont suscité une émotion légitime. Toutefois, nous ne vivons pas, tant s’en faut, dans un pays de non-droit où les policiers agiraient – pardonnez-moi l’expression – comme des cow-boys !
Mme Éliane Assassi. Je n’ai pas dit cela !
M. Mathieu Darnaud. Au contraire, comme l’indiquait notre rapporteur, les règles d’utilisation des armes de catégorie B sont strictement encadrées par le code de la sécurité intérieure ou le code pénal.
Adopter cette proposition de loi constituerait une première difficulté. En effet, cela remettrait en cause toute la doctrine et la pratique françaises en matière de maintien de l’ordre. Or, s’il reste toujours des progrès à accomplir et des drames à déplorer, nous ne devons rougir ni de nos pratiques en la matière ni du professionnalisme des forces de l’ordre. Dans son rapport, Jean-Patrick Courtois a opportunément rappelé que la « doctrine Grimaud », en vigueur depuis les années soixante, a permis à la France de ne déplorer que de rarissimes décès lors d’affrontements entre émeutiers et forces de l’ordre.
L’article 1er de la proposition de loi, qui institue un moratoire sur l’utilisation des armes de catégorie B, pose problème, car il ôte aux policiers et gendarmes les armes non létales dont ils ont besoin pour répondre de façon graduée et proportionnée à une menace immédiate. Sans ces équipements, il ne leur resterait que le choix entre la passivité totale, qui n’entre pas dans la mission des gardiens de la paix civile, et l’engagement disproportionné avec des armes de catégorie supérieure, ce que personne ne souhaite.
L’article 2 de la proposition de loi n’est pas davantage satisfaisant, puisqu’il prévoit que ces armes ne pourront être utilisées qu’en des « circonstances exceptionnelles ». Non seulement ces dispositions donneront lieu aux interprétations très incertaines que M. le rapporteur a évoquées, mais, de fait, elles commandent aux forces de l’ordre de rester attentistes, jusqu’au moment où la situation deviendra tout à fait incontrôlable.
Enfin, à l’aune des auditions menées, nous ne pouvons qu’approuver les préconisations de M. le rapporteur : si le Taser X26 et le Flash-Ball superpro sont des équipements performants et utiles, le ministère de l’intérieur doit proposer aux fonctionnaires amenés à les utiliser des sessions de formation plus fréquentes et qui se rapprochent davantage des conditions réelles d’engagement.
Il est donc nécessaire, à mon sens, d’aider nos forces de police et de gendarmerie à assurer leurs missions, dans des conditions qui leur permettent de protéger les biens et les personnes, et de se protéger elles-mêmes, afin de les prémunir contre des situations qui se révéleraient de véritables « guets-apens juridiques ».
Par conséquent, le législateur doit avoir comme priorité, non pas d’exprimer sa défiance à leur encontre, mais, au contraire, de leur fournir un accompagnement dans leurs difficiles missions et de leur assurer le soutien de la République ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, questionner l’usage des armes dans notre société résonne de manière particulière dans les temps que nous connaissons.
Aujourd’hui, des conflits armés, dont certains se déroulent sur notre continent, sévissent dans de nombreux pays. Ensuite, le terrorisme menace directement les pays occidentaux, notre pays en ayant profondément souffert en ce début d’année. Enfin, la commercialisation des armes est réglementée dans notre pays, alors qu’elle est libre dans certains autres, ce que l’actualité vient d’illustrer tragiquement outre-Atlantique.
Ces problématiques qui concernent le législateur, bien qu’à des échelons très distincts, me semblent néanmoins les préalables indispensables à la mise en perspective de notre débat. De quoi discutons-nous en réalité dans la proposition de loi examinée aujourd’hui ?
Nous débattons de l’usage par nos forces de l’ordre d’armes de dissuasion, qui a été généralisé par la loi en 2002 et dont la classification ne correspond plus désormais à celle qui figure dans le présent texte.
Les armes évoquées, qu’il s’agisse de lanceurs à balles de défense ou de pistolets à impulsion électrique, sont aujourd’hui regroupées sous les catégories B et D, en fonction de leur composition – mécanique ou plastique, par exemple, pour les Flash-Ball.
Qu’en est-il, aujourd’hui, de l’utilisation de ces armes de dissuasion par les forces de l’ordre ? En France, tous les policiers ne sont pas armés. En 2013, sur près de 20 000 policiers municipaux que compte notre pays, quelque 82 % sont armés et seuls 39 % sont équipés d’une arme à feu.
