M. Roland Courteau. C’est clair !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Je voudrais faire deux observations. La première concerne le dialogue entre le Gouvernement et le Sénat. Vous pourriez vous féliciter de l’écoute du Gouvernement !
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Ségolène Royal, ministre. J’y mets un point d’honneur. Je considère que mon devoir est d’écouter et de coconstruire ce texte, en particulier quand il apparaît que, dans les travaux de votre commission, chacun a fait un effort pour dépasser les clivages politiques et nous épargner les postures politiciennes. Personne n’a cherché à écraser l’autre parce qu’il n’était pas membre du même parti. C’est là une qualité intrinsèque du développement durable. Le Grenelle avait d’ailleurs été adopté à l’unanimité. Il me semble de ma responsabilité d’essayer de coconstruire la loi autant que possible, en tenant compte des avis des uns et des autres pour avancer.
Ce texte est un texte d’équilibre. J’ai passé des heures et des heures en arbitrages interministériels, en explications aux lobbies de toutes natures, qui ont toujours peur du changement. Nous devons unir nos énergies – sans jeu de mots, mais le terme tombe bien ! – et nos forces pour essayer d’y voir clair, d’être objectif et juste, et pour anticiper.
Il s’agit en effet d’anticiper, ce qui est toujours mal compris. Chaque fois que votre commission y parvient mieux que le Gouvernement, ou mieux que moi-même, eu égard à mes propres contraintes, je m’en réjouis et je m’appuie sur cette dynamique pour continuer à avancer.
Je fais part de mes avis avec beaucoup de sincérité et d’honnêteté, même quand je sais à l’avance que votre vote ne me sera pas acquis. Je ne cherche jamais, devant vous, à aller dans le sens du vent en adaptant mon propos pour ne pas être contredite par le vote. Je m’exprime avec clarté et authenticité afin que chacun puisse se positionner.
Cela ne me gêne pas que, dans vos explications de vote, vous ayez repris les déclarations devant l’Assemblée nationale dans lesquelles je m’opposais à cet amendement. À ce moment-là, oui, il me semblait que, dans la hiérarchie des préoccupations sociales, un autre signal était attendu.
J’ai ensuite réfléchi, je vous ai expliqué tout à l'heure pourquoi je tenais compte des travaux de votre commission, j’ai pris connaissance des résultats des expérimentations de l’ADEME et du contenu de la feuille de route, et il ne m’a pas semblé cohérent avec ma responsabilité de ministre de l’écologie de reculer sur une disposition acquise par un vote à l’Assemblée nationale, même si elle n’est pas tout à fait conforme à mon opinion.
Seconde observation : attention à l’effet d’annonce. Je respecte votre point de vue, qui était le mien à l’Assemblée nationale, mais si cet amendement était adopté, on annoncerait que le Sénat a supprimé la réduction d’impôt aux entreprises qui mettent des vélos à disposition de leurs salariés. (M. Jean-Claude Requier s’exclame.) Ce ne serait pas un bon signe.
Le fait de créer un avantage n’est pas symétrique au fait de le retirer. Il est fascinant de constater que l’information circule très vite dans le domaine de l’écologie et de l’environnement. Les comportements s’adaptent très rapidement : après le vote à l’Assemblée nationale, les entreprises ont commencé à faire des plans et à demander à leurs salariés s’ils étaient intéressés par des vélos, les vendeurs de vélos ont commencé à démarcher les entreprises et à proposer des prix promotionnels, etc.
J’ai été très surprise de la vitesse à laquelle circulait l’information, avec les réseaux sociaux et internet. Les mécaniques se mettent très rapidement en place !
