M. Christian Cambon. C’est une mauvaise interprétation de l’amendement !
M. Roland Courteau. Il est dommage que ces quelques clivages subsistent, car nous avons, par ailleurs, un texte d’avant-garde, qui, d’une certaine manière, invente le futur. Néanmoins, la mort dans l’âme, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup craignaient que le Sénat détricote complètement le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte et que nous nous retrouvions donc cet après-midi devant un tas de pelotes consciencieusement rembobinées. Finalement, reconnaissons-le, ce n’est pas le cas. Certes, l’ensemble tricoté par l’Assemblée nationale a quelque peu été modifié, des morceaux ayant été enlevés, d’autres rajoutés, certains éléments étant pour le moins rapiécés. Néanmoins, il n’a pas disparu.
Dans les étoffes nouvellement tissées par le Sénat, nous noterons ainsi plusieurs embellissements, sur la rénovation énergétique des logements par exemple. Le fait de ramener de 2030 à 2020 la date limite pour l’obligation de rénovation du parc de logements privés est une avancée forte crédibilisant l’objectif de réhabilitation de 500 000 logements par an à l’horizon de 2017, surtout que cette mesure est complétée par l’obligation, introduite à la suite du vote d’un amendement écologiste, de rénovation au moment des mutations à partir de 2030. Ce fut une jolie bataille parlementaire…
Sur ce point, le Sénat a donc fait œuvre utile pour crédibiliser l’objectif intermédiaire de réduction de 20 % de la consommation d’énergie en 2030. On ne comprend donc pas très bien pourquoi il a supprimé cet objectif de l’article 1er, ce qui n’est pas très logique.
Avant de revenir sur les incohérences esthétiques du patchwork élaboré, permettez-moi de signaler quelques autres jolies pièces cousues par le Sénat.
Le groupe écologiste a notamment apprécié la création d’une filière REP pour les bateaux de plaisance, laquelle permettra de réduire l’encombrement des ports par les bateaux épaves ou le droit pour les habitants des petites îles non connectées de choisir leur distributeur d’électricité, ce qui devrait accélérer l’autonomie énergétique de ces territoires, futures vitrines du développement des énergies renouvelables. Nous remercions Mme la ministre d’avoir soutenu nos propositions.
Parmi les plus belles pièces, nous sommes évidemment très fiers d’avoir réussi à accrocher l’obligation de raccordement dans les dix-huit mois des installations renouvelables, ce qui devrait accélérer leur développement, même si nous avons bien cerné l’accroc, pour ne pas dire le trou de mite géant, qui a saccagé les possibilités de développement de l’éolien terrestre avec l’interdiction de leur implantation à moins d’un kilomètre de toute habitation. Je ne sais pas si tout le monde l’a bien intégré, mais le vote de cet amendement surprise aura aussi logiquement pour conséquence de geler toute urbanisation dans un rayon d’un kilomètre autour des éoliennes déjà installées, donc de réduire à néant les projets d’urbanisme de milliers de communes françaises. C’est évidemment absurde, mais nous abritons dans nos rangs quelques couturiers attirés par le surréalisme. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Malheureusement, faire d’un ensemble de pièces de tissus recoupées et disparates un costume cohérent n’est pas des plus aisés, surtout quand certains manient le ciseau un peu frénétiquement. Nous avons ainsi un groupe spécialisé dans les coupes et les modifications de forme : 50 % de nucléaire en 2050, je coupe ; 63,2 gigawatts pour la production de nucléaire, je rehausse le col jusqu’à 64,85 gigawatts. On ne sait jamais, des fois qu’il fasse un peu froid l’hiver prochain…
Le refus complet par le Sénat des nouvelles tendances du renouvelable pour un repli entêté vers les modes anciennes dites du « tout-nucléaire », pourtant obsolètes partout ailleurs dans le monde, aura ainsi été une constante du débat dans notre hémicycle. Malgré la faillite d’Areva, fleuron du toujours prêt-à-porter « tout-nucléaire français », avec 5 milliards d’euros de passif – rendez-vous compte de la somme ! –, le Sénat n’aura pas soutenu la nécessité de développer rapidement de nouvelles offres industrielles à l’immense demande mondiale de développement des énergies renouvelables. Cependant, madame la ministre, je veux rendre hommage à votre éloquence, à l’occasion de la défense de l’article 1er, pour convaincre le Sénat du potentiel de création d’emplois industriels de ces filières d’avenir des énergies renouvelables.