N’oublions pas, par ailleurs, que l’ensemble des équipements est attribué nominativement, à la demande de chaque maire, et après validation des services de la préfecture. Les critères d’attribution d’armes sont stricts et définis par le code de la sécurité intérieure. Toute arme détenue par un policier est donc soumise à autorisation.
Mes chers collègues, s’il nous prenait l’envie de vouloir acheter une arme de catégorie D en vente libre, rien ne nous en empêcherait et nous pourrions quitter l’armurerie avec, par exemple, une bombe lacrymogène en poche ! Rien de tel pour un policier, qui, pour la détention du même type d’armes, sera soumis – il le faut, dans l’intérêt de tous ! – à une autorisation en préfecture, accompagnée d’un certificat médical d’aptitude de moins de deux semaines.
Croyons-nous, enfin, que l’usage de ces armes par les forces de l’ordre soit hasardeux ?
Malgré, d’une part, les conditions de formation spécifiques aux armes utilisées – seuls ceux ayant obtenu la formation ad hoc sont ainsi autorisés à faire usage d’un Flash-Ball par exemple –, et, d’autre part, les conditions de formation continue obligatoire annuelle pour les armes des catégories B et D, il semblerait que les auteurs de la proposition de loi aient oublié que les policiers sont strictement limités dans l’usage de leurs armes aux cas de légitime défense.
En employant ces mots, je ne peux m’empêcher de saluer la mémoire des policiers lâchement assassinés lors des attentats de janvier dernier. Aurait-il pu en être autrement s’ils avaient eu les moyens de se protéger et d’assurer leur défense ? J’évoque ainsi la question de la protection que nous accordons à nos forces de l’ordre, absente du texte dont nous discutons, et pourtant fondamentale. Selon les secteurs, et à la discrétion du maire, il conviendrait, à mon sens, d’armer notre police pour qu’elle assure tant notre protection que la sienne.
Les responsables publics doivent donc s’interroger en conscience sur les moyens qu’ils décident de consacrer à la protection de leurs agents, alors que le coût d’un gilet pare-balles oscille entre 700 euros et 1 000 euros.
Si la « protection de la liberté de manifestation et d’expression des mouvements sociaux », telle qu’elle est rappelée dans l’exposé des motifs de la proposition de loi dont nous débattons, me semble primordiale, elle est néanmoins garantie en l’état actuel de la législation. En revanche, c’est peut-être moins le cas pour la protection effective de nos forces de l’ordre !
Je souhaiterais évoquer le cas de la ville d’Évreux, dont je suis élue. La protection de la population, qui avoisine 50 000 habitants, y est assurée par une police municipale, composée seulement de vingt-deux policiers municipaux, de sept agents de surveillance de la voie publique, de deux agents affectés à la vidéosurveillance et de quatre agents administratifs.
Pour l’ensemble de ces agents, la police municipale d’Évreux dispose de six Flash-Ball de catégorie B, ainsi que de diverses armes de catégorie D, en particulier des aérosols lacrymogènes et des bâtons de défense. Aucune de ces armes n’a été utilisée depuis le début de l’année.
Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que, au terme de ce propos, je me prononce en défaveur de tout moratoire qui reviendrait à interdire aux forces de l’ordre de faire usage des armes que la loi leur permet d’utiliser, y compris contre des attroupements ou manifestations. À mes yeux, c’est la protection qui prime : celle de la population, mais également celle des hommes et des femmes chargés de veiller sur elle, lorsqu’eux-mêmes se sentent en danger.
S’il est une question dont la Haute Assemblée devrait se saisir, me semble-t-il, c’est celle du contrôle de la commercialisation, de la détention et de la circulation des armes dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Je remercie le groupe CRC du Sénat d’avoir provoqué ce débat important et je me félicite de l’esprit serein et apaisé dans lequel celui-ci s’est tenu. L’enjeu est de concilier la protection des forces de l’ordre, mais aussi celle du public, avec la liberté de manifester.
Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nombre d’orateurs ont soulevé la question de la formation, permettez-moi de vous apporter à cet égard quelques précisions qui dessinent une piste d’amélioration.
Seuls les policiers habilités ayant suivi une formation spécifique sont autorisés à faire usage d’un Flash-Ball. La formation initiale, qualifiante, s’étend sur plusieurs jours ; elle est complétée par des stages de qualification périodiques, dits « stages de recyclage », qui doivent être suivis tous les deux ans. Faute de suivre ces stages, les fonctionnaires perdent leur habilitation.
