Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
MM. Claude Haut, Philippe Nachbar.
2. Demande d’avis sur un projet de nomination
3. Dépôt de rapports et de documents
5. Financement de la sécurité sociale pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Motion n° 324 de Mme Laurence Cohen. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 2 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 185 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Article 2 et annexe A. – Adoption
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi.
Amendement n° 202 de Mme Elisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 223 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 28 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 143 de M. Bruno Gilles. – Adoption.
Amendement n° 183 de M. Bruno Gilles. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 4
Amendement n° 290 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 29 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi.
Articles additionnels avant l’article 7
Amendement n° 225 de Mme Annie David. – Rejet.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
Rejet, après pointage du scrutin public, des deux amendements identiques nos 162 rectifié et 224.
Amendement n° 30 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l’article 7
Article additionnel après l’article 8
Suspension et reprise de la séance
7. Financement de la sécurité sociale pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Amendement n° 31 rectifié bis de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 96 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy. – Devenu sans objet.
Amendement n° 145 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 211 rectifié bis de M. Yves Daudigny. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Articles 8 quater et 8 quinquies (nouveaux). – Adoption.
Amendement n° 33 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 9
Amendement n° 227 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 228 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 226 de Mme Annie David. – Rejet.
Après une demande du Gouvernement, la réserve des articles 10 et 11 après l’article 28 est ordonnée.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 12
Amendement n° 233 de Mme Annie David. – Retrait.
Amendement n° 232 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 112 de Mme Elisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 98 de Mme Elisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 311 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Articles additionnels après l'article 12 bis
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Haut,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Demande d’avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article 14 des statuts annexés au décret n° 59-587 du 29 avril 1959, M. le Premier ministre, par lettre en date du 10 novembre 2014, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Jean-Bernard Lévy aux fonctions de président-directeur général d’Électricité de France.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
Acte est donné de cette communication
3
Dépôt de rapports et de documents
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
– le rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité (ATS) ;
– le rapport relatif à l’affectation de l’élargissement de l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments au financement de la démocratie sanitaire.
Ces deux rapports ont été transmis à la commission des affaires sociales.
M. le président du Sénat a, en outre, reçu de M. le Premier ministre :
– la convention entre l’État et BPI-Groupe relative au programme d’investissements d’avenir, action « Financement des entreprises sobres : prêts verts » ;
– l’avenant n° 2 à la convention modifiée entre l’État et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives relative au programme d’investissements d’avenir, action « Maîtrise des technologies nucléaires » ;
– enfin, l’avenant n° 3 à la convention du 20 octobre 2010 entre l’État et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) relative au programme d’investissements d’avenir, action « Internats de la réussite ».
Ces trois documents ont été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission des affaires économiques.
Acte est donné du dépôt de ces rapports et documents.
4
Renvois pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 636, 2013-2014) dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, et à la commission des finances.
Par ailleurs, j’informe le Sénat que la proposition de loi relative à la protection de l’enfant (n° 799, 2013-2014), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
5
Financement de la sécurité sociale pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015 (projet n° 78, rapport n° 83, avis n° 84).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous en sommes parvenus à la réponse du Gouvernement aux orateurs.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier, au nom de la ministre Marisol Touraine, de vos interventions.
Les discussions que vous aurez sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 permettront certainement d’approfondir les questions que vous avez soulevées et de débattre des propositions que vous avez formulées. Permettez-moi, néanmoins, de vous apporter aujourd'hui un certain nombre de réponses, au nom de Marisol Touraine.
Monsieur le rapporteur général, vous avez jugé très forte l’augmentation de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, prévue pour 2015. Pourtant, le taux retenu constitue, il faut l’affirmer, un effort de maîtrise sans précédent. Entre 2007 et 2011, l’ONDAM a progressé de 3,3 % en moyenne par an, à comparer aux 2,1 % que nous prévoyons.
À cet égard, vous avez évoqué des orientations pour réduire le rythme d’évolution de l’ONDAM. Je tiens à le souligner, vos orientations recoupent en partie les nôtres, mais vous fixez des objectifs plus élevés, sans que nous ayons bien compris comment vous comptiez faire.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je vais mieux expliquer, alors !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Oui à la pertinence des actes ! Oui au désengorgement des urgences ! Oui à une meilleure gestion du temps de travail ! Voilà des objectifs que nous souhaitons voir atteints, et nous y travaillons. Toutefois, vous le savez, en la matière, il ne suffit pas de décréter ; Mme Gatel l’a elle-même reconnu, d'ailleurs, en convenant qu’on ne pouvait prétendre réformer d’un claquement de doigts. Pourtant, à entendre certains discours, telle est bien l’impression que nous avons…
Sur le même sujet, Mme Doineau a avancé des chiffres impressionnants : nous pourrions réaliser quelque 30 milliards d’économies en supprimant les actes non pertinents. Face à des gisements d’économies aussi énormes, on est tenté de se demander pourquoi vous êtes restés sans rien faire !
En vue de réduire le nombre d’actes non pertinents, il faut, chacun en a conscience, me semble-t-il, mener des actions concrètes, ciblées et précises, ayant un impact sur le comportement des professionnels, et non faire des déclarations d’intention. C’est pourquoi Marisol Touraine propose une mesure permettant de créer les conditions d’une amélioration de la pertinence des actes pratiqués dans les établissements de santé.
M. Barbier a affirmé que les restructurations des établissements de santé seraient un tabou pour nous. Je veux le rassurer, les établissements de santé publics sont engagés au quotidien dans notre politique ambitieuse de mise en cohérence des structures et des ressources avec les besoins de la population. Ils réalisent des efforts considérables pour assurer, dans les contraintes économiques qui sont aujourd'hui les nôtres, un meilleur fonctionnement, je puis vous le confirmer moi-même en tant que professionnelle de santé hospitalière.
La restructuration n’est donc pas un tabou pour le Gouvernement ; ce qui l’est, en revanche, c’est le recul du service public en matière de santé.
Le plan d’économies proposé semble donc mériter, bien plus que le nôtre, le qualificatif de « très fragile » proposé par M. Delattre. À cet égard, il convient de relever une contradiction – mais peut-être pourrons-nous avoir quelques éclaircissements à ce sujet. En effet, M. Delattre estime que le respect de notre objectif suppose d’engager des réformes structurelles, qui lui semblent hors de portée – permettez-nous de ne pas partager ce pessimisme ! –, tandis que M. le rapporteur général souhaite, au contraire, faire mieux, mais sans proposer de mesures supplémentaires.
Doit-on comprendre que vos propositions, c'est-à-dire des mesures d’économies massives, sans réformes structurelles, conduiraient à revenir à la pratique de la majorité précédente, qui prévalait jusqu’en 2009, à savoir de forts dépassements de l’ONDAM, ainsi qu’en attestent les chiffres que j’ai cités au début de mon propos, et une réduction des droits des personnes en matière d’assurance maladie ?
En fixant l’ONDAM à un niveau irréaliste, la majorité sénatoriale veut forcer le Gouvernement à opérer des déremboursements, comme elle en a tant pratiqué. M. le rapporteur général l’a d’ailleurs affirmé dans des termes allusifs, en nous interrogeant sur nos choix en termes de périmètre de l’assurance maladie. Cette inquiétude est tout à fait légitime ; il est essentiel de préciser ce qui doit être remboursé. Vous le savez, le Gouvernement fait tout ce qui est possible pour diminuer le reste à charge des patients.
M. Delattre le dit plus clairement, en appelant à la privatisation de certaines dépenses. Quant à M. Milon, il explicite le modèle qui est le sien, celui de l’assurance privée.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Absolument pas !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous faites une erreur d’analyse !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je note, au passage, un léger défaut de cohérence au sein de votre majorité, puisque M. Lemoyne n’a pas hésité à se prévaloir de l’héritage du Front populaire en matière de droits sociaux et à s’inquiéter de l’affaiblissement du consentement à l’impôt si les droits sociaux reculent.
Qu’il soit rassuré, le choix du Gouvernement est très clair : pas de transfert de charges vers les patients – un choix soutenu par une très grande majorité de Français, ainsi que, je l’espère, par la majorité des parlementaires.
Le Gouvernement ne croit pas à la responsabilisation des patients.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ah !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Eh non ! En effet, on se soigne non pas parce que c’est gratuit, mais parce que l’on est malade et que l’on en a besoin, tout simplement.
M. Roche a proposé la réduction des droits en matière de retraite. Il a tenté de nous convaincre que l’extension des possibilités de départ anticipé à la retraite, telle qu’elle a été décidée par Marisol Touraine en 2012, et la mise en place du compte pénibilité rendraient plus acceptable le report de l’âge légal à 64 ans.
La cohérence voudrait que ceux-là mêmes qui ont adopté l’amendement ayant cette mesure pour objet aient aussi voté en faveur du compte pénibilité et n’aient pas – encore une fois ! – tenté de le supprimer la semaine dernière. Je veux bien croire que M. Roche soit favorable à titre personnel au compte pénibilité, mais un certain nombre de ses collègues n’ont pas son esprit d’équilibre et veulent la double peine pour les salariés : pas de compte pénibilité et la retraite à 64 ans pour tout le monde, quelle que soit la longueur de la carrière !
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Annie David. Nous ne la partageons pas non plus !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. M. Savary s’est félicité de constater que la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie sera intégralement versée en 2015 à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Je le prends comme un hommage timide à l’action du Gouvernement pour l’amélioration de notre politique d’accompagnement des personnes âgées dépendantes. Vous le savez, la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement entrera en vigueur en 2015 – du moins je l’espère, si la Haute Assemblée l’adopte !
Cette loi renforcera l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, afin de favoriser le maintien à domicile des personnes. Sur ces questions-là, nous pouvons, me semble-t-il, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, mesdames, messieurs les sénateurs, parvenir à un accord global.
Cette loi permettra également d’accroître la prévention en matière de dépendance, de donner un statut aux aidants et de renforcer le droit des personnes âgées en situation de vulnérabilité.
Plusieurs orateurs ont demandé à Marisol Touraine à quel stade en était le travail sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.
Le groupe de travail consacré à ce sujet, animé par un membre de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et composé de représentants des administrations et des principaux partenaires concernés, a commencé ses travaux, qui s’ordonnent autour de trois axes principaux : moderniser l’allocation de ressources, améliorer les pratiques de contractualisation et de dialogue de gestion sur le fondement d’indicateurs de qualité et de performance, définir les prestations d’hébergement et les prestations supplémentaires dispensées au sein des EHPAD.
Au sujet des personnes âgées dépendantes, mais aussi des personnes en situation de handicap, vous avez eu raison de souligner, monsieur Jeansannetas, que l’effort se poursuivait. En effet, nous continuons de créer des places et d’investir dans la rénovation des structures. Dans le même temps, nous rattrapons notre retard en matière de prise en charge de l’autisme et nous expérimentons la mise en œuvre, au bénéfice des personnes âgées dépendantes, de parcours de soins et d’accompagnement complets, sans rupture.
En ce qui concerne la famille, madame Cayeux, vous avez posé au Gouvernement des questions précises à propos de la modulation des allocations familiales. J’y apporterai des réponses au moment de l’examen de l’article 61 du projet de loi. Je tiens, en revanche, à répondre dès à présent, à vous-même au sujet du déficit de la branche famille et à M. Delattre au sujet des ressources de cette branche.
Le Gouvernement a affecté à la branche famille la totalité du produit de l’abaissement du plafond du quotient familial et il a compensé l’intégralité des diminutions des cotisations famille, de sorte qu’il n’y a pas de baisse des recettes de la branche famille. Il n’y a pas davantage de « gestion empirique et comptable » de la branche au détriment des familles, comme vous l’avez soutenu avant-hier, madame Cayeux. À la vérité, le Gouvernement préserve les ressources de la politique familiale, pour la moderniser et pour l’adapter aux besoins actuels des familles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons pouvoir introduire des nuances dans nos politiques et mieux cibler les aides que la sécurité sociale verse aux familles, sans être accusés, de façon caricaturale, de mettre à bas la politique familiale. Sans cela, nous ne ferons plus rien !
Comme Mme Meunier l’a bien expliqué, l’universalité, qui est au cœur de la politique familiale française, n’est aucunement remise en cause, puisque toutes les familles de deux enfants et plus continueront de bénéficier des allocations familiales. Il reste que le principe d’universalité des droits n’exclut nullement de tenir compte des ressources et de la situation réelle des familles dans le versement des aides. Madame Meunier, vous avez parfaitement résumé le principe d’action du Gouvernement en matière de politique familiale !
Monsieur Dériot, vous avez insinué que la branche AT-MP, c'est-à-dire accidents du travail-maladies professionnelles, servirait de variable d’ajustement pour équilibrer la branche maladie. Si tel était le cas, que n’avons-nous fixé la compensation de la sous-déclaration des accidents du travail à la borne haute proposée par la commission d’évaluation, supérieure de 300 millions d’euros au montant que nous avons retenu ?
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Justement !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous avez soulevé la question de l’ouverture d’une voie individuelle pour l’accès à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.
Le rapport du Gouvernement sur ce sujet sera remis le 20 décembre prochain ; je souhaite qu’il serve de base à notre discussion sur l’équilibre de ce dispositif, qui témoigne de la solidarité du pays à l’égard des travailleurs exposés aux risques de l’amiante.
Je connais la grande qualité du travail mené par le Sénat au sujet de ces risques ; je me souviens, en particulier, avoir participé au débat sur l’amiante qui s’est tenu dans cet hémicycle le 21 octobre dernier.
Mme la ministre des affaires sociales a constaté avec satisfaction que nombre des interventions prononcées dans la discussion générale avaient anticipé sur la discussion du projet de loi relatif à la santé ; elle y a vu le signe d’une attente, voire d’une certaine impatience, qui a renforcé la détermination et l’ambition dont elle fait preuve au sujet de ce projet de loi, dont l’adoption aura des conséquences très positives sur la vie quotidienne des Français.
De cette future loi, la généralisation du tiers payant sera la réalisation majeure. M. Cardoux a commencé, avant-hier, le travail de caricature de cette mesure, qui permettra aux Français de ne plus avancer le prix d’une consultation chez le médecin. En particulier, il l’a qualifiée de mesure d’assistanat… D’assistanat ! Monsieur le sénateur, ne pensez-vous pas que vous avez une conception quelque peu extensive de cette notion ?
M. Jean-Noël Cardoux. Je persiste !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Selon vous, ne pas avoir à avancer les frais au lieu de devoir les avancer et d’être remboursé avec un délai, c’est être un assisté ? Améliorer le service rendu par l’assurance maladie obligatoire, pour laquelle chaque Français cotise, c’est donc encourager l’assistanat ?
Monsieur Cardoux, n’oubliez pas qu’un certain nombre de nos concitoyens renoncent à se rendre chez le médecin parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avancer le prix de la consultation. C’est tout simplement ce problème qu’il s’agit de résoudre ! Il faut considérer, en outre, que plus une personne attend pour consulter, plus sa pathologie s’aggrave et plus les frais pour la soigner seront importants.
En vérité, comme Mme Génisson l’a souligné avant-hier, la généralisation du tiers payant est conforme au projet de progrès social que défend le Gouvernement : nous entendons améliorer la qualité et la performance de notre sécurité sociale obligatoire, tout en refusant le recul des droits.
M. Desessard et Mme David ont manifesté leurs inquiétudes en ce qui concerne le recours aux droits des plus fragiles. Le Gouvernement partage leur préoccupation : aussi bien, Marisol Touraine, en tant que ministre de la santé, avec toute l’équipe ministérielle des affaires sociales, prend des mesures pour lutter contre le non-recours.
C’est ainsi que nous étendons le tiers payant aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, afin de favoriser leur recours aux soins. J’ajoute que la loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoira le renouvellement automatique de cette aide pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Par ailleurs, nous soutenons les démarches de simplification entreprises dans les caisses de sécurité sociale et dans les administrations sociales, afin de rendre l’accès aux droits plus facile. Enfin, nous présenterons dans les prochaines semaines la version aboutie du simulateur des droits sociaux ; cet outil, dont le projet a été dévoilé par le Président de la République le 30 octobre dernier, permettra à chacun de nos concitoyens de connaître très rapidement et de façon fiable l’ensemble des droits sociaux qui lui sont ouverts en fonction de sa situation personnelle.
Dans son intervention d’avant-hier, M. Daudigny a déclaré…
M. Gilbert Barbier. Que tout était parfait !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 comportait « de nombreuses mesures de justice ».
M. Didier Guillaume. M. Daudigny a été excellent !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion des articles confortera ce jugement incontestable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Il y a les bons élèves et les autres… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à apporter à mon tour un certain nombre de réponses aux orateurs que j’ai eu le plaisir d’entendre dans la discussion générale.
Tout d'abord, je remercie tous les sénateurs de la qualité du débat qu’ils ont suscité.
Je partage le constat du rapporteur général de la commission des affaires sociales : la France est entrée dans la crise avec un déficit structurel élevé. Faut-il rappeler, en effet, que, en 2008, c’est-à-dire avant que les effets de la crise ne se fassent sentir sur les finances publiques, le déficit du régime général de la sécurité sociale était déjà de 9,3 milliards d’euros ? Ce déficit était, il est vrai, un handicap considérable, dont nous payons aujourd’hui le prix.
Jean-Noël Cardoux nous invite à relativiser l’héritage : je pense, au contraire, qu’il faut avoir le courage de l’assumer à sa véritable valeur.
Certes, les recettes inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale en ce qui concerne l’année en cours ont été révisées, comme chaque fois que le Gouvernement dispose de nouvelles indications sur la conjoncture économique. En effet, alors que les dépenses sont parfaitement tenues, les recettes ont été moins élevées que prévu, ce dont les comptes se ressentent directement.
En ce qui concerne l’année 2015, la réduction du déficit de 2 milliards d’euros sera assurée non pas par des mesures de recettes, mais seulement par des mesures d’économies. De là la modicité apparente de la baisse de déficit ; cette réduction de 2 milliards d’euros doit être préservée.
Je ne puis laisser M. Delattre et d’autres orateurs affirmer que nos prévisions pour 2015 seraient irréalistes ou contredites par le Haut Conseil des finances publiques. Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis avec une grande humilité : malgré tous les services spécialisés qui appuient le Gouvernement, nous nous risquons à annoncer des prévisions au mieux de nos connaissances et de nos possibilités, parce que les lois organiques nous y obligent et pour donner à tous de la lisibilité.
De fait, ces prévisions doivent parfois être révisées. À cet égard, le Gouvernement peut soutenir la comparaison avec ceux qui ont présenté les projets de loi de finances de ces dernières années : ainsi, alors que le projet de loi de finances pour 2012 se fondait sur une prévision de croissance de 1,75 %, la croissance effective s’est limitée à 0,3 %.
À la vérité, je pense que nous pouvons nous accorder pour reconnaître que l’exercice est difficile et qu’il ne serait pas bienvenu de donner des leçons au gouvernement actuel en matière de prévisions.
S’agissant de la dette accumulée par l’ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, que M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a évoquée, elle n’est certes pas amortie, mais le niveau durablement bas des taux d’emprunt à court terme ne constitue ni une menace ni un pari.
Vous avez fait valoir, monsieur Vanlerenberghe, qu’il faudrait augmenter la CRDS. Le Gouvernement, pour sa part, préfère réduire les prélèvements sociaux et mettre en œuvre, dans le même temps, des mesures d’économies. Ces économies, vous doutez de l’engagement du Gouvernement à les mener à bien. Je ne puis que le regretter, d’autant que j’ai détaillé précisément les 9,6 milliards d’euros qui seront économisés.
À cet égard, je tiens à vous apporter quelques précisions supplémentaires, dont j’espère qu’elles seront de nature à dissiper vos doutes.
En ce qui concerne la branche famille, les 600 millions d’euros résultant de mesures passées tiennent compte non seulement de l’incidence, évaluée à 300 millions d’euros, des mesures figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, mais aussi des conséquences qu’aura en 2015 la pérennisation de l’économie résultant de la moindre consommation du fonds national d’action sociale, le FNAS, qui a été constatée en 2013.
En ce qui concerne les économies des régimes gérés par les partenaires sociaux, il s’agit, pour environ 400 millions d’euros, d’économies constatées – je dis bien : constatées – sur les dépenses de l’UNEDIC en 2014.
Je tiens à souligner que cet effort de redressement des comptes passe uniquement par des économies en dépenses, comme nous nous y étions engagés ; certains orateurs l’ont souligné, en particulier Mme Gatel, que je remercie.
Le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Delattre, a soutenu que la solution équitable en ce qui concerne les dividendes que se versent les chefs d’entreprise en guise de rémunération consisterait à les soumettre à cotisations pour la seule part inférieure au plafond de la sécurité sociale. Je ne puis être d’accord avec cette option, qui reviendrait à introduire une notion de contributivité qui n’est pas de mise en la matière. Ce débat est appelé à se poursuivre.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez appelé de vos vœux une réforme du financement de la protection sociale. Vous savez que la diversification des ressources a déjà été entreprise. En outre, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a précisément été saisi, le 21 octobre dernier, d’une feuille de route incluant une réflexion sur l’architecture et la gouvernance financière de la protection sociale ; cette réflexion viendra compléter les travaux déjà menés l’année dernière.
Monsieur Daudigny, vous avez rappelé le soutien de la Haute Assemblée à l’emploi à domicile et le vote unanime qu’elle a émis en faveur de ce dernier. Je vous ai fait part, dans mon intervention d’avant-hier, des raisons pour lesquelles le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale la mesure plus ciblée que celle-ci a adoptée. Nous ne souhaitons pas modifier les paramètres de cette mesure, en raison du coût qui en résulterait et qui dégraderait le solde des régimes sociaux.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. M. Desessard affirme que les mesures du pacte de responsabilité et de solidarité sont compensées par des économies sur la sphère sociale.
Or tel n’est pas le cas, ce dont il est aisé de s’assurer : l’adoption de ce pacte ne modifie en aucune manière les trajectoires de réduction des déficits de la sécurité sociale. En vérité, l’État compense le pacte à l’euro près. Quant aux économies réalisées dans le champ de la protection sociale, elles ne sont pas captées par l’État, mais bénéficient à la sphère sociale en permettant de poursuivre la réduction des déficits.
De même, vous critiquez la suppression du transfert des produits de l’exit tax. Je souhaite rectifier un point : il s'agissait d’un transfert de recettes de l’État à la sécurité sociale sans rapport avec des sommes recouvrées – ni même avec des sommes réellement dues, qui sont connues seulement plus tard. Le mécanisme de calcul impliquait en effet que les montants transférés avant même leur recouvrement soient plusieurs dizaines de fois plus élevés que les sommes perçues… Désormais, le transfert se fera sur la base des sommes perçues, ce qui est tout à fait logique.
S’agissant toujours des recettes, M. Cardoux a qualifié de « mesure à la petite semaine » la réforme du recouvrement sur les caisses de congés payés. Là encore, ce n’est pas parce qu’une mesure n’a que des effets temporaires qu’il faut s’abstenir de la mettre en œuvre, surtout quand elle représente deux milliards d’euros sur deux ans ! Je rappelle aussi qu’elle s’inscrit dans la continuité des dispositions prises en 2013.
Mme David, vous considérez pour votre part que le nouveau mode de calcul de la CSG sur les revenus de remplacement « pénalisera les retraités ».
Mme Annie David. C'est tout à fait cela !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je suis un peu étonné. Vous oubliez en effet de dire que cette réforme avantage beaucoup les retraités les plus modestes, qui vont passer du taux normal au taux réduit, et que seuls les retraités plus aisés, qui bénéficient de réductions et de crédits d'impôt, feront le passage inverse. Nous aurons le temps d’avoir un échange sur l’intérêt de cette mesure et, je l’espère, de vous convaincre.
Mme Annie David. Pas sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame David, vous avez aussi évoqué l’ampleur de la fraude aux cotisations sociales, et vous nous reprochez parallèlement de réduire les effectifs. Cela n’est pas exact : nous avons non seulement maintenu les effectifs des inspecteurs des URSSAF chargés du recouvrement, mais un corps de contrôleurs du recouvrement a de plus été adjoint à ces derniers. Cet effort témoigne de l’attention particulière qui est accordée à la lutte contre les fraudes (M. Dominique Watrin le conteste.), dans un contexte qui est pourtant marqué par la recherche d’économies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai pas répondu, j’en suis conscient, à l’ensemble des points qui ont été soulevés par les orateurs, mais je ne doute pas que nous aurons le temps de revenir sur la plupart d’entre eux au cours des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 324.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi (n° 78 [2014-2015]) de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les interventions dans la discussion générale ont donné le ton et marqué le début de l’examen de ce nouveau PLFSS, ou projet de loi de financement de la sécurité sociale, le troisième que nous examinons depuis que Mme Touraine est ministre de la santé. Malheureusement, son contenu nous rend, une fois de plus, très inquiets.
Certes, quelques dispositions vont dans le bon sens. Je pense notamment à la prévention, qu’il s’agisse du dépistage du VIH, à l’article 33, ou de l’accès à la vaccination, à l’article 34. Je remarque également avec intérêt la volonté du Gouvernement de renforcer les dispositions prises depuis décembre 2012 pour tenter de faire échec aux déserts médicaux.
Toutefois, la structure même de ce budget, sa conception, nous a conduits à déposer cette motion. Pour nous, les choix de réductions budgétaires – pour ne pas dire les choix « austéritaires » – qui ont guidé l’élaboration de ce budget sont contraires à la politique de renforcement de notre système de protection sociale qui devrait être menée : ils sonnent peu à peu, année après année, le glas de la sécurité sociale. En ce sens, nous estimons qu’il n’y a pas lieu de débattre d’un budget qui entérine la mort annoncée de notre système de protection sociale mis en place en 1945.
En outre, nous ne pouvons que constater avec colère – ou pour le moins une certaine amertume – combien la différence est grande avec le PLFSS pour 2012 examiné en 2011, année où le Sénat venait de basculer à gauche et où cette nouvelle majorité adoptait collectivement des amendements pour proposer des financements justes et pérennes, permettant de répondre au déficit structurel de la sécurité sociale… Pourquoi ne pas avoir poursuivi dans cette voie ? Pis, en mettant fin à l’universalité des prestations familiales, ce PLFSS ose s’attaquer à l’un des piliers de notre système.
Dans la continuité des propos de ma collègue Annie David, je voudrais, pour justifier notre motion, axer mon intervention sur l’analyse de deux branches principales.
J’évoquerai la branche maladie, tout d’abord : dans le cadre du pacte de responsabilité, madame la ministre, vous imposez à cette branche essentielle une cure qui va au-delà de l’amaigrissement, puisque ce sont quelque 3,2 milliards d’euros d’économies qui seront réalisées sur son dos en 2015. Vous justifiez ce choix par des dépenses rationalisées, maîtrisées, mais nous savons que, pour l’essentiel, ce sont des réductions de moyens qui sont visées.
J’en veux pour preuve l’ONDAM, qui, cela a été souligné, n’a jamais été aussi bas. Or ce qui pour nous est un très mauvais signe semble pour vous une source de satisfaction, synonyme de bonne gestion…
Voilà un an à peine, j’ai été auteur et rapporteur pour mon groupe d’une proposition de loi demandant un moratoire contre les fermetures d’établissements hospitaliers et les regroupements de services. Les auditions que j’ai réalisées ont apporté la confirmation de l’asphyxie programmée des hôpitaux publics.
Or, constater que, dans ce PLFSS pour 2015, l’ONDAM pour les établissements de santé ne progresse que de 2 % – une évolution encore moins importante que l’an dernier –, quand on sait qu’il faudrait qu’il s'établisse autour de 4 %,…
Mme Nicole Bricq. Et pourquoi pas 5 % ?
Mme Laurence Cohen. … est pour nous source de révolte !
Quant aux perspectives pluriannuelles annoncées, elles ne nous rassurent pas davantage et confirment votre objectif d’imposer une cure d’austérité aux hôpitaux publics. Et tant pis si les personnels hospitaliers ne cessent de dénoncer leurs conditions de travail, leur manque d’équipement ; tant pis si les patients constatent des dysfonctionnements dans leurs prises en charge ! Quiconque se rend dans un établissement hospitalier ou discute avec des personnels sait que la situation est difficile, de plus en plus difficile.
Dans ce contexte, quelles seront les conséquences d’une réduction de 520 millions d’euros de leurs dépenses ? Vous le savez, madame la ministre, cela ne peut se faire qu’en remettant en cause la qualité des soins.
Et que dire des 370 millions d’euros d’économies réalisées grâce au développement des soins ambulatoires ? Comme l’a très justement souligné ma collègue députée Jacqueline Fraysse, « Avant de réaliser d’éventuelles économies, des dépenses seront nécessaires pour réorganiser les pratiques, former les praticiens et créer des lieux d’accueil pour les patients. Le développement de la chirurgie ambulatoire est, de toute évidence, une pratique appelée à se développer, mais c’est moins pour les économies qu’elle permettrait de réaliser à terme, et qui restent à évaluer plus finement, que pour les progrès qu’elle permet en termes de prise en charge des patients pour certains actes. Il faut donc rester prudent quant au montant des économies envisagées ».
Bien entendu, la volonté affichée de parvenir à une réduction de la durée d’hospitalisation est tout à fait louable, mais elle ne peut se faire que si elle est très sérieusement encadrée. Selon que vous serez puissant ou misérable, pour paraphraser Jean de la Fontaine, vos conditions de retour à la maison seront bien différentes…
Permettez-moi, au-delà de l’hôpital, de m’inquiéter du rôle de gendarme des ARS, les agences régionales de santé, qui jugeront de ce que vous appelez « la pertinence et le bon usage des soins ». Ce renforcement de leur rôle, sans aucun contre-pouvoir, met à mal la démocratie sanitaire et se situe dans le droit fil de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », que nous dénoncions ensemble il n’y a pas si longtemps et que, pour notre part, nous continuons de dénoncer !
Quant à la branche famille, elle aussi est particulièrement visée dans ce PLFSS. Je rappelle d’ailleurs que la politique familiale connaît son troisième plan d’économie en deux ans. L’UNAF, l'Union nationale des associations familiales, chiffre à trois milliards d’euros les économies déjà supportées par les familles. Toutefois, au-delà de ces réductions, c’est le fondement même de notre politique familiale qui est remis en cause. C’est ce qui a essentiellement motivé le dépôt de notre motion. En effet, comment aborder le budget de la sécurité sociale si l’on casse l’un de ses piliers ?
L’amendement sur la modulation des allocations familiales, adopté par dix-huit voix contre onze à l’Assemblée nationale, sur l’initiative des députés socialistes, est dangereux et inacceptable. Et nous ne sommes pas les seuls à le dénoncer, à l’intérieur de cet hémicycle comme à l’extérieur.
Certes, dans une période de crise profonde, cette modulation peut apparaître comme une mesure de justice et d’égalité. Qui pourrait trouver choquant, en effet, que des familles qualifiées d’« aisées » voient leurs allocations non pas supprimées, mais juste réduites ? D’ailleurs, à la commission des affaires sociales, un sénateur de votre sensibilité politique, madame la ministre, nous a avoué avoir toujours trouvé injuste de toucher des allocations familiales comme tout un chacun, compte tenu de ses revenus.
Pourtant, introduire des conditions de ressources marque bien la fin de l’universalité des allocations familiales. Quand, madame la ministre, vous opposez le terme d’« universalité » à celui d’« uniformité » pour faire taire celles et ceux qui s’opposent à la modulation des allocations familiales, vous ne répondez pas au problème de fond.
Les allocations familiales visent à compenser les charges familiales. Elles ne constituent ni une politique de redistribution des revenus ni une politique de redistribution entre les familles ; elles créent une solidarité horizontale entre ceux qui n’ont pas d’enfants et ceux qui en ont. C’est une politique d’aide à l’enfant. En ce sens, comment admettre qu’un enfant appartenant aux couches moyennes ou supérieures ait moins de besoins à satisfaire ? Le fait qu’une famille choisisse d’avoir un nouvel enfant ne doit pas être pénalisant !
Voilà les raisons majeures qui plaident en faveur de l’universalité de la politique pour les familles. Cette question de l’universalité affecte notre système de sécurité sociale, et elle est déterminante. La protection sociale n’a pas vocation à réduire les inégalités sociales ; il existe d’autres instruments pour cela, tels que le SMIC ou la fiscalité. En revanche, elle a vocation à compenser la maladie – pour l’assurance maladie –, le coût de l’enfant – pour les allocations familiales – ou l’arrêt du travail – avec la pension de retraite.
En modulant les allocations familiales, le risque est grand de voir se déliter ce qui reste du tissu de cohésion sociale du pays et d’accélérer le glissement vers une société clivée : il y aura ceux qui passeront leur temps à produire la preuve humiliante qu’ils gagnent peu, et les autres. Néanmoins, à partir du moment où les gens dits « plus aisés » ne percevront plus d’allocations à égalité avec les autres, pourquoi participeraient-ils à égalité au système de sécurité sociale ? Ils pourront avoir recours à des mutuelles et des assurances privées… Alors, qui alimentera les caisses ? C’est la mort annoncée de notre système de protection sociale !
Cette politique de rupture avec les principes fondamentaux de la protection sociale est-elle au service de la justice sociale, comme vous semblez le soutenir, madame la ministre ?
Même si les familles les plus aisées touchent moins, vous savez pertinemment que les familles modestes ne toucheront pas davantage. Le but réel de cette mesure est donc bien la réduction des dépenses publiques et sociales, qu’il est particulièrement scandaleux de faire supporter aux familles ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Gilles. Très bien !
Mme Laurence Cohen. Il n’est pas étonnant que le conseil d’administration de la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, toutes composantes confondues, ait très majoritairement émis un avis défavorable sur ce PLFSS pour 2015, notamment au regard des choix qui visent la branche famille.
Aussi, posons-nous ensemble, mes chers collègues, la question des raisons de l’origine du déficit de cette branche. Le pacte de responsabilité entraînera, d’ici à 2017, un manque à gagner de 30 milliards d’euros de cotisations patronales… Cherchez l’erreur ! Le Gouvernement persiste et signe, il assume donc pleinement ce choix qui, de fait, asphyxie la sécurité sociale.
Faut-il rappeler ici que le coût de ces baisses de recettes est de 6,3 milliards d’euros pour la sécurité sociale en 2015 ? Le fameux « trou de la sécurité sociale » ne vient pas de nulle part. Il est organisé. Pis, il est entretenu, alors qu’il pourrait largement être comblé.
Au lieu de réduire les dépenses publiques – comme vous le proposez, madame la ministre, et aussi comme y contribue la droite avec ses amendements –, nous vous proposons, mes chers collègues, de trouver d’autres financements, donc d’augmenter les recettes.
Pour un financement dynamique de la politique familiale, nous préconisons une modulation des cotisations employeurs, avec des taux moins élevés pour les entreprises qui accroissent les emplois, les qualifications et les salaires. Au contraire, les taux de cotisation seraient augmentés pour les entreprises qui licencient et compriment les salaires.
Nous proposons aussi une nouvelle cotisation, soumise au même taux que les cotisations employeurs sur les salaires, qui concernerait les revenus financiers des entreprises et des banques, soit – faut-il le rappeler ? – quelque 300 milliards d’euros en 2012. Au taux de cotisation actuel de 5,4 %, cela rapporterait 16 milliards d’euros à la branche famille. Voilà de quoi largement remplir les caisses et renforcer notre système de santé et de protection sociale…
Ces deux propositions – parmi d’autres – feront l’objet d’amendements et pourront, je l’espère, trouver ici un écho favorable, du moins sur les travées de la gauche. Il faut rappeler que, dans un passé pas si lointain, certaines d’entre elles avaient pu être votées par la gauche rassemblée !
Je terminerai mon propos en insistant sur le danger d’adopter la modulation des allocations familiales. Si cette brèche est réellement ouverte, si vous décidez de maintenir cette fracture dans notre édifice social, rien n’empêchera d’aller encore plus loin au cours des prochaines années. Une fois ce seuil symbolique franchi, la situation risque de se dégrader extrêmement vite. On s’orienterait ainsi vers la fin d’un système qui fait notre identité et notre force, au profit d’un système assurantiel qui, lui, aurait de très beaux jours devant lui.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, pour nous, ce PLFSS est marqué par de trop mauvais choix, qui plombent à l’excès notre système et aggravent la situation.
Nous vous proposons donc de voter notre motion pour revoir l’ensemble de cette construction budgétaire. Et comme vous l’aurez constaté à l’écoute de l’intervention de ma collègue Annie David comme à celle de mon propos, ce ne sont pas les propositions de rechange qui manquent ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il serait dommage de ne pouvoir ni discuter ni amender ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. La position de la commission est en totale contradiction avec cette motion visant à opposer la question préalable.
La commission, qui s’inscrit dans une démarche responsable,…
Mme Annie David. Nous aussi !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … a donc émis un avis défavorable sur cette motion.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Nous retrouverons au cours de la discussion du texte, madame Cohen, de nombreux points auxquels vous avez fait référence. Nous aurons ainsi l’occasion de débattre de la politique familiale, des principes de la sécurité sociale et des mécanismes choisis pour maîtriser les dépenses de l’assurance maladie.
Mme David a dit elle-même que votre groupe ne souscrivait pas à l’immobilisme. Or nous ne pouvons pas faire comme si nous n’étions pas confrontés, et pas seulement pour des raisons financières – j’insiste sur ce point –, à la nécessité de moderniser et d’adapter notre système de protection sociale et de sécurité sociale ! Nous devons en effet répondre aux attentes qui apparaissent. Pour ce faire, nous devons maîtriser d’autres dépenses. Il est illusoire d’imaginer que l’on pourra prévoir sans cesse de nouvelles prises en charge financières et continuer à payer un plus grand nombre de prestations sans s’interroger sur l’organisation de la sécurité sociale.
Cette illusion, nous ne pouvons pas la soutenir. C’est la raison pour laquelle, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous sommes amenés à prendre des mesures extrêmement fortes, à la fois pour maîtriser les dépenses et pour adapter notre système, en faisant des choix résolus pour ce qui concerne l’accès aux soins. Je pense notamment à la suppression des franchises pour une partie de la population, par exemple avec la mise en place d’une nouvelle étape de la généralisation du tiers payant. Dans le même temps, nous opérons des réformes de structure, et la politique familiale doit également en faire l’objet. Pourquoi cette dernière devrait-elle être mise sous cloche, sans jamais être interrogée sur son mode de fonctionnement et son organisation ?
Nous aurons l’occasion de débattre de ces choix, qu’il s’agisse de la régulation en matière d’assurance maladie ou de la mise sous condition de ressources, c'est-à-dire de la modulation, des allocations familiales. En effet, nous devons, selon moi, être résolus s’agissant de la mise en place de réformes de structure.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur cette motion, ce qui ne surprendra personne.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je souhaite expliquer très succinctement le vote du groupe UMP sur cette motion.
Au cours de l’intervention de la représentante du groupe CRC, vous avez pu constater à nos réactions, mes chers collègues, que nous partagions certaines de ses affirmations, notamment en ce qui concerne les choix du Gouvernement en matière de politique familiale.
Néanmoins, chacun en a bien conscience, si nous votions en faveur de cette motion, le débat s’arrêterait là. Or tel n’est pas notre objectif. En effet, après avoir beaucoup travaillé, nous avons déposé énormément d’amendements. La volonté du groupe UMP est d’amender ce texte, en fonction des débats que nous avons eus et des propositions que nous avons formulées au cours de la discussion générale.
Voilà pourquoi, malgré l’adhésion du groupe à certains des propos tenus par l’oratrice du groupe CRC, nous voterons contre cette motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les mêmes causes produisant les mêmes effets, je ne vous étonnerai pas en exprimant l’avis défavorable du groupe socialiste sur cette motion tendant à opposer la question préalable. En effet, cette dernière est motivée par les mêmes raisons que celle qui avait été déposée en juillet dernier sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et sur laquelle nous nous étions déjà prononcés défavorablement. Vous avez, mes chers collègues du CRC, le mérite de la constance, personne ne vous le contestera !
La proposition de modulation des allocations familiales, qui est nouvelle, en tout cas par rapport au précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale – en effet, la question en elle-même a suscité un débat déjà ancien –, motive cette motion. Or il s’agit justement d’un aspect essentiel, qui mérite pour le moins d’être discuté par la Haute Assemblée.
Les allocations familiales sont-elles universelles ? À supposer qu’on l’admette, en tordant un peu la réalité, puisqu’elles ne sont versées qu’à partir du deuxième enfant, la mise sous condition de ressources contredit-elle leur universalité ? N’est-il pas vrai, enfin, que de grandes injustices peuvent se commettre au nom de l’universalité ? Voilà ce sur quoi le Sénat doit prendre position, donc débattre.
De même doivent être débattues, plus avant dans ce projet de loi, les dispositions contribuant à créer de nouveaux droits, à favoriser l’accès aux soins, à maîtriser les coûts, particulièrement ceux des médicaments, et à rendre plus efficiente l’organisation du système hospitalier.
Quel doit être le rythme du désendettement ? L’impératif lui-même ne peut faire débat, sauf à condamner notre système. Or nous dénoncions encore récemment d’une même voix, ici, sur les travées de la gauche, des comptes laissés à la dérive, tout comme des déremboursements et des augmentations de forfaits, qui ne sont plus d’actualité depuis 2012.
Pas assez fort ? Pas assez vite ? Pas assez haut ? Oui, bien sûr ! Toutefois, concilier, en responsabilité, équilibres financiers, augmentation des besoins, mesures de justice et promotion des innovations, c’est conforter, pérenniser et renforcer notre système de protection sociale, en l’adaptant à la société du XXIe siècle, sans remettre en cause les valeurs qui sont les siennes depuis 1945.
Souhaitez-vous vraiment, mes chers collègues, que le Sénat ne débatte pas de ces questions ? En réalité, je ne le crois pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. La commission, pour repousser cette motion de procédure, met en avant son esprit de « responsabilité ». Or, au sein du groupe CRC, c’est également en toute responsabilité que nous avons déposé cette question préalable. Il nous semble en effet important de faire valoir d’autres arguments que ceux qui ont été entendus jusqu’à présent.
Il est vrai, madame la ministre, que j’ai déclaré lundi, lors de mon intervention au cours de la discussion générale, que nous ne sommes pas pour l’immobilisme. Pour autant, nous sommes persuadés que notre système de protection sociale a su, depuis sa création, garder sa modernité, en s’adaptant.
Sans doute a-t-il besoin de s’adapter encore. Vous proposez la modulation des prestations familiales. De notre côté, nous proposons une autre modulation, celle des cotisations patronales, qui permettrait de prendre en compte l’évolution de la société du XXIe siècle, donc de donner encore plus de modernité à notre système de protection sociale.
Il est vrai que, depuis 2012, aucune franchise supplémentaire n’a été créée et que nous n’avons eu à combattre aucune nouvelle mesure de cet ordre, comme nous en dénoncions par le passé.
Je vous rappelle toutefois, mes chers collègues, que nous avons été unanimes, sur les travées de la gauche, à dénoncer, au moment de leur création, les franchises actuelles, considérant qu’elles étaient inacceptables pour les familles modestes et, surtout, pour les patients modestes, qui sont dans la nécessité de les payer. Je regrette donc que l’on se félicite aujourd'hui de la non-création de nouvelles franchises ou de la non-augmentation des franchises existantes… Pour notre part, nous sommes pour la suppression de ces franchises, comme nous l’étions au moment de leur création.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, des cotisations et des recettes nouvelles pour notre système de protection sociale. Si vous entendiez enfin nos propositions, vous apporteriez vraiment la preuve de votre modernité et de votre attachement à notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je souhaite expliquer le vote du groupe UDI-UC.
Nous sommes sur le point d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est l’un des temps forts de la vie parlementaire, notamment sénatoriale. Ce sujet est particulièrement important non seulement du fait des montants financiers qu’il implique, mais aussi parce qu’il touche des sujets très proches du quotidien de chacun de nos concitoyens. Bien sûr, nous avons, les uns et les autres, beaucoup d’idées. Parfois, nos points de vue sont éloignés ; parfois, ils peuvent se rapprocher. Quoi qu’il en soit, il faut absolument en discuter point par point.
En outre, dans la mesure où la majorité du Sénat vient de changer, nous voulons faire passer nos idées et modifier ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dans le sens que nous souhaitons.
Nous le comprenons très bien, le dépôt de cette motion est une démarche politique, dont la force est certaine. Pour autant, son adoption aurait pour conséquence d’empêcher un débat qui s’annonce extrêmement riche.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 324, tendant à opposer la question préalable.
J’indique que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 19 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 19 |
Contre | 309 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2013
Article 1er
Au titre de l’exercice 2013, sont approuvés :
1° Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
182,2 |
189,1 |
-6,9 |
|
Vieillesse |
212,2 |
215,8 |
-3,6 |
|
Famille |
54,9 |
58,2 |
-3,3 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
13,5 |
12,8 |
0,7 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
449,8 |
462,9 |
-13,1 |
; |
2° Le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
158,0 |
164,8 |
-6,8 |
|
Vieillesse |
111,4 |
114,6 |
-3,1 |
|
Famille |
54,6 |
57,8 |
-3,2 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,0 |
11,3 |
0,6 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
324,0 |
336,5 |
-12,5 |
; |
3° Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
16,8 |
19,7 |
-2,9 |
; |
4° Les dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, s’élevant à 173,8 milliards d’euros ;
5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles ;
6° Les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse, s’élevant à 0,1 milliard d’euros ;
7° Le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, s’élevant à 12,4 milliards d’euros.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen de cet article est intéressant en ce qu’il permet, avant d’envisager l’avenir, d’analyser le passé.
