M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
 

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Débat sur la situation financière des conseils départementaux face à l’évolution de leurs charges

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la situation financière des conseils départementaux face à l’évolution de leurs charges, organisé à la demande des groupes UDI-UC et UMP.

La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, au nom du groupe UDI-UC.

M. Jean-Léonce Dupont, au nom du groupe UDI-UC. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la situation financière des conseils départementaux face à l’évolution de leurs charges, alors que nous ne savons pas ce que deviendront les départements dans la nouvelle organisation territoriale, notamment pour ce qui concerne la répartition de leurs compétences.

M. Jean-Léonce Dupont. Nous devrons attendre que le Parlement soit dans la dernière ligne droite… Dans ce flou général, les élus concernés ont bien du mal à se projeter dans un avenir à moyen terme.

Dans leur rapport annuel, les magistrats de la Cour des comptes affirment que « la vive progression […] des dépenses sociales et la moindre capacité des départements à ajuster leurs recettes pour couvrir l’ensemble de leurs dépenses rendent plus difficile le maintien d’un équilibre de moyen terme », ajoutant que « le statu quo n’est pas possible. »

Loin d’eux l’idée, souvent répandue au cours de ces derniers mois par certains, selon laquelle les départements seraient mal gérés. Simplement, ce sont plus de 80 % des dépenses de fonctionnement qui sont concentrées sur des charges obligatoires, difficilement compressibles. En 2015, par exemple, pour ce qui concerne le département du Calvados, le taux de rigidité des dépenses est de 82,6 %.

Le problème majeur que rencontrent aujourd’hui la plupart des départements se concentre sur le financement des allocations individuelles de solidarité, les AIS. Ainsi, les conseils généraux versent le revenu de solidarité active, ou RSA, à près de 1,6 million de bénéficiaires et dépensent à cette fin 11,6 fois plus qu’en 2003. De même, 1,2 million de personnes dépendantes bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA. Quant aux prestations attribuées aux handicapés, elles ont progressé de 120 % en cinq ans.

En 2015, ces trois allocations représentent dans le budget du département du Calvados, que je connais bien, près de 27 % des dépenses de fonctionnement, hors frais de gestion.

Les départements disparaîtraient que ce problème demeurerait entier et serait même pire, tant la départementalisation de l’action sociale s’est accompagnée, contrairement à ce que l’on peut souvent entendre, d’une maîtrise de la gestion des dépenses sociales.

Mais la réalité est là : depuis 2003, les dépenses sociales ont doublé. Aucune mesure de gestion, si saine soit-elle, n’y peut rien. Incidence de la crise économique, vieillissement de la population, mais aussi transferts de compétences de l’État vers les départements : tels sont les éléments de nature à expliquer cette inflation des dépenses.

Or les transferts financiers n’ont pas suivi. Le problème est aujourd’hui national. Car, si plus personne n’ignore les graves difficultés financières de notre système de protection sociale, les départements peinent à se faire entendre quant à l’impossible équation financière qu’ils doivent résoudre pour gérer les allocations nationales de solidarité.

Le problème est d’autant plus complexe qu’il s’accompagne d’une très grande disparité territoriale.

Ainsi, les bénéficiaires de l’APA représentent 3,7 % de la population du Nord, contre 12,8 % de celle de l’Aveyron. Il existe également des disparités sur le plan du financement : si le financement était entièrement local, un habitant de l’Essonne ne paierait que 78 euros par an au titre de la dépendance, alors qu’un Creusois débourserait 375 euros.

La part de l’APA dans le budget de l’Aveyron, de la Creuse et du Gers se situe autour de 14 %, contre moins de 5 % pour celui des Yvelines, de l’Essonne et des Hauts-de-Seine.

Si rien n’était fait pour combler ces inégalités, on pourrait rapidement aboutir, dans certains départements, à une véritable impasse budgétaire, pour ne pas dire une cessation de paiement (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.), compte tenu des perspectives économiques actuelles.

M. Bruno Retailleau. Sans compter la baisse des dotations !

M. Jean-Léonce Dupont. Permettez-moi de prendre également l’exemple du RSA.

Le taux de couverture par l’État des dépenses départementales liées à cette allocation – en 2004, il était de 92,2 % – n’a cessé de chuter, pour atteindre 71,3 % en 2013. Et chacun sait que la situation s’est encore dégradée entre 2014 et le début de cette année. Pour m’en tenir à l’exemple du Calvados, le reste à charge concernant le RSA est passé de 3 millions d’euros en 2005 à 33 millions d’euros dans le budget de 2015 !

