Sommaire
Présidence de Mme Isabelle debré
Secrétaire :
M. Christian Cambon
2. Candidature à une éventuelle commission mixte paritaire
3. Lutte contre le terrorisme. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 62 de Mme Éliane Assassi (Groupe CRC). – Rejet.
Amendement n° 46 de Mme Esther Benbassa (Groupe écologiste). – Rejet.
Amendement n° 63 de Mme Éliane Assassi (Groupe CRC). – Rejet.
Amendement n° 64 de Mme Éliane Assassi (Groupe CRC). – Rejet.
Amendement n° 75 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 11 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 76 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 47 de Mme Esther Benbassa (Groupe écologiste). – Rejet.
Amendement n° 48 de Mme Esther Benbassa (Groupe écologiste). – Rejet.
Amendement n° 12 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l’article 5
Amendement n° 22 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Article additionnel après l’article 6
Amendement n° 14 rectifié de M. Jean-Patrick Courtois. – Retrait.
Amendement n° 49 de Mme Esther Benbassa (Groupe écologiste). – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 93 de M. Jean-Jacques Hyest (Commission des lois). – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 8
Amendement n° 3 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 4 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 2 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 5 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 9 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendements identiques n° 1 rectifié de Mme Nathalie Goulet et n° 65 de Mme Éliane Assassi (Groupe CRC). – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 52 de Mme Esther Benbassa (Groupe écologiste). – Rejet.
Amendement n° 50 de Mme Esther Benbassa (Groupe écologiste). – Rejet.
Amendement n° 84 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest (Commission des lois). – Adoption.
Amendement n° 90 de M. Jean-Jacques Hyest (Commission des lois) et sous-amendements n° 95 du Gouvernement, n° 92 présenté par M. Jean-Pierre Sueur (Groupe socialiste et apparentés) et n° 94 du Gouvernement. – Rejet du sous-amendement n° 95 ; adoption des sous-amendements nos 94, 92 rectifié et de l’amendement n° 90 modifié.
Amendements identiques n° 8 rectifié de M. Jean-Yves Leconte et n° 51 de Mme Esther Benbassa (Groupe écologiste). – Devenus sans objet.
Amendement n° 28 de M. Gaëtan Gorce. – Devenu sans objet.
Amendement n° 23 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 69 de Mme Leila Aïchi (Groupe écologiste). – Devenu sans objet.
Amendement n° 77 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 53 de Mme Esther Benbassa (Groupe écologiste). – Devenu sans objet.
Amendement n° 6 rectifié ter de M. Robert Navarro. – Devenu sans objet.
Amendement n° 29 de M. Gaëtan Gorce. – Devenu sans objet.
Amendement n° 33 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur (Groupe socialiste et apparentés). – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 24 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 70 de Mme Leila Aïchi (Groupe écologiste). – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 10
Amendement n° 25 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 26 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Articles 11, 11 bis, 12, 12 bis et 13. – Adoption
Amendement n° 87 de M. Jean-Jacques Hyest (Commission des lois). – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 78 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 89 de M. Jean-Jacques Hyest (Commission des lois). – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 71 de Mme Leila Aïchi (Groupe écologiste). – Rejet.
Amendement n° 79 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 15 ter
Amendement n° 15 rectifié de M. Jean-Patrick Courtois. – Retrait.
Amendement n° 54 de M. Philippe Kaltenbach. – Non soutenu.
Article additionnel après l'article 15 quater
Amendement n° 82 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 15 quinquies (nouveau)
Amendement n° 88 de M. Jean-Jacques Hyest (Commission des lois) et sous-amendement n° 96 du Gouvernement. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 15 quinquies
Amendement n° 81 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 91 de M. Jean-Jacques Hyest (Commission des lois). – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 18
Amendement n° 37 de Mme Nathalie Goulet. – Non soutenu.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard larcher
4. Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président.
projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme
MM. Alain Richard, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.
positionnement du gouvernement dans une démarche constructive vis-à-vis du sénat
MM. Vincent Capo-Canellas, Manuel Valls, Premier ministre.
MM. Bruno Retailleau, Manuel Valls, Premier ministre.
Mmes Françoise Laborde, Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
MM. Jean Desessard, Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
MM. Jean-Pierre Bosino, Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
journée de lutte contre la pauvreté
M. Yannick Vaugrenard, Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
finances des collectivités locales
MM. François Baroin, Manuel Valls, Premier ministre.
demi-journée de formation des maîtres
M. Hugues Portelli, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.
MM. François Patriat, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme isabelle DebrÉ
5. Demande d’avis sur un projet de nomination
7. Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
8. Communication du Conseil constitutionnel
9. Lutte contre le terrorisme. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur
10. Adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 2 bis
Amendement n° 13 de M. André Gattolin (Groupe écologiste). – Rejet.
Amendement n° 3 de M. Francis Delattre. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 3
Amendement n° 1 de M. Jean Germain. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 4, 4 bis, 5 et 6. – Adoption
Article additionnel après l’article 6
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Albéric De Montgolfier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques n° 4 de M. Éric Bocquet (Groupe CRC) et n° 9 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet de l’amendement n° 4, l’amendement n° 9 étant non soutenu.
Amendement n° 14 de M. André Gattolin (Groupe écologiste). – Rejet.
Amendements identiques n° 5 de M. Éric Bocquet (Groupe CRC) et n° 10 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 6 de M. Éric Bocquet (Groupe CRC). – Rejet.
Amendements identiques n° 7 de M. Éric Bocquet (Groupe CRC) et n° 11 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques n° 8 de M. Éric Bocquet (Groupe CRC) et n° 12 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait de l’amendement n° 12 ; rejet de l’amendement n° 8.
Amendement n° 15 de M. André Gattolin (Groupe écologiste). – Rejet.
Adoption de l'article.
Article 21 (suppression maintenue)
Articles 22, 23 et 23 bis. – Adoption
Articles 23 quater à 23 septies. – Adoption
Amendement n° 16 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle debré
vice-présidente
Secrétaire :
M. Christian Cambon
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
3
Lutte contre le terrorisme
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (projet n° 807 [2013-2014], texte de la commission n° 10, rapport n° 9).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III, à l’article 5.
Chapitre III (suite)
Renforcement des dispositions de nature répressive
Article 5
I. – Après l’article 421-2-4 du code pénal, il est inséré un article 421-2-6 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-6. – Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission :
« 1° Soit d’un des actes de terrorisme mentionnés au 1° de l’article 421-1 ;
« 2° Soit d’un des actes de terrorisme mentionnés au 2° du même article, lorsque l’acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes ;
« 3° Soit d’un des actes de terrorisme mentionnés à l’article 421-2, lorsque l’acte préparé est susceptible d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes,
« lorsque la préparation des faits prévus aux 1° à 3° est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et qu’elle est caractérisée par :
« a) Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;
« b) Et l’un des autres éléments matériels suivants :
« – recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ce lieu ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ;
« – s’entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l’utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d’aéronefs ou à la conduite de navires ;
« – effectuer des préparatifs logistiques permettant de mettre en œuvre les moyens de destruction mentionnés au a) ;
« – consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ;
« – avoir séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes. »
II. – (Non modifié) Après le troisième alinéa de l’article 421-5 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’acte de terrorisme défini à l’article 421-2-6 est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. »
Mme la présidente. L'amendement n° 62, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à supprimer l’article 5 du projet de loi.
Dans ce texte, il semble que la réaction au terrorisme ne serait qu’affaire d’incrimination. Il s’agit finalement de saisir une « réalité » qui semble à ce jour encore peu étayée – nous en avons débattu hier soir – et de lui apporter une traduction juridique par une qualification qui se veut adaptée.
Cet article 5 vise à créer l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle, alors que notre arsenal répressif, au travers du délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, répondait par extension, à notre avis, à cette situation.
Cet article nous semble construit sur une logique se traduisant inévitablement par la pénalisation effective des intentions éventuelles, sans qu’existe même le commencement d’exécution juridiquement requis permettant d’établir que la loi a effectivement été enfreinte. C’est à nos yeux un danger, d’ailleurs souligné par un certain nombre d’associations.
Dès lors, la pénalisation d’intentions, exprimées parfois dans la solitude, sans même attendre le commencement d’exécution juridiquement requis pour caractériser une tentative, nous paraît une évolution dangereuse.
Cela ne suffirait ni à exclure les risques de dérive ni à convaincre de l’efficacité de telles dispositions, face à des individus difficilement identifiables et dont les faits et gestes – au moins, nous sommes tous d’accord sur ce point – ne sont pas faciles à anticiper.
À nos yeux, le droit pénal doit rester limité par les bornes clairement identifiées que sont la légalité, la proportionnalité, l’égale dignité et la présomption d’innocence.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons, mes chers collègues, la suppression de l’article 5.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’article 5 est l’un des plus importants de ce projet de loi. En effet, contrairement à ce que vous venez de dire, madame Cukierman, on ne peut actuellement recourir à l’incrimination d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste pour ce qui concerne les entreprises individuelles terroristes. Or, justement, le problème tient à l’autoradicalisation d’un certain nombre de personnes.
Vous prétendez que ces mesures n’entrent pas dans le cadre de la légalité. Or le dispositif est parfaitement encadré, puisqu’il implique non seulement une intention mais aussi des préparatifs et des éléments matériels.
Par conséquent, cet article, tel qu’il a été amélioré par l’Assemblée nationale puis par la commission des lois du Sénat, apporte toutes les garanties de droit. La commission ne peut donc être favorable à sa suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite profiter de l’examen de cet amendement pour apporter quelques précisions sur la volonté du Gouvernement de mettre en place une nouvelle incrimination pénale.
Nous avons souhaité, avec la création du délit d’entreprise individuelle terroriste, adapter le droit à l’évolution du phénomène terroriste, qui s’est considérablement atomisé au cours des dernières années. En effet, il repose à présent sur des cellules, parfois réduites à leur plus simple expression, puisqu’il peut s’agir d’un individu seul. Ce dernier peut avoir suivi un entraînement sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes et être ensuite renvoyé sur notre sol avec pour mission de passer à l’acte, sans entretenir de relation continue avec ses commanditaires. Il peut également suivre des mots d’ordre généraux, des appels au meurtre, relayés sur les sites internet radicaux, et agir de lui-même.
Ces individus représentent un danger incontestable. Au niveau opérationnel, leur isolement les rend difficilement détectables. Au niveau juridique, le projet criminel ne peut résulter d’un échange matérialisant une association.
Il existe par conséquent des cas qui n’entrent pas dans la catégorie de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Il nous faut donc – et les juges antiterroristes eux-mêmes ont souligné cette nécessité – définir l’entreprise individuelle terroriste de manière suffisamment précise pour éviter de pénaliser un comportement quelconque, et suffisamment souple pour lui permettre d’embrasser un champ suffisamment large.
Il est reproché au délit d’entreprise individuelle terroriste – c’est d’ailleurs un peu l’esprit de votre amendement, madame la sénatrice – de laisser au juge la possibilité de condamner une simple intention, de confier aux magistrats une « mission de neutralisation préventive », pour reprendre l’expression imagée du Syndicat de la magistrature.
Le délit d’association de malfaiteurs, je le rappelle, existe en droit commun depuis 1810. Le législateur a donc compris depuis longtemps l’intérêt qu’il y a d’intervenir en amont pour ne pas laisser se perpétrer les faits les plus graves.
En matière de terrorisme, l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste constitue la pierre angulaire de notre dispositif. Ce délit est utilisé quotidiennement par les magistrats et enquêteurs spécialisés. C’est cette incrimination qui permet les condamnations des terroristes avant le passage à l’acte et rend possible, nous l’assumons, une neutralisation préventive de leurs projets criminels.
L’infraction obstacle d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, si elle n’a pas été validée en tant que telle par le Conseil constitutionnel, a été indirectement examinée et reconnue à au moins trois reprises par cette juridiction, en 1996, en 2004 et en 2010.
La pénalisation des actes préparatoires n’est donc pas par principe contraire à la Constitution, et la définition de l’entreprise terroriste individuelle est conforme au principe de légalité des délits et des peines, dès lors que le champ de l’incrimination est précisément déterminé et que les éléments matériels sont précisément définis.
L’entreprise individuelle terroriste visera à pénaliser non pas une simple intention, contrairement à ce que j’ai pu souvent entendre ou lire, mais bien un projet terroriste, une ferme résolution, objectivée par des faits matériels, dont la possession de moyens dangereux – j’insiste sur ce point – associée à d’autres comportements.
Dans le cas du jeune militaire d’extrême droite sur le point de commettre un attentat contre une mosquée, la possession légale de moyens dangereux et le suivi d’entraînements étaient caractérisés, de même que la détermination, matérialisée par un courrier adressé à un camarade, dans lequel il faisait part de son projet funeste. Dès lors, fallait-il laisser faire ?
Le délit d’entreprise individuelle terroriste repose sur deux éléments : d’une part, un élément moral, puisqu’il est nécessaire de démontrer l’existence chez la personne poursuivie d’un projet criminel, celui de commettre un ou des actes terroristes parmi les plus graves : atteinte à la vie, enlèvement, séquestration, détournement d’aéronef, destruction par explosif, empoisonnement ; d’autre part, un élément matériel, qui peut consister dans des repérages, des entraînements, un séjour sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, l’apprentissage du pilotage ou de la conduite de certains types de véhicules, la consultation habituelle de sites apologétiques ou provoquant à la commission d’actes de terrorisme, la recherche ou l’acquisition de moyens logistiques en vue de commettre un attentat. Le Gouvernement a d’ailleurs déposé, sur ce dernier sujet, un amendement permettant d’améliorer encore la rédaction de la commission.