Par ailleurs, l’utilisation du Flash-Ball est très encadrée : chacune de ses utilisations fait l’objet de déclarations spécifiques par les fonctionnaires, qui doivent expliquer les conditions dans lesquelles ils s’en sont servis. Les mêmes principes valent pour le Taser : les fonctionnaires doivent avoir suivi une formation qualifiante, être habilités et suivre tous les trois ans un stage de recyclage.
Certains orateurs ont déploré que les formations soient trop théoriques. Soyez certains que le ministre de l’intérieur sera très sensible aux propositions d’amélioration qui ont été avancées. En particulier, il est prêt à lancer un travail pour rendre les formations aussi proches que possible des conditions réelles, en prenant davantage en compte les contextes de tir et les cibles mouvantes. Sans doute faut-il aussi que les stages de recyclage soient plus réguliers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous assurer que le Gouvernement est parfaitement conscient de la nécessité, soulignée par tous les orateurs, d’améliorer la formation des fonctionnaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur l'utilisation et la commercialisation d'armes de quatrième catégorie, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations
Article 1er
Dans l’attente d’une nouvelle législation en la matière, il est institué un moratoire sur la commercialisation, la distribution, et l’utilisation par toute personne des armes de quatrième catégorie, dont la liste est définie par décret en conseil d’État.
Un décret précisera les conditions d’application de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l'article.
M. Antoine Lefèvre. Ayant été le rapporteur de la proposition de loi dont est issue la loi du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle moderne, simplifié et préventif des armes, je tiens à présenter plusieurs observations au sujet du présent article, qui vise les armes communément appelées Flash-Ball et Taser, d’après les noms de leurs fabricants, en se référant à une classification obsolète depuis plus de trois ans. Ces armes à létalité atténuée ou « sublétales » suscitent des interrogations depuis leur apparition.
En janvier 2011, au cours d’une séance de questions cribles thématiques consacrée à l’utilisation du Flash-Ball et du Taser par les forces de police, j’ai appelé l’attention du gouvernement de l’époque sur les règles en vigueur encadrant l’emploi de ces équipements de substitution aux armes à feu.
En effet, de récents événements ayant ému nos concitoyens, des précisions sur les procédures de contrôle, en amont et en aval de l’utilisation de ces équipements, s’avéraient nécessaires. J’ai insisté notamment sur la nécessité d’assurer la traçabilité de chaque utilisation, au moyen de puces et de caméras intégrées, afin de prévenir les litiges.
Je rappelle que ces armes de force intermédiaire relèvent du cadre juridique général de l’usage de la force, qui repose, entre autres principes, sur la légitime défense et l’état de nécessité, et qu’elles sont soumises aux principes de nécessité et de proportionnalité.
Les auteurs de la proposition de loi se sont notamment inspirés de recommandations formulées par le Défenseur des droits en 2013. Or celles-ci ont été soit satisfaites, soit jugées trop restrictives de l’usage des armes en cause, qui serait devenu trop limité, voire impossible, en sorte que les forces de l’ordre auraient été désarmées de fait. Le rapport établi par notre collègue Jean-Patrick Courtois fait apparaître que l’application de l’article 1er de la proposition de loi aurait le même résultat.
Outre que cet article fait référence à l’ancienne classification des armes, il n’apporte pas les solutions auxquelles les auteurs de la proposition de loi aspirent : ceux-ci réclament un moratoire, mais ils ne font pas de propositions !
Reste que, comme le ministre de l’intérieur d’il y a quatre ans l’avait reconnu en réponse à ma question, la communication sur la réglementation relative à l’usage de ce type d’armes est encore trop en deçà des attentes du public, ce qui entraîne une méfiance grandissante, alimentée par les événements tragiques que plusieurs collègues ont rappelés.
Il faut donc améliorer la transparence de l’utilisation de ces armes, mais non l’interdire, ce qui reviendrait quasiment à désarmer nos forces de maintien de l’ordre, alors même qu’elles sont de plus en plus victimes d’agressions mortelles, commises de plus en plus avec des armes de guerre. Ces armes intermédiaires sont d’autant plus utiles qu’elles évitent le recours aux armes à feu, ô combien plus dangereuses.
Parce qu’il faut protéger nos forces de l’ordre au même titre que tous nos concitoyens, je ne voterai pas l’article 1er de cette proposition de loi, non plus d’ailleurs que son article 2.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
quatrième catégorie
par les mots :
catégorie B
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi, auteur de la proposition de loi. Cet amendement vise à opérer une rectification dont il a déjà été largement question, afin de tenir compte de l’évolution législative. Je signale d’ores et déjà que l’amendement n° 2, portant sur l’article 2, a pour objet une modification du même ordre. Je l’ai donc d'ores et déjà défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme Mme Assassi vient de le souligner, les amendements nos 1 et 2 tendent à opérer des corrections formelles.