M. Charles Revet. Il a été multiplié par onze !

M. Jean-Léonce Dupont. Ces transferts de responsabilité se sont accompagnés de changements d’affectation de personnels. Comme le souligne la Cour des comptes dans son dernier rapport sur les collectivités territoriales, l’effet des transferts de personnels en provenance de l’État, en lien avec la décentralisation des compétences, explique l’embauche de plus 80 000 personnels. Il ne s’agit donc en rien des suites d’une gestion irresponsable des élus locaux, une critique qui devient insupportable à entendre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Certes, ces transferts n’expliquent pas à eux seuls l’augmentation de la masse salariale. Les charges liées au personnel ont également crû sous l’effet du glissement vieillesse technicité, des mesures nationales en matière de revalorisation de l’indice de rémunération des fonctionnaires, de la réforme des catégories, de la garantie du pouvoir d’achat, autant de dispositions décrétées à l’échelon national.

L’État continue de décider seul de dépenses qui affectent le budget des collectivités territoriales.

M. Jean-Léonce Dupont. Ainsi, entre 2013 et 2015, les décisions unilatérales de l’État ont pesé pour plus de 8 millions d’euros dans le budget du département du Calvados. J’en veux pour preuve la réforme des rythmes scolaires, l’augmentation du RSA, le quota fixé pour l’accueil des mineurs étrangers isolés, dont la charge départementale est en train d’exploser, la revalorisation de la TVA, le changement du régime de cotisation de retraite des élus, etc.

Or, contrairement aux communes, les départements n’ont plus d’autonomie fiscale, à l’instar des régions. Si leurs charges augmentent, ils perçoivent une fiscalité qui tend à stagner, comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, voire à diminuer, tels les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, sur les transactions immobilières.

En outre, la réforme de la fiscalité locale a fortement réduit la capacité des départements à recourir au levier fiscal, alors que les conseils généraux sont les principaux financeurs du monde rural et périurbain.

Enfin, la baisse des dotations de l’État et l’augmentation de certains prélèvements viennent clore un cercle vicieux qui alimente un déficit structurel chronique.

Dès lors, et pour faire face à ces dépenses obligatoires, les conseils généraux doivent arbitrer sur les autres postes budgétaires – charges de personnel, entretien des routes, par exemple –, afin de dégager des ressources supplémentaires. Les investissements pâtissent donc d’une diminution de la capacité d’autofinancement de nos collectivités. Le présent au détriment de l’avenir....

La situation des départements est sans rapport avec celle des autres niveaux de collectivités territoriales. Le problème, on l’a dit, est structurel : les dépenses des départements liées au financement du RSA, de l’APA et de la PCH, la prestation de compensation du handicap, sont contracycliques – elles augmentent lorsque l’économie va mal, comme c’est le cas actuellement –, tandis que les recettes, telles que la CVAE, les DMTO ou encore la TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties, sont, en théorie, procycliques et, en pratique, pour la plupart d’entre elles, figées.

Dans leur étude sur la prospective financière des collectivités locales à l’horizon 2020, Guy Gilbert, professeur à l’École normale supérieure de Cachan, et Alain Guengant, directeur de recherche honoraire au CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, ont conclu que « le modèle financier des départements ne peut pas résister à la baisse des dotations de l’État ».

M. Jean-Léonce Dupont. Cette étude rejoint l’analyse unanime de l’ensemble des observateurs des collectivités locales et fait écho au signal d’alarme tiré par l’Assemblée des départements de France.

Au-delà de ces constats alarmants, quelles solutions peut-on apporter ?

Tout d’abord, il faudrait dispenser les départements de contribuer au redressement des comptes publics ou, à tout le moins, exclure de leur assiette, dans le poids des dépenses publiques locales, les dépenses relevant d’une compétence nationale, …

M. René-Paul Savary. Absolument !

M. Jean-Léonce Dupont. … comme les allocations individuelles de solidarité. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Ensuite, au-delà du nécessaire respect de l’article 40 de la Constitution prévu pour toutes les dépenses votées par le législateur, il faudrait soit rééquilibrer la fiscalité directe entre le bloc local et le bloc départemental, soit abandonner le principe des recettes locales au profit d’un pourcentage des recettes nationales. Jusqu’à présent, je n’y étais pas favorable, mais les conséquences catastrophiques de décisions prises par les gouvernements qui se sont succédé m’amènent à réfléchir à ces possibilités.