À ces deux éléments doivent obligatoirement s’ajouter la recherche, l’acquisition, la fabrication ou la détention d’armes ou de substances dangereuses.
Madame la sénatrice, vous voyez bien que la réalisation d’une seule ou même de deux de ces conditions ne suffit pas à caractériser le délit. Prétendre le contraire, c’est dire une contrevérité. La consultation habituelle des sites les plus odieux n’est pas pénalisée en elle-même ; il s’agit d’un élément matériel parmi d’autres – dont l’acquisition ou la détention d’un moyen dangereux –, nécessaire pour caractériser le délit d’entreprise individuelle terroriste.
À l’inverse, si l’on devait exiger le cumul de la totalité de ces éléments pour ouvrir les poursuites pénales et diligenter une enquête, comme le propose Mme Assassi, l’action de la police et de la justice serait totalement paralysée. C’est bien la méthode du faisceau qui est retenue, laquelle permettra au juge judiciaire – on nous a expliqué hier qu’il était le garant de toutes les libertés – de se forger une conviction au vu des éléments de preuve qui lui seront soumis et de motiver sa décision. En effet, la mise en œuvre de l’action publique, l’instruction et le jugement de cette infraction seront l’œuvre de magistrats de l’ordre judiciaire du siège et du parquet, dans le cadre de la procédure pénale et avec les garanties du procès équitable.
Nous avons pris soin, mesdames, messieurs les sénateurs, d’aboutir à une rédaction précise, pour respecter le principe de légalité des délits et des peines, et suffisamment large pour garantir l’adaptation du texte aux nouvelles formes de terrorisme.
C’est la raison pour laquelle, après ces explications très détaillées que je viens de vous fournir et qui, très honnêtement, me paraissent assez imparables en droit (Mme Cécile Cukierman s’exclame.), je serais très sensible, madame la sénatrice, à ce que vous retiriez votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Très naturellement, je ne voterai pas l’amendement de suppression qui vient d’être défendu.
Je remercie M. le ministre de l’intérieur, qui vient de définir de façon très précise une incrimination pénale. Il appartient désormais au Parlement de décider ou non de créer cette nouvelle incrimination, de la préciser davantage et de donner à l’État et à la justice les moyens d’agir.
Je me pose cependant une petite question : et le ministère de la justice dans cette affaire ? (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est une question que nous avons posée hier !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne sais pas ce qu’il y a derrière la question de M. Mercier, qui connaît bien le ministère de la justice pour l’avoir dirigé, mais que les choses soient bien claires : ce texte est porté par le ministère de l’intérieur ; il contient des dispositions qui ont été validées en réunion interministérielle et qui ont fait l’objet de discussions extrêmement approfondies entre Mme la garde des sceaux et moi-même. Bien entendu, toutes ces dispositions qui ont vocation à être appliquées par l’administration de la justice, laquelle dépend de Mme la garde des sceaux, le seront conformément à l’esprit de la loi. Entre la Chancellerie et le ministère de l’intérieur, non seulement l’accord est complet, mais encore l’osmose est parfaite.
M. Michel Mercier. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 46, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Supprimer les mots :
de rechercher,
2° Après le mot :
danger
insérer le mot :
grave
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 prévoit que constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d'un acte de terrorisme, notamment lorsque cette préparation est caractérisée par le fait « de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ».
L’objet de cet amendement est, d’une part, de supprimer l’action de « rechercher » des comportements dont l’incrimination est prévue par l’article 5. En effet, comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, ce terme « évoque une conduite fort imprécise car située trop en amont du commencement d’exécution de l’infraction ».
Au contraire, l’action de détenir, de se procurer ou de fabriquer implique une vraie matérialité dont le lien avec le projet terroriste peut être établi.
Cet amendement vise, d’autre part, à préciser que les objets ou substances doivent être de nature à présenter un danger grave pour autrui. La notion de danger simple est en effet trop vague et peut s'appliquer à un nombre trop important d'objets et de substances.
Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
de rechercher,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement, qui va dans le même sens que celui qui vient d’être défendu, ainsi que le suivant ont le même objectif, même s’ils ne font pas tous trois l’objet d’une discussion commune : introduire des garanties à l’article 5 en en formulant mieux la rédaction, dans la logique que celle que j’ai évoquée précédemment.
Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, mais vos arguments ne me semblent pas totalement imparables, et nous éprouvons une réelle inquiétude.
Comme cela a été dit en discussion générale, si tout le monde s’accorde sur la dangerosité d’un certain nombre d’actes commis de par le monde, y compris pour le devenir d’un certain nombre de nos jeunes, nous n’y apportons pas les mêmes réponses et avons des objectifs différents. Partant, même si chacun, ici, tente de préserver un équilibre, nous ne nous retrouvons pas dans vos arguments, monsieur le ministre.
Je le répète, la nouvelle incrimination prévue à cet article 5 ne nous semble pas répondre aux entreprises terroristes individuelles qui se développent aujourd’hui et dont tout le monde convient qu’elles suivent un mode de fonctionnement entièrement neuf et qu’elles peuvent être difficilement anticipées, même en recourant aux différents critères que vous avez évoqués. Dès lors, nous nous demandons si une interprétation extensible de cet article 5 à d’autres actes ne pourrait pas attenter à certaines libertés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 46 tend à opérer deux modifications à l’article 5 : supprimer la mention du fait de « rechercher » des substances dangereuses et prévoir que le danger causé par ces substances doit être « grave ».
Concernant le premier point, l’acte de rechercher est bien un fait concret et matériel qui sera apprécié par les juges.
Concernant le second point, la notion de « grave » danger n’ajoute sans doute pas beaucoup à celle de danger. Je rappelle que cette condition se cumule avec d’autres.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 46, ainsi que, pour les mêmes raisons, sur l’amendement n° 63.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’avis du Gouvernement étant strictement identique à celui de la commission, je n’ajouterai rien.
Je voudrais juste poser une question à Mme Cukierman.
Madame la sénatrice, puisque vous avez défendu un amendement de suppression de l’article 5, ma question est simple : quel dispositif préconisez-vous en droit pour faire face au comportement de ceux qui, s’étant autoradicalisés, se proposent de commettre un crime ou un attentat sur le territoire national, sachant que l’incrimination d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, dixit les juges antiterroristes, ne permet pas de traiter la situation de ces personnes ? Concrètement, quel dispositif proposez-vous en substitution de celui que prévoit le Gouvernement ?
Mme Françoise Laborde. C’est une vraie question !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'amendement n° 46.
Mme Cécile Cukierman. Je voterai l’amendement n° 46 de Mme Benbassa, car je ne partage pas l’avis du Gouvernement.
Monsieur le ministre, nous avons déjà eu un débat hier et cela a été dit par un certain nombre d’orateurs : la réponse n’est pas simplement pénale. C’est bien pour cela que nous avons des appréciations divergentes.
Pour ma part, je reste intimement convaincue – peut-être l’avenir nous donnera-t-il tort, et tant mieux, serais-je tenté de dire – que nous sommes face à des comportements qui, dès la promulgation de cette loi – je n’irai pas jusqu’à dire « avant même » –, s’adapteront et contourneront les dispositions qui y sont prévues. Si ce texte pouvait tout simplement apporter une réponse à la barbarie et au terrorisme tels qu’ils s’expriment aujourd’hui dans une partie du monde, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, sans minorer le travail qui a été fait, que ce serait un peu trop simple et trop facile.
Nous sommes à un carrefour. Personnellement, je pense que ce texte ne résoudra pas tout. Disant cela, je ne prétends pas – et personne, en tout cas dans mon groupe, ne le prétend – que vous n’apportez pas les bonnes réponses et que vous cautionnez ce qui se passe dans certaines parties du monde. La procédure accélérée ayant été engagée, nous ne disposerons sans doute pas de suffisamment de temps. Si nous avions pu échanger davantage, peut-être aurions-nous pu aboutir à autre chose.
Cela étant, la question n’est pas de trouver un aboutissement puisque nous n’appréhendons pas nécessairement ce problème non plus que nous n’y répondons avec la même logique. Nous ne sommes pas d’accord sur un certain nombre d’articles et d’amendements. Je vous propose d’acter nos positions, sauf à rouvrir le débat sur chaque article, ce à quoi je suis pour ma part tout à fait disposée.
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Aucune réponse !
Mme la présidente. L'amendement n° 64, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
l’un
par les mots :
l’ensemble
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le présent amendement tend à rendre cumulatifs les éléments prévus aux alinéas 9, 10, 11 et 12 de l’article 5.
La nécessité d’un tel cumul rendrait l’infraction inopérante. Il est peu probable qu’une personne qui a l’intention de commettre des actes terroristes se livre cumulativement aux quatre types d’activités listés par le présent article.
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
éléments
par le mot :
faits
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement est quasiment rédactionnel. Les comportements visés s’analysant comme des agissements, la notion de faits matériels, déjà présente dans la définition de l’association de malfaiteurs, doit être substituée à celle d’éléments matériels.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf lorsque l’entraînement ou la formation résulte de l’exercice normal d’une profession
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à préciser que cet article ne s’applique pas lorsque l’entraînement ou la formation résulte de l’exercice normal d’une profession.
Je profite de la présentation de cet amendement pour dire que, en matière de terrorisme – je le sais pour travailler un peu sur cette question depuis plusieurs mois –, nous allons être dans la guerre de l’obus et du blindage ! En effet, au fur et à mesure de l’adoption de nouvelles législations, ceux qui voudront à la fois les détourner et s’attaquer à notre République ainsi qu’aux principes de la démocratie trouveront les moyens de le faire.
Cet article 5 pose des problèmes que nous avons longuement évoqués lors de la discussion générale, et je comprends tout à fait les hésitations que nous pouvons avoir les uns et les autres sur la pénalisation des intentions. Toutefois, en l’espèce, ces dernières sont très souvent, voire dans la majeure partie des cas, suivies d’effets. Quant aux autres dispositions ne figurant pas dans la loi, M. le ministre nous a expliqué hier longuement que de nombreuses mesures réglementaires avaient été prises pour éviter le pire en la matière.
Par conséquent, ce dispositif me semble nécessaire, et le débat le montrera, je pense.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’incrimination de l’article 5 résulte d’un cumul qui permet le respect du principe de légalité et de nécessité des peines. En particulier, l’entraînement ou la formation évoqués dans le présent amendement devront se combiner, outre le projet terroriste, avec le fait de rechercher ou de détenir des substances dangereuses. Dès lors, une telle précision ne paraît pas justifiée.
En effet, plusieurs éléments doivent être réunis. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’inscrire dans chaque texte des exceptions en raison de la formation, etc. Aucun magistrat ne poursuivra un individu simplement en raison d’un entraînement ou d’une formation. S’il n’y a pas de but ou d’autres éléments, il n’y aura pas de poursuites.
C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, madame la présidente. Compte tenu des explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 11 est retiré.
L'amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - rechercher, se procurer ou fabriquer des moyens matériels distincts de ceux visés au a) permettant ou facilitant la commission de l’acte terroriste ;
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des lois du Sénat a enrichi la rédaction de l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle par un nouveau fait matériel ainsi rédigé : « - effectuer des préparatifs logistiques permettant de mettre en œuvre les moyens de destruction mentionnés au a) ; ».
Cette rédaction répond à la nécessité de viser dans les actes matériels l’ensemble des comportements ou des situations qui permettent de mener à bien le projet terroriste.
Cependant, en visant expressément les moyens matériels distincts de ceux visés au a), cette rédaction a pour effet de supprimer l’exigence de cumul de deux éléments matériels distincts dès lors que le fait d’effectuer des préparatifs logistiques est déjà compris dans « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou substances de nature à créer un danger pour autrui ».
Aussi, cet amendement, tout en conservant la démarche de la commission des lois, en améliore la rédaction en distinguant clairement ce qui relève de l’élément matériel indispensable, visé au a), et ce qui relève de l’élément matériel alternatif, visé à l’alinéa 11.
Ce nouvel élément matériel pourra consister, par exemple, en l’achat ou la location de matériels, de box ou encore de véhicules.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme M. le ministre l’a souligné, la commission des lois a enrichi la rédaction de l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle en prévoyant notamment la préparation logistique, telle la location de box, etc. Si cet élément est important, l’articulation de l’article en souffre cependant. La précision qui tend à insérer l’amendement n° 76 est donc utile pour préserver le cumul de deux éléments matériels distincts.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 47, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’alinéa 12 de l’article 5 permet de considérer comme relevant de l'entreprise terroriste individuelle la consultation de sites provoquant ou faisant l'apologie d’actes de terrorisme. Il revient de fait à sanctionner la consultation habituelle de sites terroristes, en considérant qu'il s'agit d'un acte préparatoire à l'élaboration d'un acte terroriste. Il élargit également cette entreprise terroriste individuelle à la détention de documents provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie, pour inclure notamment les livres.
Cet alinéa fait appel à des notions floues, incertaines, voire contraires aux principes de légalité et de proportionnalité, et recouvre donc des situations très larges.
