M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous commencez à me connaître suffisamment pour savoir que mes opinions sont tranchées et mes idées claires. Je prends le temps du dialogue, de l’écoute réciproque et de l’explication.
L’amendement déposé à l’Assemblée nationale, examiné tardivement parmi un millier d’autres, peut donner l’impression qu’il n’a pas été suffisamment travaillé, ce qui n’est pas le cas. Toutefois, je reconnais, après avoir relu les débats, qu’il a manqué d’explication. Quelquefois, on a tant le sujet en tête qu’on pense qu’il en va de même pour tout le monde et qu’il n’est pas nécessaire d’en débattre.
Cet amendement a donc provoqué des « sur-réactions », qui, je n’hésite pas à le dire, ne sont pas justifiées. Vos différentes interventions montrent que vous avez pris conscience de ces situations d’abus de droit ou, en tout cas, de situations « limites », qui ne sont saines ni pour nos recettes ni pour l’équité. D’autres solutions que celles qui sont prévues par cet amendement pourraient être proposées, mais je me félicite de cette prise de conscience collective, peut-être due aux explications ayant suivi l’adoption de ce dispositif.
Je voudrais retracer rapidement l’évolution de la législation sur ce point. En 2009, ont été visées les sociétés d’exercice libéral et ceux qui, au travers de ce type de sociétés, en « profitaient » pour convertir des salaires en dividendes, afin d’obtenir des réductions en matière de contributions sociales. Ce problème a été réglé à cette époque par qui vous savez… Le même dispositif a été adopté en 2013 pour les SARL, les sociétés à responsabilité limitée, c'est-à-dire essentiellement pour les commerçants et les artisans. En 2014, il a été étendu aux SARL agricoles.
Que s’est-il passé par la suite ? Je vais vous donner un chiffre qui va probablement vous faire réfléchir. Il restait à traiter le cas des sociétés par actions simplifiées et des sociétés anonymes. En 2010, on dénombrait dans notre pays 11 000 SAS à associé unique, lequel, par définition, est majoritaire, puisqu’il est seul, contre 36 000 en 2013 !
En analysant ces chiffres et en discutant avec les uns et les autres – monsieur Delattre, vous y avez fait allusion –, nous avons observé que de nombreux cabinets d’expertise comptable recommandaient à certains dirigeants de transformer leur SARL en SAS. On les comprend quand on sait que les dividendes sont assujettis à un taux de 15,5 % de contribution sociale, alors que les salaires le sont à des taux bien supérieurs. C'est la raison pour laquelle a émergé l’idée de ce dispositif introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
Vous demandez s’il y a eu une étude d’impact. M. Barbier l’a reconnu lui-même, elle est difficile à réaliser. Si l’on ne prend que les sociétés par actions simplifiées à associé unique, dont je vous ai rappelé le nombre, et qu’on relève le montant des dividendes versés au-delà du seuil de 10 % du capital social en 2013, on obtient des sommes de l’ordre de 300 millions à 400 millions d’euros. Il faudrait cependant faire un calcul plus fin, car les montants qui ont donné lieu à versement de dividendes ont parfois déjà été assujettis à l’impôt sur les sociétés.
Après calcul, et l’estimation a été faite il y a déjà plusieurs jours, cette mesure rapporterait de l’ordre de 50 millions à 100 millions d’euros au budget. On est loin du milliard d’euros évoqué dans la presse par certaines organisations ! J’aurais probablement dû le dire à l’Assemblée nationale, mais je ne suis pas sûr que j’aurais évité les débats qui ont eu lieu après.
Dans ces conditions, que faut-il faire aujourd'hui ? J’ai confirmé ce que d’autres avaient pu dire avant moi : le Gouvernement est prêt à revoir ce dispositif. Néanmoins, si le seuil de 10 % du capital social n’est peut-être pas le bon, je ne suis pas sûr non plus, monsieur Delattre, que votre proposition, qui consiste à prendre comme référence le plafond de la sécurité sociale, soit pertinente. En effet, si on l’appliquait à l’ensemble des sociétés, cela reviendrait à attribuer la même franchise à toutes les entreprises, sans considération pour leur taille ou pour leur capital social.
