Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, dans le texte de la commission modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 317 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue du vote qui vient d’intervenir, j’aimerais adresser mes remerciements très sincères à tous les parlementaires qui se sont mobilisés lors de l’examen de ce projet de loi.
Ainsi que vous l’avez tous fait à la faveur de vos prises de parole, je veux me réjouir de la qualité des débats sur toutes les travées et de la contribution de chacun, qu’il y soit ou non favorable, à l’examen et à l’amélioration du texte. J’évoquerai également brièvement certains des sujets qui ont été abordés.
D’abord, je me félicite que chacun, quel que soit son vote, ait bien pris la mesure du risque qui se présente à nous. La nécessité de lutter contre le terrorisme a été affirmée avec beaucoup de force, sur toutes les travées.
Ensuite, ainsi que je l’ai fait avec sincérité et conviction au cours de ce débat, je voudrais insister sur l’équilibre de ce texte, auquel j’ai contribué, puisqu’il a été rédigé surtout par mes services, en très étroite liaison avec mon cabinet et moi-même. Le dispositif repose en effet sur un équilibre entre la nécessité de protéger les Français et celle de préserver les libertés individuelles.
On n’est jamais assez vigilant sur le respect des libertés individuelles. Je comprends parfaitement que des interrogations aient été exprimées. Elles sont toujours légitimes dès lors qu’il s’agit de s’assurer que les mesures adoptées ne porteront pas atteinte à un bien précieux, le creuset qui nous inspire tous, celui des valeurs de la République et des libertés fondamentales !
Mais je n’aurais jamais soutenu ce texte devant la représentation nationale si j’avais eu le sentiment qu’il pouvait, ne serait-ce qu’à la marge, remettre en cause ces libertés. Cela tient d’ailleurs à une raison de fond : l’objet même du projet de loi est de lutter contre ceux qui veulent remettre en cause nos libertés pour laisser toute la place à la terreur dans la démocratie et la République.
C'est pourquoi jamais je n’aurais accepté que l’on puisse mettre en place des mesures destinées à protéger les Français sacrifiant ne serait-ce qu’un peu les libertés individuelles et collectives. Si j’ai soutenu le présent projet de loi, c’est précisément parce que j’ai la conviction que tel n’est pas le cas.
Au contraire, avec ce texte, nous nous armons pour faire en sorte que ceux qui veulent atteindre la République dans ses valeurs et la démocratie dans les libertés qu’elle porte ne puissent jamais être en situation de le faire. Il faut que nos concitoyens n’aient jamais peur de ce qui les menace. La peur, c’est le début de la victoire des terroristes ; c’est le début de l’acceptation de la remise en cause des libertés auxquelles nous tenons !
Je remercie une nouvelle fois la Haute Assemblée de la qualité de ses débats et de son travail. Je salue également les administrateurs du Sénat, qui effectuent un travail important, connaissent parfaitement les textes et apportent une contribution intellectuelle et juridique essentielle à l’œuvre collective. Sur ce texte comme sur les autres, je les ai sentis affutés, exigeants, bien que silencieux. Comme quoi, la parole et l’efficacité ne vont pas nécessairement ensemble ; on peut tout à fait être efficace sans parler tous les jours ! (Sourires.)
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Adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (projet de loi n° 808 rectifié [2013-2014], texte de la commission n° 8, rapport n° 7).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.
Ce type de texte vous est désormais familier, même si le dernier texte d’adaptation au droit de l’Union européenne dont vous avez eu à connaître en matière économique a déjà presque deux ans, puisqu’il a été promulgué au mois de janvier 2013.
Toutefois, le présent projet de loi est sans doute l’un des plus riches que le Sénat ait eu à examiner en matière de transposition. Je remercie donc particulièrement le rapporteur, M. Richard Yung, ainsi que les sénateurs de la commission des finances de s’y être plongés en profondeur et d’en avoir permis une amélioration substantielle lors de son examen en commission la semaine dernière.
La richesse de ce projet de loi tient à l’activité législative soutenue, qui n’est pas le fruit du hasard, du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen en fin de législature. Cette activité législative a été nourrie par les enseignements tirés de la crise financière. Elle s’est traduite par de substantielles avancées de l’intégration économique européenne et, partant, par de nouvelles obligations pour les États membres pour adapter leur droit économique et financier à l’horizon des années 2015 et 2016. Ce sont l’ampleur de cette tâche et, à certains égards, l’urgence de la mener à bien – l’actualité économique de la zone euro le démontre chaque jour – qui ont conduit le Gouvernement à préparer un projet de loi spécifique et à solliciter de votre part, dans certains cas, des habilitations à procéder par ordonnance.