Actuellement, seule la consultation d'images pédopornographiques peut être punie de deux ans de prison. Pénaliser la consultation de contenus idéologiques ou la possession d'ouvrage est une innovation qui pose de nombreuses questions, notamment en matière de constitutionnalité et de conventionalité. Il convient donc d’être raisonnable et de supprimer cet alinéa.
Si, par curiosité intellectuelle, je consulte un site de ce genre, je serai taxée de terrorisme ! Certes, disant cela, je me livre à une simplification. Mais une telle situation peut arriver. (Mme Françoise Laborde sourit.) À mon sens, il faut réfléchir à cet alinéa qui me semble peu propice pour lutter contre le terrorisme.
Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
ou en faisant l’apologie
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Il s’agit là d’un amendement de repli ne concernant que l’apologie des actes de terrorisme. L'article 4 du présent projet de loi distingue clairement les délits d'apologie et les délits de provocation au terrorisme. La consultation de contenu faisant l'apologie du terrorisme, si elle est bien sûr condamnable, ne peut être assimilable au terrorisme au même degré que la consultation de sites provoquant au terrorisme. Le fait de consulter des sites ou de posséder des ouvrages faisant l'apologie d'actes de terrorisme, si odieux soient-ils, ne saurait caractériser à lui seul la préparation d'un acte de terrorisme, contrairement à la consultation de sites provoquant au terrorisme.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf lorsque la consultation ou la détention résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou a pour objet de servir de preuve en justice
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement de principe porte sur la consultation ou la détention qui résulte de l’exercice normal d’une profession. Néanmoins, à la suite des précisions apportées par M. le rapporteur et M. le ministre à l’alinéa précédent – je comprends relativement vite sans qu’il soit besoin de m’expliquer plusieurs fois les choses (Sourires.) –, j’ai l’impression que cela est déjà sous-entendu. Je retire donc mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 47 et 48 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Contrairement à ce qui est avancé par Mme Benbassa, l’article 12 n’incrimine pas la consultation habituelle des sites faisant l’apologie du terrorisme, en tant que telle, puisque seule l’association de ce comportement avec les autres éléments prévus par l’article 5 permettra de constituer le délit.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 47 et 48.
Mme Esther Benbassa. Vous ne voulez pas réfléchir à ces questions !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut lire l’ensemble de l’article, ma chère collègue. Il n’y a aucun risque !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame Benbassa, vos amendements sont inspirés – je me permets de vous le dire – pas une idée fausse et une contrevérité.
Mme Esther Benbassa. Comme d’habitude, vous avez toujours raison !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je dis simplement l’état du droit et je vous expose le contenu de cet article.
Vous affirmez que la consultation de sites provoquant au terrorisme suffit à constituer l’incrimination pénale d’actes terroristes individuels. C’est tout simplement faux. Ce qui caractérise et ouvre l’incrimination pénale, c’est une cumulation d’éléments, c'est-à-dire celui-ci plus d’autres. Donc, lorsque vous dites que votre amendement est justifié par le fait que la simple consultation de sites pourrait justifier d’une incrimination pénale, c’est faux. Puisqu’il faut plusieurs éléments pour que l’infraction soit constituée, votre crainte ne me semble pas fondée. Je vous donne toutes garanties, et cela figurera au compte rendu intégral des débats.
Par conséquent, je vous suggère de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, j’ai toute confiance en vous ; je vous sais humaniste et déterminé à lutter contre le terrorisme.
Toutefois, il ne faut pas avoir la mémoire courte. Le régime peut changer et la même loi perdurer. Par exemple, si je m’achète des livres gauchistes et consulte des sites révolutionnaires, cette loi s’appliquera-t-elle à moi ? (Rires.) J’ai l’impression que l’on regarde toujours l’événement qui a cours aujourd’hui au lieu de se dire que, demain, cette loi pourra s’appliquer à d’autres. Nous avons tous fait de l’histoire et savons ce qui se passe lorsque la liberté d’expression est limitée. (Nouveaux rires.) Je vous fais rire, mais moi je ne ris pas !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ma chère collègue, nous avons un texte qui est en fait assez clair : il ne vise pas à interdire à un chercheur de chercher ;…
Mme Esther Benbassa. Heureusement !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … il faut le cumul de deux faits : premièrement – et cela figure au a) –, « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Vous avez parfaitement lu ce a), puisque vous avez présenté des amendements soit pour le supprimer, soit pour le modifier.
À ce premier élément qui doit obligatoirement être établi s’ajoute, afin que l’incrimination soit complètement constituée, un deuxième élément, « l’un des autres éléments matériels » prévus par le b), parmi lesquels figure le fait de « consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. »
Par conséquent, ma chère collègue, le danger que vous voulez éviter en présentant un amendement de suppression de ce paragraphe qui relève du b) est évité par la rédaction même de cet article, qui suppose le cumul de deux éléments. Autrement dit, le chercheur n’a rien à craindre de ces dispositions ; par conséquent, si vous désirez le protéger, sachez que le texte le fait déjà.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, qui est déjà satisfait par le texte.
Mme la présidente. Madame Benbassa, l’amendement n° 47 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 22 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 132-79 du code pénal, après le mot : « utilisé » sont insérés les mots : « ou lorsqu’il y a eu usurpation d’identité sur un réseau de communication au public en ligne ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’usurpation d’identité atteint plus de 300 000 personnes chaque année, et elle est le plus souvent commise en ligne. Elle est incriminée, soit lorsqu’elle donne l’occasion de commettre une infraction, en vertu de l’article 434-23 du code pénal, soit, depuis mars 2011, lorsqu’il en est fait usage, notamment sur un réseau de communication au public en ligne, dans le but de nuire à la tranquillité d’une personne ou de porter atteinte à son honneur, en vertu de l’article 226-4-1 du code pénal.
Cela étant, internet a incontestablement accru dans des proportions considérables le risque d’une telle usurpation, notamment via la création de faux profils sur les réseaux sociaux.
Si l’incrimination créée par la loi du 14 mars 2011, en ce qu’elle vise l’usage d’une ou de plusieurs données de toute nature permettant d’identifier un tiers, est suffisamment large pour réprimer toute usurpation d’identité numérique, les peines prévues ne paraissent pas à la hauteur des conséquences subies par les victimes de tels agissements.
Une note d’orientation du comité de suivi de la convention Cybercriminalité datée du 5 juin 2013 souligne combien l’appropriation frauduleuse d’informations relatives à l’identité sert à la préparation de nouveaux agissements criminels, notamment sous forme de fraude.
Dans le cas des infractions terroristes, l’usurpation d’identité est fréquente et permet d’entrer en relation avec de jeunes personnes influençables. Les journaux en donnent de nombreux exemples.
Compte tenu de l’importance et de la gravité de cette délinquance, cet amendement tend à reprendre une recommandation du rapport de Marc Robert sur la cybercriminalité. Il s’agit d’ériger en circonstance aggravante le fait d’usurper une identité sur un réseau de communication en ligne pour préparer ou commettre un crime ou un délit, ou pour en faciliter la préparation ou la commission, comme cela arrive le plus souvent dans les faits d’apologie du terrorisme ou de corruption d’un mineur.
Je note enfin que le terrorisme appelle une réflexion plus large du Parlement sur la cybercriminalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à instituer une aggravation générale des peines en cas d’usurpation d’identité sur un réseau de communication au public en ligne.
Madame Laborde, vous suggérez de modifier, à cette fin, l’article 132-79 du code pénal, qui induit déjà une telle aggravation pour l’utilisation d’un moyen de cryptologie. Serait ainsi portée à sept ans la durée de l’emprisonnement prévue pour le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes – c’est l’article 4 du présent texte–, dès lors que les faits sont commis au moyen d’une usurpation d’identité.
Or, contrairement à la cryptologie, l’usurpation d’identité est déjà punie en tant que telle. Au regard de la cohérence du code pénal, il ne serait donc pas pertinent d’ajouter que cette infraction constitue une circonstance aggravante, pouvant prolonger de deux ans une peine d’emprisonnement.
Aussi, madame Laborde, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Laborde, l’amendement n° 22 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, cet amendement me paraît intéressant. En effet, l’usurpation d’identité sur internet est liée à un autre problème, à savoir le droit à l’oubli : une fois que votre nom est inscrit sur tel ou tel réseau ou sur tel ou tel site, il est extrêmement difficile de le retirer.
Or la mention de votre nom, associé à un certain nombre de mots sur des moteurs de recherche, peut avoir des conséquences très particulières. Je peux vous le dire, pour en avoir fait l’expérience : il est extrêmement difficile, quand votre nom est, par exemple, associé au terme « assassin », de clarifier la situation, même après des dizaines de procédures judiciaires, de sorte que vous figurez sur « crime.fr » pour le reste de votre vie !
À cet égard, je le répète, cette disposition me semble particulièrement intéressante, et elle a sa place dans ce texte. Je voterai donc cet amendement qui, à mon sens, mériterait d’être examiné avec beaucoup plus d’attention, étant donné les conséquences particulièrement dommageables de l’usurpation d’identité sur internet.
J’admets que la rédaction proposée ne soit pas conforme à l’idée que M. le rapporteur se fait de ce problème,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas la question !
Mme Nathalie Goulet. … et du présent texte dans son ensemble, mais cet amendement n’en est pas moins digne d’intérêt. Quoi qu’il en soit, si cette disposition n’est pas inscrite dans ce projet de loi, il faudra déposer un semblable amendement au titre d’un texte ultérieur. (Mme Françoise Laborde acquiesce.) Il s’agit en effet d’un véritable problème, qui n’est pas résolu !
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Je soutiendrai, moi aussi, cet amendement.
D’une part, cette disposition emporte, à l’évidence, des conséquences qui peuvent être considérables pour les personnes victimes d’usurpation d’identité.
D’autre part, et surtout, cet amendement tend à insister sur le facteur de la préméditation : manifestement, une personne qui se livre à une usurpation d’identité n’agit pas accidentellement, par erreur ! Ce simple critère appelle, incontestablement, une peine sévère.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, l’idée générale est très bonne, mais cet amendement n’y correspond pas.
Je veux bien que l’on déséquilibre le code pénal – on le fait déjà en permanence. Mais, en portant au titre des circonstances aggravantes des délits qui sont déjà réprimés en tant que tels, on risque d’aboutir à une confusion totale !
J’en conviens naturellement, l’usurpation d’identité, en particulier sur internet, doit être réprimée. Mais, je le répète, avec cet amendement, on ne répond pas à cette nécessité. Vous pouvez certes déposer un amendement visant à aggraver les peines infligées en cas d’usurpation d’identité : mais surtout, ne mélangez pas cette question avec le dispositif que nous examinons ici.
Il ne s’agit pas de dire que le rapporteur veut ou non de telle ou telle mesure. La commission des lois s’efforce de garantir, à tout le moins, la cohérence des diverses dispositions du code pénal : mon propos s’arrête là. Bien entendu, le problème se pose, mais le présent amendement ne tend de toute façon pas à apporter de solution globale en la matière.
Au reste, je l’ai dit hier : le rapport de Marc Robert, consacré à la criminalité sur internet, devra faire l’objet d’un approfondissement, en vue, certainement, d’une amélioration de notre législation. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)
Voilà pourquoi je renouvelle l’avis défavorable de la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis
(Supprimé)
Article 6
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début de la section 2 du titre XV du livre IV, il est rétabli un article 706-23 ainsi rédigé :
« Art. 706-23. – L’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus par l’article 421-2-5 du code pénal lorsqu’ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. » ;
2° L’article 706-24-1 est ainsi rétabli :
« Art. 706-24-1. – Les dispositions des articles 706-88 et 706-89 à 706-94 ne sont pas applicables aux délits prévus par l’article 421-2-5 du code pénal. » ;
3° L’article 706-25-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux délits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal. » ;
4° L’article 706-25-2 est abrogé. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le fait pour une personne de se rendre à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ou dans le but de participer à des activités terroristes entraîne la suppression des prestations sociales dont elle est le bénéficiaire en France.
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Cet amendement est relativement simple : il a pour objet de suspendre le bénéfice des prestations sociales pour les personnes se rendant à l’étranger dans le but de prendre part à des activités terroristes. À l’heure actuelle, on risque en effet d’aboutir à ce paradoxe : que l’argent des prestations sociales en vienne, de manière indirecte, à financer le djihad !
Les maires de certaines villes belges ont d’ores et déjà décidé de radier d’office des registres les habitants qui ont choisi de se rendre en Syrie pour y faire le djihad. De telles mesures entraînent de fait la perte des droits sociaux. Ce qui est valable en Belgique peut l’être en France : voilà pourquoi j’ai cosigné cet amendement, avec MM. Frassa et Gournac.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Courtois, il s’agit bien entendu d’une idée intéressante. Toutefois, sa mise en œuvre poserait de grandes difficultés pratiques : les personnes concernées bénéficient-elles de droits sociaux alors qu’elles ne sont plus en France ? C’est une première question. En outre, comment les organismes sociaux seraient-ils informés ? Par le biais des services de renseignement ? (M. Jean-Patrick Courtois acquiesce.) Croyez-vous vraiment que telle soit la mission de ces derniers ? Il leur faut parfois garder certaines informations secrètes, en vue de futures incriminations.