Parallèlement, et sur le fond, l’action sociale doit être remodelée, en redéfinissant, par exemple, les conditions d’accès aux allocations individuelles de solidarité, …

M. André Reichardt. Tout à fait !

M. Jean-Léonce Dupont. … sur le mode de ce qui avait été envisagé dans le cadre du projet de loi relatif à la création d’un cinquième risque. On ne peut indéfiniment continuer à augmenter les dépenses à l’échelon gouvernemental en accroissant les mesures généreuses, sans se préoccuper de leur financement au plan départemental.

Aujourd’hui, nous sommes rattrapés par la réalité. Aussi, il nous revient, mes chers collègues, de mettre en œuvre les dispositions qui s’imposent pour adapter le système actuel de protection sociale, en vue de le faire perdurer. À défaut, nous courons collectivement le risque de porter la responsabilité de l’effondrement de ce système. Il est plus que temps d’agir. Les paroles lénifiantes ne suffisent plus ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, au nom du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Paul Savary, au nom du groupe UMP. Je vous remercie de vos encouragements, mes chers collègues. Car, cela n’aura échappé à personne, quelle épreuve redoutable et quel exercice difficile de parler des finances départementales ! Après des tergiversations, le département apparaît comme un échelon incontournable, et vous-même l’avez dit, monsieur le secrétaire d'État. Il est donc bel et bien là – les élections départementales approchent –, autant qu’il vive ! Après avoir voulu le supprimer, le Gouvernement a décidé de le maintenir. Alors donnons-lui les moyens d’exercer ses compétences et de répondre aux difficultés que rencontrent nos concitoyens, ceux-ci étant, à juste titre, exigeants à l’égard des conseils généraux qui ont su leur octroyer des aides.

Je ne reviendrai pas sur les propos, que je partage bien sûr entièrement, de Jean-Léonce Dupont, me contentant d’analyser les critères retenus pour l’attribution des notations que l’on voit actuellement fleurir dans les médias, pour montrer que se cache peut-être derrière un changement de mentalité si le Gouvernement a la volonté, monsieur le secrétaire d'État, d’assurer la survie des départements. D’ailleurs, si l’on voulait les tuer, on ne s’y prendrait pas différemment. Si l’on continue ainsi, de façon très naturelle, les départements mourront très rapidement.

Il est vrai que les budgets des départements sont complètement déséquilibrés. C’est à se demander s’il y a de bons et de mauvais gestionnaires. L’association Contribuables associés – j’ai, bien sûr, retenu le classement qui m’arrangeait le plus ! – a attribué au département de la Marne, comme à trois autres départements, me semble-t-il, un vingt sur vingt. (Marques d’admiration sur les travées de l'UMP.) Fait extraordinaire !

M. Charles Revet. Cela ne nous étonne pas ! (Sourires.)

M. René-Paul Savary. Cela voudrait dire que ce département est bien géré. En tout cas, c’est ce que les contribuables estiment, mais je me demande si l’État nous délivre le même satisfecit, ce dont je ne suis pas tout à fait sûr…

Depuis un certain temps, je le savais, c’est ancestral, le département de la Marne, de taille moyenne, a un budget bas : il occupe la 100e position pour ce qui concerne les recettes de fonctionnement par habitant, ce parce que depuis très longtemps – c’est la réalité ! – sa fiscalité est basse, quasiment nulle. Or, du point de vue des dotations, qui sont un élément important dans le budget des départements, l’État pénalise cette collectivité n’ayant pas fait appel à la fiscalité parce qu’elle respecte le contribuable. Autrement dit, si vous veillez à ne pas augmenter les prélèvements opérés sur vos concitoyens, vous êtes pénalisé par l’État ! C’est d’autant plus surprenant que nos dépenses de fonctionnement sont les plus basses, avec 750 euros par habitant, contre une moyenne de 1 000 euros, soit 25 % en moins. Il s’agit non seulement des frais généraux, mais également des dépenses sociales et en personnel. Cela signifie, monsieur le secrétaire d'État, qu’on peut tout de même faire une politique sociale. Le département est donc le bon échelon pour mener une politique sociale supportable par le contribuable.

J’en veux pour preuve nos ratios concernant le placement des enfants en crèche, dans les structures familiales ou collectives, qui sont supérieurs à la moyenne nationale. Il en va de même pour les personnes âgées. Il est donc possible, je le répète, de faire une politique sociale. Mais il faut être attentif à la répartition des compétences.

