Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac, M. Claude Haut.
2. Organismes extraparlementaires
3. Candidatures à une mission d'information
4. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Éliane Assassi ; M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale.
Amendement n° 1397 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1561 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 345 de M. Alain Joyandet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 448 de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 26
Amendement n° 699 rectifié de M. Charles Revet. – Retrait.
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
Amendement n° 1703 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Article 26 bis – Adoption.
Adoption de l’article.
Amendement n° 993 de M. Gérard Collomb. – Adoption.
Amendement n° 212 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Amendement n° 450 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 27
Amendement n° 451 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 452 de M. Jean Desessard. – Rejet.
5. Nomination des membres d’une mission d’information
7. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi
8. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 28
9. Demande de retour à la procédure normale pour l'examen d'un projet de loi
10. Candidatures à un organisme extraparlementaire
11. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 28 (suite)
Amendement n° 272 de M. Michel Savin. – Rejet.
Amendement n° 926 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 638 rectifié de M. Pierre Jarlier. – Devenu sans objet.
Article 28 bis – Adoption.
Amendement n° 639 rectifié de M. Pierre Jarlier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 28 quater – Adoption.
Article 28 quinquies (supprimé)
Amendement n° 967 rectifié bis de Mme Marie-Pierre Monier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 27 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 111 rectifié ter de M. Hervé Marseille. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 30
Amendement n° 991 de M. Gérard Collomb. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 990 de M. Gérard Collomb. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 992 de M. Gérard Collomb. – Retrait.
Amendement n° 1694 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 569 rectifié de M. Hervé Maurey. – Rejet.
Amendement n° 137 rectifié de M. Albéric de Montgolfier. – Retrait.
Amendement n° 643 rectifié de M. Pierre Jarlier. – Retrait.
12. Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
13. Modification de l’ordre du jour
14. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 30 (suite)
Amendement n° 139 rectifié de M. Albéric de Montgolfier. – Retrait.
Amendement n° 1081 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1080 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article 31 – Adoption.
Amendement n° 28 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 33 – Adoption.
Article additionnel après l'article 33
Amendement n° 241 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 245 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 240 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – Adoption.
Amendement n° 239 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 329 de M. Bruno Sido. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 33 ter – Adoption.
Amendement n° 574 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 1083 de M. Paul Vergès. – Rejet.
Amendement n° 1634 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 547 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 33 quinquies A – Adoption.
Amendement n° 1652 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 327 de M. Bruno Sido. – Rejet.
Amendement n° 328 de M. Bruno Sido. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1639 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 151 rectifié bis de M. Patrick Chaize. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 33 septies B – Adoption.
Amendement n° 604 rectifié bis de M. Jean-Léonce Dupont. – Retrait.
Amendement n° 1645 rectifié du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 359 de M. Yves Rome. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1408 de M. Jean-Pierre Bosino. – Devenu sans objet.
Amendement n° 358 de M. Yves Rome. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 33 septies C
Amendement n° 331 de M. Bruno Sido. – Rejet.
Amendement n° 332 de M. Bruno Sido. – Retrait.
Amendement n° 1501 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 333 de M. Bruno Sido. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 996 rectifié ter de Mme Catherine Morin-Desailly. – Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
M. Claude Haut.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Organismes extraparlementaires
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder, d’une part, à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat, en remplacement de Claude Dilain, et, d’autre part, à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique.
La commission des affaires économiques a été invitée à présenter des candidatures.
Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, conformément à l’article 9 du règlement.
3
Candidatures à une mission d'information
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur la commande publique, créée à l’initiative du groupe socialiste et apparentés en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
4
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Rappel au règlement
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement a trait à l’organisation de nos travaux.
Je tiens à protester vivement, au nom de mon groupe, sur les conditions dans lesquelles se déroule notre débat. J’évoquerai, cette fois, non pas les conditions d’organisation matérielles – j’aurai malheureusement d’autres occasions de le faire –, mais les conditions politiques nouvelles créées par trois faits importants.
Premièrement, la commission spéciale vient d’examiner un amendement majeur déposé par le Gouvernement, l’amendement n° 1766, qui reprend, pour une part, le plan d’investissement annoncé par Manuel Valls. Peut-on engager l’examen des dispositions du titre II, qui s’intitule précisément « Investir », sans pouvoir préalablement examiner sereinement ces nouvelles dispositions et réunir nos groupes ? (M. Jean Desessard marque son approbation.)
Deuxièmement, alors que nous allons aborder cet après-midi les articles du projet de loi relatifs au numérique et aux télécommunications, nous avons appris l’imminence du rachat par Nokia de l’entreprise Alcatel-Lucent. Cette évolution de ce qui fut le fleuron de l’industrie nationale des télécommunications montre bien qu’il y a trois perdants dans le grand Monopoly libéral : l’intérêt général, les salariés et les usagers. Mais rassurez-vous, il y aura bien évidemment des gagnants : les actionnaires !
Monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, monsieur les rapporteurs, réunir la commission pour faire le point sur cet événement important nous semble nécessaire avant d’engager la discussion des articles 30 et suivants.
Troisièmement, M. Sapin, ministre qui se trouve à la tête de l’autre branche de Bercy, annonce un nouveau train de mesures d’austérité de 4 milliards d’euros pour répondre à des exigences insupportables, injustifiables démocratiquement, socialement et économiquement.
Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas que ces mesures sont « légèrement », et je suis gentille, antinomiques avec l’idée même de croissance qui justifie votre projet de loi ?
Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur ces différents points ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je vois deux éléments de réponse à vos interrogations, ma chère collègue.
En premier lieu, M. le Premier ministre a annoncé la semaine dernière une mesure qui fait aujourd’hui l’objet d’un amendement du Gouvernement.
Le Gouvernement ayant donc exercé son droit d’amendement, nous avons réuni la commission spéciale pour auditionner M. le ministre et prendre le temps de délibérer sur cette disposition, comme nous nous étions engagés à le faire en cas de dépôt d’un amendement majeur. Le sujet sera vraisemblablement examiné demain matin, ce qui devrait laisser le temps à chacun des groupes de parfaire son information et de définir sa position.
En second lieu, ni la commission ni le Sénat ne sont saisis à ce stade du dossier industriel que vous avez abordé, madame Assassi.
Je laisserai donc à M. le ministre le soin de répondre sur ce point, mais je me vois mal réunir la commission spéciale sur un sujet qui ne fait pas l’objet d’un amendement gouvernemental.
M. le président. Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre II.
TITRE II
INVESTIR
Chapitre Ier
Investissement
Section 1
Faciliter les projets
Article 26
I. – L’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 9 est ainsi rédigé :
« I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente ordonnance :
« 1° Sont soumis au présent titre les projets d’installations soumises à l’autorisation prévue à l’article L. 512-1 du code de l’environnement, non mentionnés à l’article 1er de la présente ordonnance, sur le territoire des régions Champagne-Ardenne et Franche-Comté ;
« 2° À compter de la promulgation de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, peuvent être soumis au présent titre, dans les autres régions, les projets d’installations soumises à l’autorisation prévue au même article L. 512-1, non mentionnés à l’article 1er de la présente ordonnance, présentant un intérêt majeur pour l’activité économique, compte tenu du caractère stratégique de l’opération concernée, de la valeur ajoutée qu’elle produit, de la création ou de la préservation d’emplois qu’elle permet ou du développement du territoire qu’elle rend possible. » ;
2° L’article 20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles entrent en vigueur à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques pour les projets mentionnés au 2° du I de l’article 9. »
II. – (Supprimé)
III. – (Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 1397, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme nos collègues de l’Assemblée nationale l’ont souligné, la loi du 2 janvier 2014, visant à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises, a habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures législatives d’expérimentation de l’autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE.
Vous nous proposez désormais d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de généraliser sur l’ensemble du territoire l’autorisation unique pour les projets d’ICPE non liés à la production d’énergie. Plus précisément, à compter de la promulgation de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, pourront bénéficier de cette procédure les projets d’installations soumises à l’autorisation prévue à l’article L. 512-1 du code de l’environnement qui présentent « un intérêt majeur pour l’activité économique, compte tenu du caractère stratégique de l’opération concernée, de la valeur ajoutée qu’elle produit, de la création ou de la préservation d’emplois qu’elle permet ou du développement du territoire qu’elle rend possible ».
Cette formulation vague présente l’inconvénient majeur de couvrir un large ensemble de projets d’installations, alors même que nous assistons par ailleurs à l’extension continue du régime d’enregistrement, qui dispense d’enquête publique, d’étude d’impact et d’étude de dangers un nombre croissant d’activités.
Notre crainte est, en somme, que la généralisation de l’autorisation unique ne soit synonyme de régression et de recul des droits des citoyens en termes de voies de recours.
En tout état de cause, nous estimons qu’il serait sage de renoncer à cette mesure jusqu’à l’annonce, qui devrait intervenir dans les prochains mois, des propositions sur la participation et l’association des citoyens à l’élaboration des décisions publiques, notamment en matière d’environnement. Pour les mêmes raisons, nous considérons que les ordonnances ne sont pas l’outil le plus adapté pour conduire ce type de réforme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement vise à supprimer l’article 26 au motif qu’il prévoit la généralisation de l’expérimentation de l’autorisation unique en matière d’ICPE, et que cette généralisation est prématurée.
Je partage votre analyse : il convient, avant toute généralisation, qu’un bilan de l’expérimentation soit présenté au Parlement, comme l’impose d’ailleurs la Constitution. C’est pour cette raison que j’ai proposé à la commission spéciale de supprimer l’habilitation permettant au Gouvernement de pérenniser le dispositif expérimental de l’autorisation unique par voie d’ordonnance. Il ne reste donc plus, dans l’article 26, qu’un ajustement du périmètre de l’expérimentation.
On peut donc considérer que votre amendement est satisfait. Je vous invite par conséquent à le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai l’amendement n° 1561 tout en donnant mon avis sur l’amendement n° 1397, dans le souci d’économiser du temps.
M. le président. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme l’a rappelé Mme la rapporteur, la commission spéciale a supprimé les II et III de l’article adopté par l’Assemblée nationale, qui prévoyaient la généralisation par voie d’ordonnance du dispositif expérimental.
Le I vise, quant à lui, à étendre l’expérimentation de l’autorisation unique en matière d’ICPE.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Nous ne renonçons en rien à nos exigences environnementales, réglementaires ou démocratiques, mais nous voulons éviter de reporter nos propres turpitudes sur les acteurs économiques, en regroupant tous les actes administratifs – et tous les temps administratifs - en une autorisation unique. C’est, je crois, ce que nous devons exiger de nous-mêmes.
L’expérimentation prévue était insuffisamment large. C'est pourquoi le I prévoit de l’étendre aux régions Champagne-Ardenne et Franche-Comté, ainsi qu’aux autres régions pour les projets qui revêtent une importance économique majeure. Les projets du Grand Paris seront ainsi éligibles.
À travers l’amendement n° 1561, le Gouvernement vous demande de l’autoriser à prendre, à la lumière de l’expérimentation, une ordonnance pour, cette fois, généraliser le recours à la procédure d’autorisation unique en matière d’ICPE et d’installations couvertes par la loi sur l’eau et codifier les dispositions afférentes.
Il me semble, d’après nos discussions, que c’est notre objectif commun. Les expérimentations n’enlèvent rien au droit actuel. Nous ne proposons aucune suppression de procédure. Nous estimons simplement qu’il est regrettable de devoir attendre six mois dans le cadre d’une procédure, puis six mois dans le cadre d’une autre, alors que ces procédures pourraient être regroupées en une autorisation unique.
Je suis bien évidemment défavorable à l’amendement n° 1397, et je vous invite à adopter l’amendement n° 1561. Je le répète, l’habilitation à légiférer par ordonnance n’est pas une offense faite au Parlement, mais un encadrement du travail gouvernemental dans une matière législative.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons aller vite. Nous souhaitons étendre le champ de l’expérimentation afin qu’elle soit viable, puis procéder par ordonnance dès qu’elle aura produit ses fruits. La Haute Assemblée sera pleinement informée au moment de la ratification de l’ordonnance.
Il s’agit de simplifier la vie de nos concitoyens et de nos entreprises, sans renoncer en rien aux procédures ni aux exigences réglementaires en matière d’ICPE et d’installations couvertes par la loi sur l’eau.
M. le président. Madame David, l'amendement n° 1397 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Oui, je le maintiens, monsieur le président. Le texte de la commission spéciale laisse à désirer. Nous ne savons absolument pas quels projets sont visés. On nous indique simplement qu’il s’agit de projets présentant un intérêt économique pour la région. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous n’en savons rien. Le Gouvernement pourra cependant légiférer par ordonnance. Les parlementaires ne seront même pas associés à la discussion ! Qui décidera si tel ou tel projet présente un intérêt économique pour la région ? Le Gouvernement, les élus régionaux, les acteurs économiques des territoires ? Nous n’en savons rien !
Monsieur le ministre, vous nous demandez de vous laisser faire ce que vous avez envie de faire, sous forme d’expérimentation, sur l’ensemble du territoire. Alors, non, je ne retire pas cet amendement !
M. le président. L'amendement n° 1561, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 9 est ainsi rédigé :
« I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente ordonnance :
« 1° Sont soumis au présent titre les projets d’installations soumises à l’autorisation prévue à l’article L. 512-1 du code de l’environnement, non mentionnées à l’article 1er de la présente ordonnance, sur le territoire des régions Champagne-Ardenne et Franche-Comté ;
« 2° À compter de la publication de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, peuvent être soumis au présent titre, dans les autres régions, les projets d’installations soumises à l’autorisation prévue au même article L. 512-1, non mentionnées à l’article 1er de la présente ordonnance, présentant un intérêt majeur pour l’activité économique, compte tenu du caractère stratégique de l’opération concernée, de la valeur ajoutée qu’elle produit, de la création ou de la préservation d’emplois qu’elle permet ou du développement du territoire qu’elle rend possible. » ;
2° L’article 20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles entrent en vigueur à compter de la publication de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques pour les projets mentionnés au 2° du I de l’article 9. »
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de :
1° Généraliser, le cas échéant en les adaptant et en les complétant, notamment en ce qui concerne le champ des autorisations et dérogations concernées par le dispositif de l’autorisation unique, les dispositions de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement et de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ;
2° Codifier ces mêmes dispositions et de mettre en cohérence avec celles-ci les dispositions législatives régissant les autorisations et dérogations concernées par le dispositif de l’autorisation unique.
III. – Le Conseil national de la transition écologique mentionné à l’article L. 133-1 du code de l’environnement est associé à l’élaboration des ordonnances prévues au II du présent article. Il peut mettre en place une formation spécialisée pour assurer le suivi des travaux et la préparation des avis, qui sont mis à la disposition du public dans les conditions prévues à l’article L. 133-3 du même code.
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Comme l’a indiqué M. le ministre, cet amendement vise à rétablir l’article 26 dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
L’expérimentation de l’autorisation unique en cours n’a qu’un an d’existence, puisque l’ordonnance qui l’a autorisée a été prise le 20 mars 2014. Elle était prévue pour une durée de trois ans, afin que nous disposions de retours d’expérience suffisants pour déterminer s’il y avait lieu d’autoriser le Gouvernement à aller plus loin.
On peut certes considérer que l’extension du dispositif irait dans le bon sens. Les entreprises attendent beaucoup de l’autorisation unique, qui, si elle ne supprime pas les procédures qu’elle regroupe, a au moins le mérite de créer, du côté de l’administration, un guichet unique.
Néanmoins, nous considérons qu’il est prématuré et inutile, à ce stade, d’habiliter le Gouvernement à pérenniser le dispositif, alors même que le bilan de l’expérimentation, obligatoire en application de la Constitution, ne sera présenté au Parlement que dans le courant de l’année 2017.
C'est la raison pour laquelle la commission spéciale a décidé, sur mon initiative, de supprimer la partie de l’article 26 qui prévoyait d’habiliter le Gouvernement à étendre l’autorisation unique par voie d’ordonnance.
Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement. En l’absence de fondement objectif, une telle habilitation ne peut être donnée.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Madame la rapporteur, je ne comprends pas trop la position de la majorité de la commission spéciale.
Sur le fond, nous avons le même objectif. Combien de fois avons-nous, les uns et les autres, regretté que les procédures soient trop longues et parfois obsolètes ou complexes ? Tout le monde l’a dit. Or nous avons l’occasion ici de permettre au Gouvernement d’aller plus vite et le plus loin possible pour accélérer la réalisation d’un certain nombre de projets.
Je réfute une fois pour toutes – j’en viens maintenant à la forme – l’idée que l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance constituerait un dessaisissement du Parlement. Tous les gouvernements disposent de cette capacité d’intervention en vertu de la Constitution. Ils en ont tous usé et, pour certains, abusé. Nous avons la possibilité d’encadrer l’action du Gouvernement : nous donnons l’habilitation ; nous ratifierons l’ordonnance ; entre-temps, nous pouvons et nous devons exiger du Gouvernement qu’il associe le Parlement à sa rédaction.
M. Charles Revet. Malheureusement, ce n’est pas toujours ainsi que les choses se passent !
Mme Nicole Bricq. À l’Assemblée nationale, l’article 26 a suscité une polémique concernant le respect des normes environnementales. Je me souviens des interventions des députés du groupe écologiste et du groupe Gauche démocrate et républicaine. Mme la ministre de l'écologie a alors déclaré qu’elle tiendrait la plume, avec le ministre de l’économie, lors de la rédaction des ordonnances. Pour ma part, je lui fais confiance. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Eh oui, mes chers collègues, je fais confiance à mon gouvernement, je fais confiance à mon ministre de l’économie et à ma garde des sceaux pour trouver une organisation adéquate, le cas échéant après un arbitrage du Premier ministre.
Chers collègues, nous avons aujourd’hui la possibilité de faire ce que nous avons toujours réclamé. On ne peut pas s’abriter derrière l’argument que l’expérimentation n’est pas finie. Maintenant, vous prenez vos responsabilités, c’est votre droit absolu, vous êtes la majorité sénatoriale. En tout cas, je ne veux plus entendre les uns et les autres, et même les uns plus que les autres, se plaindre (Protestations sur les travées de l'UMP.) que l’on ne va pas assez vite et qu’on ne peut plus rien faire dans ce pays.
Vous savez très bien que la réalisation de certains projets, assez lourds il est vrai, requiert aujourd’hui deux fois plus de temps qu’il y a dix ans. Vous le constatez tous, et vous ne cessez de rouspéter. De nombreuses évaluations des normes ont été réalisées. On continue pourtant à en produire et à s’enferrer, pendant que nos voisins traitent le problème.
Je vous signale en outre que beaucoup de projets permettraient de créer des emplois non délocalisables. Ne venez pas vous plaindre ensuite (Vives protestations sur les mêmes travées.) que le secteur du bâtiment et des travaux publics soit en difficulté !
Vous prenez vos responsabilités !
M. Jackie Pierre. Pas de menaces !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Vous l’aurez compris, nous appuyons la position Mme la rapporteur, puisque nous avions aussi demandé la suppression de l’habilitation.
La proposition du Gouvernement nous pose un véritable problème.
Certes, je peux entendre que le Gouvernement veut aller beaucoup plus vite grâce à l’expérimentation et à cette autorisation unique, mais faut-il le rappeler ici, lorsque des procédures n’ont pas été menées correctement pour des installations de ce type, c’est aux élus locaux, sur le terrain, que revient, la plupart du temps, le soin de régler les problèmes.
À mon sens, on ne peut pas considérer que la question du terrain sera réglée parce que l’on aura légiféré par ordonnances, car, de toute façon, il faudra travailler localement avec les habitants et les élus locaux concernés pour pouvoir s’en sortir. On n’avancera donc pas plus vite en passant outre le vrai travail de fond que le CRC appelle de ses vœux. De nouveaux recours seront formés, parce que les gens n’auront pas été associés et qu’il n’aura pas été suffisamment tenu compte de la situation.
Aujourd’hui, les difficultés que l’on rencontre essentiellement au sujet des installations classées tiennent au fait que les services de l’État, en particulier ceux que l’on appelait autrefois les DRIRE, n’ont plus les moyens, sur le terrain, de mener le travail de fond nécessaire auprès des populations avec l’ensemble des élus locaux. Cet affaiblissement des moyens déconcentrés de l’État empêche de préparer les installations dans de bonnes conditions pour qu’elles se fassent correctement. Voilà le point sur lequel il importe de travailler.
En revanche, procéder à des installations qui ne sont pas acceptées localement, c’est susciter à tous les coups des oppositions très vives en retour. Et qui aura à les affronter ? L’élu local !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble nécessaire de rappeler de quoi nous parlons exactement et d’en revenir au texte.
M. Roger Karoutchi. En effet !
M. Emmanuel Macron, ministre. Il n’est pas ici question de supprimer l’enquête publique, mais, aujourd’hui, pour un projet d’ICPE – nous en avons déjà parlé et nous en reparlerons, car, je le sais, ce sujet est sensible pour beaucoup d’entre vous –, il faut demander un permis spécifique, lequel nécessite une enquête publique et des demandes d’autorisation assorties de délais. Une fois cette autorisation obtenue, il faut également un permis de construire relevant de l’État, parce que le plan urbanistique est ainsi fait. Vous repartez donc du début, avec une autre procédure, une nouvelle enquête publique, les mêmes délais, etc.
Mais qui peut expliquer cela à nos concitoyens aujourd’hui ? Pensez-vous réellement que ce soit un progrès démocratique ?
C’est une folie !
M. Charles Revet. Pourquoi ne pas l’avoir mis dans la loi directement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis bien d’accord avec vous, monsieur le sénateur, et s’il ne tenait qu’à moi…
M. Charles Revet. Allez-y !
M. Emmanuel Macron, ministre. La vraie réaction de bon sens, pour ma part, aurait été de conclure que cela ne tenait pas debout et qu’il fallait instaurer une procédure unique par la loi. Simplement, il y a des sensibilités différentes, dont notre débat témoigne aujourd’hui. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Je note que la commission spéciale - mais peut-être la nature de sa majorité m’a-t-elle échappé - a, quant à elle, supprimé la possibilité d’aller plus vite. Je vous place donc face à vos propres contradictions.
Mme Annie David. Supprimez le recours aux ordonnances !
M. Emmanuel Macron, ministre. L’ordonnance est un moyen d’aller plus vite, mais vous pouvez décider de repasser par la loi dans deux ans.
Ce n’est pas moi qui ai fait la Constitution de la Ve République, madame la sénatrice. Elle offre des moyens et nous les utilisons, sous le contrôle du législateur.
Revenons-en au fond. Au moment où ce débat a eu lieu, certains ont exprimé un certain malaise, arguant de risques potentiels. Or, encore une fois, aucune des procédures n’est supprimée ; il s’agit juste de les raccourcir, de les « phaser » dans le temps, bref de les coordonner. Mais l’enquête publique dont vous parlez aura bien lieu.
Cependant, comme il y avait des doutes, la solution de l’expérimentation a été retenue, mais celle-ci était à l’origine trop étroite pour que l’on puisse en tirer quoi que ce soit. Par ce texte, nous souhaitons l’étendre non seulement aux projets d’intérêt économique mais aussi, dans l’espace, à deux autres régions. En outre, pour éviter de perdre du temps – vous avez raison, monsieur Revet, nous en avons déjà assez perdu –, nous sollicitons la possibilité, dès que nous aurons le résultat de cette expérimentation, d’aller plus loin.
De grâce, votez l’amendement du Gouvernement, ou sous-amendez-le, pour aller jusqu’au bout de votre raisonnement, car vous vous donnerez alors la possibilité d’avancer. En tout cas, n’en restez pas au statu quo, ce qui reviendrait seulement à expérimenter un peu plus largement.
Pour ma part, je pense qu’il faut aller au bout de la logique : élargir l’expérimentation pour aller vite et, dès que nous aurons des résultats probants, ce qui sera le cas, car le bon sens n’est pas l’ennemi du réel, nous pourrons procéder à une extension généralisée, par une ordonnance que vous aurez à ratifier par voie législative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je suis désolé de faire cette remarque en préambule, chacun connaissant ma fidélité à l’égard tant de ma famille politique que de la commission spéciale, mais je ne comprends pas la position prise par Mme le rapporteur sur ce sujet.
Sans reprendre l’ensemble des propos tenus par Nicole Bricq, je vous invite simplement à considérer ce qui se passe de l’autre côté du Rhin, car c’est assez symptomatique des différences existant entre la France et l’Allemagne : concernant un certain nombre d’installations classées, notamment en matière d’élevage, les délais sont de trois ans, dans le meilleur des cas, pour l’instruction et la validation d’un dossier en France, contre six mois en Allemagne !
Regardons les choses en face : aujourd’hui, les deux filières qui seraient concernées, à savoir les filières « viande blanche », sont littéralement en perdition, en partie à cause de ce problème. C’est désolant !
Nous avons eu quelques débats avec le ministre de l’agriculture sur ce sujet, et j’estime que l’amendement du Gouvernement va plutôt dans le bon sens.
Pour conclure, je n’emploierai peut-être pas les mêmes mots que Mme Nicole Bricq, qui, bien qu’étant excessivement clairs, ont provoqué quelques réactions sur les travées de mon groupe, mais je pourrais dire les mêmes choses, avec un peu plus de rondeur.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jean Bizet. Je vois que je dispose de quelques appuis de l’autre côté de l’hémicycle… (M. Jean-Louis Carrère sourit.)
Pour des raisons de simplification et de lisibilité, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Bizet, je n’ai pas exprimé un avis à titre personnel. Vous l’aurez perçu, il s’agit bien de l’avis qui est ressorti des travaux de la commission spéciale, et qui a été adopté comme tel. Lorsque j’émets un avis à titre personnel, je le précise, mais ce n’est pas le cas s’agissant de cet amendement.
Sur le fond, pour conforter l’argumentation que j’ai développée pour justifier l’avis défavorable de la commission spéciale, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, si le Gouvernement souhaite avoir cette habilitation sous le coude, c’est tout simplement pour pouvoir pérenniser ce dispositif expérimental par ordonnance, sans avoir à en passer nécessairement par une loi. Et il ne vous aura pas échappé que l’échéance prévue par le texte est 2017…
Je suis désolée d’avoir à le rappeler, mais le fait pour le Gouvernement de garder en réserve cette habilitation jusqu’en 2017, alors que les retours du dispositif expérimental, qui devront être présentés au Parlement, puisque la Constitution le prévoit ainsi, ne seront disponibles que dans le courant de l’année 2017, explique, à mon sens, bien des choses…
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. J’ai bien entendu notre collègue Jean Bizet. À ce sujet, rappelez-vous, dans le rapport d'information sur la désindustrialisation des territoires fait au nom du Sénat : parmi les dix-sept propositions en faveur de la réindustrialisation figuraient le guichet unique et la question du temps nécessaire pour qu’un projet émerge.
En l’occurrence, la proposition que nous fait le Gouvernement revient justement à réduire sensiblement les délais de réponse des administrations, sans bâcler pour autant l’enquête publique, c’est-à-dire en en garantissant la qualité.
Mes chers collègues, vous avez certainement tous en tête des exemples de projets qui, un an, voire un an et demi après le début des procédures, ne sont toujours pas acceptés. Aujourd’hui, ce que nous propose le Gouvernement est simple : des délais réduits et un guichet unique !
À mon sens, l’attractivité des territoires, et du territoire national, c’est aussi la capacité de répondre dans des délais réduits pour que des investisseurs puissent intervenir dans les meilleures conditions.
Aussi, il me semble que cet amendement pourrait être voté par tous les membres de cette assemblée, qui avait adopté à l’unanimité la proposition que je viens d’évoquer, n’est-ce pas, monsieur Chatillon ?
Il s’agit d’une question de bon sens ! Sur ces questions-là, la France doit avancer très vite : je le répète, il faut prévoir non seulement un guichet unique, mais également un délai réduit de réponse des administrations, tout en gardant la qualité d’expertise de ces mêmes administrations.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. En matière d’installations classées, que ce soit dans le domaine industriel ou dans le domaine agricole, la France connaît un retard considérable par rapport aux autres pays.
Je prendrai l’Allemagne pour seul exemple : non seulement les procédures y sont plus rapides, mais, en outre, s’agissant des élevages classés, les plafonds en nombre d’animaux sont au moins le double de ceux de la France.
Je tiens à rassurer Jean Bizet, dont je connais la loyauté à l’égard de son groupe, et c’est sans doute ce qui nous rapproche aussi : malgré ma loyauté, au moins équivalente à la sienne, je soutiendrai moi aussi cet amendement. Nous avons trop de retard dans ce domaine et nous n’avons plus le droit de pinailler. Il nous faut avancer.
Il s’agit d’un problème non seulement d’égalité des chances entre les territoires français, mais également de distorsion de concurrence avec les autres pays.
M. Jean Bizet. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je suis animé de la même loyauté, mais je sais aussi combien la simplification, l’accessibilité, le raccourcissement des délais sont attendus sur le terrain. Et cela passe notamment par le guichet unique.
Je soutiendrai aussi cet amendement, mais, monsieur le ministre, il faudra que nous soyons logiques jusqu’au bout, notamment à l’occasion d’autres amendements qui vont venir en discussion et qui ont aussi pour objet de raccourcir les délais, en l’occurrence les délais de recours.
La même logique devra alors nous animer. Nous ne pouvons pas nous rejoindre sur cet amendement, et, ensuite, diverger sur la manière d’être plus efficaces, plus rapides et de permettre à celles et ceux qui veulent entreprendre dans notre pays de pouvoir le faire en connaissance de cause. (M. le ministre acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. En tant qu’élu d’un département frontalier de l’Allemagne, je suis directement concerné par ce débat. Je connais exactement les difficultés que nous avons pour accueillir des installations ICPE, qui partent finalement en Allemagne, les délais de réponse étant effectivement plus courts de l’autre côté du Rhin.
Je ne peux donc qu’adhérer à cet amendement, que je voterai.
Mais, monsieur le ministre, de grâce, ne pérennisez pas la procédure des ordonnances, même s’il faut aller vite pour légiférer sur cette question. Aujourd’hui, nous avons sans doute plus besoin de remédier au manque de personnel et de formation dans les directions départementales des territoires, les DDT, et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL. Nous pourrions ainsi raccourcir encore les délais d’instruction, qui sont beaucoup trop longs, même avec la procédure que vous proposez.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Madame Bricq, il y a déjà pas mal de temps que nous siégeons ensemble dans cette enceinte, et je vous ai entendue, en d’autres temps, vous indigner lorsqu’un gouvernement a voulu légiférer par ordonnance.
Mme Nicole Bricq. Une fois ! C’était Mme Kosciusko-Morizet !
M. Charles Revet. Vous en faisiez alors une question de principe ! Or je n’ai jamais vu de projet de loi qui contienne autant de demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance…
Monsieur le ministre, il faudrait peut-être nous expliquer pourquoi, alors que ce texte est annoncé depuis longtemps et que vos services ont donc eu le temps de travailler, vous n’avez pas mis d’emblée dans le projet de loi les dispositions que vous nous demandez de vous habiliter à prendre par ordonnance. Notre réaction aurait certainement été différente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du groupe CRC.) C’est une question de bon sens !
Mes chers collègues, nous sommes en train de laisser le Gouvernement se substituer à nous,…
Mme Annie David. Ils veulent décider seuls !
M. Charles Revet. … tant et si bien que nous n’aurons bientôt même plus besoin de siéger ici. Cette attitude me choque profondément.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Comme il est indiqué dans le rapport, et comme l’a excellemment rappelé Mme la rapporteur, nous avons été étonnés de voir que l’on revenait vers nous un an après l’ordonnance du 20 mars 2014 prévoyant l’expérimentation, la loi par laquelle nous habilitions le Gouvernement à prendre cette ordonnance datant de quelques semaines seulement.
Requérir deux habilitations sur le même sujet et dans un si court laps de temps, c’est à tout le moins faire preuve d’une certaine maladresse, monsieur le ministre, et l’on est en droit de se demander si ceux qui défendent cette démarche ont les idées parfaitement claires. Telle est la raison de l’inquiétude et de l’incompréhension de la commission spéciale.
Par ailleurs, un sentiment me semble prévaloir sur toutes les travées : pour des raisons qui ont été très bien exposées, nous devons faire en sorte de simplifier et d’accélérer les procédures. Dans le même temps, que nous soyons élus locaux ou pas, nous nous demandons tous si le nouveau système sera protecteur des droits, en particulier pour les communes. Ces dernières, tout comme les associations environnementales ou les associations de riverains, verront-elles leurs droits préservés ?
Le mécanisme qui nous est proposé met de fait un terme à la précédente ordonnance et à l’expérimentation telle qu’elle a été engagée dans ce cadre. Or, tout en reconnaissant qu’il faut aller plus vite, on constate que l’on sait peu de choses du nouveau dispositif, d’où le doute quant à la méthode exprimé par Mme Estrosi Sassone. Cette réaction ne me semble pas illogique. La position de Mme le rapporteur m’apparaît même assez équilibrée.
À chacun ensuite de voter selon ses convictions !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Nous n’allons pas faire un concours de loyauté, mes chers collègues. Pour autant, je suis un peu gêné – je le dis avec toute l’amitié que je porte aux corapporteurs de la commission spéciale –, car la proposition qui nous est faite figurait dans le rapport de la mission commune d’information créée en 2010 sur la réindustrialisation, rapport voté en 2011 par l’ensemble de l’UMP, mais aussi par des membres du groupe socialiste.
Certes, l’eau a coulé sous les ponts et vérité d’hier n’est pas vérité d’aujourd’hui, mais être loyal, c’est aussi être un peu cohérent ! Si cette disposition a été adoptée par l’UMP, dans son ensemble, en 2011, je comprendrais difficilement qu’elle ne soit plus considérée comme pertinente en 2015.
S’agissant des ordonnances, et quelles que soient les familles politiques, nous sommes champions toutes catégories pour trouver les ordonnances tout à fait positives lorsqu’elles nous conviennent et à les dénoncer lorsqu’elles sont prises par d’autres, sans jamais y renoncer tout à fait, d’ailleurs. J’ai donc aussi quelques réserves sur cet argument.
La situation est claire, mes chers collègues. Nos maires ont besoin que les dossiers progressent plus rapidement ! Nos collectivités ont besoin que la situation change !
Je comprends parfaitement les débats très théoriques, mais arrive un moment où il faut bien constater que ce pays n’en peut plus de se trouver bloqué : l’opinion publique ne comprend plus et les élus locaux encore moins, surtout quand ils voient que, des travaux du Sénat – l’assemblée qui les représente –, sortent plus de freins que d’accélérateurs… Mais, mes chers collègues, que demandent les élus locaux sinon de pouvoir simplement travailler, gérer les dossiers et décider ?
Je serais donc tenté d’inviter les corapporteurs à laisser s’exprimer la sagesse de l’assemblée.
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Nous ne faisons que cela !
M. Roger Karoutchi. Je saisis bien le sens de la démarche du Gouvernement. M. le ministre n’est pas un enfant de chœur ! (Exclamations amusées.) Bien qu’il cherche à amadouer la terre entière avec son air souriant, l’opération n’en est pas moins politicienne. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le ministre fait des signes de dénégation.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Merci de le souligner, monsieur Karoutchi !
M. Roger Karoutchi. Oui, il s’agit d’une opération politicienne, mais si nous reconnaissons unanimement qu’elle peut se traduire par un véritable coup d’accélérateur, servir nos élus locaux, toutes tendances confondues, et débloquer certaines situations, prenons-la en otage ! Après tout, monsieur le ministre, si vous obteniez l’unanimité de notre assemblée, vous ne pourriez plus vous en servir ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Voilà longtemps que nous dénonçons tous la trop grande masse de contraintes et de normes et la longueur des délais nécessaires pour mener à bien un projet sur le terrain : s’agissant par exemple d’éoliennes, il faut des années !
Or l’économie est en panne ; à un moment ou à un autre, il faut faire en sorte de la relancer !
Je voterai donc cet amendement n° 1561, mais je demanderai aussi au Gouvernement d’envisager le dépôt d’autres amendements visant à alléger les procédures, notamment dans le domaine de l’urbanisme. Chez nous, la situation de la construction devient catastrophique !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Nous sommes tous d’accord sur le fond et sur l’objectif : offrir aux élus locaux et aux acteurs économiques des délais de procédures plus courts. Sur ce point, aucune divergence n’est constatée entre nous, et ce indépendamment des travées sur lesquelles nous siégeons.
En revanche, et je rejoins totalement l’intervention de Charles Revet, pourquoi n’avez-vous pas envisagé de passer par la loi, monsieur le ministre ? Ce projet de loi est truffé d’ordonnances !
Nous souhaitons tous – moi la première – qu’un coup d’accélérateur soit donné, car les projets sont nombreux que nous voudrions voir émerger dans les mois à venir, sans souffrir de tous les freins administratifs. Puisque vous voulez faire un coup politique, ce que je comprends parfaitement – la démarche peut avoir une importance aux yeux des élus locaux que nous représentons -, allons jusqu’au bout ! Intégrons la disposition au cadre législatif ! Faisons en sorte que l’ordonnance devienne loi ! Mme la rapporteur de la commission spéciale vous ouvrira les bras ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, pour explication de vote.
M. Jean-Patrick Courtois. J’avoue, mes chers collègues, que je ne comprends pas la démarche, et je vais vous expliquer pourquoi.
Nous pouvons tous nous accorder sur l’intérêt de l’expérimentation, mais je ne comprends pas quel sens aurait l’extension envisagée, par ordonnance, à la Franche-Comté. Le Gouvernement a effectivement souhaité que les régions Bourgogne et Franche-Comté soient unies au 1er janvier 2016. Que va-t-on faire ? Autoriser l’expérimentation en Franche-Comté, mais pas en Bourgogne ? Dès lors, serait-on vraiment dans la même région ?
Peut-être vous faut-il revenir sur le projet de découpage régional, monsieur le ministre (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.), mais vous ne pouvez pas, au nom du Gouvernement, d’un côté défendre de grandes régions et, de l’autre, renoncer à en tirer les conséquences dans vos propres ordonnances !
Mais il y a plus.
Comme vous, je souhaite de tout cœur que l’expérimentation soit un succès. Mais vous envisagez à nouveau de procéder par ordonnance après que les résultats de cette expérimentation auront été connus. Des projets de loi, vous en déposez pratiquement tous les jours sur le bureau des assemblées. Pourquoi procéder par ordonnance après l’expérimentation, et non pas incorporer les dispositions à un texte de loi ?
Vous voulez, dites-vous, éviter les cavaliers législatifs, mais le texte que nous examinons aujourd’hui, et qui nous vaut trois semaines de débats, est plutôt bien loti en la matière !
Le fait que vous souhaitiez procéder par ordonnance cache peut-être quelque chose… Roger Karoutchi évoque un coup politique. Je n’en sais rien, je n’ai jamais été membre d’un gouvernement, et je ne le serai certainement jamais. Je ne suis donc pas habitué à faire des coups politiques !
En revanche, ayant été longtemps en poste dans le Charolais, je m’appuierai sur cette réflexion d’un vieux paysan du coin : quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! Je voudrais bien, monsieur le ministre, que vous m’expliquiez où se trouve le loup !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je serai brève, car je pense avoir suffisamment étoffé mon argumentation. Je constate néanmoins que celle-ci passe difficilement auprès de certains de nos collègues, même si d’autres, que je remercie, la soutiennent.
Monsieur le ministre : si cette expérimentation est positive au point que vous entendiez la pérenniser, pourquoi ne nous en communiquez-vous pas le bilan ? (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je comprends les remarques et les réserves formulées par les membres de la commission spéciale et certains de nos collègues, notamment s’agissant des maladresses du Gouvernement dans son usage de la procédure des ordonnances. Mais j’appelais moi-même de mes vœux, hier, des simplifications et des accélérations de délais en matière d’urbanisme et je ne voudrais pas me contredire d’un jour sur l’autre.
À défaut donc d’être parfaite sur le plan de la procédure, la proposition de M. le ministre consiste, si j’ai bien compris, à fusionner les différentes procédures sans les supprimer et, donc, de réduire d’autant les délais, ce qui ne manquera pas d’intéresser tous ceux qui sont concernés par des projets d’ICPE, qu’il s’agisse des communes ou des entreprises.
L’attente est énorme au niveau des entreprises et, je le rappelle, la problématique des installations classées ne concerne pas uniquement de grands projets. Un petit vidangeur ne dépotant rien sur son terrain – pour cela, il se rend à la station d’épuration -, mais tenu de laver sa cuve verra son installation classée. Je me permets de citer cet exemple pour ramener la question à ses justes proportions.
Pour toutes ces personnes, l’investissement en temps et en argent est donc relativement important et, s’il est possible de trouver des simplifications, il ne faut pas hésiter à le faire.
En revanche, monsieur le ministre, lorsque nous demandons nous-mêmes des simplifications, par voie d’amendement ou par l’intermédiaire de la commission spéciale, il serait parfois souhaitable que vous adoptiez une position plus compréhensive.
Ces points étant précisés, je soutiendrai cet amendement n° 1561.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais m’efforcer de répondre aux interrogations de fond qui ont été soulevées et, pour commencer, je rassurerai M. Roger Karoutchi sur le sens de cette démarche : il s’agit ici, non pas de faire un coup politique, mais de simplifier la vie de nos concitoyens. Croyez-moi, il y est des coups politiques plus faciles !
Comme cela a été rappelé, une ordonnance de mars 2014 a prévu l’expérimentation d’une autorisation unique, visant à simplifier l’organisation sans rien ôter aux procédures existantes. Ce sont les dispositions que nous reprenons « en dur », dans le texte de loi, et que vous avez conservées, mesdames, messieurs les sénateurs, ce pour deux territoires, Champagne-Ardenne et Franche-Comté.
Il est apparu que cette expérimentation était trop courte et trop limitée sur le territoire. Nous proposons donc au moins de l’étendre aux projets présentant un intérêt économique majeur. Ce point, également inscrit « en dur » dans le projet de loi, offrira au dispositif une plus grande portée.
Pourquoi n’avons-nous pas décidé, sans attendre, de généraliser le système ?
Comme je l’indiquais précédemment, nous avons tenu compte des sensibilités politiques, environnementales et sociétales qui s’exprimaient. Certaines organisations non gouvernementales, par exemple, s’interrogeaient sur le niveau de protection.
Par ailleurs, la coordination de toutes ces procédures, telle que je l’ai décrite, permettra certes de créer une procédure unique, mais celle-ci sera susceptible de faire l’objet de plusieurs types de contentieux. Nous devons donc nous assurer de la bonne articulation de ces différents contentieux entre eux.
Même dans le cadre d’une procédure unique, nous devons nous assurer que tous les contentieux – contre le permis de construire, contre l’autorisation relative à l’ICPE, etc. –, qui ne seront pas forcément portés devant les mêmes tribunaux, pourront bien être traités.
C’est tout l’intérêt de l’expérimentation, que nous bornons dans le temps. Nous nous donnons dix-huit mois pour examiner le fonctionnement de la procédure sur quelques projets dans quelques territoires, et nous proposons ensuite de procéder par ordonnance pour concrétiser définitivement le dispositif.
D’une part, les différentes sensibilités – je ne les partage pas forcément, vous l’avez compris – exigeaient que l’on recherche un équilibre. Nous avons donc opté pour l’expérimentation que, j’y insiste, nous étendons en passant, « en dur », par la loi.
D’autre part, il apparaissait indispensable d’éviter une nouvelle procédure législative dans quelques années. Dans dix-huit mois au plus tard, puisque l’ordonnance est bornée dans le temps, nous saurons quels fruits tirer de l’expérimentation. Nous pourrons alors accélérer la cadence. Nous serons alors effectivement en 2017, madame la rapporteur, mais je ne me vois pas expliquer à nos entreprises et à nos concitoyens qu’en 2017 la France devra s’arrêter de vivre !
La question posée au travers de cet amendement est, en définitive, relativement simple. Il s’agit de savoir si, à la lumière des résultats de l’expérimentation, nous voulons faire de cette procédure unique une réalité en 2017, ou si nous préférons attendre 2020 ou 202 !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je tenais à prendre la parole sur le sujet, étant précisément l’élu responsable du projet sur lequel l’expérimentation a été menée dans la Marne – la création d’un centre de tri des déchets ménagers.
Je dois dire que, dans ce cadre, tout s’est très bien déroulé, et nous avons gagné huit mois par rapport aux délais moyens des procédures. Les services de l’État concernés ont probablement fourni un effort particulier pour que tout fonctionne correctement, précisément parce qu’il s’agissait d’une expérimentation, mais l’opération a été bénéfique à tous.
Il m’apparaît donc que nous avons tout intérêt à généraliser ce type de procédure, sans attendre.
M. le président. En conséquence, l'article 26 est ainsi rédigé et les amendements identiques nos 449 et 698 rectifié, les amendements identiques nos 447 et 697 rectifié, ainsi que les amendements nos 345 et 448 n'ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 449 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 698 rectifié est présenté par MM. Revet, Commeinhes, Magras et Houel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au I de l’article 1er, les mots « À titre expérimental, et pour une durée de trois ans, » sont supprimés ;
II. – Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 19 est ainsi rédigé :
« Art. 19 – Au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’évaluation de l’autorisation unique. » ;
L'amendement n° 447 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 697 rectifié est présenté par MM. Revet, Commeinhes, Magras et Houel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 1
Insérer douze alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 2 est ainsi rédigé :
« Art. 2. – Les projets mentionnés à l’article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé "autorisation unique" dans le présent titre. Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l’article L. 512-1 du code de l’environnement et, le cas échéant, dérogation au titre du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
« Les installations bénéficiant d’une "autorisation unique" sont dispensées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme et du code forestier. Elles sont également dispensées d’autorisation d’exploiter au titre de l’article L. 311-1 du code de l’énergie et d’approbation au titre de l’article L. 323-11 du même code.
« Lorsque les projets mentionnés à l’article 1er sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d’autorisation ou à des prescriptions prévus par d’autres législations ou réglementations, l’autorisation unique tient lieu d’autorisation au titre de ces législations ou réglementations dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité administrative compétente. Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative compétente vaut accord.
« Les articles L. 214-7 et L. 414-4 du code de l’environnement sont applicables aux installations faisant l’objet d’une autorisation unique en application du présent titre. » ;
…° L’article 3 est ainsi rédigé :
« Art. 3. – L’autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l’arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l’environnement et, le cas échéant, de respecter les conditions de délivrance de la dérogation mentionnée au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, lorsque l’autorisation tient lieu de cette dérogation. » ;
…° L’article 4 est ainsi rédigé :
« Art. 4. – Sous réserve de la présente ordonnance, les projets mentionnés à l’article 1er restent soumis au titre Ier du livre V du code de l’environnement et, le cas échéant, lorsque l’autorisation unique tient lieu de dérogation au titre du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, au titre Ier du livre IV du même code.
« Les mesures fixées par l’autorisation unique et éventuellement des arrêtés complémentaires sont réputées être prises en application de ces législations. » ;
…° Le II de l’article 8 est ainsi rédigé :
« II. – Le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre les décisions mentionnées au I, se prononce au regard des dispositions législatives et réglementaires du titre Ier du livre IV du code de l’environnement, ou des dispositions prises sur leur fondement, en vigueur à la date des décisions contestées. » ;
L'amendement n° 345, présenté par MM. Joyandet et Raison, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
Champagne-Ardenne et Franche-Comté
par les mots :
Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine et Bourgogne-Franche-Comté
L'amendement n° 448, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
l’activité économique
par les mots :
le développement durable
Articles additionnels après l’article 26
M. le président. L’amendement n° 699 rectifié, présenté par MM. Revet, Commeinhes, Magras et Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles les cours administratives d’appel sont compétentes, en premier et dernier ressort, à titre expérimental, pour connaître des recours dirigés contre les autorisations délivrées en application de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Nous venons de gagner du temps en adoptant l’amendement n° 1561 du Gouvernement, puisque six amendements sont devenus sans objet. Le présent amendement vise également à nous faire gagner du temps. (Sourires.) Dès lors que l’amendement du Gouvernement a été adopté, je souhaitais apporter cette précision complémentaire.
(Mme Françoise Cartron remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. À moins que j’aie mal compris, mon cher collègue, il ne me semble pas que votre amendement ait le même objet que celui dont nous venons de discuter longuement.
La commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement de repli, qui vise à diminuer, à titre expérimental, le nombre des juridictions devant lesquelles sont exercés les recours contre les installations de production d’énergies renouvelables.
