Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 96.
(L'article 96 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 96
Mme la présidente. L'amendement n° 1303 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1111-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° Pendant la durée de leur détachement, les travailleurs titulaires d’un contrat de détachement employés par une entreprise, y compris dans le cadre d’une sous-traitance par une autre entreprise, sont intégrés dans l’effectif de l’entreprise ;
« 5° Une même entreprise ne peut faire appel, directement, à des prestataires de services, si le nombre de salariés ainsi détachés excède le nombre de salariés employés par le donneur d’ordre dans des proportions définies par la loi. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement, comme le suivant n° 1304, est selon nous un amendement de justice sociale.
Il vise à encadrer et à limiter l’usage du détachement de travailleurs dans les entreprises, pratique qui a connu un effet d’aubaine ces dernières années, en raison des effets conjugués de la crise, des écarts de conditions salariales et sociales entre pays et de l’élargissement de l’espace Schengen.
Dans ces conditions, plutôt que de renvoyer à un décret la fixation du nombre de travailleurs détachés autorisés, nous proposons de fixer dans la loi un encadrement précis, visant à limiter fraudes et abus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement est contraire au droit européen, et l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1304, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 1262-1 du code du travail est complété par les mots : « et que la rémunération prévue pour les travailleurs en situation de détachement correspond à la grille des salaires et des qualifications pratiquées au sein de l’entreprise du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement tend à ce que les protections offertes aux salariés détachés en matière de rémunération correspondent à la grille des salaires et des qualifications pratiquées au sein de l’entreprise du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.
En effet, les travailleurs détachés sont exclus du bénéfice des protections et des avantages dont disposent les salariés de l’entreprise, notamment des acquis des conventions collectives, qui, parfois, ont participé de la négociation des grilles de salaires. Il n’est pas normal que ces travailleurs ne profitent pas des acquis sociaux résultant de la négociation au sein de l’entreprise.
En outre, il apparaît comme normal que les travailleurs détachés soient comptabilisés dans l’effectif et inscrits dans le registre unique du personnel, même dans le cadre d’une sous-traitance. Cela permettrait de responsabiliser les entreprises donneuses d’ordre, de renforcer la transparence sur les emplois au sein de l’entreprise et de faciliter les contrôles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement est également contraire au droit européen, et la commission spéciale émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1301, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1261-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, n’est pas reconnu travailleur détaché, la personne de nationalité française salariée d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Même si, à titre personnel, j’ai toujours pensé que politique et pragmatisme étaient antinomiques, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un amendement pragmatique, visant à rendre impossible en France une pratique scandaleuse et abusive consistant, ni plus ni moins, à faire travailler en France des travailleurs détachés de nationalité française.
En effet, cette pratique est légale, en ce sens qu’elle n’est interdite ni par la loi ni même par les directives. Il s’agit pourtant là d’un dévoiement réel d’une directive européenne reposant sur la seule logique de l’optimisation sociale et fiscale, de la réduction artificielle d’un coût du travail prétendument trop important en France.
Cette fraude légale n’est pas minime puisque, comme le révélait une chaîne d’information continue, la seconde communauté de travailleurs détachés en France est de nationalité française ! Ces salariés empruntent les mêmes chemins que l’évasion fiscale : un travailleur français s’inscrit dans une agence de travail temporaire luxembourgeoise, qui le place sur un chantier en France, par exemple dans l’Est, près de la frontière.
Comme le soulignent avec raison les journalistes, « au final, l’agence d’intérim et l’entreprise utilisatrice sont gagnantes, contrairement à l’employé, qui pendant ce temps-là ne cotise pas en France, ni pour sa retraite, ni pour son assurance maladie, ni pour le chômage ». Au rang des grands perdants de cette situation ubuesque, il convient d’ajouter l’État et la sécurité sociale, pour qui cette absence de cotisation représente des pertes non négligeables.
Afin d’éviter cet abus manifeste, il convient donc de limiter le statut des travailleurs détachés au seul cas des salariés recrutés dans un autre pays membre et non titulaires de la nationalité française, de telle sorte que nos concitoyens ne soient pas pris en otages par la forme d’organisation du travail que des employeurs tentent de leur imposer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis est défavorable, cet amendement étant contraire au droit européen et discriminatoire à l’égard de nos concitoyens établis à l’étranger.