Finalement, nous voici donc avec une confection assez étrange, à partir du costume plutôt seyant que nous avait livré l’Assemblée nationale, sur lequel vous aviez beaucoup travaillé, madame la ministre. Ainsi, les députés, avec votre approbation, ont intégré les propositions des groupes de travail du débat national sur la transition énergétique, notamment, comme l’a rappelé Chantal Jouanno, sur le rôle renforcé des collectivités territoriales, qui mèneront réellement sur le terrain cette transition énergétique.
Des ajustements nécessaires par rapport au premier patron étaient néanmoins à faire. À ce sujet, je veux aussi rendre hommage aux rapporteurs du Sénat, qui ont souvent proposé des retouches pertinentes. Des embellissements régulièrement, mais pas seulement, proposés par le groupe écologiste, souvent soutenus par Mme la ministre, ont permis de montrer que nous étions capables de travailler collectivement.
Il y a du positif dans ce que nous avons fait, mais, in fine, nous obtenons une coupe déséquilibrée et un patchwork disparate aux coutures fragiles. Nous ne sommes pas dans la haute couture, ni même dans le rapiéçage : il faudrait trouver un autre nom ! Mais à propos de non, c’est finalement pour le groupe écologiste un refus résolu de cette proposition déstructurée. Nous voterons donc contre.
Le costume qui sort du Sénat ne peut pas tenir bien longtemps. Certains le pensent même suffisamment fragilisé pour se déliter rapidement, car le projet est bien d’en rester à l’ancien costume du modèle énergétique français, dont certains, ici, ont encore le culte, malgré ses usures et le coût faramineux de son entretien. Nous préférons donc retravailler à partir du texte issu de l’Assemblée nationale, conforme au croquis du Président de la République. C’est la base pour créer un costume solide pour l’avenir, moderne et innovant, capable d’affronter toutes les variations météorologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.
M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous voudrions dans un premier temps saluer la qualité des débats qui ont animé cet hémicycle pendant près de deux semaines. Nous ne pouvons pas nier qu’il y a eu de réelles avancées par rapport au texte initial. Nous nous félicitons aussi, évidemment, de l’adoption de trois de nos amendements sur des aspects importants du projet de loi.
Parmi les avancées, nous comptons les objectifs de réduction d’énergie d’origine nucléaire. Certes, certains pensent que le texte ne va pas assez loin, le palier de 2025 ayant été supprimé et la capacité de production ayant été revue à la hausse afin d’intégrer l’EPR de Flamanville.
Pour les sénateurs du groupe CRC, s’il était important d’inscrire dans la loi un objectif de réduction de la part du nucléaire qui nous engage dans la transition énergétique, il fallait un objectif réaliste et atteignable, en adéquation avec la nécessité de réduire notre empreinte carbone et susceptible de nous permettre de consommer autrement pour des usages identiques. Il importait aussi qu’il tienne compte d’une relance indispensable de notre industrie, dans le respect de l’environnement.
Nous saluons également des avancées en termes de rénovation énergétique. Là encore, les objectifs, s’ils sont ambitieux, ne sont pas financés. Toutefois, le projet de loi a le mérite d’esquisser des solutions afin de lutter contre les passoires énergétiques. À cet égard, la réécriture du dispositif permettant la dérogation aux règles d’urbanisme est une bonne chose, de même que l’assouplissement des méthodes de rénovation. La priorité donnée à la rénovation des habitations des ménages aux revenus les plus faibles, souvent en situation de précarité énergétique et de consommation, est également positive. Ces éléments sont, en quelque sorte, une première étape vers plus d’efficacité énergétique dans les bâtiments. Je ne doute pas que le dispositif pourra être encore amélioré.
Enfin, sans être exhaustifs, nous pensons que les avancées en termes d’économie circulaire et de gestion des déchets sont également à souligner. Ainsi, la lutte contre le gaspillage des matières premières est une réelle avancée, et nous ne pouvons que nous féliciter de l’adoption d’une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, avec une priorité pour celles issues du recyclage ou de sources renouvelables. Il en est de même de l’interdiction de l’enfouissement des déchets dans les terres agricoles, qui est une réelle victoire pour notre groupe.