Cet amendement soulève une difficulté : le principe du droit d’appel est garanti à nos concitoyens par la création des cours administratives d’appel depuis 1987. Or le contentieux des installations de production d’énergies renouvelables, si important soit-il, ne justifie pas une dérogation aux procédures habituelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission spéciale.
Monsieur le sénateur, vous cherchez à régler le problème des délais de recours. Or, pour des raisons juridiques évidentes, la cour administrative d’appel ne peut être compétente en premier et dernier ressort, eu égard au respect du droit au recours et du principe d’égalité de traitement. En effet, rien ne justifie que la cour administrative d’appel exerce cette compétence spéciale pour le contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement, mais par pour d’autres types de contentieux.
En revanche, nous allons examiner des amendements visant à réduire les délais de recours et le Gouvernement lui-même ira en ce sens. Je vous invite donc, dans cette attente, à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Revet, l’amendement n° 699 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 699 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 534 rectifié est présenté par M. Raison.
L’amendement n° 850 rectifié ter est présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Doligé et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Laménie, Lefèvre, Longuet, P. Leroy et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset et Pierre, Mmes Primas et Troendlé et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 515-27 du code de l’environnement, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux mois ».
La parole est à M. Michel Raison, pour présenter l’amendement n° 534 rectifié.
M. Michel Raison. Cet amendement est extrêmement important. Nous discutons d’un projet de loi « pour l’égalité des chances économiques », si j’en crois son titre. Je propose que le délai de recours à l’encontre des arrêtés autorisant l’exploitation des installations classées soit aligné sur le délai de recours de droit commun en contentieux administratif.
Imaginez le titulaire d’une autorisation d’exploitation d’une installation classée qui attend un an avant de savoir s’il va être visé par un recours. En général, les associations dont vous avez parlé, monsieur le ministre, les fameuses ONG, qui ne sont pas toujours positives pour l’économie, attendent le dernier moment pour contester l’installation classée devant le tribunal administratif. Ce n’est plus vivable !
Si nous voulons rétablir un peu d’égalité des chances en faveur de la croissance, il faut absolument adopter cet amendement, et je sais que M. le ministre ne pourra qu’y souscrire ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 850 rectifié ter.
M. Jean Bizet. Cet amendement étant rigoureusement identique au précédent, je ne reprendrai pas l’argumentaire de notre collègue Michel Raison. Nous avons besoin d’aller plus vite et de ne pas laisser les pétitionnaires dans l’expectative sur un certain nombre de projets. Un délai de recours de deux mois semble suffisant.
Mme la présidente. L’amendement n° 1703, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 515-27 du code de l’environnement, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de quatre mois ».
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 534 rectifié et 850 rectifié ter.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit du même sujet, mais pas du même délai. (Sourires.)
Aujourd’hui, le délai de recours total est de dix-huit mois. En effet, le code de l’environnement prévoit un délai d’un an pour les recours à l’encontre des autorisations d’exploitation d’installation classée pour la protection de l’environnement. Nous avons simplifié la procédure, mais le délai d’un an subsiste, complété par un délai de six mois à compter de la mise en service de l’exploitation.
Dans le cadre de l’expérimentation qui aura vocation à s’étendre d’ici à dix-huit mois – je vous remercie d’avoir voté en ce sens –, ce délai de recours est ramené à deux mois, sans délai complémentaire après la mise en service. Les premiers retours d’expérience sur ces expérimentations, ainsi que les travaux du groupe de travail multipartite sur le sujet – je parle sous le contrôle de celles et de ceux d’entre vous qui ont pu en voir les effets – ont montré qu’il est pertinent de réduire le délai d’un an, mais aussi qu’un délai de deux mois est légèrement insuffisant.
Telles sont les informations qui me sont revenues, mais vous disposez d’une expérience in vivo que vous nous ferez peut-être partager sur ce sujet.
Je souscris totalement aux prémisses du raisonnement figurant dans l’exposé des motifs de ces amendements, cependant il est apparu, à la lumière des expérimentations en cours, que le délai de recours de deux mois que vous proposez était un peu court.
Le Gouvernement propose donc de réduire le délai de recours à quatre mois, pour laisser le temps aux recours de s’exprimer, sans pour autant exposer les exploitants à une trop forte insécurité juridique, puisque le délai de recours actuel est divisé par trois. Ce délai a été négocié avec les parties prenantes dans le cadre des groupes de travail sur la simplification du droit de l’environnement.
Ce délai de quatre mois a également été annoncé par le ministre de l’agriculture dans une communication en conseil des ministres en date du 18 février 2015, au cours de laquelle le ministre a fait le bilan des groupes de travail sur l’agriculture demandé par M. le Premier ministre.
À la lumière de ces travaux, je vous propose de réduire le délai de recours pour le passer de un an à quatre mois, et non à deux mois. Je précise que nous parlons ici de tous les arrêtés autorisant l’exploitation d’installations classées d’élevage.
C’est pourquoi je demande le retrait des amendements nos 534 rectifié et 850 rectifié ter au profit de l’amendement n° 1703 du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1703 du Gouvernement et s’en remet à la sagesse du Sénat - une sagesse très positive - sur les amendements nos 534 rectifié et 850 rectifié ter, qui visent à aligner le délai de recours ouvert aux tiers en matière d’installations d’élevage sur le délai de droit commun, à savoir deux mois.
Il faut vraiment lutter contre les recours abusifs et le droit à un recours effectif, que l’on ne peut contester, ouvre malheureusement la porte à certaines dérives en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 534 rectifié et 850 rectifié ter.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, faites un effort ! Je souscris entièrement à l’avis de la commission spéciale.
Nous avons la possibilité de faire preuve de clairvoyance et de regagner en efficacité. Une large majorité de sénatrices et de sénateurs ont adopté l’amendement du Gouvernement. Maintenant, il faut voter le raccourcissement du délai de recours à deux mois, par souci de cohérence, d’autant plus, monsieur le ministre, et vous avez omis de le préciser, que le délai de recours de six mois à compter de la mise en activité de l’installation existe toujours, il ne faut pas l’oublier !
Je remercie la commission spéciale d’avoir eu le courage de soutenir notre amendement, qui vise à garantir plus de cohérence et d’efficacité sur le terrain. Je peux vous assurer, monsieur le ministre, que cette mesure est, là encore, attendue par l’ensemble des acteurs économiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. On nous a dit qu’en ramenant ce délai de recours à deux mois, c'est-à-dire le délai de droit commun, il n’y aurait plus de différence entre un arrêté autorisant l’exploitation d’une installation classée et un simple permis de construire. Cette comparaison n’est pas judicieuse, puisque la procédure applicable aux installations classées prévoit une information et des publicités préalables, contrairement au permis de construire. Les personnes qui sont amenées à former un recours sont donc informées non pas au moment de la délivrance de l’autorisation, mais beaucoup plus tôt, par voie d’affichage ou d’enquête publique, suivant le type de procédure.
Compte tenu, donc, de cette information préalable, le délai de recours de deux mois me paraît largement suffisant ; c’est pourquoi je soutiens l’amendement de M. Raison.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur une autre dimension de ce problème.
La législation des installations classées, qui vise à protéger l’environnement et les zones d’habitation périphériques, est très ancienne. Elle fait l’objet d’une attention particulière de toutes les associations de défense de l’environnement.
Depuis le Grenelle de l’environnement, on fait l’effort, dans tous les domaines qui touchent à la législation de l’environnement, de rapprocher les points de vue des parties prenantes. Il me semble que c’est une bonne méthode. J’ai l’occasion de m’y consacrer en votre nom, puisque je suis l’un des trois représentants du Sénat qui siègent au Conseil national de la transition écologique. Dans ce cadre, Mme la ministre de l’écologie m’a demandé de piloter une commission restreinte qui s’efforce, avant qu’une mesure de ce type ne soit adoptée, de rapprocher les points de vue.
Je tiens à vous dire que nous sommes parvenus à faire accepter par les associations de défense de l’environnement une bonne partie des mesures de simplification, qui ne seront donc pas remises en cause. En revanche, le raccourcissement du délai de recours à deux mois se heurtera à de sérieuses objections.
Ce délai de recours n’est pas un fétiche. En effet, il faut prendre en compte le fait qu’une multitude d’installations classées sont autorisées et qu’une grande majorité d’entre elles le sont désormais sans enquête, après un simple enregistrement. La connaissance réelle de ces projets par le public est donc très incomplète et très inégale. (M. Roger Karoutchi proteste.)
Cher collègue, le Grenelle de l’environnement était une idée formidable, mais il ne faut pas qu’elle débouche sur de fausses promesses ! Tout le monde s’est assis autour de la table et on a décidé de rechercher un consensus entre les parties prenantes : si on l’oublie ensuite, les conséquences peuvent être négatives.
Je me permets donc de vous suggérer de prendre en compte cet équilibre entre les différentes préoccupations. Franchement, un délai de recours de quatre mois ne provoquera pas de réactions, un délai de deux mois en provoquera !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. La raison commande d’aller vers un délai de deux mois. (Marques d’assentiment sur les travées de l’UMP.)
Cela présenterait l’avantage d’harmoniser les délais de procédure. Dans ce pays, nous avons beaucoup trop de délais différents, que ce soit en procédure pénale, en procédure civile ou en procédure administrative. En général, le délai de recours est de deux mois en droit administratif.
Il appartient au législateur de prendre ses responsabilités. Nous ne pouvons pas vivre sous la dictature de certaines associations ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Il en est qui jouent un rôle utile et nécessaire, mais d’autres n’ont pour objet que de tout bloquer ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Puisque vous avez voulu faire passer ce texte en procédure accélérée, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas être contre l’accélération des procédures ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Voilà !
M. Jacques Mézard. Faites un geste, je vous assure que nous y serons tous sensibles ! Nous en avons assez de ces délais et de ces recours qui s’accumulent...
En matière d’urbanisme et d’environnement, les délais sont parfois de sept, huit, neuf ou dix ans. Voilà comment on bloque le développement de l’économie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Il est vrai que le débat n’avance pas bien vite,...
Mme Nicole Bricq. Pas vraiment, non !
M. Jean Bizet. ... mais ces questions sont éminemment importantes.
Je tiens, tout d’abord, à remercier la commission spéciale et Mme le rapporteur de l’avis de sagesse très appuyé qu’elle a émis sur ces deux amendements identiques, celui de Michel Raison et le mien.
Pour reprendre l’analyse du président Mézard, je crois qu’il faut s’efforcer d’harmoniser l’ensemble des délais de recours.
J’ai bien entendu les remarques et les précisions formulées par Alain Richard, mais je vous rappelle que deux plus six égale huit ! (M. Roger Karoutchi opine.)
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. À peu près... (Sourires.)
M. Jean Bizet. Le délai total est donc de huit mois.
Voilà mon principal argument : nous avons pour objectif d’approfondir ce que l’on appelle le marché intérieur, lequel désigne, selon l’approche communautaire, l’ensemble des vingt-huit États membres, et essentiellement la France et l’Allemagne.
Or, quand on regarde du côté de nos amis allemands, on s’aperçoit que le différentiel de réactivité est à leur avantage. La conséquence en est une compétitivité de l’industrie et de l’agriculture bien supérieure à celle de la France.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je ne retirerai pas mon amendement, et ce d’autant moins qu’il a reçu un soutien appuyé de Mme le rapporteur.
Monsieur le ministre, vous étiez moins frileux en début de séance, et j’aurais pu moi-même déposer cet amendement, au demeurant bien timide, si j’avais eu peur que le mien ne soit rejeté.
M. Jean-Claude Lenoir. Un amendement « petit bras » !
M. Michel Raison. Ces « bonnes » associations, monsieur Richard, je les respecte ! Étant de bonne humeur, j’ai décidé, vous le voyez, d’être diplomate (Sourires.),…
M. Alain Richard. Ce n’est pas moi qui ai fait le Grenelle !
M. Michel Raison. ... mais je remarque que le respect en la matière est rarement réciproque !
À de nombreuses occasions en effet, dans mon département et ailleurs, j’ai pu constater que certaines associations ne respectaient pas les chefs d’entreprise.
M. Alain Richard. Il faut le dire à Jean-Louis Borloo !
M. Michel Raison. Je pense aux chefs d’entreprise qui ont du mal à s’endormir le soir parce qu’ils ne sont pas certains de pouvoir honorer leurs échéances, qui hypothèquent parfois leur maison et qui prennent des risques !
Et ces associations, qui bénéficient de diverses subventions versées par les collectivités, se permettent de les assigner devant le tribunal administratif, les plongeant ainsi dans les difficultés et l’angoisse !
Je veux bien que l’on soit gentil, mais il y a tout de même des limites ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce que vous voulez dire, en fait, c’est que vous vous êtes trompés !
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Une fois n’est pas coutume, monsieur le ministre, je plaiderai pour le délai de quatre mois. Deux mois sont certes suffisants pour que des associations, d’ores et déjà mobilisées, fassent un recours. Elles sont prêtes ! (M. Roger Karoutchi opine.) Pour la population, en revanche, c’est différent. (M. Roger Karoutchi fait une moue dubitative.) Je vous fais part de mon expérience, monsieur Karoutchi ! Elle vaut ce qu’elle vaut, mais c’est mon témoignage.
Pour des projets d’urbanisme lourds ou du type de ceux dont nous débattons – une autorisation pour une installation ICPE n’est pas aussi ordinaire qu’un permis de construire ! –, on s’aperçoit que le délai est vite passé, notamment dans les collectivités qui souhaitent procéder à une information la plus large possible. Il faut le temps de recevoir le dossier, de diffuser une information municipale aux habitants, d’organiser éventuellement une réunion d’information...
Je ne crois pas que monter un projet dans la précipitation pour éviter les contestations de ceux qui « posent problème » soit la bonne méthode pour le faire accepter et adopter.
Tout compte fait, dans ce cas, deux mois, c’est trop court. Quatre mois, en revanche, c’est équilibré.
Que cette position soit de repli ou non, peu importe... Par rapport à la situation antérieure, la présente proposition représente un gain de temps et permet de donner satisfaction. Ce juste équilibre permettrait de « mettre dans le coup » toute la population. Encore une fois, je parle non des associations, mais de l’ensemble de nos concitoyennes et de nos concitoyens. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. J’entends bien les préoccupations essentielles qui s’expriment dans ce débat.
Ainsi, Alain Richard plaide pour l’équilibre. Mais cet équilibre est-il toujours respecté ?
Voilà quinze jours, j’inaugurais chez M. de Raincourt un méthaniseur agricole. Ce projet, qui, je le rappelle, relève de la transition énergétique et des énergies renouvelables, a nécessité 5 millions d’euros d’investissement, et il a fallu six ans pour le réaliser !
Toujours dans le cadre de la transition énergétique, j’essaie actuellement d’installer les 600 éoliennes dont la Bourgogne a, au minimum, besoin. Cela prendra dix ans !
Je ne sais pas pourquoi il faudrait être encore plus magnanime en accordant un délai supplémentaire à des associations qui, elles, ne nous laissent aucun répit et vont jusqu’au bout des limites prévues par la loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Je soutiens ce texte et votre démarche, monsieur le ministre, car il faut faciliter les projets, soutenir l’économie et débloquer les rouages grippés de notre pays. Mais il nous faut aussi envoyer un signe fort aux territoires et aux acteurs du monde rural, pour leur montrer que l’on peut aller plus vite et avoir de meilleurs résultats encore ! Je me prononcerai donc en faveur du délai de deux mois. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je le dis par expérience, le délai de deux mois est suffisant.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Claude Kern. En effet, plus les délais sont longs, plus les recours abusifs sont nombreux.
Et ce n’est pas parce que le délai sera de deux mois, madame Didier, que l’on oubliera les habitants : eux aussi auront largement le temps de réagir.
Les maires n’attendent pas d’obtenir le permis pour informer la population : ils le font toujours en amont, pour que les habitants soient associés à des projets qui, à défaut, n’aboutiraient jamais.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Vous venez de nous expliquer, monsieur le ministre, qu’il fallait raccourcir les délais pour en quelque sorte libérer l’activité et redonner du souffle à notre économie.
En réalité – je le précise à l’attention de Mme Didier –, il s’agit ici d’un délai non pas de deux mois, mais bien de six mois plus deux mois, au lieu de six mois plus quatre mois. Les collectivités auront donc en fait huit mois devant elles.
Si la population et les associations n’ont pas trouvé de base pour un recours dans ce délai de huit mois, pourquoi ne pas alors leur laisser encore deux ou trois ans ?... À un moment, il faut bien fixer une limite !
Si vous deviez soutenir, monsieur le ministre, que votre proposition a davantage de sens que le délai de huit mois, cela signifierait que vous voulez en fait freiner les choses, par opposition à la commission spéciale qui, elle, souhaite encourager la croissance !
À votre place, je retirerais donc mon amendement ou, à défaut, j’émettrais un avis de sagesse sur les amendements soutenus par la commission spéciale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. le ministre sourit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous le dis pour éviter tout malentendu : sans le ministre qui vous parle, monsieur Karoutchi, vous cumuleriez encore les procédures et on ne se poserait pas la question des délais !
M. Roger Karoutchi. Nous ferons ériger une statue à votre effigie dans la cour du Sénat ! (Sourires.)
M. Jean Bizet. N’ayez pas peur de Ségolène, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous ai indiqué quel était le résultat de l’arbitrage gouvernemental et vous ai invités à retirer ces amendements. Mais si tel ne devait pas être le cas, comme cela semble ressortir du présent débat, je m’en remettrais à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 534 rectifié et 850 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 26, et l’amendement n° 1703 n’a plus d’objet.
Article 26 bis
(Non modifié)
La seconde phrase de l’article L. 515-27 du code de l’environnement est supprimée. – (Adopté.)
Article 26 ter
(Non modifié)
L’article L. 515-27 du code de l’environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’affichage des avis d’ouverture d’enquête publique, pour les installations d’élevage soumises à autorisation, ou de consultation du public, pour les installations soumises à enregistrement, est réalisé dans les mêmes conditions de forme que celles prévues par le code de l’urbanisme pour l’affichage du permis de construire.
« Pour les installations d’élevage soumises au régime de l’enregistrement, l’affichage est réalisé à partir de la réception du dossier complet et régulièrement constitué. »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.
M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 26 ter dont nous allons débattre complète l’article L. 515-27 du code de l’environnement.
Cet article prévoit d’apporter une réponse aux exploitants agricoles qui, lorsqu’ils envisagent de créer une installation d’élevage, sont confrontés à des normes de plus en plus nombreuses.
L’objectif de simplification des autorisations pour les installations d’élevage qui, au demeurant, peut sembler louable, n’est en fait qu’une mesure supplémentaire de libéralisation de l’économie, au détriment de l’environnement.
Si elles sont nombreuses et parfois pénalisantes, les contraintes réglementaires sont aussi issues d’un besoin de régulation des activités agricoles. Les réduire à une somme de contraintes serait pour le moins simpliste.
Permettez-moi de parler de la situation de ma région, la Bretagne.
La filière agricole bretonne représente 7 % de la surface agricole française, mais 50 % des élevages de porcs, 50 % des élevages de volailles et 30 % de ceux de bovins ! Les mesures d’allégement de la réglementation applicable aux agriculteurs sont donc particulièrement attendues dans cette région, mais pas au détriment de la protection de l’environnement.
Les actions menées localement sont souvent source d’enseignement, par la qualité tant de la concertation mise en œuvre que des actions concrètes qui peuvent en découler.
Je profite de cette prise de parole sur l’article 26 ter pour évoquer la réussite d’une réflexion collective en matière de protection d’un écosystème dans le cadre d’une démarche de bassin versant sur la commune de Locoal-Mendon.
La ria d’Etel, bras de mer situé entre Auray et Lorient, dans le Morbihan, est alimentée par un grand versant en eau douce qui fournit les éléments nutritifs nécessaires au plancton. Celui-ci nourrit les 300 tonnes d’huîtres creuses produites, chaque année, par cinquante entreprises conchylicoles.
Ce sont 400 exploitations agricoles à dominante « élevage », des industries agroalimentaires et des entreprises de transformation qui participent à l’activité agricole et agroalimentaire de ce territoire.
Pour toutes ces raisons, la qualité de l’eau est essentielle. En dépendent la qualité sanitaire des coquillages et le classement des zones conchylicoles, car les bactéries peuvent être transmises par les déjections humaines ou animales. La qualité de l’assainissement et des pratiques agricoles est donc fondamentale.
Ce besoin de régulation a donné naissance à un travail de concertation absolument nécessaire entre tous les acteurs – élus, professionnels, consulaires et associations –, piloté par la chambre d’agriculture. Une quarantaine de personnes ont ainsi échangé, afin de concrétiser un plan d’action commun pour la préservation de la qualité de l’eau.
Cet exemple illustre bien la complexité, sur le terrain, de la protection de notre environnement et la nécessité de ne pas précipiter le chantier de la simplification des normes agricoles.
Je suis certain, mes chers collègues, que vous appréciez les huîtres de qualité, avec ou sans vin blanc... (Sourires.)
Mme Sophie Primas. Avec !
M. Michel Le Scouarnec. Joël Labbé nous en a fait servir il y a peu ! (Nouveaux sourires.)
La modification réglementaire proposée dans cet article 26 ter conduit à dispenser la création, l’extension ou le regroupement des élevages de la réalisation d’une étude d’impact et d’enquête publique. Ainsi, pour les installations soumises à enregistrement, l’affichage serait considéré comme réalisé dès la réception du dossier complet.
Si les normes doivent prendre davantage en compte les spécificités territoriales, il serait hasardeux de succomber à la tentation de la simplification.
L’inflation normative en agriculture est une préoccupation légitime que le Gouvernement et les parlementaires se doivent de prendre en compte. Il est nécessaire et possible de simplifier le droit de l’environnement sans toutefois réduire son niveau d’exigence.
Réformer le droit de l’environnement et l’adapter aux enjeux d’une économie nouvelle est possible, mais sans rabotage !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 26 ter.
(L’article 26 ter est adopté.)
Article 27
L’ordonnance n° 2014-356 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’un certificat de projet est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 1er est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ou Franche-Comté » sont remplacés par les mots : « , Franche-Comté ou d’Île-de-France » ;
b) Il est ajouté un 5° ainsi rédigé :
« 5° Dans la région d’Île-de-France : les projets de création ou d’extension de locaux ou d’installations, y compris d’installations relevant du même titre Ier, lorsqu’ils présentent un intérêt majeur pour l’activité économique, compte tenu du caractère stratégique de l’opération concernée, de la valeur ajoutée qu’elle produit, de la création ou de la préservation d’emplois qu’elle permet ou du développement du territoire qu’elle rend possible. » ;
2° L’article 7 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – dans la région d’Île-de-France, le premier jour du deuxième mois suivant la date de promulgation de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. » ;
b) Au dernier alinéa, le mot : « quatre » est supprimé.
Mme la présidente. L'amendement n° 993, présenté par M. Collomb, Mme Schillinger, MM. Boulard et Patriat et Mme Guillemot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
, Franche-Comté ou d'Île-de-France
par les mots :
, Franche-Comté, d'Ile-de-France ou Rhône-Alpes
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Dans la région Rhône-Alpes : les projets de création ou d’extension de locaux ou d’installations, y compris d’installations relevant du même titre Ier, lorsqu’ils présentent un intérêt régional majeur pour le développement des transports ferroviaires ou lorsqu'ils sont liés à telle opération. » ;
III. - Alinéa 8
Remplacer les mots :
dans la région d'Île-de France,
par les mots :
dans les régions d'Île-de-France et Rhône-Alpes,
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. L’amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 212 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 8
Après les mots :
région d’Île-de-France
insérer les mots :
ainsi que dans les régions définies par décret en Conseil d’État qui souhaitent en faire l’expérimentation
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’amendement est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise à étendre le dispositif du certificat de projet à toutes les régions définies par décret en Conseil d’État qui souhaitent en faire l’expérimentation. Cette généralisation étant prématurée, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 212 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 212 rectifié est retiré.
L'amendement n° 450, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
l’activité économique
par les mots :
le développement durable
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’article 27 prévoit d’étendre le dispositif du certificat de projet à la région d’Île-de-France. Par ce document, le préfet de département s’engage auprès du porteur de projet sur les procédures auxquelles le projet sera soumis et sur les délais dans lesquels les décisions relevant de la compétence de l’État seront rendues. Il s’agit là encore, comme pour l’autorisation unique, d’un gage de visibilité indéniable.
Nous proposons que cet outil soit réservé aux projets présentant un intérêt majeur pour le développement durable, et pas uniquement pour l’activité économique. Le but est le même : faciliter le développement de ces installations dès lors qu’elles sont créatrices d’emplois, qu’elles favorisent la cohésion sociale et qu’elles préservent l’environnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement. Il s’agit avant tout de promouvoir l’activité économique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous voulons tous favoriser la création d’emplois, mais si nous ne sommes pas attentifs à l’environnement, il y aura un effet boomerang ! On ne peut pas continuer à engendrer des pollutions, à ne pas respecter les Grenelle de l’environnement.
Dans les colloques, on s’engage à faire attention à l’environnement, à préserver les terres agricoles, les forêts, mais lorsque vient le moment de prendre des décisions, seule l’activité économique importe ! Il faut en finir avec les doubles discours !
Bien sûr, il faut prendre en compte l’activité économique, mais il est nécessaire, dans le même temps, de préserver l’environnement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je partage l’agacement de notre collègue Jean Desessard. On parle volontiers de développement durable, mais, au moment de passer aux actes, il n’y a plus grand monde !
Je suggère à M. Desessard de rectifier cet amendement pour ajouter, après les mots « l’activité économique », qui seraient ainsi maintenus, les mots « et le développement durable ». Ces deux dimensions ne doivent pas être opposées ; elles doivent au contraire être placées sur le même plan.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur Desessard, acceptez-vous de rectifier l’amendement en ce sens ?
M. Jean Desessard. Cette suggestion est si sympathique que je serais tenté de l’accepter, mais la notion de développement durable recouvre à la fois le champ économique, la promotion de la cohésion sociale et la préservation de l’environnement. Le développement durable n’est en aucun cas exclusif de l’activité économique. La définition même de ce concept m’empêche de rectifier l’amendement dans le sens que vous souhaitez, madame David.
Mme Annie David. Pas de problème !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 27, modifié.
(L'article 27 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 27
Mme la présidente. L'amendement n° 451, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 1382 du code général des impôts est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Les parties d’une installation hydroélectrique destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique et qui ne concourent pas à la production d’électricité. ».
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 451 est retiré.
L'amendement n° 452, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les projets d’installations de production hydroélectrique soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement sont autorisés par arrêté préfectoral, dénommé « autorisation unique ».
II. – Cette autorisation unique vaut :
1° Autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, y compris pour l’autorisation de prélèvement d’eau pour l’irrigation délivrée à un organisme unique en application du 6° du II de l’article L. 211-3 du même code ;
2° Permis de construire au titre de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme ;
3° Autorisation spéciale au titre des réserves naturelles nationales, relevant des dispositions des articles L. 332-6 et L. 332-9 du code de l’environnement ;
4° Autorisation au titre des sites classés ou en instance de classement, relevant des dispositions des articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l’environnement ;
5° Autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier ;
6° Dérogation au titre du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Les installations hydroélectriques sont soumises à de nombreuses réglementations au regard de la protection de l’environnement : autorisation au titre de la loi sur l’eau, autorisation spéciale au titre des réserves naturelles nationales, autorisation de défrichement, dérogation en ce qui concerne les espèces protégées…
Dans le cadre d’une expérimentation voulue par le Gouvernement et qu’il convient de saluer, ces autorisations ont été réunies selon une seule et même procédure, celle des IOTA – les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la loi sur l’eau –, débouchant sur une décision d’autorisation environnementale unique, délivrée par le préfet.
Le code de l’urbanisme prévoit que les installations hydroélectriques sont également soumises à l’obtention d’un permis de construire qui fait l’objet d’une procédure dédiée. Ce permis est délivré par arrêté préfectoral, alors que, pour la plupart des autres IOTA, il l’est par arrêté municipal.
En d’autres termes, pour les installations hydroélectriques, le préfet délivre à la fois l’autorisation unique et le permis de construire. Puisque le préfet joue ces deux rôles, nous proposons, dans un objectif de simplification, que le permis de construire soit inclus dans le champ de l’autorisation unique.
Nous proposons également de sortir du cadre de l’expérimentation et de généraliser cette autorisation unique. Pour autant, il n’est pas question de s’exonérer des règles en vigueur pour la protection de l’environnement. Il s’agit exclusivement d’une simplification des procédures, sans modification des règles.
L’hydroélectricité est une forme d’énergie propre et durable qui doit être soutenue par le législateur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. À lire l’exposé des motifs de cet amendement, dans la mesure où le permis de construire est délivré par l’État, il serait simple de l’intégrer dans le dispositif. Or il n’en est pas toujours ainsi. C’est bien pour des questions de compétences que le dispositif de l’autorisation unique ne prévoit pour l’heure qu’une simple articulation avec le permis de construire, et non l’intégration pure et simple de celui-ci.
Pour cette raison, à moins que le Gouvernement n’ait une solution à proposer pour résoudre ce problème d’articulation avec les pouvoirs des maires, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Vous l’aurez compris, ma chère collègue, ce n’est pas une opposition de principe, mais il nous faut élaborer un dispositif qui ne prive pas les élus locaux de leur pouvoir de décision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Aïchi, l'amendement n° 452 est-il maintenu ?
Mme Leila Aïchi. Oui, madame la présidente !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 452.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 27 bis
I (Non modifié). – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le I de l’article L. 514-6, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Les décisions concernant les installations de production d’énergie renouvelable peuvent être déférées à la juridiction administrative :
« 1° Par les demandeurs ou les exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où lesdites décisions leur ont été notifiées ;
« 2° Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, dans un délai de deux mois à compter de la publication desdites décisions. » ;
2° L’article L. 553-4 est abrogé.
II (nouveau). – Au II de l’article 17 de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, les mots : « le premier alinéa de l’article L. 512-15 et l’article L. 553-4 du code de l’environnement » sont remplacés par les mots : « et le premier alinéa de l’article L. 512-15 du code de l’environnement ».
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Cet article a trait aux installations de production d’énergie renouvelable.
Une fois n’est pas coutume, j’illustrerai mon propos par l’exemple d’une commune de mon département, qui met en évidence les problèmes de délais que l’on peut rencontrer pour la création d’une unité de production d’énergie renouvelable.
Locminé, dans le Morbihan, avait décidé de faire de ses déchets une ressource. Cette volonté s’était traduite par un projet de transformation des résidus issus de l’agriculture ou de l’agroalimentaire en chaleur, en électricité à partir du biogaz et en carburant.
Ce projet ambitieux engagé en 2010, qui devait permettre de chauffer 4 000 habitations et l’ensemble des équipements sportifs et culturels de la commune, combinait la méthanisation et le bois pour produire de l’énergie verte à partir de 5 millions de mètres cubes de biogaz. Du fait de contraintes administratives et de délais d’obtention d’autorisation trop longs, il a pris du retard. Un des acteurs qui devaient construire l’unité de méthanisation a jeté l’éponge, arguant de la lourdeur et de la complexité du financement du projet. Cette situation a suscité des inquiétudes d’autant plus vives que les attentes étaient très fortes et qu’il s’agissait d’un projet de grande ampleur.
Il existe des initiatives locales ambitieuses et pertinentes, mais celles-ci se heurtent, hélas, à une mécanique administrative lourde, à des délais excessifs de traitement des dossiers. Cela s’explique peut-être par le fait que les services administratifs concernés manquent de moyens humains.
Toutefois, il ne faut pas confondre simplification et dégradation. L’harmonisation des délais de recours doit s’inscrire dans le nécessaire débat sur le renforcement de la participation du public aux projets d’aménagement. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 23 est présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 193 rectifié bis est présenté par MM. de Nicolaÿ, Bignon, Cadic, Calvet et Charon, Mme Deseyne et MM. Détraigne, Gilles, Laménie, Legendre, Pierre, de Raincourt et Vogel.
L'amendement n° 647 rectifié est présenté par M. Jarlier, Mme Loisier, M. D. Dubois, Mme Gatel et MM. Roche, Guerriau et L. Hervé.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 23.
Mme Marie-France Beaufils. L’article 27 bis harmonise les différents délais de recours concernant les installations de production d’énergie renouvelable en les alignant sur le délai de recours de droit commun de deux mois à compter de la publication de l’autorisation, quelle que soit la décision attaquée.
Cet article vise en outre à supprimer l’article L. 553-4 du code de l’environnement, qui détermine les délais dérogatoires introduits par la loi Grenelle II pour les autorisations d’installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE, en particulier celles qui concernent les éoliennes. Comme vous le savez, dans ce cas, l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de la législation relative aux ICPE est assortie d’un délai de recours de six mois à compter de la publication ou de l’affichage de la décision.
Cette mesure participe de la logique du texte, qui tend à promouvoir une simplification au stade du projet et de sa contestation en justice. Nous considérons que si l’insécurité juridique qui entoure de tels projets est un vrai problème, il n’en demeure pas moins que les projets visés ont un impact durable sur les territoires. Il est donc nécessaire de renforcer d’abord la participation du public à l’élaboration de ces projets d’aménagement et d’équipement.
Le délai de deux mois peut se révéler d’autant plus court que les citoyens ne sont parfois guère informés des autorisations administratives visées. Il est donc nécessaire de prévoir un délai suffisant pour la consultation des citoyens, de sorte que le projet puisse prospérer et être moins attaqué. En se donnant du temps, on est plus efficace pour l’avenir !
Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour présenter l’amendement n° 193 rectifié bis.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Après avoir longuement discuté tout à l’heure des délais de recours pour les ICPE, nous abordons maintenant la question des délais de recours pour les projets d’installations de production d’énergie renouvelable, en particulier d’éoliennes.
Comme l’a dit notre collègue Alain Richard, il a été difficile, lors du Grenelle de l’environnement, de trouver un équilibre pour faire accepter les énergies renouvelables à la population, notamment à la population rurale, qui est très méfiante. Si les communes qui accueillent des éoliennes sur leur territoire touchent de l’argent de ce fait, tel n’est pas le cas des communes voisines…
Je rappelle que les Länder allemands ont porté à 1,5 kilomètre la distance minimale entre une éolienne et une habitation. On ne peut pas invoquer l’exemple de l’Allemagne quand cela permet d’appuyer l’argumentation et l’ignorer dans le cas contraire !
Les éoliennes posent un problème très sensible pour nos paysages. Un bon équilibre, me semble-t-il, avait pu être trouvé lors du Grenelle de l’environnement en fixant le délai de recours à six mois. Je souhaite qu’il soit préservé et que l’article 27 bis soit donc supprimé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l'amendement n° 647 rectifié.
Mme Anne-Catherine Loisier. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces trois amendements visent à supprimer l’article 27 bis, qui a été introduit par l’Assemblée nationale sur l’initiative de Denis Baupin, député du groupe écologiste. Il vise à harmoniser les différents délais de recours des tiers pour les projets d’installations de production d’énergie renouvelable en les alignant sur le délai de recours de droit commun de deux mois, au lieu de six mois pour les éoliennes terrestres et d’un an pour toutes les autres ICPE.
En commission spéciale, je m’étais prononcée en faveur de cette harmonisation des délais, car elle permettrait de réduire l’incertitude juridique des projets et serait cohérente avec le principe d’une autorisation unique.
Cela étant, nos débats ont mis en lumière des risques de carence démocratique et de précipitation, alors que les effets de l’implantation de telles installations ne sont pas forcément visibles immédiatement. Toutefois, ayant bien conscience qu’il s’agit de mettre en œuvre une simplification nécessaire au développement des énergies renouvelables et qu’il est utile que les bons projets puissent avancer plus vite, je m’en remettrai, au nom de la commission spéciale, à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Pour ma part, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
On l’a vu, la réduction des délais de recours est un sujet important. L’article 27 bis prévoit de réduire à deux mois les délais de recours pour toutes les installations de production d’énergie renouvelable, qu’il s’agisse d’ICPE ou d’IOTA relevant de la loi sur l’eau.
La réduction des délais de recours à deux mois est déjà prévue dans le cadre des expérimentations qui, pour les installations de production d’énergie renouvelable, vont être étendues à la France entière par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont les dispositions entreront en vigueur avant celles du présent texte.
Le décret du 2 mai 2014 relatif à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement et l’article 24 du décret du 1er juillet 2014 d’application de l’ordonnance du 12 juin 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement fixent les modalités de recours de manière plus complète et précise, s’agissant en particulier des mesures de publicité de l’autorisation.
Le sujet des délais de recours est également traité par un groupe de travail ayant été mis en place dans le cadre de la modernisation du droit de l’environnement.
Toutefois, lors des débats à l’Assemblée nationale, une majorité de députés ont souhaité prévoir dès à présent que le délai de recours serait réduit pour les installations contribuant au développement des énergies renouvelables. Il me semble que c’est d’ailleurs tout à fait cohérent avec le débat que nous venons d’avoir…
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Emmanuel Macron, ministre. … et avec la démarche qui est la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs. Je ne vois donc pas pourquoi on reviendrait en arrière sur ce point particulier.
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. En parfaite cohérence avec les propos que j’ai tenus tout à l’heure, je soutiens la position de M. le ministre.
Avoir classé les éoliennes parmi les ICPE est une forfaiture. En quoi les éoliennes menacent-elles la sécurité, l’environnement ?
Par ailleurs – je m’étais entretenu de cette question avec notre regretté collègue et ami Jean Germain –, dans aucun pays européen, pas même en Allemagne, la distance minimale entre une éolienne et une habitation n’a été fixée à un kilomètre ou davantage. J’ai vérifié ce point.
Enfin, monsieur de Nicolaÿ, quand des éoliennes sont implantées sur le territoire d’une commune, celle-ci n’est pas seule à toucher de l’argent : si elle perçoit 10 % du montant versé à ce titre, l’intercommunalité en reçoit 50 %.
M. Roland Courteau. Exact !
M. François Patriat. Les départements bénéficient également d’une partie de cette recette, au contraire des régions. Je ne défends donc pas ici les intérêts de l’échelon régional.
Dans une petite intercommunalité de vingt-cinq communes que je connais bien, les revenus liés à l’implantation d’éoliennes permettent de faire fonctionner le centre social et de financer l’ensemble de l’action en faveur de la petite enfance !
Le projet de transition énergétique représente, pour ma région, 2 milliards d’euros d’investissements et 15 millions d’euros de retombées annuelles, en termes de fiscalité, pour des communes essentiellement rurales. À l’heure où les dotations aux collectivités territoriales ne cessent de baisser et où l’on souhaite porter à 20 % ou à 22 % la part des énergies renouvelables dans notre pays, je ne comprends pas que l’on veuille durcir les règles pour l’implantation des éoliennes !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. L’intervention de M. Patriat me permettra d’être bref. M. le ministre a bien expliqué qu’il n’y avait pas de raison que les délais de recours soient plus longs pour certains projets d’installations, notamment pour les éoliennes, alors qu’il a été dit qu’un délai de deux mois était suffisant. Il faut être cohérent !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23, 193 rectifié bis et 647 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 27 bis est supprimé.
Article 27 ter (nouveau)
Le I de l’article L. 514-6 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les recours exercés au titre des articles L. 512-1 et L. 512-7 visant des installations d’élevage sont conditionnés à l’émission d’observations par le requérant dans le cadre de la consultation du public prévue aux articles L. 512-2 et L. 512-7-1. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 24 est présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1515 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Abate, pour présenter l’amendement n° 24.
M. Patrick Abate. L’article 27 ter, inséré par la commission spéciale, porte sur les recours contentieux visant les installations d’élevage. De tels recours ne pourraient être introduits que si le requérant a émis des observations dans le cadre de la consultation du public prévue par la législation.
Cette disposition, qui tend à prévenir les recours « abusifs », soulève de fortes objections sur le plan juridique, du point de vue du respect tant des règles constitutionnelles que de la réglementation en matière d’accès à l’information, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement. Elle apporte des restrictions à la démocratie qui justifient pleinement le dépôt d’un amendement de suppression par notre groupe.
Nous considérons en outre que ce sujet, à savoir la place de l’agriculture dans l’économie de notre pays et dans la société aux regards des enjeux environnementaux, mérite d’être traité autrement que par le biais d’une approche douteuse, au détour de l’examen d’un texte qui ressemble un peu à un fourre-tout.
La société agricole et rurale traverse une crise profonde, qui s’est manifestée violemment au cours des derniers mois, en particulier dans les urnes lors des élections municipales, européennes et départementales.
Il faut selon nous apporter des solutions permettant d’échapper à la logique du productivisme à tout crin et étudier, filière par filière, comment il est possible d’améliorer la situation, particulièrement dans les secteurs porcin et avicole, de sortir de la crise, de coordonner correctement l’action publique avec celle du monde syndical paysan, afin de préserver les emplois et de stopper le saccage des territoires ruraux, tout en respectant l’environnement.
Nous défendrons tout à l’heure d’autres amendements relevant de la même philosophie.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 1515.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais retirer cet amendement, madame la présidente, pour me rallier à celui que vient de présenter M. Abate, non parce que je souscris à l’intégralité des arguments qu’il a avancés – ce serait alors de ma part manquer de cohérence –, mais parce que j’arrive à la même conclusion que lui par une démarche autre, visant à préserver nos exigences en matière à la fois de protection de l’environnement et de participation démocratique, tout en simplifiant la vie des gens. En la matière, la précipitation n’est pas de bonne méthode.
L’article 27 ter prévoit de réserver la possibilité d’introduire des recours contre des installations d’élevage aux personnes ayant présenté des observations dans le cadre de la consultation du public préalable. Il ne me semble pas raisonnable de limiter le droit au recours, comme le fait cet article en créant un biais en faveur de celles et ceux qui auront formulé des observations au cours de la consultation du public préalable. Ce serait là à mon sens une erreur. Je suis favorable à une simplification raisonnée de notre droit, mais pas à la suppression de droits ou à une réduction des exigences. (M. Michel Le Scouarnec s’exclame.) Nous sommes en désaccord sur ce point, je le sais. En ce qui me concerne, je suis pour les droits réels, monsieur le sénateur.
Depuis tout à l’heure, nous n’avons supprimé ou allégé aucun droit, aucune exigence environnementale ; nous avons seulement procédé à des simplifications. Si nous adoptions l’article 27 ter tel qu’il est rédigé, nous amoindririons le droit au recours pour certains requérants.
Cette mesure a été examinée par le groupe de travail sur le contentieux environnemental réuni dans le cadre des travaux de modernisation du droit de l’environnement – je parle sous le contrôle de M. Alain Richard –, qui l’a jugée inopportune pour les mêmes raisons.
Le Gouvernement retire l’amendement n° 1515 et soutient l’amendement de suppression n° 24 déposé par le groupe CRC.
Mme la présidente. L'amendement n° 1515 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 24 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je rappelle à ceux de nos collègues qui ne sont pas membres de la commission spéciale que l’article 27 ter a été introduit dans le texte de celle-ci sur l’initiative de M. Jérôme Bignon.
Cet article prévoit de subordonner la possibilité, pour les tiers, d’introduire un recours en matière d’installations d’élevage à la participation aux phases de consultation du public préalable. L’objectif est double : il s’agit, d’une part, de mieux encadrer les recours abusifs – cette question semble véritablement cruciale en matière d’installations d’élevage –, et, d’autre part, de garantir une plus grande effectivité des procédures de participation du public.
Ce dispositif lui paraissant doublement vertueux, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 24.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. On peut comprendre la tentation de ne permettre qu’à certaines personnes de saisir le juge, en raison soit de leur « flair », soit de la capacité d’initiative dont elles auront fait preuve au cours de la procédure de consultation publique, soit encore des informations qu’elles auront obtenues à cette occasion.
Quoi qu’il en soit, notre débat montre que chacun a ses projets favoris. Certains d’entre nous sont tentés de défendre des projets qu’ils considèrent comme bons ; ils soutiennent alors qu’il devrait être plus difficile de les contester. À l’inverse, une autre partie de l’hémicycle estimera que ces mêmes projets sont fâcheux et qu’il convient par conséquent de pouvoir les contester plus facilement.
J’étais sans doute absent lorsque cette mesure imprudente a été adoptée en commission spéciale. Il est vrai qu’elle est, malheureusement, proposée par certains juristes. Néanmoins, vous savez tous que les juristes forment une population disparate ! (Exclamations amusées.) Du reste, il faudrait préserver sa biodiversité, cela stimule les débats…
Je vous assure, mes chers collègues, que la première question prioritaire de constitutionnalité qui portera sur les dispositions de l’article 27 ter, si par extraordinaire elles subsistaient dans la loi, remportera un succès garanti.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. On peut certes estimer que cet article conduit à une limitation du droit au recours, mais nous voyons tellement de gens dans nos régions, en particulier en milieu rural, qui exercent un recours contre un projet alors qu’ils ne sont pourtant absolument pas concernés par celui-ci ni liés au territoire… Comment justifier que des personnes habitant à mille kilomètres intentent des recours ? De telles situations sont pénibles, il n’est pas mauvais d’essayer de réguler les choses.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, je ne vois pas du tout en quoi le dispositif de l’article 27 ter limite le droit au recours contentieux. Au contraire, je trouve qu’il conforte les procédures de concertation. Comment l’enquêteur peut-il, en effet, rendre un avis sur un projet si celles et ceux qui ont vocation à s’exprimer ne le font pas au cours de la consultation ?
La rédaction proposée me semble donc parfaitement bienvenue, car elle crédibilise toutes les procédures en amont, ce qui va dans le sens d’une plus grande transparence.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Notre collègue Alain Richard a très bien expliqué comment le dispositif de cet article constituait une restriction des possibilités de recours.
Mme la rapporteur a évoqué la nécessité de prévenir les recours abusifs. Or de tels recours peuvent être engagés par des personnes ayant participé à la consultation du public préalable. Par conséquent, avec cet article, on limite non pas les recours abusifs, mais le nombre des personnes susceptibles d’introduire un recours, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Par ailleurs, M. Genest a dénoncé le fait que certaines personnes engagent des recours alors qu’elles ne vivent pas sur le territoire où doit être réalisé le projet. Mais la portée de certains projets de fermes quasiment industrielles, regroupant mille vaches ou dix mille truies, excède le cadre de l’environnement immédiat ! Il s’agit alors du projet de société, du type d’économie, du mode de développement agricole que nous voulons, de notre modèle d’alimentation, de notre rapport à l’animal ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Eh oui, mes chers collègues ! Cela concerne l’ensemble de nos concitoyens, et pas seulement les personnes habitant à proximité du lieu d’implantation du projet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, le recours abusif est devenu une industrie dans notre pays, notamment en matière d’urbanisme. Des gens intentent des recours à l’évidence infondés à seule fin de bloquer des projets, avec les incidences économiques que cela implique. Eu égard à la longueur des procédures devant les tribunaux administratifs, les entreprises préfèrent transiger pour obtenir le retrait de ces recours, et les requérants touchent alors des centaines de milliers d’euros ! C’est inacceptable !
Si les recours devant les tribunaux administratifs étaient jugés rapidement, il n’y aurait plus aucun problème.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Jean-Pierre Grand. En effet, les auteurs des recours abusifs jouent sur la longueur des délais. Je vous invite à transmettre le message à votre collègue la garde des sceaux, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je suis favorable à la réduction des délais de procédure ainsi qu’à la lutte contre les recours abusifs. Cependant, je crois que la mesure proposée va trop loin et posera à l’évidence des problèmes juridiques si elle est adoptée.
Conditionner la possibilité d’introduire un recours à l’émission d’observations dans le cadre de la consultation du public n’est pas raisonnable sur le plan juridique. Notre collègue Alain Richard l’a très bien dit.
Si je comprends et partage les motivations qui sous-tendent la rédaction de cet article, celle-ci pose un véritable problème de fond au regard des principes de notre droit.
Si le Sénat adopte une telle disposition, il me paraît évident qu’elle ne prospérera pas ! En tout état de cause, cela soulèverait un véritable problème d’ordre constitutionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiendrai la position défendue par la commission spéciale, car elle me semble logique. On ne peut pas prendre en otages celles et ceux qui ont l’audace de prendre des initiatives, et donc des risques. Tout est prévu dans notre droit pour que chacun puisse s’exprimer et formuler des remarques, par exemple dans le cadre des enquêtes préalables. Je trouve logique de fermer la possibilité d’intenter un recours à ceux qui sont restés silencieux durant les procédures de concertation, d’ailleurs beaucoup plus démocratiques en France que dans d’autres pays de l’Union européenne. À cet égard, j’observe qu’il existe un fort besoin d’harmonisation des règles en matière d’instruction des dossiers !
