M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rétablir l’article 10 D, relatif aux sanctions en cas de pratiques commerciales abusives, notamment dans les relations entre industriels et distributeurs. Notre collègue en a déjà présenté les motivations.
Aujourd'hui, les distributeurs exercent une forte pression sur les industriels, suite à l’accord de la fin du mois de février. Il y a des pratiques abusives.
Le montant maximum de l’amende demandée par le ministère public ne peut pas excéder les 2 millions d’euros, ce qui est très peu pour ce type de pratiques. Jusqu’à présent, aucune sanction à l’encontre des centrales d’achat de la grande distribution n’a excédé 300 000 euros. Au vu des sommes en jeu lors des négociations de contrats entre industriels et distributeurs, qui sont de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros – j’en ai discuté avec les représentants des industriels de marques –, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la législation actuelle. Il convient donc d’aller plus loin en adoptant un niveau de sanction plus dissuasif.
À Paris, à l’époque où le fait de ne pas mettre d’argent dans un parcmètre était passible d’une amende de onze euros, il était plus rentable de ne pas s’acquitter du stationnement, car plus intéressant de prendre une contravention de onze euros tous les trois ou quatre jours que de payer le stationnement un euro cinquante de l’heure ! Il est donc important que l’amende soit dissuasive. Elle ne doit pas être inférieure au profit tiré du délit.
C’est ce que prévoyait l’article adopté à l’Assemblée nationale. Le montant maximum de la sanction était fixé à 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise inculpée, ce qui pouvait aller jusqu’à plusieurs millions d’euros. Une telle sanction incite efficacement au respect de la loi.
Cet amendement a pour objet de rétablir une telle mesure. J’insiste sur la nécessité d’aider les industriels face à la pression des distributeurs.
Mme la présidente. L'amendement n° 1549 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La quatrième phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 442-6 du code de commerce est complétée par les mots : « ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en œuvre ».
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’augmentation votée par l’Assemblée nationale du plafond de l’amende civile prononcée par le juge sur saisine du ministre de l’économie, mais en introduisant néanmoins un certain nombre de précisions.
Le texte proposé par le Gouvernement tend à garantir – c’était un souhait des professionnels, et je m’étais engagé en ce sens à l’Assemblée nationale – que l’amende soit proportionnée aux avantages tirés du manquement. Nous prévoyons donc un plafond suffisamment dissuasif pour être efficace et une amende proportionnée.
Ainsi, nous conservons l’efficacité du dispositif initialement envisagé et nous donnons plus de lisibilité aux acteurs en inscrivant dans la loi le caractère proportionné de la sanction.
En clair, nous ne proposons pas le retour à la rédaction initiale. Nous voulons rétablir le plafond de l’amende en apportant certaines précisions. C’est d’ailleurs ce qui m’amène à solliciter le retrait des amendements et du sous-amendement qui viennent d’être présentés, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 1055, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 410-2 du code du commerce, après les mots : « des mesures temporaires motivées par », sont insérés les mots : « les analyses réalisées par l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires défini à l’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime par ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous proposons que, par dérogation au principe de liberté des prix, le Gouvernement puisse introduire par décret des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix dans des situations précises.
Ces mesures d’encadrement temporaire des prix pourraient être ainsi motivées par les analyses réalisées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui a pour mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges dans la chaîne de commercialisation.
La démarche générale des travaux de l’Observatoire consiste tout d’abord à exprimer les prix alimentaires au détail, sous la forme de la somme de la valeur de la matière première agricole incorporée dans le produit, et des « marges brutes » des stades successifs de transformation et de commercialisation.
L’Observatoire évalue ces marges brutes mensuellement pour différents produits des filières agroalimentaires à partir de données de prix provenant des services publics de statistiques – je pense au service statistique public, le SSP, et à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE –, de sociétés de sondage, avec des panels de consommateurs pour les valeurs et quantité des achats au détail, de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer, cotations officielles, et des organisations professionnelles. Dans ce cadre, il semble juste de prendre appui sur ses recommandations et ses analyses.
Tel est le sens de cet amendement
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Pour sanctionner les pratiques restrictives de concurrence, l’article L. 442-6 du code de commerce prévoit aujourd’hui plusieurs sanctions, dont la principale est une amende civile de 2 millions d’euros. Je le précise, l’amende est dite « civile », car elle est prononcée au profit du Trésor public à l’occasion d’un procès civil, et non pénal.
