M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. C’est un sujet qui relève de la commission du développement durable. Toutefois, mes chers collègues, nous sommes tous directement concernés par les enjeux liés à l’énergie, notamment à l’énergie nucléaire. L’ensemble du cycle nous intéresse, depuis l’extraction d’uranium jusqu’au traitement des déchets radioactifs.
Cette dernière question a toujours fait l’objet de débats importants au Parlement, qui s’est emparé du sujet dès 1991, à travers le vote de la loi Bataille. La procédure que cette loi a instaurée a permis la création d’un laboratoire, situé à Bure ; nous disposons aujourd'hui des résultats des études de celui-ci. La loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire a également constitué une très forte avancée.
Nous ne pouvions pas laisser ce dossier à la merci d’administrations ou d’organismes, aussi compétents soient-ils. En tant que représentants de la nation, nous avons plus que notre mot à dire : il nous revient de prendre la décision.
Je soutiens, à titre personnel – la commission des affaires économiques n’avait pas à se prononcer –, la position adoptée par le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Je conçois très bien également les préoccupations exprimées par Bruno Sido, qui connaît de près ce dossier, puisque le département de la Haute-Marne est concerné, avec celui de la Meuse.
Monsieur Sido, je comprends que vous avez déposé ces amendements pour lancer un appel au Gouvernement, afin de savoir quand il entendait présenter un projet de loi, et il vous a répondu. Il faut effectivement qu’un texte gouvernemental soit soumis au Parlement, si possible dans un avenir qui ne soit pas trop éloigné.
Nous avons assisté à deux tentatives pour traiter cette question : la première, lors de l’examen du présent projet de loi, mais elle était vraiment déplacée ; la seconde, à l’occasion de l’examen du projet de loi « Macron », mais elle n’était pas plus opportune que la précédente. Personnellement, j’ai toujours plaidé pour la rédaction d’un texte spécifique.
Il faut donc que le Parlement puisse, dans un proche avenir, arrêter un certain nombre de dispositions concernant la réalisation de ce centre de stockage qui est essentiel à la poursuite de l’activité des centrales nucléaires.
Très souvent, lorsque l’on parle du nucléaire, en France mais aussi à l’étranger, on demande ce que l’on fait des déchets, quand bien même le volume des déchets concernés n’est pas considérable – il y a quelques années, c’était l’équivalent du volume d’une piscine olympique (M. Jean Desessard s’exclame.) ; d’ici à 2020 ou à 2025, ce sera l’équivalent de deux bassins. Bien sûr, il ne s’agit pas de l’ensemble des déchets nucléaires, mais seulement des déchets radioactifs qui font l’objet du projet CIGEO. Il faut qu’une réponse soit apportée, parce que la crédibilité du développement du nucléaire, telle que Mme la ministre l’a exprimée la semaine dernière, passe par la maîtrise des déchets radioactifs. Le texte législatif que nous attendons est donc très important.
Je vous confirme par conséquent que le mieux serait que vous retiriez vos deux amendements. Maintenant que vous avez pu lancer votre appel, je pense que vous pouvez suivre les avis du rapporteur pour avis de la commission du développement durable et du rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Jean Desessard. Je n’irai pas me baigner dans la piscine de M. Sido !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je rejoins M. le rapporteur pour avis et Mme la ministre : une telle question ne peut pas être réglée au détour de l’examen d’amendements. À cet égard, il paraît même que d’aucuns voudraient rouvrir le débat sur les gaz de schiste au moyen de la discussion d’un amendement au cours de ce débat !
Je voudrais simplement rappeler, puisque cela n’a pas été fait, que les coûts du stockage des déchets nucléaires, chiffrés par l’ANDRA, ont absolument explosé ces dernières années. D’ailleurs, aux termes du calcul auquel a procédé la commission d’enquête parlementaire concernée, ces coûts ont été totalement sous-estimés dans l’évaluation du prix de l’électricité nucléaire française. Aujourd’hui, ce point fait tout à fait consensus…
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. De quel rapport parlez-vous ?
M. Ronan Dantec. De celui de la commission d’enquête, il suffit de le reprendre…
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Quelle commission d’enquête ?
