M. le président. L'amendement n° 1292, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Les contrats de sous-traitance ou de prestations de services doivent garantir aux prestataires une rémunération minimale supérieure à 20 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’employeur a jusqu’à présent la possibilité de s’acquitter partiellement de son obligation d’emploi des travailleurs handicapés en passant des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de services soit avec des entreprises adaptées, soit avec des centres de distribution de travail à domicile, soit avec des établissements ou services d’aide par le travail.
L’article 92 prévoit que les contrats de fourniture de prestations pourront désormais être passés aussi avec des travailleurs indépendants handicapés.
Cela ne doit pas avoir pour effet de réduire les possibilités d’emploi direct ni les ressources de l’AGEFIPH, nécessaires pour agir en faveur des travailleurs handicapés.
Certes, cette disposition n’exonère pas intégralement l’employeur de son obligation, mais elle lui permet de la remplir plus facilement. Elle lève indubitablement une part importante des contraintes qui ne se résument alors qu’à un bon de commande.
C’est pourquoi nous proposons que cette facilité soit assortie d’une contrepartie fixant l’obligation de rémunération des travailleurs indépendants à 20 % minimum au-dessus du SMIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale demande le retrait de l'amendement n° 1291, qui tend à inclure dans les contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles un volet relatif à la formation des personnes handicapées. La précision demandée semble superflue.
À l’heure actuelle, ces plans n’ignorent pas les difficultés particulières rencontrées par les personnes en situation de handicap dans l’accès à la formation professionnelle et contiennent des mesures qui leur sont spécifiquement destinées.
Par ailleurs, des documents spécifiques existent : un programme régional d’accès à la formation et à la qualification professionnelle des personnes handicapées doit être élaboré, tandis que, tous les cinq ans, le service public de l’emploi établit un plan régional pour l’insertion des travailleurs handicapés.
L'amendement n° 1292 vise à garantir une rémunération minimale de 1,2 SMIC aux prestataires d’un contrat de sous-traitance passé avec une structure œuvrant à l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Si la commission spéciale partage le souhait exprimé d’une hausse de la rémunération de tous les salariés, handicapés ou non, d’ailleurs, une telle mesure, imposée par le législateur, aurait pour seule conséquence de diminuer le recours par les entreprises à la sous-traitance en direction de ces structures, donc de réduire les opportunités d’emploi pour les personnes handicapées. Tel ne semble pas être l’objectif.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 92.
(L'article 92 est adopté.)
Article 93
La sous-section 1 de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5212-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5212-7-1. – L’employeur peut s’acquitter partiellement de l’obligation d’emploi en accueillant des personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel dans les conditions fixées au chapitre V du titre III du livre Ier de la présente partie.
« Cet acquittement est pris en compte pour le calcul de la limite fixée au premier alinéa de l’article L. 5212-7.
« Les modalités et les limites de cet acquittement partiel sont déterminées par voie réglementaire. »
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 22 %, c’est le taux de chômage de la population en situation de handicap, un taux deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population.
La loi est pourtant claire : tout employeur du secteur privé et tout établissement public d’au moins vingt salariés pendant trois ans doit accueillir 6 % de personnes en situation de handicap dans son effectif total.
Or le taux d’emploi des personnes en situation de handicap se situe bien en deçà de cette obligation légale : 3,1 % dans le secteur privé et 4,6 % dans le secteur public. Ainsi, depuis trente ans que cette obligation d’emploi existe, elle n’est toujours pas respectée.
Au lieu de renforcer les sanctions contre les employeurs ne respectant pas cette obligation d’emploi, la loi leur a de plus en plus souvent proposé des dérogations. Peu après l’introduction du dispositif, en 1988, les employeurs ont ainsi eu la possibilité d’avoir recours à des entreprises du secteur protégé, via des contrats de sous-traitance, en déduction de l’obligation d’emploi direct. De même, ils peuvent verser une contribution à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées ou, depuis 2006, au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
Ensuite, la loi de finances de 2009 a introduit la possibilité de déduire de l’obligation d’emploi direct les stages effectués par des personnes en situation de handicap.
Ces dérogations rendent résiduelle la part d’emploi direct des personnes en situation de handicap et transforment une obligation de résultat – 6 % de l’effectif – en obligation de moyens, par le biais de stages, conclusions d’accords et autres.
L'article 93 comporte une dérogation supplémentaire. Il permet de s’exonérer partiellement de l’obligation d’emploi direct en recrutant un stagiaire pour une période de mise en situation en milieu professionnel. Cela concerne les personnes en formation continue, les demandeurs d’emploi ou les personnes exclues du marché du travail.