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. J’irai dans le sens des propos tenus par notre collègue Jean-Pierre Grand : les recours abusifs sont un véritable problème en France ! Certains avocats voyous, je n’hésite pas à le dire, se sont fait une spécialité de bloquer des projets, ce qui nuit à l’emploi, à l’économie, voire au développement des territoires ou des quartiers. J’espère que nous pourrons traiter ce problème crucial.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Comme l’a dit M. Desessard, le sujet n’est pas que technique : certains projets mettent en jeu nos choix de société et ce débat mérite d’être élargi au-delà de la seule question de la restriction du droit au recours contentieux.
Cela étant, quel intérêt y aurait-il à mettre en œuvre cette disposition ? Les personnes qui intentent un recours à seule fin de bloquer un projet le feront tout de même ! Il suffira qu’elles participent a minima à la consultation.
J’entends exprimer une vision très libérale au travers de certains propos sur les difficultés que rencontrent les investisseurs, sur la nécessité de leur simplifier la vie en limitant le droit au recours… Sur ces sujets de société, nous n’avons pas le droit de « bricoler » ainsi. Cela n’est ni raisonnable, ni même efficace !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 146 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 192 |
Contre | 147 |
Le Sénat a adopté.
Mme Annie David. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 27 ter est supprimé.
5
Nomination des membres d’une mission d’information
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission d’information sur la commande publique.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Pascal Allizard, Mme Marie-France Beaufils, MM. Alain Bertrand, François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mme Natacha Bouchart, MM. Martial Bourquin, Gérard César, Éric Doligé, Claude Kern, Georges Labazée, Joël Labbé, Jean-Baptiste Lemoyne, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Didier Mandelli, Rachel Mazuir, Robert Navarro, Cyril Pellevat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Jackie Pierre, Daniel Raoul, Mme Sylvie Robert, M. René Vandierendonck membres de la mission d’information sur la commande publique.
6
Dépôt de rapports
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d’une part, le projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018, accompagné de l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur ce projet de programme ; d’autre part, le programme national de réforme.
Acte est donné du dépôt de ces rapports. Ils ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.
7
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 avril 2015, et du projet de loi autorisant la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Colombie et le Pérou, d’autre part, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 avril 2015.
8
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 28.
Article 28
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à supprimer la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles prévue à l’article L. 145-11 du code de l’urbanisme et à prévoir les modalités suivant lesquelles les unités touristiques nouvelles sont créées et contrôlées dans le cadre des documents d’urbanisme ou des autorisations mentionnées au livre IV du même code.
II. – Cette ordonnance est publiée dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.
III et IV. – (Supprimés)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, sur l'article.
M. Patrick Abate. On l’a vu, le droit de l’environnement n’est pas une matière purement technique ; il traduit des choix de société.
Notre responsabilité est de garantir le respect des exigences démocratiques et, à cet égard, recourir aux ordonnances ou engager un débat de fond au détour de l’examen d’une disposition de ce texte nous paraît quelque peu discutable.
Le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances qu’il nous est ici demandé d’accorder au Gouvernement englobe des mesures qui tendent à une simplification des procédures au stade de l’élaboration du projet et de son éventuelle contestation en justice, là où peuvent prospérer les carences démocratiques.
En effet, limiter les possibilités de contester les projets revient à aggraver les inégalités qui existent déjà dans notre pays en matière d’accès à la justice.
Une autre difficulté tient au risque que la simplification ne conduise à un recul du droit de l’environnement.
Comme l’ont souligné certains juristes, la modernisation du droit de l’environnement n’a de sens que si elle préserve la vocation de ce droit, à savoir assurer une protection efficace de notre environnement.
Nous sommes, pour notre part, hostiles à une simplification qui serait synonyme de recul des obligations de chacun et de la protection de l’environnement. Conjuguée à d’autres dispositions du projet de loi, comme la modification des règles applicables en matière d’urbanisme commercial, cette simplification nous fait craindre un important recul de notre droit de l’environnement.
Ces difficultés nous confortent dans l’idée que, sur ces sujets, le Parlement doit pouvoir débattre d’un texte spécifique, et dans des conditions qui lui permettent réellement de le faire.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 25 est présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 453 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 25.
Mme Annie David. La commission spéciale a déjà fort heureusement restreint dans une large mesure le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances prévu par cet article, mais le Gouvernement restera autorisé, s’il est adopté, « à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à supprimer la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles », les UTN.
La rédaction de l’article telle qu’issue des travaux de l’Assemblée nationale, que vous allez dans un instant nous proposer de rétablir, monsieur le ministre, autorisait le Gouvernement à procéder par ordonnances à des modifications d’ampleur du code de l’environnement. On ne peut pas tout à la fois organiser la conférence sur le climat à Paris et permettre au Gouvernement de procéder ainsi.
Par cet amendement, nous voulons donc aller un peu plus loin que Mme la rapporteur en supprimant toute possibilité pour le Gouvernement de légiférer par ordonnances dans le domaine de l’environnement, même en ce qui concerne les seules UTN.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 453.
M. Jean Desessard. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour l’article 28 du projet de loi autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans des domaines très divers : simplification des règles d’urbanisme pour accélérer l’instruction et la délivrance des autorisations, modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets et à la participation du public, accélération du règlement des litiges relatifs aux projets ayant une incidence sur l’environnement.
La commission spéciale a considérablement réduit le champ des habilitations à légiférer par ordonnances, et nous nous en félicitons. Désormais, seules les procédures relatives aux unités touristiques nouvelles pourront être simplifiées par cette voie.
Néanmoins, le Gouvernement souhaite rétablir l’article tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. Sur la forme comme sur le fond, les écologistes, qui sont par principe hostiles au recours aux ordonnances, y sont opposés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. L’avis est défavorable sur ces deux amendements. Ils sont contradictoires avec la démarche qui a été suivie par la commission spéciale et que j’aurai à nouveau l’occasion d’exposer lors de la présentation du sous-amendement n° 1702, qui risque fort de décevoir les auteurs des amendements !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai l’amendement n° 1567 tout en donnant l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 25 et 453.
L’amendement n° 1567 vise à rétablir la rédaction de l’article 28 issue des travaux de l’Assemblée nationale.
En effet, la rédaction adoptée par la commission spéciale n’autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances que des mesures relatives aux unités touristiques nouvelles, ce qui est en deçà de l’ambition initiale du Gouvernement, même si ce sujet est important.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux attirer votre attention sur l’importance de cet article 28, dans le droit fil des discussions que nous avons eues tout à l’heure sur les installations classées pour la protection de l’environnement. En effet, il s’agit de simplifier les procédures sans rien renier de nos exigences en matière environnementale, de participation du public et de traitement des recours, trois dimensions qu’il nous faut articuler avec le temps économique.
Notre débat de cet après-midi démontre pleinement que ce sont là de vrais sujets pour la vie économique. Contrairement à ce que j’ai parfois entendu dire, c’est bien de la croissance, de la possibilité d’entreprendre que nous parlons ici. L’enjeu est donc de garder les mêmes ambitions en matière de protection de l’environnement, de débat citoyen et de droit au recours, tout en s’organisant mieux et en permettant à celles et à ceux qui le veulent d’entreprendre.
J’insisterai sur quatre points clés du projet du Gouvernement.
Le premier point concerne les délais pour les avis et accords nécessaires à la délivrance des autorisations d’urbanisme. Les procédures sont aujourd’hui trop complexes, parfois du fait de l’administration. Le Gouvernement voudrait donc pouvoir encadrer les délais pour les décisions préalables à la délivrance des permis de construire, articuler les procédures liées ou concomitantes, comme cela a été fait, par exemple, pour les autorisations d’exploitation commerciale, moderniser les procédures d’autorisation des unités touristiques nouvelles, aménager les pouvoirs du juge administratif saisi en cas de refus manifestement illégal d’autorisation de permis afin de pouvoir rendre le permis directement valable, en permettant au préfet de se substituer au maire pour délivrer une autorisation en cas de jugement préalable du juge administratif d’annulation de la décision de refus d’autorisation. Ce sont là autant de mesures qui vont dans le sens d’une accélération et d’une simplification des procédures en matière d’autorisations d’urbanisme.
Le deuxième volet a trait à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des plans, programmes et projets.
Il s’agit d’abord de simplifier, en les clarifiant et en les complétant, dans le respect du droit de l’Union européenne, les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes. C’est une initiative, je le crois, que vous appelez toutes et tous de vos vœux.
À cette fin, le Gouvernement a demandé au préfet Duport de consolider, autant que le droit de l’Union européenne le permet, le principe d’une étude d’impact unique pour un même projet, de manière à éviter une multiplicité des évaluations environnementales aux différentes étapes.
Vous avez voté exactement la même mesure tout à l’heure pour les ICPE : il n’est plus possible, pour des plans, programmes et projets importants, de multiplier les études environnementales et les études d’impact. Cela ne signifie pas que l’on ne va plus en faire ou en limiter la portée, mais il n’est plus acceptable de les recommencer à chaque étape ou à chaque fois que l’on ouvre une procédure différente pour un même projet. Cela est source de pertes de temps et d’argent, ainsi que de confusion à tous les niveaux.
Il s’agit ensuite de revoir la répartition des autorités environnementales entre le niveau régional et le CGEDD, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, en fonction des documents et de transposer la directive 2011/92/UE.
Le troisième volet concerne la modernisation et la clarification des modalités de participation, de consultation et d’information du public.
D’abord, il convient de clarifier le champ d’application et les dérogations lorsqu’elles ne sont pas conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Ensuite, il faut proportionner les modalités de l’enquête au type de projet, comme cela a été fait au travers de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises en ce qui concerne les « demandes de permis de construire et de permis d’aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d’aménagement donnant lieu à la réalisation d’une étude d’impact ».
Enfin, il convient de prévoir la possibilité de regrouper les enquêtes publiques de plusieurs projets ou plans dans des cas à définir.
Quatrièmement, il s’agit d’accélérer le traitement des recours introduits devant le juge administratif.
Il serait dommage de tout « sabrer », au motif que le Gouvernement demande à pouvoir procéder par ordonnances. Nous risquons de perdre deux ou trois ans dans le traitement de ces questions importantes, alors que nous avons la possibilité d’avancer, sur la base d’un rapport dont une version provisoire a été présentée à la fin de l’année dernière et qui est en voie de finalisation. Des travaux complémentaires portant sur plusieurs des points que j’ai évoqués ont été demandés au préfet Duport.
Sur ces sujets sensibles, j’ai bien compris que certains d’entre vous nourrissaient parfois un sentiment de défiance à l’égard du Gouvernement et de l’administration.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Pas nous ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Je le déplore, tant l’habilitation est encadrée par le législateur. Nous nous sommes engagés à ce que l’élaboration des ordonnances soit soumise à une procédure très formelle.
Ainsi, au travers de la rédaction que le Gouvernement propose de rétablir, sera inscrit dans la loi un principe de non-régression environnementale, qui a fait l’objet de longs débats à l’Assemblée nationale afin de le rendre juridiquement robuste. Il ne sera pas possible de revenir sur les principes du droit de l’environnement. C’est un point important.
Par ailleurs, il est prévu que le Conseil national de la transition écologique, qui compte en son sein un collège de parlementaires, sera associé à la rédaction des ordonnances et consulté régulièrement. Les parlementaires seront tenus informés par les ministres compétents, à savoir Sylvia Pinel, Ségolène Royal et moi-même.
Je le répète, le Gouvernement, par cet amendement, vous propose d’avancer dans un cadre méthodique, organisé et transparent – le champ de l’habilitation est extrêmement détaillé –, de manière à pouvoir obtenir des résultats concrets d’ici à dix-huit mois. Il n’est plus possible d’attendre !
Par cohérence, j’émets bien sûr un avis défavorable sur les deux amendements de suppression. Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous faites le choix de les adopter, vous ferez ipso facto celui de ne pas progresser en matière de simplification des procédures, de renforcement de notre capacité à concilier notre ambition pour le développement de l’activité économique de notre pays avec nos exigences environnementales et démocratiques. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 25 et 453.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous parlez sans cesse de simplification, mais il s’agit surtout, en réalité, de vous habiliter à légiférer par ordonnances, autrement dit de laisser au Gouvernement le soin de décider, en l’espèce, comment sera « simplifié » le code de l’environnement. Mais qui nous dit que vous n’allez pas, en fait, le rendre encore plus tortueux ? Qui nous dit que le contenu de l’ordonnance sera conforme aux souhaits des parlementaires ?
Nous avons voté récemment la loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées : la levée de boucliers qu’a provoquée l’ordonnance parmi les associations et les acteurs du monde du handicap nous incite à la circonspection…
Vous nous parlez de simplification, mais, en réalité, vous nous demandez de vous signer un chèque en blanc. Ce n’est pas une question de défiance envers votre personne, monsieur le ministre : sénatrice depuis quelque temps déjà, que le gouvernement soit de droite ou de gauche, j’ai toujours contesté le recours aux ordonnances, qui n’est acceptable qu’en cas de réelle urgence.
En l’occurrence, cette demande d’habilitation à légiférer par ordonnances est en contradiction avec l’engagement pris par le Président de la République lors de la dernière conférence environnementale de renforcer la concertation sur les questions primordiales de l’environnement.
En outre, vous mettez en avant l’urgence qu’il y a à agir en la matière, mais votre collègue la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a d’ores et déjà annoncé un projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’environnement pour l’automne 2015, c’est-à-dire dans quelques mois ! J’estime que nous pouvons attendre l’examen de ce texte pour débattre de la modernisation du droit de l’environnement.
À ce propos, je préfère parler de modernisation plutôt que de simplification, terme qui peut recouvrir des mesures n’allant pas forcément dans le bon sens.
Enfin, madame la rapporteur, je regrette que vous vous soyez laissée emporter, si je puis dire, par l’amendement du Gouvernement, en déposant un sous-amendement ne faisant qu’aménager la rédaction proposée par celui-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il ne s’agit pas uniquement ici de droit de l’environnement, mais aussi d’urbanisme, d’activité économique, d’environnement, de participation du public.
Par ailleurs, madame David, un « chèque en blanc » s’écrit-il en deux pages ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, l’environnement concerne tous les secteurs d’activité.
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean Desessard. Le développement économique a une dimension sociale et une dimension environnementale. L’enjeu, pour notre démocratie, est de concilier développement économique, cohésion sociale et respect de l’environnement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 453.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1567, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi, sans porter atteinte aux principes fondamentaux et aux objectifs généraux du code de l’environnement, visant à :
1° Accélérer l’instruction et la prise des décisions relatives aux projets de construction et d’aménagement, notamment ceux favorisant la transition écologique, et favoriser leur réalisation :
a) En réduisant les délais de délivrance des décisions prises sur les demandes d’autorisation d’urbanisme, notamment grâce à une diminution des délais d’intervention des autorisations, avis ou accords préalables relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme ;
b) En créant ou en modifiant les conditions d’articulation des autorisations d’urbanisme avec les autorisations, avis, accords ou formalités relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme ;
c) En supprimant la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles prévue à l’article L. 145-11 du code de l’urbanisme et en prévoyant les modalités suivant lesquelles les unités touristiques nouvelles sont créées et contrôlées dans le cadre des documents d’urbanisme ou des autorisations mentionnées au livre IV du même code ;
2° Modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes :
a) En les simplifiant pour remédier aux difficultés et inconvénients résultant des dispositions et pratiques existantes ;
b) En améliorant l’articulation entre les évaluations environnementales de projets différents, d’une part, et entre l’évaluation environnementale des projets et celle des plans et programmes, d’autre part, notamment en définissant les cas et les conditions dans lesquels l’évaluation environnementale d’un projet, d’une opération, d’un plan ou d’un programme peut tenir lieu des évaluations environnementales de projets, d’opérations, de plans et de programmes liés au même aménagement ;
c) En modifiant les règles de désignation et les attributions des autorités environnementales en vue de les adapter à l’évolution des règles applicables à l’évaluation environnementale et à leurs exigences ;
d) En assurant leur conformité au droit de l’Union européenne et en transposant la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dans sa rédaction résultant de la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ;
3° Réformer les procédures destinées à assurer la participation du public à l’élaboration de certains projets, plans et programmes et de certaines décisions, afin de les moderniser et de les simplifier, de mieux garantir leur conformité aux exigences constitutionnelles ainsi que leur adaptabilité aux différents projets, de faire en sorte que le processus d’élaboration des projets soit plus transparent et l’effectivité de la participation du public à cette élaboration mieux assurée :
a) En simplifiant et en harmonisant les dispositions des articles L. 120-1 à L. 120-3 du code de l’environnement, notamment leur champ d’application et les dérogations qu’elles prévoient, en tirant les conséquences de l’expérimentation prévue par la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement et en supprimant ou en réformant les procédures particulières de participation du public à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement lorsqu’elles ne sont pas conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
b) En permettant que les modalités de la concertation et de la participation du public soient fixées en fonction des caractéristiques du plan, de l’opération, du programme ou du projet, de l’avancement de son élaboration, des concertations déjà conduites ainsi que des circonstances particulières propres à ce plan, à cette opération, à ce programme ou à ce projet et en ayant recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour garantir la participation du plus grand nombre ;
c) En modernisant les modalités des enquêtes publiques et en étendant la possibilité de recourir à une procédure unique de participation du public pour plusieurs projets, plans ou programmes ou pour plusieurs décisions et en ayant recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour garantir la participation du plus grand nombre ;
4° Accélérer le règlement des litiges relatifs aux projets, notamment ceux favorisant la transition énergétique, susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et assurer, dans l’intérêt de la préservation de l’environnement et de la sécurité juridique des bénéficiaires des décisions relatives à ces projets, l’efficacité et la proportionnalité de l’intervention du juge, notamment en précisant les conditions dans lesquelles les juridictions administratives peuvent être saisies d’un recours et en aménageant leurs compétences et leurs pouvoirs.
II. – Les ordonnances prévues au I sont prises dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi. Ce délai est porté à dix-huit mois pour les ordonnances prévues au d du 2° du même I.
III. – Le Conseil national de la transition écologique mentionné à l’article L. 133-1 du code de l’environnement est associé à l’élaboration des ordonnances prévues au I du présent article et émet des avis. Il peut mettre en place une formation spécialisée pour assurer le suivi des travaux et la préparation des avis, qui sont mis à la disposition du public dans les conditions prévues à l’article L. 133-3 du même code.
IV. – Le Parlement est informé et consulté au cours du processus d’élaboration des ordonnances prévues au I et des travaux organisés au sein du Conseil national de la transition écologique, au moyen notamment de la mise en place d’un comité de liaison composé de parlementaires.
Cet amendement a déjà été défendu par M. le ministre.
Le sous-amendement n° 1702, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Amendement n° 1567, alinéas 7 à 19
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des plans, programmes et projets, en améliorant l’articulation entre les évaluations environnementales de projets différents, d’une part, et entre l’évaluation environnementale des projets et celle des plans et programmes, d’autre part, notamment en définissant les cas et conditions dans lesquels l’évaluation environnementale d’un projet, d'une opération et d’un plan et programme peut tenir lieu des évaluations environnementales de projets, d'opérations ou de plans et programmes liés au même aménagement.
II. - Ces ordonnances sont publiées dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Par ce sous-amendement, la commission spéciale propose un compromis entre la rédaction issue de ses travaux et celle de l’Assemblée nationale, dont le rétablissement est souhaité par le Gouvernement.
La commission spéciale a fait le choix de ne conserver que les habilitations techniques pour lesquelles suffisamment d’éléments lui avaient été transmis et qui faisaient consensus. Dans cette optique, nous avons estimé que le premier volet de l’habilitation, relatif aux UTN, pouvait être maintenu. La réforme envisagée est urgente et fait l’objet d’un consensus.
En revanche, la commission spéciale a supprimé les trois autres volets de l’habilitation, en particulier celui concernant la modernisation et la clarification des modalités d’information du public en matière d’environnement, qui nous est apparu particulièrement flou et insuffisamment préparé à ce stade, d’autant que les groupes de travail mis en place pour étudier ces questions n’ont toujours pas remis leurs conclusions. Il n’est pas proposé de revenir sur cette suppression au travers de ce sous-amendement.
À l’issue des échanges que j’ai eus avec le cabinet et les services du ministre, il nous est apparu que nous disposions désormais de suffisamment d’éléments pour proposer au Sénat de rétablir l’habilitation sur deux points précis. Tel est l’objet de ce sous-amendement.
Le premier de ces points a trait à l’accélération des projets de construction et d’aménagement. En effet, depuis les travaux de la commission, le préfet Duport a rendu son rapport, dont nous avons pris connaissance.
Le second point concerne l’articulation entre l’évaluation environnementale et stratégique du document d’urbanisme et l’étude d’impact d’un projet ou l’articulation entre les évaluations environnementales de projets différents.
Ce sous-amendement me semble constituer un bon compromis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est toujours mieux que la situation de départ, puisque la commission spéciale accepte de rétablir en partie le champ de l’habilitation à procéder par ordonnances.
Un peu comme tout à l’heure à propos de l’amendement de M. Raison, nous partageons l’idée qu’il faut avancer rapidement. Le Gouvernement propose d’élaborer l’ordonnance à la lumière d’un rapport, dans le respect des principes du droit de l’environnement, en consultant régulièrement le CNTE et en associant les parlementaires.
Il me semble donc dommage que, par ce sous-amendement, on cherche à empêcher le Gouvernement d’avancer aussi vite que possible sur les règles applicables à l’évaluation environnementale des plans, programmes et projets, sur la modernisation des modalités de participation, de concertation, de consultation et d’information du public.
En outre, Mme David l’a elle-même souligné, le Président de la République a pris des engagements : le Gouvernement est là pour les tenir, sous votre contrôle ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. Ce n’est pas ce que vous dites !
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous ne pouvez pas avoir le moindre état d’âme sur ce sujet : les engagements pris sont clairs…
M. Roger Karoutchi. C’est un peu beaucoup !
M. Éric Doligé. Cela peut nous mener loin !
M. Emmanuel Macron, ministre. Par conséquent, je souhaiterais que, après avoir initialement fait preuve d’une timidité extrême, la commission spéciale accepte que nous avancions un peu.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Nous proposons de rétablir l’habilitation sur trois des quatre sujets !
M. Emmanuel Macron, ministre. Le débat que nous avons depuis le début d’après-midi témoigne de la nécessité d’avancer. Le rapport que nous avions demandé est prêt.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous demandons à pouvoir en tirer les conséquences en travaillant avec le CNTE. De grâce, habilitez le Gouvernement à procéder par ordonnances ! Si ses propositions ne vous conviennent pas, vous pourrez le dire au sein du CNTE et des commissions compétentes, ou en refusant de ratifier les ordonnances.
Vous l’aurez compris, je soutiens avec fougue l’amendement du Gouvernement et j’émets un avis défavorable sur ce sous-amendement, qui tend à restreindre quelque peu le champ de l’habilitation demandée. La commission spéciale a commencé à reconnaître qu’il était important d’avancer. J’aurais envie de dire, comme tout à l’heure M. Karoutchi sur un autre sujet,…
M. Francis Delattre. C’est un grand sénateur !
M. Roger Karoutchi. Pas partout ! (Sourires.)
M. Antoine Lefèvre. Dans les limites du raisonnable…
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement.
Mme Annie David. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. le ministre, du moins en ce qui concerne le sous-amendement de la commission.
En tant qu’élue de la montagne, je connais la complexité du dossier des UTN et, même s’il convient de légiférer en la matière, je ne suis pas certaine qu’il soit nécessaire de le faire par ordonnance, d’autant que la loi Montagne est en cours de révision et qu’un projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’environnement est annoncé pour l’automne. Ces véhicules législatifs auraient pu nous permettre de revoir les réglementations relatives aux UTN.
Le sous-amendement n° 1702 tend à supprimer la seule partie du dispositif proposé par le Gouvernement qui nous semblait intéressante, à savoir l’association du CNTE à l’élaboration des ordonnances.
La commission propose également de maintenir la suppression du IV de l’article 28, qui prévoit que « le Parlement est informé et consulté au cours du processus d’élaboration des ordonnances prévues au I et des travaux organisés au sein du Conseil national de la transition écologique ».
À nos yeux, avec ce sous-amendement, on reste au milieu du gué. Il convenait soit de rejeter l’amendement du Gouvernement, soit de l’accepter en totalité. Pour notre part, nous ne pourrons voter ni l’un ni l’autre.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le ministre, la fougue est parfois l’ennemie du droit ! (Sourires.) Nous essayons ici d’écrire la loi, en prenant en compte une volonté, exprimée sur de nombreuses travées, d’accélérer les procédures, tout en garantissant la sûreté juridique : ces deux objectifs doivent aller de pair.
La commission a examiné ce sujet avec soin et adopté initialement une position radicale. Mme la rapporteur avait demandé communication du rapport du préfet Duport ; vous avez bien voulu accéder à sa demande, ce dont je vous remercie.
Au vu de ce rapport, Mme la rapporteur a estimé, au terme d’un travail tout à fait scrupuleux, que la commission pouvait envisager de faire évoluer sa position dans le sens de la vôtre, monsieur le ministre. Pour autant, nous ne pouvons pas non plus changer radicalement de cap. Nous pouvons faire des pas en direction du Gouvernement, mais en sachant les mesurer. À cet égard, la position révisée de la commission, exposée avec beaucoup de précision par Mme la rapporteur, est tout à fait claire et assurée. Il me paraît bon de s’y tenir, car il a semblé opportun de borner quelque peu le champ de l’habilitation. Nous avons abouti, sur l’initiative de Mme la rapporteur, à une solution équilibrée qui va dans le sens d’une amélioration et d’une simplification des procédures, comme tout le monde le souhaite. Néanmoins, il est des sujets qui ne sont pas encore mûrs. Le Parlement, qui siège quasiment en permanence, pourra y revenir ultérieurement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je souhaiterais compléter brièvement l’information du Sénat.
J’approuve tout à fait le sous-amendement de Mme le corapporteur et les propos de M. le président de la commission spéciale. Leurs points de vue se rejoignent sur l’aspect pratique de la question, puisque des concertations se développent déjà depuis un certain temps sur une ordonnance ou deux tendant à procéder à des simplifications substantielles, par ailleurs attendues.
Naturellement, personne ici n’est très enthousiaste à l’égard des ordonnances, mais je peux vous dire, pour y avoir travaillé de près, que les aspects dont nous discutons constituent des modifications très ponctuelles de procédure, puisque le droit à appliquer restera le même. Les changements porteront seulement sur des rapprochements de délais ou des mises en commun d’enquêtes ou de concertations. Si nous délibérions de ces sujets sous la forme du débat parlementaire, ce ne serait pas exagérément passionnant.
En revanche, j’ai du mal à suivre M. le ministre sur l’affaire de la participation du public, dont je suis chargé par ailleurs en tant que président de la commission devant élaborer les propositions demandées par le Président de la République. Celle-ci doit d’ailleurs se réunir demain.
Le paradoxe, comme l’a dit Mme David, réside dans le fait qu’une avancée sur la participation du public dès la phase initiale des projets abordera forcément des problèmes nouveaux, eu égard aux difficultés importantes que l’on rencontre sur les principaux conflits qui sont à l’origine du déclenchement d’opérations sur les « zones à défendre », de l’occupation de ces ZAD, etc.
Le diagnostic que nous avons déjà largement partagé au sein de cette commission, comprenant de nombreux acteurs comme des organisations non gouvernementales et le MEDEF, est que la concertation en amont s’est révélée insuffisante. Honnêtement, moi qui espère pouvoir remettre des propositions au Gouvernement d’ici au début du mois prochain, j’aurais beaucoup de mal à convaincre les membres de la commission que tout cela va être réalisé par voie d’ordonnance. C’est quelque peu paradoxal !
M. le ministre pourrait, sans trahir la pensée de sa collègue ministre de l’écologie, renoncer à la troisième habilitation prévue à l’article 28, c’est-à-dire celle relative à la participation du public. En revanche, madame le rapporteur, pour que toutes les étapes se déroulent dans un climat d’écoute réciproque et pour éviter que ces projets ne se terminent comme à Sivens, il serait judicieux que vous acceptiez d’ajouter dans votre sous-amendement la consultation du CNTE. Ainsi, toutes les parties prenantes donneront leur avis avant que l’ordonnance soit prise.
En outre, j’ai déjà demandé à dix reprises sur d’autres sujets, sans aucun succès, que le projet d’ordonnance soit communiqué à la commission compétente. Ce n’est pas grand-chose ! Or, si l’on m’a laissé plusieurs fois entrevoir une réponse, rien n’a été fait jusqu’à présent. Il n’est pourtant pas difficile, avant que le Conseil d’État soit saisi du projet d’ordonnance, de soumettre ce dernier aux commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale et de recueillir l’avis des parlementaires. Ce n’est pas une grande contrainte, mais l’aboutissement en serait amélioré.
Mme la présidente. Madame la corapporteur, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement dans ce sens ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je tiens à vous remercier, monsieur Richard, car, si la position de la commission spéciale a autant évolué, c’est aussi parce que vous avez contribué à éclairer ses travaux.
J’accepte bien volontiers de faire référence dans le sous-amendement la consultation du Conseil national de la transition énergétique.
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Peut-être serait-il possible d’inclure dans le sous-amendement le dernier alinéa de l’amendement du Gouvernement, dont je rappelle les termes :
« Le Parlement est informé et consulté au cours du processus d’élaboration des ordonnances prévues au I et des travaux organisés au sein du Conseil national de la transition écologique, au moyen notamment de la mise en place d’un comité de liaison composé de parlementaires. » C’est exactement ce que vous demandez, monsieur Richard.
M. Alain Richard. Ce n’est pas très conforme à la Constitution ! Engagement politique plutôt qu’injonction au Gouvernement.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet engagement du Gouvernement, nous sommes prêts à l’inscrire dans le texte. Si l’amendement du Gouvernement est adopté sans être sous-amendé, vous aurez pleine satisfaction !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il est têtu ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai autant conviction que vous, madame la rapporteur ! Nos positions ont tout de même beaucoup convergé, grâce aux travaux que nous avons menés. Comme le disait voilà un instant M. le président de la commission spéciale, l’écart qui séparait nos propositions à l’issue des travaux de la commission spéciale s’est réduit nettement : une bonne partie du chemin a été parcouru. En tout état de cause, si ce dernier alinéa devait être supprimé, l’engagement du Gouvernement subsisterait néanmoins.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Nous acceptons le rétablissement du III, relatif à la consultation du CNTE, mais pas du IV.
M. François Pillet, corapporteur. Très bien !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 1702 rectifié, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Amendement n° 1567
A - Alinéas 7 à 17
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des plans, programmes et projets, en améliorant l’articulation entre les évaluations environnementales de projets différents, d’une part, et entre l’évaluation environnementale des projets et celle des plans et programmes, d’autre part, notamment en définissant les cas et conditions dans lesquels l’évaluation environnementale d’un projet, d'une opération et d’un plan et programme peut tenir lieu des évaluations environnementales de projets, d'opérations ou de plans et programmes liés au même aménagement.
II. - Ces ordonnances sont publiées dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi.
B - Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Que l’on ne rétablisse pas le IV m’ennuie, madame la rapporteur. Ce IV prévoyait en effet, je le rappelle, que « le Parlement est informé et consulté au cours du processus d’élaboration des ordonnances prévues au I et des travaux organisés au sein du Conseil national de la transition écologique, au moyen notamment de la mise en place d’un comité de liaison composé de parlementaires ».
Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale, vous avez évoqué la mise en place d’un tel comité de liaison. Je pensais que les sénateurs intéressés y seraient associés, comme les députés, dans la mesure où vous avez pris tout à l’heure l’engagement de soumettre le projet d’ordonnance aux commissions compétentes des deux assemblées. Je déplore donc la suppression du IV, car il s’agissait d’une ouverture du Gouvernement appréciable et appréciée.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, je vous propose de nous en tenir à la rédaction de ce sous-amendement telle que Mme la corapporteur vient de la modifier, sur la suggestion de M. Richard. Si nous superposons les rectifications, ce débat risque de s’éterniser et de perdre en clarté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1702 rectifié ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1702 rectifié. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. Mme la rapporteur, en acceptant le rétablissement de la consultation du Conseil national de la transition écologique, a rectifié le sous-amendement dans un sens qui nous convient. Par conséquent, même si je reste très sceptique sur l’opportunité de légiférer par ordonnance sur les UTN, eu égard à la révision en cours de loi Montagne, qui constitue un véhicule législatif approprié pour traiter ce sujet, nous suivrons Mme la rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1702 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 28 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article 28
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques.
L'amendement n° 209 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.
L'amendement n° 296 rectifié est présenté par M. Raoul et Mmes Lienemann et Guillemot.
L'amendement n° 378 rectifié ter est présenté par MM. Genest, Darnaud, Vaspart, Bouchet, Milon, Calvet et Béchu.
L'amendement n° 688 rectifié bis est présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly et MM. Gabouty, Bockel, Cadic et Roche.
L'amendement n° 700 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Raison.
L'amendement n° 857 rectifié bis est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et Commeinhes, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Grand, Grosdidier et Houel, Mme Hummel et MM. Laménie, J.C. Leroy, Kennel, Mayet, Pointereau et Saugey.
L'amendement n° 972 est présenté par MM. Labbé, Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre unique du titre VII du livre II du code de la construction et de l’habitation est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Dossier d’information géotechnique
« Art. L. 271-7. – En cas de vente d’un terrain constructible, une fiche d’information mentionnant les caractéristiques géotechniques du terrain fournie par le vendeur est annexée à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente.
« Cette fiche d’information comprend les éléments suivants :
« - L’étude de faisabilité géotechnique ;
« - Le plan de bornage.
« Lors de la signature de l’acte authentique de vente, en l’absence de la fiche mentionnée au premier alinéa, le vendeur ne peut s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondante. L’acquéreur peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.
« En cas de vente publique, cette fiche d’information est annexée au cahier des charges. Elle reste annexée au titre de propriété du terrain et suit les mutations successives du terrain.
« L’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans la fiche d’information qui n’a qu’une valeur informative.
« Le maître d’ouvrage transmet l’étude de faisabilité géotechnique aux personnes réputées constructeurs de l’ouvrage au sens de l’article 1792-1 du code civil.
« Lorsque ce document n’est pas annexé au titre de propriété du terrain, il appartient au maître d’ouvrage de fournir lui-même une étude de faisabilité géotechnique équivalente.
« Le contenu et les modalités d’application de l’étude de faisabilité géotechnique sont précisés par décret. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 209 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à insérer dans le projet de loi un article additionnel prévoyant la délivrance systématique d’une étude de faisabilité géotechnique, autrement dit d’une étude de sol, à l’occasion de la vente d’un terrain constructible.
À l’heure actuelle, alors même que le coût du foncier représente une part significative de l’enveloppe financière des projets de construction, rien n’oblige le vendeur d’un terrain constructible à renseigner l’acheteur sur la nature et la qualité du terrain qu’il acquiert en vue d’y faire édifier une construction.
Imposer la réalisation d’une telle étude fait aujourd’hui consensus chez les acteurs des secteurs du logement et de la construction, qui tous ont participé à la démarche « Objectifs 500 000 ». En effet, cela présenterait de nombreux avantages.
Tout d’abord, sur le plan financier, la réalisation d’une étude de faisabilité géotechnique permet de réduire les coûts de construction, en optimisant le projet et les solutions techniques retenues et en évitant le recours au surdimensionnement par les constructeurs – je songe, par exemple, aux fondations spéciales. Elle permet aussi de réduire les coûts de la sinistralité dans le cas des maisons individuelles et contribue à réguler le marché du foncier, en apportant des informations sur la qualité des terrains vendus.
Par ailleurs, lorsqu’aucune construction n’est projetée, une telle étude permettrait de renseigner l’acquéreur sur les caractéristiques principales du bien qu’il envisage d’acheter. Ainsi, ce dernier serait assuré de payer le prix correspondant à la qualité dudit terrain.
Ainsi, les études de faisabilité géotechnique permettraient d’adapter au mieux au terrain les projets de construction, qui s’appuieraient sur les recommandations fournies. Leur réalisation peut induire une économie importante sur la prime d’assurance dommages ouvrage, laquelle est obligatoire pour le maître d’ouvrage. Diverses compagnies d’assurances ont déjà pris des initiatives en ce sens, en proposant de réduire le tarif de leurs contrats d’assurance dommages ouvrage en cas de remise d’une évaluation du sol d’assise du terrain à bâtir.
À nos yeux, la mesure proposée relève du bon sens et s’inscrit dans la droite ligne du plan de transition numérique du bâtiment, le PTNB. Voulu par le Gouvernement, ce plan fait de la maîtrise des coûts de construction, d’une part, et de la limitation et de la prévention des sinistres, d’autre part, deux objectifs majeurs de sa stratégie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 296 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Au travers de cet amendement, identique au précédent, nous reprenons les conclusions des groupes de travail mis en place dans le cadre de la démarche « Objectifs 500 000 », associant l’ensemble des professionnels du bâtiment, de l’aménagement et du logement.
Il s’agit de rendre obligatoire l’élaboration d’une fiche d’identité comprenant l’étude de faisabilité géotechnique et le plan de bornage.
M. Richard s’interroge à juste titre sur le coût d’un tel dispositif, mais il faut tenir compte des importantes économies que permettra sa mise en œuvre.
Le secteur du bâtiment regroupe des professions très variées, dont aucune n’a, a priori, intérêt à prôner la réalisation d’études de faisabilité géotechnique. Or toutes estiment qu’elles permettront des économies appréciables, en particulier en matière d’assurance dommages ouvrage. Dès à présent, les assureurs font payer plus cher ce type d’assurance en l’absence de telles études.
En outre, gardons à l’esprit que, dans notre pays, les dépenses liées aux malfaçons, notamment sur les fondations, sont très nettement supérieures à la moyenne européenne.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne signifie pas nécessairement que nos entreprises travaillent mal, encore que la compétence des sous-traitants étrangers auxquels elles font appel ne soit pas toujours garantie… (M. Claude Raynal proteste.) Mon cher collègue, je fais allusion aux travailleurs détachés, qui restent mal contrôlés.
Quoi qu’il en soit, il est impératif de mieux détecter les difficultés en amont.
Enfin, ces études de faisabilité géotechnique seront indispensables à la réalisation des maquettes numériques, que le Gouvernement souhaite promouvoir dans le cadre du plan de transition numérique du bâtiment et qui requiert des données précises sur les sols. Pour avoir lu les propositions formulées par les professionnels, je crois ce projet sérieux et urgent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour présenter l'amendement n° 378 rectifié ter.
M. Jacques Genest. Je fais mienne l’argumentation développée par les deux orateurs précédents.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l'amendement n° 688 rectifié bis.
M. Jean-Marc Gabouty. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l'amendement n° 700 rectifié.
M. Daniel Gremillet. La réalisation de ces études préalables permettra un gain de temps considérable, grâce à une meilleure connaissance des terrains pouvant accueillir des constructions.
Par ailleurs, la mémoire s’éteint vite : nous avons tous à l’esprit des exemples de litiges liés à la construction de lotissements sur d’anciens dépôts oubliés. L’acquéreur du terrain doit pouvoir bénéficier d’un minimum de sécurité, que lui assurera la réalisation d’études de faisabilité géotechnique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l'amendement n° 857 rectifié bis.
M. Jean-Noël Cardoux. Je ne voudrais pas allonger nos débats, mais, avant de quitter l’hémicycle, M. Doligé m’a chargé de défendre cet amendement, dont l’objet est plus fourni que ceux des autres.
M. Gremillet vient s’insister sur le fait que ces études feront gagner du temps. Pour ma part, j’ajoute qu’elles feront aussi gagner de l’argent.
Mme Nicole Bricq. Pas à tout le monde !
M. Jean-Noël Cardoux. Cela a déjà été souligné, pour un léger surcoût en amont, un ensemble de problèmes et de litiges susceptibles de surgir en aval seront prévenus. La mise en œuvre de ce dispositif serait source d’économies importantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l'amendement n° 972.
Mme Leila Aïchi. Le sol fait partie intégrante d’un projet de construction, d’autant que le coût du foncier représente aujourd’hui une part significative de l’enveloppe financière.
Or, à l’heure actuelle, pour un projet de construction d’une maison individuelle, rien n’oblige le vendeur d’un terrain constructible à renseigner l’acheteur sur la nature et la qualité du terrain qu’il acquiert.
Par « étude de faisabilité géotechnique », on entend une étude géotechnique préliminaire de site. Sur le plan financier, sa réalisation présente plusieurs avantages.
Tout d’abord, elle permet de réduire le coût de la construction, en optimisant le projet de construction et les solutions techniques correspondantes et en évitant le recours aux surdimensionnements par les constructeurs.
Ensuite, elle contribue à réguler le marché du foncier, en fournissant des informations sur la qualité des terrains vendus.
Enfin, elle réduit les coûts de la sinistralité pour les maisons individuelles.
Pour les années 1995 à 2013, les sinistres liés aux fondations superficielles ont représenté 20,6 % du coût total de réparation des désordres, toutes régions confondues. La dépense engendrée par la réparation de ce type de dommages avoisine, en moyenne, 22 000 euros. Pour des fondations réalisées dans des sols argileux, cette somme peut atteindre 34 000 euros, d’après le Sycodés 2014 de l’agence qualité construction.
Lorsqu’aucune construction n’est projetée, une étude de faisabilité géotechnique présente également plusieurs avantages.
Premièrement, elle renseigne l’acquéreur sur les caractéristiques principales du bien qu’il envisage d’acheter. Ainsi, celui-ci est mieux assuré de payer le prix correspondant à la qualité du terrain.
Deuxièmement, une telle étude permet de porter la nature du sol à la connaissance des professionnels du bâtiment. Ainsi, ces derniers peuvent soit proposer de réaliser des fondations adaptées et non surdimensionnées, soit justifier du besoin complémentaire d’une étude géotechnique.
Troisièmement, ces informations permettent d’optimiser le projet de construction, en termes d’orientation sur la parcelle, d’assainissement non collectif, de géothermie, de risque sismique, etc.
Ainsi, l’étude de faisabilité géotechnique permet d’adapter au mieux le projet de construction au terrain, en s’appuyant sur les recommandations fournies.
La réalisation d’une telle étude peut engendrer une économie substantielle au titre de l’assurance dommages ouvrage, laquelle est obligatoire pour le maître d’ouvrage. Certaines compagnies d’assurances ont déjà pris des initiatives en ce sens : des assureurs proposent de réduire leurs tarifs de contrats d’assurance dommages ouvrage en contrepartie d’une évaluation du sol d’assise du terrain à construire. Ils cherchent ainsi à promouvoir la prévention des risques et la qualité de la construction pour les maisons individuelles.
J’ajoute que l’étude de faisabilité géotechnique fait l’objet d’un consensus parmi les acteurs du logement et de la construction qui ont pris part à la démarche « Objectifs 500 000 », lancée par le ministère du logement.
Dans son rapport, le premier groupe de travail mis en place dans le cadre de cette concertation propose de rendre obligatoire, dès la signature d’une promesse de vente portant sur un terrain à bâtir, la communication par le vendeur d’une étude de faisabilité géotechnique. Un tel document permettrait d’informer l’acheteur et le maître d’œuvre de la qualité du terrain et des études à mener avant de lancer le chantier.
Le deuxième groupe de travail se prononce dans le même sens, en proposant la création d’une fiche d’identité des sols et des biens, comprenant notamment un plan de bornage et de qualité des sols.
Les études de faisabilité géotechnique prendront tout leur sens avec la généralisation de la maquette numérique, souhaitée par le Gouvernement dans le cadre du plan de transition numérique du bâtiment : de même que la limitation et la prévention des sinistres, la maîtrise des coûts de construction fait partie intégrante des objectifs de ce plan.
M. Jean Desessard. Merci de cette présentation détaillée !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces amendements identiques visent à imposer la réalisation d’une fiche d’information géotechnique en cas de vente d’un terrain constructible.
Un tel dispositif me semble inopérant, dans la mesure où son champ d’application n’est pas circonscrit aux zones argileuses concernées et aux terrains non bâtis constructibles, en ce qui concerne la construction de maisons individuelles.
Plus grave, il fait reposer la responsabilité de l’établissement de cette fiche d’information géotechnique sur les seuls particuliers, sans imposer aux constructeurs le respect de règles de construction adaptées à la géologie des sols.
Une bien meilleure solution figure dans le projet de loi portant réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles déposé sur le bureau du Sénat par le gouvernement de M. François Fillon en avril 2012.
L’article 4 de ce texte prévoit en effet la mise en place d’un zonage des terrains argileux concernés, l’établissement d’une fiche géologique en cas de construction d’une maison individuelle dans ces seules zones, ainsi que l’obligation, pour le constructeur, de respecter des prescriptions particulières de construction.
Je souhaiterais donc que M. le ministre nous indique si le Gouvernement a l’intention d’inscrire à l’ordre du jour du Parlement l’examen de ce projet de loi qui apporte une réponse adaptée aux difficultés ayant motivé le dépôt de ces amendements, et si oui à quelle échéance.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de tous ces amendements ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Les obligations de réalisation d’études géotechniques entrent en effet dans le champ du projet de loi portant réforme du régime des catastrophes naturelles. Le Gouvernement poursuit les concertations sur ce sujet, sous la supervision de mon collègue Michel Sapin. Elles devraient aboutir dans les prochains mois, mais, ne disposant pas de davantage d’informations, je ne puis m’engager sur une date.
Je souscris, pour le reste, aux arguments de Mme la rapporteur concernant les difficultés techniques et le surcoût potentiel qu’emporterait la mise en œuvre d’un tel dispositif. L’avis du Gouvernement sur les amendements est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les malfaçons ne sont pas nécessairement liées à l’existence de sols argileux ou aux conséquences de catastrophes naturelles !
Quand j’étais ministre, j’ai pu constater, dans la Somme, des effondrements liés à la présence d’anciennes tranchées de la Première Guerre mondiale, dont les plans étaient erronés car faits pour tromper les Allemands. Les tranchées n’étaient donc pas situées là où on le croyait. Il a fallu réaliser des études de sol extrêmement coûteuses.
Les malfaçons peuvent également découler de la superposition de sols meubles et de sols durs. Dans les outre-mer, les mornes en fournissent une illustration : à cent mètres près, les conditions de constructibilité ne sont pas du tout les mêmes.
Dans nombre de territoires, les études anciennes ne sont plus valides, parce que la nappe phréatique a bougé à la suite de la réalisation d’aménagements, ce qui peut emporter des conséquences tout à fait inattendues sur les sols.
Nous avons aujourd’hui l’occasion d’engager l’amélioration, terrain par terrain, de la connaissance de la nature des sols, ce qui permettra d’évaluer en amont les conditions de constructibilité.
Pourquoi ignorer l’avis des groupes de travail mis en place dans le cadre de la démarche « Objectifs 500 000 », qui rassemble l’ensemble des professionnels ? Ceux-ci, qui n’ont aucun intérêt direct à la réalisation de ces études, sont unanimes à considérer que rendre celle-ci obligatoire permettra de faire des économies importantes. Les assureurs sont prêts à réduire les primes d’assurance dommages ouvrage si de telles études sont fournies.
Enfin, le plan de transition numérique du bâtiment rendra nécessaire une bonne connaissance des sols.
Notre pays doit s’engager dans cette mutation. Madame la rapporteur, monsieur le ministre, il ne s’agit pas seulement des sols argileux !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit tout de même surtout des sols argileux…
Souvenons-nous de la grande sécheresse de 2003, qui avait fait suite à d’autres moins graves. Le Gouvernement avait déclaré l’état de catastrophe naturelle pour certaines communes en vue d’enclencher une procédure accélérée d’indemnisation par les assurances. D’autres communes, limitrophes des premières et présentant les mêmes caractéristiques, n’avaient pas bénéficié de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Le Gouvernement, au bout de plusieurs mois, avait fini par étendre le champ de la déclaration de l’état de catastrophe naturelle à une seconde vague de communes.
En cas de sécheresse, les sols des terrains argileux bougent et des failles se creusent. J’ai vécu ces événements avec les habitants de la Seine-et-Marne, de l’Essonne et de toute la grande couronne parisienne. J’ai rencontré des personnes dont les murs des maisons bougeaient la nuit, se fracturaient ! Il y a même eu des cas de suicide, de tels biens perdant toute valeur.