Par ailleurs, le taux d’investissement dans mon département est bas par rapport à celui d’autres départements. Sa note dans le classement précité est de vingt sur vingt, alors que l’Isère obtient seulement dix sur vingt ! (M. le secrétaire d’État marque son étonnement.)

M. Bruno Sido. Ça n’est pas bien !

M. René-Paul Savary. Que les choses soient claires : ce n’est pas pour autant que la gestion de l’Isère est mauvaise ; cette note est calculée en fonction de certains critères.

Cela étant, notre taux d’endettement pour ce qui concerne les investissements est moitié moindre que celui d’autres départements : nous investissons donc à hauteur de nos moyens, sans vivre au-dessus de ceux-ci. Le corollaire est que nous sommes pénalisés du point de vue des dotations et des péréquations. En effet, si un département n’est pas fortement endetté, on lui dit qu’il peut faire appel à la dette ou à la fiscalité, et il est moins aidé.

Par conséquent, il faudra changer de paradigme. Tout au long du XXe siècle a prévalu le principe « aide-toi, le ciel t’aidera ! », qui a conduit à une inflation de la fiscalité ou de l’endettement. Cela ne peut pas continuer ! Notre pays est déjà surendetté, et nos citoyens en ont assez de payer des impôts. Il faut donc changer de modèle, et voter des lois différentes pour financer les départements.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. René-Paul Savary. Pourquoi les départements vont-ils être en faillite, c’est-à-dire en déficit de fonctionnement comptable, comme Jean-Léonce Dupont l’a déjà annoncé ? Un certain nombre de décisions méritent d’être rappelées.

Tout d’abord, en trente ans de décentralisation, les compétences sociales, qui représentent 10 % de plus par an sur le budget de fonctionnement des départements, se sont traduites par 300 % de charges de fonctionnement supplémentaires. Il en résulte, en parallèle, une diminution de l’autofinancement, et une répercussion sur le budget.

Les décisions parisiennes sont insupportables ! Ainsi, une modification des conventions collectives implique automatiquement des surcharges pour les collectivités départementales. Un changement – M. Doligé le sait bien – des heures de garde des sapeurs-pompiers professionnels conduit à des embauches supplémentaires toujours à la charge des départements. Et je vous rappelle, mes chers collègues, les dépenses imposées liées à la réforme des rythmes scolaires, à l’augmentation de 2 % du revenu de solidarité active, décision prise par le Premier ministre précédent. Je ne critique pas la mesure, mais celle-ci est assumée par le budget départemental, avec les effets qui en découlent.

M. Bruno Sido. C’était facile !

M. René-Paul Savary. On le constate, par conséquent : la capacité d’autofinancement des départements diminue chaque année. En 2015, 2016 ou 2017, pour l’ensemble des départements, un déficit de fonctionnement est à craindre. Il ne pourra pas être longtemps subi et il pénalisera l’investissement.

Il faudrait arrêter de diminuer la dotation globale de fonctionnement, ou DGF. C’est insupportable, d’autant que les départements contribuent à la solidarité nationale, sans bénéficier de la compensation des allocations de solidarité.

Il faudrait aussi modifier les règles comptables. Est-il normal d’amortir les subventions d’investissement que l’on donne aux communes ? Cela modifie la structuration budgétaire et précipite les départements dans un déficit de fonctionnement comptable.

Il faudrait également revenir à de bons principes. On ne peut continuer ainsi, avec des décisions nationales aux implications locales. Le décideur doit être le payeur, sinon les départements seront asphyxiés ! (Approbation sur les travées de l'UMP.)

Enfin, coup de grâce : le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « projet de loi NOTRe » ! Monsieur le secrétaire d'État, si vous persistez à faire en sorte que la gestion de proximité – je pense aux routes notamment – ne soit plus confiée aux départements, vous allez accélérer ce déficit de fonctionnement, et il ne se passera plus rien sur les territoires.

Par ailleurs, je vous rappelle que, compte tenu de vos propositions concernant les routes et les transports scolaires, vous transférez des dépenses pour les départements qui deviennent des recettes pour les régions, ce de façon chronique. L’argent des départements va aux régions !

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Ce n’est pas fait !

M. René-Paul Savary. Certes, mais soyons attentifs ! Je vois bien que vous renvoyez tout cela à après les élections départementales. N’y aurait-il pas une arrière-pensée ? (Approbation sur les travées de l'UMP.)

