M. Alain Fouché. Absolument !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Cet argument ne saurait donc justifier la disparition de cette aide.
Nous souhaitons conserver ce dispositif en l’état et nous proposons donc de supprimer l’article 52.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-124.
Mme Sophie Primas, en remplacement de Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement a été parfaitement défendu par notre collègue Philippe Dallier, et je fais miens ses arguments.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne peut être favorable à la suppression d’un article qu’il a lui-même proposé.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C’est sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Beaucoup nous reprochent de ne pas engager de réforme structurelle. Or il s’agit précisément d’une telle réforme, qui s’inscrit dans une refonte plus globale des dispositifs d’accession à la propriété.
Je rappelle qu’un renforcement du prêt à taux zéro, dit « PTZ », a été mis en place pour favoriser l’accession dans le neuf et donc renforcer le soutien à la construction. En contrepartie, il est prévu que l’APL accession soit transformée en mécanisme destiné à prémunir contre les « accidents de la vie » – vous les avez parfaitement décrits, monsieur le rapporteur spécial, donc je n’y reviens pas.
C’est pourquoi le Gouvernement propose de réorienter les ressources consacrées aux APL accession vers le PTZ. En supprimant cet article, vous mettriez en cause cet équilibre. Vous conserveriez le coût budgétaire du renforcement du PTZ, mais supprimeriez l’économie attendue sur les APL accession.
Par ailleurs, même si l’Assemblée nationale a proposé de repousser d’un an l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, il n’est pas dans l’intention du Gouvernement de le supprimer. Je rappelle que notre pays consacre plus de 2 % de son PNB aux diverses formes d’aide au logement, c’est-à-dire plus de 40 milliards d’euros – certains évoquent même le chiffre de 45 milliards d’euros –, sous forme de dispositifs fiscaux et de prestations. Par conséquent, il y a lieu de simplifier et de concentrer un certain nombre d’actions, et c’est précisément l’objet de cet article.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Quand on est élu local, on voit ce qui se passe sur le terrain et les difficultés rencontrées par beaucoup pour accéder à la propriété. Ce n’est vraiment pas la peine de compliquer davantage les mesures existantes.
Je suis donc tout à fait d’accord avec la position de la commission des finances.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le groupe socialiste n’approuve pas la proposition de notre collègue Dallier.
Si les députés ont accepté le report d’un an d’une réforme des APL accession, ce n’est pas du tout pour obtenir un sursis avant de les supprimer. C’est pour réfléchir à la manière dont elles pourraient être mieux calibrées et ciblées. Dans le neuf, en particulier, on ne peut pas, d’un côté, développer le PTZ pour améliorer la solvabilité des accédants modestes, et, de l’autre, leur reprendre des aides. Nous avons besoin, vous le savez, de doper la construction et l’accession sociale à la propriété, qui ont connu une véritable hémorragie.
Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale a donc donné son accord au report d’un an, mais non à l’abandon des APL accession. Je le répète, ce report doit permettre d’adapter le calibrage des aides, à la fois aux contraintes budgétaires du pays et au nécessaire soutien de l’activité économique.
Dans cet esprit, notre groupe ne souhaite pas être plus royaliste que le roi, d’autant que nos collègues de la majorité sénatoriale ont tendance à nous proposer une multitude de dépenses supplémentaires, tout en expliquant ensuite qu’ils vont réaliser 120 milliards d’euros d’économies. Ces économies, on ne les a pas beaucoup vues, au Sénat !
En dehors de cette réalité, monsieur le secrétaire d’État, le groupe socialiste ne souhaite pas la suppression de toutes les APL accession. Il propose que le Gouvernement se donne un an pour bien calibrer la nature de ces aides et a bien sûr pris acte de la réflexion stratégique qui allait s’engager sur l’ensemble des aides à la personne en matière de logement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je voudrais souligner qu’il n’y a guère de sens à inscrire dans la loi de finances pour 2015 l’entrée en vigueur de cette mesure en 2016. Nous pourrons en discuter de nouveau l’année prochaine.