Nous avions beaucoup bataillé, à l’époque, pour que le Gouvernement établisse la cartographie des sols qu’évoquait Mme Lienemann. Le Bureau de recherches géologiques et minières avait commencé à y travailler, mais il n’y avait pas d’argent pour mener ce projet à bien. L’objectif, à terme, était de permettre aux acheteurs d’un terrain de prendre leur décision en toute connaissance de cause.
L’intention des auteurs de ces amendements est bien de traiter un problème qui avait donné lieu à de nombreux débats au Sénat, et non de fournir du travail à des bureaux d’études spécialisés !
Quant à moi, je suis partagée. En effet, dès lors qu’il est établi qu’un sol est susceptible de bouger, il faut couler du béton très en profondeur pour éviter les problèmes en cas de sécheresse, et la construction s’en trouve renchérie.
Pour ce qui est de la coordination gouvernementale sur le sujet, je constate, à vous écouter, monsieur le ministre, madame la rapporteur, que les choses n’ont pas évolué, après plus de dix ans. En effet, les administrations ont beaucoup de mal à décider sur qui pèsera la charge du renchérissement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour explication de vote.
Mme Leila Aïchi. Je partage complètement l’analyse de Mme Lienemann.
Sols argileux ou pas, notre proposition relève du bon sens : il s’agit de prévenir plutôt que d’avoir à réparer, en anticipant les problèmes. Nous savons tous qu’il est bien plus coûteux de réparer que de prévenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. Je suis défavorable à ces amendements, qui tendent à imposer une contrainte supplémentaire au moment de l’acquisition d’un terrain. Une telle étude de sol apparaît en outre totalement inappropriée, dans la mesure où elle serait réalisée en faisant abstraction de la réalité du projet de construction.
Ma commune a été victime de sécheresse. Dans la plupart des cas, il existe aujourd’hui un plan de prévention des risques, qui comporte un règlement précisant les mesures de prévention à prendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je maintiens mon amendement pour deux raisons.
Tout d’abord, la différence de prix entre la terre agricole et la terre à bâtir est telle, monsieur Tandonnet, qu’il est faux de prétendre que l’on ignore quelle sera la destination du terrain vendu. Il faut assumer !
Ensuite, je trouve choquant que, alors qu’un paysan qui souhaite drainer une parcelle doit faire réaliser une étude de sol, l’on n’impose pas cette précaution minimale pour la vente d’un terrain à bâtir. C’est une question de bon sens !
En termes d’efficacité économique, la mise en œuvre d’un tel dispositif permettra de gagner beaucoup de temps, de faire des économies et de placer chacun face à ses responsabilités.
Gardons à l’esprit que le vendeur d’un terrain à bâtir tire souvent bénéfice de travaux réalisés par la collectivité, qui ont permis à son bien de prendre soudainement de la valeur. Je rappelle que le prix moyen de l’hectare de terrain à bâtir atteint en France 74 000 euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Je maintiens aussi l’amendement.
Il s’agit ici de la construction de maisons individuelles. Or, pour l’heure, dans ce type de situation, aucune étude préalable n’est réalisée lorsqu’un particulier achète un terrain. Il est donc nécessaire de sécuriser à la fois le client et l’entreprise appelée à réaliser les travaux.
L’argument du surcoût me semble infondé. Aujourd’hui, l’acheteur ne dispose d’aucune information sur la nature du terrain, et donc d’aucune sécurité. La mise à disposition d’une étude de sol entraînera mécaniquement une baisse des coûts d’assurance, pour le particulier comme pour l’entreprise, du fait de la diminution du risque de sinistre. Tout cela, c’est du bon sens !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Certes, cela fera une démarche et de la paperasse supplémentaires lors de l’achat d’un terrain ! Prendre une telle mesure m’apparaît pourtant nécessaire.
Dans le Lot, quand une construction est projetée, les architectes, pour parer à toute éventualité, imposent de réaliser des fondations spéciales, comme si le sol était d’argile, ce qui n’est pas le cas chez nous ! Cela entraîne des surcoûts importants, comme j’ai pu le constater dans ma commune à l’occasion de la construction d’une école maternelle, pourtant de plain-pied. La réalisation d’une étude de sol permettra donc d’économiser de l’argent.
Par conséquent, je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous sommes un certain nombre ici à représenter des territoires dont les sols sont argileux et nous savons que, dans ces sols, il y a des marnières, c'est-à-dire des cavités réalisées artificiellement pour enrichir la surface.
Je le dis d’expérience, la fourniture d’un document présentant une étude technique du sol ne sera pas suffisante pour celui qui construit une maison. Nous le constatons presque systématiquement dans nos territoires, il demandera à faire réaliser sa propre étude, de manière à déterminer les mesures à prendre pour consolider l’édifice. Vous allez donc ajouter un coût à un coût qui est de toute façon inhérent.
Mme Bricq soulevait un problème bien connu des sécheresses, comme celles que nous avons connues en 1976 ou en 2003. Si une étude du sol avait été faite avant ces épisodes, elle aurait sûrement conclu qu’il n’y avait pas de problème ! En effet, les désordres qui affectent le sous-sol et fragilisent les bâtiments surviennent après la sécheresse, du fait du durcissement de l’argile et de l’élargissement des failles. Dans cette hypothèse, contre qui se retourner ? Contre celui qui a fait l’étude et qui a, de bonne foi, estimé qu’il n’y avait pas de problème ?
Même si ces amendements ont tous été déposés avec les meilleures intentions et défendus avec une absolue sincérité, leur adoption présente un très grand risque.
C'est la raison pour laquelle je vous invite plutôt, mes chers collègues, à retenir votre fougue, pour reprendre un mot employé par M. le ministre, et à ne pas voter ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mon propos s’inscrira dans la droite ligne de ce que vient de dire le président Lenoir.
Premièrement, je tiens à dire que la mesure proposée est de portée générale. Il a été dit qu’elle ne concernait que les maisons individuelles. Or on m’a confirmé que ce n’était nullement le cas. Si nous adoptons ces amendements, nous instituons une mesure générale applicable à tous les terrains, et pas simplement à ceux qui ont vocation à accueillir une maison individuelle.
Deuxièmement, il faut être clair, nous mettrions cette obligation à la charge du vendeur. En créant un élément de plus à verser au dossier, nous complexifions la procédure de vente.
Troisièmement, en général, ceux qui souhaitent acquérir du foncier se posent la question de la nature des sols et celle de leur pollution. Nous le savons, les normes en matière de lutte contre la pollution n’ayant cessé de s’étoffer, il faut procéder à toute une série de vérifications. Sans vouloir mettre en avant mon expérience personnelle, je signale que, pour ma part, avant la vente d’un terrain, j’autorise toujours l’acquéreur à effectuer un sondage géotechnique et, éventuellement, un test de pollution. En tout cas, les professionnels, eux, me semble-t-il, le réclament.
M. Tandonnet l’a fort bien dit, si la fiche d’information doit contenir une étude de faisabilité géotechnique, il faut que le projet indique les caractéristiques de la construction envisagée, le plan du sous-sol éventuellement créé et le mode constructif. Sans projet, on ne peut pas fournir au préalable une étude de faisabilité géotechnique, comme cela est prévu dans les amendements.
Chacun d’entre nous a sa propre expérience en matière de solidité des sols, mais nous devrions peut-être réfléchir à un éventuel zonage de l’obligation. Pour le moment, il est prévu d’instaurer une obligation générale, applicable à tout type de projet, partout en France. Dans certains endroits, il sera compliqué de fournir systématiquement ce genre d’éléments, sans compter que tout cela aura de toute façon un coût non négligeable.
En résumé, il me semble que, si l’intention est globalement partagée par tout le monde, le dispositif proposé peut avoir des effets contradictoires. À mon sens, la question n’est pas encore tout à fait mûre.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 209 rectifié, 296 rectifié, 378 rectifié ter, 688 rectifié bis, 700 rectifié, 857 rectifié bis et 972.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
9
Demande de retour à la procédure normale pour l'examen d'un projet de loi
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme, inscrit à l’ordre du jour du vendredi 17 avril, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé à demain, jeudi 16 avril, à 17 heures.
Il n’y a pas d’observations ?...
Il en est ainsi décidé.
10
Candidatures à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national des villes.
La commission des affaires économiques a proposé les candidatures de M. Franck Montaugé et de Mme Dominique Estrosi Sassone.
Les candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
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Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 28.
Articles additionnels après l’article 28 (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 272, présenté par MM. Savin, B. Fournier, Commeinhes, Grosperrin, Pierre, Saugey, Karoutchi, Chaize, Lefèvre, Bouchet, Laufoaulu, Vasselle, Bignon et César, Mme Mélot, MM. Morisset, Kennel et Chasseing, Mme Primas, M. Bizet et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En cas de recours devant la juridiction administrative contre l’une ou plusieurs des autorisations nécessaires à la conduite d’un programme de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages constituant une unité fonctionnelle et ayant fait l’objet d’une étude d’impact unique ainsi que le prévoit l’article L. 122-1 du code de l’environnement, le délai de validité de ces autorisations est suspendu jusqu’au prononcé de la dernière décision juridictionnelle irrévocable portant sur les autorisations délivrées pour la réalisation de ce programme.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Aujourd’hui, à travers notre pays, de nombreux chantiers d’envergure disposant de l’ensemble des autorisations administratives nécessaires sont à l’arrêt du fait de multiples procédures contentieuses ou d’occupations « sauvages » des lieux, empêchant dans certains cas toute possibilité pour les entreprises chargées des travaux de les réaliser.
C’est, par exemple, le cas dans le département de l’Isère avec le projet de Center Parc, dont certains des travaux préparatoires, pourtant autorisés, sont stoppés du fait de la présence sur le site d’opposants au projet.
Cette situation pénalise lourdement les entreprises attributaires des marchés publics, qui doivent alors faire face économiquement à la déprogrammation du chantier, à l’incertitude de la date de reprise, ainsi qu’au risque de chômage technique pour les employés et sous-traitants mobilisés.
Les récents exemples de grands projets de travaux bloqués, qui s’accumulent, démontrent la nécessité de prendre des mesures pour atteindre pleinement l’objectif gouvernemental affiché dans l’article 28 du projet de loi, à savoir « favoriser l’aboutissement et la robustesse des projets de construction », notamment par le renforcement d’un cadre propice à l’activité économique.
Monsieur le ministre, mon propos ne vise ni à remettre en cause ni à affaiblir le droit de recours à l’encontre d’autorisations administratives. La garantie de ce droit fondamental, inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme, comme celle du droit de manifester publiquement son opposition doivent, bien entendu, être défendues avec vigueur.
Mon propos vise plutôt à dénoncer la situation dans laquelle il est possible, pour un groupe de personnes hostiles à un projet, d’empêcher que des travaux autorisés dans le cadre réglementaire puissent être réalisés.
En cas de recours, aussi légitime soit-il, contre l’une des autorisations administratives, il s’agit de protéger les autres autorisations attachées au projet, dont le délai de validité risque d’expirer puisque leur validité n’aurait pas été suspendue jusqu’au prononcé de la dernière décision juridictionnelle irrévocable.
En l’état, cette situation n’est plus tenable. Elle entraîne de lourdes conséquences économiques et sociales, et met en péril de nombreux acteurs locaux, à commencer par les entreprises chargées de réaliser les chantiers et les finances des collectivités publiques engagées dans l’opération.
Il ne me semble pas exagéré d’affirmer que les recours ne doivent pas pénaliser injustement l’économie. Le marché national de la construction est en berne, en dépit des promesses et des engagements gouvernementaux. Dès lors, comment pourrions-nous accepter que des projets parfaitement légaux et avalisés par l’ensemble des parties prenantes puissent devenir caducs du fait de l’absence de mécanismes prévoyant ce cas de figure ?
C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, d’approfondir l’esprit de l’ordonnance de juillet 2013. Parmi les bonnes dispositions de ce texte figurait la possibilité de suspendre un permis de construire le temps de résoudre le point litigieux, plutôt que d’annuler le permis, procédure beaucoup plus longue.
Mon amendement, cosigné par de nombreux collègues, vise précisément à faire bénéficier l’ensemble des autres autorisations administratives d’urbanisme de la suspension dont le permis de construire est aujourd’hui le seul à bénéficier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement, présenté en commission, n’y avait pas reçu un accueil favorable. L’argumentation que je vais exposer se conclura, là encore, par un avis défavorable.
L’effet suspensif du recours sur le délai de validité du permis de construire existe déjà, à l’échelle du projet, pour les projets soumis à permis de construire et pour les projets soumis à formalités ICPE.
Votre amendement, mon cher collègue, vise à élargir ce principe à d’autres projets. L’idée est bonne et va indéniablement dans le bon sens, dès lors que l’on veut en finir avec les recours contentieux qui n’ont pour but que de freiner des programmes de construction.
Je formulerai néanmoins quelques réserves.
La principale porte sur la notion de « projets formant un programme de travaux », qui est, en réalité, très difficile à cerner.
L’amendement soulève une autre difficulté, peut-être la plus importante : on risquerait de se retrouver avec un permis de construire ou un permis d’aménager faisant référence à des documents d’urbanisme de type PLU dans leur version antérieure à celle modifiée dans le sens voulu par les lois Grenelle ou ALUR.
Cet amendement, qui se justifie certainement pour des situations ponctuelles, entraînerait trop de difficultés pour un nombre de cas qu’on ne peut pas quantifier : il risquerait de poser plus de problèmes qu’il n’en résout.
L’avis est donc défavorable, sous réserve d’éclaircissements du Gouvernement sur la faisabilité de la mesure et sur les limites que je viens d’évoquer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Savin, l’amendement n° 272 est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Monsieur le ministre, je regrette que vous ne m’ayez pas apporté plus d’indications, d’autant que Mme la corapporteur vous a tendu une perche en sollicitant votre avis sur la question.
J’entends que mon idée est bonne, mais qu’elle soulève trop de difficultés. Cependant, madame la corapporteur, monsieur le ministre, ce sont surtout les entreprises qui sont en difficulté !
Aujourd’hui, sur plusieurs chantiers où des recours ont été formés sur certains points, les entreprises ne peuvent pas intervenir tant que la totalité des recours n’a pas été traitée. Elles doivent alors mettre des salariés au chômage.
Mon amendement ne vise pas à remettre en cause la possibilité de former des recours ou de manifester son hostilité à un projet. Je rappelle que les autorisations sont données et qu’il s’agit non pas de travaux de construction, pour couler du béton, mais de travaux préparatoires. Ces travaux ont un important coût économique pour les collectivités locales et peuvent mobiliser plusieurs dizaines de personnes sur les chantiers.
Je ne vois donc pas où est la difficulté, sachant que les autorisations ont été données et que les recours qui visaient ces parties du projet en cause ont été levés. Les travaux pourraient commencer, mais, comme il y a encore un recours sur un autre dossier, on les stoppe. Cela ne me semble pas aller dans le sens du Gouvernement, qui souhaite soutenir l’économie au travers de ce projet de loi.
Je maintiens donc mon amendement et j’appelle mes collègues à le voter.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Par le biais de toutes les dispositions qui ont été adoptées depuis le début de l’après-midi, nous contribuons à répondre à la problématique qui est la vôtre, monsieur le sénateur : accélérer les procédures, mieux encadrer et réduire les délais de recours. À cela s’ajoutent les mesures qui ont déjà été prises en matière d’urbanisme, par exemple, grâce à la loi de 2013, qui a permis précisément de limiter les recours abusifs.
Ce qui manque aujourd’hui dans notre dispositif législatif, c’est une telle limitation en matière de droit de l’environnement.
Vous, vous cherchez à apporter une réponse transversale par la suspension du délai de validité des autorisations. À mes yeux, il est préférable d'essayer de limiter les recours ou de les traiter plus rapidement, et la meilleure solution, à tous égards, consiste dans la réduction des délais de recours. Telle est l’orientation que nous avons collectivement adoptée depuis le début de l’après-midi.
Selon moi, beaucoup de réponses ont été ou sont apportées. Il reste un sujet qui n’a pas été traité jusqu’ici à travers les décisions que vous avez validées par vos votes, c’est en effet la chasse aux recours abusifs en matière de droit de l’environnement. C’est aujourd’hui l’angle mort.
Un groupe de travail a été lancé par la ministre de l’environnement et la ministre de la justice. Il a donné lieu aux concertations qui ont été évoquées dans cet hémicycle. Ce point a également été traité par le 4° du I de l’article 28 du présent projet de loi et par l’habilitation accordée au Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance, laquelle a été rétablie, même si vous l’avez assortie du sous-amendement proposé par la commission. C’est donc à travers le prisme de l’article 28 que le Sénat a choisi de traiter cette question.
Cela signifie que ce n’est pas le biais de la suspension des délais de validité qui a été retenu. Il s’agit d’une autre approche, qui revient en réalité à faire porter sur l’administration et sur la procédure elle-même le problème des recours et sur la validité même des procédures.
Selon moi, je le répète, la réponse la plus efficace consiste à accélérer la délivrance des autorisations et à limiter les recours. Telle est, en tout cas, notre démarche. Il faut aller plus loin en matière de droit de l’environnement : l’article 28 contribue à répondre à cette nécessité.
Cette solution est préférable à celle qui passe par la suspension des délais, laquelle crée une situation génératrice de contentieux. Il faudra suivre les délais de recours, il faudra que les éléments de validité donnés par l’administration soient décalés dans le temps… Croyez-moi, monsieur Savin, à vous suivre, on risque de créer plus de complexité que si l’on parvient à raccourcir et à harmoniser les délais, objectif qui, me semble-t-il, nous est commun.
Autrement dit, j’en appelle à davantage de simplicité et d’exigence en amont, conformément à l’option que nous avons ensemble retenue ici depuis le début de l’après-midi. Voilà pourquoi j’ai émis un avis défavorable sur cet amendement, tout en reconnaissant que sa finalité est la même que celle des décisions qui ont été prises précédemment.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Monsieur le ministre, à mes yeux, les deux objectifs ne sont pas incompatibles.
Je me permets d’insister sur la difficulté de la situation dans laquelle peuvent se retrouver des entreprises : faute de pouvoir faire ce qu’elles ont à faire dans les délais qui leur ont été prescrits, elles sont obligées de formuler une nouvelle demande d’autorisation, laquelle risque de faire l’objet d’un nouveau recours. C’est le serpent qui se mord la queue !
Selon moi, la réduction des délais, objectif que nous partageons tous, comme vous venez de le dire, ne me paraît pas incompatible avec la mesure que je propose puisqu’elle tend à parer aux dommages que peuvent causer des délais d’une longueur excessive.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 605 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam et MM. Calvet, Gilles, Allizard et Charon.
L'amendement n° 926 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Delahaye et Mme Doineau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 de l’article 1684 du code général des impôts est abrogé.
L’amendement n°605 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 926 rectifié bis.
M. Olivier Cadic. Cet amendement s’inscrit dans une logique économique et dans un esprit de simplification du droit. Il tend à réduire le délai de séquestre durant lequel le produit de la cession d’un fonds de commerce est indisponible pour le vendeur.
Pour la cession des murs, la somme est remise immédiatement au vendeur, alors que, pour la vente d’un fonds, elle est dans la plupart des cas séquestrée durant cinq mois et demi. Cela n’est plus acceptable aujourd’hui, que ce soit sur le plan économique ou sur le plan humain. En effet, le vendeur peut avoir besoin de disposer très rapidement de cette somme, pour rembourser des créanciers ou pour la réinvestir dans une nouvelle entreprise ou encore pour s’assurer une retraite décente. Ce délai de près d’une demi-année peut conduire des cédants à se retrouver en situation de précarité.
Les notaires et avocats chargés du séquestre sont quotidiennement confrontés à l’incompréhension de leurs clients et certains d’entre eux se placent parfois hors-la-loi en débloquant les sommes avant la durée légale parce que la situation économique ou humaine dans laquelle se trouve le client l’impose.
Le raccourcissement des délais de séquestre a notamment été proposé par les notaires, réunis en congrès en 2009.
Pour ce qui est de la fiscalité, l’alinéa 1er de l’article L. 1684-1 du code général des impôts dispose que l’acquéreur reste solidaire du vendeur pour le paiement des impôts sur le revenu pendant une période de trois mois.
Cette solidarité, qui ne s’applique pas aux droits sociaux, c’est-à-dire lors de la cession d’une entreprise détenue sous forme sociale, trouvait sa justification dans la nécessité d’assurer le paiement de l’impôt sur le revenu. Or, en matière de cession de fonds de commerce, le législateur a prévu de nombreux cas d’exonération ou de réduction de la taxation de la plus-value. Aussi, le maintien d’un tel dispositif de solidarité en matière fiscale ne se justifie plus et il convient donc de le supprimer, ce qui permettra d’« économiser » trois mois sur le temps de mise sous séquestre de la somme versée par le vendeur lors de l’acquisition.
Au Royaume-Uni, où je réside, il m’est arrivé de céder des fonds de commerce : je peux vous dire que, dans ce pays, la cession d’un fonds de commerce a lieu dans les mêmes conditions que la cession d’une société et le cédant reçoit directement le produit de la vente.
Ce dispositif de solidarité fiscale constitue donc une incongruité à laquelle il convient aujourd’hui de mettre un terme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En cas de cession d’un fonds de commerce, il existe bien deux délais distincts : le délai de séquestre, d’une durée normale de cinq mois, et le délai de solidarité fiscale.
Par cet amendement, monsieur Cadic, vous proposez de supprimer le délai de solidarité fiscale. Pourtant, la suppression de ce délai ne permettrait en aucun cas de réduire le délai de cinq mois de séquestre.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement dans la mesure où il ne permettrait pas d’atteindre l’objectif que vous lui avez vous-même assigné en le présentant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Cadic, maintenez-vous cet amendement ?
M. Olivier Cadic. Lorsque vous cédez un fonds de commerce, si le fisc vous réclame de l’argent, vous n’avez pas le choix : il faut payer, et je ne comprends pas pourquoi il existe cette solidarité fiscale entre le vendeur et l’acheteur. En cas de cession de parts d’une société, il y a une garantie de passif qui est discutée entre l’acheteur et le vendeur, et il n’existe pas de solidarité fiscale.
Par conséquent, ce qui est ici en cause, c’est à la fois le délai de séquestre et cette solidarité fiscale.
A priori, ce que nous cherchons à faire, c’est libérer les énergies, pour stimuler la croissance, et nous sommes là face à un dispositif qui, au contraire, bride les énergies et freine la croissance puisqu’on met le vendeur en situation d’attente pendant cinq mois avant qu’il puisse se relancer. Dès lors, il me paraît un peu étrange de se satisfaire du statu quo.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement, afin que le Sénat puisse trancher la question.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 926 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 28 bis A (nouveau)
L’article L. 424-5 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 424-5. – La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l’objet d’aucun retrait.
« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 403 est présenté par Mme Monier, M. Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 637 rectifié est présenté par MM. Jarlier et Kern, Mme Loisier, MM. Bonnecarrère et D. Dubois, Mme Gatel et MM. Roche, Guerriau et L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour défendre l’amendement n° 403.
Mme Marie-Pierre Monier. Il s’agit en fait, par cet amendement, de restituer aux élus, aux maires, un droit, celui de rectifier une erreur : le droit de retrait d’une autorisation de déclaration préalable quand elle s’avère illégale.
L’article 28 bis A, adopté en commission spéciale, prévoit que la décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l’objet d’aucun retrait, alors que le dispositif voté dans le cadre de la loi dite ALUR prévoyait un retrait en cas d’illégalité dans un délai de trois mois.
Il n’y a pas de motif d’interdire aux communes de rectifier une erreur qui, bien souvent, n’a été que de laisser passer un délai, en l’occurrence très court puisqu’il est d’un mois.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour défendre l’amendement n° 637 rectifié.
M. Claude Kern. L’objet de cet amendement est de restaurer des dispositions qui ont été votées dans le cadre de la loi dite ALUR et qui venaient enfin corriger une évolution regrettable de la réforme des autorisations de permis de construire en date de 2007.
En effet, la loi ALUR permettait que l’autorité compétente puisse, à nouveau, en matière de délivrance des autorisations de construire, retirer une non-opposition tacite ou explicite à une déclaration préalable lorsque celle-ci est illégale, et ce dans un délai de trois mois.
Rappelons que le délai d’un mois pour l’instruction des déclarations reste bref, compte tenu, d’une part, du champ d’application de ces déclarations et, d’autre part, de la nouvelle organisation locale qui doit être mise en place.
Il est donc indispensable que les élus conservent la capacité de revenir sur cette décision. Faut-il souligner que cette capacité de retrait ne concerne que des non-oppositions illégales ?
À défaut de l’adoption de cette mesure, la seule possibilité de retrait sera contentieuse, ce qui ne va pas vraiment dans le sens d’une accélération et d’une simplification des procédures. Il est donc impératif de revenir aux dispositions de la loi ALUR en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces deux amendements tendent à maintenir la possibilité de retirer une décision de non-opposition à la déclaration préalable dans un délai de trois mois.
En commission, guidés par un souci de simplification des démarches et de renforcement de la sécurité juridique des projets, nous avions adopté une disposition conduisant à ne plus pouvoir retirer une décision de non-opposition à une déclaration préalable, revenant ainsi à la situation antérieure à la loi ALUR.
Toutefois, j’entends les arguments de ceux qui souhaitent maintenir la possibilité de retirer une décision de non-opposition.
C’est ce qui m’amène à demander aux auteurs de ces deux amendements de les retirer au profit de l’amendement n°638 rectifié, qui vient ensuite et sur lequel j’émettrai un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Les deux amendements qui viennent d’être présentés sont en effet assez voisins de l’amendement n°638 rectifié, mais c’est sur eux que, pour ma part, j’émets un avis favorable.
En effet, ils visent à rendre possible le retrait de la décision de non-opposition à une déclaration préalable, et cela sert les intérêts des porteurs de projets. Une telle mesure aboutit à un allégement de la fiscalité et à une meilleure sécurité juridique.
Je suis moins favorable à l’amendement n°638 rectifié, essentiellement pour des raisons qui tiennent à sa rédaction.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 403 et 637 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 28 bis A est supprimé et l'amendement n° 638 rectifié n'a plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de cet amendement, présenté par MM. Jarlier, Kern, Bonnecarrère et D. Dubois, Mme Gatel et MM. Détraigne, Roche, Guerriau et L. Hervé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 424-5 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 424-5. – La décision de non-opposition à une déclaration préalable, tacite ou explicite, ne peut être retirée que si elle est illégale et dans le délai d’un mois suivant la date de cette décision.
« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision.
« Ces délais passés, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. »
Article 28 bis
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au deuxième alinéa de l’article L. 125-7, les mots : « dernière en date des publications prévues » sont remplacés par les mots : « publication prévue » ;
1° B (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 141-6, les mots : « la quinzaine » sont remplacés par les mots : « les trente jours » ;
1° L’article L. 141-12 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans l’arrondissement ou le département dans lequel le fonds est exploité et » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
2° À la première phrase de l’article L. 141-13, après le mot : « mutation, », sont insérés les mots : « sauf s’il s’agit d’un acte authentique, » ;
2° bis (nouveau) La première phrase de l’article L. 141-14 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « dernière en date des publications visées » sont remplacés par les mots : « publication prévue » ;
b) Les mots : « par simple acte extrajudiciaire » sont remplacés par les mots : « par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » ;
2° ter (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 141-15, les mots : « de grande instance » sont supprimés ;
2° quater (nouveau) À l’article L. 141-16, les mots : « de grande instance » sont supprimés ;
2° quinquies (nouveau) À l’article L. 141-17, les mots : « fait les publications dans les formes prescrites » sont remplacés par les mots : « procédé à la publication prescrite » ;
2° sexies (nouveau) L’article L. 141-18 est abrogé ;
3° Les deuxième à dernier alinéas de l’article L. 141-19 sont supprimés ;
4° (nouveau) À l’article L. 141-20, les mots : « qu’il y ait eu ou non surenchère, » sont supprimés ;
5° (nouveau) L’article L. 141-21 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « dans les journaux d’annonces légales et » sont supprimés ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « ces insertions » sont remplacés par les mots : « cette insertion » ;
6° (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 141-22, les mots : « dernière en date des publications prévues » sont remplacés par les mots : « publication prévue » ;
7° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 142-4, les mots : « la quinzaine » sont remplacés par les mots : « les trente jours » ;
8° (nouveau) À l’article L. 143-11, la référence : « L. 141-19, » est supprimée.
II (nouveau). – À la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 324-1 du code des assurances, les mots : « , et écarte l’application du droit de surenchère prévu par l’article L. 141-19 du code de commerce » sont supprimés.
III (nouveau). – À la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 931-16 du code de la sécurité sociale, les mots : « , et écarte l’application du droit de surenchère prévu par l’article L. 141-19 du code de commerce » sont supprimés.
IV (nouveau). – Au quatrième alinéa du 1 de l’article 201 du code général des impôts, les mots : « dans un journal d’annonces légales » sont supprimés.
V (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 22 de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce, la référence : « L. 141-19, » est supprimée. – (Adopté.)
Article 28 ter
(Non modifié)
Après le premier alinéa de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette motivation doit indiquer l’intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d’opposition, notamment l’ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6. »
Mme la présidente. L'amendement n° 639 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Kern, Bonnecarrère et D. Dubois, Mme Gatel et MM. Détraigne, Roche, Guerriau et L. Hervé, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. L’article 28 ter, introduit dans le projet de loi par l’Assemblée nationale, encadre de manière drastique la possibilité, pour l’autorité en charge de la délivrance des autorisations de construire, de refuser un permis de construire.
Plus précisément, si les dispositions de cet article entraient en vigueur, l’autorité compétente pour délivrer les autorisations de construire devrait, lorsqu’elle rejette une demande de permis, exposer l’intégralité des motifs justifiant sa décision, notamment l'ensemble des éléments de non-conformité des travaux envisagés aux dispositions législatives et réglementaires. En d’autres termes, si l’ensemble des moyens susceptibles d’être soulevés ne sont pas invoqués dans le délai prévu, la décision de refus sera illégale, même si l’omission n’est pas coupable ou dilatoire.
Ce dispositif est une manifestation de plus d’une certaine conception qui a cours actuellement : l’élu local ne refuserait des permis de construire qu’à des fins dilatoires, abusant du pouvoir dont il dispose plutôt qu’agissant en tant que responsable d’une charge qui lui est confiée.
La profonde réorganisation de l’instruction des autorisations de construire qui est en cours sur nos territoires suffit largement à justifier qu’on ne complique pas davantage les procédures.
Mes chers collègues, cessons de concevoir des règles qui asphyxient tout le monde pour combattre des pratiques certes condamnables, mais marginales !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les dispositions de l’article 28 ter, que la commission spéciale a adoptées sans modification, obligent l’autorité compétente rejetant une demande de permis de construire ou s’opposant à une déclaration préalable, non seulement à motiver sa décision, mais encore à préciser l’intégralité des motifs la justifiant. Dans la mesure où ce dispositif est de nature à prévenir les décisions administratives de rejet ou d’opposition présentant un caractère dilatoire, la commission spéciale maintient sa position et invite le Sénat à rejeter l’amendement n° 639 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 28 ter.
(L'article 28 ter est adopté.)
Article 28 quater
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 171 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase, les mots : « résultant de la présente loi » sont remplacés par les mots : « législatives en vigueur à la date de la publication de l’ordonnance ou entrant en vigueur après cette date, » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Cette ordonnance peut déplacer des dispositions entre le livre Ier du code de l’urbanisme et les autres livres du même code. » – (Adopté.)
Article 28 quinquies
(Supprimé)
Article 29
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
A. L’article L. 480-13 est ainsi modifié :
1° Le a devient un 1° et est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et si la construction est située dans l’une des zones suivantes : » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
c) Sont ajoutés seize alinéas ainsi rédigés :
« a) Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionnés au II de l’article L. 145-3, lorsqu’ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l’occupation et à l’utilisation des sols ;
« b) Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques mentionnés à l’article L. 146-6, lorsqu’ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l’occupation et à l’utilisation des sols ;
« c) La bande de trois cents mètres des parties naturelles des rives des plans d’eau naturels ou artificiels d’une superficie inférieure à mille hectares mentionnée à l’article L. 145-5 ;
« d) La bande littorale de cent mètres mentionnée au III de l’article L. 146-4 ;
« e) Les cœurs des parcs nationaux délimités en application de l’article L. 331-2 du code de l’environnement ;
« f) Les réserves naturelles et les périmètres de protection autour de ces réserves institués en application, respectivement, de l’article L. 332-1 et des articles L. 332-16 à L. 332-18 du même code ;
« g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 dudit code ;
« h) Les sites désignés Natura 2000 en application de l’article L. 414-1 du même code ;
« i) Les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnés au I de l’article L. 515-16 dudit code, celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l’article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d’étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé ;
« j) Les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement instituées en application de l’article L. 515-8 du code de l’environnement ;
« k) Les périmètres des servitudes sur des terrains pollués, sur l’emprise des sites de stockage de déchets, sur l’emprise d’anciennes carrières ou dans le voisinage d’un site de stockage géologique de dioxyde de carbone instituées en application de l’article L. 515-12 du même code, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages ;
« l) Les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine créées en application de l’article L. 642-1 du code du patrimoine ;
« m) Les périmètres de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques prévus aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 621-30 du même code ;
« n) Les secteurs délimités par le plan local d’urbanisme en application des 2° et 5° du III de l’article L. 123-1-5 du présent code ;
« o) Les secteurs sauvegardés créés en application de l’article L. 313-1 du présent code.
« L’action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative. » ;
2° Le b devient un 2°.
B (nouveau). – À l’article L. 600-6, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « le 1° ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 143 rectifié est présenté par MM. de Nicolaÿ, Bignon, Bonnecarrère, Cadic, Calvet et Charon, Mmes Deromedi et Deseyne, MM. Gilles et Laménie, Mmes Lamure et Loisier et MM. Pierre et Vogel.
L'amendement n° 454 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 26.
M. Dominique Watrin. L’article 29 du projet de loi restreint à certaines zones limitativement énumérées la possibilité de démolir des constructions édifiées sur le fondement d’un permis de construire dont l’annulation a été prononcée. En outre, il réduit de deux ans à six mois après l’annulation définitive du permis de construire par le juge administratif le délai au cours duquel l’action en démolition peut être engagée.
Certes, le délai de deux ans sera maintenu pour les zones sensibles, dont la liste a été étoffée par la commission spéciale. L’article, dans son principe, n’en paraît pas moins difficilement acceptable, en ce qu’il favorise la stratégie du fait accompli et la violation délibérée des règles d’urbanisme.
En effet, la pression foncière ne s’exerce pas seulement sur les zones protégées et les centres-villes historiques ; elle se fait également sentir à la périphérie des grandes villes, notamment dans toute la banlieue parisienne. Or, si l’article 29 dans sa rédaction actuelle était adopté, plus aucune démolition ne pourrait être prononcée à la demande des voisins, en milieu urbain comme en zone rurale, dès lors qu’un permis de construire aurait été obtenu et respecté, quand bien même il serait attaqué dans les délais et finalement annulé.
De plus, ni l’exposé des motifs du projet de loi ni son étude d’impact ne font état de la moindre donnée statistique sur le contentieux, ce qui n’aide guère à apprécier l’impact de celui-ci sur le sort des constructions
Enfin, cet article s’inscrit dans un ensemble de mesures de réécriture, voire de régression du droit de l’environnement, comme le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale l’a lui-même fait observer.
Pour nous, le contrôle social sur le droit de l’urbanisme est une condition importante du respect de celui-ci, dans la mesure où le contrôle de légalité, on le sait bien, est très insuffisant.
Certes, des dommages et intérêts pourraient toujours être réclamés au constructeur dont le permis a été annulé, mais ce constructeur se trouverait en situation d’acheter, en quelque sorte, la violation d’une règle fondamentale de l’urbanisme en indemnisant ceux qui en subissent les conséquences. En d’autres termes, dès lors que le bénéfice tiré de la construction excéderait les dommages versés, le non-respect de la règle d’urbanisme serait pour ainsi dire profitable.
Pour nous, cet article fait peser une menace sur ce qui a pu être appelé l’« environnement ordinaire », qu’il soit urbain ou rural ; il n’est pas neutre pour le maintien du cadre de vie. C’est pourquoi nous en proposons la suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 143 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Lorsqu’une construction a été édifiée sur le fondement d’un permis de construire déclaré illégal, les voisins et les autres tiers concernés doivent pouvoir demander au juge civil sa démolition. Sinon, nous ne serions plus dans un État de droit !
Or l’article 29 leur ôte cette possibilité, sauf dans des cas particuliers dont la liste est loin de couvrir toutes les situations délicates. En particulier, il ne serait plus possible, malgré la déclaration d’illégalité du permis de construire, de demander la démolition des grandes éoliennes, y compris celles qui ont été implantées à moins de 500 mètres d’une habitation, des autres installations classées, parmi lesquelles les usines polluantes, des bâtiments parasitaires édifiés dans un parc naturel régional, des bâtiments implantés sur le rivage au-delà d’une bande de 100 mètres, pourtant étroite, et des bâtiments implantés dans le voisinage d’un monument historique au-delà d’un rayon de 500 mètres, mais suffisamment près de lui pour le défigurer.
L’adoption de cet article conduirait à la multiplication des permis de complaisance puisque les infractions aux règles d’urbanisme ne seraient plus sanctionnées par une démolition. Toute la législation relative à la construction et à l’urbanisme en serait ébranlée !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 454.
M. Jean Desessard. L’article 29 du projet de loi prévoit que les bâtiments dont le permis de construire aura été annulé par une décision de justice ne pourront plus être démolis.
C’est tout de même extraordinaire ! Tout à l'heure, on a dénoncé les recours abusifs. Mais il y a aussi des recours justifiés, puisque le tribunal a reconnu que la construction était illégale. Et pourtant, cet article nous explique qu’il ne faut rien faire !
Mme Annie David. Voilà !
M. Jean Desessard. Autant dire qu’il ne faudrait plus qu’il y ait de recours et qu’on peut construire comme on veut !
Certes, les démolitions resteraient possibles dans certaines zones protégées : les rives des plans d’eau, les espaces caractéristiques du patrimoine naturel et culturel, le cœur des parcs nationaux, les réserves naturelles, les sites désignés Natura 2000 et les zones figurant dans les plans de prévention des risques technologiques et dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Toutefois, la démolition deviendrait impossible sur une très grande partie du territoire, y compris dans les parcs naturels régionaux et nationaux.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 29 empêche une action visant à obtenir la démolition d’une construction dont le permis a été annulé en raison de sa localisation dans un espace agricole, naturel ou forestier ou du non-respect des distances d’éloignement par rapport à des bâtiments agricoles ou forestiers.
Le message qui est ainsi envoyé est catastrophique : il s’agit, ni plus ni moins, d’une incitation à passer en force pour construire où l’on veut et comme on veut !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exactement !
M. Jean Desessard. Le permis a été annulé ? La construction est illégale ? Qu’importe, regardez comme le bâtiment est beau ! Le détruire ? Vous n’y pensez pas !
Mes chers collègues, en supprimant la sanction qu’est la démolition, nous ouvririons la voie à la politique du fait accompli. Nous ne pouvons y souscrire !
Mme Annie David. Très bien !
M. Jean Desessard. La rédaction actuelle de cet article est d’autant plus regrettable que l’Assemblée nationale était parvenue à un compromis intéressant : elle avait maintenu la possibilité de démolition, tout en réduisant le délai de recours de deux ans à six mois – il y avait donc une amélioration, au moins d’un certain point de vue –, afin de prévenir les recours abusifs et d’apporter des garanties de sécurité aux acteurs de la construction.
Il est dommage que la commission spéciale ait choisi de remettre en cause ce compromis en rétablissant l’article 29 dans sa rédaction initiale. C’est pourquoi nous en proposons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces trois amendements identiques visent à supprimer l’article 29, qui sécurise les projets de construction en recentrant l’action en démolition sur les constructions situées dans des zones, espaces ou secteurs présentant des enjeux particuliers.
Il importe de préciser que seules sont concernées les actions en démolition visant des constructions édifiées sur le fondement d’un permis de construire ayant été annulé. Il restera possible de recourir à la procédure de référé suspension.
En outre, l’article 29 ne remet pas en cause les autres possibilités de démolition des travaux de construction, en particulier celles prévues par le droit civil sur le fondement du droit de la propriété ou des troubles anormaux du voisinage.
Dans ces conditions, je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; s’ils les maintiennent, la commission spéciale y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je signale que notre collègue Marie-Pierre Monier a par ailleurs déposé un amendement n° 967 rectifié bis tendant à rétablir l’article 29 dans la rédaction de compromis dont M. Desessard vient de parler.
Quoi qu'il en soit, il est vrai que le dispositif tel qu’il nous est soumis est totalement inacceptable. C’est vraiment une illustration de la formule « selon que vous serez puissant ou misérable » : quand celui qui a volé une mobylette est condamné, on ne lui propose pas de la garder au cas où ça ne gênerait personne ! Dans le cas qui nous occupe, le bâtiment est construit, le permis est annulé, la démolition est prononcée, mais elle n’est pas exécutée. Non ! Les démolitions qui ont été décidées doivent être exécutées !
Je puis vous dire que, quand j’étais ministre du logement, j’ai même eu du mal à faire exécuter des démolitions au sein même d’espaces remarquables ; je me souviens notamment d’une injonction que j’ai dû adresser au préfet de Corse pour qu’un bâtiment dont le permis de construire avait été déclaré illégal soit détruit. (Exclamations amusées.) Oh ! ce n’est pas seulement en Corse que des difficultés se posent. Ainsi, sur la Côte d’Azur, un certain nombre de hauts dignitaires du Moyen-Orient possèdent des propriétés construites en bord de mer, au mépris de toutes les règles, mais qui n’ont jamais été détruites.
La loi doit être la même pour tous et partout !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si la justice estime qu’un bâtiment doit être démoli, il faut qu’il le soit ! Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures !
Mme Annie David. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Indépendamment des problèmes qu’une construction illégale peut poser du point de vue de l’environnement, il faut se représenter combien il est difficile de faire exécuter les décisions de démolition, en particulier dans les zones ensoleillées que je connais bien. Rendre ces démolitions encore plus difficiles ne me paraît pas vraiment opportun…
Du reste, je me demande vraiment pourquoi cette disposition a été inscrite dans le projet de loi….
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26, 143 rectifié et 454.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 29 est supprimé, et l'amendement n° 967 rectifié bis n'a plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de cet amendement, présenté par Mme Monier, M. Guillaume, Mmes S. Robert, Jourda, Emery-Dumas, Ghali, Bataille et Lienemann, MM. Chiron, Aubey, Duran, D. Bailly, Vincent et Raoul, Mmes Claireaux et Blondin et M. Labazée :
I. – Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
a) À la seconde phrase, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « six mois » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Ce délai est porté à deux ans si la construction est située dans l’une des zones suivantes : ».
II. – Alinéas 22 et 24
Supprimer ces alinéas.
Article 30
(Non modifié)
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 431-3 du code de l’urbanisme et à la première phrase du premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, les mots : « à responsabilité limitée à associé unique » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 30 du projet de loi, qui se rapporte aux architectes, m’offre l’occasion de soulever un problème important : la modification du seuil de surface de plancher déterminant le recours obligatoire à un architecte.
Une mission commune au ministère de la culture et de la communication et à celui de l’égalité des territoires et du logement a rendu, en septembre 2013, un rapport d’évaluation sur les conséquences de la réforme du calcul des surfaces. Elle a conclu à la nécessité d’abaisser à 150 mètres carrés de plancher le seuil du recours obligatoire à un architecte.
En effet, le décret du 7 mai 2012 relatif à une des dispenses de recours à un architecte a modifié les conditions de calcul de la surface des bâtiments en substituant à la mesure en surface hors œuvre nette – SHON – la mesure en surface de plancher. Il s’agissait de ne pas faire entrer dans le calcul de la surface l’épaisseur des parois de façade, afin de favoriser la meilleure isolation thermique et de réduire la consommation énergétique globale des constructions.
Le problème réside dans le fait que le seuil obligatoire de recours à l’architecte est resté fixé à 170 mètres carrés, mais en passant d’une mesure en SHON à une mesure en surface de plancher, ce qui a pour effet indirect de pénaliser les architectes : 170 mètres carrés de surface de plancher équivalent en effet à 190 mètres carrés de SHON.
Paradoxalement, les lois Grenelle 1 et Grenelle 2, qui fixent l’objectif d’une réduction de la consommation énergétique des logements et dont découle le décret mentionné, ont donc eu pour effet indirect, comme le précise le rapport interministériel, de septembre 2013, de pénaliser les acteurs les plus performants dans ce domaine, à savoir les architectes.
Si l’impact économique de cette mesure ne représente que 0,14 % du marché global de la maison individuelle, puisque la surface moyenne des maisons individuelles n’est en France que de 110 mètres carrés et que près de 90 % d’entre elles font moins de 170 mètres carrés, cette variation du seuil a une incidence considérable sur l’activité des cabinets d’architecture, déjà particulièrement touchés par la crise.
Au demeurant, cela n’a pas eu d’effet positif sur la construction de maisons individuelles, qui a vu son effondrement se poursuivre, passant de 170 000 unités en 2010 à 105 000 en 2013.
Loin d’être une contrainte, le recours à l’architecte constitue une véritable garantie de qualité pour le consommateur. C'est en effet un professionnel qualifié et diplômé par l’État ; il établit des actes professionnels conformes au code de déontologie de la profession, il est transparent sur ses honoraires, qui sont clairement identifiés, et il est indépendant vis-à-vis des entreprises de construction.
Il convient de souligner ici que le marché de la maison individuelle est largement tenu par des professionnels moins qualifiés et respectueux des dispositions réglementaires et législatives.
En 2013, les services du ministère de l’économie et des finances eux-mêmes ont ainsi relevé 40 % d’infractions dans les pratiques commerciales des constructeurs de maisons individuelles, avec des maisons ne correspondant pas aux modèles présentés, des indications de prix sans précisions techniques et une certaine opacité quant à la répartition entre les coûts commerciaux, les coûts de conception, les coûts de suivi de chantier, les coûts de construction et le coût du foncier.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous demandons si vous pouvez nous donner des garanties quant à la modification consistant à ramener à 150 mètres carrés le seuil de recours obligatoire à un architecte.
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Comme vient de l’expliquer mon collègue Michel Le Scouarnec, cet article généralise l’exemption de recours à un architecte.
La loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture prévoit en effet le principe du recours obligatoire à l’architecte et l’assortit de dérogations strictement limitées par son article 4. Il convient, selon nous, de ne pas élargir le champ de ces dérogations.
Présenté comme une mesure de simplification, l’article 30 modifie substantiellement l’article 4 précité. Il tend à créer une nouvelle dispense de recours à l’architecte en permettant à tout type d’exploitation agricole, et non plus seulement aux personnes physiques ou aux exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique, de ne pas faire appel à un architecte lorsqu’elles déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance.
Or les effets d’une telle modification n’ont pas été évalués puisque aucune étude sur ses conséquences pratiques, économiques et architecturales n’a été réalisée.
Cette nouvelle dérogation est justifiée par la volonté de limiter les coûts qu’entraînerait le recours à l’architecte, mais on ne semble pas s’être soucié du manque à gagner qu’elle ne manquerait pas d’entraîner pour les architectes, alors que cette profession est déjà durement touchée par la crise économique.
Cette dérogation se trouve en outre en contradiction totale avec la loi de 1977, qui dispose dans son article 1er que « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s'assurent, au cours de l'instruction des demandes, du respect de cet intérêt ».
Cette mesure aurait ainsi de nombreuses conséquences négatives, qu’il s'agisse de l’impact sur le paysage et l’environnement des constructions à usage agricole, avec à la clé une dénaturation du paysage, ou de l’impact sur les activités mêmes des agriculteurs, la qualité architecturale d’un bâtiment, son adéquation aux besoins et sa fonctionnalité, qui sont pourtant autant d’atouts pour en augmenter la valeur patrimoniale et améliorer la productivité de l’exploitation. Or, dans de tels projets, l’architecte joue à tous égards un rôle majeur, son intervention permettant de faire en outre des économies à toutes les phases de l’opération, de sa conception à sa réalisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La dispense de recours à un architecte jusqu’à 800 mètres carrés paraît une mesure de bon sens, qui participe à la simplification et à la lisibilité du droit.