M. Ronan Dantec. Celle dont M. Desessard était rapporteur ! Nous pouvons relire le rapport ensemble, monsieur Lenoir : nous avons bien montré que ces coûts avaient été sous-estimés. Regardez les rapports de la Cour des comptes : ils disent la même chose ! Les chiffres publiés par l’ANDRA ces derniers mois montrent aussi que le stockage coûte de plus en plus cher. Dans toutes nos rencontres avec l’ANDRA, cela a été rappelé et ce n’est donc pas un sujet de débat !
Il faut évidemment trouver des réponses au stockage des déchets, je ne dis pas qu’il faut les cacher sous la moquette ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Cela étant, la plupart des pays ont choisi un stockage en faible profondeur sur site, ce qui permet d’assurer la réversibilité et coûte moins cher. Puisque tel est le choix technologique fait dans le reste du monde, cette question mérite un débat approfondi, y compris sur les capacités de réversibilité du site du CIGEO – au-delà d’une centaine d’années, nous n’avons pas de réponse technique. Ce n’est donc évidemment pas au détour de l’examen d’amendements que nous allons traiter cette question.
Quoi qu’il en soit, je souscris entièrement au raisonnement de Bruno Sido selon lequel la réalisation du projet CIGEO nous permettra d’exporter une technologie et de rester leader dans ce domaine : il y a par conséquent des enjeux économiques mondiaux à relever.
Si vous me permettez une digression, mes chers collègues, selon des informations récentes, les cuves des centrales belges seraient fissurées en raison de réactions chimiques à l’intérieur du réacteur, ce qui va poser des problèmes quant à la prolongation de la durée de vie de l’ensemble des cuves du parc nucléaire mondial – nous en reparlerons une autre fois…
Si nous voulons donc développer nos capacités d’exportation dans le secteur du nucléaire, le grand marché du futur est bien le démantèlement. Il faut que nous soyons leaders en la matière, mais comment y parvenir si nous ne servons pas en quelque sorte de démonstrateur ? Autrement dit, plus tôt nous arrêterons une première centrale française de grande puissance, plus tôt nous démontrerons que nous sommes capables de la démanteler et plus tôt nous sauverons les emplois de l’industrie nucléaire française !
Mme Sophie Primas. Vous êtes extraordinaire !
M. Ronan Dantec. J’ajouterai une question. Nous disposons d’informations très inquiétantes selon lesquelles Areva, ex-fleuron de l’industrie nucléaire française, est largement endetté – évidemment, ces pauvres Japonais n’avaient pas prévu le tsunami, alors que nous, nous, n’aurions jamais construit une centrale nucléaire en bord de mer, ce qui est d’ailleurs le cas ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Cela n’a rien à voir avec la question !
M. Ronan Dantec. Areva est donc extrêmement endetté aujourd’hui et c’est très grave. Il n’y a pas de solution, sauf à réinjecter de l’argent public. Pour retrouver une marge de manœuvre financière, Areva doit vendre un certain nombre d’actifs. La presse s’est fait l’écho – à tort, je l’espère – du fait qu’Areva s’apprêterait à vendre ses actifs dans le démantèlement, c’est-à-dire dans le domaine qui va constituer le marché principal des années à venir pour le secteur du nucléaire. Cette vente serait une aberration économique totale !
Madame la ministre, détenez-vous des informations sur ce point et êtes-vous d’accord pour reconnaître que, pour sauver les emplois du secteur nucléaire français, il faut que nous soyons les plus forts dans le domaine du démantèlement, en jouant un rôle de démonstrateur très rapidement, mais surtout en conservant l’activité du démantèlement au sein d’Areva ? (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. Monsieur Sido, les amendements nos 434 et 446 sont-ils maintenus ?
M. Bruno Sido. Je suis très heureux que ce débat ait lieu, car tel était mon objectif, tout le monde l’a compris ! Je suis ce dossier depuis plus de vingt ans,…
M. Jean Desessard. Les déchets, eux, vont durer 200 000 ans !
M. Bruno Sido. … parce qu’il concerne la Meuse, bien entendu, mais aussi la Haute-Marne. J’exerce des responsabilités locales et je dois m’exprimer dans cet hémicycle.