Cependant, si le délit d’obsolescence programmée a été confirmé, seule une définition réduite de ce dernier sort de nos travaux. C’est un premier pas dans le bon sens, mais nous ne pouvons faire l’économie d’un affichage obligatoire de la durée de vie des produits, d’une extension de la durée légale de garantie ou encore de la mise à disposition obligatoire de pièces détachées.
De plus, à nos yeux, les questions de l’étalement urbain, de la place des transports publics et du report modal ne sont pas suffisamment prises en compte dans le projet de loi.
Enfin, la lutte contre la précarité énergétique reste insuffisante et le manque de moyens criant : ni mise en place d’un service universel de dernier recours ni renforcement des compétences du médiateur de l’énergie. Il y a plus grave encore : la majorité du Sénat a adopté un amendement tendant à revenir sur l’interdiction des coupures d’eau.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Pas pour les précaires !
M. Jean-Pierre Bosino. Selon nous, cette mesure, qui suscite beaucoup d’émotion, est une faute politique.
La lutte contre la précarité énergétique semble plus symbolique que réelle. Nous regrettons que cette mesure positive qu’est l’élargissement du chèque énergie se fasse au détriment des tarifs sociaux : nous restons enfermés dans la logique d’une hausse du prix de l’énergie due avant tout aux dogmes de la concurrence libre et non faussée. À cet égard, le refus de modifier un tant soit peu le taux de TVA pour un bien aussi essentiel que l’électricité est parlant.
À nos yeux, le projet de loi s’inscrit bien dans une démarche d’ensemble tendant à la privatisation du secteur de l’énergie. Ainsi, il propose un modèle énergétique loin des principes qui ont guidé la construction de ce secteur en France à la Libération : la péréquation et l’égalité de tous, en tout point du territoire.
Ce texte organise la territorialisation rampante de l’énergie. Il met en cause ce qui reste d’un service public national de l’énergie. Les territoires à énergie positive, tout comme les pôles territoriaux énergétiques, organisent la concurrence entre les collectivités et esquissent un modèle énergétique en circuit fermé, voire en autarcie. Tel n’est pas le système que nous défendons.
Il en va de même de la possibilité offerte aux collectivités territoriales d’entrer au capital de sociétés totalement privées ou encore de financer en lieu et place des banques des travaux de rénovation énergétique.
Le projet de loi confirme et accentue la marchandisation de ce secteur : renforcement du marché de capacité, renforcement du marché de l’effacement au profit des monopoles privés, sous couvert de réalisation d’économies d’énergie et, enfin – ce n’est pas le moins grave –, privatisation du secteur historique de l’hydroélectricité, même si Mme la ministre a tenté de nous démontrer qu’il ne s’agissait pas de cela.
Le présent texte ne peut être lu indépendamment du projet de loi Macron, dont le Sénat va prochainement débattre. Ce second projet de loi favorise le tout-routier au détriment de la sécurité et des objectifs de réduction des émissions de CO2.
Que dire de la libéralisation du transport interurbain et de l’ouverture à la concurrence de lignes d’autocars interurbaines régulières ? Mes chers collègues, nous le savons tous, cette arrivée des opérateurs privés nuira fortement à l’équilibre, déjà souvent précaire, de lignes ferroviaires dans lesquelles les régions ont beaucoup investi. Le projet de loi Macron, je le rappelle, n’est que la mise en œuvre de préconisations du rapport Attali, que nous avons combattu.
Que dire de la volonté du Gouvernement de céder de nouvelles participations du groupe EDF ? Certes, il s’agit d’un autre projet de loi, mais nous ne pouvons penser un texte en dehors de tout contexte politique et législatif. De surcroît, l’écologie ne peut être le prétexte pour la libéralisation de marchés et le démantèlement de l’égalité républicaine.
Pour toutes ces raisons, et en le regrettant, les membres du groupe CRC ne voteront pas le projet de loi relatif à la transition énergétique. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Robert del Picchia. C’est dommage !
M. Jean-Pierre Bosino. Certaines dispositions vont certes dans le bon sens, mais elles auraient sans doute mérité un projet de loi spécifique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous apprêtons à clore dix jours de débats intenses et constructifs. Je ne ferai pas durer le suspense : les membres du groupe auquel j’appartiens voteront quasi unanimement, à une abstention près, le texte qui nous est proposé.