C’est pourquoi la commission spéciale a décidé d’adopter en l’état l’article 30. Elle est donc défavorable à cet amendement, qui tend à le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 111 rectifié ter, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Kern, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 431-3 du code de l’urbanisme, après le mot : « unique », sont insérés les mots : « ainsi que les sociétés civiles constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus ».
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. En vertu de l’article L. 431-3 du code de l’urbanisme, les personnes physiques voulant édifier ou modifier pour elles-mêmes une construction à usage autre qu’agricole – habitation ou commerce, par exemple – et dont la surface de plancher n’excède pas 170 mètres carrés ne sont pas tenues de recourir à un architecte.
A contrario, toute personne morale est obligée de recourir à un architecte pour toute demande de permis de construire, quelle que soit la surface de la construction projetée.
Ainsi, une SCI – une société civile immobilière – composée de membres d’une même famille et qui fait effectuer des travaux soumis à permis de construire devra, en toutes circonstances, faire appel à un architecte. Il serait plus juste d’assimiler ce type de société aux personnes physiques au regard de l’obligation de recourir à un architecte.
C’est pourquoi le présent amendement vise à étendre les dispositions prévues à l’article L. 431-3 du code de l’urbanisme à la SCI familiale au sens de l’article 13 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, à savoir la société civile immobilière constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Si l’on peut comprendre l’exemption pour les particuliers qui ont vocation à occuper la maison qu’ils font construire et sont ainsi seuls à prendre la décision de recourir ou non à un architecte, on peut être beaucoup plus réservé sur le fait d’étendre la dispense de recours à l’architecte pour les constructions de faible importance des sociétés civiles familiales. En effet, on peut considérer que le recours à l’architecte est protecteur de l’ensemble des parties pour les sociétés civiles.
Il convient de s’entourer de toutes les garanties pour les constructions réalisées par des sociétés, afin d’éviter toute difficulté ultérieure entre associés.
C'est la raison pour laquelle je vous demanderai, monsieur Kern, de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 30.
(L'article 30 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 30
Mme la présidente. L'amendement n° 991, présenté par M. Collomb, Mme Schillinger, MM. Boulard et Patriat et Mme Guillemot, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du II de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« 2° Définir des destinations en fonction des situations locales, et les règles qui s’y rapportent ; »
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Cet amendement tend à introduire une évolution rédactionnelle qui vise à permettre au plan local d’urbanisme de prendre en compte les évolutions législatives récentes – résultant notamment de la loi ALUR, mais aussi de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – qui en renforcent le contenu dans divers domaines et donc le champ d’intervention.
À ce titre, il paraît nécessaire de laisser aux auteurs du PLU, bien entendu sous le contrôle du juge administratif, le soin de gérer les destinations pour améliorer la prise en compte de la mixité fonctionnelle.
La diversification et l’interrelation, au sein des villes, des modes de produire, de commercialiser, de consommer et d’habiter se complexifient, si bien que l’on ne saurait se satisfaire de la liste limitative énumérée par l’article R. 123-9 du code de l'urbanisme, qui, par exemple, ne mentionne même pas les activités tertiaires…
Il convient donc de supprimer cette liste, trop limitative, afin de faciliter la gestion et l’organisation de ces destinations, dans la perspective de construire la ville durable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je comprends le souci d’adapter aussi finement que possible les règles du droit du sol aux réalités locales, mais je suis néanmoins assez circonspecte devant cet amendement. Il importe avant tout que le droit des sols, qui est déjà très difficile à appréhender pour nos concitoyens et pour les porteurs de projet, reste lisible.
Il faut donc que certaines grandes catégories restent définies au niveau national. Si la définition des destinations possibles des locaux varie d’une ville à l’autre, appréhender les droits associés à chaque parcelle risque de devenir encore plus compliqué ! Toutefois, il convient peut-être de faire évoluer la liste des destinations des locaux, notamment pour une meilleure prise en compte des activités tertiaires ; dans ce cas, mieux vaut sans doute modifier le décret concerné.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Mme la corapporteur fait montre d’une parfaite rigueur juridique. Les bases de notre droit des sols sont définies au niveau national dans le code de l’urbanisme, et nous ne pouvons que les appliquer lorsque nous élaborons les PLU. Cependant, la volonté de plusieurs gouvernements successifs de limiter progressivement le nombre de catégories de bâtiments auxquelles nous pouvons appliquer nos règles d’urbanisme aboutit à des aberrations, en particulier pour les activités économiques.
Par exemple, entre deux activités classées aujourd'hui dans la catégorie « services » – catégorie immense puisqu’elle regroupe tous les services –, on imagine facilement que les besoins en parkings peuvent varier de un à cinq. Or nous ne disposons aujourd'hui d’aucun moyen pour adapter nos règles d’obligation de stationnement à l’intérieur de la catégorie « services ».
Les gouvernements successifs n’ont pas du tout entendu cette préoccupation. C’est pourquoi, même si la méthode consistant à passer par la loi n’est certainement pas la meilleure, il me paraît tentant de voter cet amendement pour donner un signal, de sorte que certaines évolutions puissent se produire au cours de la navette.
Certes, il ne serait pas très satisfaisant que chaque commune puisse définir ses sous-catégories : la tâche des opérateurs risquerait de s’en trouver singulièrement compliquée. Mais le gouvernement en place doit, à la différence de tous ses prédécesseurs, comprendre enfin que fixer des règles d’urbanismes pour des catégories regroupant des constructions trop disparates n’est certainement pas le moyen de faire du bon urbanisme.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 991.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Mme la présidente. En conséquence un article additionnel est inséré dans le projet de loi, après l’article 30.
L'amendement n° 990, présenté par M. Collomb, Mme Schillinger, MM. Boulard et Patriat, Mme Guillemot et M. Caffet, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :
1° Le VI de l’article L. 123-1 est abrogé ;
2° Le II de l’article L. 123-1-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif peuvent être autorisées dans les zones naturelles, agricoles ou forestières dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. »
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant, pour obtenir davantage de lisibilité, à réintroduire dans l’article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, consacré au règlement, un alinéa relatif à la possibilité d’autoriser en zone naturelle et agricole les constructions nécessaires aux services publics et d’intérêt collectif, pour autant qu’elles ne soient pas incompatibles avec l’activité agricole et la préservation des espaces naturels et des paysages.
Nous proposons de réintroduire la terminologie usuelle du code de l’urbanisme pour ce type de constructions et d’installations, à savoir les « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », laquelle est notamment visée à l’article R. 123-9 dudit code.
Bien que résidant en zone urbaine, je suis native de la Dombes et je n’ignore pas tous les problèmes que l’on peut rencontrer dans des zones agricoles ou naturelles. Cela étant, il est également difficile d’installer des toilettes dans le parc public de ma commune sans contrevenir au PLU !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La question soulevée par cet amendement est pertinente, mais il me semble préférable de respecter l’habilitation à légiférer donnée à l’exécutif l’an dernier : le Gouvernement pourra ainsi nous proposer une rédaction plus cohérente du livre I du code de l’urbanisme, susceptible de régler d’un coup des dizaines de difficultés analogues à celles que vous mentionnez, ma chère collègue.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Franchement, la formulation de certains passages de ce projet de loi ne nous incite pas à avoir toute confiance dans les capacités de rédaction du Gouvernement !
En outre, il paraît que c’est le législateur qui fait les lois… (Sourires.)
M. Bruno Sido. C’est nouveau ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Cela vous avait échappé, n’est-ce pas ?... (Mêmes mouvements.)
Pour une fois, nous avons un texte très clair et bien rédigé : je pense donc que nous devrions soutenir ce très bon amendement de façon unanime !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le Parlement a aussi voté une habilitation, monsieur Collombat !
Mme la présidente. Madame Guillemot, l'amendement n° 990 est-il maintenu ?
Mme Annie Guillemot. Oui, madame la présidente, car les maires, sur le terrain, veulent que les choses bougent. Or je suis sûre que, si cet amendement est voté, elles bougeront !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30.
L'amendement n° 992, présenté par M. Collomb, Mme Schillinger, MM. Patriat et Boulard et Mme Guillemot, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme, les mots : « Lorsqu’une commune membre de l'établissement public de coopération intercommunale » sont remplacés par les mots : « Lorsqu’une commune membre de la communauté de commune ou de la communauté d’agglomération ».
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. En cas de désaccord d’une commune membre d’un EPCI sur les orientations d'aménagement et de programmation ou sur les dispositions du règlement qui la concernent directement, il est procédé à une nouvelle délibération sur le PLU et celle-ci ne peut être adoptée qu’à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.
Les communautés urbaines – les plus anciennes sont issues de la loi de 1966 – exercent de plein droit leur compétence en matière de planification intercommunale, sur la base de modalités de travail définies avec leurs communes membres et qui font l’objet d’un consensus bien établi. Aussi, il n’est pas nécessaire que soit formalisé, par une délibération supplémentaire à la majorité qualifiée, le vote du PLU.
La procédure de concertation et de collaboration, déjà ancienne, avec les communes membres permet de gérer les éventuelles oppositions en amont de la délibération.
Le dispositif instauré par la loi du 12 juillet 2010 vient alourdir une procédure qui est opérationnelle depuis de nombreuses années pour les établissements publics les plus avancés en matière de coopération intercommunale.
Les métropoles issues de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles bénéficient déjà d’un allégement procédural, notamment la métropole de Lyon, au sein de laquelle je siège. Il serait opportun, selon nous, que les communes membres de communautés de communes et de communautés d’agglomération puissent aussi en bénéficier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le présent amendement dénonce un mécanisme qui vient alourdir une procédure déjà bien rodée pour les établissements publics les plus avancés en matière de coopération intercommunale et vise à ce que ce mécanisme d’opposition communale soit réservé aux seules communautés de communes ou d’agglomération.
On peut certes comprendre ce point de vue, l’urbanisme intercommunal étant plutôt consensuel dans les communautés urbaines qui le pratiquent depuis longtemps. Il me semble toutefois que le mécanisme créé à l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme par la loi ALUR ne devrait pas gêner l’élaboration des PLU intercommunaux. Je ne pense donc pas qu’il y ait lieu, sur ce point, de prévoir un régime différent pour les différentes sortes d’EPCI.
En conséquence, l'avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je voudrais inciter notre collègue Annie Guillemot à retirer cet amendement.
L’argument selon lequel la garantie des minorités serait superflue parce que l’accord constituerait la règle me semble étrange. Il s’agit tout de même d’un sujet assez sérieux, qui a demandé beaucoup de travail. Nos travaux nous ont conduits à accorder des garanties aux communes membres d’une intercommunalité, quel que soit le niveau d’intégration de celle-ci.
Ainsi, dans l’hypothèse où la compétence en matière d’urbanisme a été transférée à la communauté, si une commune membre exprime son désaccord sur le contenu du PLUI applicable à son territoire – ce n’est pas rien ! –, il faudra au moins réunir une majorité des deux tiers du conseil communautaire pour passer outre son opposition.
Je ne vois vraiment pas d’argument de principe qui justifie de priver une commune de cette garantie minimale au motif qu’elle appartient à une communauté urbaine et non à une communauté d’agglomération.
En outre, au regard des difficultés que nous rencontrons avec l’Assemblée nationale pour réussir à stabiliser le dispositif du PLU intercommunal, le vote de cet amendement ne constituerait pas un bon signal. Ce n’est pas le moment de battre en retraite ! Si l’on accepte aujourd’hui que les communes puissent se laisser marcher sur les pieds par une simple majorité communautaire, que devrons-nous accepter demain ? Je caricature un peu, mais l’enjeu est là.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Alain Richard parle d’or. Même si je peux comprendre les intentions exprimées ici ou là sur différents sujets, il me semble qu’il existe un certain danger à croire que l’on peut, au détour de l’insertion d’un article additionnel dans un texte qui ne porte pas principalement sur ces thèmes, régler des problèmes généraux.
Si nous votions cet amendement, nous interviendrions très ponctuellement, en modifiant une disposition du code de l’urbanisme, sans avoir débattu au fond du PLUI et de l’ensemble des mécanismes.
Nous devons nous garder de travailler dans la précipitation, et je vous invite donc simplement, madame Guillemot, à faire preuve de prudence.
Mme la présidente. Madame Guillemot, l'amendement n° 992 est-il maintenu ?
Mme Annie Guillemot. Il s’agissait plutôt de poursuivre dans la voie de l’allégement des procédures, puisque le PLU est de toute façon arrêté à la majorité qualifiée.
Cela étant, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 992 est retiré.
L'amendement n° 1694, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « aliénation à titre gratuit » sont remplacés par les mots : « donations entre vifs » ;
b) Après les mots : « est effectuée », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « : »
2° Après le premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« – entre ascendants et descendants ;
« – entre collatéraux jusqu’au sixième degré ;
« – entre époux ou partenaires d’un pacte civil de solidarité ;
« – entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité, ou entre ces descendants. »
II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° La première phrase du II de l’article L. 141-1-1 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « et L. 143-7 » sont remplacés par les mots : « , L. 143-7 et L. 143-16 » ;
b) Après les mots : « six mois à compter de la publication de l’acte de vente », sont insérés les mots : « ou de donation » ;
c) Après les mots : « dans un délai de six mois à compter du jour où », les mots : « la date de vente » sont remplacés par les mots : « cet acte » ;
d) La deuxième occurrence des mots : « la vente » est remplacée par les mots : « l’acte en cause » ;
e) Après la seconde occurrence du mot : « soit », sont insérés les mots : « , dans le seul cas de la vente, » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 143-8, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
3° Après la section 3 du chapitre III du titre IV du livre premier, il est inséré une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4 : Droit de préemption en cas de donations entre vifs
« Art. L. 143-16. – Sont également soumis au droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural les biens, droits réels et droits sociaux mentionnés aux premier, cinquième et sixième alinéas de l’article L. 143-1, lorsqu’ils font l’objet d’une cession entre vifs à titre gratuit, sauf si celle-ci est effectuée :
« – entre ascendants et descendants ;
« – entre collatéraux jusqu’au sixième degré ;
« – entre époux ou partenaires de pacte civil de solidarité ;
« – entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité, ou entre ces descendants.
« À l’exception de la sous-section trois de la section deux, les dispositions du présent chapitre sont applicables aux donations mentionnées au premier alinéa.
« Toutefois, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 412-8, le notaire chargé d’instrumenter ne mentionne pas le prix. La décision du titulaire du droit de préemption d’acquérir le bien indique l’estimation de celui-ci par les services fiscaux. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Le droit de préemption reste un outil essentiel de régulation publique des marchés fonciers et obtient des résultats globalement satisfaisants.
Toutefois, il subsiste en la matière des fraudes, en particulier lorsque des intervenants malintentionnés utilisent ce dispositif à travers des donations fictives. Échappant juridiquement à son champ d’application, celles-ci sont utilisées pour conclure des transactions assorties d’un paiement clandestin, et le plus souvent suivies d’utilisations du sol contraires aux règles d’urbanisme et d’environnement. Elles ne peuvent aujourd’hui être combattues par les collectivités ou par les SAFER que par le biais de recours judiciaires complexes et au résultat incertain.
Grâce à une initiative sénatoriale, il a été partiellement porté remède à cette anomalie lors de la discussion de la loi ALUR : un nouvel article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme a prévu que les « aliénations à titre gratuit » bénéficiant à des personnes sans lien familial avec le propriétaire entraient dans le champ d’application du droit de préemption urbain.
Cette lacune a cependant subsisté à l’égard des biens fonciers à vocation agricole ou naturelle, de loin les plus touchés par ces manœuvres frauduleuses, qui sont régis par le code rural et de la pêche maritime.
Le présent amendement a donc pour objet de compléter le dispositif en conférant aux SAFER le droit de préemption prévu par le code rural sur les donations consenties par un propriétaire à des personnes sans liens familiaux avec lui.
Il procède également à quelques rectifications dans la rédaction de l’article introduit dans le code de l’urbanisme, lequel a suscité des interrogations. En particulier, il est proposé de le fonder sur le terme de « donation », qui constitue la base de cette réforme, plutôt que sur le terme inusité d’« aliénation à titre gratuit », qui peut conduire à des interprétations divergentes.
Cet amendement permet ainsi de répondre à quelques préoccupations de terrain que certains d’entre vous ont relayées, ce dont je les remercie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le présent amendement répond certes à un réel problème, mais son impact et ses éventuels effets collatéraux n’ont pas pu être réellement examinés.
En conséquence, la commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Le droit de préemption représente tout de même l’une des rares possibilités concrètes dont nous disposons pour aménager nos territoires, y compris nos départements.
Or cet amendement s’inscrit bien dans la lutte que nous voulons conduire contre tous les abus et toutes les manœuvres tendant à ce que la maîtrise du foncier nous échappe. Et cela ne concerne non seulement les petits aménagements des communes, mais aussi les grands projets.
Je prendrai un exemple que certains d’entre vous connaissent : l’ancien gouvernement a imaginé, dans le cadre du Grand Paris, l’aménagement d’une forêt de mille hectares en région Île-de-France, en pleine zone urbaine, sur le territoire de mon agglomération. C’est un très beau projet, mais sa réalisation nécessite du temps, d’autant qu’il doit prendre place sur des terrains qui ont très longtemps servi de champs d’épandage à la Ville de Paris, avec tous les problèmes de pollution, notamment par les métaux lourds, qui peuvent en résulter.
Ce temps qu’il nous faut pour aménager et maîtriser le foncier en zone urbaine est aussi celui de toutes les tentations.
Un projet comme celui-là, pourtant soutenu par l’ensemble des acteurs du Grand Paris, est ainsi gravement menacé par les manœuvres qui se multiplient. À la place de la future forêt, on voit en outre s’installer des cabanons en tout genre : car on devient « propriétaire », ou plutôt « occupant », sans vraiment se soucier des règles d’urbanisme...
Nous pourrions citer d’autres exemples de dévoiements, et c’est pourquoi la proposition du ministre me semble très opportune, notamment dans les secteurs tendus.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous m’apportiez quelques éclaircissements.
Que se passera-t-il si la donation se fait au profit non d’une personne physique, mais d’un organisme à but non lucratif ?
Par ailleurs, la donation étant par définition un acte gratuit, comment la SAFER évaluera-t-elle le bien lorsqu’elle exercera son droit de préemption, et quelles seront les voies de recours du donateur s’il estime que son bien n’a pas été évalué à sa juste valeur ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Je fais écho la question qu’a très utilement posée Dominique de Legge : il sera effectivement fort intéressant, monsieur le ministre, de savoir si une association peut recevoir ce type de donation.
Sur le fond, j’approuve entièrement l’initiative du Gouvernement. La mesure proposée prolonge de manière très pertinente les dispositions de l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme, qui ne visent que des constructions ou des terrains constructibles. Nous avons en effet rencontré un certain nombre de problèmes en milieu rural.
Je précise que mon département n’est pas concerné : nous n’avons pas de fraudeurs ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Vous ne nous le ferez pas croire ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je remercie le Gouvernement d’avoir déposé cet amendement. La mesure proposée correspond à un vrai besoin.
Je voudrais répondre aux interrogations de Dominique de Legge.
Dans le cas d’une donation hors famille, un droit de préemption peut être exercé, mais, s’il s’agit d’une vraie donation effectuée dans un but désintéressé, on ne voit pas pourquoi il le serait. On ne voit pas non plus pourquoi un bien agricole ferait l’objet d’une telle donation. Quand on effectue une donation au profit d’une bonne œuvre, c’est en général pour réaliser une opération de solidarité qui ne consiste pas simplement à faire pousser des choux…
M. Dominique de Legge. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ! (Sourires.)
M. Alain Richard. Quant au problème du montant de l’indemnisation, il a été réglé grâce à un amendement déposé sur un autre texte et voté ici sur l’initiative de nos collègues centristes. Si le droit de préemption est exercé, ce sont les domaines qui fixent la valeur du bien et le donateur est indemnisé en conséquence. Il peut alors, s’il le souhaite, effectuer un don du montant de son indemnisation. Il n’existe aucun risque de spoliation du donateur ; seul le bénéficiaire de la donation change.
M. Dominique de Legge. J’aurais tout de même préféré avoir une réponse de M. le ministre…
Mme la présidente. Souhaitez-vous répondre, monsieur le ministre ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Les réponses techniques viennent d’être apportées par M. le ministre Alain Richard.
M. Charles Revet. Il n’est plus en fonction !
M. Emmanuel Macron, ministre. Certes, mais il s’agit de précisions d’ordre juridique, et non d’engagements du Gouvernement. Les dispositions de l’amendement valent pour toutes les donations, même celles qui sont effectuées au bénéfice d’un organisme à but non lucratif. Je pense que la clarification souhaitée a été apportée.
Je réponds toujours aux questions que me sont posées. Lorsqu’elles portent sur un engagement du Gouvernement, je considère que la parole du ministre est irremplaçable, mais, lorsqu’elles sont d’ordre juridique et que la corapporteur ou un sénateur y répondent, je considère que je peux me contenter d’acquiescer.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30.
L'amendement n° 569 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Guerriau, Pozzo di Borgo, Revet, Détraigne et D. Dubois, Mme Loisier, MM. Chaize et Mayet, Mme Gatel, M. Marseille, Mme Billon et M. Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 431-3 du code de l’urbanisme, après les mots : « architecte les », sont insérés les mots : « collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale, ».
II. – A la première phrase du premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, après les mots : « architecte les », sont insérés les mots : « collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale, ».
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à permettre aux collectivités locales et à leurs groupements de bénéficier, comme les particuliers, de la dérogation à l’obligation de recourir à un architecte pour les travaux portant sur une construction dont la surface de plancher est inférieure à 170 mètres carrés.
En septembre 2012, j’avais interrogé le Gouvernement, et plus précisément la ministre de l’égalité des territoires. Celle-ci m’avait répondu qu’une mission d’expertise confiée conjointement aux inspections générales du ministère de la culture et du ministère de l’égalité des territoires allait rendre un rapport et émettre un avis sur ce sujet. La mission a effectivement rendu un rapport en septembre 2013, mais le sujet en question n’y était pas évoqué.
En revanche, il ressortait très clairement du rapport que le recours à un architecte représentait un coût important pour les collectivités. : il était évalué à 6 000 euros au minimum et à 18 000 euros pour une mission plus complète.
À une époque où les collectivités doivent maîtriser leur budget de manière très rigoureuse, du fait notamment de la baisse de leurs dotations, il nous paraîtrait opportun qu’elles soient dispensées du recours à un architecte pour les travaux afférents à de petites constructions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Maurey, pardonnez-moi, mais votre proposition me paraît être une fausse bonne idée de simplification administrative. Le recours à un architecte est un élément qui contribue à assurer la qualité de la maîtrise d’ouvrage publique. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Maurey, l'amendement n° 569 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Oui, madame la présidente.
Je ne suis pas sûr que Mme la corapporteur ait compris l’objet de cet amendement, mais peut-être me suis-je mal exprimé. Ce n’est pas une mesure de simplification que je préconise, c’est une mesure d’économie pour les collectivités locales. Celles-ci doivent aujourd'hui faire des économies importantes. J’estime que l’obligation de recourir systématiquement à un architecte, même pour des travaux portant sur de toutes petites constructions, pourrait leur être épargnée.
Je ne prétends pas simplifier le droit, je souhaite alléger les contraintes, notamment financières, qui pèsent sur les collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. J’abonde dans le sens d’Hervé Maurey. Je ne comprends pas pourquoi on refuse aux collectivités locales ce qu’on accorde aux particuliers, d’autant que les premières disposent, en interne, de compétences dont ne disposent pas les seconds. Il y a moins de risques avec les collectivités locales qu’avec les particuliers !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais apporter un élément de clarification. Ce qui peut se concevoir pour des bâtiments d’exploitation agricole, par exemple dans le cadre d’un GAEC – un amendement visait également à étendre la dérogation au recours à un architecte pour des SCI familiales – ne convient plus du tout dès lors qu’il s’agit de personnes morales publiques, car se pose alors un problème de responsabilité. Ce sont en effet des locaux destinés à accueillir du public.
M. Hervé Maurey. Pas forcément !
M. Emmanuel Macron, ministre. Bien sûr que si ! Cela peut toujours arriver !
Il est donc tout à fait normal que le recours à un architecte soit obligatoire.
C’est une bonne chose de chercher des éléments d’économie pour les collectivités – vous me trouverez toujours à vos côtés sur ce sujet –, mais il ne me semble pas pertinent de les chercher au prix de la responsabilité et en créant de surcroît une distorsion entre les personnes morales publiques et les personnes morales privées, alors que le problème se pose dans les mêmes termes pour celles-ci.
Les risques liés aux vices de conception ne seront pas couverts en l’absence de recours à un architecte. La responsabilité de la collectivité pourra alors être engagée. La mesure que vous proposez n’apporte donc pas les garanties nécessaires. Ce serait vraiment s’engager dans une mauvaise voie que d’adopter une telle disposition !
Nous en revenons à la ligne que j’ai essayé de me fixer, et que nous nous sommes fixée collectivement : on peut simplifier quand on n’enlève rien.
Mme Annie David. Y compris en matière de droit du travail ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Cela vaut aussi pour le droit du travail. C’est toujours la même philosophie ! Il s’agit de rendre les choses plus claires, plus évidentes.
Mme Éliane Assassi. On verra !
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement, lui, enlève quelque chose, car il revient à faire prendre des risques. Je ne saurais donc y être favorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 137 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson, Perrin, G. Bailly et Delattre, Mme Deseyne, M. de Nicolaÿ, Mme Troendlé, MM. Longuet, Pierre, Paul, Karoutchi, Calvet, Raison et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, MM. Danesi et César, Mme Lopez, M. Leleux, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas et Duchêne, MM. Doligé, Mandelli et Bignon, Mme Imbert, MM. Mayet, B. Fournier, Lefèvre, Darnaud, Morisset, Genest, Charon et Milon, Mme Lamure, MM. Gremillet, Laménie, Grand et Houpert et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 600-1-3 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de recours contre une autorisation d’urbanisme, le tribunal administratif se prononce dans le délai de quatre mois à compter de l’enregistrement de la requête au greffe. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Je présente cet amendement au nom d’Albéric de Montgolfier et d’un très grand nombre d’autres signataires. Il s’agit d’un amendement de bon sens, qui procède de la même logique que les dispositions que nous avons adoptées en début d’après-midi.
En comparaison des pays voisins, la France se caractérise par des délais de construction plus longs. Parmi les facteurs qui freinent la construction, la multiplication des recours en matière d’urbanisme est souvent citée. C’est pourquoi il convient d’encadrer les délais de jugement en cas de recours contre une autorisation d’urbanisme.
Cet amendement vise à accélérer les procédures et à simplifier les démarches des particuliers et des collectivités.
Mme la présidente. L'amendement n° 643 rectifié, présenté par MM. Jarlier et D. Dubois, Mme Gatel et MM. Détraigne, Roche, Guerriau et L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 600-1-3 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de recours contre une autorisation d’urbanisme, le tribunal administratif se prononce dans le délai de six mois à compter de l’enregistrement de la requête au greffe. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a le même objet que l’amendement que vient de présenter M. Revet. La seule différence entre celui-ci et le nôtre réside dans la longueur du délai : nous proposons un délai de six mois, et non de quatre mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Toute l’après-midi, nous avons cherché à encadrer les recours. À cet égard, trois solutions sont possibles : la première est de limiter le nombre de personnes pouvant exercer un recours ; la deuxième est de réduire les délais pour exercer un recours ; la troisième – c’est celle qui est retenue dans ces amendements – est d’imposer un délai au juge.
Nous avons vu tout à l'heure que la première solution posait problème. Chaque fois que nous déciderons d’empêcher certaines personnes d’exercer un recours, nous nous heurterons au principe général selon lequel tout citoyen a droit à l’accès au juge ; les dispositions que nous adopterons seront donc jugées anticonstitutionnelles ou anticonventionnelles.
La deuxième solution nous offre un large panel d’options, mais il existe tout de même une limite : l’effectivité du droit au recours pour les personnes qui ont un intérêt à l’exercer. Nous avons trouvé tout à l'heure des solutions qui me semblent juridiquement acceptables.
J’en viens à la troisième solution.
Le délai de quatre ou de six mois que, mes chers collègues, vous proposez d’imposer au juge ne sera pas respecté, et cela pour deux raisons.
D’abord, vous ne prévoyez aucune sanction ni aucune conséquence en cas de non-respect du délai : dès lors, le juge ne sera pas contraint de respecter celui-ci. De plus, le juge doit s’assurer, avant de juger, que le débat contradictoire entre les parties a été loyal, complet et sincère, et il est parfois impossible, compte tenu de la nature du contentieux, d’organiser un tel débat en quatre mois ou même six mois. Le juge fera toujours prévaloir le respect du principe fondamental du contradictoire. C’est la première raison, qui est purement juridique.
La seconde raison est très simple. Il suffit d’aller de temps en temps aux audiences solennelles des juridictions administratives pour comprendre que, dans la situation qui est la leur – compte tenu du rapport entre le nombre de magistrats et le nombre de contentieux qui les inondent –, elles ne seront pas capables de respecter le délai que vous souhaitez fixer.
Le problème essentiel, c’est que vous proposez d’imposer un délai sans assortir son non-respect de sanctions. On ajouterait ainsi une demi-page au code de justice administrative, mais elle serait totalement inutile. Ce faisant, le législateur énoncerait expressément les limites de ses pouvoirs. Je ne suis pas sûr que cela soit très opportun.
Le travail a été fait, si j’ose dire : vous avez posé le problème. Cependant, votre proposition ne tient pas sur le plan juridique. Je demande donc le retrait des deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Ces amendements sont frappés au coin du bon sens, mais seraient inapplicables s’ils étaient votés.
Monsieur le ministre, je regrette que vous ayez été taisant sur ces amendements. Vous êtes d’accord avec l’argumentation de M. le corapporteur, ce que je peux entendre, mais il n’y a pas moins un vrai problème que seul le Gouvernement est en mesure de résoudre.
M. Bruno Sido. Le juge, peut-être…
M. Jacques Mézard. Non, nous savons tous que les juridictions administratives sont surchargées par l’accumulation des recours. Même si des efforts ont été réalisés ces dernières années, rattraper le retard prend un temps considérable.
Je connais un dossier d’urbanisme, intéressant l’agglomération que je préside, qui traîne depuis dix ans !
M. Bruno Sido. Oh !
M. Jacques Mézard. C’est une réalité !
Quand on veut simplifier et accélérer, ce qui est un objectif tout à fait louable, que nous soutenons, il faut pouvoir proposer des mesures pour l’atteindre.
Or, en l’espèce, je constate que vous ne nous dites rien, monsieur le ministre, alors qu’il est indispensable que vous nous fassiez des propositions. En effet, lorsque se succèdent une procédure devant le tribunal administratif, une procédure devant la cour administrative d’appel, puis un recours devant le Conseil d’État, je peux vous dire que l’on est n’est pas sorti de l’auberge ! Et quand il y a eu, en amont, le passage devant la commission nationale d’aménagement commercial ou d’autres procédures, c’est absolument insupportable.
C’est cela qui bloque le développement !
Il faut donc que le Gouvernement nous propose des avancées. Dans ce texte, on trouve des dispositions qui sont certainement intéressantes, mais aussi d’autres qui ne changeront rigoureusement rien à la situation.
Il s’agit d’un vrai problème, monsieur le ministre, et j’aurais souhaité savoir si le Gouvernement entendait travailler sur le sujet.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, souhaitez-vous répondre à M. Mézard ? (M. Emmanuel Macron, ministre, fait un signe de dénégation.)
La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. M. Mézard vient d’exposer excellemment la problématique.
Monsieur le ministre, je suis un peu étonné que vous ne répondiez pas. Je comprends bien que ce n’est pas facile, mais il faut savoir que l’on retrouve cette situation partout en France, que ce soit pour les collectivités ou pour les particuliers. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire, car les enjeux sont extrêmement importants. Aussi, j’espérais que vous évoqueriez quelques pistes de solution.
M. le corapporteur semblait indiquer qu’il faudrait peut-être prévoir des sanctions ou au moins des conséquences. Pourquoi pas ? Mais j’ai compris que, en attendant, il valait mieux retirer l’amendement… (M. Emmanuel Macron, ministre, manifeste qu’il souhaite prendre la parole.)
Si M. le ministre veut répondre, bien entendu, je m’interromps… Étant entendu que je n’ai pas encore retiré mon amendement !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Sido. Cogito ergo sum !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je n’allais pas m’engager à apporter une réponse que je n’ai pas. Si je l’avais dans la main, croyez bien que je vous la présenterais.
Nous verrons, au fil du processus parlementaire, comment évolue l’habilitation à procéder par ordonnance prévue à l’article 28, mais, si cette habilitation était in fine accordée, y compris sur les délais de recours, nous disposerions de quelques mois pour envisager une réforme dans le cadre interministériel, avec information régulière des commissions permanentes du Parlement et participation du CNTE.
Plutôt que de voter cet amendement, qui pose des problèmes juridiques – et je souscris aux objections ont été très bien présentées par M. le corapporteur –, je pense que le Sénat pourrait diligenter un rapport sur le sujet, par exemple sur l’initiative du président Mézard. Ce travail pourrait aboutir à des propositions concrètes, susceptibles d’être intégrées au travail gouvernemental dans le cadre du « paquet » de l’article 28, dont l’objet est de réaliser une œuvre globale de simplification et de raccourcissement des délais.
Si vous êtes d’accord pour vous saisir du sujet par ce biais-là, donnons-nous le temps nécessaire, c’est-à-dire le temps le plus court permettant de parvenir aux solutions les plus directement applicables, et je m’engage à ce que le Gouvernement les reprenne dans le cadre du travail qu’il va conduire en vertu de l’habilitation que vous lui avez donnée à l’article 28. Pour moi, il s’agit de la manière la plus efficace de régler le problème sans tomber dans les écueils juridiques qui ont été mentionnés.
C’est sous le bénéfice de cet engagement que je sollicite le retrait de ces deux amendements.
Mme la présidente. Monsieur Revet, retirez-vous votre amendement ?
M. Charles Revet. Je vois avec plaisir que cet amendement a été très utile !
Il correspondait certes à une demande, mais, M. le ministre s’étant engagé à prendre en compte les propositions des parlementaires, je suis disposé à le retirer.
Mme la présidente. L’amendement n° 137 rectifié est retiré.
Monsieur Détraigne, je vous pose la même question concernant l’amendement n° 643 rectifié…
M. Yves Détraigne. M. le corapporteur a montré que nos propositions, aussi bien celle de Charles Revet que la mienne, n’étaient pas faciles à mettre en œuvre, mais l’intervention de notre collègue Mézard nous confirme qu’il y a un vrai problème à résoudre.
J’accueille moi aussi avec satisfaction la proposition que nous fait M. le ministre de travailler sut cette question, et je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 643 rectifié est retiré.
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Madame la présidente, les amendements nos 138 rectifié, 645 rectifié, 144 rectifié et 646 rectifié sont exactement de même nature que ceux qui viennent d’être retirés, sinon qu’ils portent sur d’autres juridictions. Ils appellent le même type de réponse ; je suggère donc à leurs auteurs de les retirer d’ores et déjà, ce qui nous ferait gagner du temps.
Mme la présidente. J’appelle donc ces quatre amendements en discussion.
Les amendements nos138 rectifié et 645 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 138 rectifié est présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson, Perrin, G. Bailly et Delattre, Mme Deseyne, M. de Nicolaÿ, Mme Troendlé, MM. Longuet, Paul, Karoutchi, Calvet, Raison et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, MM. Danesi et César, Mme Lopez, M. Leleux, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas et Duchêne, MM. Doligé, Mandelli et Bignon, Mme Imbert, MM. Mayet, B. Fournier, Lefèvre, Darnaud, Morisset, Genest, Charon et Milon, Mme Lamure, MM. P. Leroy, Gremillet, Laménie et Grand et Mme Garriaud-Maylam.
L'amendement n° 645 rectifié est présenté par MM. Jarlier et D. Dubois, Mme Gatel et MM. Détraigne, Roche, Guerriau et L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 600-10 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’appel ou de pourvoi contre une décision d’une juridiction relative à une autorisation d’urbanisme, la juridiction saisie se prononce dans un délai de six mois à compter de l’enregistrement du recours au greffe de la juridiction saisie. »
Les amendements nos 144 rectifié et 646 rectifié sont également identiques.
L'amendement n° 144 rectifié est présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson, Perrin, G. Bailly et Delattre, Mme Deseyne, MM. de Nicolaÿ, Longuet, Pierre, Paul, Karoutchi, Calvet, Raison et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, MM. Danesi et César, Mme Lopez, M. Leleux, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas et Duchêne, MM. Doligé, Mandelli, Bignon et D. Robert, Mme Imbert, MM. Mayet, B. Fournier, Lefèvre, Darnaud, Morisset, Genest, Charon, Gremillet, Laménie et Grand et Mme Garriaud-Maylam.
L'amendement n° 646 rectifié est présenté par MM. Jarlier et D. Dubois, Mme Gatel et MM. Détraigne, Roche, Guerriau et L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En cas de recours contre une déclaration d’utilité publique ou un arrêt de cessibilité, la juridiction saisie se prononce dans le délai de six mois à compter de l’enregistrement de la requête au greffe.
Monsieur Revet, acceptez-vous de retirer les amendements nos 138 rectifié et 144 rectifié ?
M. Charles Revet. Bien sûr, madame la présidente !
Mme la présidente. Les amendements nos 138 rectifié et 144 rectifié sont retirés.
Monsieur Détraigne, acceptez-vous de retirer les amendements nos 645 rectifié et 646 rectifié ?
M. Yves Détraigne. Oui, madame la présidente.
12
Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Franck Montaugé et Mme Dominique Estrosi Sassone membres du Conseil national des villes. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
13
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande le retrait de l’ordre du jour du vendredi 17 avril prochain du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme.
En conséquence, l’ordre du jour de la séance du vendredi 17 avril s’établit comme suit :
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Trois conventions internationales en forme simplifiée ;
- Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Acte est donné de cette communication.
14
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 30.
Articles additionnels après l’article 30 (suite)
Mme la présidente. L’amendement n° 1667, présenté par MM. Delattre, Calvet, Vasselle, Gilles et Commeinhes, Mme Cayeux, MM. Kennel, Reichardt, Pellevat, Longuet et Trillard, Mme Lamure, MM. Laufoaulu et Mandelli, Mme Duchêne, M. Bignon, Mme Deromedi, MM. Laménie, Buffet, Houel, G. Bailly, B. Fournier, Savin et Doligé, Mme Primas et M. Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 212-7 du code du cinéma et de l’image animée, le nombre : « 300 » est remplacé par le nombre : « 600 ».
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Cet amendement vise à permettre la réinstallation de salles de spectacle destinées à accueillir des cinémas dans les centres-villes. Les villes moyennes souffrent en effet d’une désaffection profonde de leurs salles et équipements anciens, au profit de grands centres installés en périphérie.
À l’image de la loi Royer, qui visait à limiter le développement des grandes surfaces commerciales, il y a quarante ans, un dispositif a été adopté, il y a vingt ans, pour faire en sorte que les salles de cinéma restent en centre-ville.
On a donc durci la réglementation pour gêner les implantations, mais les installations récentes de grande capacité sont installées, pour l’essentiel, à la périphérie des grandes villes. Les villes moyennes qui souhaitent réimplanter une salle de cinéma dans un centre-ville ayant besoin d’animation doivent se soumettre à une procédure qui s’apparenterait presque à un parcours du combattant ; si vous souhaitez plus de précisions, monsieur le ministre, je vous les donnerai volontiers.
Actuellement, les salles de spectacle sont soumises à des seuils, comme la grande distribution est soumise à un seuil de mille mètres carrés par magasin. Seules les ouvertures de cinémas de moins de 300 places ne sont pas soumises à autorisation d’une commission.
En réalité, dans beaucoup de villes moyennes, il ne reste qu’un seul cinéma de moins de 300 places et, peut-être, une petite salle d’art et d’essai. Notre dispositif est donc désuet et ne permet plus de répondre, notamment, aux attentes des jeunes, parce qu’il ne permet plus d’offrir une certaine diversité dans la programmation ni d’avoir un hall d’accueil suffisamment spacieux pour y attendre des amis.
Il n’y a aucune raison que l’on reste bloqué dans des procédures qui s’apparentent à une « machine à dire non » : si l’on veut créer une salle de plus de 300 sièges, on est soumis aux mêmes obligations que pour construire un complexe de plusieurs milliers de places.
En effet, la commission départementale devrait s’occuper des installations d’intérêt départemental, mais le Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, y est représenté et tout est fait pour que la commission fonctionne comme une commission nationale.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Francis Delattre. Déjà ! J’espère que le PSG gagne, parce que vous me cueillez à froid, madame la présidente ! (Sourires.) Je n’en étais qu’à l’échauffement.
J’aurai sûrement l’occasion de répondre à Mme la corapporteur ou à M. le ministre. En tout cas, je ne vais pas lâcher, comme on dit !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. La commission spéciale a décidé d’émettre un avis favorable sur l’amendement de M. Francis Delattre.
M. Bruno Sido. Ah !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En effet, elle considère que la réglementation a souvent changé, c’est le moins que l’on puisse dire ! Le relèvement de 300 places à 600 places du seuil à partir duquel l’ouverture d’une salle de spectacle est soumise à autorisation lui paraît une bonne chose, mais il serait souhaitable que la réglementation soit stabilisée dans le temps, pour donner à l’ensemble des professionnels du secteur une meilleure visibilité.
Lors de la réunion de la commission spéciale, M. Alain Richard et d’autres collègues avaient souhaité que ce relèvement du seuil puisse également s’appliquer à l’extension des salles existantes.
M. Charles Revet. Très bonne idée !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Après vérification, il apparaît que, en visant les 1°, 2° et 4° de l’article L. 212-7 du code du cinéma et de l’image animée, les auteurs de l’amendement n° 1667 ont tout à fait pris en compte les cas d’extension.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Le sujet n’est pas nouveau. Les seuils de passage devant la commission départementale d’aménagement commercial, la CDAC, ont été définis, pour les cinémas comme pour les centres commerciaux, afin de protéger les centres-ville et les salles de petit format.
Je vous rappelle que 80 % des villes de plus de 20 000 habitants ont un cinéma et que beaucoup de ces cinémas comptent moins de 600 places. La problématique à laquelle vous êtes confronté, monsieur le sénateur, est celle des communes de la grande couronne, où des salles d’un format légèrement supérieur à 300 places veulent s’installer et sont bloquées.
Le dossier qui m’a été préparé m’engageait à émettre un avis défavorable sur votre amendement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je pense malgré tout qu’un débat doit s’ouvrir au sein de la Haute Assemblée, parce que certains d’entre vous ont peut-être des raisons de protéger les plus petites salles de cinéma. Je dois avouer que le Gouvernement ne sait pas nécessairement quelle est la meilleure solution.
Puisque vous exprimez une préoccupation dont je constate qu’elle est récurrente, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. Francis Delattre. Merci, monsieur le ministre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je vais plaider contre cet amendement et pour les communes, qui ne sont pas rurales, mais qui ne sont pas vraiment urbaines non plus, et qui ont réussi à sauver des cinémas grâce à l’action de la collectivité et des associations.
Mon intercommunalité compte deux cinémas : l’un est intercommunal, l’autre associatif. Ils ont réussi à se coordonner avec trois autres et, dans leur secteur, qui va loin – jusqu’à Sainte-Menehould –, ils arrivent à obtenir des sorties nationales : les films les plus récents sont donc distribués dans nos cinémas grâce à cette mutualisation. Nous nous battons aujourd’hui pour éviter que des salles ne s’installent dans des complexes commerciaux situés à proximité, dans le département de la Moselle pour tout dire. Ces grandes salles sont malheureusement en train de récupérer une partie de la clientèle. Or, chez nous, si les petites salles disparaissent, certaines personnes ne pourront plus aller au cinéma.
Je plaide donc en faveur du maintien de la réglementation actuelle. En outre, les commissions sont responsables et savent prendre en compte des circonstances locales particulières ; il faut cesser de leur intenter des procès en permanence !
Mes chers collègues, si vous relevez ce seuil, vous signez la mort de nos petits cinémas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je voudrais intervenir dans le même sens que notre collègue Évelyne Didier. En effet, il serait bon de conserver le seuil de 300 places.
L’agglomération toulousaine a vécu tous les cas de figure, et le problème a été résolu par une étude, dans le cadre du schéma de cohérence territoriale, le SCOT, des implantations cinématographiques. Les autorisations d’ouverture ont été accordées quand elles étaient nécessaires, de même que les petites salles ont été protégées.
Quoi qu’il en soit, il me semble qu’il faut conserver le système de l’autorisation pour les salles de plus de 300 places, parce que ce seuil est tout à fait convenable et qu’il me semble dangereux de le relever. Tout en comprenant l’esprit dans lequel ont travaillé les auteurs de l’amendement, il me semble que nous pouvons harmoniser les situations à l’échelle des territoires et trouver des solutions dans le cadre du droit existant.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je suis pour l’amendement de notre collègue Francis Delattre, parce que je considère qu’il faut respecter la liberté d’entreprendre.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Pour ouvrir ces petits complexes, il faut constituer des dossiers, réaliser des études d’impact, des études de marché. Les grands groupes ont les moyens d’effectuer ce travail, qui est infaisable pour un petit entrepreneur privé.
J’estime donc qu’il faut laisser jouer la liberté du commerce, afin que chaque ville puisse avoir son Cinema paradiso ! (Sourires sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas comme cela qu’elles l’auront !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1667.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 147 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 190 |
Contre | 146 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30.
L'amendement n° 139 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson, Perrin, G. Bailly et Delattre, Mme Deseyne, M. de Nicolaÿ, Mme Troendlé, MM. Longuet, Pierre, Paul, Karoutchi, Calvet, Raison et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, MM. Danesi et César, Mme Lopez, M. Leleux, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas et Duchêne, MM. Doligé, Mandelli, Bignon et D. Robert, Mme Imbert, MM. Mayet, B. Fournier, Lefèvre, Darnaud, Morisset, Genest et Milon, Mme Lamure, MM. P. Leroy, Charon, Gremillet, Laménie et Grand et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En cas d’appel ou de pourvoi contre une décision d’une juridiction relative à une déclaration d’utilité publique ou un arrêté de cessibilité, la juridiction saisie se prononce dans un délai de dix mois à compter de l’enregistrement du recours au greffe de la juridiction saisie.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement, qui vise les délais imposés aux juges, est dans la veine de ceux qui ont été retirés tout à l’heure. Nous le retirons donc également.
M. François Pillet, corapporteur. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 139 rectifié est retiré.
L'amendement n° 1081, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 35 du code des postes et communications électroniques est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces obligations de service public sont fixées par le ministre chargé des communications électroniques qui établit, en concertation avec les collectivités territoriales, un plan de développement stratégique du numérique sur tout le territoire, respectant les obligations de service public définies aux quatre premiers alinéas, qui s’impose à tous les opérateurs de téléphonie et les fournisseurs d’accès internet.
« En l’absence de respect de ces obligations, le ministre chargé des communications électroniques étudie la pertinence de la création d’un opérateur de réseau unique, ainsi que les modalités de son financement par les opérateurs de téléphonie et les fournisseurs d’accès internet. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre amendement tend à s’insérer dans l’article 35 du chapitre 3 du code des postes et télécommunications, qui est relatif aux obligations de service public.
En effet, force est de constater que l’ouverture au privé du secteur des télécommunications ne permet pas la réalisation optimale de la couverture téléphonique et numérique de tout le territoire.
Pourtant, l’article 35 dispose que les obligations de service public doivent se faire dans le respect du principe d’égalité, de continuité et d’adaptabilité et évoque un service universel des communications électroniques dont le détail est fait à l’article 35-1. Cela suppose, à notre sens, l’absence de zones blanches ou grises, qui pourtant existent bel et bien, avec près de 400 communes concernées par une absence de réseau ou un mauvais réseau.
Nous proposons donc de réaffirmer le rôle stratégique de l’État, en précisant que les obligations de service public mentionnées à l’article 35 sont fixées par le ministre chargé des communications électroniques et que ce dernier établit, en concertation avec les collectivités territoriales, un plan de développement stratégique du numérique sur tout le territoire, qui s’impose à tous les opérateurs de téléphonie et aux fournisseurs d’accès à internet.