Cela étant, les collectivités qui ont investi vont transférer plus d’argent que celles qui n’ont pas fait leur travail. Celles qui vont payer ne seront pas celles qui bénéficieront systématiquement des réalisations effectuées. L’affaire est mal engagée.

En conclusion, les départements sont une structure de proximité. Ils peuvent favoriser la relance économique très rapidement si quelques mesures sont prises, et offrir à nos concitoyens des services au meilleur coût, avec la meilleure organisation. Ce n’est pas ce qui nous est actuellement proposé par le biais du projet de loi susvisé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du groupe de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Je me réjouis de l’initiative prise par les groupes UDI-UC et UMP d’organiser le présent débat sur les finances départementales, après celui que nous avons eu voilà quelques semaines sur les finances locales.

Les finances départementales connaissent les mêmes problèmes généraux que les finances locales prises dans leur ensemble : recettes fiscales propres archaïques, baisse drastique des dotations, augmentation des charges obligatoires. Toutefois, des spécificités doivent être relevées pour les départements ; je pense bien entendu à l’incertitude actuelle quant au périmètre des compétences et des missions qui leur sont dévolues.

Mais commençons avec un peu de légèreté. Le changement de nom du conseil général en conseil départemental résulte de la loi de 2013, qui a inauguré le désormais bien connu binôme départemental. Quoi de plus anodin qu’un changement de nom ? Ce n’est pas compliqué à intégrer dans un texte ! Bilan des opérations : entre 2 millions et 3 millions d’euros de dépenses pour les départements, qui vont devoir assumer le coût des travaux, les mises à jour des sites internet et toutes les mesures rendues nécessaires par cette coquetterie législative. Et c’est un exemple parmi d’autres.

La réalité est la suivante : les départements, à l’instar de l’ensemble des autres collectivités territoriales, passent clairement pour les dindons de la farce de ce que certains appellent encore « pacte de responsabilité ».

Force est de constater que la politique de maîtrise de la dépense publique mise en œuvre voilà un peu moins d’un an par le Gouvernement repose en fait presque exclusivement sur la réduction des dotations de l’État aux collectivités. Cette première injustice se couvre d’un manteau d’incertitude face à ce mystérieux acte III de la décentralisation, auquel plus personne ne comprend rien. L’incompréhension et l’incertitude sont telles que l’on ne sait plus si le Gouvernement souhaite supprimer les départements, les conseils départementaux, ou revoir encore leurs compétences, une fois le projet de loi NOTRe adopté.

En réalité, il n’y a qu’une seule certitude aujourd’hui : les départements ont été fragilisés à un point peut-être jamais atteint. Ils l’ont été non seulement politiquement, mais aussi financièrement, aussi bien en recettes qu’en dépenses.

Leurs charges n’ont jamais été aussi lourdes. Généraliste malgré lui de la politique sociale, le département a été frappé de plein fouet par l’ampleur de la crise économique et du chômage. De fait, nos cent un départements supportent les 9 milliards d’euros que représente le revenu de solidarité active socle, soit un peu moins de 90 millions d’euros par collectivité ! Qui peut croire aujourd’hui que ces dépenses vont diminuer ? Face à la situation économique gravissime dans laquelle notre pays se trouve – plus de 5 millions de personnes sans emploi –, il est évident que ces dépenses vont structurellement évoluer à la hausse. À ce titre, je m’inquiète particulièrement de la nouvelle prime d’activité présentée un peu à la va-vite par le Gouvernement dans le dernier projet de loi de finances rectificative. Cette prime, qui a vocation à remplacer le revenu de solidarité active et la prime pour l’emploi, a encore un champ d’application très flou. Mais c’est l’une des caractéristiques de nos textes actuels : le flou généralisé. Quoi qu’il en soit, je crains que le champ de cette prime d’activité ne soit davantage élargi, rendant le coût global encore plus lourd pour nos territoires ! Monsieur le secrétaire d’État, qui paiera ? Les départements seront-ils mis à contribution ?

Il ne faut pas non plus oublier d’autres dépenses particulièrement dynamiques. Elles sont d’autant plus structurelles qu’elles sont liées, non pas à la conjoncture économique, mais à la démographie. Je pense bien évidemment au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie et de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. À ce titre, je regrette que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ne permette pas d’analyser l’incidence financière de la hausse du nombre de nos seniors frappés par la dépendance sur les budgets des départements, qui seront une fois de plus en première ligne.