Aussi cette mesure semble-t-elle difficilement applicable. J’ajoute qu’il faudrait prévoir l’inscription, dans le code de la sécurité sociale, d’un dispositif ad hoc qui, pour l’heure, n’existe pas.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. En déposant cet amendement, MM. Courtois, Gournac et moi-même avons voulu lancer le débat. Je constate qu’il n’est pas très bien repris…
Nombre de Français de l’étranger continuent à bénéficier de prestations sociales alors qu’ils ne résident pas sur le territoire national.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes ! Et heureusement !
M. Christophe-André Frassa. À cet égard, les personnes qui partent faire le djihad ou s’engager dans des groupements terroristes à l’étranger sont susceptibles de bénéficier de telles prestations.
Certains ont suggéré d’étendre les sanctions à l’ensemble des familles de ces individus. Pour notre part, nous souhaitons, via cet amendement, cibler ceux qui s’engagent réellement dans le djihad ou dans des groupements terroristes pour perpétrer des attentats, c’est-à-dire ceux qui expriment une intention manifeste en ce sens.
Au reste, je suis prêt à ce que nous retirions cet amendement, à condition que l’on s’engage à poursuivre la réflexion, par exemple au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, si ce véhicule législatif est plus adéquat. Ce texte sera examiné très prochainement. Sur ce point également, je souhaiterais entendre la réponse du Gouvernement.
Enfin, il faut prendre en compte un autre sujet, que la Haute Assemblée n’a pas encore abordé : la double nationalité.
J’ai interrogé M. le ministre de l’intérieur sur ce point lors des auditions organisées par la commission des lois. À propos de la suppression du passeport, qui figure dans l’arsenal proposé, j’ai formulé cette remarque : on aura beau supprimer le passeport d’un Français souhaitant partir à l’étranger pour se livrer à de telles actions terroristes, s’il s’agit d’un binational, il pourra toujours quitter le territoire avec son passeport étranger.
Ainsi, en pareil cas, il me semble plus adéquat de déchoir les binationaux de leur nationalité française.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Christophe-André Frassa. Nous n’avons pas déposé d’amendement à ce titre – une telle mesure eût sans doute été plus forte si elle avait été présentée sur l’initiative du Gouvernement. Sur ce point, je souhaite également connaître le sentiment de M. le ministre. Il faut prendre en compte, en la matière, une considération frappée au coin du bon sens : certains binationaux rejoignent le djihad, partent pour des théâtres d’opérations de groupements terroristes, dans le simple but de combattre des soldats de l’armée française, d’abattre des Français ! Dans ces conditions, je vois difficilement comment leur conserver leur nationalité française dès lors qu’ils possèdent aussi une autre nationalité. Il me semble facile d’engager une procédure de déchéance de la nationalité française à l’encontre de tels individus. (M. Jean-Patrick Courtois applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je répondrai dans un instant sur ce que vient de dire notre collègue Christophe-André Frassa à la fin de son intervention.
Je souhaite tout d’abord signaler une différence entre l’article que tend à insérer l’amendement et l’objet de celui-ci. Aux termes de la rédaction proposée, le fait pour une personne de se rendre à l'étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ou dans le but de participer à des activités terroristes entraîne la suppression des prestations sociales dont elle est le bénéficiaire en France. Les journalistes qui rendent compte de la situation sur le terrain apprécieront cette attention !
Un autre point me surprend. Comme moi, vous devriez savoir qu’il n’existe que peu, voire pas, de prestations sociales françaises servies à l’étranger, sinon en cas de fraude. Ce dernier sujet est intéressant, mais il n’a pas sa place dans la lutte contre le terrorisme. On pourra s’interroger, dans d’autres textes, sur les vérifications à mener dans ce domaine, mais cette question est ici dénuée d’intérêt : la fraude n’est pas le sujet de ce texte.
Concernant la déchéance de nationalité, je voudrais d’abord dire que l’engagement d’un Français dans le type de démarche dont il est question aujourd’hui, qu’il jouisse ou non d’une autre nationalité, constitue une blessure pour la communauté nationale.
Observons maintenant l’évolution des profils de ceux qui partent sur le terrain. Il y a quelques mois, ils étaient autour de 20 % à ne disposer que de la nationalité française. Selon ceux qui reçoivent des jeunes qui reviennent, avec qui j’ai pu m’entretenir récemment, ce chiffre est aujourd’hui plus important encore. Le problème est donc plus profond, dans notre société, qu’une simple question de double nationalité.
Plutôt que de sanctionner ainsi, il faudrait vraiment se demander pourquoi des jeunes vont s’engager dans le djihad. Ils sont aussi membres de la communauté nationale, chacun avec son histoire personnelle, et il n’existe aucune raison de présupposer, comme vous voudriez l’affirmer, que parce que l’on se rend en un lieu où des crimes terroristes sont commis, on mérite d’être déchu de sa nationalité.
Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, et il me semble heureux qu’un texte qui entend répondre dans l’urgence à des évolutions constatées en matière de terrorisme ne traite pas du code de la nationalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Nous devons éviter un écueil dans ce débat : la confusion des sujets.
Mme Éliane Assassi. Ah oui !
Mme Esther Benbassa. La confusion des genres !
M. Gaëtan Gorce. Notre préoccupation a été clairement exprimée par le Gouvernement et par notre assemblée : lutter contre le terrorisme, mobiliser les moyens adéquats, organiser la répression de la façon la plus satisfaisante possible.
Chercher à introduire d’autres éléments dans ce débat – je pense à la modification du code de la nationalité ou du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – nous conduit dans un débat que vous me permettrez de qualifier de malsain.
Si nous nous préoccupons de trouver des solutions pour empêcher l’entrée ou la sortie de personnes susceptibles de présenter des risques, c’est notamment, pour ce qui concerne leur sortie, parce qu’il s’agit, pour une grande part, de citoyens français. C’est précisément parce qu’ils le sont que nous souhaitons les sanctionner s’ils reviennent après avoir pris part à des activités terroristes.
Pour ces faits, la sanction est définie clairement par le code pénal. Autrement dit, elle n’implique ni des sanctions sociales ni des sanctions sur le plan de la nationalité, sauf à adopter une définition de la nationalité qui reviendrait à en évaluer le mérite en fonction du comportement.
Le jugement porté sur le comportement des citoyens français est prononcé par le juge pénal, et c’est par le juge pénal que l’on doit le faire respecter. Je vous enjoins de prêter attention à ces dérives, qui de surcroît entretiennent dans l’opinion publique, autour de ces sujets, un climat dont on voit bien à qui il profite. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste. – Mmes Éliane Assassi et Esther Benbassa applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je serai bref puisque M. Gaëtan Gorce vient de dire parfaitement ce que je me proposais d’exprimer. Je reprends donc la totalité des propos qu’il vient de tenir, avec lesquels je suis entièrement en accord.
Je rappelle qu’il n’est pas utile de mettre sur le métier des questions déjà traitées dans la loi, en demandant au Gouvernement de se positionner alors qu’il l’a déjà fait.
Concernant les allocations familiales et les prestations sociales, elles sont versées conformément aux articles L. 161-2 et L. 512-1 du code de la sécurité sociale, avec des conditions de résidence extrêmement précises.
En conséquence, cet amendement est satisfait par l’état actuel du droit. Il n’est pas nécessaire, dans le climat que nous connaissons, de prendre prétexte de ces questions pour faire ressortir des clivages et réveiller des instincts susceptibles d’alimenter, face au terrorisme, de mauvaises chroniques et de mauvaises mouvances. (Mmes Odette Herviaux, Éliane Assassi et Esther Benbassa applaudissent.)
Mme la présidente. Monsieur Courtois, l'amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Patrick Courtois. Il ne s’agit pas, pour nous, de créer des clivages ou de réveiller de mauvais instincts, mais simplement de poser des vraies questions.
Que l’on ne puisse y répondre dans ce texte, nous en sommes conscients. Il faut pourtant bien les aborder à un moment ou à un autre, je rejoins le rapporteur à ce sujet. Si ces problèmes pourraient être traités dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme le suggérait Christophe-André Frassa, rien ne s’oppose à ce qu’ils soient évoqués au moment où l’on parle de terrorisme. Cela étant dit, je retire volontiers cet amendement.
Je souhaite tout de même ajouter, concernant les binationaux, que lorsqu’ils se permettent de faire le djihad et, par là même, d’utiliser des armes contre les troupes françaises, ce n’est pas une blessure, c’est une honte ! Nous n’avons pas à laisser la nationalité française à quelqu’un qui, jouissant de deux nationalités, s’emploie à détruire nos propres armées.
Je ne cherche pas le clivage ni je ne sais quoi, je souhaite seulement répondre à l’attente de nos concitoyens, en apportant, si possible, de vraies réponses à un problème dramatique.
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié est retiré.
Chapitre IV
Renforcement des moyens de prévention et d’investigations
Article 7
L’article 706-16 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La section 1 du présent titre est également applicable à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions commises en détention par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421–1 à 421–6 du code pénal.
« Ces dispositions sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions d’évasion incriminées par les articles 434–27 à 434–37 du code pénal, des infractions d’association de malfaiteurs prévues à l’article 450–1 du même code lorsqu’elles ont pour objet la préparation de l’une des infractions d’évasion précitées, des infractions prévues à l’article L. 624–4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que de l’infraction prévue à l’article L. 224–1 du code de sécurité intérieure, lorsqu’elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421–1 à 421–6 du code pénal. »
Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 706–16 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La section 1 du présent titre est également applicable à la poursuite, à l'instruction et au jugement des infractions d'évasion prévues au paragraphe 2 de la section 3 du chapitre IV du titre III du livre IV du code pénal, des infractions d'association de malfaiteurs prévues à l'article 450–1 du même code lorsqu'elles ont pour objet la préparation de l'une des infractions d'évasion précitées, des infractions prévues à l'article L. 624–4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'infraction prévue à l'article L. 224–1 du code de la sécurité intérieure, si elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen ou réclamée dans le cadre d'une extradition pour des actes de terrorisme mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 7 étend les règles relatives à la compétence concurrente de la juridiction parisienne aux infractions commises en détention, aux délits d’évasion et de non-respect de l’assignation à résidence ainsi qu’à la violation de l’interdiction administrative de sortie du territoire d’une personne détenue, prévenue, condamnée ou recherchée pour des actes de terrorisme.
Cette centralisation ne semble pas justifiée pour ce qui concerne l'ensemble des délits commis en détention.
En effet, si cela peut entraîner une lourdeur plus importante dans certaines procédures, il importe surtout que les délits commis par une personne condamnée pour des faits de terrorisme ne relèvent pas automatiquement du parquet antiterroriste.
Le groupe écologiste propose donc de ne maintenir la compétence concurrente de la juridiction parisienne que pour les délits qui seraient liés au non-respect des obligations de la personne condamnée pour terrorisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En retirant les infractions en détention du champ de la compétence concurrente du pôle antiterroriste parisien, cet amendement viderait l’article 7 de sa substance.
Je rappelle que cette compétence concurrente ne concerne que les infractions en détention commises par des condamnés terroristes, susceptibles d’être toujours en contact avec leurs réseaux. Il est difficile, pour les juges antiterroristes, de se saisir, par exemple, des faits de détention irrégulière d’objets interdits puisque ces derniers constituent une nouvelle infraction. C’est donc la juridiction locale qui est compétente.
Il serait très utile aux magistrats antiterroristes spécialisés, qui centralisent déjà de nombreuses informations, de se saisir de ces faits, et donc des informations qui figurent éventuellement sur les clés USB, sur les téléphones portables, ou sur tout autre objet. Ils nous l’ont dit clairement.
La juridiction parisienne, je le rappelle, est déjà compétente en ce qui concerne le suivi judiciaire de l’application des peines pour les condamnés terroristes. Il serait peu cohérent que le juge de l’application des peines de Paris soit compétent pour examiner ces faits de possession irrégulière d’objets illicites, par exemple, sous l’angle disciplinaire, mais que son collègue antiterroriste soit incompétent pour les examiner sous l’angle pénal.
Enfin, je rappelle également que la compétence concurrente est un dispositif souple et que, contrairement à ce que vous soutenez, ma chère collègue, la saisie n’est en aucun cas automatique. Il s’agit simplement d’autoriser la possibilité pour la juridiction parisienne de se saisir en opportunité, sans remise en cause de la validité des actes de procédure déjà existants.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis
Le paragraphe 2 de la section III du chapitre III du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article 695–28–1 ainsi rédigé :
« Art. 695–28–1. – Pour l’examen des demandes d’exécution d’un mandat d’arrêt européen et des demandes d’extradition concernant les auteurs d’actes de terrorisme, le procureur général près la cour d’appel de Paris, le premier président de la cour d’appel de Paris ainsi que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et son président exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 695-26, 695-27, 696-9, 696-10 et 696-23. »
Mme la présidente. L'amendement n° 93, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
chapitre III
par les mots :
chapitre IV
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié.
(L'article 7 bis est adopté.)
Article 8
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 562-1, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le ministre de l’intérieur peuvent, conjointement, » ;
2° L’article L. 562-5 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le ministre de l’intérieur peuvent, conjointement, » ;
b) À la fin de la seconde phrase, les mots : « du ministre » sont supprimés ;
3° À l’article L. 562-6, les mots : « du ministre » sont remplacés par les mots : « des ministres ».
II (nouveau). – Les dispositions du présent article entrent en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette intervention rapide me servira à présenter les différents amendements qui suivent.
