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Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
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Financement de la sécurité sociale pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Nous poursuivons la discussion des articles.
À la demande du Gouvernement, nous allons examiner par priorité, au sein du chapitre VII, l’article 51.
Article 51 (priorité)
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1221-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du 1°, après le mot : « plasma », sont insérés les mots : « dans la production duquel n’intervient pas un processus industriel, quelle que soit sa finalité, » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Du plasma à finalité transfusionnelle dans la production duquel intervient un processus industriel, régi par le livre Ier de la cinquième partie ; »
c) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Des médicaments issus du fractionnement du plasma régis par le livre Ier de la cinquième partie ; »
2° Le premier alinéa de l’article L. 1221-9 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe les tarifs :
« a) De cession des produits sanguins labiles, à l’exception des plasmas à finalité transfusionnelle ;
« b) De conservation en vue de leur délivrance et de délivrance des plasmas à finalité transfusionnelle relevant des 1° ou 2° bis de l’article L. 1221-8 par les établissements de transfusion sanguine. » ;
3° L’article L. 1221-10 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation aux articles L. 4211-1 et L. 5126-1, les activités de conservation en vue de leur délivrance et de délivrance des plasmas mentionnés au 2° bis de l’article L. 1221-8 sont effectuées soit par un établissement de transfusion sanguine, soit par un établissement de santé autorisé à cet effet dans des conditions définies par décret. » ;
4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1221-10-2, après le mot : « labiles », sont insérés les mots : « et les plasmas mentionnés au 2° bis de l’article L. 1221-8 » ;
5° L’article L. 1221-13 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et de plasma mentionné au 2° bis de l’article L. 1221-8, ce dernier produit demeurant également soumis au chapitre Ier bis du titre II du livre Ier de la cinquième partie » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot : « labiles », sont insérés les mots : « et du plasma mentionné au 2° bis de l’article L. 1221-8 du présent code » ;
6° L’article L. 1222-8 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « de la cession des » sont remplacés par les mots : « des activités liées aux » ;
b) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les produits des activités liées au plasma mentionné au 2° bis de l’article L. 1221-8 ; »
7° Après la première phrase du second alinéa de l’article L. 1223-1, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ces établissements conservent en vue de leur délivrance et délivrent les plasmas mentionnés au 2° bis de l’article L. 1221-8, dans les conditions fixées au II de l’article L. 1221-10. » ;
8° L’article L. 5121-1 est complété par un 18° ainsi rédigé :
« 18° Médicament dérivé du sang, tout médicament préparé industriellement à partir du sang et de ses composants. Ils sont soumis au présent titre, sous réserve des dispositions spécifiques qui leur sont applicables. Ils comprennent notamment :
« a) Les médicaments issus du fractionnement du plasma ;
« b) Le plasma à finalité transfusionnelle dans la production duquel intervient un processus industriel. » ;
9° L’article L. 5121-3 est abrogé ;
10° Après l’article L. 5126-5-1, il est inséré un article L. 5126-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5126-5-2. – I. – Par dérogation aux articles L. 4211-1 et L. 5126-1, les activités de conservation en vue de leur délivrance et de délivrance des médicaments définis au b du 18° de l’article L. 5121-1 sont effectuées soit par un établissement de transfusion sanguine, soit par un établissement de santé autorisé à cet effet dans les conditions mentionnées au II de l’article L. 1221-10.
« II. – Tout contrat d’achat de plasma à finalité transfusionnelle mentionné au 2° bis de l’article L. 1221-8 conclu entre un établissement pharmaceutique et un établissement de santé doit comporter, à peine de nullité, des clauses permettant de mettre en œuvre et de respecter les obligations de conservation en vue de la délivrance et de délivrance mentionnées au I du présent article. »
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. À la suite de la demande du Gouvernement, nous examinons par priorité l’article 51. J’avais demandé aux membres de la commission des affaires sociales de se réunir dix minutes avant la reprise de la séance – c’est d’ailleurs pour cette raison que nous sommes arrivés un peu en retard, monsieur le président, madame la ministre, et nous vous prions de nous en excuser – pour essayer de trouver une solution, mais nous n’y sommes pas complètement parvenus.
Nous n’avons pu nous mettre d’accord que sur un point, monsieur le président : la commission souhaite que vous appeliez par priorité l’amendement n° 255, afin que nous puissions ensuite engager la discussion sur ce sujet.
M. le président. Je suis saisi d’une demande de priorité de la commission des affaires sociales sur l’amendement n° 255, à l’article 51, afin qu’il soit examiné avant les amendements de suppression de cet article.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je suis ici pour suivre les travaux tels que le souhaite le Sénat. Par conséquent, j’accède bien volontiers à la demande de la commission.