En effet, il crée une interdiction générale et absolue pour eux d’être détachés en France, comme si tous nos concitoyens établis en Angleterre, en Allemagne ou hors de l’Union européenne voulaient abuser des règles du détachement de travailleurs.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas eux que nous visons !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pourtant, tel qu’il est rédigé, cet amendement aurait cette conséquence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il y a tout de même beaucoup de logique dans cet amendement. L’intention de ses auteurs n’est pas de viser les Français établis hors de France, dont on peut imaginer qu’ils travaillent dans leur pays d’accueil. L’amendement est peut-être mal rédigé, mais un décret d’application pourrait imposer à l’entreprise de justifier que le travailleur détaché n’est pas domicilié en France. Madame la rapporteur, il me semble que l’on ne peut pas balayer un tel sujet d’un revers de main. Il s’agit de pratiques non seulement exorbitantes, mais tout à fait illégales. Je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote.
Mme Anne Emery-Dumas. J’ai l’impression d’être revenue plusieurs mois en arrière, lorsque nous examinions le projet de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale. En effet, à l’époque, nous avions eu le même débat, sur le même amendement.
Le ministre du travail nous avait alors tenu exactement le même discours que Mme Deroche aujourd’hui, et notre assemblée avait souscrit à ses arguments en rejetant l’amendement. Il serait bon que le Sénat ne change pas de position tous les six mois…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. La remarque de Nathalie Goulet me semble frappée au coin du bon sens.
En Lorraine, de nombreuses personnes habitant près de la frontière vont se faire enregistrer au Luxembourg. Il ne s’agit pas de golden boys ! Il existe sans doute des situations très diverses, mais nous soulevons une vraie question, que l’on ne peut pas écarter d’un revers de main.
Je peux admettre que notre amendement soit mal rédigé, mais cela intéresse-t-il le Gouvernement et nos collègues de savoir que certains de nos compatriotes se trouvent placés dans des situations où ils sont corvéables à merci ? À la fin de leur carrière, ces personnes, ayant cotisé pour une protection sociale réduite au minimum, seront à la charge de la société française.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s’agit en effet d’un vrai sujet.
Toutefois, comme vient de le souligner notre collègue Anne Emery-Dumas, nous avons déjà rejeté un amendement identique à l’occasion de l’examen d’un précédent texte, car l’interdiction générale et absolue qu’il prévoit pose de réels problèmes juridiques. Vous avez eu six mois pour élaborer un dispositif plus satisfaisant. Il ne suffit pas que votre objectif soit louable !
Mme Éliane Assassi. Sur le fond, vous en pensez quoi ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il existe des abus, bien entendu !
Mme la présidente. L'amendement n° 1302, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1262-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun autre contrat de détachement ne peut être conclu entre un donneur d’ordre ou un maître d’ouvrage et l’employeur mentionné à l’article L. 1262-1, s’il n’est observé une période de carence d’un mois entre la fin du précédent contrat et le détachement d’un nouveau salarié. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En l’état actuel du droit, un employeur peu scrupuleux a la possibilité de recourir au « détachement à la chaîne ».
Ainsi, les travailleurs étrangers étant détachés pour accomplir des missions souvent courtes, il existe, notamment sur les chantiers du BTP, un turn over assez important de personnel détaché. De ce fait, il est plus difficile de faire respecter le droit du travail par le biais du contrôle, la courte durée du détachement ne correspondant pas à celle, plus longue, de l’action de l’inspection du travail ou du traitement administratif.
Cette situation s’explique tout simplement par l’absence de disposition légale réglementant la durée entre deux détachements.
Par ailleurs, une entreprise peut détacher un travailleur sur le sol français alors même que les formalités ne sont pas officiellement finalisées : les entreprises n’hésitent pas à envoyer le travailleur réaliser sa mission dans un pays étranger sans que le formulaire de détachement ait été retourné. Le travailleur commence alors sa mission sans être entièrement ni officiellement protégé par le droit du travail français.
