Mme Françoise Gatel. À mon sens, cet amendement devrait vous convenir davantage, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’il vise à exonérer de taxe des entreprises de l’agroalimentaire.
Nous proposons d’exclure du périmètre de la contribution perçue sur les boissons et préparations liquides pour les boissons destinées à la consommation humaine les boissons à base de soja contenant au minimum 2,9 % de protéines issues de la graine de soja. Je vous rassure : ces boissons sont produites à partir de soja non OGM cultivé de manière quasi exclusive en France.
Les boissons à base de soja ne peuvent pas être confondues avec du Red Bull ou du Coca ; elles ont un objectif avant tout nutritionnel.
Pour des motifs variés, des considérations éthiques à la question de la tolérance, notamment au lait de vache, en passant par celle de la diversification alimentaire, ces boissons peuvent, et il est important de le prendre en compte, être utilisées comme compléments ou substituts aux produits laitiers d’origine animale.
Dans leur rapport d’information, remis au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat au mois de février 2014, nos collègues Yves Daudigny et Catherine Deroche recommandent notamment de réexaminer la nécessité de maintenir les contributions de santé publique assises sur les produits dont l’innocuité est scientifiquement prouvée.
Il convient de le rappeler, le soja relève même de préconisations alimentaires contre les allergies.
Je vous renvoie également à la lecture du rapport, paru en 2013, de la commission Innovation 2030, présidée par Mme Lauvergeon : « De nouveaux produits alimentaires reposant sur des protéines végétales devront être conçus pour répondre à la croissance de la demande alimentaire mondiale que le secteur de l’élevage ne pourra seul satisfaire. Les forces conjuguées de son agriculture, de son industrie agroalimentaire et de sa tradition d’innovation culinaire devraient permettre à la France de disposer d’un important potentiel d’exportation. »
La suppression d’une telle contribution permettrait à la filière des boissons à base de soja, qui regroupe quatre grosses entreprises françaises, d’investir, de créer des emplois et d’exporter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Ainsi que nous l’avons expliqué en commission, à la lumière de la question prioritaire de constitutionnalité relative au Red Bull, il semble difficile d’exclure une boisson répondant aux critères fixés par la taxe sur le seul critère de sa composition. Le Conseil constitutionnel considère que le législateur doit établir une imposition fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objectif visé.
Quand on a dit cela, on a tout dit... Mais je laisserai à M. le secrétaire d’État le soin de conclure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vais répéter ce que j’ai déjà dit lors du débat à l’Assemblée nationale, où le sujet nous a occupés durant près d’une heure. Certes, c’était extrêmement sympathique, mais je ne suis pas convaincu que cela était réellement justifié...
D’abord, les montants concernés sont extrêmement faibles, de l’ordre du million ou du million et demi d’euros. Ce n’est donc pas un problème de rendement.
Ensuite, l’exonération envisagée permettrait-elle de redynamiser la filière ? Sur une bouteille d’un litre de boisson à base de soja, qui coûte en général autour de 2,50 euros, la taxe représente 7,5 centimes, soit 3 % du prix. Je laisse donc à votre appréciation le soin d’évaluer si une telle mesure est de nature à modifier l’équilibre du marché. À l’Assemblée nationale, où certains faisaient toute une histoire pour cette « filière d’avenir pénalisée par la taxe », une proposition similaire a finalement été repoussée.
Le Gouvernement est plutôt défavorable à la suppression de la taxe pour ces produits. En effet, une telle disposition n’est pas de nature à modifier la filière compte tenu de la faiblesse de la taxe par rapport aux prix de vente. En outre, ce serait introduire une complexité supplémentaire et créer encore une différence entre des types de boissons, même si je sais que les sucres ne sont pas de même nature selon qu’ils proviennent de lait de soja ou d’autres protéines. Je ne suis cependant pas un spécialiste de ces questions, qui sont en tout cas d’une complexité rare. Soyez certains que je ne demanderai pas une seconde délibération si votre assemblée adoptait cet amendement…
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous inviterai un jour à une dégustation, vous pourrez vérifier que les boissons au lait de soja n’ont rien à voir avec le Coca-Cola ou le Red Bull.
Je rappelle que le lait de vache, qui peut engendrer des allergies, n’est pas du tout soumis à cette taxe, que les marges dans l’agroalimentaire sont de 2 % et que cette taxe représente 5 % à 6 % du prix de vente.