Cette dérogation s’ajoute à celle qui concerne les stages. La limite est de 2 % de l’effectif de l’entreprise en situation de handicap et en stage ou en mise en situation en milieu professionnel.
Si ces stages permettent de faciliter l’insertion sur le marché du travail, ils restent non rémunérés et entérinent une forme de précarité dans l’emploi.
Nous refusons de soustraire ainsi les entreprises à leurs obligations. Nous aurions préféré que soit étudiée la proposition de l’Association des paralysés de France, qui promeut la mise en œuvre de mesures incitatives l’égard des PME et TPE, entreprises actives et prometteuses, en lieu et place d’un assouplissement des quotas actuels.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 82 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 486 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 956 rectifié est présenté par M. Collombat et Mme Malherbe.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 82.
Mme Évelyne Didier. La possibilité de déroger à l’obligation d’emploi direct de travailleurs handicapés est souvent justifiée par l’idée qu’il faut faire évoluer les représentations et vaincre les peurs des employeurs, en multipliant les occasions de rencontre.
Il est vrai que le milieu professionnel reste fortement empreint de préjugés. D’ailleurs, selon le Défenseur des droits, l’emploi est le premier domaine dans lequel s’exercent les discriminations liées au handicap.
Or cela fait trente ans que l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés existe, trente ans que, si les employeurs avaient respecté leurs obligations, les perceptions du handicap dans l’entreprise auraient évolué, comme elles ont évolué, d’ailleurs, à l’école.
L’emploi direct est la meilleure manière d’insérer professionnellement et durablement les personnes en situation de handicap ; elle leur permet d’être reconnues par leurs collègues, de prendre une réelle place dans l’entreprise.
On ne s’intègre pas quand on est précaire. On ne fait pas « évoluer les mentalités » pendant une courte période de stage et on ne peut pas demander aux personnes en situation de handicap d’accepter des contrats précaires et non rémunérés, sous prétexte que les employeurs n’ont pas compris la chance que constituait la diversité pour leur entreprise !
Les personnes en situation de handicap rencontrent déjà trop de barrières, d’obstacles dans leur vie quotidienne et leur vie professionnelle. Elles n’ont pas à se contenter de stages au lieu d’un véritable emploi.
Les employeurs ont eu ce temps et les personnes en situation de handicap n’ont plus le temps. Actuellement, 2 millions de personnes en situation de handicap ou d’invalidité vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 987 euros par mois. C’est d’un emploi qu’elles ont besoin, et pas d’un stage !
Et que dire des jeunes en situation de handicap qui ont étudié sur les bancs des écoles et universités républicaines ? À la rentrée 2014, 258 710 jeunes en situation de handicap étaient ainsi scolarisés. Ces jeunes veulent leur place sur le marché du travail, ce qui est tout à fait légitime.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 486.
M. Jean Desessard. Cet article prévoit que les périodes de mise en situation en milieu professionnel entrent dans le « quota » obligatoire de personnes handicapées au sein des entreprises.
L’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap est bien un impératif pour bâtir la société inclusive que nous appelons de nos vœux.
Nous sommes également tous d’accord pour dire que l’éloignement de l’emploi est un véritable problème, auquel il convient de remédier. Les périodes d’immersion en milieu professionnel peuvent contribuer à diminuer cet éloignement et doivent donc être encouragées pour recréer des liens et lever des préjugés.
Toutefois, prévoir que ces périodes puissent être décomptées de l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap ne semble pas la réponse appropriée. L’approche privilégiée ici, à savoir les déductions et dérogations à l’obligation d’emploi, est problématique, car une période de mise en situation ne saurait être considérée comme un véritable emploi.
Il faut de la stabilité, de l’ambition, pour ces personnes comme pour tous les salariés, et pas uniquement des dispositifs d’insertion. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 956 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques restant en discussion ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 93 permet de prendre en compte, au titre de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, dans la limite d’un plafond, les personnes handicapées accueillies dans l’entreprise en période de mise en situation en milieu professionnel. Il vise à favoriser l’insertion des personnes handicapées et leur formation, tout en incitant les entreprises à y contribuer.
Il s’agit toutefois d’une incitation limitée. En effet, la PMSMP dure un mois. Or l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés est calculée sur le temps de présence annuel dans l’entreprise. Cela signifie qu’une PMSMP ne permet de s’acquitter que d’une part bien minime de cette obligation, sans commune mesure avec l’embauche d’un salarié à plein temps. Ainsi, un stagiaire ne compterait que pour 0,1 bénéficiaire.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je pense que l’on envoie un mauvais signal en facilitant les exonérations en matière de recrutement de travailleurs handicapés, raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 486.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 93.