M. Gérard Longuet. Des vélos pour tout le monde !
Article 9 bis
L’État définit une stratégie pour le développement de la mobilité propre. Cette stratégie concerne :
1° Le développement des véhicules propres définis au 1° de l’article L. 224–6 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de l’article 9 de la présente loi, et le déploiement des infrastructures permettant leur alimentation en carburant ;
2° L’amélioration de l’efficacité énergétique du parc de véhicules ;
3° Les reports modaux de la voiture individuelle vers les transports en commun terrestres, le vélo et la marche à pied, ainsi que du transport routier vers le transport ferroviaire et fluvial ;
4° Le développement de l’autopartage et du covoiturage ;
5° L’augmentation du taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises.
Cette stratégie est fixée par voie réglementaire.
Elle comporte une évaluation de l’offre existante de mobilité propre chiffrée et ventilée par type d’infrastructures et fixe, aux horizons de la programmation pluriannuelle de l’énergie, mentionnée à l’article L. 141–1 du code de l’énergie, dans sa rédaction résultant de l’article 49 de la présente loi, dont elle constitue un volet annexé, des objectifs de développement des véhicules, des infrastructures, de l’intermodalité et des taux de remplissage des véhicules de marchandises. Elle définit les territoires et les réseaux routiers prioritaires pour le développement de la mobilité propre, en particulier en termes d’infrastructures, cohérents avec une stratégie ciblée de déploiement de certains types de véhicules propres.
Le Gouvernement soumet, pour avis, cette stratégie au Conseil national de la transition énergétique, puis la transmet au Parlement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 453 est présenté par M. Vial.
L'amendement n° 808 est présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle détermine notamment le cadre d’action national pour le développement du marché relatif aux carburants alternatifs et le déploiement des infrastructures correspondantes.
L’amendement n° 453 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 808.
M. Ronan Dantec. Pour soutenir les carburants routiers autres que le gazole et le supercarburant ainsi que le gaz naturel liquéfié maritime ou fluvial, l’État doit assurer les entreprises de son soutien et d’une stabilité indispensable en matière d’investissement.
De plus, le 28 octobre dernier, la directive européenne sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs était publiée au Journal officiel de l'Union européenne.
Elle précise que l'absence de développement harmonisé d'infrastructures pour les carburants alternatifs empêche la réalisation des économies d'échelle sur le plan de l'offre et ne permet pas aux utilisateurs d’être mobiles à l'échelle de l'Union.
Le texte préconise notamment l'adoption d'un plan d'action pour la mise en œuvre de la stratégie énoncée dans la communication intitulée « Énergie propre et transports : la stratégie européenne en matière de carburants de substitution ».
Le présent amendement vise donc à doter le pays d’une stratégie claire de déploiement des infrastructures nécessaires à ces investissements, aussi bien vis-à-vis des entreprises qu’au regard des obligations européennes.
Ladislas Poniatowski l’a dit avant-hier, ce débat souffre d’une faiblesse : la cohérence européenne y est peu mise en avant. Or, aujourd’hui, si la transition énergétique représente un enjeu national – nous sommes même plutôt en retard par rapport à d’autres pays européens –, elle se met également en place dans le cadre d’une vision globale au niveau européen.
Cet amendement vise précisément à intégrer cette logique européenne, faute de quoi nous rencontrerons des difficultés en matière d’infrastructures de carburants alternatifs. Il s’agit en effet d’une directive européenne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. La commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y serait défavorable.
Cet amendement prévoit que la stratégie pour la mobilité propre doit fixer le cadre national d’action pour le développement du marché relatif aux carburants alternatifs et le déploiement des infrastructures correspondantes.
Cela renvoie encore au débat sur la définition des véhicules propres, qui incluent les véhicules fonctionnant avec des carburants alternatifs dès lors qu’ils sont faiblement émetteurs de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.
Cet amendement est donc satisfait par l’alinéa 2 de l’article 9 bis, qui prévoit déjà que la stratégie concerne « le développement des véhicules propres et le déploiement des infrastructures permettant leur alimentation en carburant ».