La loi de 2006 a représenté plus qu’une grande avancée, elle a été fondatrice ! Notre corpus législatif ne comportait rien concernant la sûreté nucléaire avant son adoption. Toute la filière nucléaire s’appuyait sur un décret relatif à la qualité de l’air : c’était un peu léger, et je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point, monsieur le rapporteur pour avis.
Cette question est importante, puisque, même si l'on réduit à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2025 – certes, le Sénat souhaite que notre pays se donne le temps, puisque nous avons modifié le texte en ce sens –, en tout état de cause, des déchets seront encore produits, demain et après-demain. Il faut donc s’intéresser de très près à cette question.
Pour ce qui concerne les coûts du stockage, monsieur Dantec, les polémiques existent, nous le savons…
M. Ronan Dantec. Je n’ai fait que citer les chiffres de l’ANDRA !
M. Bruno Sido. En fait, c’est EDF qui a lancé la polémique ! D’ailleurs, mon cher collègue, je vous propose de nous rejoindre à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Votre collègue de l’Assemblée nationale y vient et les débats sont passionnants !
Madame la ministre, l’ANDRA est l’arme au pied : elle a fait toutes les recherches et attend des instructions. Voilà une administration qui attend de recevoir le feu vert pour faire ce pour quoi elle est faite ! Elle est composée de personnes remarquables, qui ont réalisé des recherches considérables et vous ont présenté des propositions.
J’en viens aux amendements que j’ai défendus. Chacun l’a compris, le premier d’entre eux était un amendement d’appel et le second un amendement de repli. J’ai surtout voulu lancer un appel au secours pour la filière nucléaire. N’oublions pas que, si on ne traite pas l’aval du cycle, toute la filière risque le collapsus ! Et, madame la ministre, la production nucléaire ne sera pas ramenée alors à 50 %, mais à 0 %, et la France ne s’en relèvera pas !
Il avait été imaginé de déposer ces amendements à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du présent projet de loi, puis de les présenter au moment de la discussion du projet de loi dit « fourre-tout » dont nos collègues députés viennent d’achever l’examen, mais ces projets ont été abandonnés.
Mon collègue Christian Namy, président du conseil général de la Meuse, et moi-même avons alors décidé d’avoir le courage politique d’aborder cette question avec vous, madame la ministre, car nous savons que vous n’avez pas peur d’affronter les problèmes – c’est d’ailleurs en cela que je vous apprécie. Vous nous avez annoncé le dépôt d’un projet de loi spécifique par le Gouvernement dans le courant de l’année 2016 : c’est bien normal, car cette question ne sera pas réglée sur le coin d’une table, à vingt-trois heures. Vous avez répondu à mon attente, et je retire par conséquent ces deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 434 et 446 sont retirés.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Je tiens à instruire les membres de la Haute Assemblée des tentatives répétées du groupe écologiste pour leur raconter des histoires.
M. Ronan Dantec. Ah non !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. En 2012, le groupe écologiste a demandé la constitution d’une commission d’enquête sur le coût de l’électricité. Cette commission d’enquête était présidée par Ladislas Poniatowski et avait pour rapporteur Jean Desessard. Elle a beaucoup travaillé : M. Desessard a auditionné de nombreuses personnalités.
En fin de compte, M. Desessard a voulu présenter des conclusions qui n’étaient partagées par aucun des groupes de cette assemblée, à l’exception du groupe écologiste, et la commission d’enquête n’a pas adopté de rapport. Il est donc faux de dire qu’un rapport du Sénat démontre ou explique quoi que ce soit.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Pour la première fois, nous avons eu un rapport qui comprenait, d’une part, le compte rendu de toutes les auditions et, d’autre part, des contributions de chacun des groupes politiques de cette assemblée. Le seul groupe qui ait adhéré aux conclusions de M. Desessard est le groupe écologiste.