L’amendement n° 361 rectifié vise à rétablir l’article 10 D du projet, que la commission spéciale a supprimé, en portant le montant maximal de la sanction à 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France. Il s’agit, cela a été souligné, d’une atténuation par rapport au texte adopté par les députés, qui prévoyait un plafond de 5 %. En s’engageant dans cette voie, on pourrait discuter à l’infini sur le chiffre le plus approprié. Pourquoi 1 % du chiffre d’affaires ? Quelle peut être la marge entre 1 % et 5 % ?
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a suivi un raisonnement plus global et pragmatique. Selon nous, l’amende de 2 millions d’euros prévue par le droit en vigueur est d’ores et déjà dissuasive,…
M. Jean Desessard. Non !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. … d’autant qu’elle s’accompagne de la répétition de l’indu, de la réparation du préjudice et d’une possibilité de triplement.
Un alourdissement à hauteur de 5 %, comme l’ont souhaité les députés à l’Assemblée nationale, ou de 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France, comme cela nous est proposé, paraît donc excessif et disproportionné. La commission a émis un avis défavorable.
La commission est également défavorable au sous-amendement n° 1663 rectifié, présenté par notre collègue Jacky Deromedi, qui vise à prévoir une sanction maximale de 5 % du chiffre d’affaires. Cet alourdissement de l’amende civile pour les pratiques restrictives de concurrence nous paraît excessif, car il se surajoute à une palette de sanctions d’ores et déjà dissuasives.
L’amendement n° 437, présenté par M. Desessard, a également pour objet de rétablir l’article 10 D du projet de loi, c’est-à-dire de porter à 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France le montant maximal de la sanction. Au vu des arguments que je viens de développer, vous ne serez pas étonné que la commission y soit défavorable.
L’amendement n° 1549 rectifié, présenté par le Gouvernement, vise à rétablir une version atténuée de la mesure qui était prévue à l’article 10 D du projet de loi. Il s’agit de porter à 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France le montant maximal de la sanction en exigeant – c’est l’atténuation proposée par le Gouvernement – que celle-ci soit « proportionnée » aux avantages tirés du manquement.
Deux objections peuvent être soulevées.
D’une part, cet amendement rend encore plus complexe la compréhension du droit en vigueur sur les sanctions applicables alors que celui-ci résulte d’ores et déjà de strates successives. Je les résume : une somme de 2 millions d’euros pouvant être triplés, la répétition de l’indu, la réparation du préjudice et la cessation des pratiques. Est-il législativement raisonnable d’ajouter un étage supplémentaire ?
D’autre part, que signifie exactement « de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement » ? Le double ou le quintuple sont déjà des « proportions » !
En tout cas, je note un élément : le Gouvernement admet implicitement que le plafond de 5 % du chiffre d’affaires est, en soi, excessif. Nous sommes donc d’accord sur ce point, monsieur le ministre. Mais votre proposition de substitution ne prévoit qu’une légère atténuation, d’ailleurs assez difficile à interpréter.
Au total, cet amendement rendrait notre droit encore plus complexe et imprévisible alors qu’il semble suffisamment dissuasif aujourd’hui.
Enfin, l’amendement n° 1055 vise à élargir les possibilités temporaires de contrôle des prix par décret.
Je le rappelle, par dérogation au principe de liberté des prix, l’article L. 410-2 du code de commerce prévoit que le Gouvernement peut arrêter par décret des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix dans certaines situations exceptionnelles de crise, de calamité publique ou d’anomalie de marché dans un secteur déterminé.
L’amendement ne tend pas au rétablissement général du contrôle des prix, mais il prévoit que le Gouvernement peut prendre par décret des mesures de régulation sur un nouveau fondement, les analyses de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Une répartition déséquilibrée des marges peut être l’indice d’abus ou de faits de domination. Encore faut-il le démontrer de manière rigoureuse avant de fausser le jeu normal de la concurrence.
En outre, un tel élargissement du recours au contrôle administratif des prix soulèverait immanquablement de sérieuses difficultés au regard du droit de l’Union européenne. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme je l’ai indiqué précédemment, j’invite les auteurs des amendements autres que celui du Gouvernement à les retirer, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
Actuellement, une amende de 10 % du chiffre d’affaires peut être prononcée en cas d’abus de position dominante. Simplement - le constat est d'ailleurs partagé par la commission spéciale, qui proposera ultérieurement d’en modifier la définition -, ce dispositif est très peu appliqué aujourd’hui. C’est ce qui nous a conduits, non pas de manière spontanée et irraisonnée, mais sur la base de travaux réalisés depuis plusieurs années, en particulier le rapport Hagelsteen, à proposer de sanctionner les pratiques commerciales abusives.