C’est dans l’esprit de dialogue qui l’anime que le Gouvernement vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous atteler à cet exercice. Nous avons parfaitement entendu le souhait des parlementaires, exprimé en commission, d’être pleinement associés à la rédaction de certaines dispositions sensibles ; je reviendrai sur ce point.
Le présent projet de loi vise à transposer des directives et à adapter le droit interne au droit de l’Union européenne dans trois domaines principaux : l’achèvement de l’union bancaire et financière, la transparence financière des entreprises et la protection des consommateurs.
Sur le premier sujet, les quatre premiers articles du texte, de même que les articles 9 et 13 à 16, concernent l’adoption en droit interne de dispositions à caractère financier contribuant à la consolidation du marché intérieur et du système financier européen.
Les articles 1er et 2 ont pour objet de permettre la transposition des directives relatives à la résolution bancaire – la directive BRR – et à la garantie des dépôts, publiées au printemps. Ces directives parachèvent l’édifice de l’union bancaire, avec le règlement relatif au mécanisme de résolution unique, pour la mise en œuvre duquel le Gouvernement sollicitera toute à l’heure, par voie d’amendement, une habilitation à légiférer.
Lancée à l’été 2012 par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et de la zone euro, cette union bancaire repose sur plusieurs piliers.
Il s’est d’abord agi de mettre en place un mécanisme de supervision unique qui fonctionne. Il s’appliquera bientôt directement aux cent vingt plus grands groupes bancaires de la zone euro. C’est une avancée politique majeure dans la construction d’une union bancaire ; elle stabilisera l’Europe.
Une deuxième étape a été franchie avec succès avant l’été, avec la finalisation du mécanisme de résolution unique, ou MRU, fixant des règles pour faire face à des situations de crises potentielles et organisant un cadre de faillite ordonnée pour les établissements financiers, ce qui répond à une attente pressante.
L’ensemble formé par la directive BRR, par la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts et par le règlement relatif au MRU vise à établir des règles harmonisées à l’échelon européen en matière de résolution bancaire. Celles-ci permettront notamment de définir, par ordre de priorité, le montant des pertes devant être supportées, en cas de résolution, par les diverses parties prenantes, à savoir les actionnaires, les créanciers et, enfin, les déposants au-delà du plafond de garantie fixé à 100 000 euros.
Cette deuxième étape ne sera pleinement franchie qu’avec la mise en place, au plan européen, d’un Fonds de résolution unique, le FRU, financé par les banques. Cette demande forte, soutenue par le Gouvernement français, a donc été entendue. Les modalités de contribution des établissements de crédit français au Fonds de résolution unique sont en cours de discussion à l’échelon européen. Compte tenu de ces enjeux, le Gouvernement reste particulièrement vigilant pour que soit garantie une équité de traitement entre les secteurs bancaires des différents pays participant à l’union bancaire. Un projet de loi de ratification de l’accord intergouvernemental du 21 mai 2014 portant sur cet aspect du mécanisme sera d’ailleurs très prochainement soumis à votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Par ailleurs, l’Europe s’est attachée à la redéfinition et à l’harmonisation de règles prudentielles applicables aux établissements financiers, afin notamment d’en limiter les aspects procycliques et de prévenir les faillites dites « systémiques ». Les banques ont été dotées d’un tel régime avec le paquet CRD IV/CRR, que la France aura prochainement transposé en totalité. Les organismes d’assurance seront dotés d’un mécanisme équivalent, prévu par la directive Solvabilité II.
Cette dernière constitue une refonte globale du régime prudentiel encadrant l’exercice des activités d’assurance et de réassurance en Europe. Elle renforcera les exigences applicables en matière de solvabilité, de gouvernance, de contrôle, ainsi que de transparence. Les travaux de transposition en droit interne de ce texte, visant à en permettre l’entrée en vigueur au 1er janvier 2016, sont menés au travers d’une consultation intensive, à laquelle sont associés l’ensemble des acteurs concernés.
Enfin, d’autres textes particulièrement importants pour les marchés financiers, tels que la directive concernant les marchés d’instruments financiers ou celle qui vise les OPCVM, doivent également être transposés dans les mois qui viennent.
