Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai cet amendement, qui a été très bien défendu par mon camarade socialiste parisien ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Mes chers collègues, nous nous entendons très bien avec les socialistes de la capitale sur un certain nombre de dossiers ! (Mêmes mouvements.)
M. Roger Karoutchi. Nous verrons cela aux élections régionales…
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous voterons cet amendement.
On ne peut pas tout envisager sous le seul angle de la concurrence ou du commerce. Un magasin de 400 mètres carrés ou 600 mètres carrés – c’est déjà une taille importante – qui s’insère dans un milieu donné n’est pas « hors sol » ; il doit tenir compte de son environnement !
Tous ceux qui ont déjà participé à des réunions de la CDAC savent comment cela fonctionne, entre les élus, qui veulent d’abord conforter leur position, et les associations de consommateurs, qui se prononcent en général en faveur de la concurrence.
On ne peut pas imaginer que les commerces se désintéressent de leur environnement ; s’ils sont là, c’est qu’ils en bénéficient aussi ! Tout ce qui concourt à l’harmonie est bienvenu. Et, à nos yeux, cet amendement y contribue. C’est pourquoi nous le voterons.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 379 rectifié nonies, présenté par Mme N. Goulet, M. Zocchetto, Mme Goy-Chavent, M. Pozzo di Borgo, Mme Férat, MM. Fouché et Canevet, Mme Jouanno, M. Guerriau, Mme Gourault, MM. Frassa, Bockel, Namy, Labbé, Maurey et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les magasins de commerce de détail, d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés, soumis à l’autorisation d’exploitation prévue à l’article L. 752-1 du code de commerce peuvent mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire. Un décret fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Nous avons voté ce matin en faveur d’un droit universel au permis de conduire, une démarche tout à fait citoyenne.
J’avais alors indiqué à notre collègue Didier Guillaume que le droit universel reviendrait dans l’après-midi, cette fois contre le gâchis alimentaire et en faveur d’une meilleure distribution des denrées.
C’est donc une autre démarche citoyenne que je vous propose ici : la lutte contre le gâchis alimentaire.
Je citerai quelques chiffres pour illustrer mon propos : en 2012, 1 400 magasins ont régulièrement participé à des campagnes de dons, ce qui a permis de récolter 32 000 tonnes de denrées alimentaires, soit l’équivalent de 64 millions de repas.
Alors que les Restos du cœur existent depuis maintenant trente ans et que beaucoup de nos concitoyens ont du mal à boucler leurs fins de mois, des supermarchés jettent tous les soirs de la nourriture comestible. Ils en viennent parfois jusqu’à verser de l’eau de javel dans les poubelles pour qu’on ne puisse pas récupérer ces denrées… De tels procédés sont absolument insupportables. La pétition Stop au gâchis alimentaire, dont vous avez sans doute entendu parler, a recueilli près de 180 000 signatures.
Un amendement similaire avait été présenté à l’Assemblée nationale, avant d’être retiré. Celui que je défends aujourd’hui est cosigné non seulement par l’intégralité des membres du groupe UDI-UC, mais aussi par Esther Benbassa et Joël Labbé, du groupe écologiste, ainsi que par certains de nos collègues du groupe UMP ; un amendement quasi identique a d’ailleurs été cosigné par un grand nombre de membres du groupe UMP.
Les rectifications successives de l’amendement tiennent principalement à l’adjonction de nouveaux signataires, ainsi qu’à la modification de la superficie des établissements concernés : il s’agit maintenant de 1 000 mètres carrés, contre 400 mètres carrés initialement. Par ailleurs, j’ai souhaité préciser qu’il s’agissait d’une possibilité de contracter et non d’une obligation, la précédente rédaction pouvant prêter à confusion.
Il s’agit donc de permettre aux supermarchés de conclure des conventions avec des associations, qui pourront ensuite distribuer cette nourriture consommable, aujourd’hui jetée.