C’est pourquoi, afin de lutter efficacement contre la prestation de services illégale, nous souhaitons introduire dans le code du travail une disposition tendant à ce qu’un délai d’un mois soit imposé à toute entreprise entre deux détachements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même si nous comprenons l’intention de ses auteurs, nous sollicitons le retrait de cet amendement contraire aux règles européennes. À défaut, l’avis sera défavorable.
Je rappelle que la loi du 10 juillet 2014 a renforcé l’obligation de déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail, afin de régler ces problèmes de délai entre deux détachements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1305, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 131-39 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le 12° est complété par les mots : « ainsi que de bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales tel que la loi l’autorise à l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale » ;
2° Après le 12°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’obligation, pour une durée maximale de cinq ans, de reverser aux organismes concernés l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques durant la période du contrat incriminé. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je respecte bien entendu le vote du Sénat, mais je voudrais tout d’abord revenir brièvement sur l’amendement n° 1301, relatif aux travailleurs français détachés en France. J’aurais aimé obtenir une réponse un peu plus explicite sur le fond de la part du Gouvernement.
S’agissant du présent amendement, les différentes formes de fraudes au droit du travail et au financement de la protection sociale auxquelles ont recours des employeurs peu scrupuleux relèvent incontestablement de comportements antisociaux qui portent atteinte à notre pacte social, à la confiance que nous accordons, en tant qu’élus, aux employeurs, ainsi qu’à celle que les salariés placent en leur direction.
Voilà peu, l’ancienne présidente du MEDEF déclarait ne pas comprendre la méfiance de certains parlementaires à l’encontre du patronat, au prétexte qu’ils exigeaient des contreparties précises et chiffrées aux milliards d’euros de cadeaux fiscaux consentis aux entreprises.
Si nous sommes vigilants, c’est parce que nous ne connaissons que trop bien la situation. Nous savons par exemple qu’un rapport de la Cour des comptes a mis en lumière que la fraude aux prestations sociales était très inférieure à la fraude aux cotisations sociales, due notamment au travail dissimulé, qui représente au bas mot 50 milliards d’euros.
C’est pourquoi, nous en sommes persuadés, il faut aller plus loin que ce projet de loi, qui prévoit seulement que les entreprises n’étant pas en règle ne peuvent prétendre au versement d’une aide publique. Or cette rédaction n’exclut pas le versement d’aides sociales, prenant la forme d’exonérations de cotisations sociales, qui, de fait, ne sont pas des aides publiques.
Par ailleurs, au-delà de la question de l’attribution ou non de ces aides, il nous semble fondamental que ces comportements délictueux soient sanctionnés. La meilleure des sanctions nous paraît être le remboursement de ces aides.
En effet, bénéficier d’une aide au titre d’une obligation alors que celle-ci n’est pas respectée constitue une forme d’enrichissement sans cause, inadmissible dans le contexte actuel de raréfaction des fonds publics.
Par ailleurs, de telles aides manquent cruellement pour financer des projets réellement porteurs, réellement créateurs de richesses ou réellement protecteurs pour les salariés.
Aussi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous invitons le Sénat à voter cet amendement, de telle sorte que, si certains employeurs venaient à abuser de la confiance que le Gouvernement leur témoigne à travers ce projet de loi, ils soient réellement sanctionnés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sur le 1° de l’amendement, qui est une mesure de rationalisation des sanctions, la commission émet un avis favorable.
En revanche, le dispositif du 2° ne peut être appliqué qu’avec beaucoup de prudence, car le Conseil constitutionnel censure les sanctions et les peines appliquées rétroactivement. Selon nous, le 2° ne pourrait s’appliquer que pour les aides publiques reçues après la promulgation de la loi.
La commission sollicite l’avis du Gouvernement sur ce point.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais d'abord revenir sur l’amendement n° 1301.