Ces dépenses, liées au statut de chef de file des départements en matière de politique sociale, représentent plus de la moitié des budgets de ces derniers. C’est un poste colossal, c’est un poste dynamique, et ce n’est pas un poste unique. J’aurais pu évoquer les compétences en matière de lutte contre la précarité énergétique, le financement des collèges, les 100 000 personnels techniciens, ouvriers et de service, les personnels TOS, ou encore les compétences culturelles, sans, bien évidemment, oublier la gestion des routes départementales.

Les dépenses départementales connaissent les mêmes difficultés que celles des autres collectivités ; je pense principalement à l’évolution des coûts de fonctionnement. Le dernier rapport de la Cour des comptes relatif aux finances locales a été particulièrement sévère sur ce point. Ainsi, depuis 1983, les dépenses de fonctionnement auraient enregistré une hausse de plus de 3 % en moyenne par an. Elles augmentent sensiblement plus vite que les recettes. Mais à qui la faute ?

Nous savons tous à quel point la masse salariale est rigide du fait de son statut principalement public et à quel point elle est également dynamique. Entre la hausse des cotisations retraite, la revalorisation des catégories B et C, la garantie individuelle du pouvoir d’achat, le glissement vieillesse technicité, les contributions de formation au Centre national de la fonction publique territoriale, la hausse de la part employeur de la cotisation retraite, et même la hausse de la TVA qui freine de fait les décisions d’investissement, il n’est plus rare de trouver des départements qui ne maîtrisent même plus 20 % de leur budget.

J’aimerais pouvoir dire qu’un important effort de gestion serait suffisant pour pallier ces dépenses contraintes en hausse, mais, malheureusement, même les bons gestionnaires sont désormais pris au piège.

Face à un florilège de compétences particulièrement lourdes, les recettes ne sont clairement pas au rendez-vous.

Pour synthétiser les choses, nous pourrions dire que la politique sociale, décidée par l’État et exécutée par les départements, est financée par une fiscalité archaïque assise sur la dynamique du marché immobilier, et par une palette de taxes plus ou moins fiscales, allant de la taxe sur les conventions d’assurance jusqu’à la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, la TIPP.

Jusqu’en 2011, nous avons vécu avec l’idée que les droits de mutation étaient tellement dynamiques qu’ils justifiaient finalement que le Gouvernement ne prête pas un grand crédit aux appels et aux signaux envoyés par les présidents de conseil général. Quelle erreur d’analyse, lorsque l’on sait que la taxe sur le foncier bâti est la seule ressource fiscale sur laquelle le conseil général a encore un véritable pouvoir en termes de taux !

Il s’en faut de beaucoup, nous le savons tous, que le secteur du bâtiment et de l’immobilier se porte bien depuis l’adoption de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. En vérité, cette loi Duflot restera un exemple éclatant du tort qu’un mauvais texte peut causer à une économie fragile !

Résultat : alors que les dépenses des conseils généraux augmentent naturellement, leurs recettes sont peu dynamiques et les dotations de l’État baissent.

Encore a-t-il fallu que le Gouvernement, comme si le tableau n’était pas assez sombre, s’évertue à pimenter un peu plus la gestion départementale en jetant un voile de défiance sur l’avenir des conseils généraux. En effet, les annonces et contre-annonces successives sur la disparition de ceux-ci ont achevé de donner aux départements l’image, désormais classique, du bateau qui sombre dans l’abîme.

Une aussi délétère campagne de communication n’a pas été sans conséquences : ainsi, comment voulez-vous souscrire un emprunt bancaire lorsque vous représentez un exécutif local dont l’existence est menacée à moyen terme ? Les emprunts toxiques avaient déjà donné une mauvaise image de la gestion financière locale ; la date de péremption inscrite au fronton de l’ensemble des conseils généraux finira de convaincre les banques de systématiser les primes de risque pour le financement des investissements départementaux.

Tout aussi désastreuses sont les conséquences de cette campagne en matière de ressources humaines : on ne monte pas dans un bateau qui coule, on le fuit ! Comment réaliser une saine gestion des ressources humaines lorsqu’il est acquis qu’il n’y a pas d’avenir dans l’administration départementale ?

Reste une dernière conséquence, qui est peut-être la plus grave : comment convaincre nos concitoyens d’aller voter les dimanches 22 et 29 mars prochain pour les élections départementales, alors que les anciennes élections cantonales attiraient déjà peu les électeurs ? Croit-on qu’ils se déplaceront plus nombreux pour choisir des élus qu’ils verront davantage comme des liquidateurs de leur ancien conseil général que comme de véritables décideurs de proximité ?