Par conséquent, mes chers collègues, si vous entendez parler d’un rapport du Sénat qui exposerait tel ou tel point de vue à l’égard de l’électricité nucléaire, sachez qu’il n’existe pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Article 33
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour :
1° Renforcer l’efficacité du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection :
a) En modulant les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Autorité de sûreté nucléaire et de ses inspecteurs, notamment en dotant l’autorité du pouvoir de prononcer des astreintes et en créant un régime de sanctions pécuniaires ;
b) En procédant à la réforme et à la simplification tant des dispositions relatives au contrôle et aux sanctions administratives que des dispositions de droit pénal et de procédure pénale applicables en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, en les harmonisant avec les dispositions de même nature prévues au code de l’environnement tout en tenant compte des exigences particulières liées à la protection des intérêts et des principes mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement et à l’article L. 1333-1 du code de la santé publique ;
c) En étendant les dispositions mentionnées au b du présent 1° aux activités participant aux dispositions techniques ou d’organisation mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 593-7 du code de l’environnement exercées par l’exploitant nucléaire, ses fournisseurs, prestataires ou sous-traitants, y compris hors des installations nucléaires de base ;
d) En instituant, au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire, une commission des sanctions ;
e) En prévoyant des dispositions particulières pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense ;
2° Aménager les compétences, les attributions et les pouvoirs de l’Autorité de sûreté nucléaire, afin qu’elle puisse :
a) Faire réaliser des tierces expertises, des contrôles et des études dans ses domaines de compétences, aux frais des assujettis, par des organismes choisis avec son accord ou qu’elle agrée, en complément éventuel des missions d’expertise et de recherche effectuées, dans lesdits domaines, par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ;
b) Exercer, au sein des installations nucléaires de base, certaines des compétences de l’autorité administrative concernant les déchets, les produits et équipements à risques et les produits chimiques ;
c) Veiller à l’adaptation de la recherche publique aux besoins de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ;
d) Procéder, en concertation avec le ministre chargé de la sûreté nucléaire, à l’évaluation périodique du dispositif normatif en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et présenter les propositions en vue de l’amélioration de ce dispositif ;
3° Compléter, en ce qui concerne les installations nucléaires de base, la transposition des directives 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) et 2012/18/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, modifiant puis abrogeant la directive 96/82/CE du Conseil, et rendre applicables ces dispositions, avec les adaptations nécessaires, à l’ensemble des installations nucléaires de base ;
4° Opérer des ajustements de coordination, de mise en cohérence et de correction formelle au sein du code de l’environnement dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de l’information du public en ces matières.
II. – (Non modifié) L’ordonnance est prise dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Michel Berson, sur l’article.
M. Michel Berson. La catastrophe de Fukushima a brutalement réinscrit la question de la sûreté nucléaire au cœur des préoccupations politiques, sociales, environnementales des États producteurs d’énergie nucléaire. Le renforcement de la sûreté nucléaire, objet du présent titre VI et de l’article 33 du projet de loi, constitue un enjeu majeur de la transition énergétique.
Cet enjeu est d’abord démocratique, dès lors que tous les citoyens ont le droit de constater, en particulier par l’intermédiaire de leurs représentants au Parlement, l’effectivité et l’efficacité du dispositif de sûreté nucléaire.
Il est ensuite financier, dans la mesure où les autorités chargées du contrôle de la sûreté nucléaire doivent disposer de moyens humains et financiers adaptés au plein exercice de leur mandat.
Le domaine du nucléaire nécessite l’intervention d’autorités d’expertise et de contrôle. En France, ce rôle est assuré par l’ASN et l’IRSN. Ces deux institutions doivent aujourd'hui faire face à des défis sans précédent : le contrôle du vieillissement et du démantèlement des réacteurs électronucléaires, le contrôle des travaux consécutifs au retour d’expériences de l’accident de Fukushima, le contrôle de l’entrée en fonction de l’EPR de Flamanville, ou encore l’instruction des dossiers réglementaires des nouvelles installations comme le CIGEO, ITER, Astrid, ou encore – et j’arrêterai là mon énumération – le nécessaire maintien de notre recherche à un niveau mondial.
Les moyens accordés à notre système de sûreté doivent donc impérativement être à la hauteur de ces défis. Je voudrais en cet instant citer l’avis de l’ASN du 6 mai 2014 relatif au budget du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour les années 2015 à 2017. « L’ASN estime indispensable d’engager dès maintenant le renforcement des moyens humains et financiers de l’ASN et de l’IRSN, dans la perspective de disposer [en 2017], d’un renfort de quelque 190 emplois […] et d’un budget accru de 36 millions d'euros ».