Cette démarche citoyenne doit être encouragée par notre Haute Assemblée.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 579 rectifié bis, présenté par MM. Fouché, Magras, Mayet, Duvernois et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. D. Laurent, Charon, G. Bailly, Morisset et Bizet, Mme Imbert, M. Mouiller, Mme Primas, MM. Karoutchi, Milon, Bouvard, de Raincourt et Calvet, Mme Mélot, MM. B. Fournier, Chasseing et Paul, Mme Troendlé, MM. D. Robert et Saugey, Mme di Folco, M. Houel, Mmes Gruny, Deromedi et Duchêne, MM. Doligé, Revet et Trillard, Mme Lopez, MM. Laufoaulu, Falco et Kennel, Mme Bouchart et MM. Grand, Houpert, Chaize et Commeinhes, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 752-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 752-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 752-1-... – Les magasins de commerce de détail d’une surface supérieure à 400 mètres carrés soumis à l’autorisation d’exploitation prévue à l’article L. 752-1 peuvent mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire. Un décret fixe les modalités d’application du présent article, sans remettre en cause les dispositifs de défiscalisation du don. »
La parole est à M. Michel Magras. (M. Roger Karoutchi s’étonne.)
Je respecte l’ordre des cosignataires, mon cher collègue.
M. Roger Karoutchi. Il y a trop de cosignataires ! (Sourires.)
Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Magras.
M. Michel Magras. Mon collègue Roger Karoutchi ne m’en voudra pas de défendre cet amendement rapidement, d’autant qu’il est très similaire au précédent, à la surface près.
Je retire donc cet amendement au profit de celui qu’a excellemment défendu Mme Goulet, même si je n’ai pas bien compris cette référence au permis de conduire…
Mme la présidente. L'amendement n° 579 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 379 rectifié nonies ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement rectifié tend à permettre aux grandes surfaces de conclure des conventions avec des associations d’aide alimentaire afin de leur remettre leurs stocks de produits invendus et lutter ainsi contre le gaspillage alimentaire.
Comme vous l’avez souligné, ma chère collègue, le champ d’application du dispositif a été modifié : désormais, seules les grandes surfaces de 1 000 mètres carrés sont concernées, ce qui me paraît plus raisonnable que les 400 mètres carrés initialement envisagés.
Les auteurs de cet amendement proposent une solution pragmatique pour une grande cause à laquelle nul, au sein de la Haute Assemblée, ne peut rester insensible.
Cependant, la commission spéciale n’ayant pu se prononcer sur cet amendement ainsi rectifié, c’est à titre personnel que je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un sujet important qui a également fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale. Bien évidemment, le Gouvernement partage les préoccupations qui viennent de s’exprimer. Je voudrais toutefois vous apporter quelques précisions, mesdames, messieurs les sénateurs, et rappeler le contexte.
La contribution du projet en matière sociale figure aujourd’hui dans les critères d’appréciation des projets soumis à l’autorisation d’exploitation commerciale, aux termes de l’article L. 752-6, II, du code de commerce. Il s’agit également de l’un des critères d’autorisation pris en compte par la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « ACTPE », dont le décret d’application évoque de manière encore plus directe les partenariats devant se mettre en place avec les associations locales.
Comme vous le savez, madame la sénatrice, les grandes et moyennes surfaces travaillent en ce sens sur la base du volontariat. Les associations elles-mêmes l’ont reconnu. C’est d’ailleurs là que réside toute la difficulté. La question n’est pas encore tranchée de savoir si cette collaboration doit revêtir un caractère obligatoire ou non. En cas d’obligation de collecte, qui aura la charge de trier, voire de jeter les denrées ? Les associations seront-elles à même de gérer ces contraintes ? Vous le voyez, le sujet n’est pas facile.
Sur le plan technique, le principe même du don et sa dimension fiscale ne relèvent absolument pas de l’urbanisme commercial. Dans ces conditions, il ne me semble pas approprié de le faire figurer au titre V du code de commerce.
Nonobstant ces considérations juridiques, le député Guillaume Garot a été chargé de rédiger un rapport sur ce sujet dont la remise est attendue pour le 15 avril. Les préconisations qui y figureront seront rapidement traduites dans une proposition de loi afin de disposer d’un cadre structuré traitant à la fois du problème du statut fiscal du don, de l’organisation de la collecte, de la charge imposée – y compris en matière de tri – et, au-delà, du volontariat lui-même.