MM. Robert del Picchia et Charles Revet. Très bien !
M. Jacques Mézard. En effet, ce qui compte pour nous, c’est le contenu et non le climat général, et nous considérons que le présent texte va dans le bon sens.
À l’origine, le projet de loi avait pour ambition de fixer le cadre d’un nouveau modèle énergétique français plus diversifié, plus équilibré, vers une croissance porteuse de compétitivité pour nos entreprises, valorisant les nouvelles technologies, créatrice d’emplois durables et luttant contre le réchauffement climatique.
Une fois de plus, le Sénat a démontré son utilité,…
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Jacques Mézard. … en apportant des modifications essentielles à un texte qui, après son examen par l’Assemblée nationale, avait perdu en lisibilité et en cohérence : multiplication de rapports, objectifs irréalistes, dispositions parfois incantatoires, etc. À cet égard, je répondrai à notre collègue écologiste que l’Assemblée nationale avait pour partie bâti un costume virtuel… (Sourires sur les travées du RDSE et de l'UMP.)
Les commissions des affaires économiques et du développement durable du Sénat, grâce au travail rigoureux de leur rapporteur, ont largement contribué à façonner un texte plus équilibré.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. M. Lenoir a eu raison de recadrer le débat relatif à l’électricité et à l’énergie carbonée. Il a souligné à juste titre qu’il ne fallait pas opposer la filière nucléaire, à laquelle les membres de notre groupe sont fondamentalement attachés, et les énergies renouvelables.
En outre, je salue la qualité du dialogue que Mme la ministre a su instaurer dans ce débat, ce qui a aussi contribué à la réussite de l’examen de ce texte.
Nous avons bien quelques regrets, mais qui n’en a pas à propos de textes si importants ?
Tout d’abord, nos regrets portent sur les moyens. En effet, nous déplorons que la fiscalité soit la grande oubliée de ce texte, alors qu’elle constitue un outil indispensable à la réussite de la transformation énergétique de notre pays.
Madame la ministre, vous avez souvent eu l’occasion de rappeler que les mesures fiscales relevaient des lois de finances. C’est vrai, mais force est de constater que les dispositions en question n’ont pas été envisagées dans le cadre de la loi de finances pour 2015… L’enjeu des moyens a souvent et légitimement été soulevé au fil de ces longs débats. À nos yeux, ceux-ci restent, hélas ! bien en deçà de l’ambition des objectifs affichés.
Ensuite, sur un point plus particulier, nous regrettons qu’une valorisation de l’hydrogène, qui est une énergie décarbonée, n’ait pas été garantie via le présent texte. Nous avions pourtant déposé des amendements tendant à aller dans ce sens.
Quant à la nécessité d’accompagner les énergies renouvelables, elle n’est pas contestable : elle constitue une véritable priorité pour le pays. Or, en la matière, nombre de contradictions demeurent entre les discours et les réalités de terrain. Je songe en particulier aux énergies renouvelables.
Nous considérons que d’importants investissements dans la recherche des technologies dans le domaine du stockage des énergies sont indispensables et doivent devenir prioritaires, notamment, je le répète, pour l’hydrogène : faute d’un tel effort, il ne sera pas possible de passer à l’ère post-carbone. À cet égard, je rappelle ce que j’ai dit lors de la discussion générale : le réseau intelligent est, pour nous, l’enjeu fondamental des prochaines années. Il s’agit ni plus ni moins que de la synergie entre les réseaux énergétiques et numériques.
M. Bruno Retailleau. Absolument !
M. Jacques Mézard. Si, aujourd’hui, le réseau énergie est distributeur, il faut impérativement que, demain, il devienne distributeur et collecteur.
Au total, si l’on reprend les propos des divers orateurs qui viennent de se succéder à cette tribune, on constate que nous aboutissons à un texte assez consensuel et, par ailleurs, assez ancré dans la réalité. L’état d’esprit constructif dans lequel le projet de loi a été abordé a permis d’en maintenir l’essence tout en rééquilibrant certaines dispositions lorsque cela était nécessaire.
Nous savons que la lutte contre le changement climatique est, elle aussi, un véritable impératif. La stratégie bas-carbone prévue par le projet de loi nous a paru en cohérence avec nos engagements européens et internationaux relatifs à la réduction des gaz à effets de serre.