Mme Françoise Gatel. On peut porter deux regards différents sur ma proposition. Le vôtre consiste à dire que, eu égard à la faiblesse de cette taxe, il ne sert à rien de la supprimer. Moi, j’ai appris que les petits ruisseaux faisaient les grandes rivières. Par rapport à l’enjeu que représente l’industrie agroalimentaire, au défi que constitue l’alimentation mondiale, pour laquelle, demain, nous manquerons de ressources, le développement des productions végétales est une nécessité.
Dans la lettre de mission adressée par le Gouvernement à Mme Lauvergeon est clairement mise en avant la nécessité pour notre industrie et nos entreprises d’innover. Tout ce qui peut permettre de financer l’innovation dans les entreprises doit donc être encouragé. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d'État, ce n’est pas une question de rendement, dites-vous. Donc, évacuons tout de suite la question financière et venons-en fond du dossier. Comme l’a excellemment dit ma collègue Françoise Gatel, cet amendement renvoie à la question de l’alimentation et de la santé publique. Par conséquent, c’est sous cet angle qu’il faut selon moi l’aborder.
Les produits issus du soja n’ont strictement rien à voir avec un certain nombre de produits importés, sur la qualité desquels je ne ferai pas de commentaire, mais qui, à l’évidence, ne participent pas du bon goût français.
Puisque ce n’est pas un problème financier, c’est donc un problème de santé publique. Je me réjouis pour ma part, et je vous en remercie, de constater une certaine évolution du discours sur le sujet. Il y a un an, on n’avait pas le droit d’en débattre ; c’était un sujet tabou. Aujourd'hui, en disant que vous ne demanderez pas une seconde délibération sur cet amendement, c’est, d’une certaine manière, avouer que vous commencez à être convaincu. Si vous ne voulez pas qu’on revienne, l’an prochain, sur ce sujet, donnez un avis de sagesse sur cet amendement. Nous gagnerons du temps, et la filière s’en portera mieux. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je soutiens cet amendement.
On vient de le dire, ce n’est pas une question d’argent. Classer les boissons contenant du soja avec les boissons sucrées et un certain nombre d’objets de gourmandise et de fantaisie, c’est faire preuve d’indifférence, voire de mépris à l’égard de ceux qui ont été pionniers en ce domaine, qui ont fait des recherches, qui ont innové en matière alimentaire, qui ont recherché des substituts naturels à l’alimentation traditionnelle. Le lait de soja, pour des nourrissons ou des adultes allergiques au lactose, est un produit de substitution qui leur permet de se nourrir et de vivre à peu près normalement puisqu’il est assimilable au lait de vache, le lactose et le calcium en moins.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !
M. Jean-Louis Tourenne. Pour ceux qui seraient privés de la possibilité d’accéder aux produits laitiers, le soja remplace avantageusement le lait. M. de Legge vient de le dire, ce n’est pas la seule qualité de ce produit, qui a également des effets positifs en termes de prévention cardiovasculaire et de prévention de certains cancers. Par conséquent, il me semble que c’est faire injure aux chercheurs que de cataloguer ce produit dans les produits sucrés et autres sodas.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83 rectifié quater.
(L'amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Vous n’êtes jamais allés au Japon, chers collègues !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
L'amendement n° 311 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du II de l’article 1613 ter du code général des impôts, le montant : « 7,45 € » est remplacé par le montant : « 9 € ».
II. - À la première phrase du II de l’article 1613 quater du code général des impôts, le montant : « 7,45 € » est remplacé par le montant : « 9 € ».
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. Cet amendement vise à relever – il ne s’agit donc pas d’un impôt supplémentaire – la contribution prévue aux articles 1613 ter et 1613 quater du code général des impôts et qui est acquittée par les entreprises produisant des boissons sucrées de type soda – on les a évoquées à l’instant d’une autre manière – et des boissons contenant des édulcorants.
Il s’agit de faire passer cette contribution de 7,45 euros à 9 euros, soit 1,55 euro supplémentaire par hectolitre, soit cent litres, sur ces boissons qui ont des effets néfastes pour la santé. Elles jouent en particulier un rôle dans l’obésité, notamment l’obésité infantile, ce qui est d’autant plus grave. On voit aujourd'hui des enfants de quatre, cinq ou six ans déjà obèses. Elles favorisent aussi les maladies cardiovasculaires. Une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, a ainsi démontré qu’une consommation élevée de boissons light était associée à une forte augmentation du risque de diabète de type 2.
Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d’État, il me paraît donc intéressant d’examiner avec beaucoup d’attention cet amendement, qui, par ailleurs, est gagé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à augmenter la contribution sur les boissons sucrées et sur celles contenant des édulcorants. Il n’apparaît pas opportun de multiplier les hausses des contributions fiscales sur des produits dont l’assiette – ainsi que M. le secrétaire d’État l’a rappelé à propos du soja – est très limitée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On voit les taxes fleurir au gré de certains amendements, comme précédemment à propos des travailleurs indépendants.
Mme Hermeline Malherbe. Mais là, il s’agit de la santé !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Actuellement, le montant de la taxe est fixé à 7,45 euros. Le Gouvernement n’est pas favorable à ce qu’il passe à 9 euros par hectolitre.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Nous ne souhaitons pas que la taxe sur les boissons sucrées augmente encore.
De plus, je suis tout à fait opposée au fait de taxer de la même façon les boissons sucrées et les boissons contenant des édulcorants. Dans la mesure où la nocivité de l’aspartame n’est pas prouvée – on le verra dans un amendement ultérieur –, il n’est pas logique – le Conseil constitutionnel l’avait d'ailleurs souligné lors de l’instauration de la taxe sur les boissons sucrées – de taxer de la même façon les boissons sucrées et celles à base d’édulcorants, ces dernières n’ayant pas le même effet en matière d’obésité.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Nous voterons cet amendement.
Dans le cadre du PLFSS, nous nous intéressons aux questions de santé, et les conséquences sanitaires néfastes qu’a évoquées Mme Malherbe correspondent à une réalité préoccupante.
Quant aux études concernant l’aspartame, nous en reparlerons tout à l’heure…
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 311 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 12 bis (nouveau)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article L. 131-6 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Sont également pris en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, pour leur montant excédant 10 % du capital social et des primes d’émission et des sommes versées en compte courant qu’ils détiennent en pleine propriété ou en usufruit :
« 1° Les revenus définis aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le travailleur indépendant non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou ses enfants mineurs non émancipés ainsi que les revenus mentionnés au 4° de l’article 124 du même code perçus par ces mêmes personnes ;
« 2° En cas d’exercice de l’activité sous la forme d’une société passible de l’impôt sur le revenu, la part du revenu provenant de cette activité et soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux qui est perçue, lorsqu’ils sont associés de la société, par le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou par les enfants mineurs non émancipés du travailleur indépendant non agricole.
« Un décret en Conseil d’État précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social, ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant mentionnées au troisième alinéa du présent article. » ;
2° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre II est complétée par un article L. 242-4-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 242-4-5. – I. – Sont considérés comme une rémunération, au sens de l’article L. 242-1, dans les conditions fixées aux troisième à sixième alinéas de l’article L. 131-6, les revenus définis au même article L. 131-6 qui sont perçus par les personnes mentionnées au II du présent article ou par leur conjoint ou le partenaire auquel ils sont liés par un pacte civil de solidarité ou par leurs enfants mineurs non émancipés.
« II. – Le I s’applique aux personnes mentionnées aux 12° ou 23° de l’article L. 311-3 qui possèdent ensemble plus de la moitié du capital social, étant entendu que les actions appartenant, en toute propriété ou en usufruit, à leur conjoint ou au partenaire auquel elles sont liées par un pacte civil de solidarité et à leurs enfants mineurs non émancipés sont considérées comme possédées par elles. »
II. – L’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de l’article L. 242-4-5 du code de la sécurité sociale au régime de protection sociale des salariés agricoles, les références aux troisième à sixième alinéas de l’article L. 131-6 du même code sont remplacées par les références aux cinquième à huitième alinéas de l’article L. 731-14 du présent code, les références aux 1° et 2° du même article L. 131-6 sont remplacées par les références aux a et b du 4° du même article L. 731-14 et les références aux 12° et 23° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale sont remplacées par les références aux 8° et 9° de l’article L. 722-20 du présent code. »
III. – Le présent article s’applique aux cotisations et contributions sociales dues au titre des revenus perçus à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Cet article, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, vise à appliquer aux dirigeants de sociétés anonymes, les SA, et de sociétés par actions simplifiées, les SAS, un mécanisme anti-abus sur les versements de dividendes aux dirigeants qui détiennent la majorité du capital. Concrètement, il s’agit de prévoir que les dirigeants de ces entreprises, lorsqu’ils détiennent la majorité du capital social, peuvent percevoir des dividendes dans la limite de 10 % du capital social. La part qui excède ce seuil de 10 % doit être réintégrée dans leur rémunération habituelle et soumise à cotisations sociales. L’objet de ces dispositifs, qui existent déjà depuis plusieurs années, est d’éviter que des dirigeants qui sont en même temps actionnaires majoritaires puissent transformer leur rémunération en dividende pour réduire fortement leurs cotisations.
J’ai entendu plusieurs prises de parole qui dénaturaient la portée réelle de l’amendement ayant permis l’insertion de cet article et qui accusaient la majorité de ne pas respecter la prise de risque. Il faut se garder des caricatures ! Il s’agit au contraire de faire respecter la différence entre la rémunération du dirigeant, d’une part, et celle de l’actionnaire, d’autre part, cette dernière devant être en rapport avec le capital investi et ne pas se substituer à la première.
Il est assez difficile d’estimer les effets financiers de ce plafonnement, qui dépendent du comportement du chef d’entreprise : s’il réintègre la part excédentaire dans sa rémunération habituelle, il paiera davantage de cotisations sociales mais réduira aussi le montant de son impôt sur les sociétés et il paiera aussi moins de prélèvements sur le capital.
Nous avons tous constaté que les chefs d’entreprise avaient vu dans cette mesure une forme de défiance à leur égard. En la regardant un peu rapidement peut-être, beaucoup de chefs d’entreprise ou de spécialistes du sujet ont cru qu’il s’agissait de soumettre tous les dividendes à cotisations.
Le Gouvernement a annoncé que, dans ces conditions, et dans la mesure où cette disposition n’a pas pour objectif d’augmenter significativement les recettes des régimes sociaux, il était préférable que cet article introduit par voie d’amendement soit retiré du projet de loi. Cela laissera le temps de travailler de manière plus approfondie sur les modalités d’arbitrages qui existent dans certains statuts entre rémunération personnelle et dividendes et de proposer une régulation adaptée.
Nos collègues de la commission des finances, qui proposent la suppression de l’article, ont d’ailleurs reconnu qu’il y avait là un véritable problème et que le principe d’une régulation n’était pas illégitime. Le sujet ne doit pas être abordé au travers de postures partisanes, et nous pouvons tous reconnaître la nécessité véritable que tous les chefs d’entreprise contribuent de manière juste et équilibrée au financement de la protection sociale, de façon équitable, quelle que soit la forme juridique de leur entreprise.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 1 rectifié quater est présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Procaccia et MM. Bonnecarrère, Charon, Dassault, Duvernois, Frassa et Pellevat.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 196 est présenté par M. Barbier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié quater.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à supprimer l'article 12 bis, introduit par l'Assemblée nationale, qui tend à assujettir aux charges sociales les dividendes versés aux dirigeants majoritaires de SA ou de SAS, dès lors que leur montant excède 10 % du capital social de l'entreprise.
Cet article, tel qu’il est rédigé, cherche à mettre fin à des supposés phénomènes d'optimisation, en limitant la possibilité pour les dirigeants de réduire l'assiette de leurs cotisations sociales en se rémunérant sous forme de dividendes, et non de salaires. Avec cette disposition, le Gouvernement et la majorité adressent un message de défiance aux entrepreneurs.
Les dividendes, qui rémunèrent la prise de risque, ne doivent pas être confondus avec un salaire. Par cet article, ce sont la création de valeur et l'esprit d'entreprendre qui sont de nouveau sanctionnés en France. Il s'agit là d'un énième signal négatif envoyé aux entreprises, en particulier aux PME et aux start-up, qui verront leurs prélèvements s'accroître. Les dividendes proviennent en effet des résultats des entreprises, qui sont eux-mêmes déjà soumis à l'impôt. Cet article impose une double taxation aux entrepreneurs, sans aucune étude d'impact ni concertation.
Par ailleurs, en retirant des fonds aux entreprises via l'assujettissement des dividendes aux cotisations sociales, ce sont leurs capacités d'investissements qui seront fortement réduites et, par voie de conséquence, leurs capacités à embaucher. Dans le contexte économique que nous connaissons, nous ne pouvons pas nous permettre de faire peser des charges supplémentaires sur les entreprises.
J’ajoute que cet article crée de nombreuses incertitudes sur le plan juridique pouvant conduire à des prélèvements totaux de 79 % de la richesse créée.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à supprimer l'assujettissement aux charges sociales des dividendes versés aux dirigeants de SA ou de SAS.
M. Christophe-André Frassa. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 10.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. La commission des finances a déposé, elle aussi, un amendement de suppression de l’article 12 bis, tout en reconnaissant la difficulté de la question. En réalité, lorsqu’il n’y a qu’une seule personne, on vit au plus près l’association capital-travail !
Un système dans lequel toute la rémunération ou l’essentiel de la rémunération serait assurée par la distribution de dividendes pose problème dès lors qu’il peut déboucher sur un abus de droit. Puisque l’abus de droit existe en droit fiscal, il peut aussi exister en droit social. Même si nous sommes tous des défenseurs des petites entreprises, nous ne sommes pas là pour assécher la ressource sociale.
Lors de la discussion générale, nous avions dit qu’il fallait trouver le bon curseur, qui doit certainement se situer au niveau du plafond de la sécurité sociale, soit environ 37 000 euros. Jusqu’à cette limite, la rémunération doit relever des cotisations sociales ; au-delà, il s’agit uniquement de la rémunération du risque et du capital investi. Cela nous semble être le système le plus juste.
Il est difficile pour nous d’aller plus loin faute d’une étude d’impact. Il faut savoir que ce dispositif a été introduit par M. Bapt à l’Assemblée nationale. Toutefois, comme cet article comprend douze alinéas d’une très grande technicité, qui tiennent presque de l’ingénierie financière, on se dit qu’il n’a pas été introduit là tout à fait spontanément…
Monsieur le secrétaire d’État, la question est de savoir comment trouver un système juste et équilibré. Dans la discussion générale, j’avais lancé un appel à la réflexion sur ce sujet, mais je n’ai pas pu entendre votre réponse parce que nous avions une réunion de la commission des finances.
Certes, nous ne trouverons pas de solution ce soir, mais un système juste et équilibré, cela signifie qu’une part incontestable de la rémunération correspond au travail, avec les charges sociales afférentes. Je crois que nous pourrions nous mettre d’accord sur le seuil de 37 000 euros ; au-delà, cela doit relever uniquement, je le répète, de la rémunération du risque et du capital. Ainsi, on aboutirait à un système à peu près équilibré.
Voilà la piste que je propose. En attendant, je confirme que notre commission souhaiterait disposer d’une étude d’impact en vue de travailler en ce sens. En tant que législateur, notre responsabilité est de légiférer si l’on constate un abus de droit comme on en connaît en droit fiscal. Pour cela, il faudrait que nous sachions quel est le nombre exact de travailleurs concernés. Dans nos circonscriptions, nous avons tous connaissance de quelques cas, mais il est difficile de savoir si cette tendance est généralisée.
Je le répète, pour légiférer sereinement, objectivement et justement, il faudrait que nous disposions au moins de cette étude d’impact.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise, comme les autres amendements identiques, à supprimer l’article 12 bis.
Je n’ajouterai pas grand-chose à ce qui vient d’être dit. La commission des affaires sociales souhaite mettre fin à l’effet d’aubaine que l’amendement de l’Assemblée nationale tendait à contrecarrer, mais sans avoir peut-être perçu l’impact négatif de sa proposition. Il suffit de voir la réaction du ministre des finances, Michel Sapin, qui a immédiatement annoncé qu’il ferait supprimer cette disposition. Monsieur le secrétaire d’État, j’imagine que vous allez vous aussi nous proposer la même chose.
La proposition de notre collègue Francis Delattre est intéressante : autant il me semble anormal de taxer socialement les dividendes alors qu’ils le sont fiscalement, autant il faut évidemment pouvoir continuer à financer la sécurité sociale. Il est tout à fait normal que les dirigeants et les gérants de ces entreprises cotisent, eux aussi, à la sécurité sociale.
Nous devons travailler à la solution de sagesse que propose la commission de finances. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 196.
M. Gilbert Barbier. Ce qui manque à cette proposition adoptée sur l’initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale Gérard Bapt, c'est évidemment une étude d’impact. On ne sait pas du tout où l’on va ! M. Delattre l’a souligné, la rédaction de l’article est excessivement compliquée, si bien qu’on ne voit pas quelles vont en être exactement les conséquences.
Il faudra étudier la manière de taxer les excès de dividendes qui pourraient être constatés dans certaines sociétés, mais, en attendant, il faut absolument supprimer l’article 12 bis et faire une étude d’impact précise, qui ne sera d’ailleurs pas facile à réaliser.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?