Si je partage l’ensemble des préoccupations qui ont été formulées, ce cadre – rapport puis proposition de loi - me semble plus approprié pour traiter du sujet que le truchement d’un amendement sur lequel j’ai quelques réserves.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Remettons les choses dans l’ordre, monsieur le ministre.
Tout d’abord, je n’étais pas favorable à ce que le groupe UMP retire son amendement : les deux amendements étant identiques (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), nous pouvions les voter l’un et l’autre.
J’entends bien vos explications, monsieur le ministre, mais pardon : encore un délai !
Rendons à César ce qui appartient à César : Frédéric Lefebvre est l’auteur de l’amendement présenté à l’Assemblée nationale. Lors de son passage au gouvernement, il avait mis en place un système permettant aux moyennes et grandes surfaces d’assurer cette collecte. Il avait obtenu de bons résultats, puisque les Restos du cœur, en 2012, avaient pu grâce à cela assurer la distribution de repas pendant deux ou trois mois.
À l’Assemblée nationale, vous avez renvoyé le débat à la navette en indiquant que des propositions seraient faites à l’issue d’un travail. Mais, monsieur le ministre, nous n’avons qu’une lecture ! Vous nous demandez de vous faire confiance, vous nous annoncez la remise d’un rapport dans quelques jours puis le dépôt d’une proposition de loi – j’ai bien noté qu’il ne s’agirait pas d’un projet de loi – dans quelques semaines, voire quelques mois. Cependant, je n’ai aucune garantie sur l’inscription de cette proposition de loi dans des délais raisonnables. En réalité, tout ce que vous nous proposez ne verra le jour, au mieux, que dans un an.
Nous allons donc passer le prochain hiver sans aucune mesure concrète applicable et les moyennes et grandes surfaces qui seraient prêtes à agir ne le pourront pas !
Je comprends qu’il puisse y avoir des correctifs techniques d’ici à la CMP, mais ne nous renvoyez pas à une proposition de loi et à son inscription, très éventuelle, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale : bonjour demain ! C’est presque comme si vous nous disiez que vous allez mettre en place une commission ! (Sourires)
M. Roger Karoutchi. Non, vous ne pouvez pas nous faire ça...
Dans tous les magazines, monsieur le ministre, il est écrit que vous êtes un homme de cœur ! (Mêmes mouvements.) On peut le lire partout, vraiment partout ! N’ayant pas l’immense bonheur de vous connaître, je ne sais si c’est vrai. En revanche, sur un amendement de cette nature, un amendement qui transcende tous les clivages politiques, vous ne pouvez demander le retrait à l’Assemblée nationale, puis le retrait au Sénat au bénéfice d’une éventuelle proposition de loi.
Il s’agit de permettre aux grandes et moyennes surfaces de réaliser une collecte alimentaire en faveur des Restos du cœur : réglons les problèmes techniques plus tard et envoyons dès maintenant un signal positif !
Un beau geste, monsieur le ministre : remettez-vous-en à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Quitte à contredire légèrement les cosignataires de ces amendements, je voudrais insister sur un aspect essentiel qui n’est pas pris en compte, celui de l’hygiène alimentaire.
Il est ici question de produits qui ont été ou qui sont en passe d’être rejetés par une grande ou moyenne surface alimentaire.
Deux principes doivent être respectés, qui, par définition ne le sont pas à l’heure actuelle : d’une part, la non-rupture de la chaîne du froid, nécessité absolue pour des produits parvenus en date limite de vente – toute rupture de la chaîne du froid se traduira sinon par des infections et des intoxications alimentaires ; d’autre part, la marche en avant, principe connu de tous ceux qui sont maires ici, selon lequel un circuit va toujours dans le même sens. Or la poubelle ne fait pas partie du circuit propre…
Je souhaiterais donc sous-amender cet amendement, madame la présidente, pour y ajouter : « dans le respect des règles de l’hygiène alimentaire ». Ces quelques mots suffiraient à sécuriser le dispositif, la définition des modalités techniques étant renvoyée à plus tard.
En 1950, les intoxications alimentaires en France tuaient 16 000 personnes par an. Aujourd’hui, le chiffre annuel est inférieur à 200. Le vétérinaire que je suis préfère en rester à 200 plutôt que de monter à 2 000 !