Le plafond de 10 % pour abus de position dominante étant peu appliqué, nous avons prévu un plafond inférieur de moitié, soit 5 %, pour sanctionner les pratiques commerciales abusives. Il nous apparaît que la définition de ces pratiques, compte tenu des précisions figurant dans l’amendement du Gouvernement, est de nature à être plus opérationnelle que le droit en vigueur. C’est en tout cas ce que nos services, l’Autorité de la concurrence et le rapport Hagelsteen avaient permis de mettre en lumière.
J’en viens à l’amendement n° 1055. Le projet de loi prévoit aujourd’hui la possibilité pour le Gouvernement d'adopter des mesures dérogeant temporairement au principe de liberté des prix en situation de crise ou dans des circonstances exceptionnelles qui entraîneraient des hausses ou des baisses excessives. La loi laisse toute liberté pour identifier de telles situations.
Je vous renvoie aux analyses de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui sont certainement au nombre des éléments pouvant être pris en compte pour motiver des mesures temporaires. Toutefois, elles constituent un élément d’appréciation parmi d’autres, et il ne me semble pas pertinent de les mentionner expressément dans le code de commerce, ce qui en alourdirait la rédaction.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, même si je comprends et partage les objectifs de ses auteurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1663 rectifié.
Mme Sophie Primas. Je suis très sensible aux arguments de Mme la corapporteur. Les sanctions en vigueur sont déjà très lourdes : amende de 2 millions d’euros, réparation du préjudice, répétitivité…
L’efficacité réside plutôt dans notre capacité à apporter la preuve de pratiques commerciales abusives. Or ceux qui les subissent hésitant à les dénoncer. Le problème n’est pas de sortir la kalachnikov ; il faut avant tout prouver l’existence d’une pratique abusive !
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Sophie Primas. Par conséquent, je ne voterai ni ce sous-amendement ni les différents amendements, y compris celui du Gouvernement.
Mme la présidente. Madame Deromedi, le sous-amendement n° 1663 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1663 rectifié est retiré.
La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote sur l’amendement n° 361 rectifié.
M. Michel Vaspart. L’expérience du terrain montre que les sanctions ne sont pas suffisantes.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Michel Vaspart. En revanche, je rejoins Mme la corapporteur sur l’idée que le taux de 5 % du chiffre d’affaires est bien trop élevé.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Eh oui !
M. Michel Vaspart. Ayant été chef d’entreprise pendant vingt ans, je peux témoigner qu’un tel taux risque de mettre en péril n’importe quelle entreprise. Si l’amende est ramenée à 1 % du chiffre d’affaires, comme nous le proposons, le montant sera généralement inférieur au résultat de l’entreprise, ce qui ne met en péril ni l’entreprise ni les emplois.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je suis un peu étonné par les arguments de Mme la corapporteur. On peut appliquer son raisonnement – « pourquoi 1 % et pas 5 % ? » – à tout : pourquoi 2 millions d’euros et pas 4 millions d’euros ?
Le dispositif, nous dit-elle, est suffisamment dissuasif. Nous savons tous que ce n’est pas vrai ; cela dépend de la puissance du groupe.
M. Jean Desessard. Évidemment !
M. Marc Daunis. Cela signifie que nous nous condamnons à l’impuissance. Lors de son audition par la commission des affaires économiques, le président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, nous expliquait pourtant combien les pratiques en cause étaient redoutables.
Je ne pense pas que les choses puissent rester en l’état. Or c’est ce qui se passerait si nous suivions la position de Mme la corapporteur.
Il me paraît donc nécessaire de rétablir l’article dans la rédaction proposée par le Gouvernement. En privilégiant le statu quo, le législateur reconnaîtrait son incapacité à sanctionner de telles pratiques. Les amendes n’étant pas suffisamment dissuasives pour un certain nombre de groupes puissants.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je faisais partie de la commission des affaires économiques du Sénat lors de l’examen du texte sur les marges. Nous étions convaincus qu’il fallait agir, les industriels étant asphyxiés par les grands distributeurs. Comme nous l’avons vu, il existe neuf grands distributeurs, dont quatre se regroupent. Il reste donc cinq centrales d’achat, ce qui est très limité.