Il faut donc probablement travailler sur d’autres types de solutions. Nous avons quelques idées sur le sujet, mais nous ne sommes pas prêts aujourd'hui à vous proposer une solution de substitution.
Concernant les amendements de suppression de l’article 12 bis, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée. Il prend acte de la bonne compréhension dont cette question fait désormais l’objet. Toutefois, il rappelle, pour ceux qui ne seraient pas spécialistes de la question, que le dispositif ne concerne pas tous les dividendes de toutes les sociétés, tant s’en faut : il ne concerne que les dirigeants qui possèdent, seuls ou avec leur famille, plus de 50 % des parts d’une société, ce qui n’est évidemment que très exceptionnellement le cas des très grandes sociétés – je ne sais même pas si le cas se rencontre –, et que n’est visée que la fraction de dividendes qui dépasse 10 % du capital social. Vous le voyez, les interprétations qui ont pu être faites du dispositif se sont parfois fortement éloignées de sa réalité.
Voilà, en toute transparence et en toute franchise, quelle est la situation. Au demeurant, le Gouvernement n’exclut pas, sur ce sujet, dont je vous remercie d’avoir constaté qu’il était, parfois, un vrai sujet, de vous proposer un autre dispositif ou d’approuver un dispositif qui serait proposé, dans le cadre du présent PLFSS ou dans un texte à venir.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous propose de prolonger cette séance jusqu’à minuit trente, afin d’aller plus avant dans l’examen des amendements.
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Ce dispositif nécessite effectivement une étude d’impact, ses implications étant multiples et la situation pouvant être très différente d’une société à l’autre.
Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez le succès de la société par actions simplifiée. Je ne suis pas sûr qu’il s’explique uniquement par des raisons d’opportunité liées à l’assujettissement aux cotisations sociales. En effet, la SAS est un très bon statut. Un certain nombre de SA se transforment ainsi en SAS pour avoir un fonctionnement beaucoup plus souple. De même, dans les petits groupes avec holding, la société mère à actionnariat multiple est généralement une SA, tandis que les filiales sont souvent des SAS, dont la société mère est l’unique actionnaire.
M. Jean-Marc Gabouty. Je comprends tout à fait le souci d’éviter les abus auxquels pourrait conduire la recherche d’une optimisation sociale ou fiscale, mais n’oublions pas que la situation est très différente selon les dirigeants. C’est aussi en fonction de leurs revenus complémentaires que ceux-ci choisissent un type d’optimisation.
Éviter les dérives me paraît tout à fait naturel, mais je pense que cette question mérite davantage de réflexion. En effet, derrière le terme de « dirigeant » se trouvent aussi bien des salariés que de simples mandataires sociaux.
Faut-il que les mandataires sociaux, dont les revenus sont relativement limités, s’octroient des revenus plus importants, au détriment de l’autofinancement des entreprises et de la perception de l’impôt sur les sociétés, pour acquitter la contribution qui leur sera finalement demandée ? Sans une réflexion plus approfondie sur le sujet, on pourrait bien voir naître cet effet pervers.
Par conséquent, tout en comprenant l’intention de fond, qui est de limiter les abus, je pense qu’il faut faire très attention, considérer à la fois le droit des sociétés et la fiscalité et ne pas traiter les deux problèmes de manière séparée.
Bien entendu, je voterai les amendements de suppression, en attendant que soit trouvée une solution plus satisfaisante qui ne présente pas de risque pour le fonctionnement des entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ces quatre amendements tendent à supprimer un article qui vise à assujettir à cotisations sociales les dividendes versés aux dirigeants de sociétés anonymes et de sociétés par actions simplifiées.