Nous proposons que, en l’absence de respect de ces obligations, le ministre chargé des communications électroniques envisage la possibilité de la création d’un opérateur de réseau unique sous responsabilité publique.
Si certaines zones sont actuellement délaissées, c’est parce qu’elles ne sont pas rentables pour les opérateurs. Or c’est bien le rôle de l’État que de garantir l’existence d’un service sur le territoire, malgré l’absence de rentabilité de cette activité, simplement parce qu’il est indispensable à la vie en société.
Il faut d’ailleurs souligner que ce sont aujourd’hui les collectivités qui financent les investissements que les opérateurs privés refusent de faire pour les attirer sur leur territoire, aboutissant à une situation pour le moins paradoxale et étonnante : le financement d’entreprises privées par de l’argent public de collectivités exsangues, pour que ces entreprises acceptent de s’acquitter d’obligations qui normalement leur incombent, puisqu’elles relèvent du service universel définit par la loi.
Aujourd'hui, compte tenu de l’importance du numérique, plus aucune zone ne doit être dans ce désert. Nous souhaitons donc renforcer le rôle de l’État dans l’obligation de couverture de l’ensemble du territoire, ce que les opérateurs privés ont échoué à faire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Sur la forme, nous ne pouvons accueillir, au sein d’un projet loi ne portant pas directement sur le numérique, un tel bouleversement du service public des communications électroniques. Madame David, les dispositions de votre amendement pourraient davantage trouver sa place dans le futur projet de loi numérique.
Sur le fond, l’adoption de votre amendement, au caractère excessivement ambitieux, voire utopique, poserait certaines difficultés financières et juridiques, dont l’approfondissement ne semble pas opportun.
Enfin, nous examinerons tout à l’heure un amendement n° 1761 ayant pour objet la couverture des zones blanches. Son adoption donnerait pour partie satisfaction aux auteurs de l’amendement n° 1081.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne reviendrai pas sur les arguments juridiques qui ont été évoqués par Mme la corapporteur.
Pour sa part, l’État ne reste pas inactif pour garantir la bonne couverture des territoires, bien au contraire. Concernant l’accès au très haut débit fixe, le Gouvernement est conscient que les débits accessibles dans certaines zones, en particulier les régions rurales de campagne, ne sont pas pleinement satisfaisants.
Le plan France Très Haut Débit, lancé en 2013, vise à garantir, pour tous, l’accès à un très haut débit de qualité d’ici à 2022. En effet, nous ne pouvons accepter que certaines zones bénéficient d’une moindre qualité d’accès par rapport à d’autres, qu’elles ne soient équipées que par du cuivre ou de simples câbles. Notre ambition est de faire accéder tous les foyers à un débit de 3 ou 4 mégabits.
Pour cela, outre le déploiement de réseaux mutualisés de fibre optique, le plan prévoit l’usage de différentes technologies selon les situations, comme le satellite, convenant davantage aux zones peu accessibles. Il nous faut maintenir un niveau maximal d’exigence. Je veux que l’on aille plus vite et que l’on simplifie les choses.
Concernant la téléphonie mobile, je veux rappeler un chiffre : aujourd’hui, quelque 99,9 % de la population française bénéficient de la couverture mobile sur leur lieu d’habitation.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Emmanuel Macron, ministre. Toutefois, il est vrai qu’il existe des zones, y compris des centres-bourgs, des zones d’activités ou de passage non couvertes par la téléphonie mobile. Vous avez raison, cette situation est insupportable pour ceux de nos concitoyens qui y sont confrontés. Nous devons réagir.
À ce sujet, le Premier ministre a fait des annonces très claires, il y a quelques semaines. Le Gouvernement a ainsi fait de la couverture du territoire en téléphonie mobile l’une de ses priorités. J’y reviendrai dans quelques instants, en défendant un amendement du Gouvernement très complet sur ce sujet.
Ma volonté est de vous confirmer l’engagement du Gouvernement et des opérateurs. Leur investissement, en particulier dans le haut débit fixe, est notre priorité. En effet, si Orange suit à peu près ses engagements, les autres opérateurs sont aujourd’hui en retard. Je les réunirai dans quelques semaines, afin qu’ils participent à l’effort d’investissement en très haut débit fixe. Nous y reviendrons plus en détail lors de l’examen de l’article 33 septies.
M. Roland Courteau. Il y a urgence !
M. Emmanuel Macron, ministre. Par conséquent, je resterai très vigilant sur toutes les opérations de concentration qu’il pourrait y avoir dans ce secteur. L’État remplira, avec les collectivités, son rôle d’accompagnement, mais les opérateurs doivent également jouer le jeu. Sur le mobile, nous devons être plus exigeants.
À la lumière de ces explications, madame David, je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends bien vos arguments, monsieur le ministre, et je serais tentée de retirer cet amendement, pour revenir sur le sujet lors de la discussion lors de l’amendement que vous défendrez.
Toutefois, pour ma part, je suis membre de l’instance de concertation en matière de téléphonie mobile de mon département. Elle est constituée de quatre collèges réunissant les élus, l’État, les opérateurs, mais aussi les associations.
Or je puis vous garantir que, à chacune des réunions de cette instance de concertation, pourtant régulières, aussi bien les élus que les associations font part du manque de couverture des réseaux et des difficultés que ce problème suscite.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Mme Annie David. Vous nous donnez les chiffres du ministère sur la couverture du réseau, mais dans mon département, dans une zone montagnarde comme l’Oisans, qui représente un peu plus de 5 % du territoire, la couverture n’en est pas encore à la 2G !
Il faut faire vite, monsieur le ministre. Il y a urgence. Si nous voulons le développement de nos territoires ruraux, il est nécessaire de permettre que cette technologie soit disponible partout.
Par ailleurs, vous avez fait valoir, madame la corapporteur, que le numérique n’était pas le sujet de ce projet de loi. Soit ! On peut considérer que cet amendement est un peu cavalier. Néanmoins, il me semble que, depuis le début de l’examen de ce texte, nombre de cavaliers ont été débattus.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je vous l’accorde !
Mme Annie David. Certains d’entre eux, ayant eu les faveurs de la commission, ont d’ailleurs été adoptés ! Ainsi, l’argument de l’amendement cavalier, dans un texte comme celui-ci, ne me semble pas tout à fait recevable.
Quoi qu'il en soit, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1081 est retiré.
L’amendement n° 1080, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet, Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente dans les six mois un rapport sur les conséquences pour la société française de la privatisation de France Télécom.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le projet de loi dont nous discutons aborde, d’une part, l’économie numérique et la téléphonie, et, d’autre part, la question des privatisations.
Face au développement considérable de ce secteur fortement soumis aux vicissitudes de l’économie de marché, les membres du groupe CRC ont jugé utile de faire un point sur les conséquences de la privatisation de France Télécom sur la société française.
À votre vision dogmatique, monsieur le ministre, d’un secteur privé supérieur par nature au secteur public – je vous rassure, vous n’êtes pas le seul à défendre cette vision ! –, nous opposons une démarche qui place en son cœur l’intérêt général.
Aujourd’hui, l’État ne conserve plus que 26,7 % du capital de France Télécom, contre 60 % avant 1997 et 51 % en 1997.
Ce sont les tristement célèbres fonds de pension qui détiennent aujourd’hui 65 % du capital de cette entreprise, qui ne s’appelle d’ailleurs plus France Télécom. Il ne faut pas faire preuve de beaucoup de bon sens pour comprendre, d’emblée, que la mainmise de ces institutions financières n’a qu’un seul but : le profit financier.
Dès la perte de la majorité du capital par la puissance publique, Thierry Breton et Didier Lombard, qui ont dirigé successivement l’entreprise, ont insufflé l’esprit de concurrence et décidé la commercialisation de produits et services sous la marque Orange. Peu à peu, l’usager d’un service public est devenu le client d’un groupe privé géré à l’américaine, mais employant encore, de manière paradoxale, quelque 80 000 fonctionnaires.
Nous reviendrons dans un instant sur la conséquence la plus connue et la plus visible de la privatisation : le mal-être et la surcharge de travail, qui poussent de nombreux salariés à des gestes désespérés.
France Télécom était un service public performant, qui, devenu une entreprise privée, officiellement dénommée Orange dans sa totalité depuis le 1er juillet 2013, a comme objectif non plus l’intérêt social, mais de grandes logiques de rentabilité. Un bilan doit être dressé plus de dix ans après la privatisation définitive de France Télécom : bilan humain pour les salariés, bien sûr, mais aussi bilan économique.
L’abandon du nom France Télécom symbolise en outre, selon nous, le déracinement par rapport aux territoires. Avec cette décision, le choix a été fait de sortir d’une logique nationale pour imposer une marque – une dérive marchande.
Quel est le bilan de la réduction de l’implication de l’État ? Est-il vrai que nous sommes en retard en matière de modernisation des réseaux et de prestations ? Ne convient-il pas de constater, monsieur le ministre, que des pays comme le Japon ou la Corée du Sud, où l’État est fortement impliqué dans le secteur des télécommunications, prennent de l’avance ?
C’est tout le sens, mes chers collègues, du bilan dont nous vous proposons d’adopter le principe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise la remise d’un rapport sur la privatisation de France Télécom. Vous m’accorderez, ma chère collègue, que cette dernière est de l’histoire ancienne ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Ils ne l’ont toujours pas digérée !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En effet, vous l’avez rappelé, voilà dix-sept ans que France Télécom, aujourd’hui dénommée Orange, est devenue une société à capitaux partiellement publics.
L’avis de la commission spéciale est donc bien sûr défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je souhaite répondre aux propos du ministre, tenus à l’occasion de l’examen de l’amendement n° 1081, sur la politique du Gouvernement en matière de numérique.
Je ferai, moi aussi, quelques rappels, car ce sujet a toujours beaucoup mobilisé le Sénat. Nous avons ainsi adopté un certain nombre de textes sur ce sujet, notamment sur l’initiative de Bruno Retailleau.
Nous avons aussi adopté, à la quasi-unanimité, le 14 février 2012, une proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire. Elle avait été rejetée à l’Assemblée nationale à la demande du gouvernement de l’époque, qui était de gauche, alors qu’ici, au Sénat, nous avions été soutenus par le groupe socialiste. Le Sénat est donc très attaché à ce sujet.
Premier rappel, en matière de déploiement du très haut débit, des choix ont été faits avant l’arrivée aux responsabilités de l’actuel gouvernement et l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Ces choix ont consisté à laisser les opérateurs privés faire ce qu’ils voulaient. Ceux-ci décident donc où et quand ils vont déployer leur réseau. Quant au reste, cela retombe sur les collectivités, qui sont obligées d’investir à grands frais.
À l’époque, mes collègues socialistes étaient tout à fait hostiles à ce modèle, mais vous l’avez pourtant conservé, monsieur le ministre, lorsque vous êtes arrivé aux affaires. Aujourd’hui, force est de constater que les collectivités locales ont beaucoup de mal à déployer ce réseau, qui coûte très cher et qui est d’autant plus difficile à financer que les dotations sont en baisse.
Dans le même temps, les opérateurs ne subissent aucune contrainte et, alors même que l’on déploie le très haut débit sur certains territoires, notamment en milieu urbain, c’est-à-dire là où c’est rentable, des zones rurales sont totalement privées de débit. C’est cela, la réalité de la France, monsieur le ministre !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Hervé Maurey. Il est très bien de parler de très haut débit, mais je vous assure que certains territoires aimeraient simplement bénéficier du haut débit, voire du débit tout court.
Second rappel, vous avez expliqué, en reprenant les chiffres officiels, que 99 % de nos concitoyens avaient accès au réseau de téléphonie mobile. Toutefois, quiconque sort de Paris – et même là, il arrive que l’on ait des problèmes de réception ! – sait que telle n’est pas la réalité.
Cela tient à une seule cause : la manière dont est mesurée la couverture par le réseau de téléphonie mobile dans notre pays. Je me réjouis d’ailleurs que le nouveau président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, soit conscient de ce problème et compte prendre des mesures en la matière. En effet, considérer que le fait de recevoir un signal sur le clocher du village signifie que toute la commune est couverte ne constitue pas une analyse satisfaisante !
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous misiez sur les opérateurs pour investir. J’espère que vos espoirs sont fondés sur quelque chose !
Les opérateurs – on ne peut les en blâmer – sont des acteurs privés : ils cherchent donc la rentabilité et ne vont pas là où elle est absente.
J’ai déjà eu l’occasion de dire dans cet hémicycle que, depuis des années – cela ne date pas de cette majorité ! –, on a traité les opérateurs comme des vaches à lait, que l’on prélevait autant qu’il était possible. On n’a jamais eu le courage, en revanche, de les soumettre à un certain nombre d’obligations. Ce rapport aux opérateurs n’est pas satisfaisant. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Le Sénat, je le disais, est très mobilisé sur ce sujet. La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, que j’ai l’honneur de présider, vient de créer en son sein un groupe de travail pour dresser un premier bilan de la feuille de route du Gouvernement, qui date de deux ans déjà, en matière de très haut débit. Nous ferons des propositions dans les mois qui viennent.
Encore une fois, monsieur le ministre, nous sommes très sensibles à ces questions, et mobilisés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je souhaitais, quant à moi, intervenir sur l’amendement n° 1081 de Mme Annie David, mais elle l’a retiré. Je m’exprimerai donc à l’occasion de la présentation de son amendement n° 1080, qui est intéressant.
Vous n’avez toujours pas digéré, ma chère collègue, la privatisation de France Télécom, mais c’est normal de votre part. Dont acte. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas une question de digestion. Choisissez vos mots, monsieur Sido !
M. Jean-Pierre Bosino. Il y a des choses indigestes, en effet !
M. Thierry Foucaud. La qualité du service, cela compte !
M. Bruno Sido. Vous auriez été mieux inspirée de demander au Gouvernement de nous fournir un rapport sur les conséquences de l’autorisation et de la création d’un quatrième opérateur en France, et je serais heureux si la commission spéciale soutenait cette demande.
La création de ce quatrième opérateur a certes fait baisser les prix. Vous le savez, monsieur le ministre de l’économie, car vous êtes soucieux de cette question, les quatre opérateurs existants sont actuellement ruinés. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Comment se sortir de cette situation ?
Ces opérateurs étant ruinés, ils ne peuvent pas investir.
Mme Éliane Assassi. C’est terrible d’entendre cela !
M. Bruno Sido. Je suis, à cet égard, tout à fait d’accord avec Hervé Maurey. On ne peut pas vouloir tout et son contraire !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas notre cas, contrairement à vous !
M. Bruno Sido. Les opérateurs ne pouvant plus investir, on se tourne donc vers les collectivités.
Vous avez parlé de l’Oisans, madame David ; il est vrai que c’est magnifique. J’évoquerai, pour ma part, la Haute-Marne et Colombey-les-Deux-Églises.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas mal non plus !
M. Bruno Sido. Dans notre département, nous avons décidé de nous dire : « aide-toi, le ciel t’aidera ! » Et le Sénat, quant à lui, a décidé, contre l’avis du Gouvernement, de ne pas supprimer les départements et les conseils départementaux.
Il y a une quinzaine d’années, mon département et son conseil général, que je présidais déjà et qui est devenu depuis lors un conseil départemental paritaire, ont décidé d’équiper ce territoire, envers et contre tous, en téléphonie mobile, puis en fibre optique.
Je crois qu’il faut une volonté des femmes et des hommes politiques locaux pour faire avancer cette question. Il ne s’agit pas de toujours demander à l’État et aux opérateurs d’agir !
Chacun le sait, l’État comme les opérateurs n’ont plus d’argent. Les collectivités auraient donc dû investir depuis plusieurs années en la matière, comme nous l’avons fait en Haute-Marne.
Je ne puis que vous inciter, madame David, à l’occasion de la discussion d’un prochain amendement – après tout, vous pouvez proposer des sous-amendements ! –, de demander un rapport sur les conséquences de la création d’un quatrième opérateur. Je remercie par avance la commission spéciale de ne pas s’opposer à cette demande.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1080.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 31
(Non modifié)
I. – L’article 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’assemblée générale peut également, dans les mêmes conditions, donner mandat au conseil syndical pour se prononcer sur toute proposition future émanant d’un opérateur de communications électroniques en vue d’installer des lignes de communication électroniques à très haut débit mentionnées au premier alinéa du présent article. Tant qu’une telle installation n’a pas été autorisée, l’ordre du jour de l’assemblée générale comporte de droit un projet de résolution donnant au conseil syndical un tel mandat. »
II. – L’obligation relative à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires mentionnée au dernier alinéa de l’article 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est applicable aux assemblées générales convoquées après la promulgation de la présente loi.
III. – Le h de l’article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutés les mots : « L’installation d’une station radioélectrique nécessaire au déploiement d’un réseau radioélectrique ouvert au public ou » ;
2° Les mots : « qu’elle porte » sont remplacés par les mots : « qu’elles portent ». – (Adopté.)
Article 32
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaire à la transposition de la directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’équipements radioélectriques et abrogeant la directive 1999/5/CE ;
2° Nécessaire à la transposition de la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit ;
3° Visant à simplifier les dispositions du code des postes et des communications électroniques relatives à l’institution des servitudes de protection des centres radioélectriques et à en supprimer les dispositions inadaptées ou obsolètes, notamment celles relatives aux servitudes radioélectriques bénéficiant aux opérateurs de communications électroniques.
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le ministre, la transposition de directives européennes au travers de cet article 32 doit-elle se passer de l’avis des parlementaires, contrairement à l’usage en la matière ? Ne serions-nous pas aptes à appréhender la technicité de tels textes, alors que cette question intéresse nombre d’élus locaux, exposés à des difficultés dans de nombreuses zones ? Y a-t-il une urgence telle qu’elle nous priverait d’un débat nous permettant de vous faire part de nos propositions et suggestions ? J’en doute.
C’est faire peu de cas des sénateurs, qui ont pour compétence de représenter les collectivités territoriales et leurs intérêts !
Le Gouvernement serait, d’après vous, monsieur le ministre, seul apte à régler ces questions. Nous avons appris récemment que, sans attendre l’avis des parlementaires sur cet article 32, vous auriez déjà rédigé les ordonnances, pour lesquelles vous n’avez reçu, à ce jour, aucune autorisation du Parlement.
Cela vient d’être rappelé, la question des télécommunications est essentielle pour l’aménagement du territoire. Or, votre gouvernement et ceux qui l’ont précédé ont bradé, depuis des années, ce secteur aux appétits du privé. (M. Bruno Sido s’esclaffe.)
Nous nous rendons compte des difficultés rencontrées pour que chaque commune de France soit équitablement traitée. Aujourd’hui, l’objectif est de faire payer le coût de ces aménagements par les collectivités locales, déjà fortement affectées par les baisses de dotation. La fibre ne sera ainsi réservée qu’aux collectivités, très minoritaires, bénéficiant de conditions financières favorables.
Ce n’est sûrement pas en faisant accorder des prêts par la Caisse des dépôts et consignations que vous permettrez aux collectivités locales, en grande difficulté, de mettre en œuvre ces investissements. Vous ne ferez que les endetter encore davantage.
Le débat parlementaire sur ces questions est donc essentiel et ne peut se limiter aux seules décisions découlant de la compétence du Gouvernement.
Vous reconnaissez vous-même que de nombreuses communes ne sont pas couvertes par le réseau de téléphonie mobile, alors même que vous nous avez expliqué que cette couverture était de 99 % !
Dans l’Oise, mon département, ou dans l’Aube, celui du président de l’Association des maires de France, François Baroin, nombre de zones ne sont pas couvertes. Toutefois, vous portez aussi cette responsabilité en ayant éliminé l’opérateur public, qui aurait pu assurer l’égalité de traitement, à laquelle nous sommes attachés, sur tout le territoire.
Confier cette mission au privé, c’est, de fait, interdire à nombre de nos concitoyens, surtout dans les campagnes, de bénéficier des communications téléphoniques auxquelles ils ont droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avec cet amendement, cher collègue, vous suivez votre ligne de conduite en toute cohérence : puisqu’il s’agit d’un article d’habilitation autorisant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, il est logique et légitime que vous présentiez cet amendement de suppression.
Or, en l’occurrence, l’habilitation concerne, d’une part, la transposition de directives européennes, et, d’autre part, des dispositions de nature technique. Pour ces raisons, il nous semble légitime de recourir à l’article 38 de la Constitution.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 32.
(L'article 32 est adopté.)
Article 33
(Non modifié)
I. – L’ordonnance n° 2014-329 du 12 mars 2014 relative à l’économie numérique est ratifiée.
II. – L’article L. 33-6 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « mixte », sont insérés les mots : « appartenant au même propriétaire ou » ;
2° À la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « dans les » sont remplacés par le mot : « aux ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 33
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 150 rectifié bis est présenté par MM. Chaize, Morisset, César, Lefèvre, Milon, Commeinhes, Calvet, D. Laurent, Bonhomme et B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli et Mouiller, Mme Micouleau et MM. Pellevat, Vogel, Laménie, Chasseing, Pierre, P. Leroy, Maurey, Saugey, Pinton, Mayet, G. Bailly, Grand et Charon.
L'amendement n° 367 est présenté par M. Rome.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 33-10 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 33-… ainsi rédigé :
« Art. L. 33-... – Il est institué un statut de “zone fibrée”, où il est constaté que l’établissement et l’exploitation d’un réseau en fibre optique ouvert à la mutualisation sont suffisamment avancés pour déclencher des mesures facilitant la transition vers le très haut débit. La demande d’obtention du statut est formulée par l’opérateur en charge de ce réseau ou par la collectivité l’ayant établi au titre de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales. Le ministre chargé des communications électroniques attribue ce statut après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 150 rectifié bis.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à acter la création d'un statut de « zone fibrée », qui permettrait de déclencher des mesures d'accompagnement et d'accélération de la migration vers le réseau de la fibre. C’est ce que propose le rapport Champsaur.
Actuellement, quelque 13,3 millions de foyers sont connectables au très haut débit, mais une forte disparité entre les territoires demeure.
Le passage au très haut débit est un objectif de croissance, d’activité et d’égalité des chances pour tous les territoires. Favoriser le basculement sur un nouveau réseau, ouvert à la mutualisation entre les opérateurs, est un impératif, afin d’accélérer les investissements et diminuer les coûts d’exploitation par rapport à la coexistence de deux boucles locales, a fortiori dans les territoires non rentables où des subventions publiques sont nécessaires.
Les mesures pourraient comprendre des aides au raccordement des usagers finaux et l’arrêt de la construction du réseau de cuivre dans les immeubles neufs. La tarification du cuivre pourrait y être déconnectée de la péréquation nationale.
L’adoption de ces dispositions aurait un rôle moteur et permettrait d’éviter les télescopages d’investissements entre deux réseaux qui ne peuvent cohabiter.
Mme la présidente. L’amendement n° 367 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 150 rectifié bis ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Sur le principe, un tel dispositif serait tout à fait intéressant et efficace. Néanmoins, il convient de procéder à une concertation avec les différents acteurs sur sa pertinence réelle et ses modalités.
En outre, les dispositions de cet amendement ne constituent qu’une seule mesure parmi un panel d’actions différentes qui pourraient être mises en œuvre. Les adopter dès maintenant ne reviendrait qu’à offrir une réponse partielle au problème. Elles auraient davantage leur place, une fois la phase de dialogue achevée, dans le projet de loi sur le numérique qui est attendu dans les prochains mois.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, il s’agit bien de l’une des propositions du rapport Champsaur, qui a été remis au Gouvernement voilà quelques semaines. Elle est assez radicale et doit maintenant faire l’objet d’une étude approfondie de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, car la transition, notamment pour l’opérateur historique, n’est pas sans conséquence et suppose d’être suivie de près. Il faut procéder à des calculs financiers et trouver un accompagnement.
L’argument de la commission spéciale est parfaitement juste : ce n’est qu’une réponse partielle à la problématique que nous allons évoquer tout au long de la soirée. En revanche, c’est indéniablement une proposition qui va dans le bon sens : elle marque l’engagement de l’État à accompagner la transition du cuivre vers la fibre et démontre surtout son volontarisme.
Il faudra ensuite valoriser le réseau de cuivre existant et procéder à des investissements, nous aurons l’occasion d’en reparler. Toutes les conclusions de l’expérimentation du « tout fibre » menée à Palaiseau n’ont pas encore été tirées ; d’autres expérimentations doivent voir le jour.
Cette transition doit maintenant s’accélérer. Il faut en même temps faire confiance aux opérateurs et leur mettre de la pression. Cela passe par certains signaux forts et certains engagements. Cette mesure en fait partie et je pense que le rapport Champsaur va dans ce sens.
Pour toutes ces raisons, sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Insérer cet article additionnel dans le projet de loi serait un signe pour les collectivités locales, qui en ont bien besoin ! Cela leur donnerait l’espoir de pouvoir avancer sur le réseau d’initiative publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je voterai cet amendement, dont l’objet va dans le bon sens et envoie un signal fort : on ne peut pas indéfiniment avoir deux réseaux, l’un de cuivre et l’autre en fibre.
Monsieur le ministre, vous laissez entendre que le rapport Champsaur est assez fort ; il est au contraire très modéré ! Si j’ai bien compris, il renonce à l’idée que soit fixée une date de basculement généralisé, comme cela s’est produit pour la télévision, avec le passage à la télévision numérique terrestre.
La mesure la plus emblématique de ce rapport – la création d’une « zone fibrée » – est proposée dans cet amendement, mais aucune mesure drastique n’est imposée à l’opérateur. Il s’agit essentiellement d’incitations et, si ma mémoire est bonne, ce n’est qu’au terme d’un délai de cinq ans que ce basculement pourrait avoir lieu.
Monsieur le ministre, vous venez d’affirmer qu’il fallait mettre la pression sur les opérateurs. L’adoption de cet amendement le permettrait, et encore la pression ne serait-elle pas très forte, car un délai de cinq ans minimum leur serait laissé.
Il est temps que nous ayons dans ce pays un gouvernement qui mette vraiment la pression sur les opérateurs. (M. Bruno Sido s’exclame.) Aussi gentils et sympathiques qu’ils soient, il s’agit d’opérateurs privés à qui l’on ne peut pas en vouloir d’être uniquement mus par la recherche du bénéfice et non par l’intérêt général.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Il faut donc voter cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33.
Article 33 bis
I. – Après l’article L. 111-5-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés des articles L. 111-5-1-1 et L. 111-5-1-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 111-5-1-1. – Les immeubles neufs ou les maisons individuelles neuves ne comprenant qu’un seul logement ou local à usage professionnel sont pourvus des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique nécessaires à la desserte du logement ou du local à usage professionnel par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ouvert au public.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 111-5-1-2. – Les lotissements neufs sont pourvus des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique nécessaires à la desserte de chacun des lots par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ouvert au public.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
I bis (nouveau). – Le I s’applique aux immeubles, maisons et lotissements dont le permis de construire est délivré après le 1er juillet 2016.
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 241 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Barbier, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
sont insérés des articles L. 111-5-1-1 et L. 111-5-1-2 ainsi rédigés
par les mots :
est inséré un article L. 111-5-1-1 ainsi rédigé
II. - Alinéa 4
Remplacer la référence :
« Art. L. 111-5-1-2.
par la référence :
I bis A. –
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Le code de la construction et de l’habitation porte sur les constructions et ne peut donc contenir de prescriptions portant sur des voiries.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mon cher collègue, cet amendement n’est pas uniquement rédactionnel : il vise à « décodifier » la disposition de l’article 33 bis relative au pré-équipement en fibre optique des lotissements neufs, au motif que le code de la construction et de l’habitation dans lequel il est intégré ne concerne pas les voiries.
Mme Annie David. Bien tenté ! (Sourires.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Or, en tout état de cause, ce dispositif vise bien les pavillons des lotissements neufs et non la voirie les reliant entre eux. La justification que vous avez avancée ne semble pas s’imposer.
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. La commission spéciale et le Gouvernement sont très vigilants ! (Sourires.)
Par conséquent, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 241 rectifié est retiré.
L'amendement n° 245 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À tout moment, le conseil municipal peut adopter une délibération mettant fin à l’application des obligations prévues au présent article sur tout ou partie du territoire de la commune.
II. - Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À tout moment, le conseil municipal peut adopter une délibération mettant fin à l’application des obligations prévues au présent article sur tout ou partie du territoire de la commune. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Afin d’accélérer le déploiement du plan France Très Haut Débit, l’article 33 bis rend obligatoire l’équipement en fibre optique des maisons individuelles et des lotissements neufs.
Cette disposition ne permettant pas de prendre en compte certaines réalités géographiques locales, en particulier rurales, notamment la difficulté pour procéder au fibrage dans certaines communes ou parties de communes situées dans des sites très isolés, il s’agit de prévoir la faculté pour le conseil municipal de suspendre cette obligation légale dans les territoires concernés.
On ferait en quelque sorte confiance aux élus de terrain qui connaissent bien les problématiques rurales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à introduire une véritable brèche dans le dispositif, lequel risque de se trouver vidé de toute sa portée. On peut en effet imaginer qu’il existera toujours des particuliers ou des constructeurs qui exerceront des pressions pour se soustraire à cette obligation. Dès lors, on pourrait aboutir à des traitements très différents d’une partie du territoire à l’autre.
Cette mesure, qui existe déjà pour les immeubles collectifs neufs, doit aujourd’hui être étendue aux autres formes de logements neufs, faute de quoi l’objectif de déploiement du très haut débit à l’horizon de 2022 ne sera jamais tenu.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Requier. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 245 rectifié est retiré.
L'amendement n° 240 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
permis de construire
insérer les mots :
ou permis d’aménager
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable sur cet amendement, puisque ses dispositions vont dans le sens qu’elle a préconisé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 239 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer l'année :
2016
par l'année :
2017
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. La mise en place de l’obligation de fibrage pour les maisons individuelles et les lotissements neufs constitue indéniablement une avancée en vue d’accélérer le déploiement du très haut débit dans l’ensemble de notre pays, surtout dans les territoires ruraux pour lesquels le numérique est un puissant outil, non seulement de désenclavement, mais surtout de création d’emplois.
Toutefois, une mise en œuvre au 1er juillet 2016 semble excessivement prématurée en pratique, puisqu’elle ne permet pas de tenir compte des délais de promulgation de la loi et des différents décrets d’application, ou encore du temps de conception des projets.
Cet amendement vise, par conséquent, à repousser l’entrée en vigueur de ces dispositions d’un an, soit au 1er juillet 2017.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les délais impartis par le texte pour la mise en œuvre de cette mesure seraient d’un an dans le cas où le projet de loi serait adopté durant cette session.
Je rappelle que cette mesure existe déjà pour les immeubles neufs et qu’elle n’a pas suscité de problème particulier. En l’état, une échéance de douze mois semble suffisante pour permettre aux constructeurs d’anticiper cette évolution. Au demeurant, la commission spéciale n’a pas été sollicitée pour allonger ce délai.
Mme Françoise Laborde. Il y a la ville et il y a la campagne !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 329, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l’article L. 111-6-2-3 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 111-6-2-... ainsi rédigé :
« Art. L. 111-6-2-... - Les immeubles groupant plusieurs logements ou locaux à usage professionnel faisant l’objet de travaux soumis à permis de construire conformément à l’article L. 111-1 sont pourvus, aux frais des propriétaires, des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique nécessaires à la desserte de chacun des logements ou locaux à usage professionnel par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ouvert au public.
« L’obligation prévue au premier alinéa s’applique aux immeubles dont le permis de construire est délivré après le 1er juillet 2016.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Afin de faciliter le déploiement de la fibre optique, ce grand chantier d’infrastructures de la prochaine décennie – ce n’est pas Hervé Maurey qui soutiendra le contraire ! –, il est nécessaire, à l’instar des dispositions existantes concernant les immeubles collectifs neufs, que les immeubles collectifs existants faisant l’objet d’une réhabilitation lourde, donc soumise à l’obtention d’un permis de construire, soient également pourvus des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique nécessaires à la desserte ultérieure par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.
Une étude prospective a démontré que l’installation de la fibre optique dans le bâti était susceptible de mobiliser près de 20 000 emplois dans le seul secteur de l’installation électrique.
Par ce pré-équipement des différents segments immobiliers, collectifs et individuels, il sera sans doute plus facile d’atteindre l’ambition de couverture du plan France Très Haut Débit et de participer, de manière directe, à la croissance et à l’activité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Sur le principe, on ne peut qu’être favorable à une extension aussi large que possible de l’obligation de préfibrage. Nous l’avons d’ailleurs prévue dans le texte pour les maisons et pour les lotissements neufs. Toutefois, l’extension de cette obligation aux immeubles faisant l’objet de travaux va trop loin, me semble-t-il.
Certains travaux, bien qu’ils soient soumis à la délivrance d’un permis de construire, sont d’une faible importance ou ont un coût limité. Dans ce cas, il n’y a pas de raison d’imposer aux copropriétaires la réalisation d’un préfibrage, lequel peut nécessiter des travaux et des financements très importants.
Le critère du permis de construire n’est pas le bon. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l'amendement n° 329.
M. Ronan Dantec. Nous soutiendrons l’amendement de M. Sido, car ses dispositions nous semblent aller dans le bon sens.
Nous nous sommes beaucoup battus pour que la réhabilitation du parc de logements anciens se fasse au plus vite. Je pense donc qu’il y a là une conjonction d’intérêts : plus vite la réhabilitation énergétique sera faite, plus vite le pays sera fibré.
Nous devons veiller à la cohérence des dispositions sur la fibre optique que nous adoptons dans le présent texte avec celles qui figurent dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, actuellement en cours d’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, en particulier les dispositions en matière de réhabilitation.
Mme Annie David. Mais qui paiera ?
M. Ronan Dantec. À cet égard, je ne doute pas que notre collègue Bruno Sido et bien d’autres soutiendront les mesures permettant d’accélérer la réhabilitation thermique du bâti !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je voudrais convaincre M. le ministre et la commission spéciale sur cette question.
Vous semblez méconnaître les difficultés des opérateurs à faire pénétrer la fibre à l’intérieur des appartements. Tel propriétaire, voire la copropriété, refusant que l’on fasse de petits trous dans les murs, le fibrage devient finalement extraordinairement compliqué.
Or la réalisation du fibrage à l’occasion de travaux lourds nécessitant un permis de construire, comme tend à le prévoir mon amendement, ne coûterait quasiment rien et ne gênerait personne.
L’adoption de cet amendement constituerait donc une grande avancée et aiderait le Gouvernement à atteindre l’objectif fixé dans le plan France Très Haut débit de couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici à 2022.
Je ne comprends pas que le Gouvernement soit contre cet amendement. C’est à n’y rien comprendre ! Je dois dire que j’aimerais bien avoir des explications complémentaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il est vrai que la mise en œuvre du plan France Très Haut Débit va se heurter à de nombreux obstacles pratiques, y compris dans les zones urbaines, qui sont celles que je connais le mieux. L’installation de la fibre dans les immeubles collectifs n’est pas toujours facile ; elle est même souvent un facteur de retard.
Je conviens que l’amendement de notre collègue n’est pas abouti. Toutefois, plus nous avançons, plus je suis convaincu que le calendrier législatif des prochains mois est très improbable. Dès lors, chaque fois que j’entends dire qu’un problème sera traité dans un autre projet de loi, je me demande quand il sera possible de le faire d’ici à la fin de l’année, et même s’il sera possible de le faire d’ici à la fin de la législature. Pour avoir un peu d’expérience, je sais en effet que les dernières années d’une législature sont les plus chargées !
Sachant que le présent texte ne fera l’objet que d’une seule lecture dans chaque assemblée, il me semble préférable, même si nous tâtonnons un peu, d’adopter la disposition de M. Sido, ce qui permettra de l’améliorer en commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. L’intention de M. Sido d’accélérer l’installation de la fibre dans les bâtiments anciens est louable. Toutefois, la question du financement se pose.
Vous dites, monsieur Sido, que la réalisation du fibrage à l’occasion de travaux lourds ne coûte rien. Siégeant en tant qu’administrateur au sein d’un organisme HLM, je puis vous assurer que de tels travaux coûtent cher ! Faire passer la fibre dans les colonnes montantes peut nécessiter de refaire ces dernières entièrement, ce qui, je le répète, a un coût. La situation est la même dans les copropriétés.
Même si votre intention est louable, cher collègue, nous ne soutiendrons pas votre amendement, car nous ne savons pas qui paiera les travaux.
M. Jean Desessard. Et si on décidait de faire payer le grand patronat ? (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis sensible aux arguments de M. Sido. Il est vrai que l’on rencontre d’importantes difficultés pour réaliser des travaux a posteriori dans les immeubles collectifs, ces travaux perturbant d’ailleurs souvent la vie de leurs occupants.
Même si l’amendement proposé par M. Sido n’est pas abouti, je pense qu’il faut l’adopter, car une mesure de cette nature s’imposera in fine. Autant ne pas prendre de retard ni faire de gaspillage. Je sais bien que la mesure proposée pose un problème de financement, mais c’est déjà le cas concernant les rénovations thermiques.
M. Jean-Pierre Bosino. N’en rajoutons pas !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans la mesure où un vaste chantier de rénovation thermique va être engagé, autant faire en sorte que le fibrage ne perturbe pas deux fois les mêmes locataires et planifier la mise en œuvre de l’objectif que le Gouvernement a justement fixé.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Pour ma part, je pense également qu’il est assez stupide de faire et de défaire dans des situations comme celle-ci, sachant en outre que la fibre est un équipement d’avenir.
Il me semble qu’il suffirait de faire un tout petit effort pour que la commission soit d’accord avec nous. Il faudrait pour cela établir par décret en Conseil d’État la liste des travaux qui sont qualifiés d’« importants » dans l’amendement et soumis à permis de construire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce débat est très éclairant. La réserve que j’ai émise sur cet amendement tenait au fait que l’article 8 de la directive du 15 mai 2014, laquelle est en voie de transposition, prévoit des dispositions comparables. En outre, votre amendement étant un peu large, monsieur le sénateur, on pourrait presque en déduire qu’il faut fibrer tout immeuble dont on refait la toiture ou dont on change les fenêtres…
Il nous faut être bien d’accord sur le fait que le fibrage ne se fera qu’en cas de travaux réellement significatifs dans un immeuble, quel qu’il soit, y compris dans les logements sociaux ; sinon, ce serait acter que la fibre ne sera jamais installée dans les logements sociaux, ce que je ne puis accepter.
Mme Annie David. Ce n’est pas ce que nous disons !
Mme Éliane Assassi. Vous exagérez, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. En matière d’exagération, madame la sénatrice, force est de constater que, pour l’instant, vous avez un peu d’avance sur moi ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Non ! Ce n’est pas possible ! (Nouveaux sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Si nous sommes d’accord sur le fait que le fibrage ne pourra se faire qu’en cas de travaux significatifs, y compris dans les logements sociaux – telle semble bien être votre position –, faisons d’une pierre deux coups afin d’éviter d’avoir à engager deux fois des travaux. Dans ce cas, mesdames, messieurs les sénateurs, j’émets finalement un avis favorable sur cet amendement.
Toutefois, j’insiste sur le fait que le fibrage ne doit pas représenter un surcoût. Le décret devra être très clair à cet égard. L’installation de la fibre ne doit pas être effectuée concomitamment à de petits travaux. Elle ne peut l’être qu’en cas de travaux significatifs, lorsqu’elle permet aux habitants de l’immeuble de réaliser une économie en faisant d’une pierre deux coups.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je me réjouis que le débat et l’avis du Gouvernement évoluent favorablement. Il faut voter cet amendement, et cela pour trois raisons.
Premièrement, lorsque les opérateurs sont prêts à fibrer, il ne faut pas qu’ils rencontrent d’obstacles, car ils sont très contents d’avoir des prétextes pour ne pas agir. M. le ministre m’a d’ailleurs incité du regard tout à l’heure à m’exprimer sur ce sujet. (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Un seul regard a suffi !
M. Hervé Maurey. Deuxièmement, il faut évidemment profiter de la réalisation de travaux de rénovation lourds pour passer la fibre, sinon on est à côté de la plaque.
Troisièmement, comme l’a dit M. Richard, il ne faut pas se leurrer : il n’y aura pas de projet de loi sur le numérique au cours de l’actuelle législature. Le Gouvernement et la commission doivent donc cesser de nous dire : « Patientez, braves gens, il y aura un projet de loi sur le numérique ». Je n’y crois pas un seul instant, et le Gouvernement non plus, sinon il ne nous soumettrait pas l’amendement que nous allons examiner tout à l’heure sur la téléphonie mobile.
Adoptons donc cet amendement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 33 bis, modifié.
(L'article 33 bis est adopté.)
Article 33 ter
(Non modifié)
Après le 17° bis de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un 17° ter ainsi rédigé :
« 17° ter Partage d’un réseau radioélectrique ouvert au public.
« On entend par partage d’un réseau radioélectrique ouvert au public l’utilisation d’éléments d’un réseau d’accès radioélectrique au bénéfice d’opérateurs de communications électroniques titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques. Il comprend notamment les prestations d’itinérance ou de mutualisation de réseaux radioélectriques ouverts au public. » – (Adopté.)
Article 33 quater
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L’article L. 32-1 est ainsi modifié :
a) Le II est remplacé par des II à IV ainsi rédigés :
« II. – Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre les objectifs suivants :
« 1° La fourniture et le financement de l’ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;
« 2° Le développement de l’emploi ;
« 3° Le développement de l’investissement, de l’innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
« 4° L’aménagement et l’intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires ;
« 5° Un niveau élevé de protection des consommateurs, conjointement avec le ministre chargé de la consommation, grâce notamment à la fourniture d’informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d’utilisation des services de communication électroniques accessibles au public, et la satisfaction des besoins de l’ensemble des utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, âgés ou ayant des besoins sociaux spécifiques, dans l’accès aux services et aux équipements ;
« 6° Le respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;
« 7° L’intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public et le respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, de l’ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;
« 8° Un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population, conjointement avec les ministres chargés de la santé et de l’environnement ;
« 9° La sobriété de l’exposition de la population aux champs électromagnétiques ;
« 10° La promotion des numéros européens harmonisés pour les services à objet social et la contribution à l’information des utilisateurs finals, lorsque ces services sont fournis ;
« 11° La possibilité d’utiliser tous les types de technologies et tous les types de services de communications électroniques dans les bandes de fréquences disponibles pour ces services, sous réserve de faisabilité technique.
« III. – Dans le cadre de ses attributions et, le cas échéant, conjointement avec le ministre chargé des communications électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prend, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre les objectifs suivants :
« 1° L’exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, en particulier lorsqu’ils bénéficient de subventions publiques conformément aux articles 106 et 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
« 2° La définition de conditions d’accès aux réseaux ouverts au public et d’interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l’égalité des conditions de la concurrence ;
« 3° L’absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans les relations entre opérateurs et fournisseurs de services de communications au public en ligne pour l’acheminement du trafic et l’accès à ses services ;
« 4° La mise en place et le développement de réseaux et de services et l’interopérabilité des services au niveau européen ;
« 5° L’utilisation et la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;
« 6° La capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix.
« IV. – Sans préjudice des objectifs définis aux II et III, le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veillent :
« 1° Au respect de la plus grande neutralité possible, d’un point de vue technologique, des mesures qu’ils prennent ;
« 2° À la promotion des investissements et de l’innovation dans les infrastructures améliorées et de nouvelle génération, en tenant compte, lorsqu’ils fixent des obligations en matière d’accès, du risque assumé par les entreprises qui investissent, et à autoriser des modalités de coopération entre les investisseurs et les personnes recherchant un accès, afin de diversifier le risque d’investissement dans le respect de la concurrence sur le marché et du principe de non-discrimination ;
« 3° À l’absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;
« 4° À la promotion, lorsque cela est approprié, d’une concurrence fondée sur les infrastructures.
« Ils assurent l’adaptation du cadre réglementaire à des échéances appropriées et de manière prévisible pour les différents acteurs du secteur. » ;
b) Le III devient un V.
2° (nouveau) À la fin du premier alinéa de l’article L. 34-8-4, à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 37-3 et à la fin de la seconde phrase du second alinéa du II de l’article L. 38-2, les mots : « au III de l’article L. 32-1 » sont remplacés par les mots : « au V de l’article L. 32-1 ».
Mme la présidente. L'amendement n° 574 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Guerriau, Pozzo di Borgo, Revet, Bignon, Bonnecarrère, Détraigne et D. Dubois, Mme Loisier, MM. Chaize, Mayet, J.L. Dupont et Gabouty, Mme Gatel, MM. Roche et Marseille, Mme Billon, M. Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° L’aménagement et l’intérêt des territoires, la diversité de la concurrence dans les territoires, et le déploiement des réseaux de communications électroniques, fixes et mobiles, sur l’ensemble du territoire national, conjointement avec le ministre chargé de l’égalité des territoires ;
II. - Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. L’article 33 quater introduit par l’Assemblée nationale précise et clarifie les missions de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, lesquelles avaient été enrichies au fur et à mesure des textes. Pour la première fois, et je m’en réjouis bien sûr, il fixe parmi les objectifs de cette instance l’aménagement et l’intérêt des territoires. C’est une très bonne chose.
L’amendement n° 574 rectifié bis vise à faire figurer en premier cet objectif dans l’article L. 32-1, ce qui serait, me semble-t-il, un symbole fort. Il tend également à associer le ministre en charge de l’égalité des territoires à la réalisation de cet objectif, ce qui nous semble également nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La rédaction que tend à prévoir cet amendement est assez proche de celle qui figure dans le projet de loi. Il s’agit simplement de donner une plus grande importance à l’aménagement et à l’intérêt des territoires, ainsi qu’à la diversité de la concurrence dans les territoires, en les plaçant en tête de l’énumération de l’article L. 32-1.
La commission spéciale s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa version modifiée adoptée par l’Assemblée nationale, prévoit que, dans l’exercice de leurs attributions respectives, les ministres en charge et l’ARCEP doivent prendre « des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre […] l’aménagement et l’intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires ».
De ce fait, votre amendement est satisfait, monsieur le sénateur, et il n’est pas nécessaire. Il ne fait aucun doute que l’aménagement des territoires est une priorité du Gouvernement et de l’ARCEP dans le cadre de leurs missions respectives, comme en témoignent les annonces qui ont été faites dans le cadre du plan France Très Haut Débit, sur lesquelles nous reviendrons lors de l’examen de l’article 33 septies D.
Je vous invite donc à retirer cet amendement, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Maurey, l'amendement n° 574 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je vais faire preuve de bonne volonté et de souplesse, monsieur le ministre, mais ce sera sans doute la seule fois de la soirée. (Sourires.)
Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 574 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 1083, présenté par M. Vergès, Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 3° bis Faire cesser les pratiques discriminatoires entre les outre-mer et la France hexagonale : roaming, simlockages entre l’opérateur ultramarin et son correspondant métropolitain ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le code des postes et des communications électroniques consacre l’itinérance ultramarine.
Cependant, l’application de ce code a provoqué une dégradation de la continuité territoriale en matière de télécommunications et entraîné le découpage de la France en plusieurs zones téléphoniques distinctes : la zone métropolitaine, la zone « Caraïbes », la zone « Océan Indien » et la zone « Pacifique ».
Ce découpage est responsable des surcoûts facturés aux consommateurs ultramarins. En effet, lorsque l’un de ces consommateurs se rend en France métropolitaine ou téléphone vers la métropole, ses communications sont surfacturées. Il en va de même pour ses appels vers l’Europe.
Ce phénomène d’itinérance, appelé également roaming, constitue bien une discrimination à l’égard des outre-mer. Cette différenciation dure depuis des décennies et a pour conséquence de désavantager les consommateurs ultramarins, parmi lesquels bien évidemment les entreprises, tant en termes de surcoûts téléphoniques que de compétitivité.
Si le règlement européen applicable à l’itinérance internationale entre États membres de l’Espace économique européen ne couvre pas les situations d’itinérance à l’intérieur du territoire français, donc entre la métropole et les différentes collectivités d’outre-mer, l’article L. 34–10 du code des postes et des communications électroniques comble cette lacune, puisqu’il étend les plafonds tarifaires du règlement européen aux communications émises au sein du territoire national.
Ainsi, les habitants de la métropole et des outre-mer peuvent bénéficier de tarifs réglementés, quel que soit l’endroit du territoire national sur lequel ils sont en itinérance. Cette situation est qualifiée d’itinérance ultramarine.