La loi impose que les négociations se terminent le 28 février, afin de préserver la stabilité des entreprises. Moi, j’aime l’entreprise ! J’aime l’entreprise qui voit clair, qui paie bien ses salariés, qui ne les met pas en situation de stress permanent, qui joue son rôle. Or les marges, qui supposent la renégociation continuelle, c’est l’insécurité, l’impossibilité pour l’entreprise d’embaucher à durée indéterminée faute d’être assurée de vendre au prix prévu. C’est l’instabilité totale. Ne me dites pas que l’on développe l’emploi ou la sécurité lorsqu’on renégocie constamment ! Le législateur avait prévu que les négociations entre distributeurs et fournisseur s’achèvent le 28 février pour lutter contre les marges arrière.
Madame la corapporteur, ce serait dissuasif si tout se passait bien ! Or les entreprises nous font savoir que les négociations reprennent dès le mois de mars ou dès le mois d’avril !
Un procès va avoir lieu au mois de juillet. Pourquoi faut-il prévoir un taux suffisamment élevé ? Vous avez raison, monsieur Vaspart : dans l’absolu, 1 % du chiffre d’affaires, cela paraîtrait justifié. Mais les industriels ont peur, et la peur doit changer de camp. Il faut montrer au distributeur qu’une pratique illégale est une pratique illégale !
M. André Trillard. Comme à Notre-Dame-des-Landes ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Si les industriels s’organisent pour engager un procès, il faut que cela ait un sens. S’il ne s’agit que d’un petit coup d’épingle pour les distributeurs, le procès achevé, ils se passeront le mot, et ceux qui auront osé briser la loi du silence ne pourront plus vendre leurs produits. Il faut donc témoigner d’une réelle volonté politique.
La proposition de M. le ministre me semble justifiée. Le montant de l’amende n’atteint jamais le plafond de 2 millions d’euros, atteignant au maximum 300 000 euros. Le taux de 5 % du chiffre d’affaires est un maximum destiné à montrer que l’on peut aller loin dans les marges des distributeurs. À présent, on estime également qu’il faut tenir compte de l’importance de l’infraction.
Madame la corapporteur, la situation est peut-être complexe, mais la proposition de M. le ministre, un taux à 5 % avec la prise en compte de l’importance de l’infraction, me paraît équilibrée. Je pourrais donc éventuellement envisager de retirer mon amendement et de me rallier à celui du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je comprends bien les arguments de Mme la corapporteur.
Mais on ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle. Je serais gêné que l’on ne profite pas de ce projet de loi pour envoyer un signal. Disons-le clairement : porter l’amende à 5 % du chiffre d’affaires, c’est totalement excessif !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est disproportionné !
M. Dominique de Legge. On peut faire dans la surenchère pour se faire plaisir. Mais l’objectif est tout de même de trouver une solution équilibrée.
Ne rien faire, ce serait donner un mauvais signal. Je me rallie donc à l’amendement qui a été présenté par notre collègue Michel Vaspart. Posons un acte, quitte à trouver le point d’équilibre au cours de la navette parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il y a deux positions dans ce débat. D’un côté, certains défendent, à juste titre, la fixation d’une amende dissuasive de 5 % du chiffre d’affaires. De l’autre, la commission spéciale préconise d’en rester à la situation actuelle, faisant preuve d’un grand immobilisme, ce qui est assez fréquent de sa part. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique de Legge. C’est une experte qui parle !
Mme Nicole Bricq. J’ai dit « fréquent » ; je n’ai pas dit « systématique » ! Bref, la commission spéciale souhaite que l’on ne change rien.
La solution retenue par le Gouvernement, qui fixe un principe de proportionnalité – madame la corapporteur, en droit, on sait ce qu’est la proportionnalité ; c’est bien une notion juridique ! –, me semble un bon compromis. Sans cela, aucune avancée positive ne sortirait du Sénat. Or, manifestement, il y a une volonté de faire bouger le curseur et de rendre les sanctions véritablement dissuasives sur toutes les travées.
Souvenez-vous du cas, certes éloigné du sujet, des yaourts. Durant des années, tout un petit monde s’est quand même fait beaucoup d’argent sur le dos des consommateurs ! Même si un yaourt ne coûte pas cher, il y a un effet de volume massif. La peine a été jugée très lourde pour certains, mais elle était proportionnelle aux prix pratiqués pendant des années.
Le Sénat s’honorerait à trouver un bon compromis et à montrer qu’il n’est pas là pour ne rien changer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Madame Bricq, la commission spéciale ne fait pas preuve d’immobilisme. Je vous rappelle qu’elle a mené un véritable travail de coproduction du texte. Nous avons déposé des amendements pour faire bouger les lignes. C'est tout sauf de l’immobilisme !