La commission des lois étant hostile à la proposition de loi, elle ne peut qu’être défavorable à ces deux amendements. J’espère, ma chère collègue, que vous vous en remettrez !
Mme Éliane Assassi. Ne vous inquiétez pas, je suis résistante ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. Le Gouvernement a la même position que M. le rapporteur : étant opposé à la proposition de loi, il est défavorable aux deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Les propos que viennent de tenir Mme la secrétaire d’État et M. Antoine Lefèvre m’inspirent plusieurs observations.
Madame El Khomri, vous êtes secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, mais, cet après-midi, vous êtes chargée tout autant de la campagne, car la question de l’utilisation des armes de quatrième catégorie se pose partout.
En effet, les territoires ruraux ont aussi leurs petites villes, leurs quartiers sensibles et leurs problèmes d’ordre public et de délinquance. J’y insiste, car il semble que, gouvernement après gouvernement, on oublie un peu la campagne ; je me permets de le souligner, quoique je soutienne le gouvernement de Manuel Valls. Qu’il s’agisse de sécurité ou de politiques sociales, la campagne est tout autant concernée que la ville !
Il faut rendre hommage à notre police républicaine, notre gendarmerie et nos forces armées, qui sont d’un très haut niveau, pénétrées des principes républicains et soucieuses des droits de nos concitoyens.
Dans nos campagnes, un rôle irremplaçable est joué par les petites polices municipales – dans ma ville, on parle de « police de tranquillité » –, qui sont conduites à remplir tout un éventail de missions. Par exemple, dans le cadre des opérations « tranquillité vacances », elles font le tour des quartiers pour surveiller les villas dont les occupants sont partis et, lorsqu’elles aperçoivent une fenêtre ou une porte ouverte, vont voir les choses de plus près. Ce travail ne peut pas être accompli par des policiers désarmés, ne portant rien d’autre qu’une chemisette bleue marquée « Police municipale » et des rangers. (Sourires.) Il faut que les fonctionnaires soient armés !
Quand un gouvernement précédent a supprimé la police de proximité, nous, les maires, préoccupés par cette décision, sommes allés voir nos commissaires divisionnaires de police, notre directeur départemental de la sécurité publique ou notre préfet. Ils nous ont demandé de les aider en faisant un effort pour nos polices municipales, afin qu’elles puissent, par exemple, faire des rondes à onze heures du soir, à minuit ou à une heure du matin. Or, lorsqu’ils servent la nuit, pour des rondes ou des contrôles sur les ronds-points, nos policiers municipaux peuvent tomber sur des délinquants dangereux.
Bien entendu, on peut rêver d’un monde de bisounours, comme disent les jeunes ; mais, dans le monde réel, il faut que toutes nos polices soient convenablement armées. Toutes les missions que nos forces de l’ordre assurent, au service de nos concitoyens, requièrent des armes et des techniques régulièrement améliorées et des fonctionnaires bien formés.
Mes chers collègues, je sais que nos collègues du groupe CRC sont animés des meilleurs sentiments – il m’arrive d’ailleurs souvent de souscrire à leurs initiatives –, mais nous devons être très vigilants : ne laissons pas penser qu’il y aurait, d’un côté, les méchants policiers, et, de l’autre, les gentils manifestants.
M. Patrick Abate. Ce n’est pas du tout notre propos !
M. Alain Bertrand. Le droit de manifester – Dieu sait si j’ai manifesté dans ma vie ! – est le droit de défiler calmement, dans l’ordre et sans violence, dans un esprit citoyen.
L’équilibre qu’il convient de trouver n’est pas celui sur lequel repose la présente proposition de loi. Les sénateurs du groupe RDSE, hostiles à celle-ci, ne voteront pas l’amendement n° 1, non plus que l’amendement n° 2.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. S’il est évident que les polices doivent être armées comme il convient, il l’est tout autant que les armes doivent être bien utilisées. C’est pourquoi des efforts doivent être réalisés en matière de formation à l’utilisation des armes. Désarmer la police pourrait avoir des conséquences terribles, mais il est indispensable d’améliorer sa formation, et je soutiens le Gouvernement dans ce domaine.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er n'est pas adopté.)
Article 2
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils ne peuvent utiliser à cette fin les armes de quatrième catégorie, définies par décret pris en Conseil d’État, que dans les circonstances exceptionnelles où sont commises des violences ou des voies de fait d’une particulière gravité et constituant une menace directe contre leur intégrité physique. »