En effet, compte tenu des défis et des enjeux que je viens de rappeler, la mise sous tension du dispositif de notre système de sûreté nucléaire a été reconnue par les exploitants d’installations nucléaires eux-mêmes. Ceux-ci mettent en avant un engorgement – je dis bien un engorgement ! – de l’ASN et de l’IRSN qui retarde l’examen de leurs dossiers portant sur la sûreté.
Je voudrais à cet égard mentionner que l’arrêt d’un réacteur nucléaire représente pour EDF un coût de 1,2 million d'euros par jour. Les moyens humains et financiers de l’ASN et de l’IRSN doivent donc être renforcés et pérennisés.
Je sais que tel n’est pas l’objet de ce projet de loi, mais je voudrais rappeler que la taxe sur les installations nucléaires de base n’est pas fléchée sur le budget de l’ASN et de l’IRSN, car elle est affectée au budget général de l’État. Et je voudrais également rappeler que le montant de la contribution acquittée au profit de l’IRSN par les exploitants d’installations nucléaires est fixé chaque année par arrêté ministériel.
Nous le savons, le contexte budgétaire très contraint ne permet pas d’augmenter les dotations budgétaires finançant la sûreté nucléaire. Par conséquent, il convient de renforcer et de pérenniser les financements du contrôle de la sûreté nucléaire en dégageant de nouvelles ressources, des ressources non budgétaires, comme j’en ai fait la proposition au mois d’octobre dernier dans un rapport d’information présenté devant la commission des finances du Sénat.
La création d’une contribution de sûreté et de transparence nucléaire, perçue par l’ASN et acquittée par les exploitants d’installations nucléaires, aurait un double mérite : d’abord, pérenniser les ressources de l’ASN et renforcer son indépendance, son financement ne reposant plus à 100 % sur les dotations de l’État ; ensuite, renforcer les moyens de l’Autorité au profit des exploitants qui, de ce fait, ne seraient plus confrontés au coût résultant de l’engorgement de l’ASN parfois responsable, j’y insiste, de retards dans l’examen des dossiers portant sur la sûreté.
Madame la ministre, l’article 33 du projet de loi que nous examinons ce soir a pour objet de renforcer les pouvoirs et les missions de contrôle de l’ASN.
Il conviendra, dans le prochain projet de loi de finances pour 2016, de prévoir également le renforcement des moyens humains et financiers de l’ASN et de l’IRSN. C’est la conséquence logique, inéluctable du présent projet de loi. Pouvez-vous rassurer les membres de la Haute Assemblée sur ce point essentiel ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Il ne faut pas vous sentir interpellé !
M. Jean Desessard. En réalité, il y a bien eu une commission d’enquête sur le coût de l’électricité. Elle était présidée par M. Poniatowski, j’en étais le rapporteur. Son rapport a été validé, mais il ne comportait pas de conclusions. (Exclamations.)
M. Jean-François Husson. Voilà !
M. Jean Desessard. Le rapport, qui émanait de différents groupes politiques dont les idées divergeaient, rejoignait le constat de la Cour des comptes : le coût du nucléaire fait l’objet de nombreuses incertitudes. Ce rapport mentionnait une fourchette basse et une fourchette haute. Selon que l’on se réfère à l’une ou à l’autre, on peut considérer que cela coûte moins ou plus cher.
Nous avons fait un important travail, qui a d'ailleurs été repris par l’Assemblée nationale. Ce rapport contenait suffisamment d’éléments techniques pour que chacun puisse se faire une opinion.
Pour tenir compte des différentes sensibilités des groupes et pour faire état de l’incertitude en ce domaine, les différentes hypothèses étaient exposées dans ce document, qui a été adopté.
Comme vous l’avez dit, monsieur Lenoir, la conclusion a été plus partiale. J’étais plus critique vis-à-vis du nucléaire que les membres d’autres groupes politiques. Le président de la commission d’enquête a pensé que la bonne solution était de présenter un rapport technique déclinant les différentes hypothèses et laissant chaque groupe faire sa propre analyse.
Telle est la réalité, qui ne diffère pas fondamentalement de ce que vous-même avez dit. Le rapport a été adopté ; ce sont les conclusions qui ne l’ont pas été. (Protestations.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 269 rectifié bis est présenté par MM. Médevielle et Kern, Mme Loisier, MM. Cadic, Canevet, Bonnecarrère et Guerriau et Mme Billon.