Ayant entendu ce qu’a indiqué notre collègue Dominique de Legge, je veux bien me rallier à la position de M. Vaspart. On peut effectivement considérer que le droit en vigueur n’est pas suffisamment dissuasif et qu’une sanction à 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France serait plus incitative pour contrer les pratiques illégales.
Dans ces conditions, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 361 rectifié. Encore une fois, nous ne sommes pas dans l’immobilisme, madame Bricq !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 10 D est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 437, 1549 rectifié et 1055 n’ont plus d'objet.
Article 10
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1056, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le 2° du I de l’article L. 121-1 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Le recours à des arguments nutritionnels portant sur des caractéristiques accessoires du produit et visant à attribuer à celui-ci des avantages et propriétés qu’il ne possède pas, ou à masquer son impact sanitaire réel, ou les arguments visant à attribuer des caractéristiques nutritionnelles sans rapport avec l’incidence sanitaire réelle selon le mode de consommation généralement pratiqué ; ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à compléter le code de la consommation pour ajouter une circonstance dans laquelle une pratique commerciale peut être considérée comme douteuse.
Plus précisément, il s’agit d’interdire les publicités commerciales présentant certaines caractéristiques des produits alimentaires en leur attribuant des avantages et des propriétés nutritionnelles sans rapport avec leur incidence sanitaire réelle.
Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans une volonté partagée d’améliorer les politiques en matière de santé publique. Ce souci a d’ailleurs beaucoup progressé ces dernières années, avec des campagnes d’ampleur, comme le fameux bandeau « Manger bouger », présent sur les publicités, même si ce n’est pas la panacée, ou encore les incitations à destination du jeune public à manger cinq fruits et légumes par jour.
Certes, de telles actions vont dans le bon sens. Mais elles se heurtent bien souvent à des campagnes de communication abusives de la part des marques de distribution alimentaire, qui reprennent à leur compte de manière fallacieuse le champ lexical du bien-être et de la santé. L’objectif de ces dernières est d’utiliser comme argument de vente l’idée que tel ou tel produit serait bénéfique pour l’organisme, la perte de poids, la beauté de la peau, le développement des os ou encore le sommeil et la digestion…
Notre amendement est d’ailleurs parfaitement cohérent avec le règlement européen n° 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé.
Mme la présidente. L'amendement n° 1550, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 1 du chapitre II du titre V du livre VII du code de commerce est complétée par un article L. 752-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 752-5-... – L'Autorité de la concurrence peut être consultée, en matière d'urbanisme commercial, par le ministre chargé de l'économie ou par le représentant de l'État dans le département, sur les projets de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme ou de plan local d'urbanisme intercommunal ou sur les projets de modification ou de révision de ceux-ci, et par le ministre chargé de l'économie ou le représentant de l'État dans la région sur le projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France ou sur les projets de modification ou de révision de celui-ci. L'avis doit être rendu avant l'ouverture de l'enquête publique.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à permettre la consultation de l’Autorité de la concurrence en matière d’urbanisme commercial par le ministre de l’économie, le représentant de l’État dans le département ou la région et l’organe délibérant localement compétent lors de la modification ou de la révision des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d’urbanisme, des plans locaux d’urbanisme intercommunal et du schéma directeur de la région d’Île-de-France.
Nous préférons rétablir l’article 10 plutôt que de modifier les règles d’urbanisme commercial, notamment les seuils, comme nombre de gouvernements ont pu le faire auparavant.
Les commissions départementales d’aménagement commercial, ou CDAC, et la Commission nationale d’aménagement commercial ont fait le constat que, pour avoir la meilleure animation commerciale sur nos territoires, il faut commencer par instaurer là où on le peut de la mobilité entre franchises et par éviter les positions dominantes.
Tel est l’objectif de l’article relatif à la mobilité interfranchises, dont nous avons précédemment discuté ; il s’agit de limiter dans le temps les franchises et les contrats. C’est aussi celui de la procédure d’injonction structurelle, que nous allons évoquer dans quelques instants.
Dans certains territoires, les documents d’urbanisme sont parfois trop contraignants.
Je veux ici lever toute ambiguïté : cet amendement prévoit de donner non pas un nouveau pouvoir à l’Autorité de la concurrence, mais juste la possibilité au représentant de l’État d’être éclairé sur la réalité de la situation dans certains territoires au regard du droit de la concurrence, dans le cadre du contrôle de légalité. Aujourd’hui, ce n’est possible que de manière contournée.