(L'article 93 est adopté.)
Article 93 bis
Après le premier alinéa de l’article L. 5212-7 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette possibilité s’applique également en cas d’accueil en période d’observation ou en séquence d’observation mentionnées au 2° de l’article L. 4153-1 d’élèves de l’enseignement général pour lesquels est versée la prestation de compensation du handicap, l’allocation compensatrice pour tierce personne ou l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et disposant d’une convention de stage. Cette possibilité est prise en compte pour le calcul de la limite fixée au premier alinéa du présent article. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L’article 93 permet aux entreprises de compter les stages d’observation d’élèves au titre de l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées.
Ces stages de découverte des métiers concernent tous les élèves, de la cinquième à la terminale. Il s’agit, pour les enfants handicapés comme pour n’importe quel autre enfant, d’une première immersion dans un milieu professionnel et peut-être – pourquoi pas ? – l’occasion de la découverte d’une vocation.
Toutefois, la prise en compte de ces stages dans l’obligation d’emploi des entreprises nous paraît quelque peu inconvenante.
À notre sens, il est d’abord scandaleux de mettre ainsi sur le même plan un stage de quelques semaines d’un enfant de moins de seize ans avec un emploi à temps complet d’un adulte en situation de handicap. Il n’y a rien de comparable entre les deux situations.
Il est ensuite déchirant de voir qu’il faut en arriver là pour inciter les entreprises à accueillir ces enfants pour quelques semaines, alors qu’il s’agira simplement pour eux, comme pour n’importe quel enfant, d’observer la vie de l’entreprise et non d’y participer. Cela risque, une fois de plus, de laisser penser à ces enfants, dès leur plus jeune âge, qu’ils ne seraient pas « comme les autres ».
S’il s’agit, pour les entreprises, de se dédouaner encore un peu plus de leurs obligations d’emploi de travailleurs handicapés ou de grappiller une partie de leurs cotisations à l’AGEFIPH, c’est un recul de plus – je ne le qualifierai pas ici – au regard de la loi de 2005.
Notre pays bat en retraite un peu trop souvent sur ces questions : alors que le chômage des personnes en situation de handicap augmente deux fois plus vite que la moyenne, le Gouvernement a décidé d’opérer chaque année, de 2015 à 2017, un prélèvement supplémentaire de 29 millions d’euros sur le budget de l’AGEFIPH.
Il est temps, à mon sens, de marquer un coup d’arrêt à ces reculades en matière d’emploi des personnes en situation de handicap, surtout lorsque cela se fait sur le dos des plus jeunes !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 83 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 145 rectifié ter est présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne et Médevielle, Mme Férat, MM. Roche, Namy et Marseille, Mme Doineau, M. Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 487 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 83.
Mme Éliane Assassi. Cet article permet aux employeurs d’échapper au financement du fonds AGEFIPH en intégrant aux dispositifs de compensation du handicap les élèves handicapés effectuant une période d’observation.
Outre le mépris pour ces jeunes dont témoigne un tel dispositif, nous considérons qu’il s’agit ici d’un nouveau cadeau fait au patronat, qui ne souhaite pas respecter ses engagements de recrutement de personnes handicapées ni contribuer au financement de l’AGEFIPH.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 145 rectifié ter.
Mme Élisabeth Doineau. Les entreprises d’au moins vingt salariés ont pour obligation, dans une proportion de 6 % de leur effectif salarié, d’employer des personnes en situation de handicap. Elles peuvent partiellement s’acquitter de cette obligation en accueillant des personnes handicapées dans le cadre d’un stage.
Le présent projet de loi permettrait aux entreprises de s’acquitter également en partie de cette obligation en intégrant les périodes d'observation des collégiens.
Si les jeunes en situation de handicap ont certes la possibilité d’être recrutés par les entreprises à l’issue de leur expérience en stage, cela est évidemment impossible dans le cadre des périodes d’observation de quelques jours effectuées par les collégiens.
Le présent amendement vise donc à supprimer cette disposition contestable pour l’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 487.
M. Jean Desessard. Cette troisième proposition visant à alléger les devoirs de l’entreprise par rapport à l’inclusion des personnes en situation de handicap est une invention déconcertante.
Comptabiliser les heures de stage de découverte des élèves de moins de seize ans pour éviter de recruter des personnes en situation de handicap avec un vrai contrat de travail pose vraiment question !
