Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement émet un avis tout à fait défavorable, d’abord parce que cet amendement est très bancal. Le transit de poids lourds, c’est un transit national, et non régional.
Par ailleurs, même si le transit pose des problèmes plus particuliers à certaines régions, nous n’allons pas pouvoir cumuler l’ensemble des taxes, car les 4 centimes qui sont prélevés concernent tous les camions. Vous savez comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs, comment se passe la communication. Certes, il s’agit d’un rapport. Mais ce que l’on retiendra surtout, ce sont les termes « transit poids lourds à l’échelle régionale avec affectation de la recette nette aux régions pour financer leurs politiques de mobilité ».
Je ne souhaite vraiment pas que l’on improvise sur des questions fiscales (M. Ronan Dantec s’exclame.) concernant un sujet aussi sensible qui touche les entreprises de transport, en outre confrontées en ce moment à un mouvement social du fait de la concurrence très vive de certains pays. Je le rappelle, des chauffeurs de poids lourds sont aujourd’hui rémunérés en dessous du SMIC, parce que de très petites entreprises ne peuvent pas faire autrement et que d’autres entreprises qui pourraient faire autrement bénéficient d’un dumping social.
C’est donc un sujet extrêmement complexe. Le contexte actuel n’est pas propice au lancement dans la nature de mots comme « péage de transit poids lourds à l’échelle régionale… »
Je reconnais que le problème est réel. Il prendra place dans le projet de loi de finances, avec l’association des régions. Comme je l’ai dit tout à l’heure sur un autre sujet, la représentation nationale, dans le contexte actuel de décentralisation et de restructuration des régions, ne peut pas légiférer sans associer les régions et leur organisation à la réflexion et à la rédaction de textes qui concernent les collectivités territoriales. Vous y êtes particulièrement sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs. Vous qui êtes la chambre des collectivités territoriales, vous comprendrez que l’on ne puisse pas rédiger des textes à l’insu des régions concernées, qui de surcroît seront dans quelque temps en période de campagne électorale et certains agiteront alors l’arrivée d’impôts nouveaux dans les régions.
Je recommande donc la plus grande prudence, par respect pour les collectivités territoriales concernées et pour les entreprises de transport, qui, je le répète, sont en grande difficulté actuellement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Sur l’amendement n° 817, la commission émet un avis défavorable, madame la présidente.
Nous nous sommes déjà exprimés, les uns et les autres, sur la nécessité d’un rapport supplémentaire. Mme Jouanno a affirmé – je n’irai pas jusqu’à relire ce qu’elle a dit – que nos demandes de dépôt de rapport ne sont jamais satisfaites. Ce n’est pas tout à fait exact : il arrive que nous recevions des rapports.
M. Charles Revet. Pas beaucoup !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Pour autant, je ne crois pas que cela nous permettra de régler le problème.
De plus, au travers de cet amendement, mon cher collègue, vous affectez la recette nette aux régions. Nous avons soulevé, dans le cadre de cette transition énergétique, plusieurs problèmes concernant différents domaines. Or nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas, d’un coup de baguette magique, retenir telle ou telle solution.
Nous sommes donc convenus, sur toutes les travées, de la nécessité de procéder à une remise à plat d’un certain nombre de dossiers. Il me semble vraiment opportun de faire de même pour celui-ci. Certains orateurs l’on dit, l’écotaxe a été installée à la demande des collectivités locales de la région Alsace : le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, et peut-être même la Meurthe-et-Moselle, qui avaient constaté que les camions…
M. Gérard Longuet. Les routiers allemands !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. … transitaient par la France au lieu de circuler en Allemagne. À partir de là, l’expérimentation a été assez longue à mettre en œuvre, et nous avons constaté par la suite tous ces errements, puisque, les uns après les autres, nous n’avons pas été capables d’instaurer cette écotaxe de manière rapide et efficace.