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Je voudrais apporter une petite précision de nature à rassurer mon collègue Roger Karoutchi : si j’ai signé l’amendement de Mme Goulet et non celui de mon groupe, c’est tout simplement une erreur factuelle : je souscris pleinement aux deux amendements.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Encore un homme de cœur ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa. Deux amendements valent mieux qu’un, madame la présidente ; je défendrai donc avec la même ardeur et la même détermination ces deux amendements relatifs à une même cause humanitaire qui dépasse largement – il n’est que de voir le nom des signataires – nos clivages politiques.
Mme la présidente. Pardonnez-moi de vous interrompre, mon cher collègue, mais, pour la clarté des débats, je vous rappelle que l’amendement n° 579 rectifié bis a été retiré.
M. Christophe-André Frassa. Mais ce n’est pas grave ! (Sourires.)
Mme la présidente. Nous en sommes donc aux explications de vote sur l’amendement n° 379 rectifié nonies, raison pour laquelle aussi, monsieur Trillard, vous ne pouvez pas, à ce stade, sous-amender.
M. André Trillard. Ah bon ?
Mme la présidente. Je ne fais qu’appliquer le règlement, mon cher collègue !
Mais veuillez poursuivre, monsieur Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Au-delà des arguments que nous avons entendus, monsieur le ministre, une cause est essentielle dans cet amendement, celle de la défense des personnes, de plus en plus nombreuses, qui ne peuvent se nourrir.
Comme l’a rappelé M. Karoutchi, la lutte contre le gaspillage alimentaire a été menée à l’origine par un élu local, Arash Derambarsh, qui a ensuite trouvé en la personne de notre collègue Frédéric Lefebvre, député représentant les Français de l’étranger, un porte-voix à l’Assemblée nationale. Je m’associe aujourd’hui pleinement à leur démarche.
Je soutiens bien évidemment cet amendement, que j’ai cosigné, et engage tous mes collègues à le voter. On peut, certes, renvoyer cette question à une commission ou à une proposition de loi, mais pourquoi différer – et avec quelle incertitude ! – ce que nous avons aujourd’hui l’occasion de faire, d’autant plus s’agissant d’un texte qui, je le rappelle, a pour objet, outre la croissance et l’activité, l’égalité des chances économiques ? Or je pense que la lutte contre le gaspillage alimentaire fait partie de l’égalité des chances économiques et que nous la devons à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas la chance d’avoir accès à une nourriture décente.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Sur un tel sujet, il n’aurait aucun sens de nous faire de faux procès.
Tout d’abord, avant de parler du fond, je souhaiterais évoquer la forme : je suis heureux que la commission spéciale n’ait pas jugé utile de se réunir pour étudier une telle question. Comme quoi, tout est possible ! (Sourires.)
Je tiens ensuite à vous fournir quelques précisions sur la question, primordiale, du gaspillage alimentaire. Sans y revenir en détail, la situation actuelle dans notre pays est très préoccupante, en ce qui concerne tant l’ampleur des gâchis que de la pauvreté qui frappe des milliers de personnes.
En 2014, j’ai moi-même rendu un rapport sur le cycle de la pauvreté. Le constat était effectivement sans appel. Pour avoir auditionné de nombreuses associations caritatives et humanitaires, il me semble très facile de répondre à la préoccupation de notre collègue André Trillard, dont il faut bien entendu tenir compte, car elle est importante.
L’ensemble des associations caritatives et humanitaires qui récoltent des denrées alimentaires sur nos territoires observent d’ores et déjà des précautions minimales et systématiques en matière d’hygiène et de respect des dates de péremption. Cela existe déjà, mais, puisque nous faisons la loi, si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant. Alors, disons-le !
La question plus spécifique du gaspillage alimentaire nous interroge aussi sur notre modèle de société. Nous oublions parfois des mécanismes de solidarité qui se trouvent pourtant au fondement de notre pacte républicain.
Il est donc temps d’enrayer cette spirale qui mène parfois à des situations scandaleuses, quad, par exemple, des aliments sont jetés voire détruits, au lieu d’être donnés à des personnes dans le besoin.