Quitte à ne plus seulement friser le ridicule, à partir du moment où tout se vaut, pourquoi ne proposez-vous pas aussi de comptabiliser les stagiaires de troisième dans le calcul de la contribution à la formation professionnelle ? (Mme Évelyne Didier marque son approbation.)
Par cet amendement, nous vous proposons de supprimer cet article. La société inclusive (Exclamations sur les travées de l'UMP.)…
M. Robert del Picchia. Mais qu’est-ce qu’une société « inclusive » ? Il faut m’expliquer !
M. Jean Desessard. … repose sur une politique de l’emploi universaliste et non sur l’instrumentalisation d’élèves en situation de handicap afin d’exonérer l’entreprise de ses devoirs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements de suppression.
Cet article permet de prendre en compte, dans l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés – l’OETH –, les jeunes élèves handicapés accueillis en stage de découverte ou en stage d’observation.
Contrairement à ce que pensent les auteurs de ces amendements, cet article vise non pas à permettre aux entreprises de s’exonérer de leurs obligations, mais à apporter une solution aux difficultés très importantes que rencontrent les jeunes handicapés pour découvrir l’entreprise dans un cadre scolaire. Les associations que nous avons rencontrées nous l’ont d’ailleurs confirmé.
L’impact sur l’OETH sera particulièrement faible : un stage d’une semaine d’un élève de troisième, par exemple, comptera pour 0,02 bénéficiaire. Une entreprise de vingt salariés devrait donc accueillir cinquante de ces jeunes pour se mettre en conformité avec ses obligations…
Il s’agit d’envoyer un signal aux entreprises afin qu’elles entrent dans le dispositif et acceptent d’accueillir des élèves handicapés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements de suppression.
Je comprends les sensibilités qui se sont exprimées, mais il ne s’agit pas d’une invention saugrenue du ministre de l’économie ou de ses services. Cette proposition a été formulée par celle de mes collègues qui, au sein du Gouvernement, s’occupe au quotidien de ces sujets, après avoir conduit des concertations.
Il y aurait un effet de substitution, dans les limites soulignées par Mme le corapporteur à l’instant, si nous n’avions que des entreprises vertueuses dans un monde vertueux. Nous en sommes malheureusement bien loin.
Nous créons ici un mécanisme visant à inciter les entreprises à recruter des stagiaires handicapés, à leur permettre d’accéder, de s’exposer au monde de l’emploi.
Je pense que l’inclusion de ce dispositif dans le mécanisme existant est à l’origine de la confusion qui nous fait tenir ce débat dans lequel je suis mal à l’aise. C'est la raison pour laquelle je tiens à expliquer la philosophie d’ensemble de cette mesure.
Nous ne pensons pas une seule seconde que des centaines d’entreprises vont recruter des milliers de jeunes stagiaires pour s’exonérer de leur obligation légale d’emploi des personnes handicapées.
Nous introduisons un mécanisme très pragmatique qui va favoriser l’entrée en stage de jeunes enfants handicapés qui connaissent des difficultés aussi grandes que les adultes pour accéder à l’emploi.
Aujourd’hui, dans les entreprises de plus de vingt salariés, pour une obligation légale de 6 %, le taux d’emploi constaté de 3 %. Nous sommes donc malheureusement bien loin de l’objectif. Deux solutions s’offrent à nous : soit on sanctuarise les 6 % et l’on constate, année après année, que l’on n’y arrive pas, quitte à continuer de mettre la pression sur les entreprises – comme aujourd’hui –, soit on se sert de cette situation pour créer une incitation réelle – déjà loin de l’obligation légale – afin d’offrir une chance aux jeunes et de pousser les entreprises à les accueillir.
Nous parlons de situations humaines particulièrement dures et je ne voudrais pas ici accréditer l’idée que cette proposition pragmatique faite par ma collègue et son équipe est la preuve que nous revoyons nos ambitions à la baisse sur cet objectif extrêmement important.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je me sens un peu moins seule, l’amendement défendu par Élisabeth Doineau étant un amendement de groupe, déposé par notre collègue Françoise Gatel.
J’ai bien compris vos propos, monsieur le ministre, mais je reste sur ma philosophie : si, dans le cadre de stages en entreprise, les jeunes en situation de handicap peuvent en effet être recrutés à l’issue de leur expérience, cette perspective d’embauche est égale à zéro pour les collégiens effectuant une période d’observation de quelques jours.