Madame la ministre, je constate que, d’un côté, vous avez augmenté la taxation sur le diesel de 4 centimes, ce qui n’a entraîné aucune dépense pour l’État,…
Mme Chantal Jouanno. Ce n’est pas tout à fait exact !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. … et que, de l’autre, les transporteurs ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités, que je salue, car, en dépit de cette augmentation, ils ont compris que la nouvelle mesure pouvait être équilibrée.
C’est une bonne chose, mais, nous en avons déjà beaucoup discuté, les poids lourds en transit aujourd’hui ne sont pas « traités » par cette augmentation de 4 centimes de la taxation sur le gazole.
La remise à plat du dossier s’impose, car cette remarque revient à juste titre de tous côtés, à commencer par les poids lourds français qui s’étonnent de payer tandis que les camions étrangers traversent toute une région, voire la France entière, sans payer un centime !
C’est pourquoi je suis très favorable à un approfondissement de la réflexion sur le sujet, en associant les usagers et les transporteurs, les régions, ainsi que la commission du développement durable dont le président vient d’ailleurs de me donner son feu vert pour que, avec l’État, nous puissions avancer dans ce domaine.
Mme la présidente. Monsieur Dantec, l'amendement n° 817 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. J’ai bien entendu les remarques pertinentes de M. le rapporteur pour avis et les propos de Mme la ministre selon lesquels le libellé de cet amendement donne en effet un signal précis dans un sens, risque d’être mal perçu en ce moment et le problème est plus complexe.
J’ai surtout bien entendu deux choses. D’une part, l’engagement de Mme la ministre de revenir vers nous avant l’examen de la loi de finances.
M. Charles Revet. Oh, là, là !
M. Ronan Dantec. Le délai imparti est donc assez court pour traiter cette question.
D’autre part, la proposition de M. le rapporteur pour avis – j’allais moi-même faire une proposition analogue – afin que, parallèlement aux travaux du Gouvernement, la commission du développement durable se saisisse de nouveau de cette question. Nous pourrons ainsi tenter de trouver une convergence entre les propositions gouvernementales et nos propres analyses avant l’examen du prochain projet de loi de finances.
Le débat aura été utile dans la mesure où nous sommes d’accord sur le tempo et pour flécher le problème du transit des poids lourds étrangers, qui ne participent pas au financement. Il y a peut-être là une recette supplémentaire pour les régions, qui ne grèverait pas le modèle économique du transport français. Celui-ci devra néanmoins évoluer. Nous ne sommes pas là pour le maintenir tel quel car on voit bien à travers les difficultés que rencontrent un certain nombre d’entreprises qu’il est tout de même en grande difficulté. Et on a parlé du rail avant.
Dans ces conditions, je retire mon amendement, en espérant que nous tiendrons tous les délais que nous venons nous-mêmes de nous imposer.
Mme la présidente. L'amendement n° 817 est retiré.
Article 9 bis A
I. – Après le 7° de la section V du chapitre II du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis : Réduction d’impôt pour mise à disposition d’une flotte de vélos
« Art. 220 undecies A. – I. – Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale aux frais générés par la mise à disposition gratuite à leurs salariés, pour leurs déplacements entre leur domicile et le lieu de travail, d’une flotte de vélos dans la limite de 25 % du prix d’achat de ladite flotte de vélos.
« II. – La réduction d’impôt s’impute sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel les souscriptions en numéraire mentionnées au I ont été effectuées.
« Lorsque le montant de la réduction d’impôt excède le montant de l’impôt dû, le solde non imputé n’est ni restituable, ni reportable.
« III. – Un décret précise les modalités d’application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux entreprises. »
II. – (Non modifié) Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2016.
III. – (Non modifié) La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. L’article 9 bis A instaure une réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui mettent à disposition de leurs salariés une flotte de vélos.
Nous sommes réservés sur cette nouvelle réduction d’impôt pour les sociétés, puisque nous considérons que les entreprises devraient engager ce type de démarches, du reste très bénéfiques pour leur image, sans avoir forcément à bénéficier de tels avantages fiscaux.
De plus, il est vrai que la France, contrairement à d’autres pays européens, accuse un retard dans le développement des transports à vélo, et qu’il faut sûrement renforcer les infrastructures nécessaires à l’essor de ce type de transport : pistes cyclables, garages, espaces réservés devant les voitures aux feux tricolores, etc. Cela suppose que les collectivités engagent des mesures. Peut-être rencontreront-elles des difficultés dans la période de pénurie de financement actuelle. Cependant, depuis dix ans, les distances entre le travail et le domicile ne cessent d’augmenter,…
Mme Chantal Jouanno. C’est vrai !
Mme Évelyne Didier. … ce qu’il conviendrait de prendre en considération.
M. Michel Le Scouarnec. Absolument !
Mme Évelyne Didier. Dans ce cas, la bicyclette est rarement la bonne solution.
Il serait plus utile pour l’ensemble des salariés de renforcer l’effort des entreprises au versement transport, comme nous l’avions proposé, afin de financer les transports en commun. Par ce biais, l’on peut prévoir toutes sortes de mesures de mobilité complémentaires et cohérentes. Voilà pourquoi nous ne soutenons pas ce dispositif.
Au reste, madame la ministre, nous sommes d’accord avec vous lorsque vous déclarez : « Une telle disposition relève du projet de loi de finances. En outre, il y a d’autres progrès sociaux à promouvoir dans les entreprises que de cibler une réduction d’impôt sur une flotte de vélos. »
M. Charles Revet. Ce n’est pas mal !
M. Jean-Pierre Bosino. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 255, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances.
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. En l’absence de M. Husson, je défends cet amendement, qui est présenté au nom de la commission des finances tout entière et dont l’objet est tout simplement de supprimer cet article, pour les excellentes raisons que Mme Évelyne Didier vient d’exposer.
M. Charles Revet. Belle concision, monsieur Longuet !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Mes chers collègues, la commission du développement durable émet un avis défavorable. (MM. Gérard Longuet et Charles Revet s’exclament.)
M. Ronan Dantec. Très bien !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Cet amendement, présenté au nom de la commission des finances, vise à supprimer l’article 9 bis A, que l’Assemblée nationale a introduit dans le présent texte. Cet article crée une réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises mettant gratuitement à disposition de leurs salariés une flotte de vélos.
La réduction d’impôt ne peut excéder 25 % du prix d’achat de ladite flotte. Or – je le rappelle car on a tendance à l’oublier ! – le vélo est un secteur à fort potentiel économique. Il produit chaque année 4,5 milliards d’euros de retombées économiques. Il représente 35 000 emplois. Voilà pourquoi un plan d’action pour les mobilités actives, à savoir le vélo et la marche, a été annoncé le 5 mars 2014. Ce programme comprend vingt-cinq mesures incitatives destinées à développer ces modes de circulations douces.
Le présent article doit être rapproché de l’article 13 bis, lequel instaure une indemnité kilométrique du vélo. À ce jour, le vélo est le seul moyen de transport qui ne bénéficie d’aucun dispositif incitatif.
J’ajoute que l’impact budgétaire d’une telle mesure ne serait, selon toute vraisemblance, que très limité.
M. Michel Bouvard. Mais c’est du ressort de la loi de finances !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Madame Didier, j’attire votre attention sur le fait que vous rejoignez en définitive la commission des finances et Bercy à propos d’un dossier traitant de transitions énergétiques concrètes. Il s’agit d’aider tous ceux qui, demain, prendront un vélo grâce à leur entreprise. C’est vrai, les recettes publiques s’en trouveront quelque peu amoindries. Mais si un plus grand nombre de Français font du vélo, les dépenses de l’assurance maladie seront moindres, c’est à peu près sûr !
M. Jean-Jacques Filleul. Très bien !
M. Charles Revet. Et les accidents de la route ?
Mme Catherine Procaccia. Il y aura plus d’accidents !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Je signale que les maladies cardio-vasculaires pèsent d’un poids certain sur les finances de la sécurité sociale, alors que les personnes qui font du vélo sont, en général, épargnées par ces affections.
Ne serait-ce que pour des raisons bassement économiques et d’équilibre global du budget, cette mesure est pertinente.
Par ailleurs, cette disposition permet d’émettre un message fort en faveur du vélo et d’un mode de transport actif et doux. Là encore, il faut savoir ce que l’on veut ! Mettons en œuvre cette mesure, d’autant que son coût budgétaire est vraisemblablement très limité.
Enfin, en partant du principe que les entreprises ont les moyens de financer cette politique, Mme Didier suggère d’augmenter le montant du versement transport. Toutefois, ce modèle économique de financement des transports publics arrive aujourd’hui au bout de sa logique : le versement transport est à son maximum.
Mme Évelyne Didier. Non ! Pas partout !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. L’augmenter encore porterait une atteinte directe et immédiate aux entreprises, ce qui leur serait très dommageable. Je précise que nos voisins européens procèdent sans versement transport : ce système est presque une spécificité de la France !
M. Charles Revet. Dans ce cas, il faut le supprimer !
Mme Catherine Procaccia. Supprimons-le !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Le contribuable et les entreprises assument les deux tiers du coût des transports publics. Un tiers simplement est financé via la billettique. Il faudra, tôt ou tard, se poser un certain nombre de questions à ce propos…
Quoi qu’il en soit, dans le monde des transports, droite et gauche confondues, tous aboutissent à la même conclusion : on ne pourra pas continuer à développer les transports en commun, lesquels ont donné d’excellents résultats, notamment en matière de transfert modal, en conservant le modèle économique actuel. Celui-ci arrive au bout de sa logique.
Voilà pourquoi, je le répète, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend, hélas ! à diffuser un message très négatif. (M. Ronan Dantec applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’origine, le potentiel de montée en puissance du vélo pour les déplacements domicile-travail me laissait un peu dubitative.
Or, vous le savez sans doute, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a récemment publié les résultats d’une enquête expérimentale qui s’est déroulée du 1er juin au 1er novembre 2014. Cette étude portait sur 8 000 salariés répartis en dix-huit entreprises volontaires. Elle a été menée sur la base d’une indemnité de 0,25 euro par kilomètre. Ses résultats sont spectaculaires : on enregistre une hausse de 50 % de la part modale du vélo pour les déplacements domicile-travail au sein des firmes qui ont pris part à l’expérimentation.
Dans ces entreprises, le nombre de personnes pratiquant le vélo a doublé et les salariés parcourent une distance supérieure, en moyenne, aux trajets constatés à l’échelle nationale.
M. Gérard Longuet. Combien de kilomètres ?
Mme Ségolène Royal, ministre. L’incitation financière apparaît comme un critère déclencheur pour les salariés concernés, et l’on observe une forte perméabilité entre les usagers des transports en commun et ceux du vélo. En d’autres termes, les deux moyens de transport sont souvent complémentaires.
M. Charles Revet. On met le vélo dans le train.
Mme Ségolène Royal, ministre. En conséquence, un véritable potentiel se fait jour.
Madame Didier, c’est vrai, cette mesure ne figurait pas à l’origine dans le texte du Gouvernement et, devant l’Assemblée nationale, j’ai insisté sur le fait que d’autres progrès sociaux méritaient d’être promus au sein des entreprises.
M. Charles Revet. Sûrement !
Mme Ségolène Royal, ministre. Cette disposition, qui constitue une avancée indéniable, a été introduite par la commission du développement durable du Sénat.
Je suis, en règle générale et dans ce cas particulier, très attentive à la position des commissions parlementaires, eu égard aux importants travaux qui la sous-tendent. Au reste, il n’aura pas échappé à la Haute Assemblée que je suis, sur ce texte, souvent en phase avec l’avis des rapporteurs.
J’ajoute qu’entre la lecture du présent projet de loi par l’Assemblée nationale et son examen par le Sénat, la feuille de route de la transition écologique, issue des travaux du Conseil national de la transition écologique, le CNTE, a été rendue publique par M. le Premier ministre. Cette feuille de route comprend précisément l’engagement de créer une réduction d’impôt pour les entreprises développant les transports propres, au rang desquels le vélo.
Pour l’ensemble de ces raisons, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Il ne s’agit pas de contester l’intérêt que pourrait présenter cette mesure en tant que telle mais de relever un problème de fond : nous devons nous astreindre à une certaine discipline en évitant l’adoption de mesures fiscales en dehors des lois de finances. En effet, en pareil cas, nous ne pouvons disposer d’une appréciation globale de l’effort à accomplir.
En continuant à créer un certain nombre de niches, l’on aboutit progressivement à un travail de sape des recettes publiques. En toute logique, ces dispositions fiscales doivent être appréciées dans leur ensemble !
À cet égard, la commission des finances est parfaitement fondée à considérer que cette disposition trouverait mieux sa place dans un projet de loi de finances. Nous pourrions disposer d’une vision globale de l’effort accompli par les pouvoirs publics en faveur du développement des circulations douces et des modes de transport propres par les entreprises.
Le coût de cette disposition, ainsi inscrite dans un projet de loi simple, ne fait l’objet d’aucune évaluation précise.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Michel Bouvard. Nous risquons d’en subir les conséquences à l’avenir !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, les propos de Mme le ministre m’obligent à reprendre la parole.
En première lecture devant l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’est exprimé contre cette disposition. À présent, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. Aussi, il m’appartient de cultiver cette sagesse et de l’approfondir.
Tout d’abord, je me permets de reprendre l’argument invoqué à l’instant par mon excellent collègue Michel Bouvard – ce motif est sans doute le plus important de tous aux yeux de la commission des finances : les dispositions fiscales doivent être inscrites dans le budget et non au détour d’un autre texte de loi. C’est un point important et c’est une question de principe.
Ensuite, ainsi rédigée, cette disposition ne vise que les salariés du secteur privé et laisse de côté tous les salariés du secteur public. Ce n’est pas nécessairement une source d’injustice, mais c’est une source d’interrogation. Comment permettra-t-on aux salariés du secteur public d’accéder plus facilement au transport par vélocipède ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Enfin, il faut prendre en compte une autre forme d’inégalité entre les salariés. Certains d’entre eux se trouvent dans des bassins d’emploi fortement structurés par des transports collectifs. D’autres, à l’inverse, sont dans des territoires dépourvus de transports en commun.
Certaines régions ne présentent qu’une faible densité de population et les bassins d’emploi au sein desquels les entreprises recrutent sont très étendus – leur rayon peut atteindre plusieurs dizaines de kilomètres. Certains salariés bénéficient partant de la proximité, tandis que d’autres subissent les inconvénients liés à un très grand bassin d’emploi et ne peuvent, pour des raisons techniques, bénéficier de transports collectifs. Quoi qu’il en soit, les entreprises ne participent pas au financement de ces réseaux, étant donné qu’elles ne sont pas assujetties au versement transport.
Si nous sommes conscients du caractère sympathique et incitatif de cette mesure, nous souhaitons réellement qu’elle soit examinée au titre du projet de loi de finances. La voter dès à présent permettrait un effet d’annonce mais causerait bien des déceptions : peu d’entreprises mettront en œuvre cette mesure dans l’immédiat étant donné la difficulté que présente la gestion d’un parc de vélos. De surcroît, – je le répète – une majorité de salariés se sentiront exclus du champ d’application de cette mesure.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je souscris largement aux analyses que viennent de développer MM. Bouvard et Longuet – je ne reviendrai pas sur les arguments qu’ils ont employés par souci d’éviter les redondances.
Je relèverai simplement un point dans le brillant plaidoyer de M. Nègre et un second point dans l’intervention de Mme Royal.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez fait allusion aux économies que la pratique du vélo pourrait permettre au titre du budget de la sécurité sociale. À vos yeux, la protection sociale y trouverait son compte.
Ce peut être un espoir et une espérance, mais je ne suis pas persuadé qu’il en aille ainsi. Certes, ces moyens de transport tendent à réduire le nombre d’automobiles au sein de nos agglomérations. Mais celles et ceux qui pratiquent le vélo en zone urbaine respirent toutes sortes de gaz toxiques le long des voies de circulation qu’ils empruntent. Je ne suis pas persuadé que ce soit très bénéfique pour leur santé !
Mme Chantal Jouanno. C’est précisément le problème des voitures !
M. Alain Vasselle. La situation diffère sans doute selon que l’on se trouve en province ou à Paris.
Par ailleurs, le vélo et, plus généralement, l’exercice physique permettent de lutter contre l’obésité et d’aider celles et ceux qui souffrent du diabète à contenir ce mal.
Toutefois, de telles affirmations exigeraient des évaluations préalables.
Concernant les propos de Mme la ministre, je relève avec plaisir la nouvelle jurisprudence qui préside aux avis du Gouvernement sur les amendements qui ont reçu un avis favorable d’une commission, particulièrement celle du développement durable : cet avis entraîne automatiquement un avis de sagesse du Gouvernement.
M. Charles Revet. C’est plutôt positif !
Mme Chantal Jouanno. C’est une reconnaissance de la qualité du travail de la commission.
M. Alain Vasselle. Monsieur le rapporteur pour avis, ne vous privez pas de soutenir de nombreux amendements, vous êtes presque assuré d’obtenir des avis de sagesse du Gouvernement ! (Sourires. – Mme Catherine Procaccia applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. À mes collègues de la commission des finances, qui ont parfois tendance à prendre leurs désirs pour des réalités, je rappellerai qu’aucune règle ne prévoit que les dispositions ayant un impact financier soient du ressort exclusif de la loi de finances.
M. Michel Bouvard. Nous avions essayé d’imposer cela dans la LOLF, mais en vain !
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Cette volonté s’est fait jour à plusieurs reprises. En 2011, le gouvernement de M. Fillon avait tenté de faire adopter une telle règle ici, dans le projet de loi constitutionnelle dit « règle d’or ».
J’étais à l’époque membre de la commission des affaires économiques, présidée par Jean-Paul Emorine. Avec les membres de toutes les autres commissions, celui-ci s’était mobilisé pour éviter cela.
Malgré la véhémence bien connue du président Marini,…
M. Gérard Longuet. Il était alors rapporteur général.
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. … qui officiait à l’époque jusque dans les travées pour essayer de nous convaincre du bien-fondé du dispositif, le Sénat avait clairement refusé que seule la commission des finances puisse avoir quelques visions relatives aux dispositions d’impact financier. Aussi, je tiens à le rappeler, il n’y a pas de monopole des lois de finances concernant les dispositions qui ont un impact financier. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
M. Ronan Dantec. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. J’ai écouté attentivement nos excellents collègues Longuet et Bouvard, mais je ne peux que faire miens les propos du président Maurey. La vision de la commission du développement durable est en effet orientée vers le développement durable. C’est bien sa mission que d’essayer de faire bouger les lignes.
Compte tenu de son coût – qui est vraisemblablement très limité –, des avantages induits par la pratique du vélo et du signal que nous émettrions en l’adoptant, cette mesure nous paraît très opportune.
Enfin, j’adresse une remarque à notre cher collègue Alain Vasselle, qui m’a trouvé convaincu s’agissant de ce que je disais – lui aussi était convaincu concernant ses propos. Pour ce qui est de la pollution de l’air, il attirait notre attention sur la santé du cycliste qui pédale en milieu urbain pollué. Le plus exposé, toutefois, c’est l’automobiliste. Toutes les études indiquent que la pollution est plus importante dans l’habitacle de nos véhicules que dans la rue elle-même.