Mme Lienemann nous dit qu’elle n’est pas favorable à la proposition du Gouvernement. Nous proposons quant à nous de supprimer l’article. Reparlons-en ensuite l’année prochaine ! Laisser l’article en l’état marque tout de même un signal : la mesure devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2016. Or nous ne pensons pas que ce soit une bonne mesure, ni cette année ni l’année prochaine. Si l’on nous présente un autre dispositif dans un an, nous en débattrons à ce moment-là.
La position de la commission des finances est donc cohérente, me semble-t-il.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-54 et II-124.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 70 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 122 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 52 est supprimé et l'amendement n° II-285 n’a plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° II-285, présenté par Mme Lienemann, était ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Pour les prêts ou les contrats de location-accession signés à compter du 1er janvier 2016, les 1° et 6° du présent article ne sont applicables
par les mots :
Pour les prêts signés à compter du 1er janvier 2016, le 1° du présent article n’est applicable
Article 53
À la première phrase du premier alinéa du IV de l’article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, les mots : « en 2014 et de 150 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « par an en 2014 et ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-55 est présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-125 est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-55.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Cet article prévoit, une nouvelle fois, de revenir sur un accord !
Il n’y a guère eu d’année où le Gouvernement n’a pas demandé à Action logement un effort supplémentaire pour financer l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ou ANRU, l’Agence nationale de l’habitat, ou encore le fonds national d’aide au logement. Je reconnais bien volontiers, monsieur le secrétaire d’État, qu’un tel penchant n’a pas commencé en 2012 et qu’il s’était manifesté bien avant. Au fur et à mesure que les crédits budgétaires destinés à l’ANRU, puis à d’autres usages disparaissaient, on demandait à Action logement de bien vouloir les compenser.
L’accord précédent prévoyait un prélèvement exceptionnel versé par la PEEC, la participation des employeurs à l’effort de construction, de 150 millions d’euros. Ce montant est porté à 300 millions d’euros.
Il faut bien comprendre que ces sommes ne vont plus à leur destination d’origine, qui consistait à aider les salariés à accéder à la propriété ou à rénover leur logement au travers de prêts. Elles permettaient également à Action logement de financer la construction de logements. L’argent était prêté ; les retours de prêts pouvaient ensuite être réutilisés.
Au fil des années, Action logement voit ses ressources diminuer. Pour compenser cette situation, on l’a même autorisée à emprunter jusqu’à un milliard d’euros : c’est bien gentil, mais il lui faudra rembourser plus tard !
Nous avons le sentiment que la logique même des fonds mis à la disposition d’Action logement est progressivement remise en cause. La commission des finances a considéré qu’il fallait mettre un coup d’arrêt à cette dérive. Du reste, même si un accord vient d’être signé au forceps il y a quelques jours, tout cela nous paraît de mauvaise politique.
Pour ces raisons, mes chers collègues, la commission des finances vous propose de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-125.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les bras m’en tombent ! (Sourires.) J’étais cette semaine au ministère du logement, aux côtés de Mme Pinel et du ministre de la ville, Patrick Kanner, et j’ai entendu le président d’Action logement lui-même vanter les mérites de cet accord.
À vous entendre, monsieur Dallier, les fonds collectés ne seraient pas destinés à des actions en faveur du logement, qu’il s’agisse d’opérations de rénovation urbaine ou de prestations. Or tel est bien le cas. Par ailleurs, cet accord signé entre ma collègue ministre du logement et les représentants d’Action logement est assorti d’un certain nombre de contreparties.
Peut-être n’étais-je pas au bon endroit, peut-être n’ai-je pas compris ce qui s’est dit, mais j’ai bien entendu tous les signataires se féliciter de cet accord, dont certaines autorités prestigieuses vont se faire l’écho dans les jours qui viennent !