Ce texte est important, mais ne comporte quasiment aucune disposition de contrôle financier. Or, dans les opérations pratiques, nous créons un nouveau délit, nous nous apprêtons, à l’article 9, à examiner des dispositions relatives au blocage des sites internet dont on nous dit qu’elles sont nécessaires, même si elles ne sont pas parfaites, nous innovons en matière de création d’infractions, et pourquoi pas au vu de l’esprit dans lequel c’est fait ?
Pourtant, un certain nombre de mesures pratiques et financières sont totalement occultées, dont des dispositions qui avaient pourtant été examinées dans le cadre de la commission d’enquête sur la fraude et l’évasion fiscale.
Je rappelle à cet égard que le code monétaire et financier associe le blanchiment au terrorisme dans la quasi-totalité de ses dispositions.
Je pourrais ainsi m’adresser à l’ancien ministre du budget, qui sera sensible à mes différents amendements car ils peuvent être utiles dans la lutte à la fois contre le terrorisme et contre le blanchiment.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 133–8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 133–8–… Aucun ordre de paiement pour l’achat d’un billet d’avion ne peut être passé si le paiement est effectué en monnaie métallique ou fiduciaire. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Ces dernières semaines, nous avons appris qu’à Nice une jeune fille avait été empêchée de rejoindre un réseau djihadiste après que l’attention des autorités eut été attirée par le paiement d’un billet d’avion en espèces.
Je vous propose tout simplement d’interdire l’achat de billets d’avion en espèces. Peut-être pourrions-nous simplement exiger qu’un tel paiement fasse seulement l’objet d’un signalement, mais j’ignore si cela sera très utile.
Dans le même esprit, je vous propose un amendement de repli, l’amendement n° 9, tendant à demander aux compagnies aériennes de faire figurer le mode de paiement sur les billets.
Lorsque vous achetez un billet d’avion pour les États-Unis en espèces, la mention « cash » figure sur le billet. Dans ce cas, vous pouvez être sûr à 99 % que vous aurez droit à une fouille complète et que vous subirez un interrogatoire approfondi à votre arrivée sur le territoire américain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission n’a pas retenu cet amendement au motif que le paiement en espèces est déjà fortement réglementé. En la matière, le code monétaire et financier a été perfectionné. Il existe aujourd'hui des limites maximales pour le paiement en espèces, qu’il serait malaisé d’adapter à chaque type d’achat.
Par ailleurs, se pose également la question de l’attractivité touristique de notre pays. En effet, suivant leur nationalité et les usages financiers prévalant dans leur pays, nombre de touristes visitant la France règlent leur billet d’avion en espèces. Or le tourisme constitue une part substantielle de notre PIB.
J’ajoute que la mesure proposée ne peut s’inscrire que dans le cadre d’une coopération internationale. Des travaux sont actuellement menés au sein du GAFI, le groupe d’action financière, en vue de compléter la directive anti-blanchiment.
Il nous a donc semblé prématuré de légiférer sur ce point isolé, alors qu’il existe déjà, ainsi que l’a souligné Mme Goulet, des éléments pratiques, qui n’ont pas besoin de support législatif, pour signaler l’achat d’un billet d’avion en espèces vers certaines destinations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente, et j’indique d’ores et déjà que je retirerai également l’amendement n° 9.
Mme la présidente. L’amendement no 3 est retiré.
L'amendement n° 4, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 133–8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133–8–… ainsi rédigé :
« Art. L. 133–8–… Aucun ordre de paiement ne peut être passé sur le territoire national au moyen d’une carte de paiement prépayée rechargeable dès lors que cette carte n’est pas rattachable à un compte effectif dont le bénéficiaire est identifiable. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement, qui s’inspire directement de la proposition n° 17 figurant à la page 11 du tome I du rapport n° 87 de la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales, vise à interdire les cartes de paiement prépayées rechargeables que l’on trouve notamment dans un certain nombre d’aéroports ou chez des changeurs en ville. En la matière aussi, les petits ruisseaux font les grandes rivières…
La commission d’enquête avait proposé l’interdiction de ces cartes prépayées. Là aussi, je pense que ce type de cartes de paiement peut poser un certain nombre de problèmes. J’admets volontiers que la disposition n’a pas encore été évaluée et qu’elle est perfectible. Mais il me semble aujourd'hui opportun, au travers de cet amendement, de poser la question dans le cadre du projet de loi qui nous est soumis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a suivi le même raisonnement pour cet amendement.
Il est sans doute souhaitable de réfléchir à la suppression des cartes de paiement prépayées, mais il ne nous semble pas que ce soit suffisamment au cœur du dispositif destiné à lutter contre le terrorisme pour l’inscrire dans le projet de loi que nous examinons actuellement.
La commission opposera d’ailleurs ce même raisonnement à quelques autres amendements. Le projet de loi qui nous est soumis modifie certes des dispositions législatives, mais il ne modifie le code monétaire et financier que de façon très marginale – une seule procédure est concernée. De notre point de vue, il ne faut pas faire de ce texte une sorte de réceptacle de multiples initiatives législatives dont on n’aurait pas examiné toutes les conséquences.
C’est pour ce motif de méthode et non parce que nous rejetons cette disposition au fond que la commission n’a pas retenu l’amendement n° 4.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente, mais, avec votre autorisation, je présenterai mes autres amendements parce que je tiens à ce qu’ils figurent au débat. Si les questions que j’aborde sont accessoires aujourd'hui dans le cadre de ce texte, nous en reparlerons un peu plus tard, car elles ont tout leur intérêt.
Mme la présidente. L'amendement n° 4 est retiré.
L'amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 561–2–2 du code monétaire et financier est complété par les mots : « et détermine les conditions dans lesquelles ces mêmes personnes morales s’assurent de l’existence physique et de l’identité de ce même bénéficiaire. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement participe du même esprit, et là encore, nous devrons en reparler.
Comme vous le savez, le Sénat s’est saisi de cette question dans le cadre d’une commission d’enquête, créée à ma demande, qui a été constituée hier. Je veux dire au futur rapporteur que nous aurons à examiner très sérieusement la question des circuits financiers, en particulier les comptes pour lesquels l’identité physique, voire, tout simplement, l’identité, du bénéficiaire est approximative.
Il existe actuellement un grand nombre de systèmes, notamment des banques en ligne. En ce sens, le code monétaire et financier pourrait être complété. Il ne s’agit pas là d’une disposition très complexe, et elle n’est pas très éloignée du sujet qui nous occupe.
L’amendement n° 2 prévoit de compléter l’article L. 561–2–2 du code monétaire et financier par les mots : « et détermine les conditions dans lesquelles ces mêmes personnes morales s’assurent de l’existence physique et de l’identité de ce même bénéficiaire. » Une telle disposition me semble tout de même liée aux questions que nous traitons. On ne peut pas autoriser des établissements à faire un certain nombre d’opérations lorsque ceux-ci n’ont aucune assurance quant à l’identité du bénéficiaire ou du propriétaire du compte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement, considérant qu’il était satisfait.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Alain Richard, rapporteur. Le paragraphe I de l’article L. 561–5 du code monétaire et financier énonce que les personnes mentionnées à l’article L. 561–2, c'est-à-dire les établissements, identifient leur client et vérifient ces éléments d’identification sur présentation de tout document écrit probant.
Par ailleurs, les articles R. 561–5 et R. 561–6 précisent les modalités suivant lesquelles l’établissement bancaire s’assure de l’identité du client. Il n’est pas impossible – je ne puis me prononcer sur ce point – que certains établissements fonctionnant essentiellement en ligne n’appliquent pas – ou pas correctement – ces dispositions, mais il convient non pas de réécrire celles-ci, mais de trouver des dispositifs, par le biais des autorités compétentes, pour mettre fin aux détournements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 2 est retiré.
L'amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 561–9 du code monétaire et financier est abrogé.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. C’est une victoire de l’optimisme sur l’expérience, comme disait Henri VIII à son sixième mariage. (Sourires.)
M. Alain Richard, rapporteur. À propos du remariage ! (Nouveaux sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Absolument ! Cet amendement connaîtra-t-il un meilleur sort que les précédents ? J’en doute, mais on ne sait jamais !
L’article L. 561–9 du code monétaire et financier précise que, lorsque le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme leur paraît faible, les personnes mentionnées aux articles précédents, c'est-à-dire les personnes morales visées, peuvent réduire l'intensité des mesures de contrôle et de vérification d’identité.
Dans le texte qui nous est soumis, on est en train de cerner l’ensemble des dispositions afin de réduire autant que faire se peut le risque terroriste. Je m’interroge sur le maintien de cette disposition. En effet, on a supprimé de nombreuses dispositions et on en a encadré beaucoup d’autres, y compris des délits intentionnels à l’article 5. Aussi, l’article L. 561–9 du code monétaire et financier pourrait être abrogé.
Nous sommes en période de terrorisme, de suspicion. Je ne vois pas pourquoi on laisserait des personnes apprécier si le risque est faible ou pas. Le risque n’est pas plus faible ici qu’intentionnel à l’article 5.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission ne souhaite pas que l’on supprime cet élément de variabilité, de souplesse dans les contrôles opérés sur les mouvements de comptes, qui représentent – Mme Goulet connaît très bien ces questions – des milliards de mouvements.
Cette question a été très longuement discutée lors de l’adoption de la troisième directive anti-blanchiment. D’ailleurs, les dispositions appliquées en France privilégient ce que l’on appelle « une approche par les risques » : on essaie, par accumulation de données, de vérifier quels sont les actes qui présentent un risque élevé et ceux qui présentent un risque plus faible.
L’article L. 561–9, qui résulte de la transposition de l’article 8 de la directive anti-blanchiment de 2005, recommande aussi une action proportionnée à l’appréciation des risques. Cela se fait par actes réglementaires. Régulièrement, les professionnels vérifient si la gradation de l’intensité des contrôles qu’ils organisent reste pertinente.
Compte tenu de la masse considérable des mouvements à contrôler, il nous semble que la méthode actuelle demeure valable.
Si le travail réalisé, en particulier dans le cadre de la commission d’enquête sur les mouvements financiers associés au terrorisme, démontre qu’il y a des espaces de risques nouveaux, notamment pour ce qui concerne les petits comptes, il sera alors logique de faire évoluer non pas l’article L. 561–9, qui permet la variation, mais les différentes catégories de risques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire madame la présidente.
Je tiens à remercier M. Richard d’avoir pris le temps de répondre en détail à ces amendements. Je pense que ce volet financier fera partie intégrante de la commission d’enquête qui va se mettre à travailler la semaine prochaine. Il en constituera probablement une part importante.
Mme la présidente. L'amendement n° 5 est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les compagnies aériennes qui exercent sur le territoire national ont l'obligation, lors de l'émission d'un billet, d'indiquer de façon visible sur le billet son mode de payement.
Mme Nathalie Goulet. Comme je l’ai annoncé tout à l’heure, je retire cet amendement de repli, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 9 est retiré.
Article 9
I. – Le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, après le mot : « humanité, », sont insérés les mots : « de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, », les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième » et la référence : « et 227-24 » est remplacée par les références : « , 227-24 et 421-2-5 » ;
2° Le cinquième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du même code le justifient, l’autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III du présent article ou aux personnes mentionnées au 2 du présent I de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421-2-5 et 227-23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du présent I.
En l’absence de retrait de ces contenus dans un délai de quarante-huit heures, l’autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Elles doivent alors procéder sans délai aux opérations empêchant l’accès à ces adresses. Toutefois, en l’absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du présent article des informations mentionnées au même III, l’autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la troisième phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase.
« L’autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées au cinquième alinéa du présent 7 à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée s’assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l’autorité administrative d’y mettre fin. Si l’autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.
« La personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l’autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement. » ;
3° Le sixième alinéa est ainsi modifié :
a) La référence : « de l’alinéa précédent » est remplacée par les références : « des cinquième, sixième et septième alinéas du présent 7 » ;
b) Après le mot : « surcoûts », il est inséré le mot : « justifiés » ;
4° Au dernier alinéa, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « dixième ».
II. – Au premier alinéa du 1 du VI du même article, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « dixième ».
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, sur l'article.
M. Gaëtan Gorce. Nous avons eu ce débat hier lors de la discussion générale, il s’agit pour moi ici non pas de contester l’opportunité de mettre en place des mesures de blocage – je me suis rallié à l’idée que le blocage pouvait être utile pour ne pas laisser prospérer en toute impunité des informations ou des images particulièrement choquantes même s’il peut présenter des défaillances ou des faiblesses –, mais plutôt d’en examiner les modalités, en se demandant si le blocage doit être confié à l’autorité administrative, ce qui fait l’objet d’un débat, ou au juge judiciaire.
J’indique d’ores et déjà que mon intervention vaudra présentation de mon amendement n° 28, que j’ai déposé sur cette question.
De nombreux arguments plaident en faveur de l’autorité administrative. L’argument principal est que, s’agissant de bloquer des sites qui font l’apologie du terrorisme, qui favorisent le recrutement, il convient de protéger les internautes eux-mêmes. Cette action préventive, en amont, vise non pas à sanctionner directement, mais à empêcher éventuellement que des dommages puissent se produire à partir des images diffusées. Il faut prendre en compte cet argument, que défend le Gouvernement.