Madame Assassi, il ne s’agit nullement, de ma part, d’un refus de répondre sur le fond au problème que vous avez soulevé, mais nous sommes confrontés sur ce sujet à une difficulté transversale. Le Gouvernement souhaite renforcer les sanctions, traiter au mieux le problème, qui a fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires, mais le droit communautaire nous empêche d’aller dans le sens de votre proposition.
Il est néanmoins nécessaire de rechercher, comme le Président de la République a commencé à le faire, un nouvel équilibre en matière de travail détaché. C’est un point particulièrement sensible pour de nombreux pays. Nous sommes aujourd'hui au maximum de ce qui est possible en matière de régime de sanctions du travail dissimulé et du recours illégal au détachement de travailleurs. Si l’on veut aller plus loin, comme vous proposez de le faire, on se heurte au droit européen. Disant cela, il ne s’agit pas pour moi de me défiler, mais nous sommes à la limite juridique de ce que nous pouvons faire. Je partage cependant votre insatisfaction. La réflexion continue. Je n’exclus pas que, dans les prochaines semaines, le Premier ministre et le ministre du travail proposent des dispositions additionnelles en la matière, car le Gouvernement a la volonté de répondre de manière plus globale et systématique au problème du travail dissimulé et du recours illégal à des travailleurs détachés.
L’amendement n° 1305 vise à obliger les entreprises à reverser l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques en cas de condamnation pour travail illégal. Je comprends l’objectif, mais il me semble que plusieurs dispositions permettent déjà de l’atteindre.
Tout d'abord, en cas d’infraction en matière de travail illégal, la loi prévoit une sanction administrative de remboursement de tout ou partie des aides publiques perçues au cours des douze mois précédant l’établissement du procès-verbal.
En outre, la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a renforcé cette logique, puisqu’elle a donné au juge la possibilité de prononcer à l’encontre des entreprises frauduleuses une peine d’interdiction de percevoir toute aide publique attribuée par l’État ou toute autre personne morale de droit public pour une durée maximale de cinq ans.
Vous souhaitez que les entreprises fautives puissent être condamnées à rembourser l’intégralité des sommes perçues sur une période pouvant atteindre cinq ans et, surtout, qu’elles ne puissent bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales. En allant ainsi au-delà des sanctions, déjà massives, que nous avons prévues, on risquerait de mettre en péril les entreprises concernées.
J’estime que nous avons trouvé un équilibre, et j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1305.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 96 bis
(Non modifié)
Le titre III du livre III de la première partie du code des transports est ainsi rédigé :
« TITRE III
« LUTTE CONTRE LA CONCURRENCE SOCIALE DÉLOYALE
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 1331-1. – I. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles une attestation établie par les entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code qui détachent des salariés roulants ou navigants se substitue à la déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1 du code du travail.
« II. – Un décret en Conseil d’État fixe la période pendant laquelle est assurée la liaison entre les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail et le représentant sur le territoire national désigné, en application du II de l’article L. 1262-2-1 du même code, par les entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code qui détachent des salariés roulants ou navigants.
« Art. L. 1331-2. – Pour l’application aux entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code des articles L. 1262-4-1, L. 1264-2, L. 3245-2, L. 4231-1 et L. 8281-1 du code du travail, le destinataire du contrat de transport est assimilé au donneur d’ordre.
« Art. L. 1331-3. – Les modalités particulières d’application du titre VI du livre II de la première partie du code du travail aux entreprises mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code sont définies par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1306, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Au début de cet article :
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au premier alinéa de l’article L. 1321-1 du code des transports, après le mot : « routier », est inséré le mot : « , aérien ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’objet de l’article 96 bis est d’améliorer les mesures du code du travail destinées à lutter contre le travail dissimulé ou la concurrence sociale déloyale et de favoriser leur application à l’ensemble du secteur des transports.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, à l’Assemblée nationale, que votre objectif était de « renforcer les contraintes et le dispositif juridique qui permet de mieux contrôler les abus du travail détaché et de mettre en place un dispositif adapté au secteur des transports ». Dont acte.
Cependant, en dépit de cet objectif déclaré, un large pan du secteur des transports, à savoir le secteur aérien, se trouve écarté.