Comme le ministre l’a rappelé, le Gouvernement s’est clairement engagé sur ce sujet en confiant au député Guillaume Garot, en octobre dernier, le soin de remettre un rapport sur le gaspillage alimentaire ; les conclusions seront rendues dans la première quinzaine du mois d’avril. Enfin, comme cela a été annoncé à l’Assemblée nationale, ce rapport aboutira au dépôt d’une proposition de loi. Tous les groupes politiques seront associés, de sorte que puissent être formulées des propositions communes et consensuelles sur un sujet qui, j’en suis persuadé, le mérite.
Néanmoins, dans la période que nous traversons, et malgré le constat que l’on peut faire d’une certaine impréparation, nous considérons qu’il est nécessaire que des signaux forts soient envoyés dès maintenant.
Par conséquent, même si nous aurions préféré attendre la remise du rapport de Guillaume Garot – encore faut-il que cela ne prenne pas trop de temps - et la présentation de la proposition de loi annoncée- nous l’examinerons avec une attention tout à fait particulière -, nous voterons l’amendement de notre collègue Nathalie Goulet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous adopterons évidemment une position favorable à l’égard de cet amendement, ou de ces amendements, peu importe.
Sur de telles questions, nous avons comme premier devoir de faire preuve de mesure, de modestie, d’éviter tout triomphalisme et de ne pas nous approprier un sujet aussi délicat pour réaliser un « coup ».
En réalité, il y a deux dimensions au problème : d’une part, une dimension sociale, avec l’aide à la grande pauvreté, et d’autre part, une dimension économique, avec le gaspillage et ses conséquences, notamment en termes de déchets.
Nous sommes donc invités à légiférer pour améliorer la situation, mais, mes chers collègues, heureusement, la société civile ne nous a pas attendus pour agir !
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
Mme Évelyne Didier. Il y a belle lurette en effet que des contrats, signés ou non, ont été conclus localement entre des associations et des supermarchés, des hypermarchés, voire avec des commerçants.
Dès lors, c’est évidemment une bonne chose de créer un cadre normatif pour sécuriser ces contrats, mais il me semblait également important de reconnaître que la société civile nous a devancés.
Je voudrais également dire que la démarche du Gouvernement est normale s’agissant d’un sujet complexe qui mérite effectivement d’être approfondi. On ne peut pas faire n’importe quoi !
Ainsi, en matière de gaspillage alimentaire, se posent des questions de logistique pour les associations, et pour les surfaces commerciales.
Vous savez que les associations se trouvent souvent à l’étroit dans leurs locaux et ne peuvent pas s’équiper notamment des installations frigorifiques dont elles auraient besoin. En effet, la véritable question est celle de la distribution des aliments frais. Distribuer des boîtes de conserve ou des paquets de gâteaux secs, c’est relativement simple. C’est plus compliqué, en revanche, lorsqu’il s’agit d’aliments frais.
En outre, beaucoup d’associations, parce qu’elles ne disposent pas non plus des capacités de stockage suffisantes, viennent chercher les aliments quand elles en ont besoin, ce qui repousse le problème au niveau des hypermarchés ou des supermarchés, qui eux-mêmes n’ont pas nécessairement une capacité de stockage suffisante pour attendre les associations. Il faudra bien à un moment donné que la question de la logistique soit prise en compte !
On le voit, le sujet est complexe.
Au-delà de ces considérations logistiques, le véritable drame est, bien sûr, celui de la pauvreté. Or, au passage, je constate que nous nous installons dans une société qui, finalement, renvoie la solution du problème de la grande pauvreté à des gestes charitables, à des démarches solidaires, à des actes qui viennent d’en bas. Je pense, tout au contraire, que c’est à l’ensemble de la société qu’il incombe de se saisir du problème, et pas seulement aux associations, même si, bien sûr, nous devons les aider.
Les critères qui seront retenus pour la conclusion des conventions devront être assez souples pour tenir compte de la diversité des associations, et de la taille des locaux, ne serait-ce que parce que l’on ne fait pas la même chose en province et dans les grandes villes.
Tout cela mérite que nous soyons responsables, attentifs et que, loin de tout triomphalisme, nous traitions du sujet avec beaucoup de mesure.
Nous voterons donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur votre réponse, car M. Karoutchi et M. Frassa l’ont fait avec éloquence. Je note cependant qu’en somme vous nous invitez à nous hâter lentement... (Sourires.) C’est peut-être également l’impression que donne plus globalement ce projet de loi à certains d’entre nous, mais je n’en dirai pas plus.