Le Gouvernement n’est évidemment pas favorable à la suppression de cet article. Du reste, où trouver l’argent pour compenser cette perte de ressources ? À un moment donné, il faut tenir les compteurs ; mais j’imagine que nous reviendrons sur cette question dans quelques instants.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je comprends très bien que M. le secrétaire d’État défende la signature de cet accord, mais en réalité, quand on a un pistolet sur la trempe, on signe tous les compromis…
Comme je l’ai déjà souligné en commission ou en séance publique, ce dispositif consiste à transférer une partie de l’aide à la pierre vers l’aide à la personne. Je ne nie pas les besoins de financement de l’APL, mais le besoin de construction doit être l’une de nos priorités, et ce n’est pas en procédant de cette façon que l’on résoudra le problème du logement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-55 et II-125.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 53 est supprimé.
Article 54
I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 452-1-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « et », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « d’une fraction des cotisations mentionnées aux articles L. 452-4 et L. 452-4-1. » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les années 2015 à 2017, la fraction mentionnée au premier alinéa du présent article est fixée à 120 millions d’euros par an. » ;
2° Les quatrième et avant-dernier alinéas de l’article L. 452-4-1 sont supprimés.
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2015.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° II-204 rectifié octies est présenté par M. Commeinhes, Mme Duchêne, MM. J. Gautier, del Picchia, Grand, Calvet, César, Carle, Lefèvre et Kennel, Mme Giudicelli, MM. Gremillet, B. Fournier, Mayet et Houel, Mme Mélot et MM. Perrin et Raison.
L'amendement n° II-282 est présenté par MM. Le Scouarnec et Bosino.
L'amendement n° II-286 est présenté par Mme Lienemann.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° II-204 rectifié octies.
Mme Marie-Annick Duchêne. Une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d’État, je présente un amendement visant à la suppression d’un article…
L'article 15 du projet de loi de finances prévoyant d'abaisser la contribution issue de la taxe sur les plus-values immobilières supérieures à 50 000 euros, cet article 54, afin de compenser cette baisse de recettes de fonds, vise à augmenter le prélèvement sur les organismes HLM de 70 à 120 millions d'euros.
Or cette mesure est en totale contradiction avec les engagements pris par l'État – inscrits dans le pacte d'objectifs et de moyens signé le 8 juillet 2013 et réaffirmés dans le préambule de l'Agenda HLM 2015-2018 –, de garantir, dans le temps de la suppression du prélèvement, le potentiel financier des organismes HLM.
Ce prélèvement équivaut aux fonds propres nécessaires à la production de mille logements sociaux et à une perte d'activité de 120 millions d'euros pour les entreprises du bâtiment.
M. le président. L’amendement n° II-282 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° II-286.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La CGLLS, la Caisse de garantie du logement locatif social, repose sur une contribution des organismes sociaux : les bailleurs sociaux, les HLM, constituent une caisse ayant vocation à garantir ces organismes en cas de risque et à accompagner diverses politiques et réorganisations. Cette caisse est donc financée uniquement par les HLM.
Vous savez, chers collègues, à quel point nous avons contesté le prélèvement opéré directement sur les organismes HLM pour abonder ce fameux fonds. Or, aujourd’hui, que nous dit-on ? Qu’il n’y aura pas de prélèvement sur les organismes, mais qu’on prendra sur la trésorerie de la CGLLS !
Je sais que nous avons un pape jésuite et que c’est dans l’air du temps, mais le jésuitisme a des limites ! On prélève sur les organismes HLM, c’est-à-dire sur les loyers des gens modestes, pour subventionner l’aide à la pierre qui devrait être financée par la solidarité nationale.
Pourtant, des engagements ont été pris devant le mouvement HLM et il faut de l’argent pour construire du logement social. En outre, le mouvement HLM a lui-même fait des efforts, afin de mutualiser ses fonds et d’éviter que de l’argent ne dorme inutilement. Or, à peine un énième accord avec l’État est-il signé, que Bercy sort du bois pour lui retrancher encore des crédits. Nous nous étions pourtant accordés sur un cadre politique !