L’article 96 bis vise à créer un titre III, intitulé « Lutte contre la concurrence sociale déloyale », dans le livre III de la première partie du code des transports. L’exemption du secteur aérien serait contraire à l’équité – il y aurait une rupture d’égalité devant la loi – et nuirait à l’efficacité de la lutte contre le travail illégal et la concurrence sociale déloyale. Elle serait d’autant plus dommageable qu’il s’agit d’un secteur important de l’économie nationale et que l’extrême mobilité de ses salariés – en particulier les personnels navigants – facilite grandement le contournement de la législation sociale du pays où s’exerce leur activité principale.
Pourtant, les dispositions de l’article 96 bis font systématiquement référence aux entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du code des transports, ce qui exclut de fait les transporteurs aériens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte le transport aérien dans la lutte contre la concurrence sociale déloyale.
Le rapport d’information « Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens », publié le 10 avril 2014 par Éric Bocquet au nom de la commission des affaires européennes, a mis en exergue l’existence de stratégies de contournement des règles de détachement par de nombreuses compagnies aériennes.
Le 11 mars 2014, la Cour de cassation a rendu deux arrêts confirmant les condamnations pour travail dissimulé de deux compagnies ; elle a notamment contesté la validité de leurs certificats de détachement. Comme le rappelle Éric Bocquet dans son rapport, « en dépit de l’existence de succursales sur le territoire français, ces deux compagnies ont en effet fait jouer la directive n° 96/71 relative au détachement des travailleurs pour s’exonérer des charges sociales qu’elles auraient dû verser pour des personnels qui exerçaient pourtant principalement leur activité depuis la France ».
Il s’agit donc, pour certaines compagnies, de choisir artificiellement des bases d’affectation dans des pays où le coût du travail est peu élevé, même si ce choix est incompatible avec la réalité des trajets effectués et le lieu de résidence des personnels navigants.
L’amendement vise à modifier l’article L. 1321-1 du code des transports, qui porte sur le champ d’application de la législation en matière de durée du travail, de travail de nuit et de repos des salariés des entreprises de transport, afin d’y intégrer le secteur aérien à côté du transport routier et fluvial. Le Gouvernement serait ainsi obligé de fixer, par le biais du décret en Conseil d’État mentionné à l’article 96 bis, des règles spécifiques pour lutter contre la concurrence sociale déloyale dans le secteur aérien. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans le secteur du transport aérien, la notion de contrat de transport se matérialise sous la forme du billet de passage, pour le transport de personnes, et de la lettre de transport, pour le transport de marchandises. L’un et l’autre désignent la convention conclue entre un transporteur contractuel et un passager ou un expéditeur de marchandises, ou pour leur compte, en vue d’assurer leur déplacement par voie aérienne d’un point à un autre. L’objectif n’est pas de faire porter sur les passagers ou l’expéditeur les vérifications liées au détachement des salariés.
En outre, le décret du 21 novembre 2006, qui a introduit dans le code de l’aviation civile l’article R. 330-2-1, est venu préciser le régime juridique applicable aux transporteurs aériens étrangers exerçant une activité en France. Les entreprises de transport aérien s’organisent et gèrent leur activité économique autour des bases d’exploitation. Aux termes de l’article R. 330-2-1, « une base d’exploitation est un ensemble de locaux ou d’infrastructures à partir desquels une entreprise exerce de façon stable, habituelle et continue une activité de transport aérien avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle ». Sur le plan juridique, cela constitue un établissement.
Les règles relatives au détachement ne peuvent pas trouver à s’appliquer aux salariés rattachés à une base d’exploitation. L’entreprise est assujettie, pour ce qui concerne cette base, au droit social applicable à toute entreprise établie sur le territoire national. Cette clarification juridique a servi d’assise pour reconsidérer la situation de nombreux salariés abusivement considérés comme détachés et faciliter les contrôles auxquels sont soumis les transporteurs.
Par conséquent, le dispositif est d'ores et déjà sécurisé pour la catégorie de salariés visés par l’amendement. Je demande donc, à la lumière de ces explications, le retrait de celui-ci ; à défaut, l’avis sera défavorable.