En début d’après-midi, nous avons montré à l’occasion de l’examen de l’amendement n° 1646, que, lorsqu’une idée n’était pas bonne, nous pouvions la rejeter à l’unanimité. Avec cet amendement n° 379 rectifié nonies, nous pouvons, à l’inverse, montrer que le Sénat sait faire preuve de la même unanimité lorsqu’une idée est bonne et généreuse.
En ce qui me concerne, je souhaite apporter tout mon soutien à cette initiative, sachant que, selon une étude de l’Union européenne, le gaspillage dans les vingt-huit pays proviendrait pour 42 % des ménages et pour 44 % de l’industrie agroalimentaire et des détaillants.
Vous avez raison, madame Didier : la société civile ne nous a pas attendus. Même si 30 % des dons proviennent déjà des grandes surfaces, une marge de progression est encore possible dans le commerce de détail, notamment pour les supermarchés de centre-ville.
Cet amendement devrait y contribuer. C’est pourquoi j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité par notre assemblée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je voudrais dire, à ce moment du débat, que l’amendement déposé par notre collègue Alain Fouché lui tenait très à cœur et avait recueilli la signature d’une très large majorité de notre groupe. M. Magras a retiré cet amendement au profit de celui de Mme Goulet. On constate donc bien que cette initiative fait l’unanimité sur l’ensemble des travées.
Il ne faut pas sous-estimer la difficulté logistique de la collecte des produits qui ne sont pas vendus, comme l’a dit Mme Goulet, ou vous-même, monsieur Trillard qui, en tant que vétérinaire, êtes très sensible au problème des intoxications. Par conséquent, je vous remercie, madame Goulet, d’avoir augmenté la taille de la surface des magasins qui pourront conclure des conventions avec les associations. En effet, lorsque l’on est gérant d’une supérette de 400 mètres carrés, la place manque et les conditions dans lesquelles on exerce son métier sont parfois difficiles. Dans ces magasins, et bien que l’intention soit louable, une telle organisation logistique serait une difficulté supplémentaire, non pas pour la collecte, mais bien pour le stockage des denrées à l’intérieur du magasin, avec les problèmes sanitaires qui peuvent en découler.
Il ne faut pas non plus sous-estimer le risque juridique pour les gérants de magasin. En cas d’intoxication, en effet, si aucune convention n’a été mise en place avec des associations caritatives, la responsabilité du gérant peut être engagée. Pour avoir, dans une vie antérieure, essayé d’organiser cette collecte pour des œuvres caritatives, je l’ai moi-même vécu et me suis heurtée à ce problème de responsabilité juridique du gérant ou du directeur de magasin.
Malgré tout, j’apporterai mon soutien plein et entier à cet amendement, qui est unanimement soutenu dans cette assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe naturellement aux propos qui viennent d’être tenus.
Notre rapporteur a parlé de « grande cause », c’est réellement le terme qui convient. Cette grande cause nous interpelle tous et nous met largement en question, puisque, sur ces problèmes de nature sociale, des actions sont déjà menées de longue date par diverses associations caritatives ou par des individus qui agissent seuls, en leur âme et conscience. Je vois aussi naître une prise de conscience collective sur la nécessité de telles actions.
Notre collègue a déposé un amendement relatif à l’aide alimentaire, qui fait consensus. On aborde là un sujet particulièrement sensible, de solidarité mais aussi d’humilité, ce sont les termes employés par nos collègues. En réalité, tout le monde peut participer. Et n’oublions pas ces personnes qui, même dans le besoin, ne demandent rien, et l’on n’en est pas forcément informé.
Nous vivons, dit-on, dans une société de consommation : on peut être révolté par le gâchis et le gaspillage ; on peut les dénoncer !
Il faut également tenir compte des exigences de l’hygiène alimentaire, notamment pour la collecte de produits frais, même si d’autres aliments récoltés peuvent être conservés longtemps. Dans ce cas aussi, il faut une prise de conscience tant collective qu’individuelle.
Je crois que cet amendement va réellement dans le bon sens et je m’associerai à mes nombreux collègues pour le voter.