M. le président. La priorité est de droit.
Nous allons donc examiner l'amendement n° 255, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 29
Compléter cet alinéa par les mots :
à condition de respecter le régime applicable aux médicaments dérivés du sang, en obtenant une autorisation de mise sur le marché et en respectant les exigences tenant au caractère volontaire, anonyme et gratuit des dons de sang, à la majorité du donneur et au dépistage des maladies transmissibles, prévues par le code de la santé publique
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avant de présenter cet amendement, si nous voulons que le débat puisse avoir lieu sereinement, il me semble que quelques explications préalables s’imposent sur cet article 51, qui concerne le don du sang.
En effet, le sang humain est une ressource rare, qui permet de soigner plus de 1 million de patients par an en moyenne en France, et ce grâce au geste de 1,7 million de donneurs bénévoles.
Le sang humain permet de produire deux catégories de produits à finalité thérapeutique : les produits sanguins labiles et les médicaments dérivés du sang.
Le présent article vise à donner au plasma thérapeutique le statut de médicament, ce qui, nous semble-t-il, ouvre la voie à sa commercialisation. Or, jusqu’à maintenant, et en dépit d’une directive européenne, la France continuait de considérer le plasma thérapeutique comme un produit sanguin labile. Condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne, elle accorde désormais, par la voie de cet article, le statut de médicament au plasma thérapeutique.
C’est pourquoi, à nos yeux, la mise en œuvre de l’article 51 comporte trois principaux risques : un risque éthique, un risque sécuritaire et, surtout, un risque concernant l’autosuffisance.
Par ailleurs, cet article prévoit que l’Établissement français du sang, l’EFS, conserve et distribue du plasma d’origine non éthique, ce qui est contraire à ses missions.
Cette ouverture à la concurrence est lourde de conséquences pour l’EFS, qui devra se réorganiser et recentrer son activité sur d’autres procédés. De même, la collecte de plasma bénévole en France va diminuer malgré un accroissement des besoins nationaux et internationaux, et la présence territoriale de l’EFS s’en trouvera remise en cause.
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, et bien conscients que nous ne pouvons pas supprimer cet article, puisqu’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne impose son application, nous avons décidé de déposer cet amendement, qui vise à introduire un minimum d’exigences éthiques dans cet article.
D’abord, il nous semble que les associations de donneurs de sang doivent être associées à la réflexion menée par le Gouvernement, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.
Surtout, l’éthique et la maîtrise du risque doivent guider le Gouvernement dans la transposition de la directive européenne mentionnée. Selon nous, il n’est en effet pas concevable que l’EFS, dont l’une des missions est de « veiller au strict respect des principes éthiques par l’ensemble de la chaîne transfusionnelle », soit mis dans l’obligation de conserver et de distribuer un produit non éthique, qui plus est fabriqué par des laboratoires étrangers.
Nous connaissons bien, en France, les conséquences dramatiques qui peuvent résulter des errements en matière de politique du sang. Nous avons créé l’EFS et le LFB, le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, pour ne pas répéter les erreurs de 1993 ; n’affaiblissons pas ces établissements.
Il s’agit donc non pas de supprimer cet article, mais de le compléter par un alinéa qui permettrait de faire entrer en vigueur en quelque sorte une charte éthique. Je vous rappelle d’ailleurs qu’une telle charte a déjà été instaurée, sur l’initiative du député Olivier Véran, par la loi du 24 février 2014 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé, dite loi « DADU santé », afin d’identifier clairement les médicaments dérivés du sang issu de plasma non rémunéré. Cette charte a été défendue au Sénat par notre ancien collègue Jacky Le Menn.
L’adoption de cet amendement nous permettrait donc de voter cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Le sujet est complexe !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous avons affaire, en effet, à un sujet extrêmement complexe.
Votre position, madame David, est partagée par beaucoup de nos collègues, pour ne pas dire par tous, qui sont attachés au principe du don gratuit et ils soulignent que cela ne règle pas les problèmes de compatibilité avec le droit de la concurrence.
L’article 51 tire les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a considéré que les plasmas thérapeutiques dans l’élaboration desquels entre un processus industriel sont des médicaments – cela répond à un certain nombre de remarques – et qu’ils ne peuvent donc relever du monopole de l’EFS en matière de produits sanguins labiles.
Notons d’abord que les produits sanguins stables sont déjà des médicaments au sens du droit et sont donc soumis à autorisation de mise sur le marché et au droit de la concurrence. L’article 51 tend donc à limiter les effets de cet arrêt en prévoyant que les plasmas thérapeutiques restent soumis aux règles de sécurité de l’hémovigilance, ce qui répond à une autre interrogation de nos collègues sénateurs.
Avec les auteurs des amendements de suppression, je regrette que les plasmas issus de dons éthiques soient désormais soumis à la concurrence de ceux qui n’en sont pas issus. Toutefois, je constate que, si les clauses éthiques ne figurent pas dans les contrats, rien – hormis, dans certains cas, l’intérêt supérieur des malades – n’oblige les établissements hospitaliers à acheter des plasmas préparés à partir de dons rémunérés.
Je rappelle que l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, exerce un contrôle renforcé sur les produits sanguins qui relèvent de sa compétence. La traçabilité de chaque lot est assurée par l’Agence. Elle permet d’identifier les prélèvements sanguins à partir desquels a été fabriqué un lot donné de médicaments ainsi que les lots qui ont été fabriqués à partir de prélèvements sanguins donnés et les lots dont proviennent les médicaments administrés à un patient. Il existe donc un suivi parfait de ces produits et de leur usage.
Enfin, je tiens à insister sur le fait que la suppression de cet article ne réglerait rien : le juge national qui applique la jurisprudence européenne se contenterait de condamner la France à payer des dommages-intérêts aux entreprises qui produisent le plasma concurrent de celui qui est issu des dons français. Nous n’aurions donc rien gagné.
Voilà, mes chers collègues, la position à laquelle les membres de la commission sont parvenus après avoir écouté les uns et les autres et s’être creusé un peu la tête sur ce qui constitue un problème de fond : la possible remise en cause du principe éthique du don gratuit, principe qui, jusqu’à présent, a toujours prévalu en France et qui, je crois, est défendu par tous dans cet hémicycle.
Pour toutes ces raisons, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Avant de donner l’avis du Gouvernement, je voudrais revenir sur la situation à laquelle nous répondons à travers cet article.
En effet, lors de la préparation des débats, j’ai rencontré des parlementaires, dont certains sont présents ici, et d’autres interlocuteurs qui, et je le comprends fort bien, m’ont fait part de leurs inquiétudes et de leurs interrogations sur la situation actuelle et sur l’avenir du don éthique à la suite des décisions qui ont été prises et sur lesquelles je vais revenir.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur général, nous sommes d’abord face à une situation juridique qui s’impose à nous. Et je veux commencer par réaffirmer l’attachement de la France aux conditions dans lesquelles le prélèvement du sang est réalisé, et donc aux principes qui encadrent notre système.
Celui-ci repose sur trois piliers : tout d’abord, la sécurité sanitaire que nous devons aux receveurs, et, à quelques jours du triste anniversaire de la crise du sang contaminé, nous devons plus que jamais rappeler l’engagement qui est le nôtre à garantir cette sécurité sanitaire ; ensuite l’autosuffisance ; enfin, le don éthique.
Ce sont ces principes qui garantissent la qualité et la sécurité des produits mis à la disposition des professionnels de santé et des malades. Tel est le cadre qui a existé et qui continue d’exister, tels sont les principes, les valeurs, les engagements qui sont ceux de la France, mais qui, disons-le, ne sont pas partagés par tous les pays.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à deux décisions de justice, l’une de la Cour de justice de l’Union européenne, l’autre du Conseil d’État, qui ont requalifié le plasma solvant détergent, ou plasma SD, en médicament, alors qu’il était jusqu’à présent considéré comme un produit sanguin labile, c’est-à-dire un produit qui pouvait être produit et mis à disposition par l’Établissement français du sang, au même titre que d’autres types de plasmas.
Sans entrer dans les détails, il existe trois types de plasmas, et ces décisions juridiques ne portent que sur le plasma SD, qui était jusqu’à maintenant prélevé et produit par l’Établissement français du sang. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a été confirmée, avec à la clef des conséquences très concrètes sur lesquelles je vais revenir, par le Conseil d’État, a consisté à requalifier ce plasma SD non plus comme un produit sanguin labile, mais comme un médicament.
Ces décisions vont induire des changements qui toucheront en premier lieu des acteurs institutionnels, notamment l’Établissement français du sang. Je comprends parfaitement les inquiétudes qui naissent de cette décision. Nous devons évidemment faire en sorte que cette évolution du droit ne désorganise pas du jour au lendemain la délivrance des produits transfusionnels, ce qui pourrait donner lieu à des difficultés.
Dans son arrêt, le Conseil d’État a fixé une période de transition qui court jusqu’au 1er février 2015. Que se passera-t-il à compter de cette date ? D’abord, l’Établissement français du sang ne pourra plus produire de plasma SD, pour la simple raison qu’il n’a pas le statut d’établissement pharmaceutique. En revanche, il conservera le monopole de la collecte du sang dans notre pays et continuera à proposer les deux autres types de plasmas qui n’ont pas le statut de médicament, à savoir le plasma inactivé, ou plasma IA, et le plasma sécurisé par quarantaine, ou plasma SE.
Concrètement, à partir du 1er février 2015, l’Établissement français du sang conservera le monopole de la collecte – il sera toujours en charge des prélèvements – et pourra produire deux plasmas sur trois. Quant au plasma SD, sa requalification en médicament fait qu’il ne pourra être produit que par des établissements pharmaceutiques. L’Établissement français du sang n’ayant pas ce statut d’établissement pharmaceutique, il ne pourra plus produire ce plasma SD.
À partir de là, nous devons évidemment adapter le statut juridique de ce plasma, en mettant en place un dispositif qui permette d’assurer, dès le 1er février 2015, un haut niveau de sécurité pour les patients transfusés. Il est impératif de garantir un système qui intègre en toute sécurité des produits transfusionnels relevant de statuts juridiques différents, lesquels feront d’ailleurs l’objet d’une vigilance différenciée, le mécanisme de vigilance n’étant pas le même selon que l’on parle d’un médicament ou d’un produit autre qu’un médicament.
Le choix a été fait, provisoirement, de maintenir le plasma SD dans la filière des produits sanguins labiles et d’assurer un double suivi de ce plasma, à la fois en pharmacovigilance et en hémovigilance, pour des raisons de sécurité de la chaîne transfusionnelle, de logique de distribution, de délivrance et de conseil transfusionnel.
Nous allons ensuite avoir à examiner des demandes d’autorisations de mise sur le marché de produits SD. Nous avons d’ailleurs déjà été saisis d’une telle demande de la part d’une entreprise (Mme Catherine Génisson s’exclame.), celle qui avait introduit et gagné le recours devant le Conseil d’État.
Je précise que l’exigence de respect des principes du don éthique sera inscrite noir sur blanc dans le cahier des charges qui sera élaboré pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché.
Je veux donc rassurer publiquement et solennellement la représentation nationale sur ce point : l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé inscrira cette exigence de don éthique dans le cahier des charges, et a déjà commencé à travailler en ce sens.
J’en viens maintenant à votre amendement, madame David : pouvons-nous aller jusqu’à imposer par la loi le respect de cette condition ? Je souhaiterais pouvoir le faire, et je ne m’interroge nullement sur la légitimité de votre demande. La seule difficulté à laquelle je me heurte au moment d’émettre un avis sur votre amendement est d’ordre juridique. En effet, la directive 2002/98/CE indique explicitement que l’on peut promouvoir le don éthique, mais pas l’imposer. La disposition serait donc contraire au droit européen. Elle ne pourrait certes pas être censurée par le Conseil constitutionnel, qui n’est pas juge de la compatibilité du droit national avec les textes européens, mais pourrait à l’occasion être attaquée par un quelconque organisme devant une autre juridiction.
Je comprends donc à 300 %, si j’ose m’exprimer ainsi, votre démarche, madame la sénatrice. Elle rencontre d’ailleurs celle du Gouvernement, qui a prévu d’inscrire dans le cahier des charges cette exigence.
C’est pourquoi je vous proposerais volontiers, madame David, de nous entendre sur un sous-amendement à l’amendement n° 255, qui, après les mots « en obtenant une autorisation de mise sur le marché », ajouterait les termes « qui respecte l'article L. 5121–11 du code de la santé publique et les exigences prévues par la directive 2002/98/CE », à la fin de l’alinéa 3 de l’article 51.
Ainsi, en cas de présence de sang non éthique, l’AMM ne pourrait être délivrée qu’en cas d’urgence, si nous étions confrontés à une situation de rupture d’approvisionnement.
Cette rédaction aurait l’avantage de ne pas s’opposer frontalement à la rédaction de la directive. Sinon, à un moment ou à un autre, cela ne passera pas sur le plan juridique. Quoi qu’il en soit, j’ai du mal à me résoudre à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Si je comprends bien, madame la ministre, vous proposez une nouvelle rédaction de l’amendement n° 255, à travers un sous-amendement. Dans l’attente de connaître la formulation définitive de ce dernier, je vous propose, mes chers collègues, de différer l’examen de l’article 51,…
Mme Nicole Bricq. Non !
M. le président. … de manière que vous puissiez disposer de la version définitive du sous-amendement proposé par le Gouvernement. (Mme Nicole Bricq proteste.) Madame Bricq, je vous en prie ! La commission pourrait peut-être se réunir avant la reprise de nos travaux ce soir pour que vous puissiez, mes chers collègues, vous prononcer en toute connaissance de cause sur cette proposition.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Il semblerait que le sous-amendement du Gouvernement soit en cours d’impression. Je sollicite toutefois cinq minutes de suspension de séance, monsieur le président, afin que les membres de la commission puissent se réunir pour en discuter. En effet, je ne peux pas me prononcer à leur place.
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Je voulais juste savoir ce que vous entendiez exactement par « don éthique », madame la ministre.
M. le président. Je vous propose que nous reprenions cette discussion lors de l’examen du sous-amendement, madame Cayeux.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi d’un sous-amendement n° 329, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
de mise sur le marché
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
qui respecte l'article L. 5121–11 du code de la santé publique et les exigences prévues par la directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 2003, établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain, et des composants sanguins, et modifiant la directive 2001/83/CE.
Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission, qui vient de se réunir, a émis un avis favorable sur le sous-amendement n° 329.
Nous remercions Mme la ministre d’avoir entendu nos demandes. Sa proposition satisfait notamment l’une des conditions qui nous paraissait essentielle, à savoir le don éthique, le don gratuit, du sang.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 255 ainsi sous-amendé.
J’en profite pour répondre à Mme Cayeux. Le don éthique, madame la sénatrice, est un don gratuit, anonyme et bénévole. Il est des pays dans lesquels le don est rémunéré ou indemnisé et l’anonymat n’est pas garanti. L’ensemble de ces conditions constitue le système français, qui est assez particulier.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 329.
Mme Catherine Génisson. Je remercie nos collègues du groupe CRC d’avoir présenté cet amendement qui nous aide à voter cet article, ainsi que Mme la ministre de nous permettre de respecter le sujet tout à fait fondamental du don éthique.
Madame la ministre, vous nous avez indiqué que l’Établissement français du sang aurait interdiction de produire le plasma SD à partir du 31 janvier 2015, n’étant pas établissement pharmaceutique.
Je souhaiterais tout d’abord savoir si l’Établissement français du sang peut acquérir cette compétence, et à quelles conditions ? Le souhaite-t-il ?
Par ailleurs, pourriez-vous d'ores et déjà nous dire si des laboratoires étrangers ont sollicité une autorisation de mise sur le marché ? Nous sommes bien évidemment tous attachés au fait que nos concitoyens ne doivent subir aucune rupture de soins.
Sachant que l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché prend un certain temps, ces laboratoires étrangers bénéficieront-ils d’une autorisation temporaire d’utilisation ?
Pour la petite histoire, je voudrais rappeler que la condamnation de la France par la Cour de justice de l’Union européenne est due au laboratoire qui va être le premier candidat pour nous fournir ce fameux plasma SD.
Je souhaitais également vous interroger sur l’Établissement français du sang. La production de ce plasma représentant 20 % à 25 % de son activité, cette interdiction va entraîner une restructuration très importante, alors même que nous connaissons la qualité de cet établissement dans ses différentes compétences, qu’il s’agisse de la collecte, de la fabrication ou de la délivrance.
Enfin, concernant le don éthique, merci d’avoir proposé ce sous-amendement, que nous allons sans doute adopter. Au-delà de l’aspect éthique – le fait qu’il s’agisse d’un don gratuit, anonyme et bénévole –, c’est un sujet de santé publique.
En effet, plus on diversifie l’origine du don, plus il y a de partenaires dans le don, plus on court le risque de multiplier les problèmes.
Je prendrai un exemple. Notre collègue Laurence Cohen évoquait hier le sujet des problèmes infectieux en milieu carcéral, en particulier pour le VIH et l’hépatite C. Or, lorsque le drame du sang, singulièrement avec la contamination VIH, a éclaté, les centres de transfusion du Nord et du Pas-de-Calais ont été beaucoup moins touchés que les autres centres de France, car ils avaient interdit le prélèvement en milieu carcéral.
Tout cela pour dire que plus on étend l’éventail de donneurs, qu’il s’agisse d’un don gratuit et anonyme ou non, plus on prend de risques en matière de santé publique.
Je pense qu’il faudra, s’agissant de l’application de la disposition prévue par le sous-amendement, se montrer très strict pour faire respecter le don gratuit et bénévole, c’est-à-dire le don éthique. Et s’il est à l’honneur de la France de promouvoir ce don, peut-être pourrions-nous également porter ce sujet au niveau européen. Mais je suis persuadée, madame la ministre, que vous le faites déjà.