Pour ce qui concerne l’intervention du juge judiciaire, il s’agit évidemment de savoir si, oui ou non, on considère que les informations diffusées sur les sites internet sont protégées par la liberté d’expression, celle qui est garantie par la Constitution et le juge constitutionnel. Il est difficile de répondre par la négative. En effet, non seulement le Conseil constitutionnel s’est déjà exprimé en ce sens, mais il est clair que les informations, les opinions émises sur internet relèvent de la liberté d’expression.
D’ailleurs, je l’ai évoqué hier après-midi lors de mon intervention générale, le régime mis en place jusqu’à présent dans ce domaine est relativement libéral, parce que s’est installée l’idée non pas qu’internet doit être un espace d’impunité – je partage le sentiment qu’on ne saurait accepter l’idée qu’aucun contrôle ne doit être exercé – mais que les informations diffusées, les opinions émises, les prestations proposées relèvent d’une protection particulière eu égard à la liberté d’expression.
J’en suis d’accord, la liberté d’expression des terroristes n’est pas une liberté d’expression. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme l’a souligné à plusieurs reprises. On ne peut pas se prévaloir, comme l’aurait dit Saint-Just, de la liberté d’expression pour la mettre en cause. Il ne s’agit pas naturellement de protéger cette expression-là. Il s’agit de protéger l’expression de ceux qui peuvent être éventuellement entraînés dans le blocage du site, puisque les sites sur lesquels ils peuvent s’exprimer pourraient être touchés par la mesure de blocage, ce que l’on appelle « le surblocage », qui est un problème réel.
Il s’agit aussi d’éviter une interprétation trop extensive de la notion de terrorisme, qui pourrait conduire, dans un débat moins serein que celui que nous avons aujourd'hui, à empêcher un certain nombre de nos concitoyens ou de citoyens étrangers d’exprimer des points de vue sur des situations ou des théâtres d’opération extérieurs, au motif que cette législation peut s’appliquer. De ce point de vue, le juge judiciaire pourrait proposer une protection plus satisfaisante.
J’observe que ce débat, qui nous agite depuis de nombreuses années, notamment depuis le vote de la loi du 12 juin 2009 dite « loi Hadopi », connaît depuis quelques mois une inflexion, sous l’effet de la volonté politique qui se fait sentir, en particulier au Parlement, de consacrer l’intervention du juge judiciaire.
C’est dans cette intention que les deux assemblées ont abrogé, dans la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’article 18 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui prévoyait un système de blocage administratif.
Dans le même esprit, lors de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, la disposition prévoyant un contrôle administratif a été supprimée sur l’initiative du Gouvernement, qui a fait valoir que la réflexion sur ces sujets n’était pas suffisamment avancée.
J’ajoute que l’ensemble de ceux qui ont travaillé de manière sereine sur ces questions, en particulier les députés qui ont participé à la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la neutralité de l’internet et des réseaux, mais aussi les membres du groupe de travail interministériel chargé d’élaborer une stratégie globale de lutte contre la cybercriminalité, sont parvenus à la conclusion, assez naturelle, que c’est au juge judiciaire qu’il était souhaitable d’avoir recours.
J’entends bien qu’il pourrait en résulter quelques difficultés et que les dispositifs qui, aujourd’hui déjà, permettraient de faire intervenir le juge judiciaire pour décider de tels blocages en référé – je pense à l’article 809 du code de procédure civile et à l’article 50–1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – ne sont pas suffisamment adaptés.
Monsieur le ministre, vous avez dit, hier, ne pas avoir d’autre solution que l’action administrative. Pourquoi donc ne pas modifier les dispositions qui permettent la saisine du juge civil ? Du reste, le législateur pourrait aussi bien décider de faire appel au juge pénal, même si cette solution paraît moins logique. Pourquoi ne pas vous donner les moyens de saisir dans les conditions normales le juge civil, afin qu’il procède aux blocages ? Je pense que les conditions de délai seraient respectées et qu’il agirait très rapidement.
Pour conclure, je tiens à préciser, monsieur le ministre, que ma proposition n’est animée par aucun esprit polémique. Je pense que vous comprenez bien qu’il s’agit de soulever un problème de fond, dans l’espoir de faire prévaloir une solution cohérente.
En effet, pour participer à ces débats depuis des années, je trouve dommage que la représentation nationale, dans l’une comme l’autre des assemblées, change en permanence de point de vue au gré des circonstances. Il serait souhaitable, sur cette question importante pour l’évolution de notre droit de la communication, que le Gouvernement et la représentation nationale affirment leur volonté de considérer que la liberté d’expression doit être garantie sur internet de manière spécifique, ce qui passe, s’agissant des blocages, par l’intervention du juge judiciaire.
Une telle solution aurait le mérite de s’inscrire dans la continuité des réflexions qui ont été menées récemment et d’être cohérente avec les positions que nous avons prises par le passé. Elle permettrait aussi d’apaiser les débats : dans ces domaines, en effet, il ne s’agit pas d’empêcher la liberté d’expression, mais de rappeler que, sur internet comme ailleurs, des règles doivent être respectées, même si on les entoure de garanties particulières compte tenu des caractéristiques propres d’internet et du phénomène social que représente aujourd’hui son utilisation.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme N. Goulet et M. Navarro.
L'amendement n° 65 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. L’article 9 du projet de loi présente une grande importance et suscite des débats nombreux, non seulement sur les réseaux sociaux mais aussi entre nous, au sujet de l’éventuelle nécessité de bloquer les sites.
Il n'est absolument pas douteux qu'internet est le premier agent recruteur du terrorisme. Il n’est pas non plus contestable qu’il résulte de cette situation des problèmes extrêmement graves, que M. le ministre a exposés dans le détail hier et dont nous avons longuement débattu.
Reste que nous devons jouer notre rôle de parlementaires. Or, voilà à peine trois ans, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la neutralité de l’internet et des réseaux a pris une position extrêmement claire. Selon elle, il convient « d’éviter au maximum d’obliger les opérateurs à bloquer des communications électroniques car le blocage a des effets négatifs », notamment celui de restreindre la liberté d’expression et de communication – même si, comme Gaëtan Gorce vient de le souligner, internet, comme tout domaine d’activité, doit obéir à des règles et ne saurait être une zone de non-droit. La mission d’information fait observer que, de manière indirecte, le blocage a aussi pour effet d’entraîner un surblocage et le développement du chiffrement.
Aussi bien, selon nos collègues députés, « ces effets négatifs ne sont pas toujours correctement pris en compte dans les décisions législatives. De plus, l’éclatement des bases législatives », qui sont en particulier la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne et le code de la propriété intellectuelle, « est un facteur de confusion. C’est pourquoi il est proposé de s’interroger plus avant sur la justification des mesures de blocage légales, en dépit de leur légitimité apparente, du fait de leur inefficacité et des effets pervers qu’elles sont susceptibles d’engendrer et de prévoir dès à présent l’intervention systématique du juge pour prononcer des mesures obligatoires de blocage afin de mieux protéger la liberté d’expression. »
Certes, comme M. le ministre et MM. les rapporteurs l’ont répété hier, ce n’est pas parce qu’une mesure n’est pas parfaite qu’il ne faut rien faire du tout. Toujours est-il que le système proposé, qui consiste à bloquer les sites en agissant sur le domain name system, le DNS, a été très facilement contourné en Turquie. De fait, il suffit pour cela de procéder à une modification du réglage DNS accessible dans les paramètres de configuration, une opération à la portée de tout le monde. C’est ainsi que, quand Erdogan a eu la très mauvaise idée de bloquer Twitter en Turquie, l’adresse permettant de contourner le blocage a été immédiatement postée sur tous les murs.
Par ailleurs, nous avons, en France, des fournisseurs d’accès à internet tout à fait raisonnables, qui bloquent d’eux-mêmes les sites qui le méritent.
C’est pourquoi je propose la suppression de l’article 9 du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 65.
Mme Éliane Assassi. Si l’article 9 du projet de loi est aussi important, c’est qu’il prévoit le blocage administratif des sites internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui y provoquent. En pratique, un éditeur ou un hébergeur internet pourrait se voir demander de retirer sous quarante-huit heures le contenu incitant au terrorisme ou en faisant l’apologie.
L’Assemblée nationale a prévu de confier à une personnalité qualifiée désignée par la CNIL la mission de vérifier que les contenus dont l’autorité administrative demande le retrait ou les sites dont elle ordonne le blocage sont bien contraires aux dispositions du code pénal. Même si la commission des lois du Sénat a apporté des améliorations procédurales au dispositif de contrôle, ce système demeure à nos yeux inacceptable. En effet, il n’offre pas de garanties suffisantes en matière de libertés, puisqu’il minimise le rôle de l’autorité judiciaire.
Telle est la raison pour laquelle la Commission nationale consultative des droits de l’homme, comme je l’ai déjà signalé, préconise que le pouvoir de bloquer l’accès à un site internet soit dévolu au juge des libertés et de la détention, sur saisine du parquet compétent. C’est aussi pourquoi le Conseil national du numérique a recommandé que le blocage puisse être décidé seulement par l’autorité judiciaire.
L’intervention d’une personnalité nommée par la CNIL et dotée d’un pouvoir de recommandation à l’égard de l’autorité administrative ne suffit en aucun cas, selon nous, à rendre légitime une procédure qui confie à l’autorité administrative des prérogatives aussi importantes, comme celle d’apprécier ce qui relève de l’apologie du terrorisme et de la provocation au terrorisme par différence avec la simple contestation de l’ordre établi. Nous maintenons que l’intervention de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution, est nécessaire.
J’ajoute qu’un certain nombre d’experts dans le domaine numérique s’accordent à considérer que le dispositif de blocage proposé est techniquement inefficace et inadapté aux enjeux de la lutte contre le recrutement terroriste. Il faut se représenter, en effet, qu’environ 80 % des contenus visés par la loi circulent sur des plateformes comme Facebook, Twitter ou YouTube.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 9.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission des lois a choisi d’examiner l’article 9 et s’est efforcée de l’améliorer, comme Mme Assassi vient judicieusement de le souligner.
Nous nous sommes convaincus qu’une action était nécessaire. Au demeurant, l’expression de « blocage administratif », qu’on emploie, n’est pas tout à fait exacte. À la vérité, l’article 9 instaure une procédure d’appel à la responsabilité des éditeurs et des hébergeurs. C’est seulement si la mise en demeure est infructueuse, s’il n’est pas fait preuve de responsabilité, que l’administration pourra décider de supprimer les contenus.
Ce mécanisme étant équilibré, la commission n’a pu qu’écarter les amendements dont l’adoption aurait eu pour effet de clore le débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il est identique à celui de la commission, pour des raisons que je vais tâcher d’expliquer en réponse à Mmes Assassi et Goulet, ainsi qu’à Gaëtan Gorce qui a présenté un exposé extrêmement complet et très bien argumenté.
Le Gouvernement propose cet article parce qu’il est aujourd’hui évident qu’internet est devenu un vecteur d’endoctrinement et d’embrigadement très puissant, qui fait basculer dans le terrorisme certains de nos ressortissants les plus vulnérables. Il n’est, pour s’en convaincre, qu’à écouter les témoignages des familles qui nous alertent par le biais de la plateforme de signalement que nous avons mise en place depuis la fin du mois d’avril. De fait, parmi ces familles qui s’inquiètent du risque de départ d’un enfant ou d’un autre de leurs membres, un très grand nombre mettent en cause le rôle particulier joué par Internet. C’est aussi ce que fait Dounia Bouzar, que nous avons chargée de travailler auprès des familles sous l’égide de la MIVILUDES.
Nous sommes donc en face d’une réalité très différente de celles que nous avons eu à connaître jusqu’à présent. J’y insiste, parce que, dans le débat, on fait régulièrement valoir que la famille politique à laquelle j’appartiens a eu, en d’autres temps, une autre position sur la question d’internet que celle que je défends aujourd’hui. Cela est vrai, mais la raison en est que, à l’époque où l’on débattait de certains autres textes, le phénomène dont nous parlons n’avait pas pris l’ampleur ni atteint le niveau de gravité que nous lui connaissons aujourd’hui ; en vérité, internet ne jouait pas le rôle qu’il joue aujourd’hui dans l’endoctrinement et l’embrigadement de nos ressortissants et dans leur basculement dans le terrorisme.
En ce qui concerne le dispositif lui-même et les rôles respectifs du juge administratif, du ministère de l’intérieur et du juge judiciaire, je tiens à vous communiquer des informations très précises, qui résultent notamment des discussions que nous avons eues avec les opérateurs.
Je répète que les hébergeurs et éditeurs procèdent eux-mêmes au retrait d’un certain nombre d’images, de vidéos, de blogs et de sites dont ils considèrent qu’ils constituent un véritable danger. Ils l’ont fait pas plus tard qu’hier, avec le retrait d’une vidéo dont les médias ont fait état, dans laquelle un combattant français membre de groupes terroristes appelait à des meurtres en France.
J’ai été très frappé, notamment lors des contacts que les ministres de l’intérieur européens ont eus à Luxembourg avec les acteurs de l’internet, de constater que ceux-ci sont parfaitement conscients du risque qui s’attache à la diffusion de ces sites, de ces blogs et de ces images, ainsi que de la responsabilité qui en résulte pour eux. Ils sont tout à fait désireux de l’exercer et j’observe qu’ils l’exercent de plus en plus.
L’article 9 du projet de loi ne doit pas être regardé de façon idéologique, mais pragmatique. Il vise à accompagner les éditeurs et les hébergeurs dans le travail qu’ils commencent à accomplir eux-mêmes, en se dotant des ressources humaines et des moyens technologiques nécessaires à une action efficace.
Le dispositif que nous proposons prévoit le lancement d’une alerte par les autorités, après quoi les hébergeurs et les éditeurs auront vingt-quatre heures pour retirer les contenus visés. Il s’agit d’amener les hébergeurs et les éditeurs à accélérer les mesures qu’ils prennent déjà ou à agir à l’égard de contenus qu’ils n’ont pas nécessairement identifiés. Si, au bout de vingt-quatre heures, ils n’ont pas retiré les contenus, nous préconiserons le blocage, sous le contrôle du juge administratif qui est aussi juge des libertés, comme nous l’avons rappelé à propos de l’interdiction administrative de sortie du territoire.
Le sénateur Gorce a soulevé la question, que nous avons commencé à aborder hier, de la compétence du juge administratif et de celle du juge judiciaire, étant entendu que ce dernier peut faire le travail. J’ai plusieurs éléments de réponse à apporter sur ce sujet.
Sans doute, le juge judiciaire peut agir ; mais, compte tenu de son indépendance, à laquelle nous tenons tous, il ne peut agir que de lui-même. Or il n’agit pas de lui-même autant que nous pouvons le souhaiter, en raison de la masse des sujets qu’il lui faut traiter et parce qu’il n’a pas connaissance des contenus diffusés. Remarquez que ce n’est nullement adresser des reproches au juge judiciaire que de faire le constat de la difficulté matérielle dans laquelle il se trouve pour agir. Quant à le saisir, nous ne pouvons le faire que dans des conditions extrêmement précises et restrictives rappelées dans une ordonnance de juillet 2012 du tribunal de grande instance de Paris, hors lesquelles notre marge de manœuvre est quasi nulle.
Si l’opérateur n’a pas agi au bout de vingt-quatre heures, nous proposons donc de mettre en place le blocage. Cela revient à faire, sous le contrôle du juge, ce que l’opérateur fait de lui-même à l’heure actuelle – on l’a vérifié hier.
Il se pose ensuite une autre question, soulevée par de nombreux acteurs : celle de la modalité et de l’efficacité du blocage, et des risques de surblocage, point, lui aussi, fort bien évoqué par le sénateur Gaëtan Gorce.
Il existe trois modalités de blocage. La première se fait par l’adresse IP : il s'agit de bloquer non pas un site, mais un serveur identifié par son adresse IP, qui est une véritable plaque d’immatriculation pour chaque terminal physique. Cette méthode a pour inconvénient de présenter un risque important de surblocage, car un même serveur héberge fréquemment plusieurs dizaines ou centaines de sites internet ne présentant pas forcément de lien avec le terrorisme. Il ne serait donc pas honnête, compte tenu de ce qu’est la réalité technique, de nier un problème qui a été évoqué, à juste titre, par Gaëtan Gorce.
Le deuxième dispositif de blocage repose sur celui de l’adresse universelle, dite « adresse URL ». Ce niveau de blocage implique de procéder à un filtrage préalable par des méthodes très intrusives pour le contenu des communications. C'est ce que l’on appelle le « deep packet inspection ».
Le troisième blocage, dit « blocage DNS », s'effectue par nom d’hôte ou de domaine. Tout en demeurant efficace, c'est le moins risqué en termes de surblocage et d’atteinte aux libertés publiques. Nos discussions récentes avec les fournisseurs d’accès laissent espérer, concernant cette méthode, de rapides progrès technologiques à des coûts acceptables.
Je prends l’engagement devant le Sénat d’utiliser, dans les textes d’application, cette dernière méthode de blocage pour parvenir à une bonne synthèse entre liberté et efficacité.
Enfin, je voudrais revenir sur la question du juge judiciaire. Le dispositif proposé à l’article 9 est sans préjudice pour le juge judiciaire, qui peut se saisir du sujet à tout moment. Je dirais même que l’enclenchement de ce dispositif permet au juge judiciaire d'être alerté de ce qui n’est pas nécessairement porté à sa connaissance aujourd'hui, et de judiciariser éventuellement des procédures – ce à quoi le Gouvernement est bien entendu extrêmement favorable.
N’opposons donc pas ici le juge administratif au juge judiciaire, dès lors que ce que fera le juge administratif peut être un facteur de déclenchement de la judiciarisation, sans préjudice pour le déroulement de la procédure judiciaire.
Voilà toutes les explications que je voulais donner pour indiquer, de façon précise et équilibrée afin que nos débats soient sans ambiguïté, l’esprit de cette disposition. C'est parce que nous sommes dans cette démarche d’équilibre que je ne peux pas être favorable aux amendements qui ont été présentés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce débat n’est pas facile, et si l’on essaie de regarder attentivement, comme l’ont fait M. le rapporteur et M. le ministre, les trois arguments qui sont invoqués, on en arrive aux observations suivantes.
Un premier argument a été invoqué, celui de l’évolution des positions de tel ou tel sur ce sujet. Cet argument mérite considération, mais il est naturel que les positions évoluent dès lors que la réalité devient terrible, dramatique ou tragique. Aujourd'hui, mille ressortissants français sont actifs dans les réseaux djihadistes en Irak et en Syrie.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Aujourd'hui, des centaines de jeunes adolescents sont pris en main par des réseaux terroristes qui les manipulent et les désinhibent. Voilà la réalité !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut donc prendre des mesures appropriées, et je crois que l’on pourrait reprocher à un Gouvernement de ne pas le faire.
Ensuite, il y a un débat concernant la nature du juge auquel il faut se référer. Ce débat dure, au fond, depuis le début de la discussion de ce projet de loi. Tout juge a la capacité de prendre des décisions de justice et de protéger les libertés. Nous l’avons dit. Nous en avons débattu à propos du juge administratif, et je crois qu’il n’est pas justifiable de dire que tel juge, par essence, n’aurait pas la capacité de défendre les libertés publiques.
Enfin, une série de questions se posent, qui tiennent à la matérialité du fait informatique et de l’internet. Beaucoup de collègues – et notamment M. Gaëtan Gorce, très spécialisé dans ce sujet – disent des choses qui doivent absolument être entendues. Il n’est pas facile, en effet, de mettre en œuvre des mesures de retrait dans la sphère internet ; on nous a longuement expliqué que, dans une large mesure, il était techniquement possible de contourner ou de détourner toute décision prise en la matière.
Pour autant, faudrait-il conclure d’un certain nombre de discours – que je ne veux pas caricaturer, car ils ont leur poids de vérité – à une sorte d’impuissance ?
On ne pourrait rien faire par rapport à la sphère internet, le droit s'arrêtait là où internet commence… On nous a ainsi expliqué – je l’ai dit hier, pardonnez-moi de me répéter – que le droit d’auteur n’avait plus droit de cité sur internet, que tout ouvrage pouvait être pillé sans possibilité de s'y opposer. On a dit que la propriété intellectuelle était pulvérisée par internet. Et l’on nous dira aussi que l’on ne peut rien faire contre les injures sur internet, que l’on ne peut rien faire contre la diffamation,…
Mme Nathalie Goulet. Effectivement !
M. Jean-Pierre Sueur. … que l’on ne peut rien faire contre les atteintes à la vie privée et à l’intimité de chacune et de chacun sur internet, et que l’on ne pourrait rien faire contre des sites qui font l’apologie du terrorisme, qui présentent en boucle des scènes de décapitation et de crucifixion, qui sont des horreurs attentatoires à ce que l’humanité a de plus profond et que chacun partage au-delà de tant de divergences d’appréciation – à ce qu’est, au fond, le bien commun de l’humanité !
Pour ce qui me concerne, je voterai en faveur de cet article, et je voterai contre ces amendements de suppression, tout simplement parce que je ne me résigne pas à une démission du droit devant la sphère internet. Même si c'est difficile, même si c'est compliqué, même si cela demande des stratégies internationales – la France peut y contribuer – et des positions européennes – la France doit y contribuer –, on ne peut pas se résigner à ce que la technique nous impose d’abdiquer et de rester inactifs face aux messages diffusés sur internet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je vais à mon tour intervenir sur cette question. Je dirai à mon collègue Jean-Pierre Sueur que ce n’est pas parce que la croissance est nulle et que l’on ne peut s'y résigner que, si nous votions aujourd'hui que la croissance doit être de 3 %, elle s'établirait à ce niveau.
M. Jean-Pierre Sueur. Certes !
M. Jean-Yves Leconte. Avec internet, la situation est de même nature. C'est la raison pour laquelle il faut faire preuve d’intelligence et d’adaptabilité aux réalités nouvelles, plutôt que de trépigner en disant que l’on ne peut rien faire, ou que l’on ne se résigne pas à ce que l’on ne puisse rien faire et donc on inscrit quelque chose dans la loi, et ainsi on a sa conscience pour soi.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean-Yves Leconte. Or ce n’est pas aussi simple.
D'abord, je ne voterai pas ces amendements de suppression, car l’article 9 ne traite pas uniquement du blocage, il apporte aussi, dans ses deux premiers alinéas, un complément à la loi sur l’économie numérique, qui procède justement de ce dialogue avec les opérateurs internet, dialogue absolument nécessaire. Ces deux alinéas, qui réparent opportunément un oubli, doivent donc être maintenus.
En revanche, le blocage administratif me semble dangereux à plusieurs égards. Bien entendu, il existe plusieurs niveaux de blocage – M. le ministre l’a dit.
On peut mettre en place un blocage technique, de même nature que celui que nous avons sur le réseau du Sénat, qui est totalement sécurisé. Mais il se trouve qu’un certain nombre d’opérations y sont impossibles. Et je constate que dans les pays totalitaires dont l’économie se développe, les réseaux ne sont pas sécurisés de cette manière afin de ne pas bloquer l’activité.
Sur le plan administratif, le blocage a déjà été prévu par la loi, mais les décrets ne sont pas sortis, ce qui prouve que des difficultés ont été rencontrées.
Sur le plan technique, dès lors que l’on ne choisit pas des modes de sécurisation des réseaux qui soient intrusifs ou rigoureux au point de bloquer in fine un certain nombre d'activités, il devient possible de contourner ces dispositifs avec des applications très simples.
Et il ne faut pas forcément voir de la malice dans de tels comportements car pour effectuer certaines opérations, d’aucuns n’auront pas d’autres choix, sans qu’on puisse le leur reprocher et sans qu’ils soient des apprentis terroristes. Les motivations pour se connecter en VPN, le blocage étant alors inopérant, sont très diverses.
Sur le plan éducatif, si une loi est votée sans qu’elle soit opérationnelle, on marque un décalage entre, d’une part, le monde politique et le monde législatif et, d’autre part, la réalité. La loi ne peut pas s'opposer à la technique, elle doit la prendre en compte si elle veut être crédible. Par conséquent, si nous votons des dispositions contraires à la réalité technique, nous dévalorisons la loi en portant atteinte à sa crédibilité. C'est mauvais sur le plan éducatif, et cela ne contribuera pas à faire des internautes des consommateurs et des citoyens de l’internet. Or, compte tenu de la nature d’internet, cette évolution est indispensable.
Enfin, sur le plan de la sécurité, il me semble plus important de pouvoir suivre ceux qui consultent des sites terroristes, plutôt que de les inviter à emprunter des tunnels cryptés pour y accéder.
Et s'il s'avère qu’un site présente un danger absolu, il ne convient pas, selon moi, d’agir par le blocage, mais plutôt de demander aux services concernés d’attaquer le site pour qu’il n’existe plus.
Internet, d’une manière générale, est une remise en cause de la souveraineté des États. Dans beaucoup de pays totalitaires, il a permis aux citoyens d’accéder à l’information.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Jean-Yves Leconte. Il faut le rappeler pour ne pas voir dans internet un ennemi de la loi ou des souverainetés. Finalement, en mettant la liberté d’information à la disposition de tous, internet constitue un progrès avec, en contrepartie, un certain nombre de conséquences auxquelles il faut aujourd'hui faire face.
Puisque mon temps de parole s'épuise, je défendrai tout à l'heure l’amendement n° 8 rectifié. Mais j’insiste sur le fait que, compte tenu de ses deux premiers alinéas, l’article 9 ne peut être totalement supprimé. Seuls les alinéas suivants – qui proposent, eux, le blocage – méritent de l’être.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 65.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 52, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le 1° de l’article 9 tend à proposer que soit mise en avant l’obligation faite aux hébergeurs et aux fournisseurs d'accès à internet de mettre en place des dispositifs de signalement des contenus illicites ayant trait au terrorisme.
Le Conseil constitutionnel a déjà noté la difficulté fréquente d'apprécier la licéité d'un contenu. C'est particulièrement vrai pour distinguer les contours de ce qui relèverait ou non de l'apologie d'actes de terrorisme. On peut d'ailleurs noter que si, en 2012, la plateforme du ministère de l'intérieur a recueilli 120 000 signalements, seuls 1 329 ont été transmis pour enquête à la police nationale ou à la gendarmerie.
Nous considérons qu’il faut cesser de modifier cette partie de la loi de 2004 sur la responsabilité pénale des hébergeurs. En janvier dernier, le Gouvernement avait promis une consultation et un projet de loi sur ce sujet avant toute nouvelle modification de cette partie de la loi. Nous regrettons donc ce nouvel élargissement et proposons sa suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 50, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
et de leur apologie
II. – Alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
ou l’apologie de tels actes
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 44 à l’article 4, afin que la provocation à la commission d’actes de terrorisme ne soit pas assimilée à l’apologie de tels actes. Je considère donc qu’il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième »
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Cet amendement tend à opérer une simple coordination visant à rectifier une référence de texte.