L'amendement n° 468 est présenté par M. Sido.
L'amendement n° 634 rectifié est présenté par M. Berson et Mme D. Gillot.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
qui est également rendu destinataire de l’ensemble des rapports produits par lesdits organismes
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l’amendement n° 269 rectifié bis.
M. Philippe Bonnecarrère. Cet amendement a pour objet d’améliorer le niveau d’information et la connaissance en termes de données techniques et scientifiques de l’Autorité de sûreté nucléaire, dont il vient d’être largement question.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l'amendement n° 468.
M. Bruno Sido. Afin de pouvoir pleinement exercer sa mission d’expert national de référence, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire doit être également destinataire des rapports produits dans le cadre de ces tierces expertises.
J’ouvre une parenthèse : il ne devrait pas y avoir de concurrence entre l’ASN et l’IRSN. Peut-être faudrait-il que le Gouvernement se penche un jour sur la question…
Il est important que l’IRSN dispose de l’ensemble des données scientifiques et techniques relatives aux installations nucléaires qu’il est chargé de suivre dans le cadre de son appui technique – et rien de plus ! – à l’Autorité de sûreté nucléaire.
M. le président. La parole est à M. Michel Berson, pour présenter l'amendement n° 634 rectifié.
M. Michel Berson. Je pense, comme mes deux collègues, que l’IRSN doit pouvoir exercer pleinement sa mission d’expertise. Par conséquent, il doit être lui aussi destinataire des rapports produits dans le cadre de tierces expertises, afin de disposer de l’ensemble des données scientifiques et techniques relatives aux installations nucléaires qu’il est chargé de suivre dans le cadre de son appui technique à l’ASN.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Ces trois amendements vont dans le sens d’une plus grande transparence et d’une meilleure information de l’IRSN. La commission y est très favorable.
Mme Anne-Catherine Loisier. Quelle chance !
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Je partage totalement l’analyse de Michel Berson quant aux moyens de l’ASN et de l’IRSN. En effet, j’ai toujours dit qu’il fallait aller jusqu’au bout de la prolongation de la durée de vie de nos centrales nucléaires.
Vous le savez, le système français prévoit leur réexamen tous les dix ans par l’ASN et l’IRSN. Il faut le faire sérieusement et ne pas procéder comme les Américains, qui ont décidé brutalement, d’un seul coup, de prolonger de trente ans la durée de vie de chacun de leurs réacteurs !
Madame la ministre, vous avez vous-même utilisé cet argument dans la perspective de 2025 : pour prolonger de dix ans la durée de vie de la bonne vingtaine de nos réacteurs qui vont atteindre l’âge de trente ans, il faut donner des moyens financiers à l’ASN et à l’IRSN.
J’approuve totalement et j’appuie complètement la demande de Michel Berson. Je tenais à le dire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
On connaît les rapports entre l’ASN et l’IRSN… J’ai l’intention d’inciter ces instances à travailler ensemble et à échanger leurs informations, ce qui me paraît aller de soi. Bien évidemment, l’ASN ne va pas forcément apprécier qu’on lui impose par la loi la transmission de ses rapports, ce qu’elle pourrait faire dans le cadre d’un partenariat correct, cohérent et conforme à l’intérêt général. Faut-il aller jusque-là ? Peut-être en faites-vous beaucoup ! Mais au moins, les choses seront faites.
Monsieur Berson, le Gouvernement a bien reçu votre rapport sur le financement de l’ASN. Vous le savez, dans la période actuelle, nous y regardons de très près avant de créer des taxes nouvelles. L’idée fait son chemin. En effet, votre proposition visant à assurer à l’ASN les moyens dont elle a besoin en vue d’accompagner le renforcement des compétences dont nous débattons actuellement est cohérente.
Pour l’année 2015, j’ai veillé à ce que le budget tant de l’ASN de l’IRSN soit préservé. L’ASN bénéficiera même de dix créations d’emplois supplémentaires et de trente créations d’emplois sur trois ans. Alors que toutes les autres structures doivent rendre des emplois dans le cadre des économies budgétaires, l’ASN et l’IRSN sont les deux instances du ministère dont le budget a été préservé – et même augmenté en termes de moyens humains pour l’ASN.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 269 rectifié bis, 468 et 634 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)