Ces demandes de suppression ainsi que la réponse que leur donne M. le secrétaire d’État me laissent perplexe. J’entends qu’il faut avoir une réflexion plus poussée. J’entends qu’il faut réaliser une étude d’impact pour analyser les conséquences d’une mesure qui ne serait pas sans gravité… Mais tout cela me met mal à l’aise. Le Gouvernement est quand même aux manettes depuis un certain temps ! Dès lors, pourquoi ces pistes de réflexion n’ont-elles pas été explorées ? Alors que les membres de la commission des affaires sociales constatent un manque criant de recettes pour notre système de protection sociale, je ne comprends pas pourquoi la logique reste essentiellement d’opérer des coupes budgétaires et non d’essayer de se doter de recettes nouvelles.
Quand les membres du groupe CRC proposent deux nouvelles recettes, avec lesquelles on peut, bien évidemment, être en désaccord – elles ne représentent pas la panacée, et c’est le jeu du débat démocratique –, que nous répond-on ? Quand nous proposons une modulation du taux de cotisation des employeurs suivant leur politique, plus ou moins vertueuse, de l’emploi, on nous dit que c’est beaucoup trop compliqué et que nous devons mobiliser nos énergies pour essayer d’affiner les choses. Il me semble que l’État a les moyens de pousser les réflexions plus loin qu’un groupe parlementaire ! Quand nous proposons, au nom de la justice sociale, de créer une cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques au même taux que les cotisations des employeurs sur les salaires, c'est-à-dire 5,4 %, on nous dit qu’il faut faire attention au droit communautaire… Autrement dit, on a l’impression d’être face à des choix absolument immuables et qu’il n'y a aucune possibilité de peser sur ces choix.
J’ai sans doute une oreille sélective, mais il est une chose que je suis sûre d’avoir entendue : l’engagement du candidat Hollande à renégocier certains traités européens. J’ai donc l’espoir que nous pourrons faire bouger les lignes, dans l’intérêt de nos concitoyens.
Je suis donc très étonnée de constater qu’appuyer encore et toujours sur les dépenses ne pose pas de problème – faire des économies ne nécessite pas d’étude d’impact… –, quand l’exploration de chemins nouveaux et, parfois, audacieux pour se doter de recettes nouvelles requiert toujours beaucoup de réflexion et d’analyse préalable…
Dans ces conditions, on reste vraiment sur une logique de petites mesures mises bout à bout, qui ne vont pas du tout dans l’intérêt des populations ni dans le sens d’un système de protection sociale digne du XXIe siècle.
Mme Annie David. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je voudrais rétablir un certain nombre de vérités et, sans avoir la prétention de vous faire un cours, vous expliquer quel est le statut d’un dirigeant majoritaire, mandataire social de société.
Premièrement, ces personnes investissent souvent des fonds personnels, parfois en vendant des biens immobiliers, pour constituer le capital de la société.
À cet égard, le taux de 10 % ne correspond à rien ! On se demande d’ailleurs d’où il sort. On sait très bien que, quand on investit beaucoup d’argent dans des sociétés à risque, dans des sociétés innovantes, le taux de perte du capital est extrêmement élevé. Je peux vous dire que, dans toutes les transactions que font les grands cabinets, les taux retenus – on appelle cela la « rente du goodwill » – sont de l’ordre de 15 %, 20 % ou 25 % ! Ce taux de 10 % n’a donc rien à voir avec la réalité financière des risques pris par ceux qui investissent dans des sociétés pour créer de l’activité et de l’emploi.
Deuxièmement, si l’on disposait d’une étude d’impact un peu plus aboutie, je pense que certains dirigeants majoritaires de sociétés hésiteraient entre percevoir leurs résultats sous forme de dividendes et les toucher sous forme de rémunération.