Cependant, le tarif réglementé est le tarif maximum applicable aux appels passés depuis l’outre-mer, à savoir dix–neuf centimes par minute. Cette situation contrevient totalement aux dispositions de l’article L. 35 du code des postes et des communications électroniques, qui dispose : « Les obligations de service public sont assurées dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité ».
L’objet de cet amendement est précisément de faire respecter le principe d’égalité, car nous considérons qu’il y est actuellement dérogé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Votre amendement, madame Assassi, vise davantage que de simples objectifs généraux, en traitant de véritables enjeux techniques qui, me semble-t-il, n’ont pas leur place dans cet article 33 quater.
Par ailleurs, le roaming qui est ici visé dépend de la réglementation communautaire et a déjà reçu des réponses adaptées au niveau européen, avec, en particulier, le règlement dit « Roaming III » du 13 juin 2012.
En outre, une proposition de règlement de la Commission européenne, actuellement discutée dans le cadre du nouveau « paquet télécom », prévoit de diminuer encore davantage les tarifs de roaming et de réduire les majorations de coût des appels téléphoniques entre les différents États membres de l’Union européenne.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. M. Vergès ne sera pas content ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1634, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° La protection des consommateurs, conjointement avec le ministre chargé de la consommation, et la satisfaction des besoins de l’ensemble des utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, âgés ou ayant des besoins sociaux spécifiques, dans l’accès aux services et aux équipements ;
II. - Alinéa 30
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Lors du passage du texte en commission spéciale, nous avions modifié, pour l’enrichir, l’objectif de protection des consommateurs fixé au ministre chargé des communications électroniques et à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.
En reformulant cet objectif, l’amendement du Gouvernement tend à revenir sur trois points de l’article, tel qu’il a été adopté par la commission.
Tout d’abord, cet amendement vise à supprimer la référence à un « niveau élevé » de protection des consommateurs que nous avions introduite. Ensuite, il tend à faire disparaitre la référence à la « transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communication électroniques accessibles au public ». Enfin, il a pour objet de retrancher, sans raison apparente, l’alinéa 30 de l’article, qui est une disposition de coordination.
Dès lors, la commission considère qu’il n’existe aucune raison de se rallier à cette nouvelle formulation, et son avis est défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 547 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Malherbe et MM. Mézard et Requier.
L'amendement n° 834 rectifié bis est présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 22
1° Après les mots :
à accéder à
insérer les mots :
l’ensemble des services de communication électronique accessible au public qui fournit une connectivité à l'internet, et, partant, une connectivité entre la quasi-totalité des points terminaux connectés à l'internet, quels que soient la technologie de réseau ou les équipements terminaux utilisés,
2° Remplacer les mots :
l’information et
par les mots :
à en diffuser l’information
3° Remplacer les mots :
ainsi qu’
par le mot :
et
4° Compléter cet alinéa par les mots :
sans discrimination qualitative et quantitative
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 547 rectifié.
Mme Françoise Laborde. L’accès à internet doit être garanti à l’ensemble de nos concitoyens, quels que soient leurs revenus, leur situation géographique ou leurs besoins et quels que soient les technologies de réseaux ou les équipements terminaux utilisés, conformément aux avancées du droit européen en la matière.
Le présent amendement a donc pour objet de préciser que l’ARCEP, le cas échéant conjointement avec le ministre compétent, prend les mesures nécessaires pour favoriser l’accès de tous les utilisateurs aux services d’internet sans discrimination, et cela de manière à la fois quantitative et qualitative.
Mme la présidente. L'amendement n° 834 rectifié bis n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 547 rectifié ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à reformuler l’objectif de non-discrimination dans l’accès à l’internet qui est fixé à l’ARCEP.
En réalité, ces dispositions ne nous semblent rien apporter de plus à la rédaction actuelle de l’article, qui paraît plus concise et plus claire. Par ailleurs, elles ne modifient pas seulement l’objectif en question, puisqu’elles énumèrent des modalités d’action, dont certaines sont trop précises, quand d’autres ne le sont pas suffisamment.
Enfin, la question de la « neutralité du net » est en cours de discussion au niveau européen, dans le cadre du trilogue entre la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres. Il s’agit d’un sujet extrêmement important, au regard notamment de la concurrence d’acteurs extra-européens. Un projet de règlement européen devrait résulter de ces travaux à l’automne. En tout état de cause, il nous paraît prématuré de reformuler cet objectif à ce stade.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 33 quater.
(L'article 33 quater est adopté.)
Article 33 quinquies A
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa du I de l’article L. 33-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une personne exploite un réseau ouvert au public ou fournit au public un service de communications électroniques sans que la déclaration prévue au premier alinéa du présent I ait été faite, l’Autorité, réunie en formation de règlement de différend, de poursuite et d’instruction, peut, après que cette personne a été invitée à déclarer sans délai l’activité concernée, procéder d’office à cette déclaration. La personne concernée en est informée. » ;
2° (nouveau) Au sixième et septième alinéas de l’article L. 130, les mots : « , L. 32-4 et » sont remplacés par les mots : « et L. 32-4, du quatrième alinéa de l’article L. 33-1, de l’article ». – (Adopté.)
Article 33 quinquies
I. – Après l’article L. 34-8-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-8-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-8-1-1. – Le partage des réseaux radioélectriques ouverts au public fait l’objet d’une convention de droit privé entre opérateurs titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour établir et exploiter un réseau ouvert au public. Cette convention détermine les conditions techniques et financières de fourniture de la prestation, qui peut porter sur des éléments du réseau d’accès radioélectrique ou consister en l’accueil sur le réseau d’un des opérateurs de tout ou partie des clients de l’autre.
« Les différends relatifs à la conclusion ou à l’exécution de la convention sont soumis à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, conformément à l’article L. 36-8.
« La convention est communiquée, dès sa conclusion, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Lorsque l’autorité constate que cela est nécessaire à la réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 32-1 ou au respect des engagements souscrits au titre des autorisations d’utilisation de fréquences radioélectriques par les opérateurs parties à la convention, elle peut demander, après avis de l’Autorité de la concurrence, la modification des conventions déjà conclues, en précisant leur périmètre géographique, leur durée ou les conditions de leur extinction.
« Sans préjudice de l’article L. 34-8-1, lorsque la prestation permet la fourniture de services de communications électroniques sur une des zones identifiées en application du III de l’article 52 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ou en application de l’article 119 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, elle est assurée dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires. »
II. – À la fin du d du I de l’article L. 33-1 du même code, les mots : « et les modalités de partage des infrastructures et d’itinérance locale » sont remplacés par les mots : « , les modalités de partage des infrastructures et des réseaux radioélectriques ouverts au public et d’itinérance locale ».
III. – Au 2° bis du II de l’article L. 36-8 du même code, après la référence : « L. 34-8-1, », sont insérés les mots : « de la convention de partage de réseaux radioélectriques ouverts au public prévue à l’article L. 34-8-1-1, ».
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1652, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veille à ce que les conventions, ou leurs avenants, en particulier leur périmètre géographique, leur durée et les conditions de l’extinction de tout ou partie de ces conventions, garantissent l’exercice d’une concurrence effective et loyale entre opérateurs ou l’utilisation efficace des fréquences.
« À cette fin, les projets de convention, ou leurs avenants ainsi que celles qui sont conclues avant la promulgation de la présente loi sont communiqués à l’Autorité.
« L’Autorité peut enjoindre les parties de modifier les conventions, en particulier leur périmètre géographique, leur durée et les conditions de l’extinction de tout ou partie de la convention. L’Autorité consulte au préalable l’Autorité de la concurrence, procède à une consultation publique et notifie sa décision à la Commission européenne, à l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques et aux autres États membres de l’Union européenne.
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – L’article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le cas échéant, demande la modification des conventions de partage des réseaux radioélectriques ouverts au public dans les conditions prévues à l’article L. 34-8-1-1. »
…– Le présent article permet de modifier les effets futurs des conventions et avenants conclus avant la date de promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 1652 est retiré.
L'amendement n° 327, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer les mots :
ou au respect des engagements souscrits au titre des autorisations d’utilisation de fréquences radioélectriques par les opérateurs parties à la convention
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Les AUF, ou autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques, ne font pas référence aux conventions d’itinérance ou de mutualisation. Il serait donc juridiquement incertain et artificiel de créer un lien entre les AUF et lesdites conventions. Cette mesure limiterait en outre la possibilité pour l’ARCEP d’apprécier la nécessité de faire modifier les conventions d’itinérance et de mutualisation.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 811 rectifié est présenté par MM. Lenoir, Bignon, Bizet, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Commeinhes, Courtois et Danesi, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Grosdidier, Grosperrin, Houel et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, Leleux et Longuet, Mme Lopez, MM. Mandelli et Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Paul, Pellevat, Pinton, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, MM. Reichardt, Revet, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Mayet, Gremillet, Delattre, J. Gautier, Malhuret et Cardoux.
L'amendement n° 1429 rectifié est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer les mots :
peut demander
par le mot :
demande
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 811 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. L’article 33 quinquies concerne les conventions d’itinérance et les accords intervenus entre opérateurs, afin de mutualiser leurs réseaux mobiles.
La modification introduite lors de ses travaux par la commission spéciale visait à donner à l’ARCEP un pouvoir d’appréciation sur ces conventions. Or la rédaction actuelle de l’article prévoit déjà cette faculté, puisqu’elle laisse l’Autorité juger de la nécessité, ou non, de demander la modification des conventions.
Aussi, en raison du caractère peu normatif de cette modification, et afin de ne pas alourdir la rédaction de l’article, notre amendement vise à revenir à la version issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 1429 rectifié.
M. Yves Détraigne. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 328, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer le mot :
extinction
par le mot :
réversibilité
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Cet amendement vise à promouvoir un traitement des accords de mutualisation et d’itinérance sur les réseaux mobiles qui soit conforme à ce qu’a souhaité l’Autorité de la concurrence dans l’un de ses avis.
La rédaction proposée permettra d’étendre les dispositions prévues à l’article 33 quinquies à l’ensemble des modalités de partage des réseaux radioélectriques ouverts au public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 327 tend à supprimer la référence aux autorisations d’utilisation de fréquences radioélectriques, car elles ne feraient pas référence aux conventions de partage de réseaux radioélectriques.
Cependant, ces conventions sont assorties d’engagements des opérateurs en termes de déploiement des réseaux de téléphonie mobile, de couverture des zones du territoire et de qualité de service. Or l’itinérance est susceptible de présenter des risques concurrentiels, voire de remettre en cause la structure du marché.
Dès lors, l’ARCEP peut légitimement demander aux opérateurs contractants de modifier les contrats d’itinérance en cas de non-respect des engagements souscrits par l’un d’entre eux lors de l’attribution des fréquences. C’est en effet un moyen de rétablir une concurrence effective et loyale.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements nos 811 rectifié et 1429 rectifié tendent à proposer le retour à une compétence liée. Or, d’après une interprétation qui nous paraît tout à fait cohérente, l’ARCEP a déjà un pouvoir d’appréciation sur les conventions d’itinérance, puisqu’il lui revient de juger si la demande de révision des conventions de partage de réseaux est opportune, compte tenu des objectifs d’intérêt général qu’elle doit garantir.
L’ARCEP devra demander d’éventuelles modifications à la convention d’itinérance, étant donné les objectifs de régulation prévus à l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques. Ces objectifs étant nombreux et rédigés en des termes très généraux, l’Autorité aura donc, à ce stade, une marge d’appréciation pour décider si, oui ou non, les conventions d’itinérance les respectent.
La commission émet un avis de sagesse sur ces deux amendements. Je dirai même qu’il s’agit d’un avis de sagesse « très positive » !
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Enfin, l’amendement n° 328 tend à étendre le pouvoir d’encadrement des conventions d’itinérance de l’ARCEP à toutes les modalités de partage des réseaux radioélectriques, c’est-à-dire, en l’espèce, aux conventions de mutualisation, en substituant le terme « réversibilité » à celui d’« extinction ».
Or la rédaction actuelle de l’article 33 quinquies n’exclut pas des conventions de ce type. La rédaction de l’alinéa 2 est neutre de ce point de vue : elle peut viser les conventions d’itinérance comme de mutualisation. Par conséquent, la modification proposée n’y apporterait rien de plus.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 327 vise à sécuriser le dispositif d’encadrement des contrats d’itinérance ou de mutualisation des réseaux mobiles par l’ARCEP. Si je souscris à cet objectif, il me semble déjà satisfait par la rédaction actuelle du texte.
Je vous invite donc, monsieur Sido, à retirer cet amendement. À défaut, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée, car, encore une fois, je ne suis pas opposé à votre objectif.
Les amendements identiques nos 811 rectifié et 1429 rectifié ont pour objet de préciser les compétences de l’ARCEP.
M. Bruno Retailleau. Ce sont de très bons amendements !
M. Jean-Claude Lenoir. Je le confirme ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Ces amendements sont conformes à l’idée que nous défendons depuis tout à l’heure – je ne vais pas me dédire –, à savoir qu’il est nécessaire de mettre la pression et, dans le cas d’espèce, que le régulateur exerce cette pression sur les opérateurs. C’est d’ailleurs cohérent avec l’objectif visé par l’amendement qui avait été adopté à l’Assemblée nationale, comme vous le rappeliez.
Par ailleurs, je souhaite préciser que la disposition, telle qu’elle figure actuellement à l’alinéa 4 de l’article, ne doit pas être interprétée comme ne valant que pour l’avenir. Je l’indique pour la clarté de nos débats et après avoir retiré l’amendement n° 1652, qui visait justement à préciser cette rédaction.
Selon moi, cette mesure vaut donc pour les contrats en cours ! Je crois utile d’apporter cette clarification, car l’ARCEP devra pouvoir agir en fonction des compétences qu’on lui attribuera.
C’est pourquoi j’émettrai également un avis de sagesse sur ces deux amendements identiques.
Enfin, il me semble que l’amendement n° 328 est lui aussi satisfait par l’article, dans sa rédaction actuelle. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Sido, les amendements nos 327 et 328 sont-ils maintenus ?
M. Bruno Sido. Je rappellerai brièvement quelques faits. En 2002, le milieu rural était extrêmement mal couvert, voire non couvert, par les réseaux de téléphonie mobile, et mon département de la Haute-Marne était le plus mal desservi de France.
Cette situation m’a poussé à déposer une proposition de loi – j’étais alors sénateur depuis un an – sur l’itinérance locale. Par extraordinaire, cette proposition de loi a été mise à l’ordre du jour et votée, Mme Didier s’en souvient certainement, à l’unanimité.
L’itinérance locale est une nécessité. Toutefois, j’ai l’impression qu’on confond ce type d’itinérance avec celle qui a été mise en place par Free grâce au réseau d’Orange ; cette itinérance a permis de couvrir toute la France, mais, de mon point de vue, elle est une sorte de dévoiement.
Là où l’on ne pouvait pas se payer les services de l’un des trois opérateurs à l’époque, l’itinérance locale consistait soit à installer un pylône avec une seule antenne utilisable par les trois opérateurs, soit à faire du partage d’infrastructures, d’où l’amendement n° 328, monsieur le ministre.
L’amendement n° 327 vise à favoriser le développement de l’itinérance locale, qui existe et qui fonctionne encore, car je suis sûr que les départements, aujourd’hui, se préoccupent d’équiper en fibre optique ces pylônes d’itinérance locale ou les infrastructures partagées en milieu rural profond, afin que les populations rurales et hyper-rurales puissent bénéficier de la 3G, de la 4G et, demain, de la 5G.
Tel est l’objet de cet amendement. Je voudrais insister auprès de mes collègues sur un point : il ne faut pas confondre l’itinérance Free-Orange, qui en un sens constitue un déni de concurrence – d’ailleurs, les deux autres opérateurs s’en plaignent –, avec l’itinérance locale, qui est une nécessité absolue pour le milieu rural.
M. Jean-Pierre Vial. Tout à fait !
M. Bruno Sido. Je maintiens donc mes deux amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 811 rectifié et 1429 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 33 quinquies, modifié.
(L'article 33 quinquies est adopté.)
Article 33 sexies
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 404 est présenté par M. Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 575 rectifié bis est présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Guerriau, Pozzo di Borgo, Revet, Bignon, Bonnecarrère et D. Dubois, Mme Loisier, MM. Chaize, Mayet, Tandonnet, Bockel, J.L. Dupont et Gabouty, Mme Gatel, MM. Roche, Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - L'article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Publie chaque année un rapport sur l'effort d'investissement des opérateurs de radiocommunications mobiles autorisés. Ce rapport évalue les investissements réalisés par chacun des opérateurs dans le déploiement d'infrastructures nouvelles et vérifie que les conventions de partage de réseaux radioélectriques ouverts au public mentionnés à l'article L. 34-8-1-1 n'entravent pas ce déploiement. »
II. - Le premier rapport préparé au titre du 9° de l'article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques est publié au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 404.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit, madame la corapporteur, de ce que vous n’aimez pas par principe, à savoir une demande de rapport !
Lors des travaux en commission, vous avez refusé les demandes de rapport chaque fois que le groupe socialiste en a proposé une, et nous avons satisfait à votre position de principe, sauf dans deux cas : pour la présente demande et pour une autre dont nous débattrons peut-être demain concernant les bourses régionales.
Ce rapport est en effet important, parce qu’il constituera un outil d’aide à la décision précieux pour les collectivités locales. Il leur permettra de suivre l’effort d’investissement des opérateurs mobiles autorisés et de déterminer un tarif d'accès juste et pertinent, grâce à l’évaluation, chaque année, de leur effort d’investissement dans le déploiement d’infrastructures nouvelles.
C’est pourquoi nous insistons sur ce point, madame la corapporteur. Vous me répondrez peut-être, comme vous le faites d’ordinaire, que c’est aux commissions de faire le travail. Toutefois, la première démarche d’une commission, lorsqu’elle veut s’informer sur un sujet, c’est d’aller voir le ministre et les services compétents… Ce rapport pourrait donc servir de base à un travail de réflexion et permettrait d’y voir plus clair. Il serait réellement utile pour les collectivités locales que nous représentons.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 575 rectifié bis.
M. Hervé Maurey. Mes arguments seront assez proches de ceux qui viennent d’être avancés.
Ce rapport, dont la demande a été introduite par l’Assemblée nationale, vise à contrôler la réalité des investissements des opérateurs en matière de 4G. On est donc tout à fait dans l’esprit de l’action du Gouvernement : il s’agit de mettre la pression, qui doit être assez forte pour être efficace. C’est bien l’objectif de ce rapport.
Si le mot « rapport » gêne Mme la corapporteur,…
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Non, pas Mme la corapporteur, la commission spéciale !
M. Hervé Maurey. … il n’y a qu’à le remplacer par « bilan », « étude » ou « compte rendu ». Ainsi, l’honneur de la sémantique serait sauf.
Quoi qu’il en soit, je crois que ce rapport est indispensable, parce que, comme le suggérait Mme Bricq, les commissions ou les groupes de travail – je disais tout à l’heure que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire avait créé un groupe de travail sur le numérique – ne disposent pas des moyens concrets, techniques et humains, d’aller vérifier chaque année que les opérateurs respectent leurs engagements et que les objectifs sont atteints.
Ce rapport, que je suis prêt à appeler autrement, si cela fait plaisir à Mme la corapporteur – je suis même prêt à rectifier mon amendement en ce sens –, il faut absolument le rétablir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je vous rassure, monsieur Maurey : je ne suis pas foncièrement hostile aux rapports. Je ne fais que suivre la position de principe adoptée par la commission spéciale, qui est globalement opposée à la production de tels documents.
Cela dit, j’exposerai les raisons pour lesquelles la commission n’entend pas revenir sur la suppression de cet article.
Tout d'abord, ces deux amendements identiques visent à rétablir ce rapport au motif qu’il envisage des lignes directrices relatives à la tarification de l’accès aux réseaux d’initiative publique. Or rien n’est dit dans le rapport prévu par cet article sur ce point, puisqu’il porte sur l’effort d’investissement des opérateurs des télécoms.
Par ailleurs, le rapport doit « évalue[r] les investissements réalisés par chacun des opérateurs ». Il y a là une prescription qui heurte le secret des affaires, que les opérateurs ne manqueront pas d’opposer.
Enfin, le délai de trois mois laissé à l’ARCEP pour publier ce rapport est manifestement trop court.
Pour toutes ces raisons, au nom de la commission spéciale, et non pas à titre personnel, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Compte tenu des engagements que j’ai moi-même pris il y a quelques instants, je ne puis qu’émettre un avis favorable.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce rapport est nécessaire, effectivement, si on veut mettre la pression sur les opérateurs, et je crois que c’est faisable et que cela ne porte pas atteinte au secret des affaires. Du reste, celui-ci, en l’espèce, ne peut pas nous être opposé,…
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. … parce que les opérateurs, aujourd’hui, utilisent ces fréquences de sorte qu’ils bénéficient d’une contrepartie ; par ailleurs, il existe une régulation spécifique qui justifie qu’on leur demande ces éléments.
Nous avons déjà eu un débat semblable lorsque l’on a accordé à une autre autorité administrative indépendante la possibilité de donner son avis concernant les professions réglementées. Ici, on a l’ARCEP, qui détient de réels pouvoirs. Le législateur a pour devoir d’encadrer, et c’était bien l’objet de l’amendement n° 1652 pour ce qui est du contrat d’itinérance, mais aussi de demander des comptes rendus réguliers.
Ce rapport est donc nécessaire pour mettre la pression sur les opérateurs, afin que le Parlement ait une pleine visibilité et que ses débats soient correctement informés.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. La question des rapports est une véritable tarte à la crème de nos débats. Si les autorités de contrôle et de régulation ne remettent pas de rapports, ce qui est quand même leur cœur de métier, c’est tout de même étrange ! On finira par considérer que même la Cour des comptes est dispensée de remettre de rapports ! (Sourires.)
Mme Évelyne Didier. Ne leur donnez pas des idées !
M. Ronan Dantec. À mon avis, l’intention de Mme la corapporteur est de maintenir une part d’opacité. Or, si on veut avoir une visibilité sur la question de l’aménagement du territoire et savoir quels sont les investissements des différents opérateurs, ce rapport est indispensable.
Le groupe écologiste votera ces amendements identiques.
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je voterai également ces amendements identiques, parce qu’il me semble tout à fait important qu’il y ait une transparence des informations sur les opérateurs, surtout si l’on considère qu’ils assurent un service public et que la collectivité doit avoir accès à ces informations, afin de se former un avis objectif sur la manière dont ce service public est rendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Dans le même esprit, qui est largement partagé dans l’hémicycle, le RDSE votera ces amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 404 et 575 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. François Pillet, corapporteur. Quelle cohérence !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 33 sexies est rétabli dans cette rédaction.
Article 33 septies A
L’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, les mots : « ou l’autre » sont supprimés ;
1° bis (nouveau) Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du I, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« L’autorité peut, à la demande de la partie qui la saisit, décider que sa décision produira effet à une date antérieure à sa saisine, sans toutefois que cette date puisse être antérieure à la date à laquelle la contestation a été formellement élevée par l’une des parties pour la première fois, et, en tout état de cause, sans que cette date soit antérieure de plus de deux ans à sa saisine. » ;
1° ter (nouveau) Après le premier alinéa du IV, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut présenter des observations devant la Cour de cassation à l’occasion d’un pourvoi en cassation formé contre un arrêt par lequel la Cour d’appel de Paris a statué sur une décision de l’Autorité. Il peut former un pourvoi en cassation contre un arrêt de la Cour d’appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision de l’Autorité. » ;
2° Il est ajouté un VI ainsi rédigé :
« VI. – Lorsque le différend met en cause une partie au titre des activités qu’elle exerce en tant que cocontractant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales agissant dans le cadre de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, cette collectivité ou ce groupement a la qualité de partie devant l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et, le cas échéant, devant la Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1639, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. La suppression proposée au travers de cet amendement permettra à l'ensemble des parties à un différend, notamment à la ou les collectivités territoriales concédantes, de faire valoir leurs points de vue et leurs droits. Les différends visés, dont peut connaître l’ARCEP, voire les juridictions judicaires, sont ceux qui portent sur les réseaux d’initiative publique. Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’être plus précis dans la loi, mais ces modifications nous paraissaient nécessaires pour apporter une clarification.
L’adoption de cet amendement contribuera en outre à renforcer l'effectivité des décisions de l'ARCEP dans le cadre de son pouvoir de règlement des différends.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cette proposition nous semble revenir sur les apports de la commission spéciale précisant les pouvoirs de l’ARCEP en matière de règlement des différends, sans que le Gouvernement justifie une telle suppression.
Dans sa rédaction issue des travaux de la commission spéciale, l’article 33 septies A permet à l’ARCEP de donner une portée rétroactive à certaines de ses décisions dans des conditions strictement encadrées et de faire valoir ses observations devant la Cour de cassation à l’occasion d’un pourvoi formé contre un arrêt par lequel la cour d’appel de Paris a statué sur l’une de ses décisions.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 151 rectifié bis est présenté par MM. Chaize, Morisset, César, Lefèvre, Milon, Commeinhes, Calvet, D. Laurent, Bonhomme et B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli et Mouiller, Mme Micouleau, MM. Pellevat, Vogel, Laménie, P. Leroy et Maurey, Mme Deromedi et MM. Charon et Gremillet.
L'amendement n° 354 est présenté par M. Rome.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
met en cause
par le mot :
concerne
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 151 rectifié bis.
M. Patrick Chaize. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Tel qu’il est rédigé, l’article 33 septies A ne semble envisager que le cas de figure où le cocontractant d’une collectivité ou d’un groupement serait mis en cause par une tierce partie. Ce cocontractant peut lui aussi déclencher une procédure de règlement de différend, éventuellement à la demande de la collectivité ou du groupement. Il s’agit de rétablir un équilibre.
Mme la présidente. L’amendement n° 354 n’est pas défendu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 151 rectifié bis ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Nous ne sommes pas certains qu’il y ait une différence fondamentale, sur le fond, entre les mots « met en cause » et le mot « concerne »… Peut-être le second est-il moins accusatoire que le premier.
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 33 septies A, modifié.
(L'article 33 septies A est adopté.)
Article 33 septies B
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 42-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut déléguer à son président tout ou partie de ses pouvoirs relatifs à l’adoption des décisions individuelles d’autorisation, à l’exception des autorisations attribuées en application de l’article L. 42-2 et des autorisations attribuées en application de l’article L. 42-3 portant sur une fréquence qui a été assignée en application de l’article L. 42-2 ou est utilisée pour l’exercice de missions de service public. Le président peut déléguer sa signature au directeur général et, dans la limite de ses attributions, à tout agent de l’Autorité. » ;
2° L’article L. 44 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut déléguer à son président tout ou partie de ses pouvoirs relatifs à l’adoption des décisions individuelles attribuant des ressources de numérotation. Le président peut déléguer sa signature au directeur général et, dans la limite de ses attributions, à tout agent de l’Autorité. » ;
– le neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut déléguer à son président tout ou partie de ses pouvoirs relatifs à l’adoption des décisions individuelles attribuant ces codes. Le président peut déléguer sa signature au directeur général et, dans la limite de ses attributions, à tout agent de l’Autorité. » ;
– à la fin de la seconde phrase du dixième alinéa, les mots : « et selon des modalités définies par elle » sont remplacés par les mots : « ou, le cas échéant, de son président et selon des modalités définies par l’Autorité » ;
b) Le II est ainsi modifié :
– au premier alinéa, les mots : « par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes » sont supprimés ;
– les neuvième et dixième alinéas sont supprimés ;
– au onzième alinéa, les mots : « de la réservation ou » sont supprimés et le mot : « leur » est remplacé par le mot : « sa » ;
– aux deux derniers alinéas, les mots : « par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 33 septies C
Après consultation publique, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes rend publiques des lignes directrices portant sur les conditions tarifaires d’accès aux infrastructures et aux réseaux de communications électroniques établis ou exploités en application du I de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales et bénéficiant d’aides publiques, notamment pour les réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final.
Les collectivités territoriales et leurs groupements mentionnés au premier alinéa dudit I communiquent à l’Autorité, au moins deux mois avant leur entrée en vigueur, les conditions tarifaires d’accès à leurs infrastructures et réseaux. Les conditions tarifaires en vigueur au jour de promulgation de la loi n°… du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques sont communiquées à l’Autorité à sa demande. Lorsqu’elle estime que les conditions tarifaires soulèvent des difficultés au regard des dispositions de l’article L. 1425-1 précité, l’Autorité peut émettre un avis public.
Les collectivités territoriales, leurs groupements et les opérateurs de communications électroniques transmettent à l’Autorité, à sa demande, les informations et documents nécessaires pour mettre en œuvre les dispositions du présent article.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 366 rectifié est présenté par MM. P. Leroy et Sido.
L'amendement n° 576 rectifié est présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Guerriau, Pozzo di Borgo, Revet, Bignon, Bonnecarrère, Détraigne, D. Dubois, Bockel, J.L. Dupont, Gabouty et Roche, Mme Billon et M. Kern.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l’amendement n° 366 rectifié.
M. Bruno Sido. L’intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements dans le domaine des réseaux et des services de communications électroniques fait déjà l’objet d’un double encadrement : d’une part, au titre du service public, soumis aux dispositions du code général des collectivités territoriales, en particulier ses articles L. 1425-1 et L. 1425-2, et, d’autre part, au titre de la réglementation sectorielle régie par les dispositions du code des postes et des communications électroniques.
Il n’y a ainsi aucune nécessité de créer un niveau supplémentaire de contrôle spécifique aux collectivités territoriales dans ce secteur, dans lequel elles ont fait la preuve de la pertinence et de l’utilité de leurs investissements depuis plus de dix ans.
En outre, le projet de loi numérique récemment annoncé – auquel, personnellement, je crois, parce qu’il est nécessaire – sera l’occasion d’un plus large débat consacré à l’aménagement numérique, prenant en compte l’ensemble des acteurs publics et privés.
Au travers de cet amendement, nous proposons donc une simplification administrative.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 576 rectifié.
M. Hervé Maurey. Le présent article, inséré par l’Assemblée nationale, donne compétence à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes pour élaborer des lignes directrices sur la tarification des réseaux d’initiative publique.
Il prévoit également que les collectivités transmettent à l’opérateur le projet de tarification de leurs infrastructures préalablement à toute décision. C’est ainsi une double contrainte qui est imposée aux collectivités locales déployant des réseaux.
Cet article soulève un certain nombre de questions. Qu’est-ce qu’une ligne directrice ? Sur le plan juridique, c’est très flou, et j’ignore si M. le ministre est capable de nous en donner une définition. Quel serait le niveau de contrainte de ces lignes directrices pour les collectivités ? De quelle marge de manœuvre disposeraient ces dernières ? Le Gouvernement pourrait-il adapter, voire supprimer, le subventionnement des projets portés par les collectivités si elles ne respectent pas ces lignes directrices ?
Le modèle choisi oblige de facto – cette obligation n’a pas de caractère légal – les collectivités à déployer un réseau qui coûte très cher, à investir à cette fin des millions d’euros, sans que les opérateurs soient contraints de l’utiliser. En effet, rien ne les y oblige. La seule marge de manœuvre dont dispose la collectivité, c’est jouer sur ses tarifs pour les rendre incitatifs. Si, demain, l’ARCEP fixe en quelque sorte un prix plancher à travers ces lignes directrices, certains opérateurs attendront que celles-ci soient rendues publiques, que les tarifs soient publiés, avant toute décision.
C’est ce à quoi l’on assiste déjà depuis le vote de cet article par l’Assemblée nationale, et un certain nombre de départements m’ont saisi de ce problème. Cette mesure va se retourner contre les collectivités et freiner encore l’attrait de ces réseaux d’initiative publique pour les opérateurs.
Dans l’attente de l’examen de ce fameux projet de loi numérique et des conclusions du groupe de travail sur l’aménagement numérique du territoire, je propose la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article 33 septies C, tel qu’il a été modifié par la commission spéciale, charge l’ARCEP d’édicter des lignes directrices sur la tarification des réseaux d’initiative publique.
Les auteurs de ces deux amendements identiques mettent en avant la libre administration des collectivités, au nom de laquelle celles-ci doivent pouvoir choisir la politique tarifaire qui leur convient, pour demander la suppression de cet article.
Or il nous a semblé que ces lignes directrices sont un moyen pour les collectivités de se protéger des pressions des opérateurs à la baisse sur leurs tarifs, qui réduiraient les recettes tirées des réseaux d’initiative publique et rendraient nécessaire une augmentation des subventions publiques.
Ces avis publics de l’ARCEP, formellement, ne lieront pas les collectivités, même si l’on peut imaginer qu’elles les prendront en compte. Dès lors, ce dispositif ne remet pas en cause la libre administration des collectivités, mais encadre leur intervention de façon souple et dans leur propre intérêt.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souscris pleinement aux propos de Mme la corapporteur.
Je comprends l’objectif des auteurs de ces deux amendements identiques ; il est exact que certains opérateurs proposent des prix plus bas.
Ces lignes directrices sont des recommandations. Elles n’ont pas force contraignante et ne sont assorties d’aucune menace de sanctions. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez très bien la réalité : si l’on accepte que les collectivités locales jouent ce jeu et fixent la tarification des réseaux d’initiative publique aux conditions posées par les opérateurs, elles seront obligées d’avoir recours à des subventions pour combler le différentiel !
Cela soulèvera deux difficultés. Premièrement, un problème budgétaire : il n’y a pas de création monétaire spontanée dans cette affaire ; deuxièmement, les autres opérateurs engageront immédiatement une procédure contentieuse contre ce qui apparaîtra bien comme une aide d’État. C’est bien la raison d’être de ces lignes directrices.
L’opérateur qui joue à ce jeu – je ne le nommerai pas, mais nous le connaissons tous – sera attaqué devant Bruxelles, et il perdra, car, je le répète, casser le prix d’un contrat et combler le différentiel par une subvention publique, cela porte un nom : c’est accorder une aide d’État !
Non seulement cela coûtera de l’argent, mais en plus nous traînerons durant des années un risque juridique et, in fine, Bruxelles réclamera le remboursement des aides. Il s'agit donc vraiment d’une fausse bonne idée.
M. François Pillet, corapporteur. Ce n’est même pas une bonne idée du tout !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas ainsi que nous ferons des économies sur le développement des réseaux.
Il est très important de conserver cette référence aux lignes directrices, qui permettent d’encadrer – c’est sain – l’accès aux infrastructures et aux réseaux, sans qu'elles soient contraignantes pour autant.
Madame la présidente, si vous m’y autorisez, j’en profite pour présenter l’amendement n° 1645 rectifié, qui vise à préciser les missions de l’ARCEP.
L’article 33 septies C du présent projet de loi confie à l’ARCEP la mission de publier des lignes directrices relatives à la tarification de l’accès aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique établis par les collectivités territoriales.
L’objectif est de clarifier les règles du jeu en permettant à l’ARCEP d’accompagner les collectivités en amont de la publication de leurs offres tarifaires, pour éviter qu’elles ne voient leurs projets compromis. Nous allons donc au bout de la logique de ces lignes directrices, en prévoyant que celles-ci seront rendues publiques. Leur donner de la visibilité permettra aux collectivités à mettre la pression sur les opérateurs.
La suppression de cet article ouvrirait une double brèche : elle permettrait à certains opérateurs de casser les prix « faciaux » grâce à leur subventionnement ; a contrario, elle permettrait à d’autres opérateurs de ne pas jouer le jeu en pratiquant des tarifs beaucoup trop élevés.
C’est pourquoi il faut que l’ARCEP puisse publier ces lignes directrices pour permettre un encadrement en amont de la politique tarifaire des réseaux d’initiative publique et pour exercer une pression collective sur les opérateurs et les inciter à jouer le jeu.
Voilà pourquoi j’émets un avis tout à fait défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression et vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter plutôt l’amendement n° 1645 rectifié du Gouvernement, qui vise à préciser ces règles.
J’y insiste : supprimer cet article serait une erreur !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Franchement, monsieur le ministre, nous ne vivons pas dans le même monde !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est facile !
M. Bruno Sido. Madame la corapporteur, permettez-moi de m’exprimer !
De même, le rejet de mes amendements nos 327 et 328 relatifs à l’itinérance locale ne permettra pas à celle-ci d’être opérationnelle en milieu rural profond. Nous allons assister dans mon département à une régression, vous verrez ! Pourtant, la collectivité départementale a voulu être proactive en créant un réseau d’initiative publique.
Monsieur le ministre, croyez-vous que nous aurions agi de la sorte, bien que nous soyons tous en milieu rural profond des microcéphales,…
M. Yannick Vaugrenard. Pas de caricature !
M. Bruno Sido. … si nous n’avions pas été certains que les opérateurs nous suivraient ?
En Haute-Marne – pardonnez-moi de citer ma propre expérience –, la bande passante de 95 % des lignes situées en milieu rural profond atteint au moins 8 mégabits par seconde, ce qui permet d’avoir accès à la télévision par ADSL ; chez moi, ce débit atteint 13 mégabits par seconde. Rendez-vous compte, c’est un bonheur ! Voilà trois semaines encore, il n’était que de 512 kilobits par seconde. Et bientôt, grâce au VDSL2, le très haut débit sera accessible à presque tous.
Jean-Ludovic Silicani, l’ancien président de l’ARCEP, dont chacun connaît la rigueur intellectuelle – il est sorti major de l’ENA –,…
M. Bruno Retailleau. Et de la promotion Voltaire, soit la quintessence de l’État ! (Rires.)
M. Bruno Sido. … me disait ceci : « Monsieur Sido, vous posez toujours la question d’après, vous avez toujours un train d’avance. » Il n’empêche que, avec l’aide de l’ARCEP, nous avons réussi à monter ce réseau d’initiative publique et à y attirer les opérateurs, monsieur le ministre.
Nous avons bien sûr établi un tarif, qui est public et identique pour tous. Pour ce faire, nous avons négocié avec l’ARCEP. Finalement, tout le monde y trouve son compte, singulièrement nos concitoyens, qui auront bientôt demain la fibre chez eux, même dans les fermes les plus reculées.
Voilà ce que nous faisons en milieu rural profond. Nous ne vivons pas en milieu urbain ou suburbain, mais nous essayons de nous débrouiller, en nous saignant aux quatre veines pour cela. Pourquoi vouloir nous indiquer un tarif au-dessous duquel nous ne pouvons pas nous adapter ?
Bien entendu, en termes d’investissement, tous ces réseaux d’initiative publique sont anti-économiques, puisqu’ils n’offrent aucune rentabilité. Notre tarif, monsieur le ministre, permettra tout juste – et encore ! – d’entretenir notre réseau d’initiative publique. Toutefois, c’est une volonté politique qu’ont les élus de Haute-Marne et d’autres départements, en particulier celui de M. Maurey, d’avancer, parce que personne ne nous aidera si nous n’agissons pas.
Par conséquent, M. Maurey et moi-même estimons que ces amendements sont excellents et viennent asseoir notre action depuis de nombreuses années en faveur de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, je n’ai pas tout compris de votre propos. Vous dites que les lignes directrices sont de simples recommandations, indicatives et morales et, dans le même temps, vous précisez que, si on ne les suit pas, on rencontrera des problèmes juridiques. Une telle affirmation est paradoxale.
Vous évoquez ensuite une augmentation des subventions. Or, là aussi, il faut être clair et précis : les subventions d’État sont plafonnées. Donc, je pense que votre propos couvrait non pas les subventions de l’État, mais la participation financière de la collectivité.
Là où je ne peux qu’être d’accord avec vous, c’est qu’il n’est évidemment pas souhaitable qu’une collectivité soit obligée de brader, c’est-à-dire de proposer à bas prix, son réseau. Toutefois, que peut-elle faire d’autre quand l’opérateur ne veut pas venir ?
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Vous allez sûrement nous donner une réponse, monsieur le ministre, et si elle est satisfaisante, je vous le promets, je retirerai mon amendement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
On a beaucoup parlé ce soir, et cela me convient, de mettre la pression sur les opérateurs. Comment y parvient-on ? Allez-vous jusqu’à les obliger d’intervenir sur un réseau qu’ils n’ont pas déployé ? Allez-vous – ce sera encore plus beau ; comme l’heure avance, on peut commencer à rêver ! – jusqu’à obliger ces opérateurs à exercer dans des endroits qui ne sont pas rentables ?
Mme Évelyne Didier. Ce serait bien !
M. Hervé Maurey. Comment règle-t-on le problème ?
Je crains au contraire que cet article, tel qu’il est rédigé, sous couvert de protéger les collectivités, ne leur enlève le seul petit instrument dont elles disposent.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Revet. Ah !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaiterais formuler deux observations sur ce point.
Je vous ai en effet déclaré que ces recommandations présentaient seulement un caractère indicatif et que le non-respect des limites fixées n’était pas assorti de sanctions. Pourquoi ? Parce que ces lignes directrices ne sont pas contraignantes, sinon on contreviendrait au principe de libre administration des collectivités territoriales, qui constituait la raison pour laquelle vous avez proposé la suppression de l’article 33 septies C.
On peut trouver un juste milieu, qui a d’ailleurs été juridiquement défini : c’est le régime dans lequel nous vivons. Ces lignes directrices ne contreviennent pas à la libre administration, mais elles permettent en effet de donner une indication, un prix au-dessous duquel on ne peut pas créer la compétition.
La compétition entre les territoires existe, et le Gouvernement a en la matière son rôle à jouer. Toutefois, elle ne peut pas avoir lieu en cassant les prix, pour les raisons que j’évoquais.
Vous avez tout à fait raison, monsieur Sido, au-dessous d’un certain prix, c’est non pas la subvention de l’État, mais celle des collectivités territoriales qui va venir. Néanmoins, cela ne change rien au regard du droit européen dont j’ai parlé ni par rapport au critère des aides d’État. Donc, je vous le dis, le risque juridique au regard du critère d’aides d’État européennes est le même. L’opérateur qui joue à cela avec vous – parce qu’il joue ! – vous emmènera à la casse avec lui !
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Emmanuel Macron, ministre. On peut décider de poursuivre ainsi.
Toutefois, la seule possibilité c’est que, au cas par cas, on continue à mettre la pression sur les opérateurs, des conventions étant passées avec eux.
Le Gouvernement avec vous doit mettre la pression. Je vais revoir dans moins de dix jours tous les opérateurs pour exiger qu’ils participent aux RIP, à des prix raisonnables. S’agissant de l’opérateur historique, je lui ai dit – je n’ai donc aucun problème à en informer la Haute Assemblée – qu’il ne participe pas suffisamment aux RIP. Aujourd’hui, Orange ne joue pas suffisamment le jeu. Je le dis avec force. Je le lui ai dit. Il n’est pas besoin qu’il se répande en commentaires sur des opérations de marché qui ne le regardent pas,…
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Emmanuel Macron, ministre. … alors qu’il n’a pas suffisamment acheté d’équipements français en d’autres temps. L’opérateur historique doit prendre part aux RIP. Voilà le fond de ma pensée. Donc, on lui mettra la pression, car on est d’actionnaire et on a suffisamment de liens réglementaires avec les opérateurs pour les y obliger.
D’autres opérateurs s’amusent à venir, à des prix, eux, excessifs – et ils le savent. On leur mettra la pression pour qu’ils baissent leur prix, et on peut aussi le faire.
Pour ma part, la facilité consisterait à vous laisser faire, car, honnêtement, cela ne va pas changer ma vie. Il serait même plutôt démagogue de ma part de vous dire que l’on va supprimer les lignes directrices, afin que vous puissiez agir comme bon vous semble et que j’aie moins de pression sur les RIP. Pourtant, je pense que, collectivement, nous commettrions une erreur. En effet, d’abord, on faciliterait un comportement de passager clandestin dans ce marché où un opérateur prétend que l’on peut aller plus bas, ce qui est faux. Ensuite, et j’insiste sur ce point, certains RIP auront des montées en débit n’ayant pas les mêmes caractéristiques technologiques, et vous le savez. Pourquoi vous fixe-t-on des prix moins élevés ? Parce que, bien souvent, ce n’est pas de la fibre.
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Emmanuel Macron, ministre. Là-dessus, ne nous mentons pas : ce n’est pas la même montée en débit ; c’est du câble.
M. Bruno Sido. Non !
M. Emmanuel Macron, ministre. Mais si ! Bien souvent c’est du câble, et vous le savez.
Enfin, vous serez confrontés à ce risque juridique qui va perdurer. Je veux bien, on l’a fait des dizaines de fois dans notre pays, on est les champions, on peut faire ça. Toutefois, dans dix ou quinze ans, nos successeurs se retrouveront avec le contentieux à Bruxelles et on ira payer,…
MM. Alain Richard et Jacques Chiron. Bien sûr !
M. Emmanuel Macron, ministre. … et ce sont les mêmes collectivités qui iront payer ; elles paieront deux fois. Donc, honnêtement, c’est une erreur.
Au demeurant, en vous faisant part de cet avis défavorable, cela signifie que je m’engage à ce que le Gouvernement prenne toutes ses responsabilités pour que le niveau de pression maximal soit mis sur ces opérateurs, afin qu’ils participent aux RIP.
Bref, aucun comportement de passager clandestin pour celles et ceux qui prétendent casser les prix, pas de comportement de facilité de ceux qui vont aux offres largement au-dessus du prix et une responsabilité de tous, et en particulier de l’opérateur historique – vous pouvez me faire confiance, j’y veillerai – pour qu’il y aille. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Mon propos portera moins sur l’amendement en question que sur la portée générale de ce qui vient d’être dit.
Tout d’abord, il y a RIP et RIP. Connaissant un peu l’ingénierie du réseau de notre collègue Bruno Sido, je peux vous dire qu’il n’est pas dans ce cas. Certaines collectivités ont conçu des RIP pratiquement pour concurrencer des réseaux privés de collecte d’opérateurs qui étaient déjà présents. Or ce n’est pas ce qu’on leur demande, car, dans la plupart des départements, mes chers collègues, les réseaux de collecte sont présents.
Ce que l’on demande aux collectivités, c’est la capillarité, c’est-à-dire les derniers kilomètres qui permettent d’atteindre les entreprises ou d’aller dans les villages ou les bourgs.
Pour moi, un investissement des collectivités territoriales n’est pas, par principe, bon. Certaines d’entre elles se sont trompées, je le réaffirme ici, et d’autres ont fait de bons choix. Les premières ont parfois rencontré des difficultés à trouver des opérateurs. À cet égard, je ne citerai pas les départements que je connais se trouvant dans ce cas.
M. Jean Bizet. Ce serait douloureux !
M. Bruno Retailleau. Absolument, mon cher collègue.
Ensuite, à côté des aides d’État, il convient de citer l’arrêt Altmark rendu par la Cour de justice des Communautés européennes et que vous connaissez parfaitement, monsieur le ministre. Il suffit de remplir quatre conditions pour passer dans les grilles ou sous le radar des aides d’État. En réalité, la question n’est pas là.
En outre, je ne suis pas favorable – j’ai deux collègues qui connaissent bien le sujet – au fait de retirer à l’ARCEP cet outil qui, pour moi, tend plus à protéger les collectivités qu’à leur poser un problème.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Très honnêtement, l’ARCEP a montré depuis un certain nombre d’années qu’elle était plutôt un partenaire bienveillant vis-à-vis des collectivités et des RIP, plutôt qu’un empêcheur de tourner en rond.
Enfin, lors de débats sur cette question, j’ai dénoncé dans cet hémicycle des dizaines de fois, sous des gouvernements de droit comme de gauche, une insuffisance de l’État. On ne peut pas invoquer la dimension nationale de ce grand chantier des réseaux du XXIe siècle et abandonner, en les laissant livrées à elles-mêmes, les collectivités territoriales. (M. Guy-Dominique Kennel applaudit.) On ne peut pas placer ces dernières dans une telle situation, alors qu’elles font partie d’un système comprenant d’abord un cadre d’État. Le premier a été défini par la loi de modernisation de l’économie, la LME, complété puis précisé par l’ARCEP et par les opérateurs, car, vous le savez très bien, lorsque vous préparez des RIP, de nombreuses règles vous tombent sur le dos, y compris pour les plans : c’est notamment le cas lorsque vous réclamez des subventions pour mettre en œuvre le plan Très haut débit.
Si l’État, à un moment ou à un autre, considère que c’est un chantier national, il doit vraiment aider les collectivités locales et assumer le rôle d’assistant à maîtrise d’ouvrage, ou AMO, pour fournir aux collectivités une vraie ingénierie, pour éviter toute balkanisation de nos réseaux et former au contraire un grand réseau national homogène. Vous me répondrez que, pour la mission « Très haut débit », il va y avoir une agence. Or cette agence ne sera pas mise en place.