Mme Gatel explique que permettre aux entreprises de s’acquitter partiellement de leurs obligations d’emploi en intégrant les périodes d’observation des collégiens est une pure ineptie. Je pense qu’elle a tout à fait raison et c’est pourquoi je soutiendrai les amendements de suppression, dont celui qui a été déposé par l’ensemble de mon groupe.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je trouve ce dispositif franchement médiocre, monsieur le ministre.
Tout ce qui peut faire en sorte que des collégiens et des lycéens handicapés accèdent à l’entreprise et que des chefs d’entreprise commencent à s’habituer eux-mêmes à travailler avec de jeunes handicapés est une bonne chose.
Toutefois, dire à un jeune handicapé que, au titre de sa période d’observation d’une semaine, il ne compte que pour 0,02 bénéficiaire de l’OETH et que ces stages ne changent rien à l’obligation d’emploi qui est faite par ailleurs aux entreprises, reconnaissons que cela n’est pas très valorisant pour lui !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mais il l’ignore !
M. Roger Karoutchi. Certes, madame Deroche, le jeune l’ignore, mais le chef d’entreprise, lui, le sait !
On nous dit qu’il faut faire en sorte que ces stages d’observation permettent à des jeunes handicapés d’avoir accès à l’entreprise, qu’il faut trouver des solutions pour que les chefs d’entreprise acceptent de soutenir ce genre de stage. Mais alors, pourquoi ne pas proposer une incitation fiscale, par exemple ?
Je ne sais si nous vivons dans une société « inclusive », mais je sais que nous sommes dans une société humaine, où chacun doit trouver sa place. Or cet article n’est pas très valorisant, ni pour le jeune en question ni pour les entreprises, qui ont un rôle social à jouer.
Pour ces raisons, je voterai les amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Dans une précédente carrière, j’ai eu à m’occuper d’élèves de quatrième qui devaient effectuer des stages en entreprise. Or les élèves handicapés de ces classes étaient traités comme leurs camarades, ils ne faisaient l’objet d’aucune mesure particulière. Je regrette qu’à travers ce dispositif vous introduisiez une certaine forme de discrimination entre stagiaires, selon qu’ils sont handicapés ou non.
Ces stages sont essentiellement une période d’observation. On demande aux collégiens de faire acte de présence dans l’entreprise afin qu’ils comprennent les contraintes du monde du travail. C’est aussi l’occasion de valoriser les métiers qu’ils vont côtoyer pendant quelques jours. Cela ne peut en aucun cas s’apparenter à autre chose qu’à de l’observation.
Franchement, monsieur le ministre, j’espère que vous avez développé cet argumentaire par solidarité gouvernementale ! (Sourires.) Accepter, dans un texte comme celui-là, une mesure de ce type, qui sera sans effet et peut-être même pénalisante, c’est prendre un grand risque.
Il serait judicieux de vous en remettre, sur cette question, à la sagesse du Sénat. Pour le coup, cela va beaucoup trop loin !
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur Karoutchi, j’ai bien précisé qu’il ne s’agissait pas d’une incitation financière ni d’une manière de faire miroiter aux entreprises que l’accueil de jeunes stagiaires handicapés allait compter au titre de l’OETH. C’est même tout le contraire : le pourcentage est tellement faible que l’on voit mal comment les entreprises pourraient s’acquitter ainsi de leur obligation légale. Et ne me faites pas dire qu’un élève de troisième handicapé vaut moins qu’un salarié handicapé, cela n’a jamais été dans l’esprit de la commission.
Au surplus, cette mesure nous a été demandée par les associations.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je partage tout à fait le sentiment de malaise de la plupart des collègues qui se sont exprimés. Selon moi, une telle disposition n’a pas à figurer dans ce texte, parce que nous touchons là deux problèmes sérieux, auxquels on doit apporter des solutions sérieuses.
Tous les élèves rencontrent des difficultés pour trouver un stage d’observation en entreprise - les parents le savent, il faut se démener – et la démarche est encore plus ardue lorsqu’il s’agit d’enfants handicapés.
Ces difficultés viennent s’ajouter au grave problème que pose à notre société l’intégration des travailleurs handicapés dans l’entreprise. Il faut s’efforcer d’ouvrir une brèche dans le rempart dressé par de nombreuses entreprises en la matière.
Il convient donc de s’attaquer à ces problèmes, mais avec des mesures sérieuses, monsieur le ministre, comme celles que vous avez défendues jusqu’ici, et non par une « mesurette » de cette nature.
Pour ma part, je voterai ces amendements identiques de suppression.