Madame la ministre, vous vous êtes érigée en défenseur fervente de l’écologie positive et non punitive. À ce titre, comme l’ensemble des membres du groupe auquel j’appartiens, je me félicite que vous vous soyez ralliée à la sagesse du Sénat après l’adoption, en commission, d’un amendement du RDSE tendant à exclure de la stratégie bas-carbone les émissions de méthane entérique naturellement produites par les ruminants. Je ne reprendrai pas l’excellente formulation de notre collègue Requier… (Sourires.) Sans cette sagesse, les agriculteurs, qui jouent un rôle majeur dans la transition écologique de nos modèles de production et de consommation, auraient été injustement sanctionnés, au moins sur le plan médiatique.
Je conclus en évoquant la question du nucléaire, qui nous est chère.
À mon sens, le Sénat est parvenu, en la matière, à une solution plus réaliste et plus responsable, en affirmant, d’une part, l’impératif de diversifier notre mix énergétique par le développement des énergies renouvelables et, d’autre part, la nécessité de mettre en œuvre cette diversification de manière progressive et raisonnée, par la suppression de l’horizon de 2025 initialement fixé par le présent texte pour la réduction de la part du nucléaire. Cette modification permettra de tenir compte des réalités techniques, scientifiques et économiques, et ce afin de préserver notre compétitivité, le pouvoir d’achat des Français et notre indépendance énergétique.
Au sujet des énergies renouvelables, je me félicite également des améliorations apportées grâce à l’adoption de plusieurs amendements, en particulier des nôtres, ayant pour objet la géothermie, la biomasse ou encore l’éolien. La simplification des procédures permettant l’exploitation de ces énergies contribuera à leur développement.
Je le répète, malgré ces quelques réserves, la quasi-unanimité de notre groupe, à l’exception d’une abstention, approuvera ce texte issu des travaux du Sénat, lequel a travaillé vite et bien malgré la grande quantité d’articles que contient ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Annonce du scrutin public
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dans le texte de la commission, modifié.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Je vous rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur et que le scrutin aura lieu en salle des conférences, conformément aux dispositions du chapitre 15 bis de l’Instruction générale du bureau.
Le scrutin est ouvert.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à seize heures cinq.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 106 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 216 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 34 |
Le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. (Applaudissements.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce vote magnifique, grâce auquel des avancées décisives sont définitivement acquises. Je remercie également tous les groupes d’avoir souligné au cours de leur explication de vote la portée historique d’une réforme qui, en dépassant les clivages politiques, vise à engager la France de façon irréversible dans un nouveau modèle énergétique en proposant à tous les secteurs concernés – industrie, bâtiment, services – un cadre stable pour investir et pour créer des emplois dans les domaines concernés par la croissance verte.
Il nous revient de lutter contre le dérèglement climatique et de faire de l’excellence environnementale le cœur du modèle français avant la grande conférence de Paris pour le climat. Les dirigeants du monde entier devront alors prendre leurs responsabilités et convaincre l’humanité que chacun a deux patries, la sienne et la planète.
La révolution de la croissance verte s’accélère, portée par cette loi que vos travaux ont enrichie et par les actions concrètes et financières qui l’accompagnent. Elle est le fruit d’un travail minutieux, attentif et déterminé, mené à l’écoute de multiples instances : des conférences environnementales aux débats citoyens, de la contribution des ONG aux actions concrètes, couronnées de succès, de nos communes, départements et régions. Elle s’est nourrie aussi, je tiens à le dire dans une volonté de rassemblement, du Grenelle de l’environnement et des lois qui l’ont précédée, ainsi que des contributions du Conseil de la transition écologique, rassemblant toutes les parties prenantes du dialogue environnemental.
Je tiens surtout à saluer l’excellent travail accompli par votre assemblée et la grande qualité du débat démocratique, sur toutes les travées. (Applaudissements.) J’ai pris plaisir à l’animer avec vos chefs de file, Roland Courteau, Jean-Pierre Bosino, Ronan Dantec, Jacques Mézard, Chantal Jouanno et le président Jean-Claude Lenoir. Je tiens également à rendre hommage au travail passionnant de votre commission des affaires économiques et de votre commission du développement durable, présidée par Hervé Maurey, ainsi qu’à celui de vos rapporteurs, Louis Nègre et Ladislas Poniatowski (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.), qui n’ont ménagé ni leur temps ni leur énergie.