Rappelons que le statut d’un dirigeant de société mandataire social ne lui permet pas de bénéficier du chômage : si la société se casse la figure, il ne perçoit aucune indemnité ! Il est révocable ad nutum par ses actionnaires. Il ne bénéficie pas du droit du travail ni des procédures de licenciement. Si la société rencontre des difficultés de trésorerie empêchant que sa rémunération lui soit versée, bien qu’il ait acquitté les charges sociales correspondantes, il attend des jours meilleurs pour pouvoir se rémunérer, ce qui n’est quand même pas une situation très facile. Ajoutons que, s’il décide de ne pas soumettre une partie de sa rémunération à cotisations sociales, et c’est un calcul qu’il faut faire à terme, in fine, il sera aussi perdant ! En effet, il ne cotisera pas aux caisses de retraite ni, surtout, aux caisses de retraite complémentaire, ce qui le privera d’un certain nombre de ressources au moment où il liquidera sa retraite. Vous le voyez, la comparaison n’est pas facile.
Pour terminer, je reviens sur ce qu’a évoqué mon collègue Delattre au sujet de l’abus de droit : quand les rémunérations que se verse le dirigeant ne sont pas suffisamment élevées, la distribution de dividendes doit se déclencher. Mais, monsieur le secrétaire d'État, vous savez très bien que les vérificateurs fiscaux procèdent très fréquemment de manière inverse : quand ils se penchent sur une société dont le dirigeant se verse une rémunération sous forme de salaire – ce n’est pas un salaire, puisqu’il n’y a pas de contrat de travail ; c’est simplement un mandat social – et s’ils estiment que cette rémunération est trop élevée par rapport à ce qui se passe ailleurs, ils considèrent qu’une partie de cette rémunération est un bénéfice distribué et demandent à la société d’acquitter l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu avec une pénalité importante. Bien entendu, dans cette hypothèse, le régime des dividendes ne s’applique pas !
Vous avez fait allusion aux sommes que le dispositif de l’article 12 bis pouvait rapporter au budget : ces sommes ne sont pas significatives. Pour ma part, je crois qu’il faut que l’on fiche enfin un peu la paix aux dirigeants d’entreprises qui prennent des risques, qui investissent des capitaux, qui peuvent perdre leur patrimoine, sans se rémunérer forcément, pour pouvoir rémunérer leurs salariés, quand la société va mal.
Mme Pascale Gruny. C’est vrai !
M. Jean-Noël Cardoux. Arrêtez de leur chercher des poux dans la tête !
Certains vérificateurs fiscaux et sociaux utilisent une norme pour déclarer la rémunération de certains dirigeants comme excessive. Appliquons a contrario cette norme à ceux dont on considère que la rémunération n’est pas suffisante, vu leur volume de travail et le volume d’activité de leur société. Le Gouvernement doit réfléchir à des critères globaux qui pourraient être donnés, à titre indicatif, à ces vérificateurs.
Arrêtons de nous torturer l’esprit. Je pense qu’un dirigeant pour lequel un cabinet d’expertise comptable ferait une étude comparative sur l’opportunité de se rémunérer et sur celle de se distribuer des dividendes aurait, in fine, des difficultés à se décider entre ces deux options, puisque les arguments plaident tantôt pour l’une, tantôt pour l’autre.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié quater, 10, 36 et 196.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 bis est supprimé.
Articles additionnels après l'article 12 bis
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié quater, présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Procaccia et MM. Bonnecarrère, Charon, Dassault, Duvernois, Frassa et Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Mes chers collègues, je tiens avant toute chose à vous remercier du vote qui vient d’avoir lieu. L’amendement n° 17 rectifié quater est précisément un amendement de cohérence avec la suppression de l’article 12 bis.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a élargi l'assiette des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, donc des gérants majoritaires de SARL soumis au régime des travailleurs non salariés.
En tant que revenus du capital, les dividendes étaient antérieurement imposés dans la catégorie des revenus mobiliers. De ce fait, ils étaient assujettis aux prélèvements sociaux – CSG et CRDS –, mais n'étaient pas soumis aux cotisations sociales. La loi a modifié cette approche, en prévoyant que les dividendes perçus par les gérants majoritaires de SARL seront assujettis aux cotisations sociales lorsqu’ils dépasseront 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant.
Ainsi, jusqu’à 10 % du montant des capitaux propres, les dividendes et les sommes versées en compte courant supportent des prélèvements sociaux à hauteur de 15,5 %. Au-delà, des cotisations sociales leur sont appliquées, en plus de ces prélèvements sociaux, au motif qu’ils sont considérés comme revenus d’activité.
Depuis le 1er janvier 2013, la fraction des revenus distribués et des intérêts payés qui excède 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant doit être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales sur les revenus d’activité des gérants majoritaires dirigeant une société assujettie à l’impôt sur les sociétés. Cette mesure est d’autant plus préjudiciable aux travailleurs indépendants que la loi de finances pour 2013 avait également durci l’imposition des dividendes. Elle prévoyait la suppression de l’abattement de 1 525 euros pour les personnes seules – 3 050 euros pour les couples – et soumettait les dividendes au barème progressif de l’impôt sur le revenu, sans option possible au prélèvement libératoire de 21 %.
Avec de telles dispositions, et sous couvert de lutte contre l’optimisation sociale, le Gouvernement et la majorité en viennent à fixer dans la loi un montant maximal de dividendes et adressent ainsi un message de défiance aux entrepreneurs. Les dividendes, qui rémunèrent la prise de risque, ne doivent pas être confondus avec un salaire. Ils sont issus des résultats des entreprises, eux-mêmes déjà soumis à l’impôt.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement tend à supprimer l’assujettissement aux charges sociales des dividendes versés aux dirigeants de SARL. Je crois que personne ne comprendrait que l’on puisse exonérer de cotisations sociales les dirigeants de grandes entreprises, sans faire de même pour les dirigeants de petites entreprises ou de SARL.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission souhaite s’en remettre à l’avis du Gouvernement.
Mme Annie David. Et l’étude d’impact ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. M. Cadic considère qu’il s’agit d’un amendement de cohérence. J’ai craint un moment qu’il n’ajoute qu’il est également rédactionnel. (Sourires.) Or ce n’est pas si simple. L’amendement a en effet pour objet de sortir de l’assiette des cotisations sociales les dividendes perçus par les gérants majoritaires de SARL.
Les comportements d’optimisation sociale consistant à ne pas se verser de revenu mais des dividendes ont été dénoncés par les dirigeants du RSI. Je ne vais pas revenir sur le sujet, qui a déjà été évoqué, mais j’aimerais savoir, monsieur le secrétaire d’État, quel serait l’impact de la mesure proposée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À l’époque où la mesure a été mise en œuvre, son impact a été évalué entre 75 millions et 100 millions d’euros.
Cela étant, le Gouvernement n’est pas favorable à un retour en arrière. Je m’en suis remis à la sagesse du Sénat sur une possible extension de cette mesure aux SA et SAS – j’insiste sur le fait que les cas de détention majoritaire par une seule famille doivent être extrêmement rares pour les SA, plus fréquents pour les SAS –, et je suis prêt à examiner des solutions susceptibles d’emporter une majorité au Parlement, mais il ne me semble pas opportun de revenir sur une évolution désormais intégrée par l’ensemble des acteurs.
Je veux profiter de cette intervention pour répondre à certains arguments que j’ai entendus lors de l’examen de l’article 12 bis.
C’est vrai qu’il n’est pas toujours avantageux pour un dirigeant d’entreprise de se verser des dividendes. Le but de cet article était aussi de clarifier les choses en la matière. La notion d’abus de droit n’est jamais évidente à mettre en œuvre et engendre, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, de très nombreux contentieux. Moins nous nous reposerons sur cette notion et mieux nos fonctionnaires pourront travailler, sinon ce seront les cabinets d’avocats et les juridictions qui auront à s’occuper de ces dossiers.
M. Gabouty a indiqué que la multiplication du nombre de SAS était aussi probablement due au fait que des SA de petite taille se transforment en SAS. Ce constat a effectivement été fait par mes services. Mes précédents propos doivent donc être relativisés : l’augmentation du nombre de SAS est due non seulement à des transformations de SARL en SAS, mais aussi à des transformations de SA en SAS. Comme vous le voyez, il y a un certain nombre de points sur lesquels nous pouvons nous retrouver.
M. Cardoux s’est interrogé sur l’origine du seuil de 10 %. Ce que je peux vous dire, monsieur le sénateur, c’est que le Conseil constitutionnel, saisi sur la question, a validé le chiffre. Cela ne vous apprendra rien sur la façon dont celui-ci a été fixé, mais vous pouvez considérer à tout le moins qu’il est conforme à nos dispositions constitutionnelles.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter au débat, le Gouvernement étant, comme je l’ai indiqué, défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Permettez-moi tout d’abord une brève parenthèse, mes chers collègues, pour rebondir sur les propos de M. le secrétaire d’État. Le phénomène de transformation de SA en SAS peut avoir différentes causes. L’une d’entre elles me semble primordiale : en dessous de certains seuils, relativement élevés, les SAS ne sont pas tenues de désigner un commissaire aux comptes, ce qui limite les contraintes et les frais d’honoraires.
Cela dit, l’amendement n° 17 rectifié quater étant cohérent avec les propos que je viens de tenir sur le cheminement du statut de dirigeant, sur les questions de dividendes et de rémunération, je le voterai tout à fait logiquement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À cette heure avancée, mes chers collègues, je tiens à souligner à quel point je trouve nos débats plaisants. Voilà en effet qu’à minuit vingt, ce matin, vous redonnez à la lutte des classes ses lettres de noblesse !
Quel plaisir d’assister, dans le cadre de l’examen de ces différents amendements, à une telle défense de la classe dirigeante ! Pour ma part, je suis fière d’appartenir à la classe laborieuse, à la classe ouvrière. C’est elle que je continuerai de défendre depuis les travées de cet hémicycle !
Certains ou certaines d’entre nous se vantent, à la tribune ou en commission, d’être des chefs d’entreprise. Tout le monde ne l’est pas ! Notre pays compte aussi des salariés, qui méritent tout autant estime et respect. Dans les mesures que nous adoptons, nous devons avoir toujours en tête de défendre le monde ouvrier. C’est en tout cas notre préoccupation, nous qui siégeons à la gauche de cet hémicycle !
M. Bruno Gilles. Pour qu’il y ait des salariés, il faut qu’il y ait des entreprises !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Voilà un peu plus de trente ans, à l’âge de vingt ans, j’ai créé ma SARL avec mes 20 000 francs d’économies. Pendant sa première année d’existence, je ne me suis pas versé de salaire. Il ne s’agissait pas d’optimisation sociale. Il me fallait simplement dégager des fonds pour permettre à ma société de se développer et de survivre. Voilà, madame la sénatrice, ce que vous appelez la différence entre les classes laborieuses et les classes capitalistes ! Créer son entreprise, c’est prendre des risques et beaucoup travailler !
Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas accepter vos propos. Nous ne pouvons pas renoncer à imposer des cotisations sociales au président majoritaire de SA et obliger le petit entrepreneur majoritaire, qui se bat au quotidien, qui a parfois investi toute sa richesse dans son entreprise, à en payer sur ses dividendes.
Cela vous semble normal… Ce n’est pas mon cas ! Honnêtement, je trouve même très étrange qu’un gouvernement comme le vôtre envisage de dispenser les grands entrepreneurs de cotisations sociales, tout en imposant cette même charge à de petits entrepreneurs. J’espère donc que cet amendement sera adopté. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Apparemment, il faut faire attention à tout ce que l’on dit… Je vais donc mettre fin à une incompréhension, si tant est qu’elle existe : je n’ai pas opposé grandes entreprises, grands dirigeants et petits entrepreneurs.
Pour avoir fait des mathématiques pendant longtemps, je sais que ce qui est grand pour l’un sera petit pour l’autre, et inversement. Je connais la signification de « plus grand que » ou de « plus petit que », mais je ne sais pas dire ce qui est grand ou petit, car nous pouvons avoir des conceptions différentes de ces termes.
Mais trêve de cabotinage… J’ai expliqué – il est possible que je me trompe – que des sociétés anonymes de taille importante dont plus de 50 % du capital est détenu par une seule personne ou une personne et sa famille – c’est bien de cela dont il est question, non pas d’être ou pas le dirigeant, mais d’être l’actionnaire majoritaire – sont très peu nombreuses, voire inexistantes. Dès lors, ce n’est pas un sujet !
L’idée est simple : face à des situations pouvant être assimilées à des abus de droit – cela a été unanimement reconnu au début de la discussion –, nous avons considéré qu’il y avait probablement lieu de légiférer. Bien entendu, il n’est pas question d’empêcher le versement de dividendes.
À l’article 12 bis, il a été considéré que, jusqu’à 10 % du capital social, les dividendes versés à une même personne pouvaient être considérés comme tels et, donc, restés assujettis au taux de 15,5 % de prélèvements sociaux, taux habituel pour les dividendes. Au-delà, toutefois, lorsqu’une personne possède plus de 50 % des parts et se verse plus de 10 % du capital social en dividendes, nous avons estimé – notre appréciation n’est, à l’évidence, pas partagée par tout le monde – que cela pouvait être considéré comme un salaire « déguisé », ce qui n’offre pas que des avantages, comme cela a été dit tout à l’heure.
Il faudra probablement revenir à d’autres critères et observer ce qui se passe sur plusieurs années, tant il est vrai que les conditions économiques peuvent varier d’une année sur l’autre. Tout cela méritera peut-être d’autres propositions. Apparemment, lorsque les dispositions ont été prises sur les sociétés que j’évoquais précédemment, il n’y a guère eu de remontées de la part du secteur. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu de revenir sur ces dispositions.
Quant à dire que certains auraient le monopole de la défense de telle ou telle classe, dois-je rappeler que nous avons créé une tranche d’imposition sur le revenu à 45 %, restauré un ISF qui avait été vidé de sa substance, assujetti les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu, ce qui n’était pas le cas auparavant. Entendre à maintes reprises ce soir que nous n’aurions rien fait en deux ans en termes de réforme de la fiscalité et de progressivité de l’impôt est légèrement contrariant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il m’est difficile de me prononcer au nom de la commission. J’ai sollicité l’avis du Gouvernement. Maintenant, chaque sénateur est libre de son vote.
J’ai entendu les arguments de M. le secrétaire d'État, qui a reconnu l’existence d’un véritable sujet. Cela, tout le monde l’a compris. Le problème, c’est de savoir si, comme le souhaite M. Cadic, en cohérence avec la suppression de l’article précédent, nous supprimons des dispositions qui rapportent 75 millions à 100 millions d'euros.
Néanmoins, je vous le dis, monsieur le secrétaire d’État, il va falloir résoudre le problème en bloc : nous ne pouvons pas traiter d’une certaine façon les dirigeants majoritaires de SA ou de SAS et laisser de côté ceux de SARL. Je connais des exemples similaires au cas personnel que M. Cadic nous a exposé. Les dirigeants de petites entreprises qui se lancent dans une aventure en investissant toutes leurs économies, sans se verser de salaire, tomberaient, à leur détriment, sous le coup de cette taxation des dividendes. Or ce ne sont pas les dividendes qui apportent une richesse, tout au moins au moment de la création et durant les deux ou trois premières années d’exercice.
J’ai mon opinion sur ce problème, mais je laisse à chacun le soin de voter en conscience.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12 bis.
Mes chers collègues, je précise que nous avons examiné 58 amendements au cours de la journée ; il en reste 222 à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.