Comme nous avons la chance de bénéficier de la présence de Mme la ministre parmi nous, nous pouvons lui faire part de l’inquiétude que cet amendement laisse apparaître : n’y aura-t-il d’infrastructure que pour les véhicules électriques, ou cela concernera-t-il également l’avitaillement en carburants alternatifs comme le gaz, l’hydrogène, et d’autres ?
Il faudrait, madame la ministre, rassurer les collègues présents qui aimeraient vous entendre dire que le choix sera neutre et équilibré.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement est certes déjà satisfait par le 1° de l’article 9 bis, mais il me semble malgré tout opportun, car il contribue à la transposition de la directive du 22 octobre 2014 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs.
Même si la rédaction est un peu redondante sur ce point, le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 808.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° 656 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Guerriau et Tandonnet et Mmes Billon et Doineau, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Le développement des modes de transports collaboratifs, notamment l’autopartage ou le covoiturage ;
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement a trait à la stratégie nationale pour le développement de la mobilité propre.
L’article 9 bis, tel qu’il est actuellement rédigé, vise le développement de l’autopartage et du covoiturage. Nous proposons de parler plutôt du « développement des modes de transports collaboratifs, notamment l’autopartage ou le covoiturage », c'est-à-dire de tous les modes de transport individuels de pair à pair qui se développent de manière spontanée et qui sont liés à la créativité de nos concitoyens. Ces modes de transport prennent actuellement la forme du covoiturage et de l’autopartage, mais l’on peut imaginer bien d’autres initiatives à l’avenir.
J’insiste sur l’opportunité de ces systèmes de covoiturage, qui constituent un très bon moyen d’économiser de l’énergie, de l’argent, voire du temps. De plus, ces systèmes, qui sont actuellement en plein développement pour diverses raisons, notamment la crise que nous traversons, coûtent bien moins cher que d’autres dispositifs.
Si l’on considère les déplacements interurbains, et plus particulièrement les trajets entre le domicile et le lieu de travail, on constate, dans 90 % des cas, qu’il n’y a qu’une seule personne par véhicule. C’est pourquoi, je le redis, nous devons favoriser toutes les mesures visant à économiser de l’énergie, du temps et de l’argent.
L’expression « modes de transports collaboratifs » est plus large que le covoiturage et l’autopartage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Madame Jouanno, vous dites que l’expression « modes de transports collaboratifs » est plus large que le covoiturage et l’autopartage, mais j’aimerais que vous précisiez votre pensée.
En tout état de cause, la commission du développement durable a émis un avis favorable sur votre amendement. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) En matière de développement durable, nous essayons de faire bouger les lignes. L’autopartage et le covoiturage, qui n’existaient quasiment pas en France il y a dix ans, contrairement à d’autres pays voisins, se développent aujourd'hui à la vitesse grand V, à tel point que certains investisseurs parient sur ce mode de transport.
Comme vous l’avez souligné, – c’est très important ! – sans aucun denier public, on obtient sur le terrain des résultats particulièrement intéressants. Voilà des dispositifs efficaces, astucieux et qui, pour une fois, ne coûtent rien à l’État.
Ce sont les raisons pour lesquelles la commission est tout à fait favorable à cet amendement. Toutefois, je vous saurais gré, ma chère collègue, je le redis, de bien vouloir nous dire à quoi vous pensez exactement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Les systèmes collaboratifs, les transports collaboratifs ou l’économie collaborative regroupent tous les systèmes qui se développent entre particuliers ; le covoiturage en est un exemple. Mais se multiplient aussi des systèmes de location de voitures entre particuliers, domaine dans lequel la MAIF, notamment, investit aujourd'hui énormément.
En l’occurrence, le dispositif est centré sur la voiture, mais on peut tout aussi bien imaginer d’autres systèmes collaboratifs avec d’autres modes de transport. Les modes de transports collaboratifs sont une expression générique, utilisée pour parler de l’ensemble des dispositifs qui s’intègrent dans l’économie collaborative. Mais je ne sais pas si ces termes ont une valeur juridique.
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Merci, ma chère collègue !
Mme la présidente. L'amendement n° 391 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle comporte obligatoirement un volet dédié aux territoires hyper-ruraux.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, inspiré par notre collègue Alain Bertrand, vise à intégrer dans l’élaboration de la stratégie nationale pour le développement de la mobilité́ propre un volet relatif aux territoires hyper-ruraux. Cette déclinaison paraît nécessaire.
Dans ces territoires, nous sommes loin de la trilogie « bobo-vélo-braséro » ! (Rires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. La commission demande à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Cet amendement prévoit que la stratégie nationale pour le développement de la mobilité propre comporte obligatoirement, j’y insiste, un volet dédié aux territoires hyper-ruraux.
On peut partager l’objectif visé par les auteurs de cet amendement. Les territoires les plus ruraux comportent des particularités qu’il convient de prendre en compte pour le développement de la mobilité propre. Leurs contraintes ne sont pas, il est vrai, les mêmes qu’ailleurs. Toutefois, la commission estime que cette préoccupation est déjà satisfaite à l’alinéa 8 de l’article, aux termes duquel la stratégie nationale définit des territoires et des réseaux routiers prioritaires.
C’est pourquoi il ne faut peut-être pas alourdir exagérément la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Pour les raisons avancées précédemment, il ne faut pas stigmatiser l’hyper-ruralité ; celle-ci est déjà très intégrée dans ce projet de loi.
Aussi, je vous suggère, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable, même si j’ai beaucoup d’estime l’hyper-ruralité… et pour vous aussi, monsieur Requier. (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 391 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Notre collègue Alain Bertrand a déposé de nombreux amendements concernant l’hyper-ruralité. À l’instar des amendements précédents, après avoir présenté cet amendement, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 391 rectifié est retiré.
L'amendement n° 150, présenté par M. Montaugé, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La stratégie de développement de la mobilité propre vise au maillage équilibré des territoires ruraux par l'implantation, à titre expérimental d'abord, de points de charge rapide à une distance les uns des autres fixée par décret, sur les routes nationales et départementales.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 9 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 633 rectifié, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 318-1 du code de la route, il est inséré un article L. 318-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 318-1-… – Sur les ouvrages routiers et autoroutiers de franchissement des Alpes vers l’Italie, les véhicules de poids total autorisé en charge supérieur à 3,5 tonnes respectent les normes environnementales permettant une réception communautaire au sens de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules.
« Une autorisation de passage pour le franchissement des Alpes, valable pour une durée de deux ans, est délivrée après contrôle à chaque véhicule respectant les normes d’émission.
« Le niveau de normes à respecter correspond aux valeurs limites que les émissions de gaz et particules polluants ne doivent pas excéder pour permettre une réception communautaire du véhicule au 1er janvier de l’antépénultième année précédant la demande de l’autorisation de passage.
« Des contrôles périodiques sont effectués par les services de l’État sur les routes d’accès aux cols du Mont-Cenis, de Montgenèvre, du Lautaret et du col de Tende et sur les accès au tunnel du Mont-Blanc et de Fréjus. En cas d’infraction, les véhicules ne respectant pas les normes antipollution se voient appliquer une amende majorée de 100 % par rapport à celle prévue par le code de la route pour non-respect des dispositions relatives à la limitation des émissions polluantes, ainsi que l’immobilisation du véhicule. »
II. – Un bilan de l’application du présent article est mis en œuvre trois ans après son entrée en vigueur, afin, en particulier, d’examiner l’efficacité des mesures prévues pour limiter les émissions de gaz polluants.
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Le Gouvernement a pris des initiatives claires en faveur du report modal dans les Alpes avec, notamment, dans les semaines qui viennent, le sommet franco-italien : le Président de la République et le Premier ministre ont confirmé la priorité donnée à la réalisation de la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin.
D’ici à la mise en service de cette liaison ferroviaire, se pose un problème de transit routier dans l’ensemble de la chaîne alpine, y compris, d’ailleurs, sur la façade littorale, au niveau de Vintimille, avec un certain nombre de véhicules dont le niveau de pollution n’est pas du tout satisfaisant.
Au travers de cet amendement, il s’agit d’éliminer progressivement du transit alpin les véhicules les plus polluants.
Cet amendement est déposé dans un contexte particulier : en 2014, l’État français, en liaison avec l’État italien, a arrêté des mesures d’interdiction du passage des poids lourds les plus polluants qui sont différentes pour les tunnels de Fréjus, sur l’itinéraire de la vallée de la Maurienne, et du Mont-Blanc, sur l’itinéraire de la vallée de Chamonix.
Concernant le tunnel de Fréjus, les Euro 1 sont interdits, mais les Euro 2 et les Euro 3 peuvent passer, contrairement au tunnel du Mont-Blanc, où le seuil minimal pour passer est l’Euro 3.
Depuis le 18 juillet 2014, un arrêté préfectoral a prévu la possibilité de faire passer les véhicules inférieurs à l’Euro 4, interdits au tunnel du Mont-Blanc, par le tunnel de Fréjus. Cette situation a évidemment créé une émotion dans les vallées alpines, qui sont aux portes des plus grands parcs nationaux. Se pose là un problème d’équité de traitement entre ces deux tunnels.
D’ailleurs, l’amendement que je défends a été déposé en commun accord avec mon collègue Cyril Pellevat, qui, pour des raisons techniques, n’a pas pu le cosigner. De plus, hier, lors de la réunion de l’Assemblée des pays de Savoie, l’ensemble des conseillers généraux des deux départements savoyards ont demandé à l’unanimité une harmonisation des mesures de transit sur l’ensemble de la chaîne alpine.
L’amendement tel qu’il est rédigé prévoit aussi que les dispositions applicables pour les tunnels aient aussi vocation à être appliquées aux autres itinéraires, notamment sur celui du col du Lautaret, qui est souvent un itinéraire de déviation pour les camions les plus polluants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
On ne peut que partager les préoccupations qui sont les vôtres, mon cher collègue. La région des Alpes est malheureusement régulièrement confrontée à des épisodes de pollution majeurs, qui appellent effectivement une réaction. D’ailleurs, vous avez eu l’amabilité de dire que sont concernées non seulement la chaîne des Alpes du Nord, mais également celle des Alpes maritimes, avec des pollutions majeures sur le littoral. J’ai d’ailleurs déposé moi-même un amendement qui relève du même esprit.
Madame la ministre, le problème qui se pose est récurrent.
Comme vous l’avez relevé, mon cher collègue, on assiste, à juste raison, à une levée de fourches eu égard à la pollution et, surtout, à l’ampleur du trafic routier qui traverse la chaîne alpine, de la mer au lac Léman.
Vous avez avancé un argument technique en quelque sorte : il faudrait passer par le contrôle de pollution pour faire faire baisser l’ampleur du trafic routier. Mais rien n’est moins sûr.
M. Michel Bouvard. Il s’agit des véhicules les plus polluants !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Si les véhicules répondent aux normes exigées, on ne réglera pas l’essentiel du problème qu’est l’absence de transfert modal, notamment sur la voie maritime.
On ne pourra réduire l’ampleur du trafic routier que si l’on offre, dans le même temps, volens nolens, aux transporteurs une alternative, en mettant en place une politique volontariste qui, selon moi, a été jusqu’à présent insuffisante. Nous devrions nous mobiliser davantage en ce sens. Les entreprises seraient alors sans doute plus facilement à l’écoute, car on ne peut pas bloquer le trafic alpin.
Certes, on peut agir sur les normes anti-pollution, mais c’est un argument indirect, dont les effets seront limités, ne serait-ce que dans le temps, puisque les transporteurs s’adapteront. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons atteindre l’objectif que vous recherchez, et que nous recherchons aussi, à savoir diminuer le trafic routier global en le transférant soit sur le ferroviaire – c’est la liaison Lyon-Turin, mais sa mise en place nécessitera encore quelques années –, soit vers quelque chose qui existe déjà, mais qui fonctionne de manière trop limitée, madame la ministre.
Je souhaite qu’on engage une réflexion sur ce sujet avec l’État – alors que l’on parle aujourd'hui de revoir les concessions autoroutières, c’est le moment ou jamais, mes chers collègues ! – pour remettre à plat ce dossier en ayant une vision globale, madame la ministre, de la mer Méditerranée jusqu’au lac Léman.
Je partage totalement les objectifs poursuivis par notre collègue Bouvard. Aussi, je souhaite que nous nous réunissions pour faire avancer ce dossier. En effet, – ce n’est pas notre collègue qui me démentira ! – cela fait quinze ans que j’entends parler de ce problème ! Or qu’a-t-on fait pendant ces quinze ans ? Le trafic routier ne cesse de croître. Peut-être pourra-t-on limiter ponctuellement et provisoirement un peu la casse, pendant un ou deux ans, le temps que les constructeurs s’adaptent…
M. Jean-Jacques Filleul. C’est intéressant, mais c’est trop long !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Mon cher collègue, j’attire votre attention sur le fait qu’on parle des autoroutes maritimes une fois tous les quinze ans ! Vous devriez me soutenir (M. Michel Bouvard rit.), notamment pour que notre collègue Michel Bouvard soit heureux ! (Sourires. – Mme Chantal Jouanno applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je partage vos préoccupations. Nous parlons des autoroutes maritimes depuis quinze ans, et nous n’en voyons pas la couleur ! Il faudrait commencer à s’engager pour les réaliser.
Monsieur le sénateur, vous soulevez un problème majeur, qui réclame une solution. Il a d’ailleurs été évoqué tout à l’heure à l’occasion de l’examen d’un autre amendement.
Quel est l’impact d’une telle mesure ? D’abord, 16 % du trafic actuel de poids lourds serait interdit dans le tunnel du Mont-Blanc, 21 % dans le tunnel de Fréjus. Une action unilatérale tomberait sous le coup de l’interdiction d’entraver la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne.
Cependant, des décisions bilatérales franco-italiennes ont déjà été prises, en accord avec le gouvernement italien et dans le cadre des conventions internationales relatives à ces deux tunnels. La circulation des poids lourds de classe Euro 0, Euro 1 et Euro 2 est déjà interdite dans le tunnel du Mont-Blanc, et la circulation de ceux de classe Euro 0, et prochainement Euro 1, est interdite dans le tunnel de Fréjus.
J’ai pris acte de la réalité du problème. Je vous propose de retirer votre amendement, et je prends l’engagement devant vous d’inscrire ce point à l’ordre du jour du sommet franco-italien qui aura lieu à Paris le 24 février prochain.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Je suis pleinement satisfait de la réponse de Mme la ministre. L’aspect technique sur l’ampleur des trafics visés ne m’avait pas échappé : c’est bien entendu un amendement d’appel.
Voici l’idée : chaque fois que cela est possible, il faut remonter d’un niveau de classe polluante de poids lourds, et ainsi éliminer progressivement les camions les plus polluants ; ce dans l’attente de la montée en puissance des solutions alternatives, dont la ligne Lyon-Turin fait partie.
J’attire votre attention, madame la ministre, sur le fait que les deux grandes vallées nord-alpines ne sont pas traitées de la même manière. C’est un problème d’image – pensez au tourisme – et d’équité, notamment pour la Maurienne, qui accueille le plus ancien de nos parcs nationaux. L’harmonisation du traitement sur l’ensemble de la chaîne alpine serait une excellente chose. Je vous remercie du message que vous pourrez porter en ce sens lors du sommet franco-italien.
L’amendement est donc retiré.