Ainsi, il nous est donné d’étudier les données pour 2013 du financement de la sécurité sociale. Cette année-là, le déficit du régime général de la sécurité sociale s’élevait à 12,5 milliards d’euros, légèrement en deçà du déficit pour 2012. Malgré cette diminution, ce déficit reste élevé et continue d’hypothéquer l’avenir de notre protection sociale.
Surtout, nous constatons un ralentissement de la réduction du déficit qui nous conduit à remettre en cause les solutions adoptées par le Gouvernement. En effet, les recettes ont été fortement affectées non seulement par la situation économique, mais aussi par les mesures d’exonérations patronales prises par le Gouvernement.
Or il va sans dire que la situation de crise économique et sociale grave que traverse notre pays ne pourra être atténuée, puis résorbée, sans un renforcement du « filet de sécurité sociale », renforcement qui doit se faire de manière juste et équitable.
À ce titre, notons que, en 2013, le déficit de la branche vieillesse pour l’ensemble des régimes a fortement diminué, passant de 6,1 milliards d’euros à 3,6 milliards d’euros, soit une baisse de 41 %.
Cette évolution est conforme à ce que nous prescrivons : la réduction du déficit a été en partie effectuée en augmentant les recettes. En effet, quelque 7 milliards d’euros supplémentaires ont été alloués à l’assurance vieillesse et au fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Notons tout de même que cette réduction du déficit a également été obtenue en ralentissant l’évolution des dépenses de la branche vieillesse, notamment par le gel des pensions.
Concernant le FSV, son déficit a été très fortement réduit en 2013, non pas que les besoins aient diminué, mais principalement parce que son financement a augmenté : en 2013, notamment, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, était versée au FSV.
On peut donc s’interroger sur la pérennité économique de ce fonds : puisque les besoins reflétant la précarité économique dans laquelle vivent les Français tendent à s’accroître, quelles ressources complémentaires seront affectées au financement du FSV ?
Par ailleurs, l’année 2013 est marquée par un retour à l’excédent de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, la branche AT-MP. Celle-ci fonctionnant selon un mécanisme assurantiel, cette évolution reflète principalement celle de la sinistralité.
Le retour à l’excédent a en outre été permis par une baisse de 200 millions d’euros de transferts de la branche AT-MP vers le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.
Certes, cette baisse du transfert n’a pas mis le FIVA en difficulté en 2013, car des retards avaient été pris dans le règlement des dossiers. Pour autant, ce moindre transfert s’ajoute au désengagement de l’État dans le financement du FIVA : l’État n’a apporté aucune contribution au fonds en 2013 et en 2014 et propose, pour 2015, une contribution de 10 millions d’euros, soit seulement un cinquième de ses participations d’avant 2013.
Le comité de suivi sur l’amiante s’inquiète ainsi, à juste titre, que les sept propositions faites en 2005 concernant l’indemnisation des victimes et son financement soient restées lettre morte.
L’impression générale donnée par la lecture de ces chiffres et du projet de loi de financement que nous nous apprêtons à étudier est que les petits raccords ou les petites économies, souvent injustes, sont préférés à des mesures structurelles visant à sauver notre système de protection sociale.
Ces mesures existent, elles portent notamment sur le volet recettes : contribution des revenus du capital, suppression des exonérations de cotisations sociales ou encore modulation des cotisations patronales.
Pourtant, le Gouvernement leur préfère des mesures de moindre portée, qui contribuent à fragiliser le tissu social et à accroître les inégalités, notamment dans l’accès aux soins. Il choisit ainsi de faire payer les familles ou encore les retraités, nombreux à ne disposer pour survivre que du minimum contributif.
Face à de tels choix, nous voterons contre cet article, témoin de l’échec du Gouvernement à mener des réformes justes et structurelles.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Claireaux, est ainsi libellé :
Après l’article premier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Les contributions sociales sont calculées d’après la situation et les charges de famille du contribuable conformément aux articles 193, 194 et 195 du code général des impôts et en appliquant à la fraction des revenus bruts annuels définis aux articles L. 136-2 à L. 136-7-1 du présent code le taux de :
« 1° 5,0 % pour la fraction inférieure ou égale à 9 690 € ;
« 2° 5,5 % pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 € ;
« 3° 7,5 % pour la fraction supérieure à 26 764 € et inférieure ou égale à 71 754 € ;
« 4° 8,0 % pour la fraction supérieure à 71 754 € et inférieure ou égale à 151 956 € ;
« 5° 8,5 % pour la fraction supérieure à 151 956 €. » ;
2° Le II est abrogé ;
3° Au III, les mots : « et au II » sont supprimés.
II. – Par dérogation aux 1° et 2° de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux des contributions sociales est fixé à :
1° 6,0 % en 2015 pour la fraction inférieure ou égale à 9 690 € ;
2° 7,5 % en 2015 et 2016 pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 €.
III – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement d’appel, qui est néanmoins un amendement politique majeur, vise à instaurer une CSG progressive.
Pourquoi considérons-nous cet amendement comme majeur ?
La première raison, c’est que le Président de la République s’était engagé à entreprendre une réforme fiscale tendant à instaurer une CSG progressive et à rendre celle-ci convergente avec l’impôt sur le revenu. Notre pays se serait ainsi doté d’un impôt progressif structurant, pour une plus grande justice fiscale, et ce alors même que les impôts ont perdu chez nous beaucoup de leur caractère progressif.
Même si l’on peut juger positivement les propositions d’allégement pour les tranches les plus basses de l’impôt sur le revenu, in fine celui-ci a perdu de sa crédibilité ; c’est pourquoi il est fondamental de mettre en place ce grand impôt progressif, armature de notre fiscalité.
La deuxième raison pour laquelle nous considérons cet amendement comme majeur, c’est que la mesure que nous proposons donnerait immédiatement du pouvoir d’achat aux catégories populaires et moyennes. En effet, nous avons construit notre système de telle sorte que les ménages aux revenus faibles ou moyens verraient leur taux d’imposition baisser, ce qui leur permettrait de bénéficier de 4 milliards d’euros de pouvoir d’achat en 2015, de 12 milliards d’euros en 2016 et de 14 milliards d’euros en 2017.
Ces sommes peuvent être mises en regard des 41 milliards d’euros qui sont donnés aux entreprises. Pour une large part d’entre elles, ces dernières n’en ont pas besoin pour gagner en compétitivité au niveau mondial ou pour accroître leurs capacités exportatrices. Il n’est qu’à observer la liste des bénéficiaires de ces allégements pour constater qu’il s’agit parfois d’entreprises qui ne sont confrontées à aucun problème immédiat et qui, dans certains cas, s’en trouvent même favorisées par rapport aux services publics !
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour terminer, je précise que le dispositif de notre amendement n’encourt aucun grief d’inconstitutionnalité : en conservant un mode de calcul de l’impôt fondé sur la capacité contributive des ménages, nous tenons compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 185, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section 5 du chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° L’article L. 136-8 est ainsi modifié :
a) Les I et II sont ainsi rédigés :
« I. – Les contributions sociales sont calculées d’après la situation et les charges de famille du contribuable conformément aux articles 193, 194 et 195 du code général des impôts et en appliquant à la fraction des revenus bruts annuels définis aux articles L. 136-2 à L. 136-7-1 du présent code le taux de :
« 1° 5,0 % pour la fraction inférieure ou égale à 9 690 € ;
« 2° 5,5 % pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 € ;
« 3° 7,5 % pour la fraction supérieure à 26 764 € et inférieure ou égale à 71 754 € ;
« 4° 8,0 % pour la fraction supérieure à 71 754 € et inférieure ou égale à 151 956 € ;
« 5° 8,5 % pour la fraction supérieure à 151 956 €.
« II. – Par dérogation aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du I, le taux des contributions sociales est fixé à :
« 1° 6,0 % en 2015 pour la fraction inférieure ou égale à 9 690 € ;
« 2° 7,5 % en 2015 et 2016 pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 €. »
b) Au III, les mots : « et au II » sont supprimés ;
2° Après l’article L. 136-8, il est inséré un article L. 136-8-... ainsi rédigé :
« Art. L. 136-8-... – Les contributions visées au I de l’article L. 136-8 font l’objet d’une correction sur l’avis d’imposition sur le revenu mentionné au chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts sur la base des informations délivrées à l’administration fiscale au titre des 2° à 4° de l’article L. 136-8. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Tout d’abord, je remercie M. Eckert d’avoir répondu très précisément aux interrogations que j’avais exprimées lors de la discussion générale.
Ensuite, je veux dire que je regrette encore une fois que le débat sur la fiscalité, qui devait avoir lieu, ne se soit pas produit ! Des groupes de travail sur la fiscalité des entreprises et des familles se sont réunis, les politiques, les syndicats et les services de Bercy se sont fortement mobilisés, nous avions tout pour mener à bien notre travail, mais tout cela a fait un grand plouf ! Et on nous propose des réformes fiscales petit bout par petit bout, sans vision d’ensemble.
Nous, les écologistes, comme chaque groupe politique, nous avons bien sûr une vision d’ensemble. Ainsi, nous sommes contre la modulation des allocations familiales et pour le versement d’une allocation dès le premier enfant, comme je l’ai indiqué en discussion générale. En revanche, nous sommes pour la suppression du quotient familial. Voilà ce qu’est notre vision de la politique familiale.
En ce qui concerne la CSG, nous sommes pour sa fusion avec l’impôt sur le revenu. Voilà pourquoi nous présentons cet amendement, très proche de celui que vient de défendre excellemment à l’instant Mme Lienemann.
En quelques mots, cet amendement vise à rendre progressive la CSG pour alléger la contribution des ménages aux revenus modestes.
La CSG est une contribution efficace, à assiette large, qui s’applique aux revenus du travail comme à ceux du capital, mais de façon proportionnelle. Nous proposons de la rendre plus juste en augmentant la contribution des hauts revenus et en allégeant celle des plus modestes, avec un barème progressif et des taux marginaux sans distinction entre retraités et actifs ni entre revenus du travail et du capital.
En France, les inégalités de revenus ont diminué jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix. Depuis lors, nous assistons à un retournement de tendance : en dix ans, le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres n’a progressé que de 8 % – on s’étonne toujours de la progression de la pauvreté, mais il y a des raisons pour l’expliquer, de même qu’il existe des mesures pour lutter contre elle –, tandis que celui des 10 % les plus riches augmentait de 18 %. Et je ne parle pas des parachutes dorés, dont le Gouvernement a accepté encore récemment le principe pour un haut dirigeant.
Il est de notre responsabilité de réduire ces inégalités en redonnant du pouvoir d’achat à ceux qui en ont le plus besoin. Tel est le sens de cet amendement.
Lors de l’examen de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, l’été dernier, nous avons eu un long débat sur cet amendement. La secrétaire d’État Ségolène Neuville, qui représentait alors le Gouvernement, m’a répondu que les dispositions de cet amendement nécessitaient un travail préalable. J’estime que celui-ci a eu lieu lors des assises de la fiscalité mises en place par Jean-Marc Ayrault, auxquelles ont participé les formations politiques et syndicales. Nous disposons donc de toutes les informations nécessaires.
Aussi, mes chers collègues, je vous propose de voter cet amendement du groupe écologiste.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement ouvrent un débat de fond sur l’opportunité d’introduire, via la progressivité, une redistribution dans la contribution de la CSG au financement de la protection sociale.
Notre système social est déjà fortement redistributif : 40 % des écarts de niveau de vie entre le premier et le dernier décile sont réduits grâce à cette redistribution.
Dans sa conception originelle, la CSG présentait l’avantage d’une assiette large, d’un taux faible et d’un fort rendement. Toute mesure de réduction d’assiette augmente mécaniquement le taux – c’est ce à quoi tend cet amendement – et concentre le prélèvement sur une plus faible part de contribuables.
Toutefois, par rapport à sa conception d’origine, la CSG est devenue de facto progressive. Elle a fait l’objet d’une exemption d’assiette sur les revenus de remplacement les plus faibles, d’un taux réduit de 3,8 % au-delà et d’un taux « normal » de 6,6 % pour les retraités.
Le taux normal pour tous les actifs est, je le rappelle, de 7,5 %. Et il existe, je le rappelle également, un mécanisme de déductibilité fiscale, tel que la somme de 2,4 points de CSG et de 0,5 point de CRDS, ou contribution pour le remboursement de la dette sociale, entraîne de fait une augmentation d’un point du taux marginal d’imposition des revenus les plus élevés.
Enfin, comme l’a fort justement dit M. Desessard, cette question doit être traitée globalement avec celle de l’impôt sur le revenu. Elle mérite un débat beaucoup plus large.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame Lienemann, vous avez vous-même déclaré qu’il s’agissait d’un amendement politique d’appel. Ce n’est d’ailleurs pas le premier de ce genre…
Mme Nicole Bricq. Et il y en aura d’autres ! (Sourires.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je persiste et signe !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, nous avons déjà eu un très long débat sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Certes, au fil du temps, vos amendements tendent à évoluer un peu. Vous disiez vous-même, madame Lienemann, que vous aviez tenu compte de la question d’inconstitutionnalité qui pouvait se poser quant à la prise en compte, ou non, de l’ensemble des revenus et de la situation familiale du foyer fiscal. Toutefois, indépendamment de cet aspect, bien des problèmes subsistent.
Les deux amendements ne sont pas complètement identiques : l’un vise à régler, si j’ose dire, et de façon assez difficile d'ailleurs, la question de la perception et de la régularisation ; l’autre, le vôtre, madame Lienemann, ne tend même pas à l’évoquer. En tout cas, tout le monde est bien conscient que, pour pouvoir tenir compte d’un taux de cotisation qui prenne comme références l’ensemble des revenus et la situation familiale du ménage, ce qu’exige a priori le juge constitutionnel, il faut un taux facial et, à un moment donné, une régularisation.
Monsieur Desessard, vous proposez que cette régularisation ait lieu au moment du versement de l’impôt sur le revenu. C’est une possibilité. Or nous nous sommes livrés à quelques exercices de simulation, bien évidemment, et il en résulte au moins deux points sur lesquels nous pourrions, je pense, tomber d’accord.
Le premier est que l’on y perdrait une dizaine de milliards d’euros. En reprenant les barèmes que vous donnez, j’atteins même 14 milliards d’euros, mais cette somme évolue dans le temps ; disons donc une grosse dizaine de milliards. J’en suis désolé, mais le secrétaire d’État en charge du budget, donc des comptes publics, ne peut recommander l’adoption d’un amendement qui ferait perdre une dizaine de milliards d’euros de recettes… Ce n’est pas le moment !
Le second point sur lequel nous pourrions tomber d’accord est que d’importants transferts s’opéreraient entre les contributeurs. En outre, toutes les études que nous avons réalisées, notamment l’été dernier, montrent que cette régularisation, qui serait nécessaire au moins une fois par an, concernerait près de 50 % des foyers. Imaginez donc : vous réduiriez la CSG pour certains, mais, lors de la régularisation, vous leur demanderiez de payer de nouveau quelque chose. Vous alourdiriez donc le dispositif. Et si les contribuables sont mariés, s’ils ont des enfants ou si leur conjoint ne travaille pas, vous devriez ensuite leur rembourser les sommes que vous leur auriez demandées… Cette situation nous a conduits assez naturellement à écarter cette piste, madame Lienemann, monsieur Desessard.
Tels sont donc les quelques éléments de réponse que j’apporte à la discussion. Nous ne cherchons pas à esquiver les débats. Ceux-ci sont toujours utiles et nécessaires. Néanmoins, quand ils ont déjà eu lieu de façon approfondie et que l’on y revient de façon quasi identique deux mois après, nous ne pouvons qu’être conduits à échanger les mêmes arguments.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 2 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État, mais lors de la préparation de la campagne présidentielle, François Hollande défendait cette proposition. Il le faisait déjà bien avant, du reste, en tant que député ; puis, lorsqu’il fut Premier secrétaire du parti socialiste, cette question a été longuement débattue dans le projet de ce parti.
Depuis l’origine, nous connaissions les contraintes en la matière. Bercy n’y a jamais été favorable. Jamais ! Pourtant, quand il s’agit d’adapter un dispositif à chaque entreprise et d’envoyer des chèques représentant des milliards d’euros à la fin de l’année, Bercy trouve toujours de nombreuses bonnes idées !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cessez de dire « Bercy » ! C’est très désagréable. Il y a un gouvernement, qui prend des décisions.
Mme Nicole Bricq. Accuser Bercy, c’est un marronnier...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En revanche, quand il s’agit de régulariser la situation des citoyens et de trouver les moyens de leur donner un avantage sonnant et trébuchant sur leur feuille de paie, ce n’est jamais possible !
Tous ces débats ont déjà eu lieu. L’an dernier, nos propositions se fondaient sur la base du calcul familial de l’impôt, pour que la progressivité – c’est sur ce seul point que Lionel Jospin avait été censuré par le Conseil constitutionnel –, puisse être mise en œuvre en toute cohérence avec notre Constitution.
Autant vous le dire tout de suite, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez expliquer que 10 milliards d’euros n’est pas le bon montant et qu’il faut moduler autrement.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Toutefois, je ne le pense pas, pour la simple raison que nous avons besoin de renforcer la demande.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si nous prenons en compte seulement l’offre, par le renforcement de la compétitivité et la baisse du coût du travail, nous ne pourrons que voir s’aggraver la déflation que nous sommes en train de vivre.
Il faut donc faire le choix d’une relance du pouvoir d’achat ciblée sur les catégories populaires et modestes qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, consomment plus « hexagonal » que toutes les autres catégories, puisque plus on est riche, moins on consomme français. Les études sont claires sur ce point, et le FMI lui-même explique que, dans la période actuelle, le coefficient multiplicateur est tout à fait positif s’agissant de la relance de l’investissement et du pouvoir d’achat.
Nous pourrions discuter de l’ampleur du dispositif et des 10 milliards d’euros. Pour ma part, je pense que c’est un choix fondamental pour la relance de la croissance, au moins momentanément. Cependant, s'agissant du principe d’une CSG progressive, il n’est pas exact que François Hollande ait pris cet engagement sans savoir ce qu’il signifiait ! Que je sache, aux dernières nouvelles, il nous reste encore deux ans et demi pour le mettre en œuvre.
M. Bruno Gilles. Bon courage ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Or, monsieur le secrétaire d'État, les seules solutions que vous préconisez ne visent qu’à nous expliquer qu’il n’est pas possible de le tenir.
Les arguments que vous donnez étaient déjà connus. Nous avions trouvé des méthodes techniques permettant de lever le handicap. Nous vous les proposons et nous ne comprenons pas que le Gouvernement ne les soutienne pas.
Je maintiendrai donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne prolongerai pas le débat, car, monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison, les dispositions de cet amendement, qui sont déjà venues et reparties, reviendront.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous sommes constants dans nos opinions !
Mme Nicole Bricq. Il est très bien d’être constant dans ses opinions, ma chère collègue,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et dans nos engagements aussi !
Mme Nicole Bricq. … mais il serait bien également d’essayer de comprendre la réalité dans laquelle nous vivons.
Je reprendrai plusieurs arguments de fond, qui sont certes recevables, mais que je conteste. Vous voulez réintroduire de la progressivité dans notre système de prélèvement. Je regrette de vous le dire, mais, quand on aligne comme on l’a fait les revenus du capital sur les revenus du travail, on réintroduit forcément de la progressivité. Je vous rappelle tout de même que 30 milliards d’euros plus 30 milliards d’euros font 60 milliards d’euros. C’est le premier argument en défense, qui explique que le groupe socialiste ne peut pas voter cet amendement.
Du reste, notre position est assez logique. Remettre en cause une politique fiscale ou relative aux prélèvements obligatoires, c’est remettre en cause ce pour quoi elle est conçue, à savoir la politique économique. C’est dire que vous n’êtes pas d’accord non plus avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, ni avec le pacte de responsabilité. Certes, c’est votre droit absolu, mais une politique de prélèvement est là pour sous-tendre une politique économique. Sinon, elle ne sert à rien.
De même, comme l’a souligné Jean Desessard, il est possible de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu si l’on considère que la CSG est non pas une cotisation, mais une imposition de toute nature. Toutefois, il faut alors aller jusqu’au bout de la logique et n’avoir qu’un seul budget, notamment concernant les recettes. Or vous n’allez pas au bout de cette logique.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout !
Mme Nicole Bricq. Certes, on peut mener une révolution fiscale. Personnellement, je suis favorable à l’individualisation de l’impôt, parce qu’il correspond à ce qu’est la société contemporaine (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.), notamment quand les femmes participent à l’activité économique de manière, le plus souvent, autonome. Néanmoins, ce n’est pas au détour d’un amendement que se décide une réforme fiscale majeure.
C’est la raison pour laquelle je ne pense pas raisonnable de maintenir ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame Bricq, vous avez dit bien des choses intéressantes : en particulier, que ce n’est pas au détour d’un amendement que l’on peut traiter une réforme fiscale. La question est de savoir pourquoi l’on ne fait pas de réforme fiscale ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC. – Mme Laurence Cohen applaudit.)
Pourquoi, alors que des tables rondes ont rassemblé l’ensemble des groupes politiques, des syndicats et tous les services de Bercy, ne fait-on rien aujourd'hui ? Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, vous nous avez dit qu’il y avait eu une simulation – je n’ai pas dit « une dissimulation »… Très bien, mais faites-nous-en profiter ! Cette simulation est certainement disponible à Bercy, et peut-être pouvons-nous la consulter, car, justement, nous n’avons pas eu le retour complet du travail que nous avons réalisé ensemble.
Mme Nicole Bricq. Il y a eu tout de même le rapport Lefebvre !
M. Jean Desessard. Il n’en parle pas, il reste très vague ! Il n’y a pas à la fin du rapport Lefebvre de politique centrale ou de réforme fiscale qui soit proposée. De nombreux points sont abordés, mais le rapport conclut que ce n’est pas peut-être pas le moment de le faire et que l’on verra plus tard. Si cela, c’est une stratégie ! Vous nous dites d’aller jusqu’au bout de notre logique ; en l’occurrence, c’est plutôt petit bout par petit bout qu’avance le rapport Lefebvre.
Vous admettrez, monsieur le secrétaire d’État, que les dix milliards d'euros résultent d’une simulation que vous avez faite et que, en changeant les paramètres et les taux, on peut obtenir plus, en euros constants. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait, nous les écologistes, dans notre simulation ; celle-ci est sans doute moins bonne que celle de Bercy, mais, dans cette dernière, il semblerait qu’il manque deux milliards d’euros quelque part, que l’on doit trouver ailleurs ! En tout cas, cette somme de dix milliards d’euros, on pouvait la retravailler, avec d’autres taux.
Vous nous dites que nous sommes pénibles à revenir ainsi sur des idées que nous avons déjà défendues. Toutefois, c’est le principe de la politique, monsieur le secrétaire d’État ! Nous avons tout de même le droit de défendre avec constance nos idées.
M. Jean Desessard. En particulier, quel est le point fort de la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu ? C’est l’individualisation de l’impôt. Les écologistes se sont prononcés pour. Ce n’est pas le cas de l’UMP, qui l’a dit à plusieurs reprises, mais les socialistes étaient plus partagés sur le sujet. Je n’en dirai pas plus, car je ne veux pas entrer dans ce débat. En tout cas, les écologistes y étaient favorables.
Mme Nicole Bricq. Ce serait une révolution fiscale !
M. Jean Desessard. Tout le monde paie la CSG. Que ce soient les revenus du capital, les revenus du travail, les retraités, les actifs, tout le monde paie cet impôt. Cela signifie que tout le monde est assujetti à l’impôt, que tout le monde accomplit cet acte citoyen de payer l’impôt. Voilà encore un argument supplémentaire.
Ensuite, si les classes aisées sont, de fait, taxées davantage, nous avons dit aussi que nous étions favorables à ce que les allocations familiales soient les mêmes pour tous. Cela signifie que ce que les familles perdent d’un côté par la redistribution liée à la réforme fiscale, elles le retrouvent grâce à l’universalité des allocations familiales. Vous ne pouvez nous faire à la fois le reproche de ne pas taxer les classes aisées et de les taxer !
En vérité, on fait une politique fiscale petit bout par petit bout pour combler le déficit. C’est bien normal, mais on a raté, dans ce quinquennat, l’occasion de mener une véritable réforme fiscale. J’espère qu’on ne la ratera pas jusqu’au bout. Bien sûr, toutes les critiques sont possibles sur un amendement. Toutefois, une politique fiscale doit être un projet, une volonté, et permettre d’affirmer quelques grands principes. C’est ce que nous souhaitions faire en présentant cet amendement, que nous maintenons.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Je serai très bref parce que nous débattons de la réforme fiscale, de la progressivité de la CSG et de la fusion de cette dernière avec l’impôt sur le revenu depuis maintenant de nombreux mois. À un moment donné, il faut conclure.
Je comprends très bien que l’on puisse défendre cette idée, sauf que cette question a été posée de manière claire et nette – notre collègue Desessard y faisait d'ailleurs allusion dans sa précédente intervention – lors des assises de la fiscalité. Le rapport qui en est sorti et qui a été débattu pendant de très nombreux mois avec des parlementaires et des partenaires sociaux n’a pas proposé cette progressivité de la CSG, et encore moins la fusion de la CSG et de l’IR.
Je comprends très bien que l’on puisse défendre encore et toujours cette idée, sous des formes extrêmement différentes, mais, à mon sens, son application poserait de très sérieux problèmes. Un rapport de l’Inspection générale des finances, qui date de deux ou trois ans, montrait d'ailleurs que, sous d’autres modalités que celles qui sont proposées dans ces amendements, une telle réforme se solderait par environ six millions de perdants et un million de gagnants.
M. Jean Desessard. On ne joue pas au loto !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas du tout ça !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est ce que j’ai lu dans le rapport de l’IGF, excusez-moi…
M. Jean Desessard. Mais il ne s’agit pas d’un loto !
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur Desessard, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention.
M. Jean Desessard. Moi aussi !
M. Jean-Pierre Caffet. Je vous en remercie, mais moi, je ne vous interromps pas. C’est toute la différence !
Par ailleurs, les arguments de M. le secrétaire d’État sont recevables. Si cette proposition aboutissait à un déficit supplémentaire, ou à des recettes en moins, de l’ordre de 10 milliards d’euros, nous retomberions toujours sur le même problème, c’est-à-dire que nous financerions de la consommation.
En effet, il s’agirait cette fois d’une relance par la consommation, et non par l’investissement, ce qui est tout à fait différent. Je crois personnellement, et cela n’engage que moi, que cette suggestion serait plus préjudiciable que profitable à l’économie française.
Enfin, si je puis comprendre tous les arguments en faveur de la justice sociale, de la politique économique et du réglage de la politique macro-économique, il en est un que j’admets moins, pour une raison toute simple : le Sénat n’est pas l’arbitre ou la chambre notariale chargée de vérifier la tenue des engagements de tel ou tel.
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Nous souscrivons aux arguments de Mme Lienemann et de Jean Desessard.
L’examen des amendements n’est pas qu’un moment dans un jeu parlementaire convenu. Mes chers collègues, admettez que le Parlement joue son rôle, même si c’est pour ne bouger qu’à la marge un budget qui serait a priori déjà établi par Bercy, la Commission de Bruxelles, les agences de notation, etc. Et c’est maintenant qu’il doit le jouer.
La défense d’un amendement permet de poser le débat, et la discussion qui s’engage ici nous paraît extrêmement intéressante. Nous pourrions être d’accord avec ces amendements. En effet, l’idée d’une progressivité de la contribution nous convient, et nous aurons d’ailleurs l’occasion, lors de la discussion du projet de loi de finances, d’argumenter en ce sens. Nous ferons des propositions concrètes, car c’est un principe que l’on ne doit jamais perdre de vue en matière de fiscalité.
Toutefois, vous le savez, nous avons toujours eu des désaccords de fond concernant la mise en place de cette CSG, car c’est le début d’un processus dont on constate, d’année en année, les dégâts. Nous désapprouvons encore une fois cette démarche.
Annie David et Laurence Cohen ont formulé des propositions de remplacement, car il y en a toujours. À cet égard, nous réfutons le discours que l’on nous assène depuis maintenant trois décennies selon lequel « il n'y a pas d’alternative ». En réalité, il faut s’attaquer à d’autres ressources, que je n’énumérerai pas aujourd’hui, puisque nous les évoquerons au cours du débat.
Par conséquent, nous ne voterons pas ces amendements, mais pour des raisons diamétralement opposées à celles du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 185.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 et annexe A
Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi présentant un tableau, établi au 31 décembre 2013, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents et la couverture des déficits, tels qu’ils sont constatés dans les tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2013 figurant à l’article 1er.
ANNEXE A
Rapport retraçant la situation patrimoniale, au 31 décembre 2013, des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents et la couverture des déficits constatés pour l’exercice 2013
I. – Situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2013
(En milliards d’euros) |
|||||
Actif |
2013 (net) |
2012 (net) |
Passif |
2013 |
2012 |
Immobilisations |
7,7 |
6,8 |
Capitaux propres |
-110,9 |
-107,2 |
Immobilisations non financières |
4,3 |
4,1 |
Dotations |
30,9 |
32,8 |
Régime général |
0,6 |
0,6 |
|||
Prêts, dépôts de garantie |
2,5 |
1,8 |
Autres régimes |
4,2 |
4,0 |
Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) |
0,2 |
0,2 |
|||
Fonds de réserve pour les retraites (FRR) |
26,0 |
28,1 |
|||
Avances / prêts accordés à des organismes de la sphère sociale |
0,9 |
0,9 |
Réserves |
10,3 |
9,1 |
Régime général |
2,6 |
2,5 |
|||
Autres régimes |
5,5 |
5,7 |
|||
FRR |
2,2 |
0,9 |
|||
Report à nouveau |
-152,6 |
-145,8 |
|||
Régime général |
-4,3 |
4,1 |
|||
Autres régimes |
-3,0 |
-1,5 |
|||
CADES |
-145,4 |
-148,3 |
|||
Résultat de l’exercice |
-1,6 |
-5,9 |
|||
|
Régime général |
-12,5 |
-13,3 |
||
|
Autres régimes |
-0,6 |
-1,7 |
||
|
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) |
-2,9 |
-4,1 |
||
|
CADES |
12,4 |
11,9 |
||
|
FRR |
1,9 |
1,3 |
||
|
Écart d’estimation (réévaluation des actifs du FRR en valeur de marché) |
2,1 |
2,4 |
||
|
Provisions pour risques et charges |
20,4 |
19,9 |
||
Actif financier |
55,4 |
57,7 |
Passif financier |
173,4 |
173,9 |
Valeurs mobilières et titres de placement |
48,3 |
46,8 |
Dettes représentées par un titre (obligations, billets de trésorerie, euro-papiers commerciaux) |
159,8 |
162,3 |
Régime général |
0,5 |
0,0 |
|||
Autres régimes |
6,9 |
7,3 |
|||
CADES |
7,1 |
5,6 |
Régime général |
20,5 |
16,9 |
FRR |
33,9 |
33,8 |
CADES |
139,3 |
145,4 |
Encours bancaire |
6,7 |
10,4 |
Dettes à l’égard d’établissements de crédits |
11,2 |
7,4 |
Régime général |
1,5 |
2,6 |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) (prêts Caisse des dépôts et consignations) |
3,0 |
|
Régime général (ordres de paiement en attente) |
4,6 |
4,0 |
|||
Autres régimes |
1,8 |
1,5 |
Autres régimes |
2,6 |
2,3 |
FSV |
1,0 |
0,8 |
CADES |
1,0 |
1,0 |
CADES |
0,2 |
3,0 |
Dépôts reçus |
2,2 |
2,2 |
FRR |
2,2 |
2,4 |
ACOSS |
2,2 |
2,2 |
Créances nettes au titre des instruments financiers |
0,4 |
0,6 |
Autres |
0,2 |
2,1 |
CADES |
0,2 |
0,2 |
Autres régimes |
0,1 |
0,1 |
FRR |
0,2 |
0,3 |
CADES |
0,1 |
2,0 |
Actif circulant |
63,7 |
64,0 |
Passif circulant |
43,8 |
42,0 |
Créances de prestations |
7,6 |
7,4 |
Dettes et charges à payer à l’égard des bénéficiaires |
20,0 |
19,8 |
Créances de cotisations, contributions sociales et d’impôts de sécurité sociale |
9,2 |
9,3 |
Dettes à l’égard des cotisants |
1,2 |
1,3 |
Produits à recevoir de cotisations, contributions sociales et autres impositions |
35,5 |
35,5 |
|||
Créances sur entités publiques |
9,0 |
8,4 |
Dettes à l’égard d’entités publiques |
8,7 |
8,5 |
Produits à recevoir de l’État |
0,5 |
0,6 |
|||
Autres actifs |
1,8 |
2,9 |
Autres passifs |
13,8 |
12,4 |
Total de l’actif |
126,8 |
128,5 |
Total du passif |
126,8 |
128,5 |
Sur le champ des régimes de base, du FSV, de la CADES et du FRR, le passif net (ou « dette ») de la sécurité sociale, mesuré par ses capitaux propres négatifs, qui représentent le cumul des déficits passés restant à financer, s’élevait à 110,9 milliards d’euros au 31 décembre 2013, soit l’équivalent de 5,4 points de produit intérieur brut. Ce passif net, en hausse de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2012, tend à se stabiliser après la forte dégradation consécutive à la crise économique des années 2008-2009, sous le triple effet de la réduction des déficits des régimes de base et du FSV (16,0 milliards d’euros en 2013 contre 19,1 milliards d’euros en 2012), de l’augmentation de la capacité de remboursement de la CADES (12,4 milliards d’euros contre 11,9 milliards d’euros en 2012) et des résultats en hausse du FRR (1,9 milliard d’euros contre 1,3 milliard d’euros en 2012).
Le financement de ce passif est assuré à titre principal par l’endettement financier. Son montant net, qui correspond à la différence entre les dettes financières (essentiellement portées par la CADES et l’ACOSS) et les actifs financiers placés ou détenus en trésorerie (essentiellement par le FRR), s’établit donc à un niveau proche du passif net de la sécurité sociale et en suit les mêmes tendances si on tient compte par ailleurs des effets de la variation du besoin en fonds de roulement lié au financement des opérations courantes des régimes (écart entre les sommes à encaisser sur cotisations et les sommes à décaisser sur prestations, principalement) et des acquisitions d’actifs immobilisés, qui pèsent également sur la trésorerie. L’endettement financier net de la sécurité sociale a donc également évolué à un rythme ralenti par rapport aux années récentes et s’établit à 118,0 milliards d’euros au 31 décembre 2013, après 116,2 milliards d’euros à fin 2012.
Évolution du passif net et de l’endettement financier net de la sécurité sociale depuis 2009
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
|
Passif net au 31/12 (capitaux propres) |
-66,3 |
-87,1 |
-100,6 |
-107,2 |
-110,9 |
Variation N-1/N |
- |
-20,8 |
-13,5 |
-6,6 |
-3,6 |
Endettement financier net |
-76,3 |
-96,0 |
-111,2 |
-116,2 |
-118,0 |
Variation N-1/N |
- |
-19,7 |
-15,2 |
-5,0 |
-1,8 |
L’ensemble de ces éléments sont détaillés à l’annexe 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
II. – Couverture des déficits et affectation des excédents constatés sur l’exercice 2013
Les comptes du régime général ont été déficitaires de 12,5 milliards d’euros en 2013. La branche Maladie a ainsi enregistré un déficit de 6,8 milliards d’euros, la branche Famille un déficit de 3,2 milliards d’euros et la branche Vieillesse un déficit de 3,1 milliards d’euros, la branche Accidents du travail et maladies professionnelles ayant quant à elle dégagé, pour la première fois depuis 2008, un excédent qui s’est élevé à 0,6 milliard d’euros. Par ailleurs, le FSV a enregistré un déficit de 2,9 milliards d’euros.
Dans le cadre fixé par la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 a organisé le transfert à la CADES, dès l’année 2011, des déficits 2011 des branches Maladie et Famille du régime général. Elle a également prévu la reprise progressive, à compter de 2012, des déficits 2011 à 2018 de la branche Vieillesse du régime général et du FSV, dans la double limite de 10 milliards d’euros chaque année et de 62 milliards d’euros au total. Conformément aux dispositions organiques, la CADES a été affectataire de ressources lui permettant de financer ces sommes.
Même si la reprise des déficits de la branche Vieillesse et du FSV reste prioritaire, compte tenu des marges rendues disponibles par les différentes mesures prises en matière de redressement financier de ceux-là, la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 a intégré les déficits 2012 à 2018 des branches Maladie et Famille dans le champ de la reprise prévue par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 précitée, sans modification des plafonds initiaux de reprise ni de l’échéance d’amortissement des déficits, qui demeure estimée par la CADES à 2024. Dans ce cadre, les déficits 2012 de la branche Maladie (5,9 milliards d’euros) ont été repris en 2014 à hauteur de 4 milliards d’euros.
Par ailleurs, les excédents de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles au titre de 2013 ont été affectés à la réduction des déficits cumulés passés, dont le montant est ainsi réduit de 2,4 à 1,7 milliard d’euros.
La plupart des régimes de base autres que le régime général présentent par construction des résultats annuels équilibrés ou très proches de l’équilibre. Il en est ainsi des régimes intégrés financièrement au régime général (régimes agricoles à l’exception de la branche retraite du régime des exploitants, régimes maladie des militaires et des marins), des régimes de retraite équilibrés par des subventions de l’État (SNCF, RATP, régimes des mines et des marins), des régimes d’employeurs (fonction publique de l’État), équilibrés par ces derniers, et enfin du régime social des indépendants dont les déficits sont couverts par une affectation, à due proportion, du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés.
Cependant, plusieurs régimes ne bénéficiant pas de tels mécanismes d’équilibrage ont enregistré en 2013 des résultats déficitaires. S’agissant de la branche retraite du régime des exploitants agricoles, dont les déficits 2009 et 2010 avaient été repris par la CADES, le déficit s’est élevé à 0,6 milliard d’euros (contre 1,0 milliard d’euros en 2012), portant le montant des déficits cumulés depuis 2011 à 2,6 milliards d’euros. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit que ce déficit pourra, à l’avenir, être financé par des avances rémunérées de trésorerie par l’ACOSS qui viendront compléter les financements bancaires auxquels a recours jusqu’ici la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) pour couvrir ces déficits cumulés.
Concernant la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le déficit comptable s’est dégradé légèrement en 2013, à 0,1 milliard d’euros, alors qu’elle était proche de l’équilibre en 2012. Compte tenu de la non-reconduction en 2013 des recettes du prélèvement exceptionnel de 0,7 milliard d’euros effectué sur les réserves de plusieurs fonds finançant des prestations au bénéfice des agents des collectivités locales, prévu par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, cette évolution traduit en fait une amélioration de près de 0,6 milliard d’euros de l’équilibre du régime à la suite d’une hausse des taux de cotisations intervenue en 2013, qui sera reconduite en 2014.
Le déficit du régime des mines s’est élevé à 0,2 milliard d’euros en 2013, portant son montant cumulé à 0,9 milliard d’euros en fin d’année. Dans le contexte d’une limitation des concours financiers de la Caisse des dépôts et consignations, partenaire financier historique de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 précitée a étendu jusqu’en 2017 les dispositions de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoyant la faculté d’un recours à des avances de trésorerie de l’ACOSS à hauteur de 250 millions d’euros, en complément des financements procurés par la Caisse.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l'article 2 et de l’annexe A.
(L'article 2 et l’annexe A sont adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sur la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission a émis un avis favorable. Il s’agit non pas d’approuver, à proprement parler, la politique suivie, mais d’entériner les comptes, puisque c’est un exercice clos. Et nous donnons évidemment quitus aux gestionnaires.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
(La première partie du projet de loi est adoptée.)
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2014
Article 3
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le chapitre VIII du titre III du livre Ier est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Contribution au titre de médicaments destinés au traitement de l’hépatite C
« Art. L. 138-19-1. – Lorsque le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, au cours de l’année civile, au titre des médicaments destinés au traitement de l’infection chronique par le virus de l’hépatite C, minoré des remises mentionnées aux articles L. 162-16-5-1 et L. 162-18, est supérieur à un montant W déterminé par la loi et s’est accru de plus de 10 % par rapport au même chiffre d’affaires réalisé l’année précédente, minoré des remises mentionnées aux articles L. 138-19-4, L. 162-16-5-1 et L. 162-18 et de la contribution prévue au présent article, les entreprises titulaires des droits d’exploitation de ces médicaments sont assujetties à une contribution.
« La liste des médicaments mentionnés au premier alinéa du présent article est établie et publiée par la Haute Autorité de santé. Le cas échéant, cette liste est actualisée après chaque autorisation de mise sur le marché ou autorisation temporaire d’utilisation de médicaments qui en relèvent.
« Art. L. 138-19-2. – L’assiette de la contribution est égale au chiffre d’affaires de l’année civile mentionné au premier alinéa de l’article L. 138-19-1, minoré des remises mentionnées aux articles L. 162-16-5-1 et L. 162-18 et après déduction de la part du chiffre d’affaires afférente à chaque médicament figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 138-19-1 dont le chiffre d’affaires hors taxes correspondant est inférieur à 10 % de W.
« Pour les médicaments bénéficiant d’une autorisation prévue à l’article L. 5121-12 du code de la santé publique ou pris en charge en application de l’article L. 162-16-5-2 du présent code et dont le prix ou le tarif de remboursement n’a pas encore été fixé en application des articles L. 162-16-4, L. 162-16-5 ou L. 162-16-6, un montant prévisionnel de la remise due en application de l’article L. 162-16-5-1 est calculé pour la détermination de l’assiette de la contribution. Ce montant prévisionnel est égal au nombre d’unités déclarées sur l’année considérée par l’entreprise concernée au Comité économique des produits de santé en application du deuxième alinéa de l’article L. 162-16-5-1, multiplié par un montant correspondant à 30 % de l’indemnité maximale déclarée en application du premier alinéa du même article.
« Art. L. 138-19-3. – Le montant total de la contribution est calculé comme suit :
« |
Montant de chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables (S) |
Taux de la contribution, exprimé en % de la part de chiffre d’affaires concernée |
S supérieur à W et inférieur ou égal à W + 10 % |
50 % |
|
S supérieur à W + 10 % et inférieur ou égal à W + 20 % |
60 % |
|
S supérieur à W + 20 % |
70 % |
« La contribution due par chaque entreprise redevable est déterminée au prorata de son chiffre d’affaires calculé selon les modalités définies à l’article L. 138-19-2. Elle est minorée, le cas échéant, des remises versées au titre de l’article L. 138-19-4.
« Le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable ne peut excéder 15 % de son chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, au cours de l’année civile considérée, au titre des médicaments mentionnés à l’article L. 5111-1 du code de la santé publique.
« Le montant cumulé des contributions mentionnées aux articles L. 138-10 et L. 138-19-1 du présent code dues par chaque entreprise redevable ne peut excéder 15 % de son chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, au cours de l’année civile considérée, au titre des médicaments mentionnés à l’article L. 5111-1 du code de la santé publique. L’excédent éventuel s’impute sur la contribution mentionnée à l’article L. 138-10.
« Art. L. 138-19-4. – Les entreprises redevables de la contribution qui, en application des articles L. 162-16-4 à L. 162-16-5 et L. 162-16-6, ont conclu avec le Comité économique des produits de santé, pour l’ensemble des médicaments de la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 138-19-1 qu’elles exploitent, une convention en cours de validité au 31 décembre de l’année civile au titre de laquelle la contribution est due et conforme aux modalités définies par un accord conclu, le cas échéant, en application du premier alinéa de l’article L. 162-17-4 peuvent signer avec le comité, avant le 31 janvier de l’année suivant l’année civile au titre de laquelle la contribution est due, un accord prévoyant le versement sous forme de remise, à un des organismes mentionnés à l’article L. 213-1 désigné par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, de tout ou partie du montant dû au titre de la contribution. Les entreprises exploitant les médicaments de la liste précitée bénéficiant d’une autorisation prévue à l’article L. 5121-12 du code de la santé publique ou pris en charge en application de l’article L. 162-16-5-2 du présent code, dont le syndicat représentatif est signataire de l’accord mentionné au premier alinéa de l’article L. 162-17-4, peuvent également signer avec le comité un accord prévoyant le versement de remises.
« Une entreprise signataire d’un accord mentionné au premier alinéa du présent article est exonérée de la contribution si les remises qu’elle verse sont supérieures ou égales à 90 % du montant dont elle est redevable au titre de la contribution.
« Art. L. 138-19-5. – Lorsqu’une entreprise assurant l’exploitation d’une ou de plusieurs spécialités pharmaceutiques appartient à un groupe, la notion d’entreprise mentionnée à l’article L. 138-19-1 s’entend de ce groupe.
« Le groupe mentionné au premier alinéa du présent article est constitué, d’une part, par une entreprise ayant, en application de l’article L. 233-16 du code de commerce, publié des comptes consolidés au titre du dernier exercice clos avant l’année au cours de laquelle la contribution est due et, d’autre part, par les sociétés qu’elle contrôle ou sur lesquelles elle exerce une influence notable au sens du même article.
« La société qui acquitte la contribution adresse à un des organismes mentionnés à l’article L. 213-1 du présent code désigné par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, d’une part, une déclaration consolidée pour l’ensemble du groupe et, d’autre part, pour chacune des sociétés du groupe, une déclaration contenant les éléments non consolidés afférents.
« En cas de scission ou de fusion d’une entreprise ou d’un groupe, le champ des éléments pris en compte pour le calcul de la contribution est défini à périmètre constant.
« Art. L. 138-19-6. – La contribution due par chaque entreprise redevable fait l’objet d’un versement au plus tard le 1er avril suivant l’année civile au titre de laquelle la contribution est due.
« Le montant total de la contribution et sa répartition entre les entreprises redevables fait l’objet d’une régularisation l’année suivant celle au cours de laquelle le prix ou le tarif des médicaments concernés par les remises dues en application de l’article L. 162-16-5-1 a été fixé. Cette régularisation est déduite des montants dus au titre des remises mentionnées à l’article L. 162-18.
« Les entreprises redevables de la contribution sont tenues de remettre à un des organismes mentionnés à l’article L. 213-1 désigné par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale la déclaration, conforme à un modèle fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, permettant de déterminer le chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année au titre de laquelle la contribution est due, avant le 31 janvier de l’année suivante.
« Art. L. 138-19-7. – Le produit de la contribution et des remises mentionnées à l’article L. 138-19-4 est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 138-20, après la référence : « L. 138-10 », est insérée la référence : « L. 138-19-1, ».
II. – Pour l’année 2014, le montant W mentionné aux articles L. 138-19-1 à L. 138-19-3 du code de la sécurité sociale est fixé à 450 millions d’euros.
III. – Le présent article s’applique pour les années 2014, 2015 et 2016. Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 octobre 2016, un rapport d’évaluation du présent article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Le présent article tend à introduire une contribution au titre des médicaments destinés au traitement de l’hépatite C. Cette contribution est modulée en fonction du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises redevables, à savoir celles qui commercialisent les traitements contre l’hépatite C.
Si cette contribution a été mise en place, c’est d’abord en réaction aux prix exorbitants des traitements proposés par les laboratoires. Ainsi, le laboratoire américain Gilead propose un traitement, le Solvadi, certes très efficace – 90 % de guérisons en traitement combiné, contre 50 % avec les traitements précédents –, mais dont un comprimé coûte 650 euros, soit 56 000 euros la cure de trois mois, sachant que six mois sont souvent nécessaires, et que la prise de Solvadi est associée à la prise d’autres médicaments.
D’après Médecins du Monde, si l’on couvrait tous les besoins avec du Solvadi, cela coûterait quelque 7 milliards d’euros à l’assurance maladie, soit le budget de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, ou un quart des dépenses de médicaments en France.
Concernant ce médicament, le prix proposé sur le marché français est en cours de négociation avec le Comité économique des produits de santé, le CEPS ; il avoisinerait désormais les 30 000 euros à 35 000 euros la cure, contre 34 000 euros tels qu’ils ont été négociés en Grande-Bretagne, sachant que la France est un grand marché pour le laboratoire américain, puisque l’hépatite C touche environ 200 000 personnes en France et que 150 000 personnes seraient des malades non dépistés. Près de 60 000 patients, plus avancés dans la maladie, sont en attente de ce traitement, contre 5 000 personnes concernées en Grande-Bretagne, où l’approche de l’accès aux soins pour tous reste différente de la nôtre.
Le prix demandé par le laboratoire américain est d’autant plus inacceptable que le coût de fabrication est estimé à une centaine d’euros pour la cure de trois mois. Surtout, le laboratoire n’a pas effectué la recherche et développement ayant mené à la découverte du traitement : il a simplement racheté pour 11 milliards de dollars la start-up Pharmasset qui avait effectué les recherches.
Dorénavant, le géant américain souhaite ni plus ni moins que soit rentabilisé son investissement, et ce sur le dos du contribuable français, qui a par ailleurs déjà payé une première fois, au travers des financements alloués par la France à la recherche académique en virologie. D’ailleurs, les prix pratiqués pendant la phase d’autorisation temporaire d’utilisation des médicaments sont tels qu’ils permettent en soi aux laboratoires un retour positif sur investissement.
Ainsi, la contribution prévue par cet article n’est qu’un juste retour des choses : il s’agit de rendre au contribuable, déjà fortement touché par la crise économique, l’argent qui lui est dû et qui est anormalement ponctionné par des laboratoires peu scrupuleux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, sur l'article.
Mme Aline Archimbaud. Sur votre initiative, madame la ministre, l’article 3 tend à introduire une contribution à la charge des entreprises titulaires des droits d’exploitation des médicaments traitant l’hépatite C, contribution due lorsque la part du chiffre d’affaires de l’entreprise provenant de la vente de ce médicament dépasse certains seuils.
Je vous remercie de cette initiative intéressante et nécessaire. Je me suis en effet, ces dernières semaines, associée à l’inquiétude de nombreuses associations au sujet de l’accès équitable à ce traitement et à la crainte que cette situation n’entraîne une perte d’espérance de vie, la survenue de complications et d’incapacités liées à la maladie ou encore le recours à des traitements moins coûteux, mais aussi moins efficaces.
Cependant, comme j’avais eu l’occasion de le rappeler à Mme Rossignol lors de ma question orale à ce sujet le 21 octobre dernier, une solution est ici proposée pour le problème précis de l’accès au nouveau traitement onéreux de l’hépatite C, mais la question de l’effet du prix des médicaments sur l’accès aux soins reste entière.
Nous risquons en effet d’être de plus en plus souvent confrontés à ce genre de situation, pour d’autres pathologies et des traitements de pointe très coûteux, notamment en ce qui concerne les anti-cancéreux dont le prix a quasiment doublé en une décennie, passant en moyenne de 3 700 euros à 7 400 euros par mois. Les mesures proposées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne nous disent pas quel système pérenne à long terme nous allons mettre en place pour éviter que les cas de ce genre ne se multiplient.
Par ailleurs, il me semble que la question de savoir si tous les malades de l’hépatite C, et pas seulement les plus affectés, auront accès à ce traitement, reste posée. Or cette condition doit être examinée de près.
En outre, il nous paraît souhaitable que les personnes malades et, plus globalement, les usagers du système de santé puissent être associés aux discussions et aux négociations, notamment au sein de la Haute Autorité de santé, à la commission de la transparence et au collège qui dirige cette instance, ainsi qu’au sein du Comité économique des produits de santé. C’est une revendication forte et légitime que je porterai en d’autres occasions, par exemple lors de l’examen de la future loi de santé publique.
Je voudrais également attirer votre attention sur un point important : la mécanique de fixation des prix demeurant opaque, les autres pathologies dont le coût des traitements met également en péril notre système de santé solidaire sont mises à l’écart.
Si l’on souhaite réellement juguler cette inflation des prix des médicaments nouveaux, il est en effet indispensable de se pencher sur les raisons qui nous ont amenés à cette situation de crise. Les prix actuellement proposés par l’industrie pharmaceutique pour ces traitements nouveaux sont sans relation avec les investissements qu’elle réalise dans la recherche. Pourtant, la situation de monopole dont cette industrie jouit dès lors qu’elle détient des brevets sur ces produits lui permet d’imposer des prix absolument déraisonnables.
Au nom de la santé publique et des principes d’équilibre sur lesquels a été bâti le système des brevets, il convient donc selon nous, premièrement, de s’assurer que les brevets accordés sont légitimes, c’est-à-dire qu’ils correspondent réellement à des inventions.
Il convient aussi, deuxièmement, de savoir utiliser les outils juridiques destinés à éviter les abus et protéger l’intérêt public, notamment lever la protection par les brevets lorsque cela s’impose.
Troisièmement, il faut imposer la transparence sur le financement de la recherche, notamment la part clef jouée par les financements publics dans la recherche fondamentale, sans laquelle aucun produit ne pourrait jamais être développé, mais aussi sur les coûts réels investis par l’industrie.
Enfin, et quatrièmement, il est important d’avoir conscience qu’il existe différentes façons de financer la recherche et que l’octroi de monopole n’en est qu’une. La recherche de nouveaux traitements ou vaccins doit s’appuyer sur la totalité des mécanismes disponibles, notamment sur les prix à l’innovation, particulièrement dans les cas d’enjeux majeurs de santé publique.
En définitive, madame la ministre, l’occasion historique d’enclencher une réforme structurelle des modalités de fixation des prix permettant de garantir l’accès aux soins pour tous doit être saisie. Soyez assurée que vous aurez l’entier soutien du groupe écologiste du Sénat si vous décidez de l’engager.
Mme la présidente. La parole est à Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. L’article 3 vise à mettre en place un mécanisme de contribution progressive des entreprises exploitant les médicaments contre le virus de l’hépatite C lorsque leur chiffre d’affaires global excède un certain seuil.
Au-delà de ces termes qui figurent dans le rapport, je veux tout d’abord saluer une innovation thérapeutique majeure. Je suis d’accord avec vous, madame la ministre, il s’agit d’une excellente nouvelle pour l’ensemble des Français, en premier lieu pour les malades atteints de l’hépatite C.
Toutefois, cette innovation pose évidemment un problème en raison des coûts engendrés. Des chiffres ont déjà été cités : 91 000 euros pour un traitement de trois mois ; 600 millions d’euros engagés par l’assurance maladie au mois de septembre dernier ; 1 milliard d’euros envisagé sur l’ensemble de l’année 2014 ; enfin, un nombre important de patients soignés.
Le prix dépasse de très loin les limites du raisonnable et de l’acceptable, surtout lorsque l’on sait que sa fixation n’est plus fonction des coûts de production et des investissements en matière de recherche. Il est même vécu – je reprends ici des termes prononcés à l’Assemblée nationale – comme une forme d’indécence, une violence symbolique envers les malades qui peut choquer, avec un double risque, soit de fragiliser les finances de l’assurance maladie, soit de limiter l’accès à ce traitement.
Dans ce cadre, le mécanisme proposé par le Gouvernement est bien sûr nécessaire et pertinent. Il devrait montrer son efficacité, par son fort effet incitatif en vue de la conclusion d’accords entre les laboratoires concernés et le CEPS. D’aucuns ont prétendu que ce mécanisme remettrait en cause le dispositif conventionnel. Ce n’est absolument pas le cas, et les négociations se poursuivent avec le laboratoire en question.
D’autres redoutent que l’on n’aboutisse à une taxation à 100 %, ce qui aggraverait le risque de délocalisation. À cet égard, faut-il rappeler que le taux de prélèvement est plafonné à 15 % du chiffre d’affaires ? En outre, il n’existe pas de risque de rupture s’agissant d’une production chimique industrielle.
Le mécanisme élaboré doit s’appliquer aux années 2014 à 2016. Un rapport doit être remis d’ici à deux ans. Nous aurons donc à revoir cette question essentielle et à la travailler. Dans l’attente, une réponse immédiate est nécessaire. C’est celle que le Gouvernement propose à travers le présent texte. Elle atteint bien le but visé : faire bénéficier tous les malades d’une innovation thérapeutique sans fragiliser pour autant le financement de notre système de santé, qui – il faut le rappeler une fois de plus – repose sur la solidarité nationale.
Madame la ministre, le présent texte fait état à plusieurs reprises d’un mécanisme de transformation de la contribution en remise. Je vous le demande à l’instar de M. le rapporteur général : pouvez-vous nous apporter quelques éclaircissements à ce sujet ? Vos explications seraient évidemment les bienvenues.
Mme la présidente. L'amendement n° 202, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Le présent article crée, pour les années 2014 à 2016, une contribution à la charge des entreprises exploitant des médicaments destinés au traitement de l’hépatite C. Plus précisément, il instaure un prélèvement spécifique sur les produits traitant l’infection virale chronique mortelle provoquée par ce virus. Cette taxation est applicable sans délai.
Cet article pose le principe d’une taxation lourde de l’innovation et du progrès thérapeutique. Or, pour déterminer le prix de la prise en charge, l’État dispose déjà d’outils de régulation conventionnelle. Cette politique est pilotée par le Comité économique des produits de santé, organe interministériel qui regroupe notamment les caisses d’assurance maladie.
Nous craignons que l’instauration de la contribution envisagée via le présent article n’ait pour effet de perturber ces mécanismes conventionnels et, ainsi, d’entraver la diffusion de thérapies innovantes.
Par ailleurs, cet article 3 ne résout en rien le problème structurel que pose l’incapacité de notre système de santé à anticiper l’impact économique des nouveaux progrès thérapeutiques. En revanche, il adresse un message particulièrement délétère aux industries de santé, quant à l’accueil de l’innovation par notre pays et à la prévisibilité de l’environnement politique français.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tous les orateurs qui viennent de s’exprimer l’ont souligné avec raison : il ne faut pas brimer l’innovation en France. Cette mise en garde vaut particulièrement pour le nouveau médicament contre l’hépatite C.
Toutefois la suppression de cet article serait contraire aux vœux de la commission, au nom de laquelle je m’exprime.
Mes chers collègues, alors que le Comité économique des produits de santé s’apprête à renégocier le prix des médicaments, cet article renforce la position de l’assurance maladie.
M. Jean-Pierre Caffet. Évidemment !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le prix du traitement en question a fait l’objet d’une simple autorisation temporaire.
À lui seul, ce médicament contre le virus de l’hépatite C, ou VHC, met en péril le respect de l’ONDAM. C’est une information authentique et connue de tous. Cela étant, la France se distingue de ses voisins par le choix d’un très large accès à ce traitement. Ce faisant, elle garantit des volumes de vente substantiels à l’industrie pharmaceutique. Loin de brimer les laboratoires, l’État, par l’accès qu’il offre à leurs productions, répond donc au souci de développement de l’innovation.
Le prix des médicaments doit procéder d’une recherche d’équilibre économique. Les gains potentiels à venir pour l’assurance maladie n’ont pas vocation à être absorbés tout entiers par les industriels du secteur. Je rappelle que l’assurance maladie, ce sont nos cotisations, celles des entreprises et d'ailleurs aussi celles des laboratoires pharmaceutiques eux-mêmes !
Ce que l’on peut regretter – nous aurons l’occasion de revenir sur ce point, notamment lors de l’examen de l’article 10 –, c’est que le mode de fixation des prix soit un peu flou, pour ne pas dire très opaque. À mon sens, il serait bon que le Sénat puisse approfondir cette question.
Cela étant, pour l’heure, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. La discussion de cet amendement me permet de rappeler la portée générale de cet article, qui est extrêmement important, et de répondre à certaines interrogations, en particulier à celles de Mme Archimbaud.
Quel est l’enjeu ? Nous sommes face à un nouveau médicament. M. Daudigny l’a souligné à juste titre, nous devons commencer par nous en réjouir. Il s’agit d’une nouvelle formidable ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.) Grâce à ce traitement, nous allons soigner des patients auxquels nous ne pouvions proposer jusqu’à présent des traitements aussi satisfaisants. Il s’agit là d’une avancée, d’une innovation thérapeutique incontestable et incontestée. Hélas, son coût est extrêmement élevé.
Madame Archimbaud, vous l’affirmez avec raison, le cas de ce médicament soulève des enjeux bien plus larges : le prix de l’innovation et la capacité des systèmes de sécurité sociale des pays développés – je n’évoquerai pas ici les autres États – à assumer dans la durée la rémunération que certains laboratoires exigent des innovations.
Comme le Gouvernement tout entier, je suis extrêmement attentive à l’enjeu soulevé par ce médicament contre l’hépatite C, le Sovaldi. En effet, cette innovation est appelée à en susciter bien d’autres, qui apparaîtront très vite. Ces nouveaux médicaments auront pour base la molécule à partir de laquelle elle a été élaborée !
Il nous faut donc bel et bien réfléchir collectivement à la manière dont nous allons, demain, répondre au défi de l’innovation. Nous devons partir du principe simple et clair que le Gouvernement fixe aujourd’hui : tous les patients ayant besoin d’accéder à une innovation thérapeutique doivent pouvoir en bénéficier. Toutefois, dès lors que l’on fixe cette règle, que l’on applique cette exigence extrêmement forte, on doit naturellement se donner les moyens de mener une politique soutenable sur le plan financier.
À cet égard, je l’ai dit à plusieurs reprises : la négociation entre le Comité économique des produits de santé et les laboratoires doit reprendre l’année prochaine pour fixer les prix des médicaments. Dans le cadre de la prochaine convention triennale, je souhaite qu’une réflexion soit consacrée au prix juste des médicaments innovants.
En attendant que ces pourparlers s’achèvent et que, comme je le souhaite, nous parvenions à définir des principes cohérents et durables régissant la rémunération de l’innovation, nous devons faire face, pour les années 2014 et 2015, à une envolée des prix. Tel est le sens du mécanisme mis en œuvre par le présent article. Ce dispositif instauré par défaut a vocation à rester temporaire et doit encadrer la rémunération de ce nouveau médicament.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement complique l’accès aux soins de ces patients en vue de restreindre l’usage de ces médicaments. Je rappelle que la France a consacré, en 2013, quelque 150 millions d’euros à la prise en charge des traitements contre l’hépatite C. En vertu de cet article 3, lesdits crédits sont fixés à 450 millions d’euros pour 2014 et portés à 700 millions d’euros pour 2015. Au-delà de ces montants, nous ne cesserons pas bien sûr de financer les soins. Simplement, des mécanismes de rétrocession ou de reversement devront être mis en œuvre par les laboratoires.
Nous renégocions actuellement le prix de ce traitement avec le laboratoire concerné. Je ne peux vous indiquer aujourd’hui le montant qui sera arrêté. Les nombreuses informations qui circulent à ce sujet sont dénuées de tout fondement, dans la mesure où les discussions ne sont pas closes.
Monsieur Daudigny, vous avez évoqué les mécanismes de compensation, correspondant en quelque sorte à une « ristourne ». (M. Yves Daudigny opine.) Ils sont précisément inclus dans cette négociation ! Je ne peux donc pas vous indiquer pour l’heure les montants financiers définis, par boîte de médicaments ou par type de traitement. J’ai lu beaucoup de choses à ce sujet. Aussi, je tiens à opérer cette mise au point : la négociation n’est pas terminée, et le Gouvernement ira le plus loin possible.
Je le répète, le présent article instaure un mécanisme simple. Au-delà d’un certain montant, fixé à 450 millions d’euros pour 2014 et à 700 millions d’euros pour 2015, le laboratoire devra reverser une partie des recettes qu’il aura perçues au budget de l’assurance maladie. Il ne s’agit en aucun cas de contingenter le nombre de patients pouvant accéder au traitement.
Mme Nicole Bricq. Exact !
Mme Marisol Touraine, ministre. Pour ce traitement, la France est l’un des États où l’autorisation temporaire d’utilisation, ou ATU, est la plus large. En d’autres termes, notre pays est l’un de ceux où l’on soigne le plus grand nombre de patients – le total s’évalue en milliers, alors que, ailleurs, il se limite parfois à quelques centaines de malades.
M. Gilbert Barbier. Mais il a bien plus de personnes contaminées en France !
Mme Marisol Touraine, ministre. Certes, monsieur Barbier, mais gardons à l’esprit que l’Italie, par exemple, compte davantage de patients atteints de cette affection que la France !
Par ailleurs, je le répète, les termes mêmes de l’ATU sont plus larges dans notre pays que chez plusieurs de ses voisins. En élargissant le champ des recommandations, nous avons d’emblée décidé de soigner un grand nombre de patients.
Non seulement cet amendement tend à affecter l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, mais son adoption irait à l’encontre de discussions qui devraient aboutir à une meilleure régulation du prix de l’innovation. Ne préjugeons pas des négociations que nous devrons mener avec l’industrie pharmaceutique dans son ensemble, au-delà du seul laboratoire Gilead.
Plus largement, nous devons débattre de la manière dont il convient de rémunérer l’innovation, et, à ce titre, je souscris pleinement aux propos de Mme Archimbaud et de M. Daudigny.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michelle Meunier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. L’examen de ce dispositif s’inscrit dans un contexte et une perspective assez difficiles, ceux des années 2014 et 2015.
Faut-il supprimer purement et simplement cet article ou bien examiner les autres amendements proposés ? Je l’ignore. Toujours est-il qu’un certain nombre de questions se posent.
M. Daudigny a affirmé que ce traitement bénéficierait à tous les malades. Or son prix actuel s’élève à 80 000 euros, et 600 millions d’euros ont d’ores et déjà été consacrés cette année à la lutte contre l’hépatite C. Même avec 800 millions d’euros de crédits, seuls 10 000 patients atteints de ce virus pourraient être pris en charge.
Mes chers collègues, on estime actuellement à 300 000 le nombre de porteurs de l’hépatite C en France. Pour la moitié d’entre eux, le virus est asymptomatique – je ne prétends pas qu’il faille traiter ces cas : les intéressés ne savent peut-être même pas qu’ils sont contaminés !
Restent tout de même un grand nombre de patients chez qui l’hépatite a atteint un stade avancé. Comment va-t-on choisir les 10 000 personnes à soigner en priorité ? La Haute Autorité de santé a-t-elle adressé une recommandation aux praticiens hospitaliers pour distinguer, par exemple, ceux dont la cirrhose est très prononcée et qui, partant, seraient prioritaires, et ceux dont l’état, moins préoccupant, inciterait à différer la prise en charge ? J’ai bien peur que nous n’aboutissions à une discrimination.
Le problème, c’est l’absence de coordination entre les services. Si vous interrogez les hépatologues de différents établissements, ils vous diront qu’ils traitent leurs patients en suivant les instructions de la Haute Autorité de santé, mais qu’ils ignorent tout de la dépense globalement engagée. Selon moi, une coordination serait nécessaire, qui permettrait de savoir quels malades on traite et quels malades on ne traite pas.
Ne prétendez pas que tous les malades sont traités, car cela ne concerne qu’une très petite minorité : 10 000 cette année, sur quelque 100 000 malades qui mériteraient de recevoir le traitement. Il est bien évident que celui qui est porteur de ce virus souhaite être pris en charge le plus rapidement possible. Quoi de plus naturel ?
Par ailleurs, madame la ministre, le médicament principal, le Sovaldi, qui est distribué aujourd’hui par un seul laboratoire, coûte plus de 50 000 euros. Mais l’administration de cette molécule suppose celle de deux, voire trois médicaments complémentaires, dont le coût global est de 30 000 euros. Comment allez-vous réguler tout cela, sachant que différents laboratoires sont impliqués ?
Et puis, pourquoi maintenir ces médicaments en RTU, en recommandation temporaire d’utilisation, plutôt que de les faire passer par une AMM, une autorisation de mise sur le marché ? Est-ce pour que la prescription, qui se fait en milieu hospitalier, soit reportée sur les dépenses de médecine de ville ? Nous reviendrons sur ce point lorsque nous aborderons la question des médicaments facturables en sus des prestations d’hospitalisation, cet artifice utilisé pour augmenter la possibilité de prescription hospitalière par rapport à la médecine de ville.
J’ajoute que d’autres produits sont sur la sellette. Une molécule un peu différente, mais comparable, dont il a été prouvé qu’elle était à peu près aussi efficace sans nécessiter de recourir à des médications adjuvantes, attend toujours son AMM. Pourquoi tarder ? Pourquoi bloquer l’avancement de ce dossier, qui me semble bouclé, dans lequel tous les essais cliniques ont été menés à bien ? Pourquoi ne pas susciter un peu de concurrence en mettant ce médicament sur le marché ? Aujourd’hui, un laboratoire est en situation de monopole : mettons-le en concurrence ! Peut-être le CEPS pourra-t-il alors discuter en position plus favorable.
Enfin, madame la ministre, vous étiez encouragée à faire porter cette solution transitoire sur 2014 et 2015. Or il apparaît à travers les textes qu’elle s’appliquera également en 2016. Il me semble très important que nous puissions, dans l’année qui vient, être fixés sur ce médicament, sans devoir reporter encore l’échéance à une date ultérieure, après un rapport rendu à la fin 2015. À défaut, nous devrions donc voter 700 ou 800 millions d’euros pour financer le taux W, sachant qu’ensuite, il restera le X, le Y et le Z ! Car on peut toujours trouver une formule ! (Sourires.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Il n’y a pas de taux Z ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Kern, l'amendement n° 202 est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Nous prenons acte des arguments développés, et, suivant le souhait de M. le rapporteur général, nous le retirons, madame la présidente.
M. Yves Daudigny. Sage décision !
Mme la présidente. L'amendement n° 202 est retiré.
L'amendement n° 223, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est rappelé qu’à défaut d’accord amiable sur les prix des médicaments proposés ou leur tarif de remboursement entre les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 138-19-1 et le comité économique des produits de santé, le ministre chargé de la propriété industrielle peut, sur la demande du ministre chargé de la santé publique, soumettre tout brevet par arrêté au régime de la licence d’office au titre de l’article L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Si nous approuvons la contribution des laboratoires au titre des médicaments destinés au traitement de l’hépatite C, nous souhaiterions mettre en avant une mesure portée par de nombreuses associations comme TRT-5, SOS hépatites, Médecins du monde et d’autres : la licence d’office.
En effet, la contribution ne modifie pas le prix facial du traitement. Ainsi, les prescripteurs pourraient exclure certaines populations de l’accès au traitement, se sentant obligés de procéder à des « arbitrages » compte tenu du prix de vente du médicament. D’ores et déjà, la Haute Autorité de santé a proposé de limiter le nombre de bénéficiaires du traitement par Sovaldi en le réservant aux patients ayant atteint un stade très avancé de la maladie.
Or il est évident que plus le nombre de malades bénéficiant d’un traitement efficace sera élevé, plus la contamination sera ralentie, et les transformations en cirrhose ou en cancer, limitées. L’ensemble de la collectivité en sortirait gagnante, tant sur le plan humain que sur le plan financier. Citons à titre d’exemple la population carcérale, qui présente un taux de prévalence de l’hépatite C supérieur à la moyenne nationale : si les détenus ne sont pas soignés, notamment parce que la maladie n’est pas à un stade suffisamment avancé, le virus se propagera au sein d’une population souvent discriminée et le coût global supporté par la collectivité s’en trouvera d’autant plus élevé.
Contre ces dérives, il faut davantage de transparence dans la fixation des prix des médicaments et, surtout, une affirmation du pouvoir de l’État face à des laboratoires dont l’activité est le plus souvent guidée par des logiques de rentabilité financière.
Nous sommes ainsi face à nos responsabilités : soit nous acceptons les prix proposés par les industriels et nous reportons à quinze ou vingt ans l’éradication de la maladie, en en faisant porter les coûts sociaux et financiers de ce report sur les Françaises et les Français, qui en assument déjà beaucoup ; soit nous ne plions pas face aux laboratoires et nous éradiquons la maladie rapidement, en proposant à toutes et à tous un traitement adapté.
La licence d’office, prévue dans le code de la propriété intellectuelle, apparaît comme un procédé intéressant. Elle permet, si la santé publique l’exige, de contourner un brevet pour produire un générique, ce qui aurait en outre l’avantage de créer des emplois en France. Ce procédé a déjà été utilisé en Italie, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Parfois, la seule menace de son utilisation a permis aux États d’obtenir des prix décents de la part des laboratoires. Cette disposition a été employée avec des effets très positifs au Brésil, face au VIH.
Dans un contexte où de nouveaux médicaments très spécifiques pour le traitement des cancers sont en passe d’être découverts, l’utilisation d’un tel procédé constituerait un signal fort adressé aux laboratoires et répondrait à une nécessité pour nos finances publiques. En effet, si les traitements extrêmement coûteux concernaient auparavant un nombre limité de malades, il en va différemment aujourd’hui, dès lors que les médicaments s’adressent aux personnes atteintes d’une hépatite ou d’un cancer.
Enfin, cette licence d’office peut également constituer un point d’appui important pour le Gouvernement qui, parfois, dans ces dossiers, peut se sentir un peu seul…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il ne me semble pas qu’il soit dans la culture de notre pays de ne pas prescrire un médicament en raison de son coût. Avant même la fixation du prix, la Haute Autorité de santé a ouvert très largement le champ du recours au médicament contre l’hépatite C, faisant primer, conformément à sa mission, les considérations de santé sur les aspects budgétaires.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Madame la sénatrice, le dispositif de la licence d’office a été conçu il y a une vingtaine d’années, quand les trithérapies sont apparues pour soigner les malades atteints du VIH. Il n’a jamais été actionné en France. Il l’a été dans quelques pays européens, mais il s’agissait toujours de situations où le nombre de malades concernés était très limité.
L’application de ce dispositif, qui est inscrit dans le code de la propriété intellectuelle, relève non pas du ministère de la santé, ou de la sécurité sociale, mais du ministère de l’industrie.
Selon notre analyse, ce dispositif ne pourrait être éventuellement actionné qu’en cas d’échec des négociations avec le laboratoire, que la loi nous contraint, en tout état de cause, à mener à leur terme. Nous espérons qu’elles aboutiront avant la fin de l’année, même s’il est aujourd’hui trop tôt pour que je me prononce à cet égard.
Toutefois, si ces négociations devaient échouer, la licence d’office ne serait pas la seule option dont disposerait le Gouvernement. En effet, en l’absence d’accord satisfaisant, nous aurions la possibilité de fixer le prix du médicament de manière unilatérale.
À partir du moment où nous sommes engagés dans une négociation que nous espérons voir aboutir dans un délai raisonnable et où, le cas échéant, d’autres options pourraient être envisagées, il ne nous semble ni utile ni indiqué de recourir au mécanisme que vous évoquez.
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, madame la présidente.
Je persiste à considérer, après avoir entendu les explications de Mme la ministre, que cette piste est intéressante. La loi produisant ses effets dans la durée, ouvrir cette possibilité, ce serait offrir au Gouvernement un point d’appui pour obtenir des laboratoires, dans le futur, des prix satisfaisants s’agissant d’autres traitements ou de vaccins.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 28, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 14 et 15
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 138-19-4. - Les entreprises redevables de la contribution qui, en application des articles L. 162-16-4 à L. 162-16-5 et L. 162-16-6, ont conclu avec le Comité économique des produits de santé, pour l’ensemble des médicaments de la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 138-19-1 qu’elles exploitent, une convention en cours de validité au 31 décembre de l’année civile au titre de laquelle la contribution est due et conforme aux modalités définies par un accord conclu, le cas échéant, en application du premier alinéa de l’article L. 162-17-4, peuvent signer avec le comité, avant le 31 janvier de l’année suivant l’année civile au titre de laquelle la contribution est due, un accord prévoyant le versement de remises à un des organismes mentionnés à l’article L. 213-1 désigné par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
« Les entreprises exploitant les médicaments de la liste précitée bénéficiant d’une autorisation prévue à l’article L. 5121-12 du code de la santé publique ou pris en charge en application de l’article L. 162-16-5-2 du présent code, dont le syndicat représentatif est signataire de l’accord mentionné au premier alinéa de l’article L. 162-17-4, peuvent également signer avec le comité un accord prévoyant le versement de remises.
« Les remises mentionnées aux premier et deuxième alinéas sont déduites du montant de la contribution. Une entreprise signataire d’un accord mentionné aux premier et deuxième alinéas du présent article est exonérée de la contribution si les remises qu’elle verse sont supérieures ou égales à 90 % du montant dont elle serait redevable au titre de la contribution. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je prends en quelque sorte le relais de notre collègue Yves Daudigny lorsqu’il vous a interrogée, madame la ministre, sur l’articulation entre les remises et la contribution instituée par l’article 3.
Cet amendement tend à favoriser la déduction des remises de la contribution plutôt que la transformation de la contribution en remises. Vous allez me dire que nous jouons sur les mots, mais il m’apparaît nécessaire que vous éclairiez notre assemblée sur l’articulation entre ces mots, en dépassant la seule sémantique pour montrer comment cela peut fonctionner économiquement.
La rédaction de la commission me semble préférable. Il est plus juste et plus fort, à mon sens, de mettre en avant la contribution plutôt que la transformation de la contribution en remises.
Mme la présidente. L'amendement n° 143, présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer le taux :
90 %
par le taux :
80 %
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. L’alinéa 15 de l’article 3 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale limite la capacité de négociation du CEPS. Nous pensons que le Gouvernement fait ainsi fi de la politique conventionnelle construite depuis vingt ans.
Pourtant, cette politique constitue la clef de voûte de l’attractivité de notre territoire. Elle a permis, certains l’ont rappelé, de localiser en France la production de médicaments, elle a été ainsi pourvoyeuse d’emplois dans beaucoup de régions et elle a fait de l’industrie pharmaceutique l’un des rares contributeurs positifs à la balance commerciale.
Par cet amendement, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de refuser cette mesure remettant en cause la dynamique conventionnelle. C’est pourquoi il prévoit de respecter le strict dialogue conventionnel entre l’industrie pharmaceutique et les pouvoirs publics et d’aligner la prime conventionnelle sur ce qui est en vigueur pour toutes les autres pathologies.
Il vise en fait à mettre en cohérence les mécanismes de régulation spécifique – le taux W – et de régulation mutualisée – le taux L, créé à l’article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 – et d’éviter que le taux de 90 % ne soit un frein au conventionnement. Il prévoit de le fixer à 80 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 143 ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement touche beaucoup plus que le nôtre au fond du dispositif, dans la mesure où il tend à fixer à 80 % du montant de la contribution instituée par l’article le montant des remises permettant une exonération de la contribution.
Comme l’a expliqué M. Gilles, ce seuil est identique à celui qui est fixé à l’article 10, réformant la clause de sauvegarde de l’ONDAM ; nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat.
Le montant de la contribution instituée par l’article 3, dite « W », venant en diminution de celle de l’article 10, taux « L », cet amendement diminue l’effort contributif des entreprises distributrices de médicaments contre l’hépatite C, alors que la progression de leur chiffre d’affaires peut contribuer fortement au déclenchement du taux L, qui porte sur toutes les entreprises pharmaceutiques. Il s’agit donc d’une sorte de mutualisation de la fixation du prix.
Ainsi que je le soulignais tout à l’heure, tout cela serait sans doute plus facile à comprendre si nous pouvions projeter un tableau montrant l’articulation entre les remises et la contribution. Cela permettrait de mieux percevoir les enjeux du choix à opérer entre les deux taux proposés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 28, qui est satisfait par la rédaction du texte.
M. le rapporteur général souhaite avoir la certitude que le montant des remises conventionnelles versées par le laboratoire sera déduit de leur contribution. Or c’est précisément ce qui est prévu à l’alinéa 11 de l’article 3 : « La contribution due par chaque entreprise redevable est déterminée au prorata de son chiffre d’affaires calculé selon les modalités définies à l’article L. 138-19-2. Elle est minorée, le cas échéant, des remises versées au titre de l’article L. 138-19-4. » Il s’agit des remises versées dans le cadre de la régulation financière. L’amendement est donc satisfait.
Tout à l’heure, j’avais mal interprété l’interrogation de M. Daudigny, pensant qu’elle portait sur l’articulation entre le mécanisme de fixation du prix et le montant de la remise accordée par les laboratoires. Comme ce montant dépend d’une négociation actuellement en cours, je ne pouvais pas lui apporter de réponse. En fait, il exprimait, me semble-t-il, des préoccupations similaires à celles de la commission. Je le prie donc de bien vouloir m’excuser d’avoir mal compris son propos.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 143.
En effet, nous discutons d’un mécanisme de régulation. Notre volonté est que, grâce aux négociations engagées, le dispositif n’entre pas en vigueur, du moins pour 2015. Plus l’élément incitatif sera fort, plus les négociations auront des chances d’aboutir favorablement et de déboucher sur une situation stable. À l’évidence, l’adoption de cet amendement aurait un coût pour nos finances en 2014 et en 2015.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 28 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, je le retire, madame la présidente.
J’avais évidemment compris le mécanisme de déduction. Mais la difficulté portait sur la nature même des deux mesures : la contribution est une taxe ; ce n’est pas le cas des remises.
Cela étant, si Mme la ministre est certaine de pouvoir parfaitement maîtriser la négociation sur la base qui nous a été indiquée, il n’y a plus de problème.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 est retiré.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l’amendement n° 143.
M. Yves Daudigny. En vérité, madame la présidente, je souhaite surtout obtenir de Mme la ministre un éclaircissement.
Peut-on considérer que le laboratoire « échange » la contribution qu’il devrait payer une année contre une remise inscrite dans la durée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne suis pas certaine de bien comprendre la question.
On calcule le produit de la taxe à verser, dont on déduit le montant des remises éventuelles. Le laboratoire ne paiera donc pas deux fois.
M. Yves Daudigny. J’ai bien compris ce point, madame la ministre. Mais la remise court-elle sur plusieurs années ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Non. Pour le moment, elle court sur une année, puisque la négociation vaut pour une année.
Au-delà de 2015, tout dépendra de notre capacité à trouver un accord sur la régulation de l’innovation, qui ne concernera pas seulement l’hépatite C.
Dans l’immédiat, la régulation exceptionnelle que nous mettons en place intervient seulement pour 2014 et 2015.
Mme la présidente. L'amendement n° 183, présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary, est ainsi libellé :
Alinéa 26
1° Remplacer les années :
, 2015 et 2016
par l’année :
et 2015
2° Remplacer la date :
15 octobre 2016
par la date :
15 octobre 2015
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne de la discussion qui vient d’avoir lieu entre Mme la ministre et notre collègue Yves Daudigny.
La contribution « W » est un mécanisme ayant vocation à s’appliquer aux laboratoires pharmaceutiques développant des traitements contre l’hépatite C pour répondre à une situation d’urgence, comme l’a indiqué la ministre de la santé lors des débats à l’Assemblée nationale.
L’article 3 fixe les règles a posteriori pour 2014, avec une enveloppe fermée de 450 millions d’euros, en impose de nouvelles pour 2015, avec une enveloppe fixée à 700 millions d’euros, et évoque 2016, sans pour autant définir les règles.
Ce flou juridique risque de freiner le développement de nouveaux médicaments dans les laboratoires pharmaceutiques. Une fois de plus, notre pays sera sanctionné et privé des investissements nécessaires au développement des emplois à cause de l’illisibilité et de l’imprévisibilité des dispositifs prévus dans ce texte.
Le Gouvernement créé donc une nouvelle taxe – une de plus ! –, mais rien ne nous permet d’assurer le caractère exceptionnel de cette taxe.
Lors de la discussion à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a précisé oralement que la contribution ne s’appliquerait que pour 2014 et 2015.
Le présent amendement tend donc à rendre le texte de l’article conforme aux paroles du Gouvernement en enlevant toute mention de l’année 2016.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer la contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises distributrices de médicaments contre l’hépatite C.
Le mécanisme prévu par le présent article est transitoire, ce que Mme la ministre a confirmé, et tend à peser sur la négociation en cours au sein du CEPS.
Toutefois, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends très bien l’interrogation de M. Gilles. Comme je viens de le rappeler, le dispositif que nous mettons en place est exceptionnel et transitoire ; il vaut pour l’année 2014 et pour l’année 2015.
Si le texte fait référence à l’année 2016, c’est avant tout pour des raisons strictement pratiques. L’élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 débutera au milieu de l’année 2015 ; nous ne serons pas encore, alors, en mesure d’évaluer un dispositif entré en application depuis seulement six mois et d’en tirer toutes les conséquences.
En outre, je le dis très clairement, nous avons besoin de faire pression dans la discussion qui va intervenir avec le CEPS dans le cadre de la renégociation de l’accord-cadre pour les années à venir.
Nous avons introduit toute une série de garde-fous pour prévoir que, dans notre esprit comme dans l’architecture d’ensemble du texte, le dispositif est dérogatoire. Mais nous ne pouvons pas prendre le risque de nous retrouver sans mécanisme de régulation à la fin de l’année 2015, avec des laboratoires persuadés qu’il n’y a plus d’encadrement et une flambée des prix à ce moment-là ou au cours de l’année 2016. Il faut sécuriser le dispositif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Pour la clarté de nos débats, j’aimerais obtenir quelques précisions.
L’enveloppe normée de 450 millions d’euros pour l’année 2014 s’appliquera-t-elle seulement au Sovaldi ou à l’ensemble des médicaments ? Et comment sera-t-elle répartie entre les différents laboratoires ?
En effet, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, si le Sovaldi coûte environ 50 000 euros par patient, les deux molécules complémentaires, qui sont aussi nécessaires, coûtent entre 20 000 euros et 30 000 euros. Il est donc important de dire précisément en quoi consistera la régulation, plusieurs laboratoires pouvant fournir ces deux molécules.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, je vous renvoie à l’alinéa 6 de l’article 3 : « La liste des médicaments mentionnés au premier alinéa du présent article est établie et publiée par la Haute Autorité de santé. Le cas échéant, cette liste est actualisée après chaque autorisation de mise sur le marché ou autorisation temporaire d’utilisation de médicaments qui en relèvent. » En clair, le mécanisme vaut pour un ensemble de traitements ou de médicaments dont la liste est établie par la Haute Autorité de santé.
Je précise en outre que le prix du médicament fixé aujourd'hui par le laboratoire n’est pas celui auquel nous souhaitons aboutir ; c’est simplement un prix « avant négociation ». Nous espérons bien que le coût pour la sécurité sociale, les établissements de santé et les patients – même si ce ne sont pas eux qui assurent le financement direct du système – sera réduit à l’issue du processus. Et, comme toujours dans ce type de négociation, le laboratoire reversera les sommes qu’il aura perçues en sus de celles qu’il aurait perçues en pratiquant le prix auquel la négociation aura permis d’aboutir.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Au II de l’article 63 de la loi n° 2013-1203 du 17 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014, le nombre : « 138 » est remplacé par le nombre : « 118 ».
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, lors de la discussion de cet article à l’Assemblée nationale, vous avez justifié la baisse du montant de la dotation à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM, « afin d’éviter que ses réserves ne soient excessives », raison pour laquelle vous réduisez son encours de précaution. Ces réserves sont donc jugées par vous abusives. Mais sur quels critères ?
On sait qu’à ce jour la commission d’experts a bouclé l’examen de 2 296 dossiers, sur un total de 8 500 demandes, selon le dernier bilan fourni par l’ONIAM. Il reste donc un peu plus de 6 200 dossiers à examiner. Comment pouvez-vous anticiper les indemnisations futures et déjà juger ces réserves excessives? Vous savez comme nous que, lorsqu’on assèche une dotation, on diminue d’autant les capacités d’intervention.
Laissez-moi vous rappeler le discours de la rapporteur pour avis de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le PLFSS pour 2012 – donc sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy –, qui avait inauguré ce cycle de ponction du fonds de l’ONIAM en présentant un amendement en ce sens : « L’ONIAM, disposera à la fin de l’année 2011 de 41,8 millions d’euros de réserves sur son fonds de roulement. Dans le contexte des finances publiques que l’on connaît, il n’est pas possible de laisser un établissement public disposer d’un tel fonds de roulement. »
Ce qui est intéressant, c’est la réponse apportée à l’époque par le ministre du travail, Xavier Bertrand – ministre d’un gouvernement de droite –, puisqu’il avait lui-même émis de profonds doutes quant à la possibilité de ponctionner ce fonds : « Les dépenses de l’ONIAM sont des dépenses de guichet. Il ne dispose pas d’un stock qui serait en sommeil. […] Si vous réduisez sa dotation, vous risquez de causer un retard dans le versement des indemnités. L’argent de l’ONIAM, ce n’est pas de l’argent qui dort. La logique de la CNAM consiste peut-être à dire qu’il y a beaucoup d’argent dans ce fonds de roulement, mais la réalité, c’est que si vous réduisez la dotation de l’ONIAM de façon trop importante, vous prenez un risque pour l’indemnisation des victimes, un risque que je n’ai vraiment pas l’intention de courir, je le dis très clairement. Je ne me vois pas aller expliquer aux victimes qu’il y aura du retard […]. Je veux bien qu’on puisse se dire, à chaque fois, que l’on n’a pas besoin d’avoir des fonds de roulement trop importants. Peut-être. Mais il reste qu’ils doivent être suffisants. »
Madame la ministre, pourquoi, en définitive, courez-vous ce risque ?
Pour clore ce recueil de citations fort intéressantes, je vous citerai vous-même, lorsque vous avez, toujours à l’occasion de l’examen du PLFSS pour 2012, demandé le rejet de l’amendement présenté par la droite parlementaire en vue de ponctionner le fonds de roulement de l’ONIAM : « Le groupe SRC ne votera pas cet amendement pour deux raisons. Premièrement, nous considérons que c’est prendre un risque. Le ministre a posé des questions de bon sens. Nous n’avons pas d’éléments nous permettant de penser que les besoins auxquels l’ONIAM devra répondre connaîtraient une diminution telle que nous n’aurions pas besoin du fonds de roulement tel qu’il existe actuellement. Deuxièmement, je suis absolument sidérée par cette recherche d’économies de bouts de chandelle. C’est vraiment la course à l’échalote ! »
Eh bien, madame la ministre, l’argumentation que vous aviez employée à l’époque est tout à fait juste et nous la reprenons aujourd'hui à notre compte. C’est pourquoi nous souhaitons le rejet de cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article additionnel après l'article 4
Mme la présidente. L'amendement n° 290, présenté par Mme Archimbaud et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Compte tenu des nombreuses alertes sanitaires concernant les vaccins Gardasil et Cervarix et des incertitudes concernant leur balance bénéfice-risque, il est mis fin à l’action 1.2 du plan cancer intitulée « Améliorer le taux de couverture de la vaccination par le vaccin antipapillomavirus en renforçant la mobilisation des médecins traitants et en diversifiant les accès, notamment avec gratuité, pour les jeunes filles concernées ». L’action 11.11, intitulée « Développer l’éducation à la santé en milieu scolaire », est adaptée en conséquence.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement concerne une partie du plan cancer.
Le plan cancer 2014-2017, qui a été adopté au mois de février dernier, préconise, entre autres actions, d’« améliorer le taux de couverture de la vaccination par le vaccin antipapillomavirus ».
Plus d’une dizaine d’associations estiment le coût de cette mesure à 926 millions d'euros pour la sécurité sociale, en sus du coût des remboursements habituels des deux vaccins concernés.
Alors que le Gouvernement recherche plusieurs milliards d’économies, cette mesure interpelle, surtout lorsque l’on sait les doutes qui pèsent sur la balance bénéfice-risque de cette vaccination. L’Autriche a d'ailleurs refusé d’inclure ces vaccins dans le calendrier vaccinal, le Japon ne recommande plus cette vaccination et les contestations sont nombreuses dans d’autres pays, aux Pays-Bas, en Espagne, etc.
Les alertes sanitaires sur les vaccins Gardasil et Cervarix sont en effet nombreuses. Des effets indésirables graves leur sont imputés en France et à l’étranger : décès, convulsions, syncopes, syndromes de Guillain-Barré, paralysies faciales, embolies, etc.
Il contient de l’aluminium. Or la communauté scientifique reconnaît maintenant que cet aluminium peut migrer dans l’organisme et atteindre le cerveau, où il s’accumule.
De plus, des fragments d’ADN viral ont été retrouvés « collés » à l’aluminium dans le vaccin Gardasil par un chercheur nord-américain, le docteur Lee. Cette présence anormale a été confirmée par le professeur Belec, chef du laboratoire de virologie de l’hôpital européen Georges-Pompidou, lors d’un colloque organisé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui s’est tenu le 22 mai 2014 à l’Assemblée nationale.
Des particules de papillomavirus ont d'ailleurs été découvertes dans le cerveau de deux jeunes filles décédées de vascularite juste après leur vaccination par le Gardasil.
L’efficacité de la vaccination contre le virus du papillome humain, VPH, en anglais HPV, Human papillomavirus, n’est, par ailleurs, pas démontrée. Ces vaccins ne protègent que contre deux à quatre souches de virus pour une durée non connue actuellement. Or plus de cent souches existent, dont dix-huit sont considérées comme présentant un haut risque oncogène. Je rappelle que le cancer du col de l’utérus représente 0,7 % de l’ensemble des décès par cancer, tous sexes confondus.
Ces vaccins pourraient, de surcroît, avoir un effet contraire au but recherché. Ainsi, le professeur Claude Béraud, ancien vice-président de la commission de transparence de l’Agence française du médicament, indique : « La vaccination pourrait induire une modification dans l’équilibre des souches virales, soit en favorisant le développement de souches résistantes, soit en accroissant la virulence de souches aujourd’hui inoffensives. »
Pour toutes ces raisons, il apparaît nécessaire de supprimer ce dispositif du plan cancer, ou plus exactement d’affecter les sommes prévues pour cette vaccination à d’autres actions du plan cancer. Ce serait d’autant plus opportun que le frottis cervico-utérin est efficace, qu’il reste le meilleur mode de prévention du cancer du col de l’utérus et que sa généralisation suffirait à réduire fortement le nombre de décès.
En conclusion, afin de prévenir les dérives dans le débat qui va suivre, je tiens à affirmer très clairement que cet amendement n’est pas un amendement contre la vaccination en général, qu’il ne vise pas non plus à retirer le Gardasil du marché ni à en arrêter l’utilisation. Il prévoit simplement de prendre, au vu des éléments troublants dont nous disposons, un temps supplémentaire de réflexion avant d’en intensifier l’usage et, encore une fois, d’affecter les sommes qui étaient prévues pour cette vaccination à d’autres parties du plan cancer.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Je vous remercie par avance, mes chers collègues, de ne pas caricaturer ma position afin que nous puissions débattre sereinement de cette question. Je sais qu’il est toujours difficile de l’aborder sans caricature.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame Archimbaud, nous avons bien compris que vous-même et votre groupe demandiez la suppression de l’objectif de couverture vaccinale antipapillomavirus. Rassurez-vous, nous n’allons pas déformer votre pensée !
Cela étant, la commission a émis un avis défavorable après s’être interrogée sur la sécurité de ce vaccin, qui fait l’objet d’un suivi attentif par l’Agence nationale de sécurité du médicament. Or l’analyse que vous relayez n’est pas confirmée par cette agence et, en l’absence de décision de sa part tendant à restreindre l’utilisation de ce vaccin ou à le retirer du marché, votre proposition ne me paraît pas opportune. De surcroît, elle va à l’encontre du plan cancer, dont je ne vous ai jamais entendu contester le bien-fondé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, d’abord pour une raison formelle. Madame Archimbaud, vous demandez la suppression d’un alinéa du plan cancer. En l’espèce, votre proposition est assez innovante puisque le plan cancer n’est pas un texte de nature législative ; il n’a d’ailleurs pas, pour cette raison, été adopté par le Parlement. Dès lors, sur un plan simplement juridique, je ne vois pas très bien comment votre amendement pourrait prospérer.
Sur le fond, et c’est le plus important, vous demandez qu’on prenne le temps d’examiner les conséquences éventuelles de la vaccination antipapillomavirus, tout en disant – ce que j’entends très bien – qu’il ne faut pas interpréter vos propos de manière caricaturale en les assimilant à une démarche antivaccinale. Soit ! Vous me permettrez néanmoins de souligner que l’adjuvant aluminique se retrouve dans de nombreux autres vaccins. (Eh oui ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Donc, vous ne pouvez pas remettre en cause la vaccination antipapillomavirus au motif de la présence de cet adjuvant dont vous contestez l’innocuité sans toucher au reste des vaccinations administrées au travers de produits qui comportent le même adjuvant.
Je redis donc de façon extrêmement ferme et sereine ce que j’ai indiqué à plusieurs reprises, notamment dans cet hémicycle : des travaux ont été engagés, à ma demande, afin de déterminer les conséquences des adjuvants aluminiques et autres dans les vaccins. À l’évidence, ces adjuvants ne posent de problème qu’en France puisque, dans tous les autres pays dans lesquels sont administrés les vaccins, aucune difficulté particulière n’a été constatée. Ayant toutefois entendu les préoccupations et les demandes d’un certain nombre d’organismes et d’associations, j’ai demandé que soit lancée une recherche – dont les résultats seront connus au cours de l’année 2015 ou au début de 2016, je ne sais plus exactement – sur l’incidence de ces adjuvants.
Ce travail répond à mon souhait de transparence, car je considère qu’il n’est pas de bonne politique de dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Par principe, je souhaite que le résultat de ces travaux soit totalement transparent.
Par ailleurs, je tiens à souligner que le Haut Conseil de la santé publique et l’Académie nationale de médecine recommandent de procéder à la vaccination antipapillomavirus. Je rappelle que le cancer de l’utérus, dont on enregistre près de 3 000 nouveaux cas par an, touche aussi des femmes très jeunes et qu’il induit environ 1 000 décès par an. Cette vaccination est donc un enjeu tout à fait important et je ne peux pas vous laisser dire, madame la sénatrice, que la balance bénéfice-risque pencherait du côté du risque.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur votre amendement, en répétant que des travaux sont en cours et qu’il ne s’agit pas de porter atteinte au principe même de la vaccination. Même si ce n’est pas votre objectif, la façon dont vous exposez votre inquiétude face à ce vaccin tend à jeter le discrédit sur l’ensemble des vaccinations.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je ne suis pas toujours d’accord avec Mme la ministre, mais, sur cet amendement, je vais lui apporter mon soutien.
Madame Archimbaud, vous vous engagez dans une voie où le risque de dérapage est grand puisque non seulement vous mettez en cause la vaccination contre le papillomavirus, mais vous soulevez aussi le problème de l’aluminium présent dans de nombreux vaccins.
Le président du Haut Conseil de la santé publique s’inquiète du problème que créent les interrogations autour de la vaccination. Comme je l’ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale, il a même exprimé son agacement devant une politique illisible, complexe et inégalitaire, et il a demandé la mise en œuvre effective du plan 2014-2017.
Il y aura toujours des gens pour et des gens contre, mais, s’agissant des vaccins contenant de l’aluminium, nous savons bien que certaines pressions sont exercées.
Quoi qu'il en soit, dans le cas précis du vaccin contre le papillomavirus, il faut surtout considérer que, pour qu’il soit efficace, il faut trois injections. Or, souvent, les jeunes filles ne subissent que la première injection, éventuellement la deuxième. Une étude devra être faite, madame la ministre, sur ce phénomène, afin de connaître le nombre de jeunes filles qui ne vont pas jusqu’au bout du processus. C’est un véritable problème, car nous ne savons pas, en l’état actuel des choses, si deux injections suffisent pour prémunir ces jeunes filles contre un développement ultérieur du cancer.
Plus largement, notre pays a longtemps été très en avance dans le domaine vaccinal, mais aujourd'hui certaines maladies, comme la rougeole, posent de véritables problèmes de santé publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le débat que nous avons grâce à cet amendement est, me semble-t-il, extrêmement important, car il soulève une question fondamentale.
Aujourd’hui, des lanceurs d’alerte, qui ne sont pas des adversaires farouches de la vaccination, font un travail extraordinaire pour montrer les conséquences, potentiellement extrêmement graves, des adjuvants aluminiques. Je pense en particulier à l’association E3M. Cette association souhaite simplement que des moyens soient consacrés à la recherche afin que l’on puisse trouver des vaccins sans adjuvant aluminique, comme il en existe pour le DT-polio. Il ne s’agit donc pas d’un débat entre pro et anti-vaccination.
Plus largement, il est question ici du rôle et de la place de ces lanceurs d’alerte, qui soulèvent un problème bien réel et parmi lesquels on trouve des chercheurs. Nous sommes plusieurs parlementaires à les avoir rencontrés.
Par ailleurs, il est faux de dire que ce problème ne se pose qu’en France. Notre pays présente, c’est vrai, une certaine avance dans la problématique vaccinale, mais je sais que des chercheurs étrangers commencent à se poser les mêmes questions. Par exemple, la myofasciite à macrophages est une maladie extrêmement difficile à diagnostiquer, car elle présente au début des symptômes proches de ceux d’une dépression, comme une grande fatigue.
J’ai trouvé intéressant que Mme la ministre ait entendu les problèmes posés et qu’elle souhaite encourager la recherche. J’ai pu constater, en siégeant au conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, que, grâce au travail et à la réflexion, des fonds ont été débloqués. Ils ont permis au professeur Gherardi, à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, d’approfondir ses recherches, de démontrer que la migration de l’aluminium dans le cerveau faisait des dégâts assez considérables, comme l’a dit Aline Archambault.
Aussi, il faut faire la balance – et je vous ai adressé un courrier à ce sujet, madame la ministre – entre les bénéfices et les risques, pour voir comment « sortir par le haut » de ce genre de problématique. La question du dépistage du cancer du col de l’utérus n’en reste pas moins posée. D’autres moyens de prévention existent, comme le frottis.
Je voterai donc l’amendement très étayé d’Aline Archambault.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, à la fin d’une carrière, on sait qu’il faut toujours douter des médicaments.
Bien entendu, le vaccin contre le papillomavirus est très intéressant compte tenu du nombre de cas de cancer du col de l’utérus. Il reste que, lors des consultations, les mères interrogent toujours les spécialistes au sujet des effets secondaires dont elles ont entendu parler.
Jusqu’à maintenant, même si, je le répète, il faut toujours douter – et je suis d’accord avec Mme la ministre sur la nécessité de continuer la recherche pour vérifier s’il n’y a pas d’effets secondaires –, toutes les autorités interrogées ont indiqué qu’il fallait pratiquer cette vaccination. C’est pourquoi je ne voterai pas cet amendement ; je considère que cette vaccination doit pouvoir se poursuivre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 290.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5
I. – Au titre de l’année 2014, sont rectifiés :
1° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
||
Maladie |
186,4 |
193,8 |
-7,4 |
|
Vieillesse |
218,1 |
219,9 |
-1,7 |
|
Famille |
56,2 |
59,1 |
-2,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
13,5 |
13,2 |
0,3 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
461,2 |
472,9 |
-11,7 |
; |
2° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale, ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
||
Maladie |
161,4 |
168,8 |
-7,3 |
|
Vieillesse |
115,1 |
116,7 |
-1,6 |
|
Famille |
56,2 |
59,1 |
-2,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,0 |
11,8 |
0,2 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
332,7 |
344,3 |
-11,7 |
; |
3° Les prévisions de recettes, les prévisions de dépenses et le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Prévisions de recettes |
Prévisions de dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
16,9 |
20,6 |
-3,7 |
; |
4° L’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui est fixé à 12,7 milliards d’euros ;
5° (Supprimé)
6° Les prévisions de recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse, qui sont nulles en application du II du présent article.
I bis (nouveau). – Les prévisions des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites demeurent fixées conformément au III de l’article 24 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.
II. – L’article L. 135-3-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « nouvelle section » sont remplacés par les mots : « section distincte » ;
2° Les 1° et 2° du I sont abrogés.
III. – La dernière ligne du tableau du dernier alinéa de l’article L. 137-16 du même code est supprimée.
IV. – Après le 11° de l’article L. 135-2 du même code, il est inséré un 12° ainsi rédigé :
« 12° Le financement d’avantages non contributifs instaurés au bénéfice des retraités de l’ensemble des régimes, lorsque les dispositions les instituant le prévoient. »
V. – Les II, III et IV s’appliquent à compter du 1er janvier 2014.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 5 prévoit de rectifier les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et les tableaux d’équilibre pour 2014, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du régime général, ainsi que les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.
Nous constatons que, depuis deux ans, le Gouvernement détourne le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, vers le FSV, afin d’en combler le déficit. Or il faudrait, au contraire, sanctuariser ces fonds au bénéfice de l’autonomie.
Le report incessant de l’examen du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement ne nous rassure pas quant à l’avenir de l’utilisation de cette contribution. Madame la ministre, vous nous l’aviez annoncé pour la fin de 2013, puis pour le courant de l’année 2014, nous répétant sans cesse que la loi serait applicable à la fin de 2014. Nous y voilà ! Mais la discussion du projet de loi est maintenant reportée au printemps 2015. Le temps que la loi soit promulguée, cela nous amène presque à l’automne prochain ! Vous aurez ainsi temporisé encore un an, peut-être jusqu’au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Or nos concitoyens ne peuvent plus attendre. C’est à croire que le bien-être de nos aînés n’est pas une priorité pour le Gouvernement, alors que l’abandon de la loi sur la dépendance sous le précédent quinquennat – car c'est à cette époque que cela avait commencé ! – reste dans toutes les têtes. Pourtant, vous le savez, les retraités doivent aussi subir le report du 1er avril au 1er octobre de la revalorisation de leur retraite.
Les sénateurs communistes étaient contre la mise en place de la CASA, que vous avez imposée à plus de 7,5 millions de retraités, impactant de fait leur pouvoir d’achat. Maintenant que cette mesure a été adoptée, il faut que cet argent soit effectivement dépensé à ce à quoi il est destiné : il y a en effet urgence, notamment dans le secteur de l’aide aux personnes âgées fragilisées, que ce soit à domicile ou en établissement.
La CASA peut venir combler les retards patents en matière d’investissements, de création de postes, de soutien à la formation, de médicalisation des EHPAD – une mesure qui crée immédiatement des emplois non délocalisables –, d’investissements dans des accueils dédiés aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, de pôles d’activités et de soins adaptés, de logements-foyers, etc.
Quant à l’argument des économies à réaliser, il est irrecevable puisque, à ce stade, nous parlons des dépenses qui auraient pu être financées depuis deux ans grâce à la CASA.
Ce report nous paraît donc déloyal, et ces objectifs sont injustes. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 12° Le financement de la prime exceptionnelle instaurée par décret au bénéfice des retraités de l’ensemble des régimes obligatoires de base pour l’année 2014. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous ne remettons pas en cause la pertinence de l’article 5, qui correspond à un exercice en cours dont nous ne voulons pas entraver l’exécution, même si nous n’approuvons évidemment pas toutes les politiques mises en œuvre.
En revanche, la commission souhaiterait modifier l’alinéa 17 de cet article, qui prévoit le financement d’avantages non contributifs instaurés au bénéfice des retraités de l’ensemble des régimes lorsque les dispositions les instituant le prévoient. Il s’agit, bien sûr, du Fonds de solidarité vieillesse.
Notre amendement vise à restreindre le champ d’application de cet alinéa, en donnant néanmoins une base légale au financement par le FSV de la prime exceptionnelle que vous avez décidé d’instaurer pour compenser, en raison d’une inflation très faible et de la régularisation des revalorisations antérieures, l’absence de revalorisation des pensions de retraite de base en 2014.
Il ne s’agit pas pour autant d’ouvrir le financement par le FSV de toute mesure à caractère non contributif que le Gouvernement prendrait par décret. Nous souhaitons que la liste des financements par le FSV reste limitative, de façon que des mesures ne soient pas adoptées sans que le Parlement ait eu à se prononcer.
Cet article devrait, à nos yeux, concerner la seule mesure de revalorisation exceptionnelle pour 2014, et non pas ouvrir le champ très largement à toute nouvelle contribution du FSV, lequel est, je le rappelle, en déficit permanent d’environ 3 milliards d’euros depuis 2011 – le déficit prévu pour l’année prochaine s’élève à 2,9 milliards d’euros. Il ne faudrait pas creuser éternellement ce solde déficitaire !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis est défavorable, madame la présidente.
Monsieur le rapporteur général, même si la rédaction de votre amendement ne va pas jusque-là, ce que vous proposez, au fond, c'est d’inscrire dans la loi que le FSV finance la prime exceptionnelle. Mais la prime exceptionnelle, on en parle dans le débat politique aujourd’hui, en 2014 ! Nulle part, il n’est écrit à quoi correspond cette prime exceptionnelle. L’enjeu de l’article que nous avons rédigé, c’est d’inscrire la possibilité de procéder au versement de cette prime, dont la définition et le montant seront fixés par décret.
Cela ne signifie pas que d’autres dispositifs ne seraient pas soumis à la discussion du Parlement puisque, par définition, ce sont des sujets qui font l’objet d’importants débats. C'est d’ailleurs à l’occasion d’un débat au Parlement que la décision de verser cette prime exceptionnelle a été prise.
Si l’on adoptait votre rédaction, on verserait une prime dont le cadre, les principes, les contours n’ont pas du tout été déterminés. Je ne vois pas très bien d’ailleurs en quoi cela habiliterait le Gouvernement à mettre en place une prime pour les retraités dont le montant global de la retraite est inférieur à 1 200 euros !
À mon sens, le risque que vous pointez n’existe pas, et il est nécessaire de donner une base légale plus large au versement de la prime annoncée par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’entends, madame la ministre, vos explications et je ne mets pas en doute votre bonne foi. Mais nous discutons de l’année 2014. Ce que nous prévoyons ne concerne donc, en toute logique, que l’année en cours.
Si vous souhaitez donner une base légale à un élargissement des listes de financement par le FSV – puisque tel est bien l’objet de l’alinéa en question –, il suffit d’écrire : « lorsque les dispositions législatives les instituant le prévoient ».
En évitant ainsi tout risque de décisions prises par décret, vous rassureriez le Parlement. Certes, la mesure concerne l’année 2014, mais vous voyez bien l’ambiguïté : nous prévoyons le financement de la prime pour 2014, en cohérence avec le tableau de financement pour cette même année.
Madame la ministre, si vous voulez ouvrir une porte, nous n’y sommes pas hostiles ! Je rappelle simplement que toute décision concernant le financement par le FSV doit évidemment passer par le Parlement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Au titre de l’année 2014, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs sont rectifiés ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
|
Objectif de dépenses |
|
Dépenses de soins de ville |
80,9 |
Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité |
55,5 |
Autres dépenses relatives aux établissements de santé |
19,7 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
8,5 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
9,0 |
Dépenses relatives au fonds d’intervention régional |
3,0 |
Autres prises en charge |
1,7 |
Total |
178,3 |
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
(La deuxième partie du projet de loi est adoptée.)
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2015
Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre Ier
Rationalisation de certains prélèvements au regard de leurs objectifs
Articles additionnels avant l’article 7
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 181 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Médevielle, Canevet, Longeot, V. Dubois et Capo-Canellas, Mme Doineau et M. Cadic.
L'amendement n° 274 est présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article L. 3261-2 du code du travail, le mot : « ou » est remplacé par le mot : « et ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 181 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement de clarification juridique vise à permettre aux employeurs de cumuler la possibilité de prendre en charge un abonnement de transports en commun et celle de prendre en charge un abonnement à un système public de location de vélos.
Il répond à une idée très simple : rendre la législation plus claire pour les employeurs, dont un certain nombre ignorent la possibilité qu’ils ont de cumuler la prise en charge des deux systèmes d’abonnement, en remplaçant le mot « ou » par le mot « et » à l’article L. 3261-2 du code du travail.
Je signale qu’un amendement identique avait été adopté par le Sénat dans le cadre du PLFSS pour 2013.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 274.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à permettre aux employeurs de profiter de la possibilité de cumuler la prise en charge d’un abonnement de transports en commun avec celle d’un abonnement à un système public de location de vélos.
On voit tout l’intérêt d’une telle possibilité.
La pratique d’une activité physique, tel le vélo, représente d'abord des économies potentielles pour la sécurité sociale, estimées à 1,21 euro par kilomètre parcouru selon une étude d’Atout France. Quant à l’Organisation mondiale de la santé, elle estime qu’une part modale du vélo qui s’élèverait à 10 % permettrait d’économiser 10 milliards d’euros par an.
Comme vient de l’indiquer Chantal Jouanno, un amendement identique avait été adopté par le Sénat au moment de l’examen du PLFSS pour 2013.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je veux dire à Mmes Jouanno et Archimbaud que je souscris pleinement à l’objectif que recouvrent leurs amendements : encourager la pratique du vélo lors des trajets domicile-travail.
Cependant, la prise en charge des frais d’abonnement à la fois à un service de transports en commun, comme c’est la coutume, et à un système public de location de vélos constituera une charge supplémentaire pour les employeurs ainsi qu’une nouvelle niche sociale, dans la mesure où cette seconde prise en charge serait exonérée de cotisations sociales.
Aussi, bien que la mesure proposée aille, à mes yeux, tout à fait dans le bon sens, elle ne paraît pas opportune au regard du contexte économique difficile que nous connaissons et de la situation préoccupante de nos finances sociales. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Actuellement, les différents modes de transports peuvent être pris en charge par l’employeur, mais, pour être remboursé, le salarié doit faire un choix.
Nous souhaitons voir demeurer ce principe du non-cumul, d'autant que nous souhaitons garder un mécanisme simple à gérer. Sinon, on multipliera les possibilités d’effet d’aubaine et on alourdira les coûts pour l’employeur comme pour la sécurité sociale, sans aucune garantie d’efficacité.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 181 rectifié et 274.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 179 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Capo-Canellas, Médevielle, Longeot, Canevet, V. Dubois et Cadic, Mme Doineau et M. Détraigne.
L'amendement n° 276 est présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 2 du chapitre 1er du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Prise en charge des frais de transports partagés
« Art. L. 3261-2-... – L’employeur prend en charge, sur pièce justificative, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, les frais de déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail accomplis, en tant que passagers covoiturants, par ceux de ses salariés :
« 1° Dont le lieu de travail n’est pas accessible depuis la résidence habituelle par une liaison valable définie par décret en utilisant un mode collectif de transport ;
« 2° Pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable en raison d’horaires de travail particuliers ne permettant pas d’emprunter un mode collectif de transport.
« Le bénéfice de cette prise en charge ne peut être cumulé avec celle prévue à l’article L. 3261–2. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 179 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement s’inscrit dans la lignée des précédents. Il est sous-tendu, mes chers collègues, par notre souhait de vous sensibiliser à l’avènement prochain d’un système de transports multimodal. À cet égard, dire que l’on prend en charge certains modes de transport et pas d’autres, en s’abritant derrière l’argument – de court terme – de l’économie budgétaire, ne va pas tellement dans le sens de l’histoire.
En l’occurrence, le présent amendement vise, dans la continuité de ce qui avait été voté dans le cadre du PLFSS pour 2009 en matière de prise en charge des déplacements domicile-travail par les transports en commun, à prévoir la prise en charge du covoiturage pour ces trajets.
Premièrement, l’adoption de cet amendement constituerait, bien évidemment, un avantage au regard de la santé publique : moins il y a de véhicules qui circulent, moins il y a de pollution ! Je vous rappelle que la question de la qualité de l’air est déterminante pour la santé de la population.
Deuxièmement, ce serait un avantage pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, laquelle pourrait appeler les garanties au titre de la responsabilité civile obligatoirement incluses dans les contrats d’assurance automobile des conducteurs responsables d’accident de la circulation.
Troisièmement, ce serait un moyen de développer les systèmes de covoiturage mis à la disposition du public par les autorités organisatrices de la mobilité urbaine, conformément à ce qui a été voté dans le projet de loi relatif aux métropoles.
Enfin, je rappelle – sans aucune malice, bien entendu ! – qu’un amendement identique avait été présenté par Marisol Touraine dans le cadre du PLFSS pour 2009.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 276.
Mme Aline Archimbaud. La demande forte de covoiturage de la part de nos concitoyens est une tendance sociétale. Elle vient, en partie, de la nécessité de préserver un pouvoir d’achat parfois bien menacé. Elle correspond également à une évolution, d’ordre culturel, en faveur de la consommation collaborative, du partage de l’usage plutôt que de la possession individuelle.
J’insiste bien sur le fait que cet amendement vise à instaurer, pour les employeurs, une possibilité, et absolument pas une obligation. Il s’agit d’inciter les employeurs à participer à la modernisation du mode de vie dans notre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements visent clairement à faire prendre en charge par l’employeur les frais de déplacement des salariés qui pratiquent le covoiturage.
Mme Aline Archimbaud. Il s’agit de leur en donner la possibilité, monsieur le rapporteur général !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Certes !
L’intention est excellente, mais il me semble qu’il revient au versement transport d’assurer le financement des modes de transport des salariés. Ainsi, la communauté urbaine que j’ai présidée jusqu’à il y a peu avait lancé un appel d'offres pour développer le covoiturage, le transport à la demande, avec une prise en charge par le versement transport, qui est acquitté auprès des autorités organisatrices de transport par toutes les entreprises.
Je rappelle que nous cherchons à réduire les cotisations des entreprises. Ces amendements ne vont pas tout à fait dans ce sens !
La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, l’extension du champ de l’obligation de prise en charge par les employeurs aux frais de transports partagés conduirait à de nouvelles charges obligatoires pour les entreprises et devrait donc être l’objet de discussions entre les partenaires sociaux.
Deuxièmement, le covoiturage relève de la réglementation applicable aux frais de transport personnels et non de la réglementation relative à la prise en charge des frais de transports collectifs. C’est donc une faculté pour l’employeur.
Dans ce contexte, c’est à l’employeur qu’il reviendrait d’apprécier l’opportunité de cette prise en charge, ce qui impliquerait d'ailleurs pour lui de procéder à des vérifications quant à l’utilisation effective des indemnités pour frais professionnels pour le partage des frais de carburants, d’assurance, d’amortissement, etc., ce qui, vous en conviendrez, n’est pas très aisé.
Pour ces raisons, je suggère aux auteurs de ces amendements de les retirer.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. On voit bien que tous ces amendements vont dans le sens d’une certaine modernisation de notre civilisation. Nous devons continuer à réfléchir à ces questions !
Bien sûr, on ne doit pas nier les contraintes que de telles mesures peuvent représenter pour les entreprises. Cependant, si je suis solidaire de l’avis émis ce matin par la commission, je me permets de faire remarquer que le Sénat avait adopté des amendements identiques l’année dernière, lors de l’examen du PLFSS pour 2014.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Même si ces amendements peuvent paraître très intéressants, surtout pour le développement des transports dits « doux » – bien que le covoiturage n’en fasse pas partie –, je partage les arguments qui ont été avancés et par M. le rapporteur général et par M. le ministre sur la difficulté de mettre en œuvre une disposition qui irait dans ce sens et relèverait de la loi. Il est toujours possible, pour l’employeur, de favoriser ce type de déplacements, qu’il s’agisse de la bicyclette ou du covoiturage.
Alors que nous avons débattu, la semaine dernière, de la nécessité d’une simplification, aussi bien pour les institutions que pour les entreprises et les particuliers, il serait dommage qu’en adoptant ces amendements nous compliquions davantage la vie de l’employeur comme celle du salarié.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 179 rectifié et 276.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 180 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Médevielle, Longeot, Canevet et V. Dubois, Mme Doineau et MM. Cadic, Capo-Canellas et Détraigne.
L'amendement n° 275 est présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 3261-3 du code du travail, il est inséré un article L. 3261-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3261-3-... – L’employeur prend en charge, dans les conditions prévues à l’article L. 3261-4, tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant à vélo ou à vélo à assistance électrique entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, sous la forme d’une indemnité kilométrique vélo, dont le montant est fixé par décret.
« Le bénéfice de cette prise en charge peut être cumulé, dans des conditions fixées par décret, avec celle prévue à l’article L. 3261-2, ainsi qu’avec le remboursement de l’abonnement de transport lorsqu’il s’agit d’un trajet de rabattement vers une gare ou station ou lorsque le salarié réside hors du périmètre de transport urbain. »
II. – Après l’article L. 131-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 131-4-1… ainsi rédigé :
« Art. L. 131-4-1... – La participation de l’employeur aux frais de déplacements de ses salariés, entre leur domicile et le lieu de travail, réalisés à vélo ou à vélo à assistance électrique est exonérée de cotisations sociales, dans la limite d’un montant défini par décret. »
III. – Le 19° ter A de l’article 81 du code général des impôts est complété par les mots : « , ainsi que celui résultant de l’indemnité kilométrique pouvant être versée par l’employeur pour couvrir les frais engagés par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail effectués au moyen d’un vélo ou d’un vélo à assistance électrique ».
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er juillet 2015.
V. – La perte de recettes résultant par les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une contribution additionnelle à la contribution visée à l’article L. 137-7-1 du code de la sécurité sociale.
VI. – La perte de recettes résultant pour l’État du III ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Avec cet amendement, nous restons dans la logique de promotion et de valorisation des transports doux : vélo, covoiturage, etc.
Reprenant une recommandation du Plan national vélo, salué par tous en 2012, nous proposons ici de créer une indemnité kilométrique liée aux déplacements à vélo. Ainsi, le vélo bénéficierait du même traitement que la voiture.
Vous savez, mes chers collègues, que le coût de l’usage du vélo est globalement moindre pour la sécurité sociale et que l’essentiel des déplacements concernés, notamment en zone urbaine, sont effectués sur des distances inférieures à trois kilomètres, pour lesquelles le vélo est tout à la fois beaucoup plus rentable et beaucoup plus efficace que la voiture.
J’ajoute que nous devons faire preuve d’un peu de cohérence dans les mesures que nous adoptons. Tout le monde, ici, a voté des deux mains le Grenelle de l’environnement, avec toutes les préconisations qu’il contenait sur ces questions. Tout le monde a applaudi des deux mains le Plan national vélo. Il serait assez logique que nous agissions en cohérence avec ces orientations que nous avons approuvées par nos votes, au moment de les mettre concrètement en œuvre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 275.
Mme Aline Archimbaud. Je n’ai pas grand-chose à ajouter à la présentation qui vient d’être faite. Je signalerai simplement qu’un amendement identique, portant le numéro 2146, a été adopté lors de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la transition énergétique, et j’en appelle, moi aussi, à la cohérence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission émet un avis défavorable.
Je comprends parfaitement les arguments développés et c’est une direction qu’il me paraît tout à fait souhaitable de prendre à l’avenir. Toutefois, dans la conjoncture actuelle, nous pouvons difficilement obliger les entreprises à prendre en charge une indemnité kilométrique de déplacement à vélo. Certaines le font, et on ne peut que les encourager à poursuivre dans cette voie.
Je propose plutôt de nous tourner vers les autorités organisatrices, qui perçoivent le versement transport et ont ensuite toute latitude pour organiser les modes de déplacements sur leur périmètre. Un certain nombre de communautés d’agglomération ou de communautés urbaines se sont précisément engagées dans cette direction. C’est par ce biais, me semble-t-il, que nous pourrons financer le développement des nouveaux modes de transport « doux », vélos, vélos électriques, etc.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il ne s’agit ici ni de se lancer dans une querelle entre les anciens et les modernes, ni de nier l’évolution des modes de transports, que l’on peut même envisager d’accompagner par des dispositifs incitatifs. Notre préoccupation est plutôt, comme je l’indiquais précédemment, d’éviter les cumuls, de ne pas alourdir les obligations imposées aux entreprises et de mettre en place des dispositifs susceptibles de fonctionner. Les amendements nos 180 rectifié et 275 ne me semblent réunir aucune de ces trois conditions.
En conséquence, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Je précise une nouvelle fois qu’une telle indemnité serait facultative pour l’employeur. Il ne s’agirait en aucun cas d’une obligation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Je vous invite à réfléchir, mes chers collègues, car, si je comprends parfaitement l’argument relatif aux charges supplémentaires que le dispositif représenterait pour les entreprises et pour les finances publiques, il n’en reste pas moins vrai qu’il existe déjà un système de subvention de l’usage des véhicules affectant aussi bien le budget de l’État que les comptes des entreprises. Je pense, par exemple, à la récupération de la TVA sur les véhicules fonctionnant au diesel ou à la prise en charge des frais de déplacement en voiture dans certaines sociétés. Il s’agit là d’un dispositif fiscal clairement favorable aux énergies fossiles !
Il me semble, monsieur le secrétaire d’État, que votre gouvernement s’était engagé à rééquilibrer la fiscalité en faveur des déplacements écologiques… L’examen de ces amendements vous offrait l’occasion de montrer que cette ambition était bien réelle !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 180 rectifié et 275.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 225, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à insérer un article additionnel tendant à supprimer les exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires.
Les exonérations ou allégements reposant principalement sur les bas salaires incitent indirectement les employeurs à maintenir la rémunération de leurs salariés dans la fourchette ouvrant droit à ces exonérations, c’est-à-dire à un niveau proche du SMIC. Afin de tenir compte des différences en matière de facultés contributives et dans un souci d’efficacité économique et sociale, un meilleur système consisterait à moduler les cotisations sociales en fonction des efforts réalisés par les entreprises en matière de salaires, d’emploi et de formation.
Le travail à temps partiel, par exemple, soulève la question de la précarité du travail, qui touche tout particulièrement les femmes. En outre, il limite les rentrées de cotisations sociales. Qui dit temps partiel dit salaire partiel et pension de retraite partielle ! La précarité, marquée notamment par la flexibilité, est source de grandes inégalités, dont, là encore, les femmes sont les principales victimes.
Le temps partiel est donc un paramètre clef des inégalités salariales et professionnelles. Il explique un peu plus du tiers de l’écart – 27 % environ – existant entre les salaires des femmes et ceux des hommes. Qui plus est, le recours à ce type d’emplois n’est pas sans incidence sur les comptes sociaux puisqu’il entraîne le prélèvement des cotisations sociales sur une base réduite de salaire.
Je tiens à rappeler que la norme en droit français est, théoriquement, le contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein !
II faut rompre avec une logique qui encourage les employeurs à recruter des salariés, tout en faisant en sorte que ces derniers leur coûtent le moins cher possible. Ils agissent de la sorte sans se préoccuper des conséquences pour les salariés précarisés ou pour la collectivité. L’accroissement des marges des entreprises et l’augmentation de la rémunération des actionnaires ou des titulaires de parts sociales se justifient encore moins s’ils sont réalisés au détriment de la collectivité !
J’ajoute que ce problème relève, non de la négociation entre les partenaires sociaux, mais bien des prérogatives du Parlement.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à adopter cet amendement, très précis et très simple dans son application. Il s’agirait de majorer de 10 % la part patronale des cotisations sociales due par les entreprises employant plus de 20 % de leur effectif à temps partiel. Ainsi nous lutterions contre la précarité, tout en augmentant de manière juste les ressources de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable. Il nous apparaît en effet nécessaire de poursuivre la politique d’allégement de cotisations sur les bas salaires, qui contribue à réduire le coût du travail. Je rappelle, à ce propos, qu’une étude de M. Pierre Cahuc tend à démontrer l’impact favorable des mesures en faveur des bas salaires sur la création d’emplois.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de ne pas toucher à ce dispositif, et ce malgré toute la campagne qui a été menée, à une certaine époque, contre lui. C’est un mécanisme qui fonctionne, et il semble souhaitable, pour le moment, de ne pas remettre en cause ce qui fonctionne dans notre pays !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’avoue ne pas avoir très bien compris l’argumentaire de M. Watrin. Celui-ci nous a beaucoup parlé du temps partiel alors que son amendement vise à supprimer l’ensemble des allégements généraux de cotisations sociales patronales. Le débat sur l’utilité du temps partiel, sur son caractère volontaire ou subi est un débat bien connu et tout à fait légitime, mais je ne vois pas très bien le rapport avec la mesure proposée.
Voilà en outre un amendement qui pèse 20 milliards d’euros… Pourquoi pas ? Mais le Gouvernement n’y est pas favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 225.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
I. – Le titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – La section 1 du chapitre Ier est ainsi modifiée :
1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Cotisations et contributions sur les revenus de remplacement » ;
2° L’article L. 130-1 est abrogé ;
3° L’article L. 131-1 devient l’article L. 131-1-1 ;
4° Il est rétabli un article L. 131-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1. – Les cotisations et contributions sociales dues sur les avantages de retraite et d’invalidité, les indemnités journalières, les allocations de chômage et de préretraite et les autres revenus mentionnés à l’article L. 131-2 et au 7° du II de l’article L. 136-2 sont, sous réserve du II bis de l’article L. 136-5, précomptées au moment du versement de ces avantages, indemnités, allocations ou revenus par l’organisme débiteur de ces revenus. » ;
5° La division et l’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre Ier sont supprimés et la section 1 du même chapitre est complétée par les articles L. 131-2 et L. 131-3 ;
6° (nouveau) L’article L. 131-2 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« Une cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès est prélevée sur les allocations et indemnités des travailleurs involontairement privés d’emploi ou placés en situation de cessation anticipée totale ou partielle d’activité versées en application des articles L. 1233-68 et L. 1233-72, du II de l’article L. 5122-1 et des articles L. 5123-2, L. 5123-3, L. 5421-2, L. 5422-1, L. 5424-6 et L. 5425-2 du code du travail, ainsi que de l’article L. 5343-18 du code des transports.
« Une cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès est prélevée sur les avantages alloués aux assurés en situation de préretraite ou de cessation d’activité en application de l’article 15 de l’ordonnance n° 82-108 du 30 janvier 1982 relative aux contrats de solidarité des collectivités locales ou de dispositions réglementaires ou conventionnelles. » ;
b) À la fin du troisième alinéa, la référence : « 1031 du code rural » est remplacée par la référence : « L. 741-14 du code rural et de la pêche maritime » ;
c) Le dernier alinéa est complété par les mots : « , notamment les taux des cotisations » ;
B. – (Supprimé)
C. – Le chapitre III bis est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Règles d’arrondis
« Art. L. 133-10. – Le montant des cotisations et contributions sociales et de leurs assiettes déclarées aux organismes de sécurité sociale en application du présent code, du code de l’action sociale et des familles ou du code rural et de la pêche maritime est arrondi à l’euro le plus proche. La fraction d’euro égale à 0,50 est comptée pour 1. » ;
D. – À la première phrase des 1° et 2° du III de l’article L. 136-2, les mots : « déterminés en application des dispositions des I et III du même article » sont remplacés par les mots : « mentionnés au 1° du III de l’article L. 136-8 » ;
E. – Les trois premières phrases du III de l’article L. 136-5 sont supprimées ;
F. – L’article L. 136-8 est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° Après le mot : « personnes », la fin du III est ainsi rédigée : « dont les revenus de l’avant-dernière année, définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts :
« 1° D’une part, excèdent 10 633 € pour la première part de quotient familial, majorée de 2 839 € pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, les montants des revenus sont fixés à 12 582 € pour la première part, majorés de 3 123 € pour la première demi-part et 2839 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane et Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 13 156 €, 3 265 € et 2 839 € ;
« 2° D’autre part, sont inférieurs à 13 900 € pour la première part de quotient familial, majorée de 3 711 € pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, les montants des revenus sont fixés à 15 207 € pour la première part, majorés de 4 082 € pour la première demi-part et 3 711 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane et Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 15 930 €, 4 268 € et 3 711 €.
« Les seuils mentionnés au présent III sont applicables pour la contribution due au titre de l’année 2015. Ils sont revalorisés au 1er janvier de chaque année conformément à l’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, constatée pour l’avant-dernière année et arrondis à l’euro le plus proche, la fraction d’euro égale à 0,50 étant comptée pour 1. » ;
G. – Après le mot : « arrondies », la fin de la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 137-11-1 est ainsi rédigée : « à l’euro le plus proche, la fraction d’euro égale à 0,50 étant comptée pour 1. » ;
H. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 241-3, la référence : « L. 131-1 » est remplacée par la référence : « L. 135-1 » ;
I. – Au premier alinéa du II de l’article L. 242-13, les mots : « , selon les principes fixés par l’article L. 136-2 et par le premier » sont remplacés par les mots : « selon les modalités prévues au deuxième » ;
J. – L’article L. 243-2 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « mentionnées à l’alinéa ci-dessus » sont remplacés par les mots : « dues sur les revenus de remplacement mentionnés à la section 1 du chapitre Ier du titre III du livre Ier » ;
K. – Au début de l’article L. 244-1, les mots : « L’employeur ou le travailleur indépendant » sont remplacés par les mots : « Le cotisant » ;
L. – À l’article L. 244-11, les mots : « dues par un employeur ou un travailleur indépendant » sont supprimés ;
M. – Aux premier et dernier alinéas de l’article L. 244-14, les mots : « employeurs ou travailleurs indépendants » sont remplacés par les mots : « cotisants » ;
N. – Le second alinéa de l’article L. 612-9 est supprimé.
II. – Le premier alinéa du 1° bis de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le mot : « dont », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « le montant des revenus de l’avant-dernière année, définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts, est supérieur ou égal au seuil mentionné au 2° du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale. » ;
2° Après le mot : « revenus », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « à l’article L. 136-5 du même code. »
III. – À la première phrase du I de l’article 154 quinquies du code général des impôts, les mots : « visés au 1° du II et au III de l’article L. 136-8 du même code et pour ceux visés au 2° du II du même article, à hauteur respectivement de 3,8 points et 4,2 points » sont remplacés par les mots : « mentionnés au II de l’article L. 136-8 du même code, à hauteur de 3,8 points lorsqu’elle est prélevée au taux de 3,8 % ou 6,2 % et à hauteur de 4,2 points lorsqu’elle est prélevée au taux de 6,6 % ».
IV. – Au troisième alinéa de l’article L. 761-10 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « , conformément aux principes énoncés à l’article L. 136-2 et au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « selon les modalités prévues au deuxième alinéa ».
V. – Après le mot : « prévues », la fin du premier alinéa du III de l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi rédigée : « à l’article L. 131-1 du code de la sécurité sociale. »
VI. – Le présent article s’applique aux revenus de remplacement dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2015, à l’exception du III, qui s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. À compter du 1er janvier 2015, ce sera le revenu fiscal de référence, et non plus le montant d’impôt sur le revenu recouvré, qui déterminera le taux de contribution sociale généralisée – CSG – des retraités.
Actuellement, les pensionnés dont le revenu imposable, mais dont l’impôt sur le revenu est inférieur à 61 euros et n’est donc pas recouvrable, bénéficient du taux réduit de CSG, qui est de 3,8 %. En effet, au moment de la création de la CSG, contre laquelle nous nous étions d’ailleurs prononcés au motif qu’elle minait l’unité du système français de protection sociale, on avait voulu que le pouvoir d’achat des petites retraites ne soit pas affecté.
Si cet article 7 du projet de loi est adopté, ce sont 460 000 retraités qui verront leur taux de CSG passer de 3,8 % à 6,6 %. C’est inadmissible ! L’argumentation du Gouvernement, selon laquelle il n’y aura ni gains ni pertes au niveau de la CSG, ni perdants ni gagnants parmi les retraités, l’est tout autant !
Vous affirmez, monsieur le secrétaire d’État, que cette mesure satisfait à l’un des principes de notre Constitution, celui selon lequel chacun contribue à l’impôt au regard de ses capacités contributives. Or, dans le même temps, vous contredisant de fait, vous prétendez que la mesure est neutre. En réalité, vous allez concentrer la CSG sur un plus petit nombre de personnes.
Une fois encore, nous constatons que vous faites peser l’effort sur les retraités, alors que vous avez accordé la suppression totale et sans contrepartie précise des cotisations familiales à la charge des employeurs, soit 30 milliards d’euros d’exonérations à terme, en 2017, pour un effet économique douteux. Vous prévoyez à présent d’augmenter la CSG pour 460 000 retraités, quand le groupe Total, qui ne paie pratiquement pas d’impôts en France, va toucher de surcroît 19 millions d’euros de droits au titre du CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – et 60 millions d’euros au titre du crédit d’impôt recherche pour 2013.
Vous cédez donc très facilement à l’artillerie lourde du MEDEF et vous vous préoccupez peu du sort des retraités, pourtant d’ores et déjà soumis à de fortes pressions budgétaires, aux déremboursements de médicaments, à l’augmentation des frais liés à la perte d’autonomie, etc.
Vous essayez encore de nous convaincre en arguant que la mesure pénalisera uniquement les retraités ayant un revenu fiscal de référence d’au moins 13 900 euros, soit 1 450 euros bruts par mois. Mais, monsieur le secrétaire d’État, est-on riche avec 1 450 euros par mois ?
De plus, le remplacement des cotisations sociales à la charge des employeurs par des prélèvements sur les ménages, comme c’est le cas ici avec la CSG, a clairement des effets antiredistributifs puisqu’il organise, de fait, un transfert des participations des entreprises vers les ménages.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposerons de supprimer cet article par voie d’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne peux laisser passer ce genre de propos sans réagir et je demande qu’on fasse preuve d’un minimum de clarté et d’objectivité !
Monsieur Watrin, vous avez développé l’idée selon laquelle l’adoption de cet article engendrerait des ressources supplémentaires pour ce budget de la sécurité sociale : c’est faux ! Que cet article soit adopté ou non ne changera rien au budget de la sécurité sociale !
Vous avez dit à deux reprises, monsieur le sénateur, que les modifications envisagées feraient 460 000 perdants.
M. Dominique Watrin. Oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous n’avez précisé à aucun moment que celles-ci produiraient aussi 700 000 gagnants. Ces 700 000 gagnants et 460 000 perdants crédibilisent le fait que cet article, je l’affirme ici très solennellement, est à rendement nul pour le budget de la sécurité sociale !
Quand vous dites que c’est faire payer aux retraités les allégements de charges pour l’entreprise Total, c’est contraire à la vérité !
Mme Nicole Bricq. Donc, c’est un mensonge !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La vérité, c’est que la situation actuelle n’est pas conforme à l’idée que nous nous faisons de la justesse de la contribution de chacun.
Aujourd'hui, pour être exonéré de CSG, il faut avoir un revenu fiscal de référence inférieur à un certain seuil, et c’est très bien ainsi. En revanche, pour bénéficier du taux intermédiaire de 3,8 %, au lieu du taux maximal de 6,6 %, il suffit d’acquitter un impôt sur le revenu inférieur à 61 euros, et cela ne nous paraît pas juste. En effet, de nombreux retraités ont un impôt sur le revenu inférieur à 61 euros non pas parce qu’ils perçoivent de très faibles retraites, mais tout simplement en raison de réductions d’impôt ou de crédits d’impôt.
M. Jean-Pierre Caffet. Absolument !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est ainsi qu’un retraité percevant 1 200 euros mensuels, par exemple, va se trouver imposer au taux maximal, alors que certains retraités percevant 1 500 euros mensuels, parce qu’ils emploient une personne à domicile ou pour quelque autre raison, vont se voir appliquer le taux intermédiaire.
Eh bien, nous, monsieur le sénateur, nous disons que cela n’est pas juste. Ça l’est d’autant moins que, comme le souligne le rapport Lefebvre-Auvigne, les cotisations ne figurant pas dans le revenu fiscal imposable, on voit apparaître des « retraités yoyo ». En passant du taux intermédiaire au taux maximal, ceux-ci acquittent plus de CSG, ce qui provoque la baisse de leur revenu fiscal et donc, l’année suivante, le retour au taux intermédiaire, et ainsi de suite ! Je vous invite à cet égard à lire le rapport Lefebvre-Auvigne, qui n’a pas suscité de critiques, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure.
La Haute Assemblée décidera bien sûr en toute souveraineté d’adopter ou non l’article 7 que propose le Gouvernement, mais je ne voudrais pas que se trouve accréditée l’idée selon laquelle celui-ci mettrait à profit cet article pour en dégager une recette supplémentaire. Cet article est parfaitement neutre sur le plan des recettes de l’État : nous avons strictement converti le seuil de 61 euros d’impôt acquitté en revenu fiscal de référence. La situation sera même légèrement plus favorable pour ceux qui se situent aujourd'hui à la limite puisque tout le monde profite de l’actualisation des tranches du barème de l’impôt sur le revenu.
Voilà, madame la présidente, ce que je voulais dire pour que votre assemblée puisse se prononcer en toute connaissance de cause et non pas sur des arguments que je ne puis accepter, au nom de l’objectivité, car la réalité de ce que j’ai décrit est attestée par tous les documents. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 162 rectifié est présenté par M. Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary.
L'amendement n° 224 est présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l'amendement n° 162 rectifié.
M. Jean-Noël Cardoux. Mes arguments ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux que mon collègue Dominique Watrin a employés, mais ils aboutissent également à refuser l’augmentation de la CSG, tout simplement au nom de la parole donnée.
Il me semble en effet avoir entendu, à une certaine époque, le Gouvernement dire qu’à l’occasion du PLFSS les assurés sociaux ne subiraient pas de nouvelles taxes : ce n’est pas tout à fait le cas…
Il me semble avoir entendu, il y a peu de temps, lors d’une émission télévisée, le Président de la République nous dire qu’en 2015 il n’y aurait aucun impôt nouveau.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas un nouvel impôt !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est un taux différent.
M. Jean-Noël Cardoux. Évidemment, il fallait comprendre qu’il n’y aurait aucun impôt nouveau sinon ceux qui avaient déjà été votés par l’Assemblée nationale… C’est ce que je comprends avec la proposition qui nous est faite.
J’attire simplement votre attention sur le fait que le quasi-doublement de la CSG de 3,8 % à 6,6 % va concentrer sur 460 000 redevables un prélèvement qui reposait auparavant sur 700 000 redevables. (M. le secrétaire d'État s’exclame.)
Nous assistons au pilonnage continuel des classes moyennes par le Gouvernement.
Je rappellerai simplement que, lors de votes précédents, il a déjà été procédé au report de six mois de la revalorisation des pensions des retraités, que l’abattement de 10 % sur les pensions a été supprimé et qu’il est en outre prévu, dans le projet de loi de finances pour 2015, qui va bientôt venir en discussion au Sénat, de supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu.
Tous les efforts sont concentrés sur les mêmes : les classes moyennes. Il faudrait tout de même que l’impôt soit équitablement réparti dans notre pays ! Or, depuis quelques années, c’est loin d’être le cas.
Je vous mets en garde, monsieur le secrétaire d’État : à force de restreindre le cercle de ceux qui paient, lorsque celui-ci ne représentera plus qu’un petit point, il n’y aura plus personne dans les classes moyennes pour faire face aux augmentations destinées à compenser les réductions envisagées pour certaines catégories de contribuables.
Tel est le sens de notre amendement.
J’ajoute que, dans la discussion générale, le président de la commission et moi-même avons fait des propositions de réformes structurelles visant à se substituer à ces augmentations à la marge de certains impôts et qui seraient de nature à augmenter les ressources de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 224.
M. Dominique Watrin. Je profite de la défense de cet amendement pour faire justice de reproches qui m’ont été adressés en me prêtant des propos que je n’ai jamais prononcés. J’ai dit que l’opération était neutre, et l’on me fait un mauvais procès en prétendant que j’ai dit le contraire !
Monsieur le secrétaire d'État, vous voulez instaurer un calcul qui peut paraître plus juste en prenant en compte le revenu fiscal de référence plutôt que l’impôt recouvré, et, là encore, je n’ai pas dit l’inverse. Le problème, c’est que, pour mettre en place ce nouveau système, vous vous sentez obligé de reprendre à des retraités ce que vous donnez à d’autres : quelque 400 000 retraités vont ainsi être pénalisés !
Ces retraités sont-ils des gens riches, qui méritent d’être, à l’avenir, pénalisés par rapport à leur situation actuelle ? Voilà la question que j’ai posée et à laquelle, bien évidemment, vous n’avez pas répondu !
Mme Nicole Bricq. Si !
M. Dominique Watrin. Les retraités, soit dit en passant, se sentent aujourd’hui maltraités parce qu’on les taxe de tous côtés : on leur a ajouté un prélèvement de 0,3 % au titre de la CASA ; on a reporté la revalorisation de leur pension ainsi que celle des retraites complémentaires, etc. Quand on perçoit une pension de 1 450 euros mensuels, je pense qu’il est injuste de devoir payer la CSG au taux de 6,6 %. Voilà ce que j’ai voulu dire !
C’est d’autant plus injuste que, lorsque vous octroyez le CICE à de nombreux employeurs, y compris aux plus gros, vous ne faites pas de différenciation ! Vous ne reprenez pas à l’un ce que vous donnez à l’autre ! Vous donnez à tout le monde, sans contrepartie, ni en termes d’emplois ni en termes d’efforts pour la collectivité !
Je maintiens donc notre argumentation : la mesure que vous comptez prendre va pénaliser 400 000 retraités qui ne le méritent pas parce qu’ils vivent déjà dans des conditions difficiles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission n’a pas suivi l’avis de son rapporteur et a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été développés par M. Watrin et par M. Cardoux. J’ajouterai simplement aux propos qui ont été tenus par M. le secrétaire d’État, que je partage pour l’essentiel, que cet article est indispensable à la préservation des recettes de la sécurité sociale - je rappelle que nous nous situons dans la partie relative aux recettes - dans la mesure où la politique du Gouvernement est de faire sortir de l’impôt sur le revenu des ménages à bas revenus, dont des ménages de retraités.
L’adoption de ces amendements provoquerait en 2016 une perte de recettes de CSG qu’il faudrait compenser si l’on veut maintenir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Il est vrai – je ne l’ai d’ailleurs jamais caché en commission – qu’il y a des gagnants et des perdants dans le système. Mais c’est un jeu à somme nulle, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État : 460 000 retraités vont passer d’un taux de CSG de 3,8 % à 6,6 % et 700 000 retraités, à l’inverse, d’un taux de CSG de 6,6 % à 3,8 %. Il y a donc plus de gagnants que de perdants.
Il ne s’agit pas d’un nouvel impôt. Seule la répartition de ceux qui le paient est modifiée. Ce débat rejoint en partie celui que nous avons eu tout à l’heure sur la CSG progressive. En l’occurrence, elle l’est : elle ne touche pas de la même façon les retraités selon leurs revenus.
L’adoption d’un seuil fondé sur le revenu fiscal de référence me paraît être une bonne chose. Elle permet d’éviter les fluctuations annuelles en fonction des réductions d’impôt dont les retraités peuvent bénéficier et qui les fait passer d’une année sur l’autre d’un taux de CSG de 3,8 % à 6,6 %, voire, dans certains cas, à une exonération.
Une sorte de régularisation me paraît souhaitable. Toutefois, je n’ai pas été suivi par la commission qui a émis, je le répète, un avis favorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je serai bref puisque je me suis exprimé longuement tout à l'heure.
L’analyse du rapporteur général rejoint la nôtre et je l’en remercie. Les autres analyses sont tout à fait respectables ; reconnaissons néanmoins qu’elles sont parfois un peu orientées...
M. Dominique Watrin et Mme Annie David. Mieux vaut être orienté que désorienté !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Y a-t-il création d’un impôt nouveau ou d’une contribution sociale supplémentaire ? Non, monsieur Cardoux !
Aujourd'hui, notre pays compte environ 15 millions de retraités. Depuis quelques années, ceux dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil, soit 4 millions d’entre eux, ne paient pas de CSG. Environ 2 millions de retraités se voient appliquer le taux dit « intermédiaire » de 3,6 % ; ce sont ceux dont le revenu fiscal de référence excède le seuil existant et qui acquittent un impôt sur le revenu inférieur à 61 euros. Restent environ 9 millions de retraités assujettis au taux de 6,6 %, qui n’est pas nouveau, qui n’est pas né de cet article ni de la volonté de ce gouvernement !
Nous proposons seulement de toucher à l’assiette : au lieu d’asseoir le seuil sur l’impôt payé, qui dépend aussi de telle ou telle déduction fiscale, de telle ou telle réduction d’impôt, et qui peut varier d’une année sur l’autre, comme l’a rappelé le rapporteur général, nous proposons de l’asseoir sur le revenu fiscal de référence.
Depuis quelques années, toutes majorités confondues, on s’accorde d’ailleurs à retenir le revenu fiscal de référence comme critère le plus pertinent.
Le Gouvernement est bien entendu défavorable aux amendements de suppression d’un article qu’il a lui-même proposé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Nous allons voter contre ces amendements, et cela pour au moins trois raisons.
Premièrement, comme l’a dit le secrétaire d’État, cet article ne crée aucune recette supplémentaire en 2015 et ne prive pas la sécurité sociale d’un seul euro de recette. En revanche, comme l’a fort bien relevé le rapporteur général, la suppression de cet article 7 pourrait poser à la sécurité sociale un problème de financement.
Deuxièmement, nous considérons que cette réforme est juste. En bref, il s’agit d’organiser un transfert entre les retraités se situant entre le cinquième et le dixième déciles de revenu et ceux situés entre le premier et le troisième ou quatrième déciles, c’est-à-dire un transfert des retraités les plus aisés vers les moins aisés.
Les chiffres ont été rappelés : il y aura certes 460 000 perdants, mais il y aura surtout 700 000 gagnants ! C’est la raison pour laquelle cette mesure est totalement neutre pour les recettes de la sécurité sociale, en tout cas en 2015.
Troisièmement, dans le système actuel, plus on bénéficie de réductions d’impôt, moins on paie de CSG ; en d’autres termes, moins on profite de réductions liées aux « niches », plus on paie de CSG !
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe socialiste souhaite le maintien de l’article 7, en accord avec le rapporteur général, et bien que la commission en ait décidé autrement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Si j’ai bien compris et l’argumentation de M. le secrétaire d’État et celle de notre collègue Caffet, les retraités les plus aisés sont ceux qui touchent 1 450 euros bruts par mois !
M. Jean-Pierre Caffet. Non, ce sont ceux qui bénéficient plus des réductions d’impôt !
Mme Laurence Cohen. Vous allez procéder à une redistribution entre retraités. Je suis particulièrement choquée par cette argumentation politique, qui tend, encore une fois, à opposer les catégories entre elles !
Une pension de 1 450 euros bruts ne fait pas d’une personne un retraité aisé !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je ne comprends pas ce débat. C’est une question de justice : il s’agit de corriger une anomalie dans le mode de calcul du taux de CSG applicable.
Chère collègue Laurence Cohen, nous ne considérons pas que les retraités sont plus ou moins riches à partir d’un certain niveau de revenu. Comme l’a expliqué M. le secrétaire d’État, il y avait déjà trois catégories de retraités au regard de l’assujettissement à la CSG. Nous ne faisons que modifier la référence d’assiette déterminant les seuils d’application du taux réduit. Or personne ne peut contester que le dispositif ici proposé est plus juste que ce qui existe actuellement.
Je comprends d’autant moins ce débat que cet article résulte d’un travail consensuel mené à l’Assemblée nationale par différents groupes politiques. Je ne vois aucune raison de ne pas voter cet article. Encore une fois, il s’agit d’une simple question de justice.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je ne pensais pas que le débat serait aussi long sur cet amendement…
Le groupe communiste, républicain et citoyen conteste le décile à partir duquel vous voulez appliquer le taux plein de CSG.
J’ai bien entendu les explications de M. le secrétaire d’État : 4 millions de retraités ne paient pas du tout de CSG parce que leur revenu fiscal de référence est inférieur à 61 euros…
Mme Annie David. C’est pourtant ce que vous nous avez dit !
Vous avez ajouté que 2 millions de retraités étaient assujettis au taux intermédiaire et 9 millions, au taux maximum de 6,6 %.
Et là, sous couvert de justice fiscale, vous voulez, à partir du quatrième ou du cinquième décile, d’après Jean-Pierre Caffet – il faudrait d’ailleurs savoir de quel décile il s’agit –,…
M. Jean-Pierre Caffet. Du quatrième et demi ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David. … faire payer aux retraités une CSG à taux plein !
Or ce cinquième décile correspond à un montant brut d’environ 1 450 euros par mois. Selon vous, toucher une pension de 1 450 euros bruts par mois c’est être un retraité riche, auquel il faut appliquer un taux plein de CSG ?...
Nous sommes en désaccord sur ce point, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression. Nous contestons l’idée qu’un retraité ayant une pension de 1 450 euros bruts par mois soit un retraité riche !
Nous contestons la CSG, mes chers collègues, vous le savez ! Nous la contestons dans son ensemble ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Il fallait le dire tout de suite !
M. Dominique Watrin. On vous l’a dit et répété !
M. Jean-Pierre Caffet. Cela fait vingt-cinq ans qu’elle existe !
Mme Annie David. Et nous contestons le fait que les retraités doivent acquitter une CSG au taux maximum !
Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une surprise, madame Bricq ! Cela fait maintenant quelque temps que nous travaillons ensemble au sein de la commission des affaires sociales et vous connaissez notre position sur cette question.
Aujourd’hui, notre position est simple : nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je souhaiterais repréciser les choses, madame la sénatrice.
Aujourd’hui, pour être exonéré de CSG, il ne faut pas avoir un revenu fiscal de référence inférieur à 61 euros. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit ! Mon propos était d’expliquer que, pour passer du taux intermédiaire de 3,8 % au taux maximal de 6,6 %, il fallait payer un impôt supérieur à 61 euros.
Mme Annie David. Voilà !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je crois qu’une certaine incompréhension s’est installée ; je dois mal m’exprimer…
Pour être exonéré, il faut aujourd’hui que le revenu fiscal de référence soit inférieur à 12 144 euros, pour être tout à fait exact. Et, pour passer de 3,8 % à 6,6 %, il faut que l’impôt payé soit supérieur à 61 euros.
Or nous disons simplement que l’impôt payé n’est pas le bon critère et qu’il faut retenir celui du revenu fiscal de référence. Tel est le sens de cet article.
Pour une personne seule, un impôt payé de 61 euros, c’est un revenu fiscal de référence de 12 144 euros. Comme je vous l’ai expliqué, nous avons relevé ce seuil de 12 144 à 13 900 euros pour tenir compte de la réduction d’impôt qui a été accordée cette année, ainsi que de la réévaluation du barème.
Auparavant, il fallait acquitter un impôt supérieur à 61 euros pour payer la CSG au taux maximal. Une fois cet article adopté, en l’absence de toute réduction d’impôt ou autre, la situation sera même encore plus favorable.
Quels seront les gagnants et quels seront les perdants ? Je crois l’avoir dit un certain nombre de fois. Je voulais simplement mettre un terme à cette incompréhension. C’est d’ailleurs bien la preuve que le critère de l’impôt payé n’est pas le bon. Nous devons retenir le même critère pour décider d’assujettir les retraités à la CSG, au taux intermédiaire ou au taux plein.
Quant à savoir à partir de quel niveau de revenu on est aisé ou non, riche ou pas, c’est une autre question… Mais le chiffre que vous citez est correct : le revenu fiscal de référence est de 1 450 euros par mois. Toutefois, payer aujourd’hui 61 euros correspond à un revenu d’environ 1 300 euros. Or le revenu médian des retraités est de 1 250 euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Permettez au nouvel élu que je suis de faire preuve d’un peu de naïveté. Je suis assez étonné de la façon dont se déroule le débat.
La question me semble claire et je me demande si la confusion n’est pas entretenue artificiellement.
Tout d’abord, personne n’a jamais dit qu’à partir de 1 450 euros par mois on était riche ! Simplement, il faut tenir compte de la situation financière et de l’enveloppe qui a été arrêtée. Ce n’est peut-être pas le moment de se montrer trop prodigue...
Ensuite, l’arithmétique plaide pour la justice du dispositif : 700 000 gagnants et 460 000 perdants ! Cela signifie que le taux maximum s’appliquera moins et que davantage de personnes auront moins à payer.
On ne peut laisser dire que cela va créer une division entre retraités : cette division existait déjà, et elle était injuste. Il s’agit simplement de rétablir un peu de justice.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 162 rectifié et 224.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, Mmes et MM. les secrétaires m’informent qu’il y a lieu de procéder au pointage des votes. Nous allons donc interrompre nos travaux le temps de cette opération.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Voici le résultat, après pointage, du scrutin n° 20, sur les amendements identiques nos 162 rectifié et 224, à l’article 7 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 165 |
Contre | 166 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Caffet. Excellent !
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 37
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
... – Au deuxième alinéa de l’article L. 611-20, les mots : « , y compris aux pensionnés ou aux allocataires dont les cotisations sont précomptées dans les conditions déterminées à l’article L. 612-9, » sont supprimés.
... – Au début du quatrième alinéa de l’article L. 613-8, les mots : « Sans préjudice des dispositions de l’article L. 612-9, » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article additionnel après l’article 7
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 24 rectifié ter est présenté par MM. Frassa, Cadic et Cantegrit, Mme Deromedi, M. Duvernois, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et MM. Bonhomme, Cambon, Dassault, Doligé et Laufoaulu.
L’amendement n° 203 rectifié ter est présenté par MM. del Picchia, Bizet, Bouchet, César, Charon, Longuet, Trillard et Raison.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Le I bis est abrogé ;
b) À la première phrase du premier alinéa du III, le mot : « à » est remplacé par le mot : « et » ;
2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :
a) Le I bis est abrogé ;
b) Le second alinéa du VI est supprimé ;
3° L’article L. 245-14 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « mentionnés aux I et II de » sont remplacés par les mots : « visés à » ;
b) La deuxième phrase est supprimée ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 245-15, la deuxième occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et ».
II. – L’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
1° La seconde phrase du premier alinéa du I de l’article 15 est supprimée ;
2° À la première phrase du I de l’article 16, les références : « aux I et I bis » sont remplacées par la référence : « au I ».
III. – Les 1° et 3° du I et le 1° du II s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2015.
IV. – Les 2° et 4° du I et le 2° du II s’appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter de la date de publication de la présente loi.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à IV ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié ter.
M. Christophe-André Frassa. Je présente cet amendement pour la troisième fois. En effet, je l’ai déjà soutenu devant M. Cahuzac, puis devant M. Cazeneuve, quand ils occupaient vos fonctions, monsieur le secrétaire d’État.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cet amendement a toujours pour objet de supprimer la CSG et la CRDS sur les revenus immobiliers des non-résidents. En effet, l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012 soumet aux prélèvements sociaux, au taux global de 15,5 %, les revenus immobiliers – revenus fonciers et plus-values immobilières – de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France.
Les revenus fonciers sont désormais imposés aux prélèvements sociaux dus sur les revenus du patrimoine à un taux de 15,5 %, et les plus-values immobilières sont imposées aux prélèvements sociaux sur les produits de placements – recouvrés à la source, notamment par l’intermédiaire des notaires –, à l’instar des personnes fiscalement domiciliées en France, déjà assujetties à ces prélèvements.
Ces mesures s’ajoutent aux prélèvements déjà appliqués en matière d’imposition sur le revenu, et se sont traduites, pour les 60 000 contribuables concernés, par une hausse d’imposition moyenne de près de 4 200 euros.
Ces mesures, présentées au nom de l’universalité des prélèvements sociaux et de la cohérence de l’impôt, comportent nombre d’effets pervers, qui s’accumulent sans que l’administration fiscale réagisse, préférant, comme d’habitude, se faire taper dessus par les juridictions européennes plutôt que d’anticiper. Ce sera le cas très prochainement avec la Cour de justice de l’Union européenne – nous en reparlerons lors des explications de vote.
Ces mesures ont d’abord pour conséquence de taxer les plus-values foncières à près de 50 %, ce qui rend les investissements fonciers nettement moins attractifs que d’autres placements.
Elles créent ensuite des risques de double imposition, dès lors que les revenus fonciers et les plus-values immobilières font parfois l’objet, conformément aux conventions fiscales en vigueur, d’une taxation du pays de résidence.
Elles sont en outre contraires au principe d’équité. La précédente majorité avait repoussé l’idée d’un assujettissement aux cotisations sociales des plus-values foncières des non-résidents, au motif que ces derniers ne jouissent pas des prestations sociales financées par la sécurité sociale. Que je sache, l’actuelle majorité ne leur a toujours pas étendu le bénéfice des prestations sociales.
Ces mesures, de surcroît, ne tiennent pas compte du refus de la Cour de justice de l’Union européenne d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus de source française dès lors que ces non-résidents sont assujettis à une imposition sociale dans un autre État membre. C’est le sens des arrêts de la Cour plénière en date du 15 février 2000. J’en sais quelque chose, j’étais partie prenante dans l’affaire !
Ces mesures, enfin, vont conduire la France à une condamnation devant la Cour de justice de l’Union européenne. C’est ce qui ressort des conclusions, en date du 21 octobre 2014, de l’avocat général de la Cour, formulées dans le cadre de la demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État français auprès de la Cour de justice de l’Union européenne,…
Mme Annie David. Vous avez épuisé vos trois minutes de temps de parole !
M. Christophe-André Frassa. … affaire Ministère de l’économie et des finances c/Gérard de Ruyter.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Christophe-André Frassa. J’ai bientôt terminé, monsieur le président.
Mme Annie David. Vous dépassez votre temps de parole de trente secondes !
M. Christophe-André Frassa. Dans cette affaire, en effet, l’avocat général considère que la CSG et la CRDS relèvent du champ d’application matériel du règlement européen.
Le présent amendement vise à revenir sur ce mécanisme injuste et à préserver le régime fiscal des expatriés.
Pardonnez-moi d’avoir dépassé mon temps de parole de quarante-six secondes, monsieur le président, mais cela paraît bien peu au regard de la longueur du débat que nous venons d’avoir. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Mme Annie David. C’est la règle, mon cher collègue, et elle vaut pour tout le monde !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour présenter l’amendement n° 203 rectifié ter.
M. Robert del Picchia. Je serai plus bref que M. Frassa, car il a très bien défendu un amendement identique au mien.
Les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne démontrent que les prélèvements dont nous parlons sont, au sens du droit européen, des cotisations sociales. Selon lui, assujettir les non-résidents à la CSG et à la CRDS, alors qu’ils sont déjà soumis à la législation sociale de leur pays de résidence, est incompatible tant avec l’interdiction du cumul des législations de sécurité sociale du règlement européen qu’avec la libre circulation garantie par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
J’entends ce que vous avez dit il y a un instant, monsieur le secrétaire d’État : dans notre situation budgétaire actuelle, nous avons besoin d’argent pour financer la sécurité sociale.
Cependant, l’interprétation de l’avocat général risque bien d’être confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne. Il semble donc que nous nous dirigions de manière inexorable vers l’abrogation du I bis de l’article L. 136–6 du code de la sécurité sociale, à moins – mais je ne vois pas comment cela pourra se faire – qu’une autre solution soit trouvée.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, des centaines de nos compatriotes ont déposé des réclamations auprès du service des impôts des particuliers non résidents et des recours auprès du tribunal administratif pour demander le remboursement des prélèvements sociaux auxquels ils sont assujettis depuis 2012.
Laisser perdurer cette disposition législative ne va-t-il pas entraîner une multiplication des procédures et donc des coûts, tant pour l’administration fiscale que pour l’administration judiciaire ? Dès lors, ne serait-il pas de bonne gestion financière que de prendre les devants et d’anticiper cette décision, qui paraît inéluctable ? Ce faisant, le Gouvernement pourra, une fois la décision rendue publique, prétendre l’avoir prévue, et indiquer avoir pris des mesures pour mettre fin à ces dispositifs et éviter de se retrouver dans une situation désagréable.
Quand ces dispositions ont été adoptées, j’ai signalé à M. Cahuzac qu’il aurait mieux valu les faire figurer ailleurs que dans le code de la sécurité sociale. Ainsi, nous n’aurions pas rencontré ce problème avec les institutions européennes.
Les choses en sont là, monsieur le secrétaire d’État. Mais peut-être nous donnerez-vous cette fois raison.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Un contentieux est en cours devant la Cour de justice de l’Union européenne, à la suite d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’État. Ce contentieux, cela a été rappelé, est lié à la double nature de la CSG, reconnue par un arrêt de la Cour de cassation. Pour l’Union européenne, du moins pour la Cour de justice de l’Union européenne, elle est une cotisation sociale en ce qu’elle finance les régimes sociaux. En France, en revanche, elle est considérée comme un impôt. Qui, d’ailleurs, peut contester cette qualité ? Il y a un instant, nous avons même évoqué l’éventualité d’une fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu.
Je propose de laisser ce contentieux aller jusqu’à son terme, plutôt que de faire droit aux revendications, peut-être légitimes – je ne mets pas en cause le fond, je m’exprime sur la forme –, des auteurs de cet amendement.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même conclusion que la commission. Mais, avant de donner les raisons pour lesquelles le Gouvernement proposera aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, faute de quoi il y sera défavorable, je tiens à dire que ce gouvernement n’a pas de leçons à recevoir sur ce type de procédures. Vous avez tous en mémoire, mesdames, messieurs les sénateurs, les affaires du précompte immobilier et des OPCVM transitant par l’étranger, notamment ; chacune d’entre elles a entraîné pour la France un préjudice de plusieurs milliards d’euros.
Pour l’affaire qui nous intéresse, j’indique tout d’abord que des groupes de travail, dont j’ai accepté l’organisation, se réunissent actuellement au ministère sur l’initiative de Frédéric Lefebvre et de certains sénateurs. C’est un premier point, même s’il ne vous satisfera pas entièrement.
Surtout, M. le rapporteur général a parfaitement décrit la différence d’appréciation à laquelle nous sommes confrontés. J’ajouterai seulement que la CSG versée sur les plus-values immobilières n’a aucun caractère contributif ; c’était en tout cas l’argument du Gouvernement quand il a fait adopter ces mesures, que je reprends puisque j’en suis membre désormais.
Nous nous dirigeons, selon vous, vers un échec devant la Cour de justice de l’Union européenne. Pour l’instant, je le rappelle, nous ne disposons que des conclusions de l’avocat général, lesquelles ne préjugent pas l’arrêt qui sera rendu, me dit-on, dans quelques semaines.
Si, dans le cadre d’un contentieux, on commence tout de suite par remettre en question la décision réfléchie, qui a été prise en toute connaissance de cause – certes, elle peut être contestée et sera peut-être invalidée –, et l’annuler, cela revient quasiment à reconnaître qu’elle n’était pas valable.
Aussi, je vous propose d’attendre la fin de la procédure, qui devrait intervenir au plus tard au mois de janvier. Si la procédure arrive à son terme avant la fin de l’année, on pourra toujours mettre à profit l’examen du projet de loi de finances rectificative ou tout autre texte financier pour se mettre en conformité, le cas échéant, avec l’avis rendu par la Cour de justice de l’Union européenne.
En l’état actuel, je ne puis que vous apporter cette réponse. Aussi, je recommande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, le Gouvernement demande au Sénat de les rejeter.
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes d’emblée monté en créneau en affirmant que le gouvernement actuel n’a pas de leçons à recevoir !
Mme Nicole Bricq. Eh non !
M. Christophe-André Frassa. Qui a eu l’intention de vous en donner ? Personne !
M. Christophe-André Frassa. Je n’ai pas cité votre gouvernement ! Je parle du gouvernement d’une manière générale.
En effet, surtout en matière fiscale, le gouvernement est incapable d’anticiper. L’administration fiscale est là pour récupérer des impôts, allais-je dire. Elle n’a pas la moindre once de capacité à se projeter dans une politique fiscale et elle fait assumer ses propres erreurs par le gouvernement en place, quel qu’il soit.
L’administration fiscale va donc, monsieur le secrétaire d'État, vous faire assumer – elle ferait de même pour tout autre gouvernement ! – la conséquence d’une décision de justice, comme ce fut le cas du gouvernement de l’époque pour la décision du 15 février 2000 ou encore pour l’affaire des OPCVM que vous avez citée. Depuis des années, la politique fiscale française change quand le gouvernement se fait – pardonnez-moi l’expression – « tacler » par une cour supranationale, en l’occurrence la Cour de justice de l’Union européenne. Voilà qui est regrettable !
Il est navrant de constater que l’on change notre politique fiscale, notre corpus législatif fiscal, à l’aune des coups que prend notre pays et de ce qu’il doit rembourser par la suite aux contribuables qui ont été lésés à cause de l’incapacité de l’administration fiscale à faire autre chose que de créer des impôts et prendre de l’argent. Quel que soit le gouvernement en place, je le répète, personne n’est là pour tenir la bride à l’administration fiscale, afin d’anticiper et d’avoir une vision en matière fiscale. C’est vraiment navrant !
M. Dominique Bailly. Quelle insulte à la fonction publique ! Aucun respect !
M. Christophe-André Frassa. Dans ces conditions, je ne retire pas mon amendement n° 24 rectifié ter, monsieur le président. Je veux en effet pouvoir compter qui a voté contre et qui a voté pour, afin de pouvoir le dire aux Français de l’étranger lorsque mes collègues voyageront.
M. Dominique Bailly. C’est incroyable !
M. Jacques Chiron. Aucun respect !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Il me semble important d’expliquer ma position personnelle sur ces amendements identiques.
Comme l’ont très bien dit mes deux collègues, en vertu du droit européen, les non-résidents ne devraient pas être soumis aux prélèvements sociaux de la CSG et de la CRDS sur leurs revenus du patrimoine puisqu’ils ne profitent pas de la protection sociale française. Or c’est le cas depuis la loi de finances rectificative de 2012.
Lors de l’adoption de ce dispositif, j’étais élu des Français du Royaume-Uni à l’Assemblée des Français de l’étranger. J’avais alors écrit à Mme Conway-Mouret, ministre chargée des Français de l’étranger, pour lui faire part de deux remarques.
D’abord, ce dispositif entraîne une double imposition pour les Français du Royaume-Uni, par exemple, puisque la CSG n’est pas reconnue comme un impôt par l’administration fiscale britannique, pas plus qu’elle ne l’est par l’administration fiscale américaine.
Ensuite, l’Europe indique clairement qu’un travailleur est soumis à la réglementation sociale d’un seul État membre. Une cotisation sociale perçue sur un revenu immobilier auprès d’un ressortissant non soumis à la réglementation sociale de la France met notre pays en contradiction avec le règlement européen et entraîne inévitablement des recours contentieux auprès de la Cour de justice à Luxembourg ; nous le voyons depuis deux ans.
Malgré tous les avertissements qui lui avaient été adressés à l’époque par les élus de l’opposition, le gouvernement a persisté. Il a fait délibérément prendre à la France le risque de s’exposer à une condamnation européenne.
Il faut savoir que cette mesure a eu des conséquences douloureuses, en particulier pour des ménages modestes vivant à l’étranger, certains ayant dû vendre leur bien immobilier en France pour acquitter ces nouvelles taxes.
Monsieur le secrétaire d'État, quel est l’enjeu ? Vous ne l’avez pas indiqué. Or telle est la question.
En 2012, Bercy a justifié l’adoption de cette mesure en avançant un rendement de 250 millions d’euros en année pleine. Les conclusions de l’avocat général près la Cour de justice de l’Union européenne – mais pas seulement de lui, vous semblez ignorer que tel était aussi l’avis de la Commission européenne ! – amenée à statuer sur cette question dans les prochaines semaines laissent planer la menace d’une condamnation de la France par l’Union européenne.
Dans ces conditions, est-il raisonnable de maintenir cette mesure pour le PLFSS 2015 ?
J’avais interrogé Mme la ministre de la santé lors de son audition en commission pour connaître l’impact budgétaire d’une condamnation sur le budget de 2015. Je regrette que celle-ci ait ignoré cette perspective. Attendre la condamnation les bras croisés, refuser d’anticiper ce qui paraît désormais inéluctable, n’est pas, de notre point de vue, un acte de bonne gestion.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. J’ai moi-même déposé un amendement de cette nature à trois reprises, me semble-t-il.
M. Christophe-André Frassa. Nul ne le conteste !
M. Richard Yung. Il n’y a donc pas de monopole en la matière…
M. Christophe-André Frassa. Il n’y en a aucun !
M. Richard Yung. … et il n’y a pas de droit d’auteur.
M. Jean-François Husson. À bas les monopoles !
M. Richard Yung. Absolument !
Sur le fond, les argumentations sont connues. Toutefois, deux faits sont nouveaux dans cette affaire.
Premièrement, nous attendons la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. Il serait sans doute délicat que le Parlement se prononce pour être ensuite, éventuellement, démenti. (Mme Nicole Bricq opine.) En effet, personne ne connaît dès à présent la décision qu’elle prendra. Certes, nous avons un avis de l’avocat général, mais son avis ne vaut pas décision de la Cour de justice. Nous devons donc faire preuve de prudence et avoir un certain respect pour cette institution.
Deuxièmement, nous avons, avec Bercy et le cabinet du ministre, un groupe de travail sur la fiscalité des Français de l’étranger, qui, outre cette question, examine quatre ou cinq autres points. Là encore, nous devons aller au bout de cette discussion avant de prendre une décision.
C’est pourquoi je me rallie à la position du rapporteur général : nous devons attendre la position de la Cour de justice de l’Union européenne et les conclusions du groupe de travail.
Franchement, ce n’est pas la peine de mettre en cause les fonctionnaires quels qu’ils soient…
M. Christophe-André Frassa. Je n’ai pas parlé des fonctionnaires, j’ai parlé de l’administration !
M. Richard Yung. Ce n’est pas une façon de faire, et ils en tireront eux-mêmes les conclusions qui s’imposent. Je n’en dis pas plus. (M. Claude Dilain applaudit.)
M. Christophe-André Frassa. Vifs applaudissements !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je formulerai simplement quelques remarques, sans prétention.
L’ambiguïté a été soulignée : s’agit-il d’un impôt ou d’une contribution sociale ? On le voit bien, les jugements, les jurisprudences existant dans notre pays diffèrent des interprétations qui prévalent dans d’autres pays – vous avez cité la Grande-Bretagne et les États-Unis. À un moment donné, les choses seront tranchées. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne nous éclairera.
L’enjeu financier est connu, – il n’est pas secret, il figure dans de nombreux documents ! – il est de l’ordre de 230 millions à 250 millions d’euros par an. Madame la ministre des affaires sociales ne peut pas connaître tout par cœur, pas plus que moi d’ailleurs.
Monsieur Frassa, je n’accepte pas ce que vous avez dit au sujet de l’administration et du pouvoir politique. (M. Christophe-André Frassa s’exclame.) C’est faire peu de crédit aux ministres eux-mêmes et à leur entourage proche, je veux parler de leur cabinet. Pour être aux fonctions depuis six mois, je puis vous dire – je crois modestement tenter de le faire ici devant votre assemblée chaque fois que j’en ai l’occasion ! – que nos analyses – vous pouvez les contester ; c’est normal –, si elles ne sont pas toujours parfaites, sont mûrement réfléchies. Il arrive très souvent que notre administration nous demande la position qu’elle doit prendre sur tel ou tel sujet parce qu’elle ne méconnaît pas, parfois, les difficultés, la complexité des choses.
Tout est parfaitement assumé ; le sujet est connu, il a été identifié, même dès le départ, et le Conseil d’État lui-même a posé une question préjudicielle au niveau européen. Nous avons donc agi en toute connaissance de cause. Vous pourrez un jour peut-être estimer que nous avons pris un risque trop important. Peut-être pourra-t-on exprimer que nous étions dans le vrai.
Si je me suis exprimé avec un peu de fermeté au départ – vous me le pardonnerez –, c’est parce que nous avons découvert – à l’instar, je crois, de nombreux parlementaires de la précédente majorité – des affaires contentieuses d’un volume financier extrêmement important avec l’Union européenne, que, parfois même, semble-t-il, les ministres ont pu ignorer.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 rectifié ter et 203 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 8
I. – L’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 21° est ainsi rédigé :
« 21° Les personnes qui contribuent à l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif pour le compte d’une personne publique ou privée, lorsque cette activité revêt un caractère occasionnel.
« Un décret précise les sommes, les activités et les employeurs entrant dans le champ d’application du présent 21°. Il fixe les conditions dans lesquelles, lorsque la participation à la mission de service public constitue le prolongement d’une activité salariée, les sommes versées en rétribution de la participation à cette mission peuvent, en accord avec l’ensemble des parties, être versées à l’employeur habituel pour le compte duquel est exercée l’activité salariée, quand ce dernier maintient en tout ou partie la rémunération.
« Il fixe également les conditions dans lesquelles le deuxième alinéa du présent 21° n’est pas applicable, sur leur demande, aux personnes participant à la mission de service public qui font partie des professions mentionnées à l’article L. 621-3. Dans ce cas, les sommes versées en rétribution de l’activité occasionnelle sont assujetties dans les mêmes conditions, selon les mêmes modalités et sous les mêmes garanties que le revenu d’activité non salarié, défini à l’article L. 131-6 du présent code, ou les revenus professionnels, définis à l’article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime, que ces personnes tirent de leur profession. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
I bis (nouveau). – Après le 14° de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un 15° ainsi rédigé :
« 15° Personnes qui contribuent à l’exercice d’une mission définie au premier alinéa du 21° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, dans les conditions fixées au même 21°, étant entendu que le décret mentionné audit 21° est, dans ce cas, pris pour l’application du présent 15°. »
II. – L’article 13 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier est abrogé.
III. – Le présent article s’applique aux sommes versées à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par MM. Raison et Perrin.
L'amendement n° 86 rectifié est présenté par Mme Loisier et MM. Houpert et Kern.
L'amendement n° 184 rectifié est présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Morisset, Joyandet, Pinton et Trillard, Mme Mélot, MM. Mayet, César, P. Leroy, Pellevat, Grand, Cornu et Vaspart et Mme Lamure.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 22 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 86 rectifié.
Mme Anne-Catherine Loisier. Les indemnités versées aux élus des chambres d’agriculture doivent, selon nous, être assimilées non pas à un revenu professionnel, mais à l’indemnisation d’une fonction, qui est l’expression de la démocratie professionnelle.
Elles sont destinées, nous le savons tous, à compenser le temps passé par l’exploitant agricole dans des fonctions collectives, qui participent à l’intérêt général de sa mission. Leur montant ne couvre pas les coûts engendrés par le recours au service de remplacement ou l’embauche d’un salarié pour pallier les absences de celui-ci sur l’exploitation.
Cet amendement vise donc à exclure les indemnités perçues par ces élus dans le cadre de leur présence aux assemblées des chambres d’agriculture du champ d’application des cotisations sociales, ces indemnités demeurant soumises à la CSG et à la CRDS.
M. le président. L’amendement n° 184 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 86 rectifié ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable, car les exonérations visées étaient liées à celles qui concernaient les indemnités des élus locaux, lesquelles ne sont plus exonérées.
L’adoption de cet amendement instaurerait donc une sorte de lecture différente (M. Claude Dilain opine.) pour les élus des chambres consulaires et les élus du conseil d’administration des caisses de la Mutualité sociale agricole et du régime social des indépendants.
Par ailleurs, il faut le souligner, l’assujettissement à cotisations est aussi susceptible d’ouvrir des droits, notamment des droits à retraite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Comme l’a souligné le rapporteur général, se pose une question d’égalité de traitement. En outre, les dispositions prévues permettent l’ouverture de droits. Il n’y a pas lieu de prévoir cette exception, qui nous paraît vraiment injustifiée.
Des choses ont été faites pour les élus tout court, si je puis dire, et pour les élus consulaires dans certaines chambres, notamment les chambres de commerce et d’industrie. Il convient à présent de prévoir le même traitement pour l’ensemble des élus, qu’ils siègent dans telle ou telle chambre consulaire. Il ne faut pas faire de différence.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Constatant les difficultés que connaissent aujourd'hui, d’une manière générale, les exploitants du monde agricole, j’estime que la distinction se justifie.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les agriculteurs, qui dans certains départements ont des revenus très faibles, sont obligés, s’ils sont membres de la chambre d’agriculture, de prendre des remplaçants lorsqu’ils vont siéger – il en va parfois de même des élus, mais le cas est plus rare. C’est pourquoi je voterai résolument l’amendement n° 86 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Les indemnisations versées actuellement ne couvrent même pas en totalité le coût du remplacement auquel l’agriculteur est obligé de recourir pour exercer sa responsabilité. Elles ne constituent pas un revenu, mais un défraiement, au demeurant partiel, des coûts supportés par les agriculteurs pour se faire remplacer. Je voterai donc l’amendement.
M. René-Paul Savary. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.) – (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article L. 241–10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sont exonérées de cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales, de la cotisation mentionnée à l’article L. 834–1 du présent code, de la contribution mentionnée au 1° de l’article L. 14–10–4 du code de l’action sociale et des familles ainsi que des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, les rémunérations versées aux aides à domicile employées sous contrat à durée indéterminée ou sous contrat à durée déterminée pour remplacer les salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu dans les conditions prévues à l’article L. 1242–2 du code du travail, par les structures suivantes : » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’exonération des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, mentionnée au premier alinéa du présent III ne peut excéder un taux fixé dans les conditions mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 241–5 du code de la sécurité sociale. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Elisabeth Doineau.
Mme Elisabeth Doineau. L’article 2 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 a étendu la réduction générale de cotisations patronales dite « réduction Fillon » à de nouveaux prélèvements : la cotisation au fonds national d’aide au logement, le FNAL, et la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ainsi que, sous certaines conditions et dans une certaine limite, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. La même loi a réduit le taux des cotisations patronales destinées à la branche famille : ainsi, pour les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC, ce taux sera ramené de 5,25 % à 3,45 % au 1er janvier 2015.
L’objectif affiché par le Gouvernement est de soutenir les entreprises françaises dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité présenté par le Premier ministre le 8 avril dernier. De ce point de vue, il est regrettable que les associations et entreprises d’aide à domicile intervenant au domicile des personnes fragiles, et seulement celles-ci, soient quasiment exclues des mesures de soutien dont je viens de parler. La raison en est qu’une grande partie de leur personnel d’intervention bénéficie d’une exonération spécifique « aide à domicile », mais celle-ci est bien moins avantageuse que la « réduction Fillon ».
Afin de remédier à cette situation, les auteurs de cet amendement proposent d’aligner l’assiette des cotisations patronales auxquelles s’applique l’exonération « aide à domicile » sur l’assiette à laquelle s’applique la réduction dégressive dite « réduction Fillon ». Ainsi, les associations et entreprises d’aide au domicile intervenant auprès de publics fragiles bénéficieraient d’un avantage comparable à celui qui est accordé aux autres entreprises françaises.
Je tiens à souligner que, même si cet alignement d’assiette était adopté, les entreprises et associations d’aide à domicile resteraient encore largement désavantagées. En effet, alors que l’aménagement de la « réduction Fillon » et la baisse du taux des cotisations destinées à la branche famille assurent aux autres entreprises entre 2015 et 2014 un différentiel positif de plus de 15,58 % au niveau du SMIC et fortement supérieur au-delà, l’adoption de cet amendement permettrait de faire bénéficier le secteur de l’aide à domicile d’un différentiel positif, indépendant du revenu du salarié, de seulement 6,37 %.
Cette mesure apporterait malgré tout une aide appréciable au secteur de l’aide à domicile, dont chacun sait qu’il connaît de graves difficultés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat, qui se prononcera à la lumière de l’avis de M. le secrétaire d’État.
Il peut sembler légitime d’aligner, comme le proposent les auteurs de l’amendement, les assiettes des exonérations de cotisations patronales dont bénéficient les structures d’aide à domicile et les autres entreprises. Il faut cependant souligner que les premières bénéficient déjà d’exonérations, qui ne sont pas dégressives en fonction du salaire. La « réduction Fillon », elle, porte sur les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 fois le SMIC, selon un barème dégressif.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a-t-elle créé une inégalité de traitement entre les deux secteurs ? Il sera intéressant d’entendre la position de M. le secrétaire d’État sur cette question.
En tout cas, l’amendement n° 119, s’il était adopté, créerait probablement un net avantage en faveur des structures d’aide à domicile. Or notre collègue Dominique Watrin et moi-même, au cours de la mission que nous avons récemment réalisée sur ces structures, avons constaté qu’elles se heurtaient à de réelles difficultés. Il serait donc nécessaire de faire un geste en faveur de ces structures, si nous voulons qu’elles perdurent : pour la plupart associatives, elles contribuent au développement de l’emploi et apportent un peu de bien-être dans les foyers.
La commission des affaires sociales s’est efforcée de mettre cette question en perspective ; elle est désireuse de connaître l’avis du Gouvernement, d’autant que nous aurons à examiner un autre amendement portant sur l’aide à domicile, en ce qui concerne cette fois les particuliers employeurs. Je pense qu’une occasion s’offre à nous d’établir une certaine parité entre ces deux modes de fourniture de services à nos concitoyens, souvent des personnes âgées, qui sont en situation de fragilité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cette question, intéressante et importante, nécessite quelques explications.
En matière de services à la personne, il existe deux grands dispositifs : le particulier employeur, dont nous parlerons à la faveur d’un amendement ultérieur, et l’entreprise ou l’association de services. Or les associations et entreprises bénéficient de la « réduction Fillon », tandis que les particuliers employeurs n’y ont pas droit ; je ne reviendrai pas sur l’origine historique de cette situation – le fait est que c’est ainsi.
Comme M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales vient de le signaler, les associations et entreprises de services à la personne bénéficient d’allégements de charges très importants : ils s’élèvent à quelque 860 millions d’euros selon l’annexe 5 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les auteurs de l’amendement n° 119 raisonnent ainsi : puisque les entreprises en général vont bénéficier d’allégements de charges supplémentaires sur les bas salaires grâce au pacte de responsabilité et de solidarité, pourquoi les entreprises de services à la personne n’en bénéficieraient-elles pas ? Je m’interroge sur la pertinence de ce raisonnement, dans la mesure où ces entreprises bénéficient déjà d’allégements spécifiques à hauteur d’un peu moins de 1 milliard d’euros.
Ces entreprises seront-elles concurrencées davantage du fait de la différence de traitement en matière d’allégements de charges ? Non, puisque toutes les entreprises et associations de services à la personne bénéficient des réductions de cotisations propres à ce secteur. En revanche, l’amendement n° 119, s’il était adopté, renforcerait la concurrence entre le particulier employeur et les entreprises de services, qui bénéficieraient d’allégements supplémentaires par rapport à ceux qui existent déjà. Le Gouvernement y est donc clairement défavorable.
Pour encourager le développement des services à la personne, y compris par l’intermédiaire d’entreprises ou d’associations, des allégements de charges importants ont été à juste titre instaurés. Faut-il les augmenter encore, au risque d’accentuer une concurrence sans cesse dénoncée par les associations représentant les particuliers employeurs ? Je ne le pense pas.
Nous aurons l’occasion, dans d’autres débats, d’aborder des dispositifs applicables en outre-mer dont les bénéficiaires tiennent à peu près le même raisonnement, en disant : puisque vous allez instaurer des allégements de charges pour toutes les entreprises, nous qui en avons déjà, nous en voulons davantage. Dans le cas de ces dispositifs, des effets de concurrence peuvent exister ; nous pourrons y réfléchir et, d’ailleurs, le Gouvernement présentera des propositions. En revanche, les entreprises de services à la personne bénéficient toutes des exonérations existantes, et les allégements qui doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2015 dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité ne bénéficieront à aucune entreprise concurrente.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai l’impression que vous balayez d’un revers de main la proposition des auteurs de l’amendement n° 119, qui me semble pertinente.
Le problème dont il s’agit se pose dès à présent. Expliquer à nos concitoyens que les prestations de confort bénéficient d’exonérations plus élevées que les prestations de soutien à l’autonomie n’est pas chose aisée ! De fait, une différence existe, que cet amendement vise à gommer.
J’ajoute que le problème sera aggravé par une mesure comprise dans le projet de loi relatif à la santé, que nous examinerons dans quelques mois : la création d’un nouveau type de services, les services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD, qui associeraient les services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, et les services d’aide et d’accompagnement à domicile, les SAAD. Cette mesure, du reste intéressante, vise à prendre en compte la personne dans son intégralité et, si j’ai bien compris, à unifier la tarification des services sanitaires et des services liés à la dépendance.
Il faut donc régler ce problème de différence tarifaire, sans quoi nous n’avancerons pas dans ce domaine. Le constat en est fait sur le terrain par les personnes qui changent de statut comme par les associations d’aide à domicile qui ne bénéficient pas de l’équité à laquelle elles ont droit en matière d’exonérations.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Par souci de clarté, monsieur Savary, je souhaite revenir sur vos propos : non pas sur le point de vue que vous avez exprimé au sujet du projet de loi relatif à la santé, mais sur la première partie de votre intervention.
Que personne ne voie malice dans la comparaison que je vais faire. Lorsqu’une entreprise traditionnelle emploie un plombier, elle bénéficie de la « réduction Fillon » entre 1 et 1,6 fois le SMIC, selon un barème dégressif.
Lorsque vous employez une aide à domicile – que vous soyez ou non une personne âgée – pour faire du ménage ou vous aider dans vos tâches de la vie quotidienne, l’entreprise prestataire bénéficie d’ores et déjà d’une exonération totale et non dégressive, et ce au titre de l’ensemble de ses personnels. Les 860 millions d’euros dont je vous ai parlé tout à l'heure correspondent à cela.
Le raisonnement des auteurs de l'amendement est de dire qu’un plombier, par exemple, bénéficiera de nouveaux allégements de charges dans le cadre du pacte – ce qui est vrai –, et qu’il n’y aurait donc aucune raison pour que l’employeur de l’aide à domicile ne bénéficie pas, lui aussi, d’aides supplémentaires.
Or, selon moi, il n’y a pas de raison pour qu’il en bénéficie puisque tous les employeurs dans ce secteur – toutes les associations, toutes les entreprises – bénéficient déjà d’allégements de charges complets.
M. Yves Daudigny. Belle pédagogie, monsieur le secrétaire d'État !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Cet amendement traduit une demande des associations d’aide à domicile à but non lucratif, qui effectuent un travail social considérable en direction des publics les plus fragiles. Nous-mêmes, au groupe CRC, avons été sollicités par un collectif d’associations demandant de plaider leur cause. Mais nous leur avons répondu que nous ne pouvions pas déposer un tel amendement parce qu'il allait finalement dans le sens d’un nouvel élargissement des exonérations de cotisations sociales (Mme Nicole Bricq s’exclame.) dans le cadre du pacte de compétitivité que nous-mêmes avions condamné.
Cela étant dit, cet amendement vise un certain rééquilibrage, quoi que vous en disiez. (M. le secrétaire d'État le conteste.)
Mme Nicole Bricq. Non, on ne rééquilibre rien du tout !
M. Dominique Watrin. Je dispose de différents schémas montrant que les associations d’aide à domicile ne bénéficieraient pas des élargissements accordés dans le cadre du pacte de compétitivité. L'amendement tend ainsi à leur procurer quelques avantages pour rééquilibrer un peu les choses. Mais, à nos yeux, c'est clairement du bricolage !
Le problème que nous soulevons, et dont résulte la situation de détresse des associations d’aide à domicile en direction des publics fragiles, c'est qu’elles ne sont pas rémunérées, aujourd'hui, à hauteur du coût de leur intervention. Voilà le problème principal ! C'est pourquoi j’estime que cet amendement est un amendement d'appel en direction du Gouvernement, pour qu’il prenne en urgence les mesures nécessaires.
Dans le cadre d’une mission d’information, Jean-Marie Vanlerenberghe et moi-même avons commis un rapport sénatorial intitulé « L'aide à domicile auprès des publics fragiles : un système à bout de souffle à réformer d'urgence ». Ce titre pointait l’urgence de trouver des solutions pour éviter les faillites d’associations telles que nous les vivons aujourd'hui, ainsi que la précarisation à outrance et la détérioration des conditions de vie des salariés travaillant pour les publics fragiles. Il en résulte différents problèmes en termes de qualité d’intervention auprès des publics âgés et handicapés, ainsi qu’en termes d’attractivité de ce métier, alors que les besoins vont monter en puissance.
Il nous semble donc que la solution serait effectivement de payer les associations suivant un tarif national de référence permettant de les rémunérer en fonction du coût réel des interventions. Ce coût, on peut l’estimer de manière objective, et nous avons formulé une demande dans ce sens auprès de l'administration centrale. Il ressort entre vingt-deux et vingt-trois euros de l’heure. Or l’on constate que les prix actuellement pratiqués dans les différents départements s'échelonnent de seize à vingt-cinq euros ; cette grande diversité implique que le Gouvernement réagisse.
Nous pensons même que, au-delà du prix moyen pratiqué – ou du tarif CNAV, autour de vingt euros –, il serait nécessaire que l’État prenne en charge la totalité du surcoût, dans un souci de rééquilibrage. Dans le cadre de l’APA, la participation de l’État, de près de 50 % à l’origine, est tombée progressivement à 28 %...
C'est à notre avis la seule manière de préserver ce secteur tout en y améliorant les conditions de vie et la qualité des interventions à domicile en direction des publics concernés. Pourtant, le Gouvernement ne prend pas, me semble-t-il, la mesure de l’urgence de la situation. Entre 8 000 et 10 000 emplois sont supprimés chaque année dans ces secteurs dits « attractifs » : c'est insupportable !
Pour toutes ces raisons, bien qu’étant en désaccord fondamental avec la proposition d’un nouvel élargissement des exonérations de cotisations sociales, nous nous abstiendrons pour appeler le Gouvernement à réagir d’urgence ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mlle Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Comment vivent les associations qui s'occupent de l’aide à domicile dans un département rural ? Avec la subvention du conseil général et celle des communautés de communes. Ces associations sont dans un état très difficile…
Je soutiens donc cet amendement. Tout le monde sait que l’exonération en zone de revitalisation rurale – ZRR – n’existe plus pour le personnel des associations, ou qu’elle est du moins très limitée. Et les associations ne bénéficient pas davantage du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Or les associations font un travail formidable de maintien à domicile – c’est ce que souhaitent les personnes âgées et les personnes handicapées. Mais, j’y insiste, elles rencontrent de grandes difficultés, tout comme, d'ailleurs, les personnes âgées concernées même si elles ne paient qu’une petite partie de l’APA.
Je pense donc que cet amendement, qui tend à aligner les exonérations dont bénéficient ces associations sur celles qui résultent de la loi Fillon, va dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Derrière cet amendement, qui vise à exonérer au maximum les charges liées aux aides ménagères, il y a selon moi un symbole.
Mme Nicole Bricq. Un symbole à 50 millions d’euros !
M. Gérard Roche. Particulièrement dans le milieu rural, une très forte détresse se fait jour autour de la question du maintien à domicile grâce à ces aides. Au groupe UDI-UC, nous avons déposé cet amendement non seulement pour son aspect financier, mais aussi pour son aspect social : il faut absolument adresser un signe à tous ces gens désespérés.
S'occuper des personnes âgées et des personnes handicapées, ce n’est pas un métier facile ! Pour montrer l’importance que nous accordons à cet amendement, nous avons demandé un scrutin public. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mlle Sophie Joissains et Mme Agnès Canayer applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que la commission s'en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 203 |
Contre | 122 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je rappelle simplement aux membres de la commission des affaires sociales que celle-ci se réunit immédiatement et pendant une heure afin de poursuivre l’examen des amendements.
6
Dépôt de documents
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique » ;
- et la convention entre l’État et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine relative au programme d’investissements d’avenir, action « Projets innovants en faveur de la jeunesse ».
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires économiques.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Financement de la sécurité sociale pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Dans la discussion des articles de la troisième partie, nous en sommes parvenus à l’article 8 bis.
Article 8 bis (nouveau)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 171-3, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, est ainsi modifié :
a) Après le mot : « affiliées », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : «, dans des conditions fixées par décret, à un seul des régimes de sécurité sociale dont relèvent ces activités. » ;
b) Après le mot : « dans », la fin de la seconde phrase du même alinéa est ainsi rédigée : « ce seul régime. » ;
c) Les deuxième à avant-dernier alinéas sont supprimés ;
2° Après l’article L. 171-3, il est inséré un article L. 171-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 171-6. – Des règles de coordination sont instituées, par décret, entre régimes d’assurance maladie et maternité pour les personnes n’exerçant pas d’activité professionnelle les assujettissant à un régime de sécurité sociale qui :
« 1° Ont relevé, simultanément ou successivement, soit de régimes de travailleurs salariés, soit d’un régime de travailleurs salariés et d’un régime de travailleurs non salariés, soit de plusieurs régimes de travailleurs non salariés ;
« 2° Ou sont titulaires de plusieurs pensions servies soit par des régimes de travailleurs salariés, soit par des régimes de travailleurs salariés et non salariés, soit par des régimes de travailleurs non salariés. » ;
3° Le 4° de l’article L. 613-2, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 précitée, est abrogé ;
4° Le second alinéa de l’article L. 613-4, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 précitée, est ainsi rédigé :
« Le droit aux prestations en nature est ouvert dans l’un ou l’autre de ces régimes, selon des modalités définies par décret. » ;
5° Les articles L. 161-6, L. 613-5 et L. 613-6 sont abrogés ;
6° Le deuxième alinéa de l’article L. 613-7, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 précitée, est ainsi rédigé :
« Le droit aux prestations en nature est ouvert dans l’un ou l’autre de ces régimes, selon des modalités définies par décret. » ;
7° L’article L. 613-7-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 précitée, est ainsi modifié :
a) Au début des I et II, sont ajoutés les mots : « Sauf demande contraire de leur part effectuée dans des conditions fixées par décret, » ;
b) Au I, les mots : «, sauf demande contraire de leur part effectuée dans des conditions fixées par décret, » sont supprimés ;
8° L’article L. 622-10, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 précitée, est abrogé ;
9° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 161-1-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 précitée, est ainsi rédigée :
« Le cas échéant, les cotisations de sécurité sociale ayant fait l’objet de cette exonération et dues au titre de la période courant à compter de cette date font l’objet d’une régularisation, dans des conditions définies par décret. » ;
10° Au début du III de l’article L. 325-1, les mots : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 161-6, » sont supprimés.
II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 732-9 est ainsi modifié :
a) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Pour les personnes mentionnées au 2° de l’article L. 722-12, le droit aux prestations en nature est ouvert dans l’un ou l’autre des régimes auxquels elles sont affiliées, selon des modalités définies par décret. » ;
b) Le III est abrogé ;
2° Au début du cinquième alinéa de l’article L. 761-3, les mots : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 161-6 du code de la sécurité sociale, » sont supprimés.
III. – A. – Le présent article s’applique aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2015.
B. – Par dérogation au A du présent III, les 7° et 9° du I s’appliquent aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale dues au titre des périodes courant à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1er janvier 2016.
M. le président. L'amendement n° 31 rectifié bis, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 10 et 19
Supprimer ces alinéas.
II. – Après l’alinéa 22
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le I de l’article 25 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa du 9° est supprimé ;
2° Le 12° est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de coordination que je soumets à votre sagacité, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis, modifié.
(L'article 8 bis est adopté.)
Article 8 ter (nouveau)
Le I bis de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« I bis. – Chaque heure de travail effectuée par les salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du code du travail ouvre droit à une déduction forfaitaire patronale :
« 1° De la cotisation due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, à hauteur de 0,75 € dans les cas autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° ;
« 2° Des cotisations de sécurité sociale, à hauteur de 1,50 €, pour les salariés à domicile employés pour des activités de garde d’enfants dont l’âge dépasse l’âge limite mentionné au IV de l’article L. 531-5 et n’excède pas celui mentionné au premier alinéa de l’article L. 521-3, dans la limite d’un nombre d’heures fixé par décret et sous réserve, pour l’employeur, de se conformer aux modalités de déclaration fixées par le décret mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 531-8 ;
« 3° Des cotisations et contributions sociales d’origine légale et conventionnelle, à hauteur de 3,70 €, dans les départements d’outre-mer ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
« Ces déductions ne sont cumulables avec aucune exonération de cotisations sociales, ni avec l’application de taux ou d’assiettes spécifiques ou de montants forfaitaires de cotisations. »
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le régime applicable aux cotisations des particuliers employeurs a été réformé à plusieurs reprises : ont ainsi été supprimés, en 2011, l’abattement de quinze points sur les cotisations patronales et, en 2012, la possibilité de déclarer au forfait, ce qui a représenté une augmentation de 12 % pour les ménages concernés.
Cette seconde modification a eu toutefois l’avantage de rétablir les salariés dans leurs droits et elle a été compensée par une réduction des cotisations de 75 centimes d’euros par heure déclarée.
À plusieurs reprises, nous avons été alertés au sujet d’une dégradation du secteur, qui représente 3,6 millions de particuliers employeurs et 1,6 million de salariés. En 2013, les déclarations ont enregistré une diminution de plus de 29 millions d’heures, soit près de 16 500 emplois équivalents temps plein, après une première baisse de 12 000 emplois équivalents temps plein en 2012. Selon les derniers chiffres de l’ACOSS, la masse salariale versée par les particuliers employeurs recule de nouveau de 1,7 % sur un an.
En juillet dernier, le Sénat avait adopté par deux fois à l’unanimité, en commission puis en séance, un amendement visant à porter de 75 centimes d’euro à 1,50 euro le montant de la réduction de cotisations.
Victime, dans cette enceinte, d’une seconde délibération et d’un vote bloqué, relevé par l’Assemblée nationale mais sur un périmètre restreint aux publics dits fragiles, l’amendement est finalement tombé dans « l’entonnoir » du Conseil constitutionnel.
Nous y revenons, car ce qui était problème et a été entendu comme tel sur toutes les travées des deux assemblées reste, selon nous, problème aujourd’hui.
Ainsi, à l’occasion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’amendement est représenté, identique sur plusieurs travées.
J’ai de surcroît repris pour ma part l’amendement visant le champ des publics fragiles, compte tenu des remarques faites par Mme la ministre en juillet dernier et de son engagement de préciser par circulaire les emplois éligibles, afin de bien les cibler.
Ce dernier dispositif pourrait de nouveau constituer une solution alternative raisonnable.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 96 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mme Meunier, MM. Dilain, Jeansannetas et Daudigny et Mmes Génisson, Claireaux et Emery-Dumas, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – À la fin de la première phrase du I bis de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, les mots : « par décret » sont remplacés par les mots : « à 1,50 euro ».
II. – Le I s’applique aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2015.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I et du II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement reprend les éléments exposés au cours de la discussion du mois de juillet dernier ici même. Je ne les rappelle pas, car ils sont bien connus de l’ensemble de nos collègues.
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – À la fin de la première phrase du I bis de l'article L. 241–10 du code de la sécurité sociale, les mots : « par décret » sont remplacés par les mots : « à 1,50 euro ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. M. Daudigny a parfaitement rappelé l’impact de la suppression, en janvier 2013, du régime du forfait.
Certes, une réduction de cotisations de 75 centimes d’euro par heure travaillée a été instaurée, mais elle n’a pas modifié fondamentalement la situation de ce secteur d’emploi, qui a perdu de ce fait, cela a été dit, environ 16 000 emplois équivalents temps plein.
Il s’agit aujourd'hui de revenir sur ce problème. Je rappelle que le 16 juillet dernier le Sénat a voté à l’unanimité une disposition visant à porter à 1,50 euro la réduction de cotisations, afin de redonner un peu d’espoir aux particuliers employeurs, qui, sinon, seront obligés soit de supprimer carrément des emplois, soit de recourir, on le sait très bien, à un marché parallèle, qui exclut toute déclaration des salariés.
M. le président. L'amendement n° 211 rectifié bis, présenté par MM. Daudigny, Godefroy, Bérit-Débat et Dilain, Mme Génisson, M. Jeansannetas, Mme Meunier, M. Tourenne, Mmes Schillinger et Emery-Dumas et M. Vergoz, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Après la première phrase du I bis de l'article L. 241–10 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Cette déduction est fixée à 1,50 euro pour les salariés mentionnés à l'article L. 7221–1 du code du travail employés pour des services destinés aux enfants, aux personnes âgées en perte d'autonomie et aux personnes handicapées. »
II. - Le I s'applique aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement tend également à doubler le montant de la réduction de cotisations pour la porter à 1,50 euro au 1er janvier 2015. Il ne vise toutefois que le public pour lequel ces services ne sont pas de confort, à savoir la petite enfance, les personnes âgées dépendantes ou en voie de perte d'autonomie et les personnes handicapées.
Cette proposition ciblée ainsi est conforme aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie.
Il est aujourd'hui soumis à votre approbation, mes chers collègues, dans l’hypothèse où les amendements précédents ne seraient pas adoptés.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 100 est présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
Après les mots :
à hauteur de
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
1,50 €
II. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'augmentation de la réduction forfaitaire de cotisations par heure travaillée est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 32.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne rappellerai pas les motifs ayant présidé au dépôt de cet amendement, qui ont été parfaitement exprimés par MM. Daudigny et Barbier. Nous partageons selon moi les mêmes constats, ce qui nous conduit à proposer de porter de 0,75 à 1,50 euro la réduction forfaitaire.
Simplement, c’est la cible qui change. Ainsi cet amendement, sur lequel la commission a émis un avis favorable, concerne-t-il l’ensemble des emplois à domicile.
Reste évidemment au Gouvernement, au niveau réglementaire, à revoir la liste des emplois concernés, pour écarter de l’augmentation de la réduction forfaitaire ceux qui ne correspondent pas à l’esprit de ce que nous voulons faire.
La commission demande la priorité pour la mise aux voix de cet amendement de portée assez générale.
M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 100.
Mme Elisabeth Doineau. L’objet de cet amendement, identique au précédent, est de porter de 0,75 à 1,50 euro la réduction forfaitaire de cotisations par heure travaillée pour les emplois à domicile.
Dans ce secteur, le nombre d’heures déclarées a diminué fortement, de 4,9 % en 2011 et de 4,5 % en 2012. Concrètement, cela a représenté en 2012 la destruction nette de 6 900 emplois équivalents temps plein, la perte de 70 millions d’euros de salaires nets, l’alourdissement de 12 % du coût de l’emploi à domicile, tandis que les déclarations enregistraient une baisse de 11 millions d’heures.
Le régime fiscal de l’aide à domicile a pourtant été encore durci, avec la suppression de la possibilité, pour l’employeur, de cotiser sur une assiette forfaitaire.
C’est pour contrebalancer cette dernière mesure que la réduction forfaitaire de 0,75 euro, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, a été mise en place.
Mais son montant est trop faible pour avoir eu l’impact escompté. Le volume des heures déclarées dans le secteur de l’emploi à domicile a reculé de 6 % en 2013, soit l’équivalent de 16 500 emplois détruits. Notre proposition vise donc à lutter contre le développement du travail au noir.
Si cet amendement n’était pas adopté, le Gouvernement se priverait, pour réaliser une économie de quelques millions d’euros, de dizaines voire de centaines de millions d’euros de recettes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 96 rectifié, 145 rectifié et 211 rectifié bis ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En présentant l’amendement de la commission, j’ai exprimé sa position, qui me semble très explicite : nous souhaitons que le doublement de la réduction forfaitaire s’applique à l’ensemble des emplois, et non pas à certains emplois ciblés d’une façon sans doute intéressante, mais imparfaite. Car toute cible est restrictive.
Selon moi, une telle mesure est de nature à favoriser l’emploi, à faire reculer l’emploi non déclaré, et donc à augmenter les cotisations versées à la sécurité sociale. Il y a tout avantage à voter l’amendement de la commission, ce qui ne veut pas dire que les autres soient sans intérêt. Tous se rejoignent, témoignant de notre volonté de traduire dans les faits ce que nous avions déjà voté ici à l’unanimité en juillet dernier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 96 rectifié, 145 rectifié et 211 rectifié bis, ainsi que sur les amendements identiques nos 32 et 100 ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je serai bref, car nous avons déjà eu de nombreux échanges sur ce sujet.
Monsieur le rapporteur général, selon vous, et je partage votre point de vue, ces amendements se distinguent par leur cible.
Je ne comprends donc pas que vous nous proposiez d’adopter celui qui, justement, n’est pas ciblé. Tous les autres, ou presque – je pense en particulier à celui de M. Daudigny – ont l’avantage de cerner le problème, de respecter, me semble-t-il, une recommandation de la Cour des comptes, et de rejoindre le point de vue du Gouvernement.
Le présent article prévoit de cibler le doublement de la réduction forfaitaire, laquelle trouve son origine dans une succession de décisions déjà retracées assez longuement dans cet hémicycle, sur la garde d’enfants.
Le Gouvernement souhaite donc s’en tenir au ciblage retenu par l’Assemblée nationale, après discussion. Nous estimons le coût de l’amendement de la commission des affaires sociales à 186 millions d’euros. Certes, on peut toujours penser que l’augmentation des heures travaillées permettra de couvrir cette charge, mais tel n’est pas notre sentiment profond. Je rappelle qu’il existe déjà de nombreuses mesures, fiscales et sociales, représentant au total une dépense de près de 6 milliards d’euros en faveur de ce secteur. Vous proposez de l’accroître encore de 186 millions d’euros, ce à quoi le Gouvernement n’est pas favorable. Les autres amendements étaient plus ciblés, même s’ils ne l’étaient pas toujours autant que nous l’aurions souhaité.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Demande de priorité
M. le président. J’ai été saisi par la commission d’une demande de priorité de mise aux voix des amendements identiques nos 32 et 100.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le secrétaire d’État, il est exact que nous n’avons pas ciblé notre amendement, mais je vous renvoie à l’article D. 7231–1 du code du travail, qui établit en quelque sorte un classement préférentiel en visant à la fois « les activités de services à la personne soumises à agrément » et « les activités de services à la personne soumises à titre facultatif à la déclaration prévue à l’article L. 7232–1–1 ». De fait, vous avez la main, si j’ose dire, pour moduler en quelque sorte notre amendement et élargir au maximum la liste des activités ciblées par nos collègues. L’objectif est de favoriser l’emploi dans le secteur des services à la personne.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, l’article auquel vous faites référence dresse simplement la liste des activités éligibles aux déductions en vigueur, y compris les déductions fiscales.
Vous proposez de porter de 0,75 euro à 1,50 euro la réduction forfaitaire de cotisations par heure travaillée, quelle que soit la prestation fournie. Je le répète, votre amendement n’est pas ciblé et il ne pourra pas l’être par voie réglementaire, sauf à décider, ce qui n’est pas l’intention du Gouvernement, de sélectionner parmi les emplois à domicile ceux qui feraient l’objet de la mesure fiscale et des mesures de réduction des cotisations sociales.
Si cet amendement est voté, le Gouvernement n’aura pas la possibilité d’en cibler la portée par voie réglementaire.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 32 et 100.
M. René-Paul Savary. Monsieur le secrétaire d’État, vos propos démontrent que vous n’avez pas la volonté de fixer par voie réglementaire la liste des activités de services à la personne qui pourraient bénéficier d’une exonération de charges plus importante, à hauteur de 1,50 euro. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
La commission, en présentant l’amendement qu’a défendu le rapporteur général, était confiante dans la volonté du Gouvernement de revoir cette liste, qu’il n’y a pas lieu de reconduire éternellement si elle ne correspond plus à la réalité des choses, que ce soit sur le plan du service rendu ou sur le plan financier. (Mme Nicole Bricq s’exclame de nouveau.)
Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention : la mesure que propose la commission est particulièrement importante. Pourquoi ? Parce qu’il est question d’emploi, aussi bien en ville qu’en milieu rural, il est question de rendre service à des personnes en menant en leur direction des actions préventives.
Nous examinerons prochainement le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui vise notamment à prendre davantage en compte la prévention. Mais avec quels moyens ?
Grâce à l’emploi à domicile, nous avons la possibilité de faire de la prévention, de prévenir les risques notamment chez les personnes âgées. Nous le savons, il suffit parfois d’un accident domestique pour faire basculer une personne âgée d’un GIR 5 ou 6 à un GIR plus bas dans la grille. Le coût pour la société s’en trouve alors bien plus élevé compte tenu de la situation de dépendance ainsi créée.
Nous tenons là une piste extraordinaire pour créer davantage d’emplois et mieux prendre en compte nos concitoyens, notamment les personnes fragiles. La commission était déterminée à amener le Gouvernement à revoir cette liste par voie réglementaire et, de fait, votre réponse nous trouble, monsieur le secrétaire d'État. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vous rappelle que les personnes fragiles sont déjà totalement exonérées de cotisations sociales.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 100.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 22 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 328 |
Contre | 12 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
En conséquence, les amendements nos 96 rectifié, 145 rectifié et 211 rectifié bis n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 8 ter, modifié.
(L'article 8 ter est adopté.)
Article 8 quater (nouveau)
Après le b du 3° du III de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice du présent III ne peut s’appliquer dans les établissements, centres et services mentionnés aux 2° et 3°, au b du 5° et aux 6°, 7°, 11° et 12° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, au titre des prestations financées par les organismes de sécurité sociale en application de l’article L. 314-3 du même code. » – (Adopté.)
Article 8 quinquies (nouveau)
Aux 1° et 2° de l’article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014–892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, après le mot : « taux », sont insérés les mots : « fixé par décret ». – (Adopté.)
Article 9
I. – Le code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 précitée, est ainsi modifié :
1° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre II est complétée par un article L. 242-4-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 242-4-4. – Pour l’application des articles L. 241-2, L. 241-3, L. 241-5 et L. 241-6 du présent code ainsi que des articles L. 741-9 et L. 751-10 du code rural et de la pêche maritime, des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par décret pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés auxquels ne s’applique pas le salaire minimum de croissance ou qui sont soumis à l’obligation d’affiliation prévue à l’article L. 311-3 du présent code, afin de préserver leurs droits aux assurances sociales. Ces cotisations ne peuvent excéder celles dues au niveau du salaire minimum de croissance à plein temps.
« Des cotisations forfaitaires peuvent également être fixées par décret pour certaines activités revêtant un caractère occasionnel ou saisonnier, sous réserve, pour les rémunérations égales ou supérieures à 1,5 fois la valeur du plafond mentionné à l’article L. 241-3 correspondant à la durée du travail, que leur application ne conduise pas à une diminution de plus de 30 % du montant qui serait dû en l’absence de telles cotisations forfaitaires. » ;
2° (nouveau) Le quatrième alinéa de l’article L. 241-2, le troisième alinéa de l’article L. 241-3 et le deuxième alinéa de l’article L. 241-5 sont supprimés ;
3° (nouveau) La dernière phrase du 1° de l’article L. 241-6 est supprimée.
II (nouveau). – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 741-13 est supprimé ;
2° L’article L. 751-19 est abrogé.
III (nouveau). – Les cotisations forfaitaires fixées par arrêté ministériel en application des articles L. 241-2, L. 241-3, L. 241-5 et L. 241-6 du code de la sécurité sociale, ainsi que du premier alinéa de l’article L. 741-13 et de l’article L. 751-19 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction antérieure à la présente loi, demeurent applicables jusqu’à la publication du décret prévu à l’article L. 242-4-4 du code de la sécurité sociale et, à défaut, jusqu’au 31 décembre 2015.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le code de la sécurité sociale permet de fixer forfaitairement, par arrêté ministériel, l’assiette de cotisations sociales pour certaines activités.
Ces assiettes forfaitaires sont utilisées dans plusieurs cas, et de plusieurs manières.
Elles permettent de cotiser sur un montant supérieur au salaire brut quand ce dernier est particulièrement faible. C’est le cas pour les activités de réinsertion professionnelle ou le travail effectué par les personnes détenues.
Elles permettent de réduire le montant des cotisations, dans deux types de situation : pour les salariés exerçant dans un secteur où il est estimé que l’offre de travail est particulièrement sensible au coût du travail, comme l’animation, ou pour les salariés percevant des rémunérations élevées. Dans ce cas, non seulement l’assiette forfaitaire réduit de manière injuste les droits contributifs des salariés, mais elle permet également de diminuer purement et simplement les cotisations versées sur les rémunérations élevées, ce à quoi nous nous opposons.
Ainsi, dans le présent article, il est proposé de plafonner à 30 % l’abattement d’assiette auquel il est procédé pour les salariés dont la rémunération est supérieure à 1,5 fois la valeur du plafond de la sécurité sociale – qui s’élèvera à 3 170 euros en 2015.
Cette mesure permet de dégager des recettes supplémentaires pour notre protection sociale, ce qui va dans le sens de ce que nous proposons au sein du groupe communiste, républicain et citoyen.
En effet, les entreprises tirant bénéfice de notre système de protection sociale, il est juste qu’elles participent à son financement.
Pour autant, le choix d’un plafond de 30 % et le fait que l’article ne concerne que les rémunérations supérieures à 1,5 fois le plafond de la sécurité sociale restreignent fortement sa portée.
Ainsi, la mesure ne concerne, dans la pratique, que les formateurs occasionnels et les personnes rémunérées par des associations sportives.
Pour les premiers, le passage des taux d’abattement actuellement en vigueur à un taux d’abattement de 30 % permettra de dégager de l’ordre de 10 millions d’euros de cotisations sociales supplémentaires. Pour les secondes, 5 millions d’euros de cotisations sociales supplémentaires seront dégagés, soit un total de 15 millions d’euros de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale.
L’étude d’impact nous indique que le taux de 30 % a été choisi car il correspond à celui qui est utilisé par ailleurs pour la déduction forfaitaire spécifique. Or cet argument nous paraît insuffisant pour justifier le taux retenu.
De même, nous nous opposons au choix de limiter la mesure aux rémunérations supérieures à 1,5 fois le plafond de la sécurité sociale. Cela revient, en effet, à exclure du plafonnement les assiettes forfaitaires effectuées dans une optique de baisse du coût du travail. Or, rappelons qu’elles sont défavorables aux salariés puisqu’elles réduisent notamment leurs droits à la retraite ou à indemnités journalières, qui sont calculés à partir des cotisations réellement versées. De surcroît, le risque de trappe à bas salaire existe bel et bien, puisque le taux d’abattement restera élevé pour les plus petites rémunérations.
Dans cette optique, si nous saluons l’effort consenti pour réduire ce que nous considérons comme une niche sociale, nous estimons qu’il est nécessaire d’aller plus loin, notamment en étendant cette mesure à l’ensemble des rémunérations pour lesquelles l’assiette forfaitaire réduit de fait le taux de cotisation. Cela permettrait, d’une part, d’augmenter les droits sociaux des salariés concernés et, d’autre part, d’engendrer de nouvelles recettes pour la sécurité sociale.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons lors du vote sur cet article.
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer la référence :
chapitre Ier
par la référence :
chapitre II
II. – Alinéa 4
Après le mot :
que
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
la base de calcul des cotisations soit au moins égale à 70 % de la rémunération. » ;
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est un amendement de coordination et de précision.
Dans les cas où les cotisations sociales sont calculées sur une base forfaitaire, il s’agit de comparer l’assiette forfaitaire à la rémunération effective pour vérifier qu’elle ne dépasse pas 70 % de celle-ci. Ce dispositif est plus simple, il n'oblige pas à calculer les cotisations qui auraient été dues sur la rémunération effective.
Voilà ce que notre commission a adopté, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cette coordination est bienvenue. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. L’amendement n° 227, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 5° bis de l’article L. 213-1, sont insérés un 5° ter et un 5° quater ainsi rédigés :
« 5° ... Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 242-7-2 du présent code ;
« 5° ... Le contrôle et le contentieux du recouvrement prévu aux 1°, 2°, 3°, 5°, 5° bis et 5° ter ; »
2° Après la section 1 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2, est rétablie une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Cotisations assises sur la masse salariale
« Art. L. 242-7-2. – I. – Pour l’application du présent article :
« La répartition des richesses des sociétés à l’échelle nationale est définie annuellement par le calcul du ratio Rn de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers au sens de l’article L. 245-16 de l’ensemble des sociétés ayant leur siège sur le territoire français ;
« La répartition des richesses des sociétés à l’échelle des sections du niveau 1 de la nomenclature des activités françaises de l’Institut national de la statistique et des études économiques en vigueur est définie annuellement par le calcul du ratio Rs, correspondant au ratio moyen Re de l’ensemble des sociétés qui composent la section ;
« La répartition des richesses d’une société est définie annuellement par le calcul du ratio Re de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers au sens de l’article L. 245-16 de la société ;
« Les ratios Rn et Re de l’année précédant la promulgation de la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 du garantissant l’avenir et la justice du système de retraites servent de référence pour le calcul des taux de variation annuels de Rn, et Re exprimés en pourcentage.
« II. – Les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce s’acquittent annuellement, selon les modalités définies au présent article, d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse calculée en fonction de l’écart entre le ratio Re et le ratio Rs d’une part, et d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse calculée en fonction de l’écart entre les taux de variation de Re et de Rn d’autre part.
« Les sociétés dont le ratio Re est supérieur ou égal au ratio Rs de la section de laquelle elles relèvent, ou dont le taux de variation annuel du ratio Re est positif ou nul et supérieur au taux de variation annuel du ratio Rn, restent assujetties aux taux de cotisation d’assurance vieillesse de droit commun.
« Les sociétés dont le niveau annuel de Re est inférieur au niveau annuel de Rs de la section dont elles relèvent s’acquittent d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de leur masse salariale dont le taux est égal à l’écart entre Rs et Re.
« Les sociétés dont le taux de variation annuel du ratio Re est positif ou nul mais inférieur au taux de variation du ratio Rn, ou négatif, s’acquittent d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de sa masse salariale, dont le taux est égal à l’écart entre les taux de variation Rn et Re.
« Les cotisations additionnelles mentionnées au présent article sont cumulatives.
« Les cotisations prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à insérer un article additionnel qui prévoit une modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses : les entreprises privilégiant une répartition des richesses en faveur du capital et au détriment de l’emploi, des salaires et de la formation professionnelle sont soumises à deux cotisations sociales additionnelles permettant de financer la protection sociale.
Avec cet amendement, nous continuons à défendre au sein de cet hémicycle des propositions concrètes destinées à assurer l’avenir de notre système de protection sociale. Nous proposons d’instaurer une modulation, que l’on pourrait qualifier d’« intelligente », des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises.
Nous avions déjà présenté un amendement similaire lors des précédents examens des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Vous nous aviez répondu à l’époque que le Gouvernement n’était pas favorable à cet amendement non pas parce que la réflexion qu’il engageait sur le système de protection sociale n’était pas intéressante, mais parce qu’elle avait une dimension structurelle qui impliquait une expertise dont nous ne disposions pas. Depuis, notre collègue parlementaire Nicolas Sansu a donné des éléments d’expertise dans son rapport sur la proposition de loi relative à la modulation des contributions des entreprises à l’Assemblée nationale.
Le moment est donc venu, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, dont les mécanismes sont fort simples derrière une apparente complexité : les entreprises qui augmenteraient la part des salaires et favoriseraient l’emploi et la formation verraient leurs cotisations allégées, alors que celles qui, à l’inverse, privilégieraient la rentabilité financière devraient supporter des cotisations alourdies.
Cette modulation contribuerait, je pense, à faire pression sur les logiques financières des entreprises. Dans le même temps, elle dégagerait des moyens nouveaux pour la protection sociale. Une telle disposition récompenserait, en quelque sorte, les entreprises vertueuses.
Notre amendement vise donc à créer de nouvelles recettes par une mise à contribution modulée des revenus financiers des entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement prévoit la modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction du choix des entreprises en matière de répartition des richesses.
Je rappelle que les cotisations vieillesse ont une vocation assurantielle : elles permettent aux salariés de se constituer des droits à la retraite. À nos yeux, elles n’ont pas à être utilisées pour inciter les entreprises à mener telle ou telle politique en matière d’emploi, de salaire ou de formation professionnelle.
Du reste, l’extrême complexité du dispositif que vous proposez par le présent amendement le rendrait difficilement applicable et nuirait sans aucun doute à la santé économique des entreprises.
Aussi, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si l’on peut entendre et comprendre la volonté des auteurs de l’amendement, un argument me laisse toutefois quelque peu pantois, c’est quand on qualifie ce dispositif de « simple ». Je vous invite à lire quelques paragraphes – je ne vais pas le faire ici car le temps nous est compté.
Mme Annie David. Mais vous pouvez !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Reconnaissez avec moi que cet amendement est plutôt compliqué, par sa longueur, sa densité, son écriture et par les indices et les index qu’il pose.
Le Gouvernement ne peut donc pas donner un avis favorable à un amendement aussi structurel. D’ailleurs, quand on examine dans le détail son contenu et ses effets, car nous avons tenté de le faire, on se rend bien compte que si l’idée initiale peut être de favoriser les entreprises qui embauchent en tenant compte des dépenses de formation et d’apprentissage, par le calcul du ratio de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des résultats financiers, tout cela dépend en fait du secteur.
La situation des entreprises industrielles est, par exemple, complètement différente de celle que connaissent les entreprises de services et je crains que l’effet que vous recherchez ne soit pas atteint. Ce dispositif risque au contraire de pénaliser l’emploi dans certains secteurs et de créer des problèmes de compétitivité. Je pense notamment au secteur industriel pour lequel ce ratio est très différent de celui des services.
Cet amendement ne nous paraît pas recevable en l’état. En tout cas, il est tout sauf simple.
Donc, l’avis est défavorable.
M. le président. L'amendement n° 228, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 5° bis de l’article L. 213-1, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :
« 5° ter Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 245-17 ; »
2° Le chapitre 5 du titre 4 du livre 2 est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières
« Art. L. 245-17. – Les revenus financiers des prestataires de service visés au livre V du code monétaire et financier entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les revenus financiers des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce, à l’exclusion des prestataires visés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisations salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Au travers de cet amendement, nous proposons d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et des sociétés non financières à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux serait égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse patronale et salariale du secteur privé.
Cette nouvelle contribution, qui apportera un surcroît de recettes estimé à plus de 30 milliards d’euros, poursuit un double objectif : un financement rapide des régimes obligatoires de retraite et une incitation forte pour les entreprises à privilégier le facteur travail. Vous le voyez, nous sommes toujours dans la même logique.
Soyons clairs, nous ne parlons en l’occurrence ni de l’épargne des particuliers ni des revenus des petites entreprises. Nous visons bien les revenus des grands groupes financiers et non financiers qui, en 2013, ont réalisé 50 milliards d’euros de bénéfices et reversé près de 40 milliards d’euros de dividendes !
C’est un fait, la répartition des richesses entre capital et travail n’a cessé d’évoluer au détriment de la rémunération des salariés, et donc, par un effet mécanique, au détriment du financement de notre système de protection sociale. Ainsi, la part de richesses qui a bénéficié au capital sous la forme de versement de dividendes, par exemple, a augmenté par rapport à celle qui a profité aux salaires. De fait, 10 % du PIB sont passés de l’un à l’autre – au détriment du travail, bien évidemment ! On continue à nous parler du coût du travail ; pour ma part, je parlerais plutôt du coût du capital ! Dans le même temps, les revenus financiers des grandes entreprises n’ont cessé de croître. Leur appliquer les taux des cotisations patronales rapporterait plus de 30 milliards d’euros au régime général.
Le Gouvernement ne peut plus nous répondre que la mesure serait trop brutale pour les entreprises. En effet, si le Premier ministre aime les entreprises autant qu’il les cajole avec le pacte de responsabilité, elles comprendront la nécessité de participer au financement de notre système de protection sociale.
Quoi qu’il en soit, nous reprenons cette proposition. Elle permettrait de rééquilibrer les efforts indispensables au financement de notre système de sécurité sociale en mettant à contribution les revenus financiers de ces grands groupes financiers et non financiers au même niveau que les salaires. Si une réforme du droit communautaire doit être conduite pour s’attaquer à la taxation des dividendes intragroupes, nous pourrons demander à M. Moscovici d’engager les discussions rapidement.
Tel est le sens de cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Comme pour l’amendement précédent, il importe de rappeler que le système français de retraite par répartition est un système essentiellement assurantiel, dans lequel le salarié et son employeur versent des cotisations pour ouvrir au salarié des droits à une pension de retraite.
Or la contribution d’assurance vieillesse proposée dans le présent amendement est assise sur les revenus financiers des entreprises et est dépourvue de tout lien avec le salarié et son salaire.
En outre, une telle mesure nuirait à la compétitivité de nos entreprises – je reprends l’argumentation de l’amendement précédent – et pénaliserait sévèrement l’investissement et, partant, l’emploi.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Même si j’apprécie la délicatesse de la présentation, cet amendement est contraire au droit communautaire. Les auteurs de l’amendement pourraient, à mon avis, chercher des inspirations au sein de leur propre groupe pour trouver les remèdes à ce qu’ils décrivent eux-mêmes comme des handicaps à leur amendement.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. L'amendement n° 226, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-10-… ainsi rédigé :
« Art. L. 242-10 – … – Les entreprises d’au moins vingt salariés dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à insérer un article additionnel prévoyant de majorer de 10 % les cotisations d’assurance sociale dues par l’employeur dans les entreprises de plus de vingt salariés comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salariés à temps partiel, afin de décourager le recours au temps partiel – bien évidemment, contraint – et d’inciter fortement à l’accroissement de la durée d’activité.
Avec cet amendement, nous entendons relancer un débat important que nous avons déjà eu dans cet hémicycle, mais auquel il faut sans cesse revenir : le débat sur la réduction du nombre de contrats à temps partiel.
En effet, le travail à temps partiel pose la question de la précarité du travail, qui touche majoritairement les femmes. En outre, ces contrats à temps partiel limitent les rentrées de cotisations sociales.
Comme nous avons eu l’occasion de le dire lors de l’examen du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, « qui dit temps partiel dit salaire partiel et pensions de retraite partielles. La précarité, marquée notamment par la flexibilité, est source de grandes inégalités dont souffrent majoritairement les femmes ».
Vous le savez – je crois d’ailleurs qu’il y a convergence à gauche sur cette idée –, le temps partiel est un paramètre clef des inégalités salariales et professionnelles. Il explique un peu plus du tiers de l’écart d’environ 27 % qui existe entre les salaires des femmes et ceux des hommes. Qui plus est, les temps partiels ne sont pas sans incidence sur les comptes sociaux – c’est le sujet qui nous occupe aujourd’hui –, puisqu’ils entraînent l’application des cotisations sociales sur une base de salaires réduite.
Je tiens à rappeler que, théoriquement, en droit français, la norme doit être le contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. Il faut rompre avec une logique qui encourage les employeurs à recruter des salariés en s’arrangeant pour qu’ils leur coûtent le moins cher possible, sans s’occuper des conséquences pour les salariés précarisés ou, par le biais des dépenses sociales et d’accompagnement, pour la collectivité. L’accroissement des marges des entreprises et l’augmentation de la rémunération des actionnaires ou titulaires de parts sociales se justifient encore moins s’ils sont réalisés au détriment de la collectivité.
J’ajoute que ce problème relève non pas de la négociation entre les partenaires sociaux, mais des prérogatives du Parlement.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement précis et très simple, qui vise à majorer de 10 % la part patronale des cotisations sociales due par les entreprises employant plus de 20 % de leur effectif à temps partiel.
Je suis très étonnée que, dans cet hémicycle, il ne soit jamais question de conditionner les aides ou les exonérations offertes aux grandes entreprises. Pourtant, nous le faisons dans nos collectivités territoriales sans que cela pose problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à majorer les cotisations d’assurance sociale employeur des entreprises qui comptent au moins 20 % de salariés à temps partiel.
Ces cotisations d’assurance sociale ont vocation non à être utilisées pour inciter les entreprises à avoir plus ou moins recours au temps partiel, mais à ouvrir des droits aux salariés sur une base assurantielle.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Utiliser le taux de cotisation comme une pénalité ne correspond pas à l’esprit de nos lois. Je doute que le Conseil constitutionnel apprécierait l’adoption d’une telle mesure. Néanmoins, nul ne peut se substituer à lui…
Majorer le taux de cotisations sociales patronales de toutes les entreprises, quelle que soit la situation, ne me paraît ni équitable ni efficace. Le Gouvernement partage votre souci de protéger les salariés et de lutter contre le temps partiel imposé, mais cela passe par des mesures adaptées, comme celles qui ont été mises en œuvre par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
Mme Annie David. Parlons-en !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous rappelle que la durée minimale des contrats de travail à temps partiel a ainsi été portée à 24 heures par semaine, contre 20 heures auparavant. De plus, la première heure complémentaire est désormais rémunérée et le salarié à temps partiel a maintenant droit à une meilleure organisation de son temps de travail, en particulier pour éviter les longues coupures dans la journée.
Je ne peux donc pas vous laisser dire que le Gouvernement est insensible aux éventuelles dérives de l’utilisation du travail à temps partiel.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y a peu, ici même, après une discussion assez âpre, les 24 heures de temps partiel minimum ont été repoussées au mois de janvier de je ne sais quelle année. C’est donc une nouvelle fois ne pas prendre nos propositions au sérieux que de nous répondre de cette manière.
Ce dispositif avait été présenté par le Gouvernement comme un article phare de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. C’était même nous disait-il l’une des raisons pour lesquelles il fallait adopter le projet de loi. Quelques mois après, avant même son application, vous avez repoussé – peut-être même abandonné – sa mise en œuvre. Puisque vous parliez de délicatesse, sachez que votre réponse n’est pas très délicate à notre égard. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Une entreprise de 20 salariés, c’est une petite entreprise. C’est le cas des entreprises d’aide à domicile dans certaines zones rurales. Si elles embauchent à temps partiel, c’est parce qu’elles ne peuvent pas faire autrement. La règle des 24 heures leur a d’ailleurs posé de gros problèmes, car, au départ, les salariés sont embauchés progressivement, en fonction des besoins. Pour embaucher, il faut qu’il y ait du travail !
Il faut aller vers des emplois à temps plein, mais il ne faut pas pénaliser, au travers de cet amendement, des entreprises d’aide à domicile qui fonctionnent en employant des salariés à temps partiel.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, quand des dispositions qui sont nécessaires et utiles posent des difficultés d’application, il faut le dire. Dans mon département se trouve une association qui gère une trentaine d’établissements destinés à accueillir des enfants inadaptés mentaux. Certains professionnels de santé travaillent deux ou trois heures dans l’un de ces établissements avant d’en rejoindre un autre pour effectuer encore quelques heures, auxquelles il faut ajouter les temps de trajet. Cette association m’a fait savoir qu’elle ne pourrait pas respecter la règle des 24 heures sans engager d’énormes dépenses supplémentaires. C’est un exemple parmi d’autres ; nous en connaissons des dizaines.
Même si je reconnais avoir répondu un peu trop simplement à votre amendement, ce n’est faire injure ni au Gouvernement ni au Parlement que de dire qu’il y a des difficultés à appliquer certaines règles, dont celle des 24 heures. Nous nous en rendons bien compte au travers de nos multiples expériences de terrain. Cela ne veut pas dire pour autant que la disposition est abandonnée : nous avons juste besoin d’un peu plus de temps pour rendre le dispositif totalement efficient.
M. Jean-François Husson. On vous l’avait dit il y a longtemps !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Mme Cohen a raison de dire que ce sont toujours les femmes – à 80 % ! – qui subissent le temps partiel. Il serait temps de transformer la société pour leur permettre de sortir de ce ghetto.
M. Jean-François Husson. Vous avez raison !
Mme Catherine Génisson. J’entends bien l’argument selon lequel il est difficile de respecter le plancher de 24 heures. À cet égard, l’exemple que vous avez cité, monsieur le secrétaire d’État, est intéressant, car les personnes handicapées ont précisément besoin d’un accompagnement important. Ce ne sont donc pas les heures de travail qui manquent dans le secteur de l’aide à domicile ou en direction des personnes handicapées, des personnes fragiles, des personnes âgées. Ce qui fait défaut, c’est le financement.
Mme Annie David. Oui !
Mme Catherine Génisson. Si l’on multiplie les dérogations et les ajournements, on ne changera jamais rien, et ce seront toujours les femmes qui subiront le temps partiel, tôt le matin, tard le soir.
Mme Annie David. Exactement !
Mme Catherine Génisson. Après, il ne faudra pas s’étonner que ces femmes, qui sont souvent chefs de famille monoparentale, connaissent des difficultés pour éduquer leurs enfants. Si le cercle vicieux se poursuit, nous n’avancerons pas. Voilà pourquoi il faut vraiment que la loi s’applique. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 rectifié est présenté par Mme Lienemann, MM. Daunis et Labazée et Mme Claireaux.
L'amendement n° 186 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À compter de la promulgation de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2015, les employeurs visés aux 1°, 3°, 4°, 5° ou 6° de l’article L. 5134-111 du code du travail bénéficient d’une réduction du montant total des cotisations employeurs dues aux organismes de sécurité sociale pour l’ensemble de leurs salariés égale à 10 000 euros par an pendant trois ans pour l’embauche, dans des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d’emploi, de demandeurs d’emploi justifiant de plus de vingt-quatre mois de chômage au cours des trente-six derniers mois.
II. – Les « emplois d’avenir chômeur de longue durée » visés au I sont conclus sous la forme des contrats prévus par l’article L. 5134-112 du code du travail.
III. – La réduction prévue au I n’est pas cumulable avec l’aide mentionnée à l’article L. 5134-113 du code du travail.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I, II et III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 3 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 186.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à ouvrir le dispositif des emplois d’avenir – aujourd’hui réservé aux jeunes – aux chômeurs de longue durée, et sous conditions.
Nous estimons qu’un système similaire pour toutes les personnes éloignées de l’emploi, quel que soit leur âge, pourrait être mis en place. L’ouverture du dispositif durerait jusqu’au mois de décembre 2015, date à laquelle les instituts de conjoncture prévoient une reprise de la création d’emplois dans le secteur privé.
Il s’agit ici de mobiliser un outil existant qui fait preuve d’une certaine efficacité pour lutter contre le chômage. C’est une mesure ciblée, limitée dans le temps, qui aurait un effet immédiat et bénéfique en termes d’emploi.
Le financement de ces emplois aidés serait assuré par un report de la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, dont nous présenterons les détails dans un amendement ultérieur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de rendre les chômeurs de longue durée éligibles aux emplois d’avenir, dispositif qui, je le rappelle, est ciblé sur les jeunes peu qualifiés.
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Certes, certains chômeurs âgés n’ont jamais travaillé, mais ce n’est pas le cas de la plupart d’entre eux. En tant que président d’un plan local pour l’insertion et l’emploi, un PLIE, ainsi que d’une mission locale, je suis bien placé pour savoir que les chômeurs de longue durée ont besoin de formation qualifiante, d’insertion en entreprise, et pas d’emploi d’avenir, surtout pas d’« emploi parking », pour les occuper. Cela, c’est terminé ! Évitons de recréer des dispositifs inadaptés !
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous proposez de créer un dispositif pour les chômeurs ouvrant droit à une exonération forfaitaire de cotisations patronales de 10 000 euros par an pendant trois ans. Cette exonération serait réservée aux employeurs pouvant bénéficier de l’aide relative aux emplois d’avenir, à l’exception des collectivités territoriales.
Ce mécanisme me semble relativement complexe, d’autant que vous évoquez des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d’emplois. Cette référence me paraît floue et pourrait donner lieu à beaucoup d’interprétations et de contentieux.
Cet élément de forme ne doit pas masquer d’autres aspects de fond : il existe déjà de nombreux dispositifs que le Gouvernement vient de mettre en place ou de renforcer. Ainsi, 45 000 emplois aidés supplémentaires viennent d’être débloqués au titre du projet de loi de finances. Cette tranche complémentaire porte le nombre total de contrats aidés à 445 000, dont 65 000 emplois d’avenir, ce qui constitue un effort budgétaire important dans le contexte actuel.
Pour ces raisons de forme et de fond, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Demande de réserve
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve de l’examen des articles 10 et 11 jusqu’à la fin de la troisième partie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission émet bien entendu un avis favorable.
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...
La réserve est ordonnée.
Article 12
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier est complétée par des articles L. 171-4 et L. 171-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 171-4. – La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse nationale du régime social des indépendants, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales et la Caisse nationale des barreaux français peuvent conclure des conventions entre elles afin de confier à une ou plusieurs caisses de sécurité sociale l’exercice des recours subrogatoires prévus aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du présent code et à l’article L. 752-23 du code rural et de la pêche maritime.
« Art. L. 171-5. – Pour l’exercice de l’action amiable mentionnée au sixième alinéa de l’article L. 376-1 et au quatrième alinéa de l’article L. 454-1, une convention signée par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse nationale du régime social des indépendants, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et, le cas échéant, la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales et la Caisse nationale des barreaux français avec les organisations représentatives des assureurs peut définir les modalités de mise en œuvre de cette procédure. » ;
2° La seconde phrase du sixième alinéa de l’article L. 376-1 et du quatrième alinéa de l’article L. 454-1 est supprimée ;
2° bis (nouveau) Au septième alinéa de l’article L. 376-1 et au cinquième alinéa de l’article L. 454-1, après le mot : « caisse », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, l’organisme d’assurance maladie complémentaire concerné » ;
3° À l’article L. 613-21, la référence : « L. 376-3 » est remplacée par la référence : « L. 376-4 » ;
4° La section 4 du chapitre III du titre IV du livre VI est complétée par un article L. 643-9 ainsi rétabli :
« Art. L. 643-9. – Le chapitre VI du titre VII du livre III est applicable aux prestations servies en application du présent chapitre. » ;
5° Le chapitre IV du même titre IV est complété par un article L. 644-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 644-4. – Le chapitre VI du titre VII du livre III est applicable aux prestations servies en application du présent chapitre. » ;
6° La section 1 du chapitre V du même titre IV est complétée par un article L. 645-6 ainsi rétabli :
« Art. L. 645-6. – Le chapitre VI du titre VII du livre III est applicable aux prestations servies en application du présent chapitre. » ;
7° La sous-section 7 de la section 3 du chapitre III du titre II du livre VII est complétée par un article L. 723-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 723-13-1. – Le chapitre VI du titre VII du livre III est applicable aux prestations servies en application de la présente section. » ;
8° La section 4 du même chapitre III est complétée par un article L. 723-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 723-21-1. – Le chapitre VI du titre VII du livre III est applicable aux prestations servies en application de la présente section. »
II. – Le livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le titre III est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Recours des caisses contre les tiers payeurs
« Art. L. 733-1. – Le chapitre VI du titre VII du livre III du code de la sécurité sociale est applicable aux prestations servies en application du chapitre II du présent titre.
« Pour l’application ce même chapitre VI, les caisses de mutualité sociale agricole sont substituées aux caisses d’assurance maladie. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 761-16, après la référence : « L. 454-1, », est insérée la référence : « L. 454-2, » ;
3° La seconde phrase de l’article L. 761-19 est complétée par les références : « ainsi que des articles L. 454-1 et L. 454-2 du même code » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 762-14, les références : « , L. 376-1 à L. 376-3 » sont remplacées par la référence : « et le chapitre VI du titre VII du livre III » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 762-26, après la référence : « chapitre II », est insérée la référence : « et du chapitre III ».
III. – Le présent article est applicable à compter du 1er juillet 2015.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 118 est présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 210 rectifié est présenté par MM. Husson et Raison, Mme Lopez, M. Bouchet, Mme Mélot et M. Charon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Françoise Gatel, pour présenter l’amendement n° 118.
Mme Françoise Gatel. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l'amendement n° 210 rectifié.
M. Jean-François Husson. L’alinéa 6, que cet amendement tend à supprimer, a été introduit en séance publique à l’Assemblée nationale. À première vue, il pourrait sembler anodin. En vertu de cet alinéa, la personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d’informer la caisse et, le cas échéant, l’organisme d’assurance maladie complémentaire concerné de la survenue de lésions qui auraient été causées par un ou plusieurs tiers. Les conditions de cette information seraient fixées par décret.
Le but visé peut paraître louable. Toutefois, force est d’admettre qu’il est difficile à atteindre dans les délais prévus, à savoir trois mois. Cette disposition vise réellement 15 % des affaires corporelles – 85 % des cas sont d’ores et déjà traités lorsqu’il s’agit d’assurance automobile. La difficulté concerne plutôt l’assurance dite « de responsabilité civile ». En effet, dans ce cas, la procédure est plus longue pour identifier clairement le ou les responsables et, par conséquent, les organismes d’assurance complémentaire.
Dans un certain nombre de situations, on risque de se heurter à l’impossibilité matérielle d’établir une mise en cause. Plutôt que de créer un dispositif inopérant, mieux vaut ne pas l’instaurer. Au reste, rien n’empêche de réfléchir à la faculté de mettre en cause, dans un délai raisonnable, les assureurs complémentaires quels qu’ils soient, qu’il s’agisse d’assureurs mutualistes, d’institutions de prévoyance ou de compagnies d’assurance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements identiques tendent à supprimer l’obligation d’information des organismes d’assurance maladie complémentaire en cas d’accident causé par un tiers.
En la matière, une divergence d’appréciation se fait clairement jour entre, d’une part, les assureurs, qui ne veulent pas payer en responsabilité civile ce qu’ils recouvreraient en frais de santé et, de l’autre, les mutuelles. Cette opposition a déjà été maintes fois évoquée dans cet hémicycle.
Monsieur le secrétaire d’État, au nom de la commission, je sollicite l’avis du Gouvernement. Quelles sont la faisabilité et l’opportunité de cette obligation ? Les sommes en jeu en cas d’accident sont-elles très importantes ?
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Husson, j’entends vos arguments, et je sais que vous connaissez bien ces questions.
Entendons-nous bien : je ne suis pas opposé sur le principe à l’extension d’information votée par l’Assemblée nationale. Néanmoins, reconnaissons que cet alinéa, qui s’apparente à un cavalier législatif, risque fort d’être censuré. Aussi le Gouvernement préfère-t-il suivre votre proposition et émettre un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. Jean-François Husson. Quelle belle solidarité !
M. Francis Delattre. Très bien !
M. le président. Quel est, en conséquence, l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Suivant l’avis du Gouvernement, la commission émet un avis favorable sur les amendements nos 118 et 210 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 118 et 210 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 12
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° 97, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du 5° bis du II de l’article L. 136-2, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° À la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 242-1, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq ».
II. – Le 1° du I est applicable aux rentes versées à compter du 1er janvier 2015. Le 2° du I est applicable aux versements, comptabilisations ou mentions réalisés à compter des exercices ouverts après le 31 décembre 2014.
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. L’objet de cet amendement est d’assujettir à la contribution sociale généralisée et aux cotisations sociales dès le premier euro les indemnités de rupture du contrat de travail perçues par les mandataires sociaux et dirigeants dépassant cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale.
Depuis deux ans, ces indemnités sont assujetties lorsqu’elles dépassent un montant égal à dix fois le plafond actuel de la sécurité sociale, soit un peu plus de 375 000 euros. Auparavant, elles étaient assujetties lorsqu’elles dépassaient trente fois ce plafond. Par cet amendement, nous proposons d’aller plus loin. Cette mesure va dans le sens de la lutte contre les niches sociales injustifiées. Elle concourrait au rééquilibrage des comptes sociaux et relève, à nos yeux, de l’équité.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC et ainsi libellé :
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II bis de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« II bis. – S’ajoute à la contribution prévue au I, indépendamment de l’option exercée par l’employeur visée au même alinéa, une contribution additionnelle de 45 %, à la charge de l’employeur, sur les rentes excédant huit fois le plafond annuel défini par l’article L. 241-3. »
II. – Le I est applicable aux rentes versées à compter du 1er janvier 2015 et aux versements, comptabilisations ou mentions réalisés à compter des exercices ouverts après le 31 décembre 2015.
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. L'objet de cet amendement est de relever le taux de la contribution exceptionnelle des employeurs au financement de la solidarité sur les retraites chapeaux les plus élevées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est clair que les indemnités de rupture bénéficient d’un régime de faveur sur les plans fiscal et social, à concurrence de dix fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 380 000 euros. L’amendement n° 97 tend à réduire ce plafond de moitié, ce qui reviendrait à le porter à 190 000 euros, d’ici à 2015. La commission est favorable à l’aménagement de cette niche sociale.
L’amendement n° 101 tend à créer une contribution additionnelle de 45 % sur les retraites chapeaux les plus élevées. Il est vrai que ces retraites chapeaux excessives choquent profondément nos concitoyens et créent un sentiment d’injustice préjudiciable à l’ensemble de notre système de retraite.
Instituer une contribution additionnelle de 45 % à la charge de l’employeur au titre des rentes excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale permettrait d’apporter des financements supplémentaires au Fonds de solidarité vieillesse, lequel est chargé de financer les avantages non contributifs des régimes de retraite. Ainsi, il serait possible de répondre à ce sentiment d’injustice. Voilà pourquoi la commission a également émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’amendement n° 97 vise à assujettir aux cotisations et contributions sociales dès le premier euro les indemnités de rupture du contrat de travail versées aux mandataires sociaux ou aux dirigeants, lorsque leur montant dépasse cinq fois le plafond de la sécurité sociale, contre dix fois aujourd’hui.
Madame Gatel, j’appelle votre attention sur le fait que les indemnités versées aux mandataires sociaux et aux dirigeants à l’occasion de la cessation de leurs fonctions sont déjà intégralement soumises à cotisations. Seules dérogent à cette règle les indemnités versées en cas de cessation forcée. Aussi votre amendement est-il déjà pour partie satisfait.
De plus, je vous signale que votre amendement, tel qu’il est rédigé, aboutirait dans les faits à assujettir toutes les indemnités de licenciement et de mises à la retraite supérieures à cinq fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ses conséquences dépasseraient le seul cadre des indemnités des mandataires sociaux et des dirigeants, contrairement au but que vous visez.
Par ailleurs, je vous rappelle que de récentes évolutions ont permis de durcir le régime auquel sont soumises les indemnités de rupture. Ainsi, le seuil des réassujettissements dès le premier euro au droit commun a été porté de trente fois à dix fois le plafond considéré par la loi de finances rectificative d’août 2012. Parallèlement, l’exclusion de l’assiette sociale a été abaissée de cinq à trois plafonds par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, puis de trois à deux plafonds en 2012. Il ne me semble donc pas opportun de durcir encore ces restrictions.
L’amendement n° 101 a pour objet les retraites chapeaux. Il s’agit là d’un débat récurrent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à rappeler qu’il existe différents types de retraites chapeaux. Dans un certain nombre d’entreprises historiques, comme celles de la sidérurgie – permettez-moi de parler de ce que je connais le moins mal –, il était d’usage de verser des retraites à capitalisation dites « chapeaux », y compris à des salariés modestes ou moyens.
Mme Annie David. Il ne s’agit tout de même pas des mêmes montants !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les termes « retraite chapeau » évoquent un certain nombre de cas, que vous connaissez bien et que l’on ne connaît parfois que trop, mais ils recouvrent de facto des situations bien plus diverses qu’il n’y paraît.
Par la loi de finances rectificative d’août 2012, le Gouvernement a déjà procédé à un doublement du taux de la contribution de l’employeur appliquée aux retraites chapeaux. Les taux d’imposition applicables à ces contributions excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale varient ainsi aujourd’hui entre 54 % et 78 %, selon les modalités de gestion et l’assiette choisies par l’entreprise. À nos yeux, on ne saurait aller plus loin sans s’exposer à la censure du Conseil constitutionnel, qui s’est déjà prononcé sur des cas similaires.
Au nom de la prudence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Nous ne souhaitons pas cautionner le caractère ad hominem de l’un des amendements, qui nous gêne beaucoup.
En revanche, nous soutenons la commission des affaires sociales. Ce qui est exagéré est exagéré ! Par les temps qui courent, la position de la commission mérite d’être publiquement défendue par la grande majorité du groupe UMP.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
Je mets aux voix l'amendement n° 101.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
L'amendement n° 233, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux cinquième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 34 % ».
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement, qui est proche de l’amendement n° 101 qui vient d’être adopté, a pour objet de renforcer la fiscalité sociale sur les retraites chapeaux, ces mécanismes de rémunération complémentaire profitant essentiellement à une minorité de cadres dirigeants et de salariés, qui sont déjà parmi les mieux payés. Cette mesure nous paraît d’autant plus nécessaire que l’actualité est lourde d’exemples qui choquent l’opinion.
Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et accepter les mesures qui s’imposent. En plus des bonus, stock-options et autres actions gratuites, la moitié des patrons du CAC 40 bénéficient d’une retraite chapeau. Un P-DG à la retraite profite, au total, d’une pension quarante et une fois supérieure à celle d’un retraité moyen. Est-ce à dire que les cadres dirigeants produisent quarante et une fois plus de richesses que les salariés ? Le groupe CRC est loin d’en être convaincu.
Rappelons, en guise d’illustration, la situation récente du P-DG de GDF-Suez, M. Gérard Mestrallet, qui a quitté la direction du groupe avec une retraite de 830 000 euros par an, soit 25 millions d’euros en vingt-cinq ans, en remerciement des résultats médiocres de l’entreprise ! Ce seul exemple suffit à nous assurer de l’utilité de la mesure que nous proposons : relever le taux de cette contribution afin de lui conférer un caractère véritablement dissuasif.
Cet amendement vous invite à vous engager dans une véritable politique de justice sociale et de progrès.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’augmentation du taux de la contribution des bénéficiaires de retraites chapeaux proposée par le présent amendement apparaît excessive. Il est donc demandé à ses auteurs de le retirer au profit de l’amendement n° 101, qui vient d’être adopté.
M. Michel Le Scouarnec. Alors, il n’y a plus rien à retirer !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Faites comme vous voulez, mais, à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Husson. Vous avez l’air hésitant !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non, je suis étonné. Le taux de 21 %, auquel il est fait référence, n’existe pas. Le taux actuel est de 14 %.
Le projet de loi de finances pour 2013 visait à faire passer le taux à 21 %, ce que le Parlement avait accepté, mais le Conseil constitutionnel avait censuré cette mesure. Aujourd’hui, il est proposé de passer de 14 % à 34 %. Si le Conseil constitutionnel a refusé de passer à 21 %, je doute fort qu’il accepte de passer à 34 %.
Cet amendement est certes sympathique et populaire, mais le Conseil constitutionnel avait considéré que, pour de tels revenus, il y avait lieu de prendre en compte le taux marginal d’impôt, c'est-à-dire 45 %, la contribution exceptionnelle de 4 % sur les revenus, la CSG de 6,6 % sur les revenus de remplacement, que nous avons évoquée tout à l'heure, la CRDS de 0,5 % et la CASA de 0,3 %. Si l’on ajoutait à tout cela les 21 % prévus dans la loi de finances, le taux dépassait allègrement les 66 % d’imposition, ce que le Conseil constitutionnel a jugé comme confiscatoire.
M. Jean-François Husson. Et les 75 % de M. Hollande, alors ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On peut toujours se faire plaisir, mais j’ai dit la même chose à propos de l’amendement précédent, que le Sénat a adopté.
Sans me mettre à la place du Conseil constitutionnel, je ne vois pas comment, je le répète, il accepterait 34 % après avoir refusé 21 %.
M. Jean-Pierre Caffet. Au diable la Constitution ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Le Scouarnec, l'amendement n° 233 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Non, je retire mon chapeau, monsieur le président. (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° 233 est retiré.
L'amendement n° 232, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 5 du chapitre II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-11-... ainsi rédigé :
« Art. L. 242-11-... – Les revenus financiers des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution dont le taux est égal à la somme des taux des cotisations patronales assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement tend à soumettre à cotisations sociales les revenus financiers des sociétés, qui sont peu, ou pas, mis à contribution pour le financement de la sécurité sociale. J’ai développé ce point en présentant la motion en début d’après-midi. Vous le voyez, nous ne sommes pas dogmatiques et uniquement acharnés à contrer tout ce qui ne nous agrée pas, nous présentons également des propositions alternatives.
Il nous semble important de faire contribuer l’ensemble des revenus financiers, afin d’offrir à notre système de sécurité sociale un dynamisme et des moyens à la hauteur des besoins des populations. Tel est l’esprit de l’amendement.
Si ces revenus financiers étaient mobilisés au niveau de ce qui est demandé aux employeurs pour les salaires, cela générerait des recettes très importantes, que j’ai évaluées cet après-midi à au moins 16 milliards d’euros. Il nous paraît vraiment important de faire un geste fort !
Durant nos discussions, des différends sont apparus, notamment dans l’échelle de valeurs, puisque nous n’avons pas les mêmes références pour évoquer le sort des petits retraités, ceux qui touchent 1 400 euros et moins. Nous vous proposons donc de faire preuve de plus d’ambition et de viser les revenus financiers. Il ne s’agit pas de petites sommes, mais de montants considérables, qui permettraient de mettre en place une autre politique, de faire d’autres choix, dans une autre dynamique, pour plus de justice sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement propose d’assujettir à cotisations sociales les revenus financiers des sociétés.
La contradiction avec la logique qui prévaut dans ce domaine apparaît clairement. L’avis de la commission est donc nettement défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le versement de dividendes d’une société à une autre fait déjà l’objet de différentes taxations. Une contribution additionnelle de 3 % à l’impôt sur les sociétés sur le montant des dividendes distribués à leurs actionnaires a ainsi été créée en loi de finances rectificative pour 2012.
L’adoption de cet amendement reviendrait donc à taxer doublement les dividendes distribués, auprès de la société versante et auprès de la société bénéficiaire, qui devra, de plus, acquitter l’impôt sur les sociétés au titre des dividendes perçus.
En outre, dans sa rédaction actuelle, votre proposition est sans doute contraire au droit communautaire, car elle conduirait à taxer les dividendes intra-groupes.
En conséquence, je vous suggère de travailler avec les ressources humaines dont vous pouvez disposer afin de trouver une rédaction conforme au droit. Pour l’heure, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 1° bis de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° ter Une contribution au taux de 0,3 % due sur le revenu d’activité non salarié des travailleurs indépendants tel que défini à l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale. Cette contribution est recouvrée et contrôlée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations personnelles d’allocations familiales ;
« 1° quater Une contribution au taux de 0,3 % due sur le revenu d’activité des personnes non salariées des professions agricoles tel que défini à l’article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime. Cette contribution est recouvrée et contrôlée par les caisses de mutualité sociale agricole et les organismes mentionnés à l’article L. 731-30 du même code selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations d’assurance maladie ; »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement a pour objet de créer une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie assise sur le revenu d’activité non salarié des travailleurs indépendants et des professions agricoles.
Il s’agit en fait d’élargir à ces professions la contribution de solidarité pour l’autonomie, couplée à la journée de solidarité. C’est ce que proposait déjà la proposition de loi de notre collègue Gérard Roche, adoptée par le Sénat le 25 octobre 2012. À l’époque, le texte visait également à étendre cette contribution aux pensions de retraite. C’est aujourd’hui chose faite avec la création de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA.
La moitié du travail étant accompli, nous entendons le terminer par cet amendement et ainsi apporter une ressource pérenne au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, afin d’alléger la charge croissante que fait peser aujourd’hui le financement de cette prestation sur les budgets départementaux. L’État remplirait ainsi son engagement de contribuer au financement de l’APA à hauteur de 50 %. Compte tenu de la forte montée en charge de cette prestation, c’est aujourd’hui bien loin d’être le cas.
M. Jean-Pierre Caffet. Encore une taxe !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’étendre l’assiette de la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs indépendants agricoles et non agricoles.
Ainsi que vient de le dire notre excellent collègue Claude Kern, cette proposition rejoint pleinement la voie tracée par notre collègue Gérard Roche dans la proposition de loi que nous avions adoptée en 2012. Je rappelle que, à cette époque, le régime social des indépendants, le RSI, s’était montré particulièrement ouvert et avait jugé légitime que les travailleurs indépendants participent, au même titre que les salariés et les retraités, à la prise en charge de la perte d’autonomie.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement a proposé de baisser les prélèvements sur les travailleurs indépendants de près de 1 milliard d’euros. Vous, vous proposez de les taxer. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement, qui va l’encontre de ce qui a été fait en faveur de ces professions.
Je rappelle que le coût de votre dispositif pour les travailleurs indépendants qui seront assujettis à cette nouvelle contribution s’élèvera, selon notre estimation, à 150 millions d’euros.
M. Jean-François Husson. Ils ont déjà été assez taxés !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Le financement de l’APA ou de la PCH, la prestation de compensation du handicap, est une préoccupation constante et aiguë dans tous les départements, particulièrement dans ceux qui disposent de moyens limités et dont les populations âgées sont importantes.
Le Gouvernement doit résoudre le problème en faisant des propositions globales. Taxer une catégorie ou une autre reviendrait à poser une rustine sur une jambe de bois : cela ne dégagera que des sommes dérisoires au regard des besoins, tout en nous privant d’une politique d’ensemble.
Je voterai contre l’amendement, parce qu’il est trop partiel et ne résout rien. Son adoption constituerait un alibi pour retarder d’autant la résolution de ce problème important.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Pour une fois que nous faisons porter l’effort sur la dépense et que le projet de loi de financement de la sécurité sociale tend à limiter au maximum l’augmentation des prélèvements obligatoires pour les stabiliser, l’actuelle majorité sénatoriale, qui nous a vertement reproché pendant deux ans de chercher à équilibrer les régimes de sécurité sociale par des accroissements de recettes, nous propose aujourd'hui une avalanche de taxes, dont certaines sont d’ailleurs inconstitutionnelles. C’est ainsi que l’on nous parle désormais d’une taxe sur les travailleurs indépendants et les professions agricoles…
Nous sommes à fronts renversés. À mon sens, la sagesse devrait conduire les auteurs de cet amendement à le retirer.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Nous ne soutiendrons pas cet amendement.
Je rappelle à M. Caffet que M. Cahuzac, alors ministre délégué au budget, s’est permis de déplafonner les cotisations d’assurance maladie pour les travailleurs indépendants, provoquant une ponction supplémentaire significative.
M. Jean-Pierre Caffet. Avec l’accord du régime !
M. Jean-François Husson. Pas du tout !
M. Jean-François Husson. Nous avons des points de vue différents. Après tout, c’est la richesse de la démocratie.
Cela étant, je remercie M. Caffet et le groupe socialiste, qui ne veulent pas de hausse de la fiscalité, de leur ralliement aux positions de l’UMP ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Caffet. Non ! Je défends simplement celles du Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Cet amendement était avant tout un amendement d’appel. Il faut en effet essayer de résoudre le problème de l’APA.
Cela étant, ayant entendu tous les arguments qui ont été avancés, je le retire. (Marques de satisfaction sur diverses travées.)
M. Jean-Pierre Caffet. Bravo !
M. le président. L'amendement n° 112 est retiré.
L'amendement n° 98, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 1586 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Une fraction égale à 1,2 % de la contribution sociale sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement prévue à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Elisabeth Doineau.
Mme Elisabeth Doineau. Il s’agit d’aider les départements à faire face au financement de la perte d’autonomie ; M. Tourenne pourrait, me semble-t-il, y voir une solution au problème qu’il soulevait.
Cet amendement se situe dans la droite ligne de l’amendement précédent, mais le dispositif envisagé est plus global : nous proposons d’apporter une solution pérenne au financement de l’APA, afin d’alléger la charge croissante que cela fait aujourd'hui peser sur les budgets départementaux.
En 2001, lors de la création de l’APA, l’État s’était engagé à financer la moitié de cette prestation, aux côtés du département. La montée en charge de l’allocation a tôt eu raison d’un tel engagement. L’APA représente aujourd'hui 80 % de la dépense en faveur des personnes âgées.
Entre 2003 et 2009, les dépenses brutes d’APA ont augmenté en moyenne de 5,9 %, tandis que la participation de l’État progressait seulement de 0,9 %. Résultat, les dépenses restant à la charge des départements ont augmenté en moyenne de 8,8 % par an sur cette période. Aujourd’hui, l’État n’assure plus que 30 % du financement de la prestation. D’ailleurs, l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée a relevé dans sa lettre du mois de juin dernier que les départements étaient globalement dans l’impasse.
Comment remédier à cette situation ? Dans la perspective de l’adaptation de la société au vieillissement, nous proposons d’affecter une fraction de la CSG au financement de l’APA. Autrement dit, avant de créer de nouveaux dispositifs de prise en charge de la dépendance, il nous paraît urgent d’apurer le passif des dispositifs existants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à ajouter aux produits perçus par les départements une fraction de 1,2 % de la CSG sur les revenus d’activité et les revenus de remplacement, sans préciser à qui cette fraction sera retirée.
Je le rappelle, la CSG est une taxe entièrement affectée à la sécurité sociale. Une modification éventuelle de l’affectation serait effectivement du ressort du Parlement, mais il ne me semble pas pertinent d’attribuer une part du produit aux départements. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement reconnaît le problème soulevé par les auteurs de l’amendement : l’augmentation du coût des allocations individuelles de solidarité pour les départements. Toutefois, le dispositif proposé, à savoir faire basculer une part du produit d’une imposition de toute nature – voilà qui nous renvoie à une discussion précédente ! – à caractère national au profit des collectivités locales, n’est pas la bonne solution. Cela ne s’est jamais fait en matière de CSG.
J’aimerais rappeler qu’un peu plus de 800 millions d’euros d’impôts dynamiques ont été transférés au profit des départements l’an dernier. En outre, la possibilité de majorer les droits de mutation à titre onéreux pour constituer un fonds a été ouverte. Les recettes des départements ont ainsi augmenté de 1,5 milliard d’euros.
Ces dispositions avaient été prévues pour deux ans. Or M. le Premier ministre vient d’annoncer lors du congrès de l’Assemblée des départements de France qu’il souhaitait les pérenniser. Il a également évoqué une réflexion sur une recentralisation des allocations individuelles de solidarité.
M. Jean-François Husson. C’est normal ! La solidarité nationale, c’est le rôle de l’État !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une telle évolution, qui représenterait des transferts importants, nécessitera un travail et une analyse approfondis. Cependant, je vous confirme la volonté du Gouvernement d’entrouvrir la porte à cette possibilité. C’est, me semble-t-il, une première.
Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Doineau, l'amendement n° 98 est-il maintenu ?
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Oui !
Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Elisabeth Doineau. J’ai bien entendu les arguments de la commission et du Gouvernement. Mon amendement visait avant tout à lancer le débat. (Marques de déception sur les travées de l'UMP.)
Comme cela a été souligné à de nombreuses reprises, les départements, qui doivent faire face à la montée des allocations de toutes sortes à leur charge, sont dans l’impasse.
Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez que nous n’avons pas la bonne solution. Mais vous, l’avez-vous ? Car il est grand temps d’agir ! Pour renforcer les départements, il faut consolider leurs moyens.
M. Jean-François Husson. Très juste !
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Elisabeth Doineau. Je vous suggère d’y réfléchir très sérieusement, car le sujet sera certainement au cœur des prochaines élections départementales. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Dans l’immédiat, je retire l’amendement.
M. Jean-François Husson. Dommage !
M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.
L'amendement n° 83 rectifié quater, présenté par Mme Gatel, M. Bonnecarrère, Mme Doineau, M. V. Dubois, Mlle Joissains, M. Kern, Mmes Létard et Loisier et MM. Longeot, Médevielle, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Legge, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le mot : « croissance », la fin du dernier alinéa du I de l'article 1613 ter du code général des impôts est ainsi rédigée : « , les produits de nutrition entérale pour les personnes malades et les boissons à base de soja avec au minimum 2,9 % de protéines issues de la graine de soja ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. À mon sens, cet amendement devrait vous convenir davantage, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’il vise à exonérer de taxe des entreprises de l’agroalimentaire.
Nous proposons d’exclure du périmètre de la contribution perçue sur les boissons et préparations liquides pour les boissons destinées à la consommation humaine les boissons à base de soja contenant au minimum 2,9 % de protéines issues de la graine de soja. Je vous rassure : ces boissons sont produites à partir de soja non OGM cultivé de manière quasi exclusive en France.
Les boissons à base de soja ne peuvent pas être confondues avec du Red Bull ou du Coca ; elles ont un objectif avant tout nutritionnel.
Pour des motifs variés, des considérations éthiques à la question de la tolérance, notamment au lait de vache, en passant par celle de la diversification alimentaire, ces boissons peuvent, et il est important de le prendre en compte, être utilisées comme compléments ou substituts aux produits laitiers d’origine animale.
Dans leur rapport d’information, remis au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat au mois de février 2014, nos collègues Yves Daudigny et Catherine Deroche recommandent notamment de réexaminer la nécessité de maintenir les contributions de santé publique assises sur les produits dont l’innocuité est scientifiquement prouvée.
Il convient de le rappeler, le soja relève même de préconisations alimentaires contre les allergies.
Je vous renvoie également à la lecture du rapport, paru en 2013, de la commission Innovation 2030, présidée par Mme Lauvergeon : « De nouveaux produits alimentaires reposant sur des protéines végétales devront être conçus pour répondre à la croissance de la demande alimentaire mondiale que le secteur de l’élevage ne pourra seul satisfaire. Les forces conjuguées de son agriculture, de son industrie agroalimentaire et de sa tradition d’innovation culinaire devraient permettre à la France de disposer d’un important potentiel d’exportation. »
La suppression d’une telle contribution permettrait à la filière des boissons à base de soja, qui regroupe quatre grosses entreprises françaises, d’investir, de créer des emplois et d’exporter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Ainsi que nous l’avons expliqué en commission, à la lumière de la question prioritaire de constitutionnalité relative au Red Bull, il semble difficile d’exclure une boisson répondant aux critères fixés par la taxe sur le seul critère de sa composition. Le Conseil constitutionnel considère que le législateur doit établir une imposition fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objectif visé.
Quand on a dit cela, on a tout dit... Mais je laisserai à M. le secrétaire d’État le soin de conclure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vais répéter ce que j’ai déjà dit lors du débat à l’Assemblée nationale, où le sujet nous a occupés durant près d’une heure. Certes, c’était extrêmement sympathique, mais je ne suis pas convaincu que cela était réellement justifié...
D’abord, les montants concernés sont extrêmement faibles, de l’ordre du million ou du million et demi d’euros. Ce n’est donc pas un problème de rendement.
Ensuite, l’exonération envisagée permettrait-elle de redynamiser la filière ? Sur une bouteille d’un litre de boisson à base de soja, qui coûte en général autour de 2,50 euros, la taxe représente 7,5 centimes, soit 3 % du prix. Je laisse donc à votre appréciation le soin d’évaluer si une telle mesure est de nature à modifier l’équilibre du marché. À l’Assemblée nationale, où certains faisaient toute une histoire pour cette « filière d’avenir pénalisée par la taxe », une proposition similaire a finalement été repoussée.
Le Gouvernement est plutôt défavorable à la suppression de la taxe pour ces produits. En effet, une telle disposition n’est pas de nature à modifier la filière compte tenu de la faiblesse de la taxe par rapport aux prix de vente. En outre, ce serait introduire une complexité supplémentaire et créer encore une différence entre des types de boissons, même si je sais que les sucres ne sont pas de même nature selon qu’ils proviennent de lait de soja ou d’autres protéines. Je ne suis cependant pas un spécialiste de ces questions, qui sont en tout cas d’une complexité rare. Soyez certains que je ne demanderai pas une seconde délibération si votre assemblée adoptait cet amendement…
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous inviterai un jour à une dégustation, vous pourrez vérifier que les boissons au lait de soja n’ont rien à voir avec le Coca-Cola ou le Red Bull.
Je rappelle que le lait de vache, qui peut engendrer des allergies, n’est pas du tout soumis à cette taxe, que les marges dans l’agroalimentaire sont de 2 % et que cette taxe représente 5 % à 6 % du prix de vente.
Mme Françoise Gatel. On peut porter deux regards différents sur ma proposition. Le vôtre consiste à dire que, eu égard à la faiblesse de cette taxe, il ne sert à rien de la supprimer. Moi, j’ai appris que les petits ruisseaux faisaient les grandes rivières. Par rapport à l’enjeu que représente l’industrie agroalimentaire, au défi que constitue l’alimentation mondiale, pour laquelle, demain, nous manquerons de ressources, le développement des productions végétales est une nécessité.
Dans la lettre de mission adressée par le Gouvernement à Mme Lauvergeon est clairement mise en avant la nécessité pour notre industrie et nos entreprises d’innover. Tout ce qui peut permettre de financer l’innovation dans les entreprises doit donc être encouragé. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d'État, ce n’est pas une question de rendement, dites-vous. Donc, évacuons tout de suite la question financière et venons-en fond du dossier. Comme l’a excellemment dit ma collègue Françoise Gatel, cet amendement renvoie à la question de l’alimentation et de la santé publique. Par conséquent, c’est sous cet angle qu’il faut selon moi l’aborder.
Les produits issus du soja n’ont strictement rien à voir avec un certain nombre de produits importés, sur la qualité desquels je ne ferai pas de commentaire, mais qui, à l’évidence, ne participent pas du bon goût français.
Puisque ce n’est pas un problème financier, c’est donc un problème de santé publique. Je me réjouis pour ma part, et je vous en remercie, de constater une certaine évolution du discours sur le sujet. Il y a un an, on n’avait pas le droit d’en débattre ; c’était un sujet tabou. Aujourd'hui, en disant que vous ne demanderez pas une seconde délibération sur cet amendement, c’est, d’une certaine manière, avouer que vous commencez à être convaincu. Si vous ne voulez pas qu’on revienne, l’an prochain, sur ce sujet, donnez un avis de sagesse sur cet amendement. Nous gagnerons du temps, et la filière s’en portera mieux. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je soutiens cet amendement.
On vient de le dire, ce n’est pas une question d’argent. Classer les boissons contenant du soja avec les boissons sucrées et un certain nombre d’objets de gourmandise et de fantaisie, c’est faire preuve d’indifférence, voire de mépris à l’égard de ceux qui ont été pionniers en ce domaine, qui ont fait des recherches, qui ont innové en matière alimentaire, qui ont recherché des substituts naturels à l’alimentation traditionnelle. Le lait de soja, pour des nourrissons ou des adultes allergiques au lactose, est un produit de substitution qui leur permet de se nourrir et de vivre à peu près normalement puisqu’il est assimilable au lait de vache, le lactose et le calcium en moins.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !
M. Jean-Louis Tourenne. Pour ceux qui seraient privés de la possibilité d’accéder aux produits laitiers, le soja remplace avantageusement le lait. M. de Legge vient de le dire, ce n’est pas la seule qualité de ce produit, qui a également des effets positifs en termes de prévention cardiovasculaire et de prévention de certains cancers. Par conséquent, il me semble que c’est faire injure aux chercheurs que de cataloguer ce produit dans les produits sucrés et autres sodas.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83 rectifié quater.
(L'amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Vous n’êtes jamais allés au Japon, chers collègues !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
L'amendement n° 311 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du II de l’article 1613 ter du code général des impôts, le montant : « 7,45 € » est remplacé par le montant : « 9 € ».
II. - À la première phrase du II de l’article 1613 quater du code général des impôts, le montant : « 7,45 € » est remplacé par le montant : « 9 € ».
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. Cet amendement vise à relever – il ne s’agit donc pas d’un impôt supplémentaire – la contribution prévue aux articles 1613 ter et 1613 quater du code général des impôts et qui est acquittée par les entreprises produisant des boissons sucrées de type soda – on les a évoquées à l’instant d’une autre manière – et des boissons contenant des édulcorants.
Il s’agit de faire passer cette contribution de 7,45 euros à 9 euros, soit 1,55 euro supplémentaire par hectolitre, soit cent litres, sur ces boissons qui ont des effets néfastes pour la santé. Elles jouent en particulier un rôle dans l’obésité, notamment l’obésité infantile, ce qui est d’autant plus grave. On voit aujourd'hui des enfants de quatre, cinq ou six ans déjà obèses. Elles favorisent aussi les maladies cardiovasculaires. Une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, a ainsi démontré qu’une consommation élevée de boissons light était associée à une forte augmentation du risque de diabète de type 2.
Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d’État, il me paraît donc intéressant d’examiner avec beaucoup d’attention cet amendement, qui, par ailleurs, est gagé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à augmenter la contribution sur les boissons sucrées et sur celles contenant des édulcorants. Il n’apparaît pas opportun de multiplier les hausses des contributions fiscales sur des produits dont l’assiette – ainsi que M. le secrétaire d’État l’a rappelé à propos du soja – est très limitée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On voit les taxes fleurir au gré de certains amendements, comme précédemment à propos des travailleurs indépendants.
Mme Hermeline Malherbe. Mais là, il s’agit de la santé !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Actuellement, le montant de la taxe est fixé à 7,45 euros. Le Gouvernement n’est pas favorable à ce qu’il passe à 9 euros par hectolitre.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Nous ne souhaitons pas que la taxe sur les boissons sucrées augmente encore.
De plus, je suis tout à fait opposée au fait de taxer de la même façon les boissons sucrées et les boissons contenant des édulcorants. Dans la mesure où la nocivité de l’aspartame n’est pas prouvée – on le verra dans un amendement ultérieur –, il n’est pas logique – le Conseil constitutionnel l’avait d'ailleurs souligné lors de l’instauration de la taxe sur les boissons sucrées – de taxer de la même façon les boissons sucrées et celles à base d’édulcorants, ces dernières n’ayant pas le même effet en matière d’obésité.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Nous voterons cet amendement.
Dans le cadre du PLFSS, nous nous intéressons aux questions de santé, et les conséquences sanitaires néfastes qu’a évoquées Mme Malherbe correspondent à une réalité préoccupante.
Quant aux études concernant l’aspartame, nous en reparlerons tout à l’heure…
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 311 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 12 bis (nouveau)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article L. 131-6 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Sont également pris en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, pour leur montant excédant 10 % du capital social et des primes d’émission et des sommes versées en compte courant qu’ils détiennent en pleine propriété ou en usufruit :
« 1° Les revenus définis aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le travailleur indépendant non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou ses enfants mineurs non émancipés ainsi que les revenus mentionnés au 4° de l’article 124 du même code perçus par ces mêmes personnes ;
« 2° En cas d’exercice de l’activité sous la forme d’une société passible de l’impôt sur le revenu, la part du revenu provenant de cette activité et soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux qui est perçue, lorsqu’ils sont associés de la société, par le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou par les enfants mineurs non émancipés du travailleur indépendant non agricole.
« Un décret en Conseil d’État précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social, ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant mentionnées au troisième alinéa du présent article. » ;
2° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre II est complétée par un article L. 242-4-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 242-4-5. – I. – Sont considérés comme une rémunération, au sens de l’article L. 242-1, dans les conditions fixées aux troisième à sixième alinéas de l’article L. 131-6, les revenus définis au même article L. 131-6 qui sont perçus par les personnes mentionnées au II du présent article ou par leur conjoint ou le partenaire auquel ils sont liés par un pacte civil de solidarité ou par leurs enfants mineurs non émancipés.
« II. – Le I s’applique aux personnes mentionnées aux 12° ou 23° de l’article L. 311-3 qui possèdent ensemble plus de la moitié du capital social, étant entendu que les actions appartenant, en toute propriété ou en usufruit, à leur conjoint ou au partenaire auquel elles sont liées par un pacte civil de solidarité et à leurs enfants mineurs non émancipés sont considérées comme possédées par elles. »
II. – L’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de l’article L. 242-4-5 du code de la sécurité sociale au régime de protection sociale des salariés agricoles, les références aux troisième à sixième alinéas de l’article L. 131-6 du même code sont remplacées par les références aux cinquième à huitième alinéas de l’article L. 731-14 du présent code, les références aux 1° et 2° du même article L. 131-6 sont remplacées par les références aux a et b du 4° du même article L. 731-14 et les références aux 12° et 23° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale sont remplacées par les références aux 8° et 9° de l’article L. 722-20 du présent code. »
III. – Le présent article s’applique aux cotisations et contributions sociales dues au titre des revenus perçus à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Cet article, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, vise à appliquer aux dirigeants de sociétés anonymes, les SA, et de sociétés par actions simplifiées, les SAS, un mécanisme anti-abus sur les versements de dividendes aux dirigeants qui détiennent la majorité du capital. Concrètement, il s’agit de prévoir que les dirigeants de ces entreprises, lorsqu’ils détiennent la majorité du capital social, peuvent percevoir des dividendes dans la limite de 10 % du capital social. La part qui excède ce seuil de 10 % doit être réintégrée dans leur rémunération habituelle et soumise à cotisations sociales. L’objet de ces dispositifs, qui existent déjà depuis plusieurs années, est d’éviter que des dirigeants qui sont en même temps actionnaires majoritaires puissent transformer leur rémunération en dividende pour réduire fortement leurs cotisations.
J’ai entendu plusieurs prises de parole qui dénaturaient la portée réelle de l’amendement ayant permis l’insertion de cet article et qui accusaient la majorité de ne pas respecter la prise de risque. Il faut se garder des caricatures ! Il s’agit au contraire de faire respecter la différence entre la rémunération du dirigeant, d’une part, et celle de l’actionnaire, d’autre part, cette dernière devant être en rapport avec le capital investi et ne pas se substituer à la première.
Il est assez difficile d’estimer les effets financiers de ce plafonnement, qui dépendent du comportement du chef d’entreprise : s’il réintègre la part excédentaire dans sa rémunération habituelle, il paiera davantage de cotisations sociales mais réduira aussi le montant de son impôt sur les sociétés et il paiera aussi moins de prélèvements sur le capital.
Nous avons tous constaté que les chefs d’entreprise avaient vu dans cette mesure une forme de défiance à leur égard. En la regardant un peu rapidement peut-être, beaucoup de chefs d’entreprise ou de spécialistes du sujet ont cru qu’il s’agissait de soumettre tous les dividendes à cotisations.
Le Gouvernement a annoncé que, dans ces conditions, et dans la mesure où cette disposition n’a pas pour objectif d’augmenter significativement les recettes des régimes sociaux, il était préférable que cet article introduit par voie d’amendement soit retiré du projet de loi. Cela laissera le temps de travailler de manière plus approfondie sur les modalités d’arbitrages qui existent dans certains statuts entre rémunération personnelle et dividendes et de proposer une régulation adaptée.
Nos collègues de la commission des finances, qui proposent la suppression de l’article, ont d’ailleurs reconnu qu’il y avait là un véritable problème et que le principe d’une régulation n’était pas illégitime. Le sujet ne doit pas être abordé au travers de postures partisanes, et nous pouvons tous reconnaître la nécessité véritable que tous les chefs d’entreprise contribuent de manière juste et équilibrée au financement de la protection sociale, de façon équitable, quelle que soit la forme juridique de leur entreprise.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 1 rectifié quater est présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Procaccia et MM. Bonnecarrère, Charon, Dassault, Duvernois, Frassa et Pellevat.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 196 est présenté par M. Barbier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié quater.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à supprimer l'article 12 bis, introduit par l'Assemblée nationale, qui tend à assujettir aux charges sociales les dividendes versés aux dirigeants majoritaires de SA ou de SAS, dès lors que leur montant excède 10 % du capital social de l'entreprise.
Cet article, tel qu’il est rédigé, cherche à mettre fin à des supposés phénomènes d'optimisation, en limitant la possibilité pour les dirigeants de réduire l'assiette de leurs cotisations sociales en se rémunérant sous forme de dividendes, et non de salaires. Avec cette disposition, le Gouvernement et la majorité adressent un message de défiance aux entrepreneurs.
Les dividendes, qui rémunèrent la prise de risque, ne doivent pas être confondus avec un salaire. Par cet article, ce sont la création de valeur et l'esprit d'entreprendre qui sont de nouveau sanctionnés en France. Il s'agit là d'un énième signal négatif envoyé aux entreprises, en particulier aux PME et aux start-up, qui verront leurs prélèvements s'accroître. Les dividendes proviennent en effet des résultats des entreprises, qui sont eux-mêmes déjà soumis à l'impôt. Cet article impose une double taxation aux entrepreneurs, sans aucune étude d'impact ni concertation.
Par ailleurs, en retirant des fonds aux entreprises via l'assujettissement des dividendes aux cotisations sociales, ce sont leurs capacités d'investissements qui seront fortement réduites et, par voie de conséquence, leurs capacités à embaucher. Dans le contexte économique que nous connaissons, nous ne pouvons pas nous permettre de faire peser des charges supplémentaires sur les entreprises.
J’ajoute que cet article crée de nombreuses incertitudes sur le plan juridique pouvant conduire à des prélèvements totaux de 79 % de la richesse créée.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à supprimer l'assujettissement aux charges sociales des dividendes versés aux dirigeants de SA ou de SAS.
M. Christophe-André Frassa. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 10.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. La commission des finances a déposé, elle aussi, un amendement de suppression de l’article 12 bis, tout en reconnaissant la difficulté de la question. En réalité, lorsqu’il n’y a qu’une seule personne, on vit au plus près l’association capital-travail !
Un système dans lequel toute la rémunération ou l’essentiel de la rémunération serait assurée par la distribution de dividendes pose problème dès lors qu’il peut déboucher sur un abus de droit. Puisque l’abus de droit existe en droit fiscal, il peut aussi exister en droit social. Même si nous sommes tous des défenseurs des petites entreprises, nous ne sommes pas là pour assécher la ressource sociale.
Lors de la discussion générale, nous avions dit qu’il fallait trouver le bon curseur, qui doit certainement se situer au niveau du plafond de la sécurité sociale, soit environ 37 000 euros. Jusqu’à cette limite, la rémunération doit relever des cotisations sociales ; au-delà, il s’agit uniquement de la rémunération du risque et du capital investi. Cela nous semble être le système le plus juste.
Il est difficile pour nous d’aller plus loin faute d’une étude d’impact. Il faut savoir que ce dispositif a été introduit par M. Bapt à l’Assemblée nationale. Toutefois, comme cet article comprend douze alinéas d’une très grande technicité, qui tiennent presque de l’ingénierie financière, on se dit qu’il n’a pas été introduit là tout à fait spontanément…
Monsieur le secrétaire d’État, la question est de savoir comment trouver un système juste et équilibré. Dans la discussion générale, j’avais lancé un appel à la réflexion sur ce sujet, mais je n’ai pas pu entendre votre réponse parce que nous avions une réunion de la commission des finances.
Certes, nous ne trouverons pas de solution ce soir, mais un système juste et équilibré, cela signifie qu’une part incontestable de la rémunération correspond au travail, avec les charges sociales afférentes. Je crois que nous pourrions nous mettre d’accord sur le seuil de 37 000 euros ; au-delà, cela doit relever uniquement, je le répète, de la rémunération du risque et du capital. Ainsi, on aboutirait à un système à peu près équilibré.
Voilà la piste que je propose. En attendant, je confirme que notre commission souhaiterait disposer d’une étude d’impact en vue de travailler en ce sens. En tant que législateur, notre responsabilité est de légiférer si l’on constate un abus de droit comme on en connaît en droit fiscal. Pour cela, il faudrait que nous sachions quel est le nombre exact de travailleurs concernés. Dans nos circonscriptions, nous avons tous connaissance de quelques cas, mais il est difficile de savoir si cette tendance est généralisée.
Je le répète, pour légiférer sereinement, objectivement et justement, il faudrait que nous disposions au moins de cette étude d’impact.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise, comme les autres amendements identiques, à supprimer l’article 12 bis.
Je n’ajouterai pas grand-chose à ce qui vient d’être dit. La commission des affaires sociales souhaite mettre fin à l’effet d’aubaine que l’amendement de l’Assemblée nationale tendait à contrecarrer, mais sans avoir peut-être perçu l’impact négatif de sa proposition. Il suffit de voir la réaction du ministre des finances, Michel Sapin, qui a immédiatement annoncé qu’il ferait supprimer cette disposition. Monsieur le secrétaire d’État, j’imagine que vous allez vous aussi nous proposer la même chose.
La proposition de notre collègue Francis Delattre est intéressante : autant il me semble anormal de taxer socialement les dividendes alors qu’ils le sont fiscalement, autant il faut évidemment pouvoir continuer à financer la sécurité sociale. Il est tout à fait normal que les dirigeants et les gérants de ces entreprises cotisent, eux aussi, à la sécurité sociale.
Nous devons travailler à la solution de sagesse que propose la commission de finances. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 196.
M. Gilbert Barbier. Ce qui manque à cette proposition adoptée sur l’initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale Gérard Bapt, c'est évidemment une étude d’impact. On ne sait pas du tout où l’on va ! M. Delattre l’a souligné, la rédaction de l’article est excessivement compliquée, si bien qu’on ne voit pas quelles vont en être exactement les conséquences.
Il faudra étudier la manière de taxer les excès de dividendes qui pourraient être constatés dans certaines sociétés, mais, en attendant, il faut absolument supprimer l’article 12 bis et faire une étude d’impact précise, qui ne sera d’ailleurs pas facile à réaliser.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous commencez à me connaître suffisamment pour savoir que mes opinions sont tranchées et mes idées claires. Je prends le temps du dialogue, de l’écoute réciproque et de l’explication.
L’amendement déposé à l’Assemblée nationale, examiné tardivement parmi un millier d’autres, peut donner l’impression qu’il n’a pas été suffisamment travaillé, ce qui n’est pas le cas. Toutefois, je reconnais, après avoir relu les débats, qu’il a manqué d’explication. Quelquefois, on a tant le sujet en tête qu’on pense qu’il en va de même pour tout le monde et qu’il n’est pas nécessaire d’en débattre.
Cet amendement a donc provoqué des « sur-réactions », qui, je n’hésite pas à le dire, ne sont pas justifiées. Vos différentes interventions montrent que vous avez pris conscience de ces situations d’abus de droit ou, en tout cas, de situations « limites », qui ne sont saines ni pour nos recettes ni pour l’équité. D’autres solutions que celles qui sont prévues par cet amendement pourraient être proposées, mais je me félicite de cette prise de conscience collective, peut-être due aux explications ayant suivi l’adoption de ce dispositif.
Je voudrais retracer rapidement l’évolution de la législation sur ce point. En 2009, ont été visées les sociétés d’exercice libéral et ceux qui, au travers de ce type de sociétés, en « profitaient » pour convertir des salaires en dividendes, afin d’obtenir des réductions en matière de contributions sociales. Ce problème a été réglé à cette époque par qui vous savez… Le même dispositif a été adopté en 2013 pour les SARL, les sociétés à responsabilité limitée, c'est-à-dire essentiellement pour les commerçants et les artisans. En 2014, il a été étendu aux SARL agricoles.
Que s’est-il passé par la suite ? Je vais vous donner un chiffre qui va probablement vous faire réfléchir. Il restait à traiter le cas des sociétés par actions simplifiées et des sociétés anonymes. En 2010, on dénombrait dans notre pays 11 000 SAS à associé unique, lequel, par définition, est majoritaire, puisqu’il est seul, contre 36 000 en 2013 !
En analysant ces chiffres et en discutant avec les uns et les autres – monsieur Delattre, vous y avez fait allusion –, nous avons observé que de nombreux cabinets d’expertise comptable recommandaient à certains dirigeants de transformer leur SARL en SAS. On les comprend quand on sait que les dividendes sont assujettis à un taux de 15,5 % de contribution sociale, alors que les salaires le sont à des taux bien supérieurs. C'est la raison pour laquelle a émergé l’idée de ce dispositif introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
Vous demandez s’il y a eu une étude d’impact. M. Barbier l’a reconnu lui-même, elle est difficile à réaliser. Si l’on ne prend que les sociétés par actions simplifiées à associé unique, dont je vous ai rappelé le nombre, et qu’on relève le montant des dividendes versés au-delà du seuil de 10 % du capital social en 2013, on obtient des sommes de l’ordre de 300 millions à 400 millions d’euros. Il faudrait cependant faire un calcul plus fin, car les montants qui ont donné lieu à versement de dividendes ont parfois déjà été assujettis à l’impôt sur les sociétés.
Après calcul, et l’estimation a été faite il y a déjà plusieurs jours, cette mesure rapporterait de l’ordre de 50 millions à 100 millions d’euros au budget. On est loin du milliard d’euros évoqué dans la presse par certaines organisations ! J’aurais probablement dû le dire à l’Assemblée nationale, mais je ne suis pas sûr que j’aurais évité les débats qui ont eu lieu après.
Dans ces conditions, que faut-il faire aujourd'hui ? J’ai confirmé ce que d’autres avaient pu dire avant moi : le Gouvernement est prêt à revoir ce dispositif. Néanmoins, si le seuil de 10 % du capital social n’est peut-être pas le bon, je ne suis pas sûr non plus, monsieur Delattre, que votre proposition, qui consiste à prendre comme référence le plafond de la sécurité sociale, soit pertinente. En effet, si on l’appliquait à l’ensemble des sociétés, cela reviendrait à attribuer la même franchise à toutes les entreprises, sans considération pour leur taille ou pour leur capital social.
Il faut donc probablement travailler sur d’autres types de solutions. Nous avons quelques idées sur le sujet, mais nous ne sommes pas prêts aujourd'hui à vous proposer une solution de substitution.
Concernant les amendements de suppression de l’article 12 bis, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée. Il prend acte de la bonne compréhension dont cette question fait désormais l’objet. Toutefois, il rappelle, pour ceux qui ne seraient pas spécialistes de la question, que le dispositif ne concerne pas tous les dividendes de toutes les sociétés, tant s’en faut : il ne concerne que les dirigeants qui possèdent, seuls ou avec leur famille, plus de 50 % des parts d’une société, ce qui n’est évidemment que très exceptionnellement le cas des très grandes sociétés – je ne sais même pas si le cas se rencontre –, et que n’est visée que la fraction de dividendes qui dépasse 10 % du capital social. Vous le voyez, les interprétations qui ont pu être faites du dispositif se sont parfois fortement éloignées de sa réalité.
Voilà, en toute transparence et en toute franchise, quelle est la situation. Au demeurant, le Gouvernement n’exclut pas, sur ce sujet, dont je vous remercie d’avoir constaté qu’il était, parfois, un vrai sujet, de vous proposer un autre dispositif ou d’approuver un dispositif qui serait proposé, dans le cadre du présent PLFSS ou dans un texte à venir.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous propose de prolonger cette séance jusqu’à minuit trente, afin d’aller plus avant dans l’examen des amendements.
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Ce dispositif nécessite effectivement une étude d’impact, ses implications étant multiples et la situation pouvant être très différente d’une société à l’autre.
Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez le succès de la société par actions simplifiée. Je ne suis pas sûr qu’il s’explique uniquement par des raisons d’opportunité liées à l’assujettissement aux cotisations sociales. En effet, la SAS est un très bon statut. Un certain nombre de SA se transforment ainsi en SAS pour avoir un fonctionnement beaucoup plus souple. De même, dans les petits groupes avec holding, la société mère à actionnariat multiple est généralement une SA, tandis que les filiales sont souvent des SAS, dont la société mère est l’unique actionnaire.
M. Jean-Marc Gabouty. Je comprends tout à fait le souci d’éviter les abus auxquels pourrait conduire la recherche d’une optimisation sociale ou fiscale, mais n’oublions pas que la situation est très différente selon les dirigeants. C’est aussi en fonction de leurs revenus complémentaires que ceux-ci choisissent un type d’optimisation.
Éviter les dérives me paraît tout à fait naturel, mais je pense que cette question mérite davantage de réflexion. En effet, derrière le terme de « dirigeant » se trouvent aussi bien des salariés que de simples mandataires sociaux.
Faut-il que les mandataires sociaux, dont les revenus sont relativement limités, s’octroient des revenus plus importants, au détriment de l’autofinancement des entreprises et de la perception de l’impôt sur les sociétés, pour acquitter la contribution qui leur sera finalement demandée ? Sans une réflexion plus approfondie sur le sujet, on pourrait bien voir naître cet effet pervers.
Par conséquent, tout en comprenant l’intention de fond, qui est de limiter les abus, je pense qu’il faut faire très attention, considérer à la fois le droit des sociétés et la fiscalité et ne pas traiter les deux problèmes de manière séparée.
Bien entendu, je voterai les amendements de suppression, en attendant que soit trouvée une solution plus satisfaisante qui ne présente pas de risque pour le fonctionnement des entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ces quatre amendements tendent à supprimer un article qui vise à assujettir à cotisations sociales les dividendes versés aux dirigeants de sociétés anonymes et de sociétés par actions simplifiées.
Ces demandes de suppression ainsi que la réponse que leur donne M. le secrétaire d’État me laissent perplexe. J’entends qu’il faut avoir une réflexion plus poussée. J’entends qu’il faut réaliser une étude d’impact pour analyser les conséquences d’une mesure qui ne serait pas sans gravité… Mais tout cela me met mal à l’aise. Le Gouvernement est quand même aux manettes depuis un certain temps ! Dès lors, pourquoi ces pistes de réflexion n’ont-elles pas été explorées ? Alors que les membres de la commission des affaires sociales constatent un manque criant de recettes pour notre système de protection sociale, je ne comprends pas pourquoi la logique reste essentiellement d’opérer des coupes budgétaires et non d’essayer de se doter de recettes nouvelles.
Quand les membres du groupe CRC proposent deux nouvelles recettes, avec lesquelles on peut, bien évidemment, être en désaccord – elles ne représentent pas la panacée, et c’est le jeu du débat démocratique –, que nous répond-on ? Quand nous proposons une modulation du taux de cotisation des employeurs suivant leur politique, plus ou moins vertueuse, de l’emploi, on nous dit que c’est beaucoup trop compliqué et que nous devons mobiliser nos énergies pour essayer d’affiner les choses. Il me semble que l’État a les moyens de pousser les réflexions plus loin qu’un groupe parlementaire ! Quand nous proposons, au nom de la justice sociale, de créer une cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques au même taux que les cotisations des employeurs sur les salaires, c'est-à-dire 5,4 %, on nous dit qu’il faut faire attention au droit communautaire… Autrement dit, on a l’impression d’être face à des choix absolument immuables et qu’il n'y a aucune possibilité de peser sur ces choix.
J’ai sans doute une oreille sélective, mais il est une chose que je suis sûre d’avoir entendue : l’engagement du candidat Hollande à renégocier certains traités européens. J’ai donc l’espoir que nous pourrons faire bouger les lignes, dans l’intérêt de nos concitoyens.
Je suis donc très étonnée de constater qu’appuyer encore et toujours sur les dépenses ne pose pas de problème – faire des économies ne nécessite pas d’étude d’impact… –, quand l’exploration de chemins nouveaux et, parfois, audacieux pour se doter de recettes nouvelles requiert toujours beaucoup de réflexion et d’analyse préalable…
Dans ces conditions, on reste vraiment sur une logique de petites mesures mises bout à bout, qui ne vont pas du tout dans l’intérêt des populations ni dans le sens d’un système de protection sociale digne du XXIe siècle.
Mme Annie David. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je voudrais rétablir un certain nombre de vérités et, sans avoir la prétention de vous faire un cours, vous expliquer quel est le statut d’un dirigeant majoritaire, mandataire social de société.
Premièrement, ces personnes investissent souvent des fonds personnels, parfois en vendant des biens immobiliers, pour constituer le capital de la société.
À cet égard, le taux de 10 % ne correspond à rien ! On se demande d’ailleurs d’où il sort. On sait très bien que, quand on investit beaucoup d’argent dans des sociétés à risque, dans des sociétés innovantes, le taux de perte du capital est extrêmement élevé. Je peux vous dire que, dans toutes les transactions que font les grands cabinets, les taux retenus – on appelle cela la « rente du goodwill » – sont de l’ordre de 15 %, 20 % ou 25 % ! Ce taux de 10 % n’a donc rien à voir avec la réalité financière des risques pris par ceux qui investissent dans des sociétés pour créer de l’activité et de l’emploi.
Deuxièmement, si l’on disposait d’une étude d’impact un peu plus aboutie, je pense que certains dirigeants majoritaires de sociétés hésiteraient entre percevoir leurs résultats sous forme de dividendes et les toucher sous forme de rémunération.
Rappelons que le statut d’un dirigeant de société mandataire social ne lui permet pas de bénéficier du chômage : si la société se casse la figure, il ne perçoit aucune indemnité ! Il est révocable ad nutum par ses actionnaires. Il ne bénéficie pas du droit du travail ni des procédures de licenciement. Si la société rencontre des difficultés de trésorerie empêchant que sa rémunération lui soit versée, bien qu’il ait acquitté les charges sociales correspondantes, il attend des jours meilleurs pour pouvoir se rémunérer, ce qui n’est quand même pas une situation très facile. Ajoutons que, s’il décide de ne pas soumettre une partie de sa rémunération à cotisations sociales, et c’est un calcul qu’il faut faire à terme, in fine, il sera aussi perdant ! En effet, il ne cotisera pas aux caisses de retraite ni, surtout, aux caisses de retraite complémentaire, ce qui le privera d’un certain nombre de ressources au moment où il liquidera sa retraite. Vous le voyez, la comparaison n’est pas facile.
Pour terminer, je reviens sur ce qu’a évoqué mon collègue Delattre au sujet de l’abus de droit : quand les rémunérations que se verse le dirigeant ne sont pas suffisamment élevées, la distribution de dividendes doit se déclencher. Mais, monsieur le secrétaire d'État, vous savez très bien que les vérificateurs fiscaux procèdent très fréquemment de manière inverse : quand ils se penchent sur une société dont le dirigeant se verse une rémunération sous forme de salaire – ce n’est pas un salaire, puisqu’il n’y a pas de contrat de travail ; c’est simplement un mandat social – et s’ils estiment que cette rémunération est trop élevée par rapport à ce qui se passe ailleurs, ils considèrent qu’une partie de cette rémunération est un bénéfice distribué et demandent à la société d’acquitter l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu avec une pénalité importante. Bien entendu, dans cette hypothèse, le régime des dividendes ne s’applique pas !
Vous avez fait allusion aux sommes que le dispositif de l’article 12 bis pouvait rapporter au budget : ces sommes ne sont pas significatives. Pour ma part, je crois qu’il faut que l’on fiche enfin un peu la paix aux dirigeants d’entreprises qui prennent des risques, qui investissent des capitaux, qui peuvent perdre leur patrimoine, sans se rémunérer forcément, pour pouvoir rémunérer leurs salariés, quand la société va mal.
Mme Pascale Gruny. C’est vrai !
M. Jean-Noël Cardoux. Arrêtez de leur chercher des poux dans la tête !
Certains vérificateurs fiscaux et sociaux utilisent une norme pour déclarer la rémunération de certains dirigeants comme excessive. Appliquons a contrario cette norme à ceux dont on considère que la rémunération n’est pas suffisante, vu leur volume de travail et le volume d’activité de leur société. Le Gouvernement doit réfléchir à des critères globaux qui pourraient être donnés, à titre indicatif, à ces vérificateurs.
Arrêtons de nous torturer l’esprit. Je pense qu’un dirigeant pour lequel un cabinet d’expertise comptable ferait une étude comparative sur l’opportunité de se rémunérer et sur celle de se distribuer des dividendes aurait, in fine, des difficultés à se décider entre ces deux options, puisque les arguments plaident tantôt pour l’une, tantôt pour l’autre.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié quater, 10, 36 et 196.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 bis est supprimé.
Articles additionnels après l'article 12 bis
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié quater, présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Procaccia et MM. Bonnecarrère, Charon, Dassault, Duvernois, Frassa et Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Mes chers collègues, je tiens avant toute chose à vous remercier du vote qui vient d’avoir lieu. L’amendement n° 17 rectifié quater est précisément un amendement de cohérence avec la suppression de l’article 12 bis.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a élargi l'assiette des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, donc des gérants majoritaires de SARL soumis au régime des travailleurs non salariés.
En tant que revenus du capital, les dividendes étaient antérieurement imposés dans la catégorie des revenus mobiliers. De ce fait, ils étaient assujettis aux prélèvements sociaux – CSG et CRDS –, mais n'étaient pas soumis aux cotisations sociales. La loi a modifié cette approche, en prévoyant que les dividendes perçus par les gérants majoritaires de SARL seront assujettis aux cotisations sociales lorsqu’ils dépasseront 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant.
Ainsi, jusqu’à 10 % du montant des capitaux propres, les dividendes et les sommes versées en compte courant supportent des prélèvements sociaux à hauteur de 15,5 %. Au-delà, des cotisations sociales leur sont appliquées, en plus de ces prélèvements sociaux, au motif qu’ils sont considérés comme revenus d’activité.
Depuis le 1er janvier 2013, la fraction des revenus distribués et des intérêts payés qui excède 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant doit être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales sur les revenus d’activité des gérants majoritaires dirigeant une société assujettie à l’impôt sur les sociétés. Cette mesure est d’autant plus préjudiciable aux travailleurs indépendants que la loi de finances pour 2013 avait également durci l’imposition des dividendes. Elle prévoyait la suppression de l’abattement de 1 525 euros pour les personnes seules – 3 050 euros pour les couples – et soumettait les dividendes au barème progressif de l’impôt sur le revenu, sans option possible au prélèvement libératoire de 21 %.
Avec de telles dispositions, et sous couvert de lutte contre l’optimisation sociale, le Gouvernement et la majorité en viennent à fixer dans la loi un montant maximal de dividendes et adressent ainsi un message de défiance aux entrepreneurs. Les dividendes, qui rémunèrent la prise de risque, ne doivent pas être confondus avec un salaire. Ils sont issus des résultats des entreprises, eux-mêmes déjà soumis à l’impôt.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement tend à supprimer l’assujettissement aux charges sociales des dividendes versés aux dirigeants de SARL. Je crois que personne ne comprendrait que l’on puisse exonérer de cotisations sociales les dirigeants de grandes entreprises, sans faire de même pour les dirigeants de petites entreprises ou de SARL.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission souhaite s’en remettre à l’avis du Gouvernement.
Mme Annie David. Et l’étude d’impact ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. M. Cadic considère qu’il s’agit d’un amendement de cohérence. J’ai craint un moment qu’il n’ajoute qu’il est également rédactionnel. (Sourires.) Or ce n’est pas si simple. L’amendement a en effet pour objet de sortir de l’assiette des cotisations sociales les dividendes perçus par les gérants majoritaires de SARL.
Les comportements d’optimisation sociale consistant à ne pas se verser de revenu mais des dividendes ont été dénoncés par les dirigeants du RSI. Je ne vais pas revenir sur le sujet, qui a déjà été évoqué, mais j’aimerais savoir, monsieur le secrétaire d’État, quel serait l’impact de la mesure proposée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À l’époque où la mesure a été mise en œuvre, son impact a été évalué entre 75 millions et 100 millions d’euros.
Cela étant, le Gouvernement n’est pas favorable à un retour en arrière. Je m’en suis remis à la sagesse du Sénat sur une possible extension de cette mesure aux SA et SAS – j’insiste sur le fait que les cas de détention majoritaire par une seule famille doivent être extrêmement rares pour les SA, plus fréquents pour les SAS –, et je suis prêt à examiner des solutions susceptibles d’emporter une majorité au Parlement, mais il ne me semble pas opportun de revenir sur une évolution désormais intégrée par l’ensemble des acteurs.
Je veux profiter de cette intervention pour répondre à certains arguments que j’ai entendus lors de l’examen de l’article 12 bis.
C’est vrai qu’il n’est pas toujours avantageux pour un dirigeant d’entreprise de se verser des dividendes. Le but de cet article était aussi de clarifier les choses en la matière. La notion d’abus de droit n’est jamais évidente à mettre en œuvre et engendre, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, de très nombreux contentieux. Moins nous nous reposerons sur cette notion et mieux nos fonctionnaires pourront travailler, sinon ce seront les cabinets d’avocats et les juridictions qui auront à s’occuper de ces dossiers.
M. Gabouty a indiqué que la multiplication du nombre de SAS était aussi probablement due au fait que des SA de petite taille se transforment en SAS. Ce constat a effectivement été fait par mes services. Mes précédents propos doivent donc être relativisés : l’augmentation du nombre de SAS est due non seulement à des transformations de SARL en SAS, mais aussi à des transformations de SA en SAS. Comme vous le voyez, il y a un certain nombre de points sur lesquels nous pouvons nous retrouver.
M. Cardoux s’est interrogé sur l’origine du seuil de 10 %. Ce que je peux vous dire, monsieur le sénateur, c’est que le Conseil constitutionnel, saisi sur la question, a validé le chiffre. Cela ne vous apprendra rien sur la façon dont celui-ci a été fixé, mais vous pouvez considérer à tout le moins qu’il est conforme à nos dispositions constitutionnelles.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter au débat, le Gouvernement étant, comme je l’ai indiqué, défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Permettez-moi tout d’abord une brève parenthèse, mes chers collègues, pour rebondir sur les propos de M. le secrétaire d’État. Le phénomène de transformation de SA en SAS peut avoir différentes causes. L’une d’entre elles me semble primordiale : en dessous de certains seuils, relativement élevés, les SAS ne sont pas tenues de désigner un commissaire aux comptes, ce qui limite les contraintes et les frais d’honoraires.
Cela dit, l’amendement n° 17 rectifié quater étant cohérent avec les propos que je viens de tenir sur le cheminement du statut de dirigeant, sur les questions de dividendes et de rémunération, je le voterai tout à fait logiquement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À cette heure avancée, mes chers collègues, je tiens à souligner à quel point je trouve nos débats plaisants. Voilà en effet qu’à minuit vingt, ce matin, vous redonnez à la lutte des classes ses lettres de noblesse !
Quel plaisir d’assister, dans le cadre de l’examen de ces différents amendements, à une telle défense de la classe dirigeante ! Pour ma part, je suis fière d’appartenir à la classe laborieuse, à la classe ouvrière. C’est elle que je continuerai de défendre depuis les travées de cet hémicycle !
Certains ou certaines d’entre nous se vantent, à la tribune ou en commission, d’être des chefs d’entreprise. Tout le monde ne l’est pas ! Notre pays compte aussi des salariés, qui méritent tout autant estime et respect. Dans les mesures que nous adoptons, nous devons avoir toujours en tête de défendre le monde ouvrier. C’est en tout cas notre préoccupation, nous qui siégeons à la gauche de cet hémicycle !
M. Bruno Gilles. Pour qu’il y ait des salariés, il faut qu’il y ait des entreprises !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Voilà un peu plus de trente ans, à l’âge de vingt ans, j’ai créé ma SARL avec mes 20 000 francs d’économies. Pendant sa première année d’existence, je ne me suis pas versé de salaire. Il ne s’agissait pas d’optimisation sociale. Il me fallait simplement dégager des fonds pour permettre à ma société de se développer et de survivre. Voilà, madame la sénatrice, ce que vous appelez la différence entre les classes laborieuses et les classes capitalistes ! Créer son entreprise, c’est prendre des risques et beaucoup travailler !
Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas accepter vos propos. Nous ne pouvons pas renoncer à imposer des cotisations sociales au président majoritaire de SA et obliger le petit entrepreneur majoritaire, qui se bat au quotidien, qui a parfois investi toute sa richesse dans son entreprise, à en payer sur ses dividendes.
Cela vous semble normal… Ce n’est pas mon cas ! Honnêtement, je trouve même très étrange qu’un gouvernement comme le vôtre envisage de dispenser les grands entrepreneurs de cotisations sociales, tout en imposant cette même charge à de petits entrepreneurs. J’espère donc que cet amendement sera adopté. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Apparemment, il faut faire attention à tout ce que l’on dit… Je vais donc mettre fin à une incompréhension, si tant est qu’elle existe : je n’ai pas opposé grandes entreprises, grands dirigeants et petits entrepreneurs.
Pour avoir fait des mathématiques pendant longtemps, je sais que ce qui est grand pour l’un sera petit pour l’autre, et inversement. Je connais la signification de « plus grand que » ou de « plus petit que », mais je ne sais pas dire ce qui est grand ou petit, car nous pouvons avoir des conceptions différentes de ces termes.
Mais trêve de cabotinage… J’ai expliqué – il est possible que je me trompe – que des sociétés anonymes de taille importante dont plus de 50 % du capital est détenu par une seule personne ou une personne et sa famille – c’est bien de cela dont il est question, non pas d’être ou pas le dirigeant, mais d’être l’actionnaire majoritaire – sont très peu nombreuses, voire inexistantes. Dès lors, ce n’est pas un sujet !
L’idée est simple : face à des situations pouvant être assimilées à des abus de droit – cela a été unanimement reconnu au début de la discussion –, nous avons considéré qu’il y avait probablement lieu de légiférer. Bien entendu, il n’est pas question d’empêcher le versement de dividendes.
À l’article 12 bis, il a été considéré que, jusqu’à 10 % du capital social, les dividendes versés à une même personne pouvaient être considérés comme tels et, donc, restés assujettis au taux de 15,5 % de prélèvements sociaux, taux habituel pour les dividendes. Au-delà, toutefois, lorsqu’une personne possède plus de 50 % des parts et se verse plus de 10 % du capital social en dividendes, nous avons estimé – notre appréciation n’est, à l’évidence, pas partagée par tout le monde – que cela pouvait être considéré comme un salaire « déguisé », ce qui n’offre pas que des avantages, comme cela a été dit tout à l’heure.
Il faudra probablement revenir à d’autres critères et observer ce qui se passe sur plusieurs années, tant il est vrai que les conditions économiques peuvent varier d’une année sur l’autre. Tout cela méritera peut-être d’autres propositions. Apparemment, lorsque les dispositions ont été prises sur les sociétés que j’évoquais précédemment, il n’y a guère eu de remontées de la part du secteur. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu de revenir sur ces dispositions.
Quant à dire que certains auraient le monopole de la défense de telle ou telle classe, dois-je rappeler que nous avons créé une tranche d’imposition sur le revenu à 45 %, restauré un ISF qui avait été vidé de sa substance, assujetti les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu, ce qui n’était pas le cas auparavant. Entendre à maintes reprises ce soir que nous n’aurions rien fait en deux ans en termes de réforme de la fiscalité et de progressivité de l’impôt est légèrement contrariant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il m’est difficile de me prononcer au nom de la commission. J’ai sollicité l’avis du Gouvernement. Maintenant, chaque sénateur est libre de son vote.
J’ai entendu les arguments de M. le secrétaire d'État, qui a reconnu l’existence d’un véritable sujet. Cela, tout le monde l’a compris. Le problème, c’est de savoir si, comme le souhaite M. Cadic, en cohérence avec la suppression de l’article précédent, nous supprimons des dispositions qui rapportent 75 millions à 100 millions d'euros.
Néanmoins, je vous le dis, monsieur le secrétaire d’État, il va falloir résoudre le problème en bloc : nous ne pouvons pas traiter d’une certaine façon les dirigeants majoritaires de SA ou de SAS et laisser de côté ceux de SARL. Je connais des exemples similaires au cas personnel que M. Cadic nous a exposé. Les dirigeants de petites entreprises qui se lancent dans une aventure en investissant toutes leurs économies, sans se verser de salaire, tomberaient, à leur détriment, sous le coup de cette taxation des dividendes. Or ce ne sont pas les dividendes qui apportent une richesse, tout au moins au moment de la création et durant les deux ou trois premières années d’exercice.
J’ai mon opinion sur ce problème, mais je laisse à chacun le soin de voter en conscience.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12 bis.
Mes chers collègues, je précise que nous avons examiné 58 amendements au cours de la journée ; il en reste 222 à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 13 novembre 2014 :
À neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 78, 2014-2015) ;
Rapports de MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, René-Paul Savary, Mme Caroline Cayeux, MM. Gérard Roche et Gérard Dériot, faits au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, 2014-2015) ;
Avis de M. Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances (n° 84, 2014-2015).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement
À seize heures quinze et le soir :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 13 novembre 2014, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART