Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1056 vise à ajouter à la longue liste des pratiques commerciales trompeuses l’utilisation erronée d’allégations nutritionnelles.
Or la présentation d’un produit dans un contexte totalement différent de celui de son utilisation réelle est déjà susceptible de tomber sous le coup de l’incrimination de pratiques commerciales trompeuses.
Par ailleurs, les allégations nutritionnelles font déjà l’objet d’un encadrement communautaire contraignant prévu par un règlement européen de 2011.
Il ne me paraît donc ni nécessaire ni pertinent d’ajouter un échelon supplémentaire pour des produits sur lesquels la communication est, me semble-t-il, déjà très encadrée.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 1550. Je ne peux que regretter une fois encore le refus du Gouvernement de tout dialogue avec la Haute Assemblée dans le cadre de l’examen de ce projet de loi ! (Mouvements divers.)
Je reste en outre opposée à la saisine de l’Autorité de la concurrence pour émettre un avis sur les documents d’urbanisme en cours d’élaboration, pour des raisons de principe, en l’occurrence le respect de la liberté d’administration des collectivités territoriales, qui a tout son sens ici, et pour des raisons techniques.
Ainsi, la notion d’« urbanisme commercial » ne fait pas l’objet d’une définition dans le code de l’urbanisme. Les circonstances de la saisine et le document sur lequel porte la saisine ne sont pas clairement identifiés dans le texte proposé.
L’avis de la commission est donc défavorable. Cet amendement ne vise qu’à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, ce qui est un signe méfiance à l’égard des collectivités territoriales. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1056 ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le dispositif législatif et réglementaire en vigueur permet déjà d’appréhender les pratiques visées par le présent amendement.
L’objectif des auteurs de l’amendement correspond à ce que le Gouvernement cherche à mettre en œuvre. Mais le droit existant, c'est-à-dire l’article L. 121-1 2° b) du code de la consommation, ainsi que les directives en vigueur, permettent déjà de parvenir à ce résultat. Je souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, sinon, j’y serai défavorable.
Je reviens sur l’amendement que j’ai défendu. Mesdames, messieurs les sénateurs, le contrôle de légalité ne me semble pas attentatoire à la libre administration des collectivités territoriales. Sinon, nous devrions aller au bout du raisonnement et le supprimer ! (M. Jean Desessard acquiesce.) En l’occurrence, il s’agit simplement d’éclairer le préfet dans l’exercice de son contrôle de légalité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le ministre, la directive européenne que vous avez évoquée a-t-elle été traduite dans notre droit ? Sous quelle forme ? Je ne suis pas aussi certaine que vous de la clarté du droit en vigueur, d’où le dépôt de cet amendement. Je suis un peu comme Saint-Thomas ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. C’est la deuxième fois que vous le citez ! (Nouveaux sourires.)
Mme Évelyne Didier. En effet ! J’ai de bonnes références ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, à mon sens, l’article L. 121-1 2° b) du code de la consommation, qui vise précisément et sanctionne les pratiques commerciales trompeuses reposant sur des allégations, indications et présentations portant sur les caractéristiques essentielles du produit, et notamment ses qualités substantielles ou ses propriétés, vient bien transposer les dispositions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, et plus particulièrement celles qui concernent l’interdiction des pratiques commerciales trompeuses.
Sauf erreur de ma part, la directive trouve son application dans l’article du code de la consommation que je viens de mentionner. En outre, le règlement n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé prévoit que seules sont autorisées les allégations nutritionnelles énumérées dans l’annexe du règlement. Ce règlement est automatiquement entré en vigueur.
Cet apparatus juridique est de nature à contenter tout le monde, y compris Saint-Thomas ! (Sourires.)
Mme la présidente. Madame Didier, compte tenu des explications qui viennent d’être apportées, acceptez-vous de retirer l’amendement n° 1056 ?
Mme Évelyne Didier. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1056 est retiré.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l'amendement n° 1550.
M. Dominique de Legge. Je ne comprends pas très bien l’objectif du Gouvernement.
Aux termes de l’amendement n° 1550, l’Autorité de la concurrence « peut être consultée ». Mais, en droit positif, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé ! Quel est donc le sens d’un tel amendement ? Est-ce que cela relève, comme je le crains, d’une pure volonté d’affichage ? J’ai bien peur que cela ne masque alors une volonté de recentralisation en matière d’urbanisme.
Une telle disposition n’a aucune portée juridique. La vraie mesure de simplification serait de confirmer la suppression de l’article 10.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, aujourd'hui, le ministre de l’économie peut tout à fait saisir l’Autorité de la concurrence ; l’article 10 ne change rien à cet égard.
En revanche, le préfet ne le peut pas. Nous souhaitons lui en donner la possibilité, mais sans rendre la saisine automatique, d’où la rédaction que nous avons retenue.
Je ne partage donc pas votre interprétation. L’article 10 ouvre un droit qui n’existe pas actuellement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je rebondis sur l’intervention très pertinente de Dominique de Legge.
Sauf erreur de ma part, le Gouvernement propose que l’avis soit publié dans le cadre de l’enquête publique ou avant celle-ci. Il s’agit donc non pas d’une « faculté », mais bien d’une obligation. Raison de plus pour en rester à la position exprimée par Mme la corapporteur ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Je ne comprends pas bien les états d’âme que cet article suscite.
Réaffirmer la nécessité d’un contrôle de légalité en matière d’urbanisme, ce n’est pas remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales ! Ce contrôle a toujours existé. Nous en conviendrons, j’imagine, tous, la conformité des documents d’urbanisme en matière de concurrence doit être vérifiée !
En l’occurrence, l’Autorité de la concurrence disposerait seulement de la possibilité de rendre un avis sur l’ensemble du document d’urbanisme contraignant. Il ne s’agit donc pas d’une obligation.
La consultation pourra être déclenchée par une saisine du préfet. L’Autorité devra rendre son avis avant le lancement de l’enquête publique.
Ainsi, ce dispositif n’instaure en aucun cas une procédure supplémentaire obligatoire. Il ne complexifie pas l’élaboration ou la modification des documents d’urbanisme.
En fait, l’article 10 ne fait qu’offrir au préfet la possibilité de demander à l’Autorité de la concurrence un avis sur un texte d’urbanisme, afin d’être éclairé dans l’exercice du contrôle de légalité.
Honnêtement, je ne vois pas pourquoi on en fait tout un foin !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 demeure supprimé.
Article 10 bis
(Non modifié)
Au dernier alinéa du 2° du I de l’article L. 752-6 du code de commerce, les références : « aux 2° et 5° » sont remplacées par la référence : « au 2° ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 10 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 441, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le mot : « animée, », la fin du premier alinéa de l’article L. 111-6-1 du code de l’urbanisme est ainsi rédigée : « est intégrée aux bâtiments affectés au commerce. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Aujourd'hui, en France, 70 000 hectares de terre agricole disparaissent chaque année, soit un département entier tous les huit ans. Ce chiffre dramatique s’explique notamment par le bétonnage des périphéries urbaines, avec l’installation de nombreuses grandes surfaces, accompagnées de vastes parkings.
La construction d’aires de stationnement sur les terres agricoles, outre qu’elle affaiblit notre filière agricole et agroalimentaire, entraîne une imperméabilisation des sols, qui provoque des phénomènes d’inondations dans de nombreuses régions.
Les conséquences humaines et économiques en sont de plus en plus lourdes : limitation des infiltrations indispensables pour l’épuration des eaux et la régénération de nos nappes phréatiques, perte de capacité de nos sols à stocker du carbone sous forme de biomasse, diminution de la biodiversité présente dans les zones agricoles, détérioration de notre cadre de vie, de nos paysages et de notre attractivité touristique, régression de notre agriculture de proximité, de la qualité et de la diversité de notre alimentation et de notre identité culturelle et gastronomique. (Exclamations amusées.)
Vous le voyez, ce n’est pas rien ! D’ailleurs, je suis certain que vous partagez ce constat, mes chers collègues. Encore faut-il passer aux actes… Mais, je ne voudrais pas préjuger du résultat ! (Sourires.)
Les conséquences dramatiques que je viens d’évoquer nous interpellent et nous poussent à prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver nos espaces agricoles, qui font partie de la richesse de notre pays. Il faut bien faire quelque chose.
Aujourd'hui, nous vous proposons d’intégrer les parkings au bâti commercial. En d’autres termes, les parkings devront être construits en sous-sol ou sur les toits des grandes surfaces nouvellement créées. (Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, s’esclaffe.)
Cet aménagement indispensable ne nous semble pas trop lourd à supporter financièrement pour les entreprises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C’est le prix à payer pour que les terres agricoles ne disparaissent pas !
En commission spéciale, Mme la corapporteur a émis un avis défavorable sur cet amendement, arguant – je ne résiste pas au plaisir de le rappeler ! – qu’il ne faudrait pas aller au-delà des dispositions contenues dans la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, aux termes desquelles un parking ne peut désormais pas excéder les trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce.
Il nous paraît au contraire indispensable d’aller plus loin. C’est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Desessard, je vous remercie d’avoir rappelé les arguments que j’avais développés en commission spéciale : l’adoption de votre amendement aurait effectivement pour conséquence de limiter encore davantage l’emprise au sol des parkings ; or celle-ci est déjà fortement contrainte par la loi ALUR. Il ne me paraît pas souhaitable d’aller au-delà des dispositions actuelles.
Par conséquent, je confirme l’avis défavorable que j’avais déjà émis en commission spéciale sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 441.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 10 ter
L’article L. 425-4 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1°A (nouveau) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu’une modification du projet revêt un caractère substantiel au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce mais n’a pas d’effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 du présent code, une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale est déposée auprès de la commission départementale. » ;
1° (Supprimé)
2° Les troisième à dernier alinéas sont supprimés.
Mme la présidente. L'amendement n° 1551, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce, mais n’a pas d’effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 du présent code, nécessite une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale auprès de la commission départementale. » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un amendement de clarification : une modification substantielle au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce, qui définit la notion d’« urbanisme commercial », ne nécessite pas de permis de construire, même modificatif.
Nous souhaitons ainsi lever un doute qui pouvait persister, notamment avec la rédaction de la loi ALUR. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Ce n’est pas le seul ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Cette clarification est, certes, largement rédactionnelle, mais elle nous paraît nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La clarification rédactionnelle proposée nous paraît acceptable.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1743, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 39 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Lorsqu’un projet bénéficie d’une autorisation d’exploitation commerciale en cours de validité obtenue avant le 15 février 2015 pour tout projet nécessitant un permis de construire, cette autorisation vaut avis favorable des commissions d’aménagement commercial. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à sécuriser les autorisations d’exploitation commerciale délivrées entre l’entrée en vigueur, d’une part, de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises en matière d’urbanisme commercial, le 18 décembre 2014, et, d’autre part, de son décret d’application, le 15 février 2015.
Dans cette période intercalaire, l’absence de consigne explicite sur le traitement du sort de ces projets pourrait nécessiter de redéposer certains permis de construire comportant un volet relatif à une autorisation d’exploitation commerciale, afin d’en garantir la sécurité juridique.
Il nous paraît donc préférable d’inscrire cette précision dans le projet de loi pour éviter tout contentieux ou incertitude.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale a été saisie trop tardivement de cet amendement pour pouvoir l’examiner. Je ne suis donc pas en mesure de me prononcer sur le fond.
M. Roger Karoutchi. S’il s’agit de modifier la loi ALUR, nous pouvons le voter ! (Approbations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Elle a été tellement bien faite… (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Mme la corapporteur a bien le droit d’utiliser un argument de forme pour ne pas se prononcer. Mais je rappelle que M. le président de la commission spéciale peut réunir celle-ci à tout moment, au besoin à proximité de l’hémicycle. Cela s’est déjà produit à de multiples reprises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Sur le fond, dans la mesure où nous déplorons souvent la publication tardive de décrets d’application, je pense que nous pouvons rendre au Gouvernement le service de voter cet amendement. C'est un acte qui n’engage à rien ; ce n’est pas un sujet de droite ou de gauche.
M. Jean Desessard. Des sujets de droite ou de gauche, il n’y en a plus beaucoup ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Il me semble donc que nous pouvons nous rassembler sur ce sujet.
Demande de réserve
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que Mme la corapporteur l’a souligné, la commission spéciale n’a pas eu suffisamment de temps pour examiner cet amendement.
M. le ministre s’est engagé à me communiquer les informations nécessaires sur les opérations en cours, et je les transmettrai à la commission.
Il y a tout de même un certain nombre de parlementaires expérimentés parmi nous. Quand nous sommes saisis d’un tel amendement, nous nous posons forcément des questions. Qui seront les bénéficiaires d’une telle mesure ? Combien de dossiers seront concernés ?
La commission spéciale se réunira la semaine prochaine. Nous disposerons alors des éléments que M. le ministre et son cabinet nous auront communiqués. Nous serons dans de meilleures conditions pour débattre sereinement sur cet amendement, ce qui facilitera l’entrée en vigueur du dispositif.
Par conséquent, et en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement, la commission demande que le vote sur l’amendement n° 1743 et, par voie de conséquence, sur l’article 10 ter soit réservé, après l’article 106.
Mme la présidente. Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Si la réserve permet d’améliorer le travail parlementaire, le Gouvernement est favorable à cette demande.
D’ailleurs, par souci de transparence, je peux vous apporter quelques éléments explicatifs.
M. Roger Karoutchi. Si le vote est réservé, ce n’est pas la peine !
M. Emmanuel Macron, ministre. Un certain retard a été pris. Les mesures transitoires que le Gouvernement avait initialement proposées n’ont pas été retenues par le Conseil d’État.
Les cabinets de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et de Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire ont ainsi été avisés de difficultés dans une dizaine de dossiers d’urbanisme commercial ; nous vous en fournirons la liste. C’est ce qui nous a conduits à envisager la mesure proposée.
Pour la bonne information du Sénat, je communiquerai effectivement l’ensemble des éléments à la commission spéciale.
Mme la présidente. L'amendement n° 395, présenté par MM. Madec, Assouline et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 752-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le 1°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° la création, sur un site protégé au titre de l’article L. 341-1 ou L. 341-2 du code de l’environnement ou protégé au titre de l’article L. 621-31 du code du patrimoine, d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés, résultant soit d’une construction nouvelle, soit de la transformation d’un immeuble existant ; »
2° À la première phrase du 3°, à la seconde phrase du 4°, aux 5°, 6° et 7°, après les mots : « 1000 mètres carrés », sont insérés les mots : « ou 400 mètres carrés lorsque le projet est situé sur un site protégé au titre de l’article L. 341-1 ou L. 341-2 du code de l’environnement ou protégé au titre de l’article L. 621-31 du code du patrimoine ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Aux termes de l’article L. 752-6 du code de commerce, les CDAC examinent les projets commerciaux au regard d’un certain nombre de critères, en particulier la « localisation du projet et son intégration urbaine », « l’insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l’utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales » et « les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche ».
Cependant, en limitant le champ d’application des autorisations d’exploitation commerciale aux magasins d’une surface de vente de plus de 1 000 mètres carrés, l’article L. 752- 6, dans sa rédaction actuelle, exclut du contrôle des projets aux conséquences environnementales, patrimoniales et urbanistiques importantes.
Le présent amendement vise ainsi à permettre l’examen par la CDAC des projets de plus de 400 mètres carrés, lorsque ceux-ci sont situés dans les centres urbains historiques notamment, et plus largement sur l’ensemble des sites inscrits et classés au titre de la protection du patrimoine. La CDAC bénéficiera en outre de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France, pour une appréciation plus large de l’insertion du projet dans son environnement proche.
J’aimerais vous convaincre de l’importance et de la logique de cet amendement, sur un sujet qui n’a pas été suffisamment examiné.
Nous avons retenu le seuil de 400 mètres carrés. Seule une installation commerciale d’une surface supérieure à 400 mètres carrés peut être qualifiée d’exceptionnelle et avoir des conséquences particulières en termes d’insertion patrimoniale, urbaine et environnementale.
Le seuil correspond d’ailleurs au référentiel de l’INSEE, qui définit un magasin de grande surface comme un établissement de vente au détail en libre-service réalisant plus des deux tiers de son chiffre d’affaires en alimentation et dont la surface de vente est comprise entre 400 mètres carrés et 2 500 mètres carrés.
Je vous rassure tout de suite, à Paris, cela ne concernerait pas plus de 2 % des commerces ayant une telle surface.
La portée est donc limitée. Il s’agit simplement d’exercer un contrôle. J’ai constaté, et pas forcément à Paris, que des surfaces de 400, 500 ou 600 mètres carrés dénaturaient beaucoup le charme de petites rues piétonnes et pavées, notamment dans les centres historiques.
Il s’agit donc non de poser une interdiction, mais simplement de permettre un examen, en particulier par l’architecte des Bâtiments de France. Cela permettra d’appréhender certaines situations de manière plus judicieuse.
Le présent projet de loi que nous examinons libéralise un certain nombre de domaines pour relancer l’économie. À mon sens, même si je propose une régulation, mon amendement s’inscrit dans cette perspective. Le tourisme participe de l’attractivité économique. De telles installations commerciales sont évidemment nécessaires, mais il ne faut pas qu’elles dénaturent le patrimoine culturel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur le sénateur, il ne me semble pas opportun d’alourdir la procédure d’autorisation des surfaces commerciales en abaissant dans des zones spécifiques le seuil de 1 000 mètres carrés.
Vous évoquez la prise en compte des spécificités des zones naturelles protégées ou des périmètres classés monuments historiques. Or je vous rappelle qu’il revient à la commission des sites ou à l’architecte des Bâtiments de France de veiller au respect de ces spécificités.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous avons débattu de ce sujet à l’Assemblée nationale, sur l’initiative notamment du député Pascal Cherki, qui avait déposé un amendement similaire.
Un travail important a été mené entre plusieurs ministères pour vérifier l’applicabilité d’une telle mesure. Le problème qui est soulevé se pose principalement à Paris. Or la métropole parisienne ne serait pas la seule concernée par le dispositif envisagé, dont la mise en œuvre susciterait sans doute en plus des difficultés au niveau communautaire. Surtout, avec l’adoption de cet amendement, il y aurait doublon, entre l’autorisation d’exploitation commerciale et les prescriptions de l’architecte des Bâtiments de France.
Ce dernier intervient déjà pour tout projet de construction situé sur les sites protégés visés par le présent amendement. Les préoccupations environnementales, patrimoniales et urbanistiques sont donc d’ores et déjà prises en compte dans la législation actuelle.
Par conséquent, il n’apparaît pas souhaitable de multiplier les seuils et les mesures dérogatoires, du point de vue tant de l’autorisation d’exploitation commerciale que de la protection des secteurs protégés. Cela créerait des incertitudes nouvelles pour un certain nombre de commerces de taille intermédiaire et de petits commerces. En outre, la procédure de permis de construire, qui vaut autorisation d’exploitation commerciale, est déjà particulièrement lourde en termes financiers.
Une telle proposition risquerait de décourager de nombreux projets en centre-ville. C’est contraire à l’objectif de développement des activités.
Malgré plusieurs semaines de travail, nous n’avons pas réussi à trouver un encadrement plus simple. Avec le système proposé, nous aurions plusieurs procédures et plusieurs seuils qui s’entremêleraient.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, l'amendement n° 395 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Oui, madame la présidente. Les arguments qui m’ont été opposés ne m’ont pas convaincu.
La mesure que je propose aurait une faible ampleur. Elle concernerait 2 % des commerces parisiens, soit 1 361 sur 64 114 commerces, si nous considérons l’ensemble des surfaces commerciales parisiennes ayant une surface de plus de 400 mètres carrés, tous n’étant pas situés dans des centres historiques.
Encore une fois, l'objectif n'est pas de dresser une interdiction ; il s’agit simplement de mettre en place une procédure. Le seuil de 1 000 mètres carrés ne nous semble pas pertinent. Si l’INSEE classe parmi les magasins de grande surface ceux qui ont une surface de 400 mètres carrés, ce n’est pas sans raison ; la classification de l’INSEE ne distingue donc pas les magasins de grande surface ayant une superficie de 400 ou de 1 000 mètres carrés, puisqu’elle s’étend de 400 à 2 500 mètres carrés. Nous souhaitons qu’il y ait une appréciation.
Je suis très attaché au développement de l’activité commerciale. Mais je suis convaincu que l’attractivité première de nos sites historiques, c’est la beauté, la culture et la préservation de lieux. Même si l’on vient aussi pour acheter ou faire du commerce, comme dans toutes les grandes villes, le patrimoine culturel reste la première source d’attractivité.
Nous devons y prendre garde ; à Paris, comme dans les grandes villes, la tendance générale est plutôt à la dégradation.