Un deuxième groupe de dispositions que comporte le présent projet de loi a trait aux obligations applicables aux entreprises. Je pense notamment aux transpositions, à l’article 6, de la directive dite « Transparence » et, aux articles 7 et 8, de la directive dite « comptable ».
La transposition de la directive Transparence s’inscrit dans le cadre des mesures de simplification souhaitées par le Président de la République. Elle introduit des dispositions très concrètes en faveur des entreprises, notamment des PME. Elle permettra d’abord d’étendre de deux à trois mois le délai de publication des rapports financiers semestriels, ce qui évitera l’effet de surcharge d’informations en fin d’été qui conduit les analystes et investisseurs à se concentrer sur les entreprises de premier plan, au détriment des ETI, les entreprises de taille intermédiaire, et des PME. Cette disposition permettra à ces dernières d’attirer davantage l’attention du marché et d’accéder à de nouveaux financements.
Par ailleurs, la directive Transparence prévoit la suppression de l’obligation de produire une information financière trimestrielle qui entraînait des coûts administratifs élevés et incitait le marché à se concentrer sur la performance de court terme des entreprises, au détriment de leur performance de moyen et plus long terme.
En matière d’information financière, l’activité normative européenne a également permis d’adopter une directive comptable unique au mois de juin 2013. C’est sur le fondement de ce texte que le Gouvernement a déjà opéré, par une ordonnance autorisée par la loi de simplification du 2 janvier dernier, d’importantes simplifications des obligations comptables, au profit de près d’un million et demi d’entreprises. Il nous faut à présent achever la transposition de cette directive, en mettant à jour certains articles du code de commerce. Ce travail se fera à grands principes constants : la stabilité normative est aussi gage de simplification, et les entreprises, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, insistent beaucoup sur ce point lorsque nous les rencontrons et lorsque vous-mêmes les côtoyez dans vos circonscriptions.
La directive comptable comprend, par ailleurs, une mesure nouvelle et d’importance concernant la transparence des industries extractives, disposition qui est transposée à l’article 8 du présent projet de loi. Cette mesure, la France l’a activement défendue à Bruxelles lors de la négociation du texte. Elle vise à renforcer la responsabilité sociale des entreprises du secteur extractif et de l’exploitation de forêts primaires. Pour cela, elle tend à imposer à ces dernières la publication annuelle d’un rapport détaillé, projet par projet, relatif aux sommes qu’elles versent aux gouvernements des pays où elles sont actives.
L’objet d’une telle mesure de transparence est clair : il s’agit de permettre aux citoyens et à la société civile des pays riches en matières premières, en particulier les pays en développement, de connaître précisément les revenus engendrés par leurs exploitations et de mieux vérifier l’usage qui en est fait par leurs autorités. Ce dispositif européen répond à celui qui a été adopté par les États-Unis en 2010 ; la France promeut son adoption par l’ensemble des membres du G8 et du G20. Notre pays est à l’avant-garde sur ce sujet au plan européen.
Le texte prévoit une double publication des informations, non seulement au registre du commerce et des sociétés, mais également sur le site internet des sociétés, afin de garantir un accès simple et gratuit de l’ensemble des citoyens à ces informations.
Enfin – c’est le troisième volet du texte –, le présent projet de loi prévoit diverses transpositions permettant de renforcer la protection des consommateurs.
À l’article 10, il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive dite « Crédit immobilier ». Ce texte améliore l’information des consommateurs et introduit des règles de bonne conduite pour les prêteurs en matière de crédit immobilier. Il prévoit ainsi une harmonisation de l’information publicitaire et précontractuelle et la définition d’un cadre pour l’exercice de l’activité d’intermédiaire de crédits immobiliers.
Quant à l’article 11, il a pour objet d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance les dispositions de la directive relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation. Cette dernière vise à généraliser la mise en place de mécanismes de résolution amiable des litiges de consommation dans tous les secteurs professionnels. Pour les consommateurs français, il s’agit d’une avancée importante en termes de recours qui leur permettra de faire valoir leurs droits aisément et gratuitement. Ainsi, en cas de litige persistant avec un professionnel, les consommateurs auront la possibilité de s’adresser à un médiateur clairement identifié aux fins de résoudre le différend et éviteront ainsi de devoir recourir à la justice.
Cette habilitation à légiférer par voie d’ordonnance est demandée au Parlement non seulement pour des raisons de calendrier, mais aussi parce que le projet d’ordonnance s’inscrit dans la continuité des grands principes de la médiation conventionnelle définie dans le code de procédure civile.
Tel est le panorama d’ensemble des principaux enjeux de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, ou projet de loi DDADUE, qui est donc cohérent avec les actions politiques menées par la majorité depuis 2012 et que je me permets de rappeler ici : encadrement de la sphère financière, dont les ressources doivent être canalisées vers le financement de l’économie réelle ; simplification de la vie des entreprises, qui sont invitées à la responsabilité ; et protection des Français, notamment les plus modestes, y compris dans leur vie de consommateur.
Les dispositions du texte aujourd’hui soumis à votre examen répondent à une nécessité juridique tout en reflétant l’intensité des travaux européens menés sur ces sujets. Dans le même temps, elles permettent une modernisation de notre droit, attendue par nombre de citoyens, de contribuables, de consommateurs et d’opérateurs économiques.
Je souhaite donc que ces mesures recueillent, de la Haute Assemblée, l’assentiment le plus large. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte est le quatrième que nous examinons en ce début de session ordinaire. C’est le premier en matière financière. Il porte le doux nom de « DDADUE », lequel évoque certaines références littéraires, mais dissimule un contenu plus aride.
Il s’agit en effet d’incorporer à notre droit national un ensemble de directives et de règlements européens récemment adoptés.
Ces textes interviennent dans le sillage de la crise de 2008, qui avait suscité à juste titre une volonté de réformes et d’encadrement des activités bancaires et financières.
Je dois le dire, les choses ont avancé de manière significative dans ce domaine. Alors que l’on dénonce souvent l’irresponsabilité et l’absence de régulation du secteur financier, les progrès, au cours des cinq dernières années, ont été nombreux.
Michel Barnier, alors commissaire européen au marché intérieur et aux services, a beaucoup œuvré. Une quarantaine de textes importants ont été pris à Bruxelles dans le domaine des services financiers, et nous avons la responsabilité de les transcrire dans notre droit.
Ce travail a concerné tous les secteurs de la régulation, tous les produits : les agences de notation, les hedge funds, le régime prudentiel des banques, les produits dérivés. Hier, j’ai même pu constater que le shadow banking, c'est-à-dire toute cette activité qui échappe encore à la régulation, commence à être concerné par des projets de directive, afin de remédier à cet état de fait.
Certains sujets ont été consensuels, d’autres beaucoup moins. Les discussions avec le Parlement européen ont souvent été difficiles ces derniers mois et ces dernières semaines.
Selon la procédure européenne, les directives doivent être transposées en droit national avant une date fixée par elles – nous reviendrons sur cette question. Les règlements sont, quant à eux, d’application directe, mais, dans un certain nombre de cas, il est nécessaire de recourir à des textes de mise en œuvre.
Dans tous les cas, nous n’avons guère la possibilité de nous écarter des règles posées à l’échelon européen. Certaines directives ouvrent des options, mais l’Union européenne a tendance à être de plus en plus ferme. On appelle cela – jolie formulation – l’« harmonisation maximale » – c'est-à-dire minimale pour nous. C’est l’évolution des choses…
Un premier bloc de textes, comme Mme la secrétaire d’État l’a souligné, porte sur l’union bancaire.
Lancé au mois de juin 2012 par le sommet de la zone euro, le projet d’union bancaire repose sur l’idée d’unification de la régulation du système bancaire de la zone euro afin de briser le lien entre banques et dettes souveraines, lien qui a été un élément important de l’accélération de la crise de 2008.
Il consiste en trois piliers : le mécanisme de surveillance unique, le MSU, le mécanisme de résolution unique, le MRU, et un système unique de garantie des dépôts.
Le premier pilier, le mécanisme de surveillance unique, adopté en 2013, entrera en vigueur le 4 novembre, c'est-à-dire dans trois semaines. Il s’agit de faire surveiller les cent vingt plus grandes banques de la zone euro, dont dix banques françaises, par une unité spéciale de la Banque centrale européenne, la BCE, néanmoins indépendante de celle-ci et dirigée par Danièle Nouy, ancienne secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Des équipes plurinationales – ce point est très important, car il faut éviter les « liens du sang » – sont d’ores et déjà à pied d’œuvre puisque la BCE a organisé une « revue » du bilan des banques, de leurs actifs et de leurs passifs, en particulier pour apprécier la qualité des actifs. À juste titre, la BCE veut établir sa nouvelle surveillance sur des bases claires.
Le deuxième pilier de l’union bancaire, c’est le mécanisme de résolution unique, c’est-à-dire l’ensemble des règles et des procédures de gestion et de financement des crises bancaires. Que fait-on quand une banque présente des signes de faiblesse et peut ne pas être en position de faire face à ses échéances ? Jusqu’à présent, lorsque le cas s’est présenté, cela a souvent été dramatique. La seule solution qui prévalait, c’était de se tourner vers la banque centrale ou le Trésor pour demander des mallettes de billets, au motif que c’était la seule façon de résoudre le problème. C’est ce qui s’est passé au Royaume-Uni avec Northern Rock et la Royal Bank of Scotland ; en France, nous n’avons pas connu réellement une telle situation.
En tout cas, nous ne voulons plus que le contribuable soit sollicité en premier et dernier ressort, en quelque sorte.
Un système de résolution des crises a donc été élaboré, reprenant différents textes, en particulier la fameuse directive de 2013 dite « BRRD », qui harmonise les procédures de résolution nationales. Au fond, on a introduit des mécanismes de surveillance préalable, d’alerte.
Le point faible est toujours le même : si elles étaient alertées suffisamment à temps, les autorités pourraient prendre des mesures, mais elles découvrent toujours les difficultés au dernier moment. Ainsi, en Espagne, on disait des dirigeants de la banque centrale de ce pays qu’ils étaient des gens formidables, d’une très grande qualité – ce qui est certainement vrai –, mais il n’empêche qu’ils ont été surpris par la crise des caisses d’épargne. Cela a été le cas dans de nombreux autres pays.
Nous espérons que ce mécanisme d’alerte fonctionnera, mais, si les choses empirent – c’est ce point qui est important –, il sera fait appel aux créanciers selon un ordre d’appel bien défini : d’abord les actionnaires, puis les obligataires, puis les créanciers « juniors » – il est plus difficile d’envisager de recourir aux créanciers « seniors ».
Si cela ne suffit pas, on passe au fonds de résolution, dont nous parlerons ultérieurement, et ce n’est qu’à la fin, en espérant que ce ne sera pas utile, qu’il est fait appel au financement public.
Le mécanisme de résolution unique repose sur deux piliers : d’une part, un règlement européen, qui pose l’architecture générale du système – je n’entre pas dans le détail des différents organes puisque nous les évoquerons plus tard, lorsque nous serons appelés à ratifier l’accord intergouvernemental, l’AIG, signé entre les États participants – et, d’autre part, les modalités de répartition de ce fonds – c’est un point un peu douloureux – doté à terme, dans huit ans, de 55 milliards d’euros. La question est de savoir à quelle hauteur les banques européennes contribueront à ce fonds.
L’article 2 bis, inséré dans le présent projet de loi par l’Assemblée nationale, vise à adapter notre droit au règlement relatif au mécanisme de résolution unique. Pour que le MRU soit effectif, l’AIG, dont le projet de loi de ratification a été déposé sur le bureau du Sénat, sera donc encore nécessaire.
Je ne développe pas l’architecture du système, assez complexe. Au fond, la volonté a été de ne pas le laisser entièrement entre les mains de la Commission. De fait, il est le fruit d’un compromis entre celle-ci et les États. Comme tout compromis, il est un peu « couci-couça »… Néanmoins, nous espérons qu’il fonctionnera. On dit – je souhaite que ce soit vrai, car il faut agir vite – que, grâce à ce mécanisme, une décision peut être prise en trente-deux heures. En effet, en général, le président d’une banque appelle le vendredi soir vers dix-sept heures le gouverneur de la Banque de France ; on dispose alors de trente-deux heures pour résoudre le problème, avant la réouverture des marchés financiers le lundi matin.
Une question importante est celle du financement. Elle est en cours de négociation à Bruxelles, une négociation difficile. Il s’agit de trouver une clé intelligente et juste de répartition entre les banques. Pour l’instant, semble-t-il, le critère essentiel retenu est celui du total du bilan. Ce critère n’est évidemment pas favorable à la France puisque, comme vous le savez, en comparaison avec d’autres pays que je ne citerai pas, dont le système est plus décentralisé avec de nombreuses caisses d’épargne, le système bancaire français est concentré, avec de grandes banques.
On peut imaginer d’autres critères. En particulier, il me semble essentiel d’introduire la notion du risque bancaire. Certes, pouvoir présenter un bilan important est appréciable, mais si celui-ci contient nombre de titres discutables, alors cela signifie qu’il est quelque peu entaché.
Dans ses négociations, nous voulons aider le Gouvernement à faire un choix qui permette de pondérer de façon plus raisonnable la part des banques françaises. Selon certaines informations, cette part se monterait à 30 % des 55 milliards d’euros du fonds, faisant de la France, et de loin, le premier pays contributeur. Cela nous paraît beaucoup, même si je ne veux pas faire de comparaison avec les autres pays, car là n’est pas la question.
C’est pourquoi nous avons adopté en commission un amendement visant à prévoir que le Parlement ne ratifiera l’accord intergouvernemental qu’une fois connues précisément ses conditions de financement, au terme des négociations à Bruxelles. Nous espérons qu’elles conviendront au Parlement français, qui, comme les autres parlements, doit jouer pleinement son rôle en la matière.
Enfin, le dernier pilier de l’union bancaire est l’unification des systèmes nationaux de garantie des dépôts. Le Fonds de garantie des dépôts et de résolution en France est doté de plus de 2 milliards d’euros. Il deviendra en partie un fonds communautaire – ce qui me paraît tout à fait logique –, avec différents compartiments.
Madame la secrétaire d'État l’a signalé, le présent projet de loi porte également sur d’autres textes.
Ainsi, la directive Solvabilité II vise à renforcer les fonds propres des banques et à revoir le mode de calcul de leurs risques. Ce texte fort complexe a fait l’objet de très longues négociations avec les différents partenaires, ce qui n’était pas évident. Inévitablement, les assureurs ont poussé de grands cris, mais on est arrivé, selon ce que j’ai entendu dire, à un accord qui satisfait les trois parties, à savoir les assureurs, l’Europe et les autorités françaises.
Le paquet MIF II – « MIF » étant l’acronyme pour « marché d’instruments financiers » – tend à rationaliser et à favoriser la concurrence, et également à faire baisser les prix sur les marchés financiers.
Je reviendrai plus tard sur le paquet « abus de marché ».
Vous avez cité la directive relative au crédit immobilier, madame la secrétaire d'État.
Enfin, l’article 8 du projet de loi porte sur la lutte contre la corruption. Il ne s’agit pas d’un instrument de lutte contre l’évasion fiscale, contrairement à ce qui a pu être dit et écrit ; il s’agit d’un dispositif qui vise à lutter contre la corruption dans le secteur des entreprises extractives, notamment minières et forestières, qui recourent parfois à des techniques discutables en la matière.
Par ailleurs, le présent texte présente une caractéristique importante, puisqu’il contient essentiellement des habilitations à légiférer par ordonnance. Madame la secrétaire d'État, vous savez que le Parlement apprécie moyennement le recours aux ordonnances, puisque cela revient pour lui à se dessaisir de sa compétence de législateur. Bien qu’elle soit habituelle, le Parlement reste toujours sourcilleux face à cette procédure. Je ne vous cache pas que, pour ma part, j’étais a priori réticent eu égard au nombre d’habilitations demandées.
J’ai donc examiné, pour chacune d’entre elles, avec l’aide inestimable des administrateurs du Sénat, l’opportunité des justifications avancées. Je vous proposerai d’ailleurs, lors de l’examen des amendements, de réduire, voire de supprimer, certaines habilitations, ou bien d’en restreindre le délai d’habilitation.
Néanmoins, pour l’essentiel, je pense que les demandes du Gouvernement sont raisonnables et justifiées, car les textes en cause sont très longs et très compliqués.
En outre, pour de nombreux textes, nous attendons toujours les actes d’exécution que doit prendre Bruxelles, qui tarde à le faire, ce qui ne facilite pas le travail de transposition.
J’ajoute que, dans un certain nombre de cas, ces textes sont de simples copiés-collés de la législation communautaire.
Pour terminer, je veux dire un mot sur le travail de la commission des finances, qui a adopté plusieurs amendements. Je reviendrai tout à l’heure sur la question du mécanisme de résolution unique et donc sur la clause de prudence, en quelque sorte, que nous avons introduite à l’article 2.
Comme je viens de l’indiquer, nous avons adopté une série d’amendements visant à restreindre le champ des habilitations. En particulier, nous avons été très vigilants sur les questions des abus de marché et des marchés financiers. Deux amendements ont été adoptés sur le sujet : l’un sur les contrats d’assurance vie et l’autre, proposé par M. le rapporteur général, sur les délais dans lesquels la cour d’appel de Paris rend ses arrêts relatifs aux recours formés contre les décisions de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, en matière d’offre public d’achat. Là encore, j’y reviendrai lors de la discussion des articles.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à adopter le présent projet de loi ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)