Ces discussions, exemptes de vaines polémiques et de politique politicienne, ont été marquées par une véritable hauteur de vue et une volonté commune de projeter la France dans un futur qui soit bon pour elle. Les légitimes différences de points de vue, toutes respectables, n’ont pas pour autant été effacées. Je vais m’efforcer encore de les combler avant l’adoption définitive de la loi.
L’esprit qui a présidé à nos débats fait honneur à la démocratie. Les points d’accord et de désaccord ont été amplement et minutieusement discutés, avec, toujours, pour motivation première, la recherche du bien commun.
Vous avez confirmé la plupart des dispositions majeures du texte que j’ai défendu en première lecture à l’Assemblée nationale. Je m’en réjouis. D’ailleurs, 80 % des deux cent cinquante amendements que votre assemblée a adoptés – sur plus de mille qui lui ont été soumis – ont reçu par ma voix un avis favorable du Gouvernement. C’est dire combien l’esprit qui a prévalu était constructif. Cinq ou six alinéas, certes, doivent encore être finalisés. Ce nombre est très marginal au regard des soixante-six articles et des mille cinq cents alinéas de ce texte, comme l’a fait remarquer Didier Guillaume. Ces quelques points très limités seront, comme il est d’usage, soumis à la commission mixte paritaire, qui se penchera dessus dans une semaine.
Je ne doute pas que le Parlement donnera sans tarder la plus grande force au mouvement de tous et nous permettra de faire de la France une puissance écologique en la dotant de la législation la plus complète et donc la plus avancée d’Europe. En s’érigeant ainsi en exemple, la France pourra convaincre et entraîner ses partenaires dans la construction de l’Europe de l’énergie, évoquée par Jean-Claude Lenoir, et apporter, à l’échelle du monde, des réponses au défi climatique.
J’observe d’ailleurs que les réformes proposées pour construire une économie bas-carbone sortent renforcées à l’issue des débats dans les deux assemblées. Je vous en remercie une nouvelle fois. Il y va ainsi de la performance énergétique des bâtiments pour faire baisser la facture et engager les travaux grâce au crédit d’impôt et à l’éco-prêt à taux zéro, par exemple ; de la priorité donnée aux transports propres pour lutter contre la pollution de l’air et protéger la santé ; des objectifs zéro gaspillage zéro déchet, notamment dans les plus de deux cents territoires à énergie positive ; de la montée en puissance des énergies renouvelables, grâce à de nouveaux mécanismes de soutien et de simplification ; de la lutte contre la précarité énergétique, avec, en particulier, le chèque énergie ; du renforcement de la sûreté nucléaire ; enfin, du pilotage démocratique du mix énergétique et de son rééquilibrage, par la baisse de la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans la production d’électricité.
J’ai eu l’occasion de le dire durant les débats, je souhaite en revenir au texte initial sur certains points, dès lors que cela correspondra à l’intérêt de notre pays. Je sais pouvoir compter sur un dialogue riche entre les deux assemblées pour mener ce texte à bon port.
Rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue, disait Victor Hugo. Dans la France, dans le monde d’aujourd’hui, l’heure est venue des nouvelles valeurs du développement durable, qui nous commandent de lutter ensemble, localement et à l’échelle planétaire, contre les dégâts du réchauffement climatique, pour la reconquête de la biodiversité, de la qualité alimentaire et de la santé publique ainsi que pour le progrès environnemental, indissociable du progrès social comme de la compétitivité de nos entreprises. Ces dernières attendent ce texte avec impatience pour investir et donc enfin réconcilier les exigences du temps présent et les besoins des temps à venir, ceux des générations futures, pour lesquelles nous agissons ensemble.
En marchant seul, on se dit que l’on peut aller plus vite, mais en marchant avec d’autres, on va plus loin. Voilà pourquoi je souhaite, sans qu’aucun renonce à ce qu’il est mais sans confondre non plus l’essentiel et l’accessoire, que les élus de la nation joignent leurs voix pour que nous réussissions, avec tous les Français, cette belle révolution de la croissance verte et des emplois nouveaux qui l’accompagnent. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)