L’État a perdu cette compétence. Il suffirait, monsieur le ministre, d’une trentaine de collaborateurs de bon niveau, ayant intégré les bonnes écoles, que vous mettriez à disposition des collectivités afin de pouvoir aider celles-ci. Tant que les gouvernements successifs n’assisteront pas les collectivités, nous aurons besoin d’un certain nombre de protections.
Mais de grâce, entendez ce cri d’alarme que nous sommes un certain nombre à pousser dans l’hémicycle depuis des années. Il ne peut y avoir de grand chantier national sans une implication de l’État, notamment en soutien aux collectivités. Oui, certaines d’entre elles ont parfois pu faire n’importe quoi, pas toutes, heureusement ! Elles ont été laissées au pied du mur, ce qui illustre une défaillance, une carence de l’État, qu’il faudrait bien à un moment donné réparer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Catherine Deroche, corapporteur, applaudit également. )
M. Jacques Chiron. Alors l’État est là ! Davantage de fonctionnaires !
Mme la présidente. Monsieur Maurey, l’amendement n° 576 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je fais miens les propos de M. Retailleau sur le désengagement total de l’État (M. le ministre proteste.) sur ce sujet pourtant essentiel et qui ne date pas, je vous rassure, monsieur le ministre, de 2012. Je l’avais déjà dit lorsque j’appartenais à la majorité et je continue à le dire aujourd’hui. Cela explique le fait, comme l’a souligné Bruno Retailleau, que des collectivités locales ont fait de mauvais choix. D’une certaine façon, on ne peut pas les en blâmer, car elles ont été livrées à elles-mêmes et il n’était pas forcément facile d’opérer les bons choix.
Même si je n’avais pas prévu de le faire, je vais retirer cet amendement. En effet, je veux bien vous faire confiance et vous accordez le bénéfice du doute, monsieur le ministre. J’ai bien entendu vos propos et je vais vous prendre au mot sur le fait que vous êtes disposé à mettre la pression sur les opérateurs, notamment sur l’opérateur historique. C’est peut-être l’une des premières fois où j’entends un ministre rappeler que l’État est actionnaire d’Orange.
M. Francis Delattre. Et de Renault ! (Sourires.)
M. Hervé Maurey. Il est bon de le rappeler. J’espère vraiment que vous prouverez que vous êtes actionnaire, et que, en cette qualité, vous exigerez des choses.
Je dis parfois en boutade, mais c’est malheureusement plus que cela, que c’est peut-être l’inverse, c’est peut-être Orange qui est actionnaire de l’État. En effet, par le passé, j’ai plutôt observé des gouvernements qui se calquaient sur les positions d’Orange que le contraire.
M. Didier Guillaume. Mais ça c’était avant ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Hervé Maurey. Donc, je vous accorde le bénéfice du doute, je souhaite vraiment que vous mettiez cette pression et je retire cet amendement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Chiron. Bravo !
Mme la présidente. L’amendement n° 576 rectifié est retiré.
Monsieur Sido, l’amendement n° 366 rectifié est-il maintenu ?
M. Bruno Sido. J’ai bien écouté les uns et les autres et je n’ai pas aimé l’expression selon laquelle les collectivités ayant été livrées à elles-mêmes, elles ont fait des bêtises.
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Bruno Sido. Ce n’est pas parce qu’elles sont livrées à elles-mêmes qu’elles font des bêtises. Ce n’est pas vous qui l’avez dit, monsieur le ministre, j’en conviens. Des erreurs ont pu être commises ici ou là, mais même quand c’est l’État qui agit, il en commet aussi !
Je persiste à dire qu’on ne vit probablement pas dans le même monde. Quand il n’y a rien, même pas de backbone, monsieur Retailleau, que faut-il faire ? Pour le savoir, on se fait aider par l’ARCEP sur le plan intellectuel.
M. Didier Guillaume. Le service public !
M. Bruno Sido. Et il ferait beau voir qu’une autorité indépendante nous mette dans la panade. Ce serait le comble !
Cela étant dit, sur cet amendement rédigé par M. Leroy, je suis dans le même état d’esprit que M. Maurey.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Bruno Sido. Néanmoins, un problème subsiste, monsieur le ministre. Une collectivité comme la mienne qui a déjà enfoui 1 500 kilomètres de fibre optique, qui a amené celle-ci dans chaque village, au pied de chaque monument aux morts – je dis cela car on n’a plus le droit de parler d’église –,…
M. Didier Guillaume. Ils ne s’en servent pas ! (Rires.)
M. Bruno Sido. Monsieur Guillaume, je vous en prie, ce n’est pas drôle. Vous êtes confronté chez vous à des problèmes qui sont peut-être plus importants que les miens. Cette affaire n’est en rien risible !
On a donc amené la fibre optique dans chaque village. On est prêt à aller au FTTH. Nous y travaillons depuis cinq ou six ans avec les meilleurs techniciens, ceux d’Orange qui ne voulait plus de fonctionnaires. Comme je les ai trouvés compétents, je les ai embauchés au conseil général et tout le monde était content.
C’est ainsi que nous avons travaillé. Je ne pense pas que ce soit une bêtise. À présent que ces réseaux ont cinq ou six ans, que les tarifs sont fixés, que va-t-on faire ? M’attaquer ? J’aimerais bien être fixé ! Demain, je me présente devant le conseil général de Haute-Marne, que vais-je dire à mes collègues ? Que, depuis dix ans, je fais des bêtises ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Mais non, ce n’est pas cela !
M. Bruno Sido. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 366 rectifié est retiré.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Merci !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Tout ça pour ça…
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 604 rectifié bis, présenté par MM. J.L. Dupont et Allizard, Mme Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Buffet, Canevet et Chaize, Mme Des Esgaulx, MM. Doligé, Duvernois, B. Fournier, Houel et Huré, Mmes Joissains et Jouanno, MM. Charon, Cigolotti, Kern, Longeot et Médevielle, Mme Morin-Desailly, MM. Laménie, Roche et Tandonnet, Mme Létard et MM. Husson, Marseille, Vanlerenberghe, Guerriau, L. Hervé et Cadic, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Lors du prochain cycle d’analyse des marchés pertinents du haut et du très haut débit après la promulgation de la présente loi, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes procède à un bilan de l’impact des conditions tarifaires d’accès de gros aux infrastructures et aux réseaux de communications électroniques établis ou exploités en application du I de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales et bénéficiant d’aides publiques, en termes de couverture du territoire, de développement de la concurrence et de services offerts.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement a pour objet l’intervention des collectivités territoriales dans le déploiement de réseaux de communications électroniques destinés à prévenir l’apparition d’une fracture numérique entre les territoires. Il s’agit de permettre aux entreprises et aux habitants des zones non couvertes à court et moyen termes par l’initiative privée de bénéficier de services similaires à ceux qui sont proposés dans les zones les plus concurrentielles.
Les effets bénéfiques des actions entreprises par nos collectivités au titre de l’aménagement numérique du territoire sont visibles depuis plusieurs années. Les spécificités des réseaux d’initiative publique, les RIP, doivent ainsi être prises en compte, afin de favoriser leur commercialisation auprès des opérateurs. Il s’agit d’opérations d’aménagement du territoire impliquant la construction d’un grand nombre de prises dans un laps de temps restreint, engendrant de forts coûts de portage et risquant, de ce fait, de se révéler insupportables à brève échéance.
En conséquence, les RIP doivent susciter la venue de fournisseurs d’accès aussi divers que possible, déployant une offre de gros très attractive. Ces réseaux obéissent à la contrainte d’intervenir exclusivement en tant qu’opérateurs d’opérateurs.
Les réseaux privés, eux, suivent d’autres logiques. Ils sont construits par des opérateurs intégrés qui peuvent à la fois intervenir sur les marchés de gros et sur les marchés de détail. Leur but est de transférer leur propre clientèle vers la fibre et de capter la clientèle des opérateurs concurrents.
Dans ce cadre, cet amendement tend à ce que l’ARCEP prenne en compte, dans son analyse des marchés pertinents 4, 5 et 6, le rôle actif des réseaux d’initiative publique dans la dynamique du secteur.
Mme la présidente. L'amendement n° 1645 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 1425–1 du code général des collectivités territoriales est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. – Les collectivités territoriales et leurs groupements permettent l’accès des opérateurs de communications électroniques aux infrastructures et aux réseaux de communications électroniques mentionnés au premier alinéa du I, dans des conditions tarifaires objectives, transparentes, non-discriminatoires et proportionnées et qui garantissent le respect du principe de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques ainsi que le caractère ouvert de ces infrastructures et de ces réseaux. Dans le respect de ces principes, ces conditions tarifaires prennent en compte l’apport d’aides publiques de manière à reproduire les conditions économiques d’accès à des infrastructures et à des réseaux de communications électroniques comparables établis dans d’autres zones du territoire en l’absence de telles aides.
« Après consultation publique, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes adopte des lignes directrices portant sur les conditions tarifaires d’accès aux réseaux ouverts au public à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final. Elles sont mises à jour en tant que de besoin.
« Les collectivités territoriales et leurs groupements mentionnés au premier alinéa du I communiquent à l’autorité, au moins deux mois avant leur entrée en vigueur, les conditions tarifaires d’accès à leurs réseaux ouverts au public à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final. Les conditions tarifaires en vigueur au jour de promulgation de la loi n° … du … pour la croissance, l'activité et l’égalité des chances économiques sont communiquées à l’autorité à sa demande. Lorsqu’elle estime que les conditions tarifaires soulèvent des difficultés au regard du présent VI, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut émettre un avis, qui est rendu public, invitant la collectivité territoriale ou le groupement concerné à les modifier. Elle le communique sans délai au ministre chargé des communications électroniques.
« Les collectivités territoriales, leurs groupements et les opérateurs de communications électroniques transmettent à l’autorité, à sa demande, les informations et les documents nécessaires pour la mise en œuvre du présent article. »
II. – Les lignes directrices mentionnées au deuxième alinéa du VI de l’article L. 1425–1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant du I du présent article, sont rendues publiques dans un délai de quatre mois suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 604 rectifié bis tend à encadrer les conditions tarifaires d’accès aux RIP fixées par les collectivités.
En la matière, la commission spéciale privilégie le dispositif défini dans le présent texte et tel que le Gouvernement suggère de l’amender.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 604 rectifié bis et un avis favorable sur l’amendement n° 1645 rectifié, qui tend à modifier et à compléter la rédaction actuelle de l’article 33 septies C. À nos yeux, ces dispositions vont dans le bon sens, dans la mesure où elles précisent et clarifient celles auxquelles elles s’appliquent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 604 rectifié bis ?
Mme la présidente. Madame Billon, l’amendement n° 604 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 604 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1645 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 33 septies C est ainsi rédigé et les amendements nos 359, 152 rectifié bis, 352, 1408 et 358 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 359, présenté par M. Rome, était ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer le mot :
notamment
L'amendement n° 152 rectifié bis, présenté par MM. Chaize, Morisset, César, Lefèvre, Milon, Commeinhes, Calvet, D. Laurent, Bonhomme et B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli et Mouiller, Mme Micouleau, MM. Pellevat, Vogel, Laménie, Chasseing, Pierre et Allizard, Mme Deromedi et MM. Charon et Gremillet, et l'amendement n° 352, présenté par M. Rome, étaient identiques .
Tous deux étaient ainsi libellés :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces lignes directrices permettent une commercialisation effective du service et la préservation de l'investissement public.
L'amendement n° 1408, présenté par M. Bosino, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes s’assure que les conditions tarifaires d’accès aux infrastructures et aux réseaux de communications mentionnées au premier alinéa :
1° Permettent aux collectivités territoriales de recouvrir l’intégralité des coûts de déploiement de leurs réseaux d’initiative publique ;
2° Soient harmonisées entre les territoires, en mettant en place au besoin un système de péréquation financière effective entre les territoires.
L'amendement n° 358, présenté par M. Rome, était ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Articles additionnels après l’article 33 septies C
Mme la présidente. L'amendement n° 331, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
Après l’article 33 septies C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du E du II de l’article L. 34–9–1 du code des postes et des communications électroniques, les mots : « installation radioélectrique existante ou projetée » sont remplacés par les mots : « implantation ou modification substantielle d’une installation radioélectrique ».
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Cet amendement vise à adapter le périmètre d’intervention de l’instance départementale de concertation au champ d’action des installations radioélectriques visées par la loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.
En effet, ces dispositions ne visent que les nouvelles installations radioélectriques et les modifications substantielles d’installations radioélectriques.
En conséquence, cet amendement tend à préciser que les installations existantes ne faisant l’objet d’aucune modification substantielle sont exclues du périmètre d’activité des instances départementales de concertation. Ainsi, le principe de non-rétroactivité et le droit au maintien des situations légalement acquises seront respectés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à restreindre le champ de la concertation, dans la mesure où il vise à réduire la compétence des instances départementales de concertation aux cas d’implantation de nouvelles installations radioélectriques ou de modifications substantielles d’installations déjà existantes. Une disposition de cette nature ne nous semble pas souhaitable et appelle, de la part de la commission spéciale, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 332, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
Après l’article 33 septies C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le G du II de l’article L. 34–9–1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« G. – Les points atypiques sont identifiés par l’Agence nationale des fréquences parmi les points où le niveau mesuré d’exposition du public aux champs électromagnétiques dépasse substantiellement le niveau généralement observé à l’échelle nationale, qui sont situés dans des lieux où des populations séjournent pour des périodes longues et régulières dans le temps, et où il est techniquement possible, pour un coût économiquement acceptable, de réduire le niveau d’exposition tout en maintenant la couverture et la qualité des services rendus, conformément aux critères déterminés par cette agence. » ;
2° La troisième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« L’agence demande aux bénéficiaires des accords ou avis mentionnés au cinquième alinéa du I de l’article L. 43 impliqués de mettre en œuvre, dans un délai de douze mois, les dispositions techniques permettant de réduire, au point atypique, le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques. »
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Cet amendement vise à confier à l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR, le soin de décider si un point est atypique ou non, et à inscrire dans le présent texte divers critères caractérisant les points atypiques. Nous pourrons ainsi fixer un cadre national à l’identification des points dits « atypiques ».
À cet égard, l’amendement tend à distinguer les sites où il est possible d’identifier des points atypiques de l’ensemble des lieux qui sont accessibles au public et où s’appliquent les seuils réglementaires. Cette distinction est essentielle : ces seuils ont pour but de protéger la santé du public, tandis que l’identification et la résorption des points dits atypiques ne présentent ni fondement scientifique ni objectif sanitaire.
Cet amendement vise à attribuer à l’Agence nationale des fréquences la mission de veiller à la résorption des points atypiques qu’elle aura identifiés, toujours afin de tracer un cadre national pour l’identification des points atypiques. En outre, il tend à fixer un délai plus réaliste pour la mise en œuvre de ces dispositions.
Mme la présidente. L'amendement n° 1501, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 33 septies C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du G du II de l’article L. 34–9–1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Les mots : « où le niveau » sont remplacés par les mots : « destinés à un usage impliquant une présence prolongée du public dans lesquels le niveau » ;
2° Après le mot : « critères », sont insérés les mots : « , y compris techniques, » ;
3° À la fin, les mots : « en fonction des résultats des mesures qui lui sont communiqués » sont supprimés.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement a le même objet que le précédent. Aussi, – je le dis dès à présent à l’intention de M. Sido – je demande le retrait de l’amendement n° 332. À défaut, il appellera de ma part un avis défavorable.
Le présent amendement vise à clarifier les dispositions du G du II de l’article L. 34–9–1 du code des postes et des communications électroniques, relatives aux points atypiques. Concrètement, il s’agit de confier à l’Agence nationale des fréquences la compétence pour fixer l’ensemble des critères d’identification des lieux en question. La rédaction proposée s’inspire notamment de celle qui figure à l’article R. 571–27 du code de l’environnement, relatif au bruit, pour identifier les lieux concernés. Il s’agissait là du bon point de comparaison. Tel est le modus operandi que nous avons suivi.
La définition des points atypiques ne peut relever du seul critère de niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques : les configurations locales sont de diverses natures. L’ANFR, à qui nous souhaitons confier cette tâche, est la mieux à même de les documenter pour définir ensuite les conditions techniques de leur réduction.
En laissant une plus grande marge de manœuvre à l’ANFR, nous cherchons, in fine, à améliorer l’efficacité du dispositif introduit via la loi du 9 février 2015 : évitons d’adopter une règle floue, qui pourrait conduire à diverses situations contentieuses.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 332 tend à préciser de manière restrictive la définition légale des points atypiques. En effet, il vise à limiter ces derniers aux lieux où des populations séjournent pour des périodes longues et régulières. De plus, il tend à multiplier par deux le délai durant lequel doivent être prises les mesures limitant ces points ou y réduisant l’exposition.
Cette perspective d’assouplissement de la loi Abeille n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les différents acteurs compétents. De plus, elle ne nous semble pas répondre aux intérêts des populations exposées. Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1501, mais pour une raison purement formelle : nous ne voyons pas très bien en quoi la définition des points atypiques et des compétences de l’ANFR concourt au renforcement de la croissance, de l’activité et de l’égalité des chances économiques. Toutefois, monsieur le ministre, je suis prête à émettre, au sujet de cet amendement, un avis de sagesse. (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Sido, l’amendement n° 332 est-il maintenu ?
M. Bruno Sido. Une fois n’est pas coutume, je vais retirer mon amendement : l’amendement n° 1501, présenté par M. le ministre, est bien mieux écrit et beaucoup mieux conçu.
Toutefois, madame le corapporteur, il faut garder à l’esprit que les points atypiques constituent un sujet très important.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je n’en doute pas !
M. Bruno Sido. Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 332 est retiré.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l’amendement n° 1501.
M. Daniel Raoul. Le présent article, qui concerne la loi Abeille, me rappelle des débats qui se sont précisément déroulés dans cet hémicycle.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons, un mois durant, cherché une définition rigoureuse des points atypiques.
À titre personnel, la proposition formulée par le Gouvernement me convient.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Dans ce cas, tout le monde est content…
M. Daniel Raoul. Je constate qu’elle ne diffère guère de la solution présentée par Bruno Sido via l’amendement n° 332, à l’exception d’une différence essentielle : le délai de mise en conformité des espaces considérés. M. Sido propose douze mois, le Gouvernement, six.
En revanche, monsieur le ministre, l’adjectif « prolongée » me laisse un peu sur ma faim…
Je conçois très bien qu’il faille éviter de classer au rang des points atypiques les champs auxquels pourraient s’exposer des agents de maintenance, ou plus généralement les professionnels intervenant, pour telle ou telle raison, sur les cheminées, les terrasses, etc. Toujours est-il que le terme « prolongée » ne me satisfait pas tout à fait intellectuellement.
Je le répète, avec les représentants de l’ANFR et du ministère, nous avons passé plus d’un mois à définir précisément ce qu’est un point atypique. Or plusieurs méthodes techniques peuvent être employées pour cerner un tel point : il peut s’agir d’une réflexion avec une concordance de phases conduisant à l’addition des champs, ce qui, dans la pratique, est assez rare… On aboutit à des phénomènes que l’on peine à s’expliquer.
Indépendamment de la présence humaine autour des antennes, que permet de prévenir le terme « prolongée », il faut, à mon sens, mettre les opérateurs en demeure de traiter tous les autres points atypiques. En ce sens, la rédaction proposée par le Gouvernement est, pour l’heure, préférable à celle que suggère M. Sido.
M. Jean Desessard. De toute manière, M. Sido a retiré son amendement…
M. Daniel Raoul. Il faut bel et bien tenir compte des considérations techniques : si des problèmes de cette nature se font jour, notamment en termes de délais, l’ANFR saura les résoudre, le cas échéant en repoussant une installation de six mois. Ces cas de figure ne posent pas problème. Admettons raisonnablement que ces deux propositions ne diffèrent pas sur le fond ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. On l’a compris, l’amendement du Gouvernement tend à fournir une définition des points atypiques, c’est-à-dire, comment dirai-je (Rires et exclamations.),…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Des points qui ne sont pas typiques !
M. Jean Desessard. … des points où l’on observe – comment dit-on ? – une surexposition.
Mme Nicole Bricq. Bref…
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, les alinéas 2° et 3° de votre amendement ne nous posent pas de problème. En revanche (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.), à l’alinéa 1°, les mots « présence prolongée » nous inspirent quelques interrogations. Que signifie cette expression ?
Le mot « présence » est sans ambiguïté. On comprend par ailleurs ce qu’est une « présence brève ». Mais l’expression « présence prolongée » risque d’être interprétée comme l’équivalent d’« un certain temps », ce qui créerait un flou juridique.
Mme Annie David. « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. M. le ministre devrait donc nous expliquer ce qu’il entend par « prolongé ». Nous nous accorderons sans doute à dire que nous siégeons ici de façon « prolongée » pour débattre de la loi Macron ! (Rires. – Mmes Annick Billon et Anne-Catherine Loisier ainsi que M. Bruno Retailleau applaudissent.) C’est un constat commun partagé.
Existe-t-il un constat du même ordre sur l’expression « présence prolongée » en matière d’exposition aux ondes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Une absence suffisante de public dans ces points ne conduit pas à les classer comme points atypiques. C’est l’élément de clarification que je souhaitais apporter et c’est également la réponse à la question de M. le sénateur.
M. Jean Desessard. Il y a une forte exposition, mais comme il n’y a personne, ce n’est pas grave. (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Exactement ! (Nouveaux sourires.)
Nous avons précisé, en outre, les critères techniques – vous semblez dire que cela vous convient – et j’ai expliqué pourquoi la mission d’en assurer le suivi sera attribuée à l’Agence nationale des fréquences.
Il existe des zones d’exposition atypiques, mais si elles ne sont pas particulièrement fréquentées, il ne nous semble pas utile de les surencadrer.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 septies C.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit, et je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu’à zéro heure trente afin que nous allions plus avant dans l’examen de ce texte.
M. Didier Guillaume. Une présence prolongée ! (Sourires.)
M. Michel Raison. Oui !
Mme la présidente. Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
L'amendement n° 807 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet, Cambon, Cardoux, Chaize, Commeinhes, Cornu et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Duvernois, Fouché, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Houel, Mme Imbert, M. Joyandet, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et A. Marc, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat, Perrin et Pierre, Mmes Primas et Procaccia et MM. Raison, Reichardt, Savary, Sido, Vaspart, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin, Vogel et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 33 septies C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article L. 42–2 du code des postes et communications électroniques est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, les mots : « Commission du dividende numérique » sont remplacés par les mots : « Commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Il en va de même s’agissant de la réaffectation de fréquences utilisées pour la diffusion de la télévision numérique terrestre. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, nous vous proposons, à travers cet amendement, de suivre, concernant la fameuse bande de fréquences des 700 mégahertz, le chemin que nous avions emprunté pour le dividende numérique afférent à d’autres « fréquences en or », celles de la bande des 800 mégahertz.
Le Gouvernement a décidé de vendre l’usage des fréquences de la bande des 700 mégahertz, actuellement utilisées par l’audiovisuel. Cette décision, prise dans la précipitation à l’occasion de la loi de finances, avait pour objectif d’alimenter le trou du budget de la défense. Peu importe !
Compte tenu de l’explosion du trafic, nous concevons tous ici l’intérêt de voir réaffectés aux communications électroniques ces 30 % du spectre actuellement utilisés par l’audiovisuel. Il convient pourtant de ne pas le faire de n’importe quelle façon.
Par cet amendement, nous proposons de fixer un objectif à cette opération : l’aménagement du territoire par la réduction de la fracture numérique. Nous avions fait de même avec la bande de fréquences des 800 mégahertz.
La mise aux enchères de ces fréquences a montré que l’on pouvait parfaitement atteindre en même temps les objectifs de valorisation du patrimoine de l’État, de respect de la concurrence et d’aménagement du territoire.
En la matière, l’aménagement du territoire, c’est-à-dire de réduction de la facture (Sourires.), pardon, de la fracture numérique – de la facture aussi, d’ailleurs ! (Nouveaux sourires.) – me paraît essentiel, pour deux raisons.
Premièrement, le spectre est la propriété de tous les Français. Il faut des objectifs de politique publique : c’en est un. Deuxièmement, il faudra encore longtemps pour que les zones où habitat est très dispersé bénéficient du véritable très haut débit, c’est-à-dire de la fibre. Il y aura une forme de convergence entre la fibre, le fixe et le mobile, avec la 4G et, demain, la 5G.
Il est fondamental que le Gouvernement accepte ce que le Sénat avait déjà fait pour la bande des 800 mégahertz : fixer parmi les critères des enchères l’objectif d’aménagement numérique du territoire, afin de sélectionner les opérateurs qui tiendront le plus compte de cet objectif. C’est assez simple et c’est carré, et on attend du Gouvernement un vrai signal sur ce sujet.
M. Hervé Maurey. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement nous paraît parfaitement en phase avec la philosophie de notre Haute Assemblée, qui a toujours cherché à garantir un développement équilibré et harmonieux de nos territoires, en particulier en matière numérique.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends pleinement vos objectifs, je souhaite toutefois apporter deux précisions.
Tout d’abord, vous avez fait référence à la bande de fréquences des 800 mégahertz. Il est vrai que la commission du dividende numérique avait, à l’époque, émis un avis préalable sur les conditions d’utilisation de la bande, en tenant compte des impératifs d’aménagement numérique du territoire.
Vous proposez aujourd’hui de remplacer l’avis de la commission du dividende numérique par celui de la commission instituée pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle, dont les compétences sont beaucoup plus restreintes. C’est le premier distinguo que j’apporterai et qui me conduit à émettre une réserve sur ce point.
Le second distinguo est purement calendaire : votre proposition ajoute au programme une procédure formelle de consultation.
Nous en débattrons à l’article 50. Nous savons bien que, pour mettre à profit la cession de la bande de fréquences des 700 mégahertz, nous devons, certes, prendre le temps nécessaire pour en maximiser la valeur patrimoniale, mais il faut le faire suffisamment vite pour que ces recettes exceptionnelles abondent la loi de programmation militaire.
Votre amendement va ralentir le calendrier ; nous devrons en être conscients lors de nos débats sur ce point. Cela suscite ma seconde réserve.
Le Gouvernement partage néanmoins l’objectif que vous visez, et ce critère fera partie de ceux qu’il observera quand l’opération sera menée.
Je m’engage ici à rendre compte du respect de cet engagement dans le cadre d’un débat parlementaire, avant que le Gouvernement formalise, en mai, les objectifs de politique publique, notamment d’aménagement du territoire, que l’ARCEP devra ensuite respecter. Il me semble que l’on peut ainsi prendre en compte cet objectif, en évitant le formalisme que votre proposition emporte et sans perdre de temps.
Au bénéfice de cet engagement, je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut – je serais hypocrite si j’émettais un avis défavorable, puisque nous partageons toutes et tous l’objectif d’aller vite –, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je souhaite répondre à vos deux objections. Je me souviens d’un excellent rapport sur l’économie de l’immatériel, signé par quelqu’un que vous avez sans doute côtoyé, qui était le patron de l’Inspection générale des finances et qui est désormais secrétaire général de l’Élysée : M. Jean-Pierre Jouyet. Il était d’ailleurs assisté de certains de vos brillants camarades de promotion.
M. Didier Guillaume. Pléonasme !
M. Bruno Retailleau. Le spectre hertzien, c’est le bien commun des Français. Aussi, il me semble parfaitement naturel qu’une commission parlementaire où siègent des députés et des sénateurs ait son mot à dire.
J’étais président de la commission du dividende numérique – certains de nos collègues s’en souviennent. Heureusement que le Sénat avait alors gravé dans le marbre de la loi – sous un autre gouvernement, issu de ma famille politique – l’objectif d’aménagement du territoire. Malgré cela, en effet, la grande maison de Bercy, que vous connaissez bien, a failli le piétiner.
À l’époque, le Gouvernement était allé jusqu’à demander un avis au Conseil d’État, qui a évidemment tranché dans le sens de l’objectif législatif.
M. Alain Richard. C’est plus sûr !
M. Bruno Retailleau. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous préférions dès lors tenir plutôt que courir.
Ce bien immatériel qu’est le spectre hertzien, il appartient aussi à la représentation nationale, c’est-à-dire à la souveraineté populaire, de s’en soucier et de le mettre au profit de politiques publiques que nous pensons être celles qui doivent servir l’intérêt général. La réduction de la fracture numérique n’est ni de droite ni de gauche, elle nous concerne tous !
Par conséquent, je souhaite, d’abord, que la commission parlementaire comprenant des députés et des sénateurs de droite et de gauche puisse suivre ces travaux, et, ensuite, que cet objectif soit inscrit dans le marbre de la loi. C’est fondamental.
Quant à la précipitation que vous évoquez, j’aurais pu rappeler que l’arrêté du Premier ministre de réaménagement des fréquences de début janvier souffrait d’un vice de forme et qu’il a fallu attendre le 8 avril, à notre demande, avec Catherine Morin-Desailly, pour que le Gouvernement réunisse la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle afin de prendre un nouvel arrêté. Si vous voulez aller vite, il faut d’abord suivre les prescriptions législatives. Voilà le conseil que je vous donne !
Le Sénat s’honorerait à graver dans la loi un objectif qui servira tous nos territoires, quels qu’ils soient.
M. Hervé Maurey. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Concernant ces fameuses fréquences – je m’exprime devant les ex-membres de la commission des affaires économiques, commission à laquelle je n’appartiens plus –, nous avions, je crois, bien travaillé, y compris avec Bruno Retailleau (M. Bruno Retailleau opine.). Je le dis calmement et sans complexe : ceux qui se sont engagés dans la commission du dividende numérique ont fait un bon travail.
Je vais répéter, avec pédagogie, que cette bande de fréquences est très intéressante à double titre, car son périmètre de diffusion est plus large que ce que proposent les émetteurs dans les autres fréquences.
Cela emporte un double effet. Il devient possible, d’abord, de résoudre, très rapidement si on le souhaite, le problème des zones blanches et, ensuite, d’apporter le haut débit, dans l’attente de la fibre, que l’on attendra peut-être pendant un certain temps dans certains points du territoire à l’écart.
Je parle évidemment d’amener la 4G en priorité dans les zones blanches. Cela est faisable et à moindre coût. En tous les cas, les zones rurales profondes pourront ainsi accéder à un haut débit, largement supérieur aux débits qu’évoquait tout à l'heure Bruno Sido et à un coût qui n’est en rien comparable à ceux du satellite. Si le satellite peut, en voie descendante, offrir un certain débit, en voie montante, excusez-moi, on y passe la soirée.
Monsieur le ministre, je l’ai déjà dit à votre collègue Mme Lemaire, la priorité, c’est l’installation, dans les zones blanches, d’émetteurs de 4G, car ils apportent en même temps le mobile et le haut débit. (Applaudissements sur plusieurs travées.)
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 807 rectifié, étant rappelé que la commission a émis un avis favorable et que le Gouvernement s’en est remis à la sagesse du Sénat.
M. Bruno Retailleau. Une sagesse négative, toutefois !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ah non ! Monsieur le président Retailleau, vous ne pouvez pas colorer ainsi les avis de sagesse du Gouvernement ! (Sourires.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 septies C.
L'amendement n° 333, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
Après l’article 33 septies C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 5232–1–1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « de l’usage » sont remplacés par le mot : « directe » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement doit également figurer sur cette publicité. » ;
2° L’article L. 5232–1–2 est abrogé.
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Au terme de la discussion parlementaire sur la loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques et de son adoption, il est apparu que les articles L. 5232–1–1 et L. 5232–1–2 du code de la santé publique pouvaient donner lieu à de notables différences d’interprétation.
Cet amendement vise donc, à travers un seul et même article, à rendre l’interprétation plus simple tout en conservant l’esprit de ces dispositions, à savoir, lors de la promotion directe d’un téléphone mobile au travers d’une publicité, la mention de l’usage recommandé d’un kit oreillette et la représentation de cet accessoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement se donne pour objet de clarifier les dispositions encadrant la promotion d’un téléphone mobile. Elles sont contenues dans deux articles successifs du code de la santé publique, les articles L. 5232–1–1 et L. 5232–1–2, dont le sens respectif n’est pas tout à fait clair.
Cependant, le sens de l’amendement n’est, lui non plus, pas tout à fait clair. Pour être francs, nous avons du mal à voir ce qu’il changerait sur le fond par rapport à la rédaction actuelle. Aussi, nous souhaiterions connaître l’analyse qu’en fait le Gouvernement et donc solliciter son avis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement est de nature à améliorer la rédaction de ces deux articles du code de la santé publique qui encadrent certaines publicités en faveur des téléphones mobiles. Selon nous, il ne porte pas à conséquence.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. Charles Revet. Vous avez raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Tout ce qui contribue à la promotion du kit oreillette, pour parler clair,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sauf en voiture !
M. Daniel Raoul. Madame Lienemann, vous savez que l’usage du kit oreillette en voiture est interdit, donc le problème ne devrait pas se poser !
… et qui permet de diviser par un facteur entre 10 et 100 le niveau d’exposition du cerveau aux émissions doit être privilégié.
Je comprends très bien la phrase que l’amendement vise à ajouter au premier alinéa de l’article L. 5232–1–1, mais pas le reste. Je serais donc également d’avis de m’en remettre à la sagesse de notre assemblée, car en l’occurrence il y a des choses qui m’échappent !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Vous savez où se cache le diable…
Plusieurs sénateurs. Dans les détails !
M. Jean Desessard. Je n’ai pas dit que vous étiez caché, monsieur Sido ! (Sourires.)
Je comprends bien l’idée de l’oreillette. Vous dites qu’il faut en faire la promotion, est-ce bien cela ?
M. Bruno Sido. Oui !
M. Jean Desessard. C'est plutôt une bonne idée. Mais il ne faut pas présenter un téléphone mobile derrière l’oreillette, car cela revient à faire la promotion du téléphone mobile auprès des jeunes, alors que cela n’est pas permis. Il faut toujours bien réfléchir à ce que l’on fait ! (M. Jackie Pierre sourit.)
L’amendement prévoit également l’abrogation de l’article L. 5232–1–2. Qu’est-ce qui est abrogé exactement, monsieur Sido ?
M. Bruno Sido. L’article !
M. Jean Desessard. Certes ! Je vous remercie, j’avais compris ! Mais, en l’occurrence, que dit cet article ?
M. Bruno Sido. De mémoire, je ne peux vous le dire !
M. Jean Desessard. C'est vous qui présentez cet amendement ! Je voterai contre, car je ne peux pas adopter à l’aveugle la suppression d’un article dont je ne sais à quoi il correspond. Certes, j’aurais pu faire une recherche. Mais il serait tout de même simple que l’auteur de l’amendement puisse nous l’expliquer !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 septies C.
M. Jean Desessard. On ne sait même pas ce que c’est !
Mme la présidente. L'amendement n° 996 rectifié ter, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Leleux et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 33 septies C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 21 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des fréquences ou bandes de fréquences radioélectriques préalablement utilisées pour la diffusion audiovisuelle sont affectées à d’autres usages, un plan d’accompagnement est soumis au plus tard six mois avant leur transfert effectif pour avis à la commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle qui dispose d’un mois pour se prononcer. Ce plan d’accompagnement présente les dispositions prévues afin d’informer le public et d’assurer la qualité de la réception des programmes audiovisuels par tous les usagers concernés ainsi que les aides envisagées pour permettre l’acquisition des équipements rendus nécessaires par l’évolution des normes. Ce plan évalue les risques pour la qualité de la diffusion audiovisuelle occasionnés par les nouveaux usages des fréquences concernées. Il comprend, également, une estimation des coûts financiers éventuellement induits par ce transfert pour les collectivités territoriales et les entreprises de l’audiovisuel. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je tiens à souligner à quel point le projet de transfert de la bande de fréquences des 700 mégahertz des opérateurs de chaînes de la TNT aux opérateurs de télécommunications a pour le moins souffert d’imprécisions ces derniers mois.
Monsieur le ministre, je veux aussi rappeler, comme l’a fait Bruno Retailleau il y a quelques instants, que nous avons dû, avec mon collègue de la commission des affaires économiques – deux commissions sont concernées par ce sujet au Sénat –, écrire au Premier ministre à deux reprises, en janvier et en février dernier, d’une part, pour que soit réunie la commission compétente sur le sujet – elle l’a été seulement très récemment, le 8 avril – et, d’autre part, pour que nous ayons un certain nombre d’informations sur les modalités de ce transfert.
Lors des auditions que nous avons conduites, les représentants de l’ARCEP et du CSA ont évoqué les nombreuses difficultés à venir : cet amendement vise à les anticiper et à prévoir des solutions. Voilà pourquoi il prévoit que le Gouvernement soumettra pour avis son plan d’accompagnement à la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle au plus tard six mois avant la date de transfert effectif des fréquences concernées.
Vous le savez, on craint que les foyers ne souffrent d’un écran noir à l’occasion de ce basculement.
Selon le CSA, le plan d’accompagnement devra, en particulier, préciser les mesures d’information à destination du public concernant l’arrêt du MPEG-2, ainsi que les dispositions envisagées à destination des 8 % des foyers qui devront s’équiper de récepteurs compatibles avec la norme MPEG-4.
L’amendement prévoit également que le plan devra évaluer les risques en matière de brouillage de la réception de la TNT, occasionnés par les nouveaux utilisateurs de la bande de fréquences des 700 mégahertz. Les coûts de diffusion de la TNT étant pris en charge à la fois par les chaînes et par les collectivités territoriales, le plan devra, par ailleurs, comprendre une estimation du coût induit pour ces différents acteurs à la suite du transfert de fréquences.
Enfin, l’amendement prévoyant que ce plan doit être soumis pour avis au moins six mois avant la date de transfert effectif et ce premier transfert étant susceptible d’intervenir dès avril 2016 dans certaines zones, cela signifie que le plan devra être présenté au plus tard à la fin du mois de septembre 2015 devant la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale comprend tout à fait les préoccupations de Mme Morin-Desailly. Elle estime que cet amendement va dans le bon sens et qu’il permet de forcer un peu le Gouvernement à prendre ses responsabilités et à recueillir l’avis du Parlement sur le sujet.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement me permet de revenir sur un point évoqué précédemment par le président Retailleau, pour apporter une correction.
Le Gouvernement a eu tort de prendre un arrêté en janvier dernier sans attendre que la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle se réunisse. Néanmoins, vous faites erreur lorsque vous dites qu’il n’avait pas saisi cette commission : il l’avait saisie le 3 décembre 2014, mais elle ne s’était, en effet, pas réunie.
Si nous voulons tenir les délais, nous devons collectivement nous engager à mettre en place des procédures qui permettent de répondre avec suffisamment de rapidité. En tout cas, mes services m’ont dit, mais cela pourra vous être confirmé, que le Gouvernement avait bien saisi cette commission sur le projet de réattribution de la bande de fréquences des 700 mégahertz. Je souhaitais rectifier ce point.
Le projet prévoit un plan d’accompagnement, auquel vous avez fait référence, géré par l’Agence nationale des fréquences. Ce plan sera mis en place pour accompagner l’arrêt de la diffusion en MPEG-2, afin qu’aucun foyer ne souffre de l’écran noir que vous avez évoqué, madame Morin-Desailly. C'est un point important de la transition auquel nous devons faire face.
La commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle s’est donc réunie pour la première fois sur ce projet le 8 avril dernier. Voilà les éléments de calendrier que je voulais rappeler.
Un texte de loi qui comportera l’ensemble des dispositions nécessaires à la préparation de cette migration sur la TNT sera également soumis au Parlement d’ici à l’été. Il s’agira d’une proposition de loi, qui contiendra en particulier les dispositions législatives permettant l’accompagnement des téléspectateurs. Elle prévoira aussi les modalités de prise en charge des frais des éditeurs audiovisuels ou des collectivités territoriales – vous avez eu tout à fait raison d’apporter cette précision – qui sont liés au réaménagement de fréquences sur leurs émetteurs.
Ce texte – c’est, d’ailleurs, ce que prévoit la procédure et ce à quoi nous nous étions engagés, je veux ici le rappeler – sera bien présenté au Parlement plus de six mois avant le transfert effectif des fréquences, lequel se déroulera progressivement à partir du mois d’avril 2016.
Ainsi, l’ensemble des préoccupations qui me paraissent inspirer votre amendement se trouvent satisfaites par le dispositif proposé par le Gouvernement et que je viens de vous exposer. Je vous demande donc, madame Morin-Desailly, de bien vouloir retirer votre amendement. En effet, le plan d’accompagnement n’a pas besoin d’être soumis six mois avant le transfert effectif des fréquences, puisque c’est précisément le texte de loi que je viens d’évoquer qui portera l’ensemble du dispositif et qui sera soumis au Parlement.
M. Yannick Vaugrenard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Vous nous annoncez, monsieur le ministre, un texte de loi. Quand on connaît l’agenda parlementaire des prochains mois, je souhaite beaucoup de courage au ministre chargé des relations avec le Parlement…
M. Bruno Retailleau. Je le sais !
… pour trouver un espace, car je vous assure que cela sera compliqué !
Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission des affaires culturelles, a eu raison de revenir sur ce point. Je ferai le parallélisme avec la bande de fréquences des 800 mégahertz. Nous avons travaillé pendant plusieurs années pour passer de la télévision digitale à la télévision analogique. Le problème viendra des 8 % de foyers français qui devront se rééquiper, c'est-à-dire acheter un décodeur ou changer de poste de télévision, alors même qu’ils n’auront pas la même carotte, la même incitation que lors de la bascule entre l’analogique et le digital.
En effet, à l’époque, on passait de six à dix-huit chaînes. L’incitation était claire : en contrepartie d’un rééquipement, par un adaptateur ou une nouvelle télévision, le téléspectateur français bénéficiait de trois fois plus de chaînes. Ce ne sera pas le cas en l’espèce.
Encore une fois, la précipitation qui n’a d’autre objet qu’un objectif budgétaire – faire en sorte que les 31,4 milliards d’euros prévus par la loi de programmation militaire puissent être garantis dans le budget de la défense – est préjudiciable.
Elle est préjudiciable pour les opérateurs de télécommunications, qui n’ont pas besoin de ces fréquences avant sans doute quatre ou cinq ans, au moment où on leur demande d’investir dans la fibre ; pour les diffuseurs de services de diffusion audiovisuelle, qui devront être indemnisés par l’État pour compenser le passage de huit à six multiplexes ; pour les téléspectateurs, qui devront être accompagnés, car la transition ne pourra se faire en quelques mois et le risque d’écrans noirs est réel.
Par ailleurs, se pose la question des fréquences internationales : l’Angleterre a prévu de faire ce passage en 2020, ce qui entraînera un risque de brouillage. Pour les régions frontalières, les téléspectateurs seront en trois ans soumis à trois plans de fréquences différents ! Ils devront re-scanner leurs appareils à trois reprises. Vous vous rendez compte de l’inconfort ! C’est un sujet politique majeur.
La précipitation est, me semble-t-il, mauvaise conseillère. De toute façon, il est absolument évident qu’il faut un texte législatif et un plan d’accompagnement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. J’ai bien entendu les explications de M. le ministre qui cherchait, bien sûr, à nous rassurer. Hier, nous avons reçu un courrier de réponse du Premier ministre Manuel Valls à nos courriers de janvier et de février dernier. Il rappelle que nous sera présenté cette année un texte législatif.
Je formule la même inquiétude que Bruno Retailleau sur l’encombrement du calendrier parlementaire. Le plan d’accompagnement dépend d’une proposition de loi, et non d’un projet de loi, ce qui n’en fait pas une priorité du Gouvernement pour la discussion parlementaire.
Je veux aussi attirer l’attention sur la pertinence des éléments de calendrier s’agissant du plan d’accompagnement, car le CSA a été extrêmement clair sur le sujet. Pour l’avoir vécu il y a quelques années, nous savons combien le travail préparatoire est extrêmement précis et long, et qu’il ne va pas de soi.
Par conséquent, notre inquiétude se trouve là. Nous sommes, je le pense, des élus responsables, et c’est parce qu’il impacte tellement nos concitoyens que nous tenions à attirer votre attention sur ce sujet, monsieur le ministre, comme l’a fait Bruno Retailleau.
Il est donc vrai que nous souhaiterions que ce plan d’accompagnement soit obligatoirement présenté par le Gouvernement à la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, qui réfléchit très sérieusement à tous ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaiterais tout d’abord dire que je rejoins le président Retailleau sur ce qu’il a détaillé. C’est d’ailleurs ce que les travaux menés depuis 2013, aussi bien par le Gouvernement que par les régulateurs, ont permis d’éclairer.
C’est précisément parce que nous ne découvrons pas toutes ces difficultés que nous les avons anticipées. (M. Bruno Retailleau s’esclaffe.) Aussi, elles ont été travaillées (M. Bruno Retailleau lève les bras au ciel.), et vous le savez bien. Donc, ce n’est pas une génération spontanée de textes législatifs qui nous conduira à soumettre en juin à l’Assemblée nationale – puisque c’était la précision que je voulais apporter ici – un texte sur ces sujets.
Je ne suis pas en train de dire que tout est parfait dans le meilleur des mondes. Nous connaissons les difficultés. Mais c’est précisément parce que tout cela a fait l’objet d’un travail que ces difficultés sont identifiées et que nous ne venons pas de les découvrir.
Objectivement, nous sommes en train de parler de la même chose. Je partage votre préoccupation. Je vais même m’y engager personnellement, comme je me suis engagé tout à l’heure à porter le sujet des télécoms parce que je vois bien à quel point il est crucial pour les territoires et parce que je partage, là aussi, vos préoccupations.
Mais, entre savoir si c’est un plan national qui sera soumis à la commission et donc qui fera l’objet d’un débat parlementaire ou si cela sera porté par un texte de loi, qui fera l’objet d’un vote, j’ai envie de vous dire :…
M. Bruno Retailleau. Peut-être une PPL !
M. Emmanuel Macron, ministre. … peu importe ! La forme n’est pas arbitrée. Le texte sera soit une proposition de loi, soit un projet de loi. Il sera déposé en juin sur le bureau de l’Assemblée nationale ; Jean-Marie le Guen vient de me le confirmer.
M. Bruno Retailleau. C’est compliqué de s’engager pour une proposition de loi !
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous connaissons l’un et l’autre la chorégraphie de la vie parlementaire, monsieur le président. Il est des propositions de loi qui sont en sympathie intellectuelle avec des projets de loi. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
On ne va pas se mentir. Que ce soit un projet de loi ou une proposition de loi qui serait, initialement, portée par le groupe socialiste, républicain et citoyen à l’Assemblée nationale, il en irait de même. Si vous êtes rassurés par un projet de loi, dans le cadre de cette discussion, je peux vous dire que le texte proposé sera un projet de loi. Nous le préparons.
Donc, entre un texte de loi, qui fera l’objet d’une discussion et d’un vote et ce que vous proposez à travers votre amendement, c’est-à-dire un plan soumis à ladite commission, j’ai envie de vous dire : s’il s’agit véritablement d’une préoccupation, je la partage avec vous.
Je vous invite à retirer cet amendement en contrepartie d’un engagement du Gouvernement d’inscrire ce texte à l’agenda parlementaire dans les meilleurs délais. J’accompagne cet engagement de la garantie qu’il sera examiné dès le mois de juin à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Madame Morin-Desailly, l’amendement n° 996 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Pour vous être agréable, monsieur le ministre,…
M. Hervé Maurey. On est vraiment gentil ce soir !
Mme Catherine Morin-Desailly. … compte tenu de la force de conviction dont vous avez fait preuve et de l’engagement que vous avez pris d’inscrire très rapidement un projet de loi ou une proposition de loi à l’ordre du jour du Parlement, je retire mon amendement.
Mais vous nous retrouverez, monsieur le ministre, car vous avez bien compris à quel point nous étions motivés sur ce dossier qui a fait l’objet d’un débat un peu prolongé ce soir (M. le ministre s’exclame.), et nos collègues nous le pardonneront. Nous espérons que cet engagement sera tenu, et ce dans les plus brefs délais, car ce dossier nous préoccupe.
Mme la présidente. L’amendement n° 996 rectifié ter est retiré.
Mes chers collègues, nous avons examiné 99 amendements au cours de la journée ; il en reste 883.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
15
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 16 avril 2015 :
À neuf heures trente :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 16 avril 2015, à zéro heure trente-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART