M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. Si nous réussissions à œuvrer en ce sens dans nos assemblées, nous aurions bien travaillé ! (Mme Frédérique Espagnac applaudit.)
Monsieur le secrétaire d’État, les investissements sont bloqués du fait de cette complexité, qui représente des tracasseries administratives impressionnantes. La simplification permettrait donc de libérer tout à la fois l’initiative et l’investissement, et donc favoriserait le développement. Mes chers collègues, c’est ce à quoi nous devons travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée s’apprête donc à débattre durant quelques heures d’un texte destiné à simplifier la vie des entreprises. Je vois là deux bonnes raisons de me réjouir.
La première, c’est que, tout comme Jean-Marc Gabouty, qui s’est exprimé au nom du groupe UDI-UC, je suis chef d’entreprise. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Entrepreneur depuis l’âge de vingt ans, je suis heureux que notre gouvernement soit enclin à faciliter la vie des entreprises.
M. Roland Courteau. C’est très bien !
M. Olivier Cadic. La seconde raison qui me conduit à me réjouir de la présentation de ce texte au Parlement est l’urgence de la situation.
Dans notre économie désormais mondialisée – c’est un fait, que cela plaise ou non –, la France ne doit plus croire qu’elle peut, seule dans son coin, alourdir les charges des entreprises, faire exploser ses coûts de production, accumuler les tracasseries administratives et imposer des normes ou obligations, parfois inexistantes chez nos concurrents directs, sans pénaliser durablement son dynamisme économique, la compétitivité de ses produits, donc l’emploi.
Le Premier ministre est venu jusqu’à Londres déclarer sa flamme aux entreprises. Mais l’amour, cela ne se prouve pas par des paroles ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Ça aide !
M. Olivier Cadic. L’amour, cela se prouve par des actes !
Mes chers collègues, est-il normal que les textes proposés par le Gouvernement en matière économique ou sociale fassent l’objet, parfois dès leur promulgation, d’une procédure de simplification ou de « détricotage » ?
Le chef Paul Bocuse, qui a plutôt bien réussi dans ses entreprises, avait pour habitude de dire à ses collaborateurs qu’il faut autant de temps pour faire les choses bien que pour les faire mal. Alors, concluait-il, autant les faire bien tout de suite et gagner du temps !
Serait-il impossible de faire simple tout de suite dans notre pays ?
Prenons l’exemple de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, qui a créé une obligation d’information préalable des salariés, deux mois avant la cession d’une entreprise.
N’était-il pas possible d’anticiper le fait que l’information des salariés entraînerait indirectement celle des clients, des banquiers, des fournisseurs et des concurrents ? Comment, dans ces conditions, réussir de telles transactions, qui nécessitent la plus stricte confidentialité, dans l’intérêt de l’entreprise ?
Ces dispositions constituent, mes chers collègues, une véritable entrave à la liberté de céder son entreprise et seront, au bout du compte, dramatiques pour l’emploi.
Certes, le Gouvernement a fini par se convaincre de la nécessité d’intervenir, mais il tente de réparer par un fragile décret ce qui a désormais force de loi.
Comme l’a mentionné notre collègue Jean-Marc Gabouty, il nous faudra prendre nos responsabilités sur ce point et valider la correction législative apportée opportunément, en commission, par notre collègue Jean-Jacques Hyest, afin de l’intégrer à l’article 12 A du texte qui nous est présenté.
Comment comprendre ce gouvernement, qui prétend simplifier la vie des entreprises et introduit dans le même temps de nouvelles obligations de nature à rendre la conduite des affaires encore plus difficile ?
J’aurai ainsi l’occasion de revenir, au cours de la discussion des amendements, sur la nécessité de repenser fondamentalement la mise en œuvre, aujourd’hui inextricable, du compte pénibilité, qui s’annonce un enfer pour nos entreprises. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David. L’enfer, c’est pour les salariés !
M. Olivier Cadic. Si cette mesure était appliquée, elle pourrait se révéler, selon certains, aussi dévastatrice pour l’emploi et pour notre dynamisme économique que les 35 heures !
Mes chers collègues, l’heure est grave. Les Américains sont les premiers investisseurs étrangers en France. Or un sondage réalisé par le cabinet Bain pour l'American Chamber of Commerce indique que la perception positive de notre pays par les dirigeants américains est passée de 56 % en 2011 à 22 % en 2012, 13 % en 2013, pour s’établir à 12 % pour 2014.
Si nous voulons favoriser l’emploi dans notre pays, aucun texte ne doit être adopté dans cette assemblée qui vienne compliquer la volonté d’entreprendre et compromettre la réussite de nos entreprises.
Entre une durée minimale hebdomadaire d’un contrat de travail à temps partiel fixé à 24 heures depuis le 1er juillet dernier et une durée légale fixée à 35 heures pour un temps plein, nous assistons à une réduction des marges de manœuvre pour les entrepreneurs et leurs salariés.
Au nom de la liberté gravée aux frontons de nos mairies et de nos écoles, l’employeur et l’employé devraient pouvoir définir ensemble, librement, le contrat de travail qui leur convient. (Protestations sur les travées du CRC.)
L’insécurité du contrat de travail, qui peut être remis en cause par le juge, est souvent la raison qui convainc l’employeur de renoncer à prendre le risque de recruter un collaborateur.
Le texte présenté par le Gouvernement, parce qu’il ne traite pas de leurs vraies préoccupations, ne saurait simplifier la vie des entrepreneurs établis en France.
Le Premier ministre devrait changer de stratégie. Plutôt que de se répandre en déclarations d’amour à l’entreprise, il serait mieux inspiré d’agir pour que les entrepreneurs l’aiment.
Pour ce faire, je l’invite à répondre positivement aux demandes exprimées actuellement par les organismes patronaux, qui réclament des mesures fortes pour que notre pays soit compétitif et prospère. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord me réjouir de la qualité de cette discussion générale et évoquer en préambule quatre points me semblant correspondre pour l’essentiel aux propos tenus ici.
Tout d’abord, j’observe avec satisfaction que l’ensemble des parlementaires – c’était le cas à l’Assemblée nationale, c’est bien sûr le cas au Sénat – se réjouissent de l’œuvre de simplification que nous menons, même si – permettez-moi de commencer par cet aspect – un certain nombre d’entre vous ont, je le crois, mal apprécié l’apport très concret que représentera ce texte pour des millions d’entreprises.
Le projet de loi que, je le souhaite, vous allez adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit l’élargissement de la procédure du TESE, le titre emploi-service entreprise, à toutes les PME comptant moins de vingt salariés. Cette mesure existe déjà, mais elle est très peu, ou trop peu connue. Elle s’applique aux entreprises de moins de dix salariés et, très concrètement, pour les petites entreprises qui ne disposent pas d’un service des ressources humaines, ce « ticket » emploi-service permet, en deux heures, de remplir l’ensemble des obligations légales et réglementaires relatives à l’embauche d’un salarié. Il constitue une garantie pour le salarié et une véritable avancée pour plus d’un million de petites entreprises.
Par ailleurs, je me permets d’insister sur l’article 27 relatif aux marchés publics, qui est au cœur des interrogations d’un certain nombre d’entre vous. Désormais, les petites entreprises de France, quand elles répondront à un appel d’offres pour obtenir un marché public, n’auront plus à fournir toutes les pièces justificatives qui leur sont demandées aujourd’hui au titre de la première enveloppe, notamment un Kbis de moins de trois mois et un certificat d’imposition de moins de six mois : leur numéro SIRET les en dispensera totalement. Il s’agit d’un progrès considérable pour de très nombreuses entreprises en matière d’accès à la commande publique.
M. Michel Le Scouarnec. C’est vrai !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. De surcroît, l’adoption du même article permettra, toujours pour favoriser l’accès aux marchés publics, de mieux prendre en compte les critères sociaux et environnementaux pour l’évaluation qualitative des différentes offres. Combien d’élus locaux, combien de maires, ont été contraints de retenir une entreprise moins-disante au détriment d’une autre, dont l’offre était peut-être un peu plus chère, mais dont ils connaissaient les préoccupations sociales ? L’adoption de cet article bénéficiera à des millions d’entreprises !
Mieux encore, vous allez, mesdames, messieurs les sénateurs, donner des armes de combat aux nouvelles entreprises notamment des secteurs technologique et écologique, en leur permettant, si elles disposent d’un prototype, d’accéder aux marchés publics. Ces entreprises qui n’ont pas de référence sont, par définition, aujourd’hui exclues des appels d’offres ; elles pourront désormais à la fois faire leurs preuves dans le cadre de la commande publique et acquérir la référence qui leur servira pour conquérir des marchés en France ou dans le reste du monde.
Un dispositif similaire existe aux États-Unis, où il constitue un puissant levier pour favoriser l’émergence d’entreprises innovantes dans les domaines technologique ou écologique.
Vous vous apprêtez également à voter, mesdames, messieurs les sénateurs, l’élargissement le plus large possible du rescrit fiscal et social. Cette disposition, cela a été souligné sur toutes les travées, est attendue depuis des années par les entreprises. Si elle n’a pas été mise en œuvre plus tôt, c’est que nous attendions l’étude demandée au Conseil d’État pour nous assurer du cadrage juridique du dispositif ; c’est maintenant chose faite.
Je citerai encore le paquet supplémentaire de simplifications en matière d’aménagement et de construction.
Et je pourrais encore multiplier les exemples. Bref, mesdames, messieurs les sénateurs, dire que ce texte ne marque pas des efforts réels et des avancées significatives en matière de simplification n’est tout simplement pas vrai.
Certains, je leur en donne acte, peuvent ne pas approuver la méthode. Cela étant, pour vous livrer le fond de ma pensée, je ne crois pas au grand soir de la simplification. J’entends les impatiences des entreprises, en particulier des plus petites d’entre elles, mais que personne n’imagine qu’il suffira de se mettre autour d’une table pour mettre à bas toutes les règles d’un coup ! Cela ne se fera jamais, ni en France ni dans les pays qui ont commencé à simplifier leur législation.
Je ne parlerai donc pas d’un travail de Pénélope, comme je l’ai entendu ici, car la simplification me fait penser plutôt penser à Sisyphe et à une tâche sans cesse recommencée, qui implique modestie, résolution et durée.
L’occasion m’a été donnée, lors du tour d’Europe que j’ai évoqué, de me rendre en Angleterre, pays qui n’a pas le même rapport au droit que nous, c’est le moins que l’on puisse dire. (On le confirme sur les travées du CRC.)
Le processus de simplification y a débuté voilà dix ans.
Mme Annie David. On voit où cela mène !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Un jour, mon homologue anglais m’emmène dans son bureau, me désigne celui qui jouxte le sien – celui du Premier ministre, David Cameron – et me dit : « Je suis son copain d’enfance, j’ai été son témoin de mariage, je suis installé dans un bureau à côté du sien, cela fait cinq ans que je fais de la simplification, le processus a été entamé voilà cinq ans, et il me faut encore cinq années. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons besoin de la même durée ; si nous n’inscrivons pas ces efforts dans cette durée, nous ne parviendrons pas à simplifier.
Je ne vois pas de méthode plus efficace que d’identifier des cibles, de s’y attaquer précisément jusqu’au bout et ensuite de passer à la cible suivante.
Vous avez abordé un troisième point et il faut que l’exécutif et le législatif abordent là encore celui-ci loyalement et de concert : il s’agit du flux normatif, ces normes nouvelles qui créent parfois de la complexité là où on tente d’en enlever.
Quand nous fabriquons la loi ou tout autre texte normatif, nous devons veiller collectivement à être bien meilleurs que nous ne le sommes aujourd’hui. Cela vaut pour l’exécutif, mais aussi pour les parlementaires – disant cela, je ne remets évidemment pas en cause le droit d’amendement.
Nos études d’impact ne sont pas assez précises, elles ne font pas l’objet de discussions suffisamment approfondies, notamment en amont de l’examen des textes de loi – contrairement à ce qui se passe dans quelques pays européens. Bref, nous ne consacrons pas suffisamment de temps à étudier l’impact véritable des dispositions que nous prenons et les conditions de leur mise en œuvre.
Ce constat ne date pas de deux ans ; on pourrait trouver des exemples en pagaille au cours de ces dix ou quinze dernières années – disant cela, je ferai plaisir à tout le monde ici – de dispositions votées trop vite, avec des impacts aléatoires et qui parfois se sont révélées contraires aux objectifs qui leur avaient été assignés par ceux-là mêmes qui les avaient conçues, souvent mus par de bonnes intentions.
Toujours s’agissant de la fabrication de la loi, l’un d’entre vous a parlé des problèmes relatifs à la « surtransposition » législative de directives européennes. Il s’agit là d’un problème majeur. Pour améliorer la rédaction de la loi, nous devons en effet veiller à ne pas ajouter d’obligations à celles qui résultent déjà des directives européennes, tout comme nous devons probablement nous interroger bien plus que nous ne le faisons sur notre capacité à peser en amont dès l’élaboration des directives européennes. Dans ce domaine, les Français restent trop absents par rapport à d’autres pays européens. Dieu sait si nous avons des efforts à faire en la matière !
Je ne reviendrai pas sur la question du recours aux ordonnances ; j’en ai parlé dans mon propos liminaire. Je veux simplement vous redire, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’engagement qui a été pris à cette tribune est sincère et loyal. Le recours aux ordonnances n’est pas synonyme d’effacement des parlementaires ; leurs compétences seront utilisées au moment de la rédaction des ordonnances. Puisque, à l’évidence, cette assemblée compte des spécialistes d’un certain nombre de sujets, je m’emploierai à solliciter leur concours.
M. Mohamed Soilihi a évoqué sa proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce ; si d’autres de ses collègues veulent faire des propositions au cours de l’examen de ce texte ou même ultérieurement – en ayant toujours à l’esprit que l’objectif n’est pas de déréglementer –, c’est bien volontiers que nous les étudierons et que nous vérifierons si elles sont applicables. Le cas échéant, elles pourraient se retrouver dans un prochain « paquet » législatif.
L’examen des amendements me permettra de répondre plus précisément à certaines questions, mais je veux néanmoins vous donner quelques informations précises sur deux projets qui ont été évoqués par plusieurs entre vous, en particulier par votre rapporteur, à savoir le projet « Dites-le-nous une seule fois » et le projet de simplification de la fiche de paie.
Le projet « Dites-le-nous une seule fois », adopté en 2011, n’avait pas connu de véritable suite. Il est maintenant au cœur du travail de simplification des services de l’État et suit une feuille de route. Il s’agit d’un projet extrêmement simple, qui concerne tant les particuliers que les entreprises. Aux termes de ce projet, au 1er janvier 2017, tous les citoyens français et tous les agents économiques seront dispensés de répondre à toute demande ultérieure émanant de l’administration une fois qu’ils auront effectué leurs démarches administratives – c’est ce que l’on a appelé initialement le « coffre-fort numérique ».
Ce chantier soulève d’énormes difficultés tant juridiques que techniques – je pense aux logiciels – parce qu’il faut sécuriser les échanges de données entre les différentes administrations. Surtout, il y avait un préalable : que l’organisation informatique de l’État change pour qu’elle soit désormais régie au niveau interministériel par le Premier ministre lui-même. Cette question a été réglée le 1er août dernier, au cœur de l’été, par l’abrogation d’un décret de 1986 qui donnait à chaque ministre compétence sur son propre système informatique.
Mme Nicole Bricq. Une logique en silo !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. J’avais eu d’ailleurs l’occasion de m’entretenir de ce sujet avec Nicole Bricq.
Chaque administration ministérielle s’organisait de telle sorte que, surtout, son système informatique ne puisse pas être compatible avec celui de tel ou tel autre ministère… Il fallait casser ce système pour être en mesure de développer des plates-formes technologiques qui puissent être renseignées ou sollicitées par l’ensemble des ministères ; c’est chose faite depuis le 1er août.
Donc, pour ce qui est de « Dites-le-nous une seule fois », cela avance.
J’ai déjà évoqué les points intermédiaires, à savoir la simplification des marchés publics et la disparition de la première enveloppe. En fait, avec le numéro de SIRET, on peut retrouver toutes les informations que l’on demandait aux PME-PMI au moyen de la première enveloppe.
S’agissant maintenant du bulletin de paie, au 1er janvier 2015, les entreprises de France qui seront volontaires pourront faire passer le bulletin de paie de vingt-sept lignes actuellement à une quinzaine de lignes. En effet, nous avons négocié avec les partenaires sociaux la globalisation des cotisations patronales.
Les partenaires sociaux ont accepté que les onze lignes retraçant les cotisations patronales soient fondues en une seule. Les cotisations patronales ne disparaissent pas totalement de la fiche de paie, mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne faisaient pas jusqu’à présent l’objet d’une particulière attention de la part des salariés.
Voilà pour la première étape.
La seconde étape intervient dans quelques jours. Nous allons réunir un groupe de travail comportant des représentants patronaux, des représentants salariés, des éditeurs de logiciels et des experts-comptables dont la tâche consistera à harmoniser un certain nombre d’assiettes de cotisations et à réformer les systèmes de collecte, qui sont à la base de l’architecture un peu complexe de la fiche de paie.
Ce travail se poursuivra jusqu’à l’été 2015, de telle sorte que, au cours du second semestre de 2015, le bulletin de paie simplifié soit opérationnel, la collecte des cotisations sociales soit réformée et que les cotisations versées tant par les patrons que par les salariés soient traçables, afin que tout le monde puisse suivre l’évolution des cotisations versées.
Tout cela se fait à droit constant, sans aucune modification du montant des cotisations ou de leur mode de leur prélèvement. Cette nouvelle architecture pourra être généralisée à l’ensemble de l’économie française le 1er janvier 2016. Articulée à la numérisation des déclarations sociales, cette nouvelle fiche de paie procure un gain pour l’économie supérieur à 1,5 milliard d’euros, 8 euros par mois et par fiche de paie, soit 96 euros par an et par salarié.
Si l’on veut mener à bien et avec sérieux ce gigantesque chantier, il ne faut cependant pas chercher à aller plus vite. J’y reviens, la simplification exige de savoir concilier humilité, modestie et détermination dans la durée.
M. Vaspart s’est interrogé sur le montant des gains attendus de ces mesures de simplification pour l’économie française. Cette question du chiffrage est légitime. Sur le site www.fairesimple.gouv.fr nous rendrons publiques en toute transparence les évaluations ex post de ces mesures, c’est-à-dire les évaluations constatées. En outre, nous ferons évaluer les effets de ces mesures pas une autorité indépendante, ce qui ne s’est pas fait jusqu’à présent en France : généralement, c’est l’administration qui évalue elle-même le résultat de ses politiques. Nous sommes en train de procéder à un appel d’offres afin de confier à une ou plusieurs universités spécialisées dans l’analyse microéconomique l’évaluation des mesures prises. De cet impact vous pourrez juger vous-même, monsieur le sénateur.
J’ai évoqué un gain de 2,4 milliards d’euros pour les dix-huit premiers mois et de 11 milliards d’euros d’ici à la fin de 2016. Ces estimations, que je trouve pour ma part prudentes, sont conformes à une méthodologie utilisée à l’étranger et ont, de surcroît, été validées au terme de discussions que nous avons eues avec l’OCDE, ce qui donne toute garantie quant au chiffrage.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie encore de votre participation à ce débat. L’examen des amendements me permettra de répondre plus complètement à chacun d’entre vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Au moment d’entamer la discussion des articles de ce projet de loi, je voulais prendre la parole non pas pour vous répondre, monsieur le secrétaire d’État, mais pour faire part plus précisément des préoccupations que suscite au sein de la commission des lois et, plus généralement sans doute, du Sénat tout entier, le recours à la procédure d’habilitation législative, que nous avons voulu restreindre dans la mesure du possible.
Parlementaire chevronné, vous n’avez pas oublié en prenant vos nouvelles fonctions au sein du Gouvernement les réticences du Parlement face à l’utilisation de cette procédure. Sans vouloir allonger inutilement nos débats, je rappelle que, aux termes de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de légiférer par ordonnances pour l’exécution de son programme, lequel programme – il en est question ailleurs dans la Constitution – est présenté par le Premier ministre lorsqu’il engage la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée nationale.
C’est dire que, pour respecter l’équilibre de nos institutions, les lois d’habilitation ne sont tolérées que pour autant qu’elles portent sur des sujets majeurs.
Force est de constater que, au fil des années – l’actuel gouvernement n’a pas le monopole de cette mauvaise méthode législative –, il a été de plus en plus fréquemment fait recours aux lois d’habilitation, notamment pour transposer les directives européennes ou pour procéder à des réformes juridiques touchant de très nombreux articles de tel ou tel code. Ce n’est pas une raison pour considérer que procéder ainsi est une bonne pratique législative.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré devant le Sénat que vous étiez soucieux d’associer les parlementaires à l’élaboration de ces ordonnances. La commission en prend acte, bien sûr, mais nos demandes vont plus loin, en réalité.
Nos rapporteurs – et ce sera de plus en plus le cas à l’avenir – sont non seulement responsables de définir les positions de leurs commissions respectives lors de l’examen des projets de loi, mais ils sont également chargés de suivre la mise en œuvre des lois. Je souhaite donc que vous transmettiez dès que possible à nos rapporteurs – cinq commissions ont été saisies de ce texte assez hétéroclite, il faut bien le reconnaître –, dans les toutes prochaines semaines, vos projets d’ordonnance pour que nos collègues puissent rendre compte de leur contenu exact devant les différentes commissions avant même leur signature.
Moyennant cet engagement dont je souhaite que vous le preniez devant nous, nous examinerons avec bienveillance les demandes d’habilitation législative contenues dans ce texte, dans la mesure où vous accepterez vous-même de les restreindre au strict minimum.
Pour que nous acceptions d’entrer dans ce type de discussions avec le Gouvernement, il sera nécessaire que vous veilliez bien, au-delà des relations individuelles que tel ou tel parlementaire pourra entretenir avec le Gouvernement pour préparer les ordonnances, à ce que les rapporteurs en soient saisis en temps utile.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.