Comment voulez-vous, dans ces conditions, que nous mobilisions un mouvement qui éprouve déjà de grosses difficultés en termes d’accès au foncier et de relations auprès des élus locaux et de la population. Je le dis tout net : en matière de prélèvements sur le logement social, la coupe est pleine !
Vous demandez où trouver des recettes, monsieur le secrétaire d’État. Eh bien, j’ai proposé, par exemple, de taxer les transactions immobilières au-dessus de 10 000 euros le mètre carré, et l’on m’a opposé je ne sais quelle perturbation du marché ! Pourtant, taxer un montant si élevé de transactions ne perturberait pas le marché, et c’est heureux.
On préfère prélever sur les loyers et sur les recettes des HLM, sans état d’âme cette fois pour les perturbations du marché, plutôt que de taxer des investissements qui sont principalement étrangers ! Mes chers collègues, excusez ma colère, mais c’est un choix que je ne comprends pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. Vous avez raison !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission n’ayant pu examiner ces amendements, je m’exprimerai à titre personnel.
Je suis très ennuyé : je comprends le sens des amendements de nos deux collègues, mais que faisons-nous si nous supprimons cet article ? Que restera-t-il pour les aides à la pierre l’année prochaine ? Nous devons nous poser cette question.
Nous sommes tous d’accord pour estimer qu’il faut dégager des moyens en faveur de la construction de logements sociaux. Toutefois, à partir du moment où l’on supprime cet article, il ne reste que les malheureuses sommes inscrites en crédits budgétaires. Est-ce bien le résultat que nous recherchons ? Je suis très embarrassé.
J’ai lu que l’organisme gestionnaire de ce fonds de péréquation était favorable à ce prélèvement. Néanmoins, comme les représentants de l’État y sont majoritaires, ils y dictent leur loi ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est pratique !
M. Roger Karoutchi. C’est plus facile !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je comprends les représentants du monde HLM, mais si nous supprimions cet article, il ne resterait plus de moyens pour financer la construction en 2015. Dès lors, que voulons-nous ?
À titre personnel, je suggère donc à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je crois que les propos qui viennent d’être tenus sont excessifs. La CGLLS a accumulé de la trésorerie surabondante pendant des années – telle est l’analyse que nous avons faite il y a déjà un an ou eux.
Je connais l’argument : c’est l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ou ACPR, c’est-à-dire l’ancienne commission bancaire, qui avait demandé des taux de couverture importants en cas de défaillances. Toutefois, la CGLLS n’a dû couvrir de telles défaillances qu’à une ou deux reprises au cours des quinze dernières années, et pour des sommes ridiculement faibles – de l’ordre de quelques centaines de milliers d’euros –, alors qu’il y avait quelques centaines de millions d’euros qui dormaient dans ses coffres.
M. Alain Fouché. Pas dans tous les offices !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne vous parle des offices, monsieur le sénateur, mais de la Caisse de garantie du logement locatif social !
Par ailleurs, ce n’est pas « Bercy », c’est le Gouvernement qui a décidé de ne pas maintenir cette trésorerie surabondante pendant des années – et je ne parle même pas des coûts de la structure… J’en ai assez d’entendre parler de « Bercy » comme d’une entité abstraite, irréelle. Les deux ministres et les quelques secrétaires d’État concernés ont la prétention de conduire leur administration. Il ne s’agit donc pas des décisions de l’administration, mais de celles, pleinement assumées, des ministres !
La question des moyens financiers est-elle la seule à faire obstacle à la construction, alors que nous consacrons plus de 2 % de notre produit intérieur brut – ce doit être le record mondial – aux aides au logement ? Non, il en a beaucoup d’autres !
Vous l’avez évoquée, il y a d’abord la question de la disponibilité du foncier. Elle se pose, sinon partout, du moins, de manière évidente, dans certains secteurs. Nous avons d’ailleurs mis en place un certain nombre de dispositifs afin de répondre à cette difficulté.
« Bercy », dit-on, bloquerait le foncier… Mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart d’entre vous ont mon numéro de téléphone portable – j’ai également un conseiller parlementaire – et peuvent me faire savoir directement si l’une des administrations dont j’ai la responsabilité politique bloque du foncier pour des motifs illégitimes !
Tout comme Thierry Repentin, qui consacre son temps à ces questions depuis qu’il préside la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, la CNAUF, je suis prêt à étudier tous les cas de blocage artificiel qui seraient dus à administration trop tatillonne.
En sus de la question du foncier se pose celle des normes. Ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, car on l’a entendu ici très souvent : les enquêtes publiques, les fouilles archéologiques, les enquêtes d’impact, les lois sur l’eau,…
M. Daniel Raoul. Les recours abusifs !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … peuvent s’accumuler, pour peu que s’expriment certaines résistances, comme cela peut arriver ici ou là. Cela contribue à bloquer certains dossiers.
Enfin, pour rencontrer régulièrement Jean-Louis Dumont, le président de l’USH, l'Union sociale pour l'habitat, ainsi qu’un certain nombre de ses collègues, je sais que se manifeste surtout un manque de volonté politique de la part d’un certain nombre d’élus – je ne porte de jugement, je fais un constat. Nombre de dossiers – je n’ai plus les chiffres en tête – ont été abandonnés ces derniers mois, voire ces dernières années, compte tenu d’une volonté politique, qui d'ailleurs peut être respectable si elle s’appuie sur des motifs légitimes. C’est l’une des causes principales du problème, notamment dans certaines zones de notre pays.
Nous pourrions prolonger le débat, car certains ici sont de meilleurs spécialistes de ces sujets que moi. Toutefois, compte tenu de ces facteurs, nous constatons que la CGLLS a une trésorerie qui est largement suffisante et qui, pendant très longtemps, a même été surabondante.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens les compteurs : à chaque amendement adopté, ce sont quelque 100 millions d’euros de ressources qui font défaut au budget de l’État.
Je maintiens que ces amendements identiques, s’ils étaient adoptés, ne permettraient pas de profiter des possibilités offertes par l’aide à la pierre. Vous avez raison, monsieur le rapporteur spécial, les sommes prélevées sont recyclées dans des aides à la pierre. Cela nous semble en effet compatible avec l’idée que nous nous faisons de la gestion globale de l’argent public.
Par conséquent, le Gouvernement n’est évidemment pas favorable à ces amendements de suppression de l’article 54.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez d’affirmer devant notre assemblée quelque chose de faux. Je le dis très clairement : prétendre que la trésorerie de la CGLLS suffira à financer l’aide à la pierre prévue est inexact. En qualité de président d’un organisme d’HLM, j’ai déjà été amené à instaurer un prélèvement sur chaque loyer pour financer une telle opération. Voilà la vérité, monsieur le secrétaire d’État : il est erroné de dire que le dispositif prévu ne conduira pas les organismes d’HLM à opérer des prélèvements sur les loyers pour financer l’aide à la pierre !
M. Jean-Claude Boulard. Je le dis avec beaucoup de force.
J’y reviendrai tout à l’heure, mais j’ai vécu quelque chose d’analogue au sein du Comité des finances locales.
J’espère que l’on comparera un jour les propos tenus par un membre du Gouvernement et ceux d’une personne responsable d’un organisme d’HLM, qui a d’ores et déjà été amenée à prévoir une cotisation sur les loyers pour financer cette opération.
Le mécanisme prévu est d’ailleurs plus injuste que le processus précédent. En effet, après tout, le prélèvement tenant compte du potentiel financier tirait un peu les conséquences du fait que certains organismes d’HLM avaient peu investi et avaient des fonds propres importants.
M. Alain Fouché. Pas tous ; seulement certains !
M. Jean-Claude Boulard. C’est Mme Boutin, d’ailleurs, qui avait eu cette idée. (M. Daniel Raoul s’exclame.) Pour ma part, je juge les mesures non pas en fonction de ceux qui les présentent, mais selon leur contenu. Là est la rupture avec la politique politicienne.
En tout cas, je l’affirme clairement : ce dispositif conduira, en 2015, à prélever sur les loyers. Or, jusqu’à présent, le financement de l’aide à la pierre provenait de la solidarité nationale dans le cadre du budget, et non pas de la contribution des plus pauvres, logés dans le parc social.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. M. le secrétaire d’État a raison de dire que la question financière n’est pas la seule à expliquer le blocage de la construction de logements. J’ai affirmé la même chose lors de mon intervention dans la discussion sur le budget du logement. Il y a des freins. C’est d’ailleurs pourquoi j’expliquai que, malgré l’engagement du Président de la République de doubler l’aide à la pierre, nous considérions que le niveau d’aide à la pierre, qui n’est pas élevé, qui pourrait paraître insuffisant, était néanmoins raisonnable au regard du nombre de constructions réelles que nous étions en mesure de bâtir cette année. Je n’ai donc pas fait de la surenchère quant à l’inscription du niveau de l’aide à la pierre qui était nécessaire.
La question qui nous occupe est tout autre : qui doit financer cette aide à pierre ? Je le sais, monsieur le secrétaire d’État, chaque ministre, à Bercy ou ailleurs, pense qu’il dirige effectivement son administration. Or quand on a la malchance, comme moi, de suivre un sujet sur vingt ou trente ans, on se rend compte qu’il existe des stratégies administratives qui, en dépit des choix gouvernementaux, reviennent, avec des coups d’accélérateurs selon les gouvernements en fonction de leurs choix politiques, mais qui in fine inscrivent ce que la haute administration a essayé de faire. On a beau résister et résister encore, peu à peu, grignotage par grignotage, elle atteint son but.
Que se passe-t-il avec la CGLLS ? Il s’agit de cotisations. Jean-Claude Boulard a raison de le dire, c’est chaque organisme qui cotise à la CGLLS. Voilà des années, monsieur le secrétaire d’État, que le monde HLM demande la baisse de ces cotisations afin de reconstituer les fonds propres dans les organismes. Mais l’État étant majoritaire, il refuse de les baisser. (M. André Gattolin sourit.) Il nourrit donc la bête, si je puis dire, CGLLS au-delà du raisonnable. Pendant longtemps, Bercy a expliqué qu’en raison des risques bancaires des fonds devaient être stockés à la CGLLS. Le jour où l’État a besoin de cet argent, il prétend que, finalement, il n’était pas nécessaire de le stocker et que le risque était mal évalué !
Les organismes d’HLM sont donc sans cesse ponctionnés pour donner de prétendues garanties financières, et une fois que les caisses de la CGLLS sont pleines, le risque disparaît, et l’État y puise ce dont il a besoin.
L’argent de la CGLLS pourrait néanmoins servir à autre chose : il pourrait financer le logement HLM accompagné. En effet, vous le savez bien, mes chers collègues, le niveau des loyers est, dans nombre de secteurs, inadapté à la situation des très pauvres. Nous aurions donc besoin de stocks de financements complémentaires afin d’accompagner le niveau de loyer pour la partie du parc correspondant aux personnes très pauvres. Obtenir 10 000 logements HLM accompagnés pour les très pauvres a été le drame du siècle ! Regardez tous les gens à la rue, mes chers collègues, regardez tous ceux qui relèvent du DALO, le droit au logement opposable, que nous n’arrivons pas à placer dans le parc existant et voyez à quel point ce type de logements est nécessaire et quelle est l’ampleur de l’enjeu !
Il y a peut-être de l’argent à utiliser à la CGLLS. Le mouvement HLM est prêt à examiner avec l’État comment l’employer ; il avait même passé avec lui un contrat portant sur une partie de cet argent. Pourtant, aujourd’hui, alors qu’un contrat a été signé, on vire de bord, la CGLLS nous explique que l’on va prendre cet argent. Pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État, mais ce n’est pas conforme à l’engagement que François Hollande avait pris et devant le mouvement HLM et devant la Fondation Abbé Pierre. (M. André Gattolin applaudit.)