Mme la présidente. L'amendement n° 90, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 à 7
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Les cinquième et sixième alinéas sont supprimés ;
II. - Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Au dernier alinéa, les mots : « , cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième ».
IV. – Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. – Après l’article 6 de la loi n° 2004–575 précitée, il est inséré un article 6–1 ainsi rédigé :
« Art. 6–1. – Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421–2–5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227–23 du même code le justifient, l'autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III de l’article 6 de la présente loi ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421–2–5 et 227–23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi.
« En l'absence de retrait de ces contenus dans un délai de quarante-huit heures, l'autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421–2–5 et 227–23. Elles doivent alors procéder sans délai aux opérations empêchant l'accès à ces adresses. Toutefois, en l'absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du même article 6 des informations mentionnées à ce même III, l'autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la première phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa du présent article.
« L'autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées respectivement aux premier et deuxième alinéas à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée s'assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d'établissement, de mise à jour, de communication et d'utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l'autorité administrative d'y mettre fin. Si l'autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.
« La personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur les conditions d'exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l'autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret, notamment la compensation, le cas échéant, des surcoûts justifiés résultant des obligations mises à la charge des opérateurs.
« Tout manquement aux obligations définies au présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6. »
V. – Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
II. – Le premier alinéa du 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004–575 précitée est ainsi modifié :
1° Les mots : « , cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième » ;
2° Après les mots : « 7 du I », sont insérés les mots : « ni à celles prévues à l’article 6–1 de la présente loi » ;
3° Après la référence : « II », sont insérés les mots : « du présent article ».
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Cet amendement est une proposition de réécriture complète de l’article pour tenir compte du fait que nous nous situons dans un seul article de la loi de 2004, ce qui nous amène à faire des renvois à une multitude d’alinéas et de numéros. Il nous a donc paru nettement préférable de rédiger un article sur cette procédure qui a sa cohérence et qui permet d’éviter des renvois complexes. Il traduit également une différence d’appréciation avec le Gouvernement sur la durée de quarante-huit heures ou de vingt-quatre heures.
Le sous-amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 90, alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
vingt-quatre heures
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce sous-amendement porte sur un sujet qui est, pour nous, très important, à savoir le délai de quarante-huit heures proposé par la commission.
Nous craignons que cette modification ne dénature l’article lui-même. En effet, nous pensons qu’un tel délai suffit à transférer le contenu d’un certain nombre de sites vers d’autres. Si tel est le cas, nous sommes obligés d’engager à l’encontre des sites vers lesquels les contenus ont été transférés la même démarche que celle que nous avons engagée pour procéder au blocage du premier site. Cela présente le risque de démarches sans fin de la part de l’administration au titre de ses pouvoirs de police.
À notre sens, le délai de vingt-quatre heures permet à l’opérateur de se retourner, tout en évitant le transfert de contenus vers des sites dits miroirs.
Nous sommes favorables à l’amendement de cohérence que vient de présenter le rapporteur, sous réserve que notre sous-amendement soit accepté.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 92, présenté par MM. Sueur, Bigot, Desplan et Marie, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Amendement n° 90, alinéa 14, première phrase
Après le mot :
désignée
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Les députés ont eu l’idée de confier à la CNIL le soin de désigner une personnalité qualifiée, dont l’indépendance et la compétence seraient reconnues, afin qu’elle puisse intervenir pour garantir le respect des libertés et le bon usage des dispositions de cet article.
Il nous est apparu important de préciser que cette personne devait être désignée au sein même de la CNIL. Sinon, nous serions dans un système un peu étrange où nous confierions à une autorité administrative indépendante le soin de désigner une personnalité qualifiée extérieure à elle-même.
S’agissant des autorités administratives indépendantes, au nombre d’une cinquantaine, j’ai déjà eu l’occasion de dire en commission que notre ancien collègue Patrice Gélard, à qui je tiens ici à rendre hommage, avait déposé, le dernier jour de sa présence au Sénat, deux propositions de loi qu’il m’a demandé de cosigner afin qu’elles puissent perdurer.
J’espère que nous aurons l’occasion d’en parler, car nous avons assisté à une véritable prolifération de ces autorités administratives indépendantes. On peut se demander si leur création est toujours justifiée. En tout cas, M. Patrice Gélard a beaucoup insisté pour qu’elles soient créées par la loi, ce qui n’est pas négligeable, et pour que la loi précise aussi leurs règles de fonctionnement. Il y a là quelque chose d’utile.
Pour revenir à notre sujet, je pense que si nous faisons appel à la CNIL, autant que cette autorité désigne ès qualités un de ses membres pour assumer cette tâche.
Je sais que ce sujet ne fait pas expressément partie de ses compétences. D’ailleurs, notre collègue Gaëtan Gorce, qui est un membre éminent de cette instance, pourrait en parler mieux que moi. Néanmoins, il nous semble, pour la bonne clarté de cette procédure, qu’il ne faut pas entrer dans cette forme de logique proliférante où des autorités désigneraient des personnes qualifiées, qui, elles-mêmes, pourraient désigner, pourquoi pas, d’autres personnes qualifiées, qui pourraient à leur tour désigner des autorités…
J’avais lu dans Montesquieu qu’il y avait le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Il ne faudrait pas que nous entrions dans des systèmes qui nous éloigneraient trop de ces quelques principes simples auxquels nous sommes nombreux à être puissamment attachés.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 90, après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421–2–5 et 227–23 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. La procédure prévue au troisième alinéa du présent article est applicable.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce sous-amendement tend à prévoir que l’autorité administrative peut demander, en plus du blocage de l’accès à certains sites, le déréférencement de ces sites.
Cette possibilité est déjà prévue à l’article 61 de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture et à la concurrence du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, lequel permet à l’ARJEL, l’Autorité de régulation des jeux en ligne, de demander que soit prise « toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d’un opérateur mentionné au deuxième alinéa [dudit] article par un moteur de recherche ou un annuaire ».
Le déréférencement est une mesure simple et peu coûteuse à mettre en œuvre par le prestataire requis. Elle est d’ailleurs préconisée par la CNIL dans le cadre de la mise en œuvre du droit à l’oubli, ainsi qu’elle le précise aux pages 83 et 84 de son rapport de 2012.
Comme elle est complémentaire du blocage, nous proposons de compléter l’article 9 avec cette mesure.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Leconte et Gorce.
L'amendement n° 51 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 3 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
M. Jean-Yves Leconte. Par cet amendement, nous proposons la suppression des dispositions de l’article 9 tendant à prévoir le blocage, pour les raisons que j’ai exposées voilà quelques instants.
Comme je l’ai déjà dit, internet représente un défi à la souveraineté des États. Ce défi peut avoir des effets positifs, lorsque les États sont totalitaires, mais il oblige aussi parfois les États à repenser leurs relations avec la société civile.
En la matière, il est important de trouver le moyen de collaborer avec l’ensemble de la communauté internet à l’échelle mondiale, afin que ce qui ne doit pas se trouver sur le réseau en soit exclu. Internet doit rester cet espace de diffusion non seulement d’informations, mais aussi des valeurs.
Par conséquent, il importe de rechercher la collaboration des grands opérateurs, tels que Facebook, Twitter, Yandex et Google.
À cet égard, il me semble qu’un pays qui n’entrerait pas dans cette logique en refusant d’admettre qu’il s’agit d’un défi l’obligeant à aborder les questions différemment serait vu comme un pays qui ne comprend pas comment fonctionne internet et ses opérateurs.
Aussi, je pense qu’il y a un vrai risque pour notre pays à être ainsi considéré. C’est d’ailleurs un peu ce qui s’est passé dans un certain nombre de pays où les législations ont été durcies. Les opérateurs ont alors changé leurs méthodes, sont allés ailleurs ou ont durci leurs procédures de sécurité pour protéger leurs clients de l’intrusion des États.
À mon sens, nous ne devons pas aller dans cette direction-là. Si nous souhaitons pouvoir contrôler ce qui mérite de l’être et maîtriser l’innovation internet, nous ne pouvons pas revendiquer de telles procédures, au risque de provoquer l’incompréhension de tous.
C’est la raison pour laquelle il me semble qu’un blocage administratif, facilement détournable, n’est pas la solution, que ce soit pour les citoyens, que l’on transforme en consommateurs, ou pour les opérateurs, qui apparaissent comme des victimes ou comme n’étant pas assez responsables pour pouvoir progressivement prendre la responsabilité qu’ils doivent prendre afin que le réseau soit un réseau de progrès et soit positif.
Il est donc important de faire le pari de l’intelligence, de convaincre l’ensemble des opérateurs du réseau qu’ils ont intérêt à ne pas laisser diffuser un certain nombre de films de propagande qui ne méritent pas d’être montrés. Mais ce n’est pas une raison pour imposer des dispositifs qui, sur le plan technique, ne fonctionnent pas et sont facilement contournables.
Aussi, avec toute la conviction qui m’amine sur ce blocage administratif que je juge dangereux pour l’image et de notre pays et du Parlement, qui apparaîtraient alors en décalage avec la réalité, je vous propose d’y renoncer au profit d’une politique de conviction, qui est déjà abordée aux alinéas 1 et 2 de l’article 9.
Nous devons adopter une démarche de coopération et de mobilisation pour que le réseau puisse donner toute la mesure de ses capacités d’échange d’informations à l’échelle du monde.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 51.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement étant identique à l’amendement n° 8 rectifié, je considère qu’il est défendu. Je ne veux pas rallonger le débat, qui est déjà assez long…
Mme la présidente. L'amendement n° 28, présenté par MM. Gorce et Leconte, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a déjà été défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421–2–5 du code pénal ou les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227–23 du même code le justifient, l'autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonnée, en la forme des référés, toute mesure permettant de demander à toute personne mentionnée au III du présent article ou aux personnes mentionnées au 2 du présent I de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421–2–5 et 227–23. Cette ordonnance autorise l’autorité administrative à informer simultanément les personnes mentionnées au 1 du présent I.
« Une personnalité qualifiée est désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. Cette personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait, ainsi que des recommandations. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’article 9 a pour objet de créer une procédure de blocage administratif de certains sites faisant l’apologie du terrorisme. Il s’agit de l’un des articles les plus controversés de ce texte, à la fois sur le plan pratique de l’efficacité et sur le plan juridique.
S’agissant de l’efficacité, il faut savoir que le blocage administratif avait déjà été retenu dans la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite Loppsi 2, à l’encontre des contenus pédopornographiques. Or cette mesure n’a jamais été mise en œuvre, faute de décret d’application, les négociations entre les pouvoirs publics et les fournisseurs d’accès à internet ayant achoppé sur la question du dédommagement du blocage et sa méthode.
Par ailleurs, il n’est pas sûr que la mesure proposée dans le présent projet de loi soit efficace par rapport aux buts mêmes qu’elle vise.
Ces sites fournissent des informations utiles aux renseignements généraux. Le Conseil national du numérique a souligné ce risque, et il n’est pas le seul. L’argument des dommages collatéraux du blocage ne peut être ignoré ni balayé d’un revers de la main.
Sur le plan juridique, la procédure de blocage administratif, calquée sur celle qui existe en matière de pédopornographie, évite le contrôle du juge, ce qui est préjudiciable au respect des libertés individuelles. Le texte prévoit de remplacer l’intervention du juge par la nomination à la CNIL d’une personnalité qualifiée qui devra vérifier le bien-fondé de la demande de retrait. Cela n’est pas suffisant.
En conséquence, le présent amendement vise à remplacer le blocage administratif des sites par une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris, sur le modèle du blocage des sites de jeux d’argent et de hasard prévu par la loi n° 2010–476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Cet amendement tend également à modifier en fonction les missions confiées à la personnalité qualifiée nommée à la CNIL. Celle-ci pourrait rendre un rapport sur les suites données à la procédure de blocage et les difficultés soulevées par ce type de mesure.
Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
l’autorité administrative
par les mots :
le juge des libertés et de la détention
II. – Alinéa 5, première et dernière phrases
Remplacer les mots :
l’autorité administrative
par les mots :
le juge des libertés et de la détention
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. L’article 9 du projet de loi prévoit la possibilité pour l’autorité administrative d’ordonner aux fournisseurs d’accès à internet le blocage de l’accès aux sites incitant à commettre des actes terroristes ou en faisant l’apologie. Toutefois, comme l’indique la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le blocage administratif de l’accès aux sites internet incitant à commettre des actes terroristes ou en faisant l’apologie est de nature à brouiller la distinction classique entre police administrative et police judiciaire.
Le blocage d’un site internet étant une ingérence grave dans la liberté d’expression et de communication, l’intervention d’un juge est nécessaire. Seul le juge des libertés est à même, par son indépendance, d’assurer une réelle protection de la liberté d’expression, en accord avec la décision de la Cour de cassation et les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.
Mme la présidente. L'amendement n° 77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
vingt-quatre heures
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’allongement à quarante-huit heures du délai laissé aux hébergeurs pour procéder au retrait des contenus illicites ne nous semble pas justifié, pour les raisons que j’ai déjà exposées. Nous proposons donc de ramener ce délai à vingt-quatre heures.
Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
heures
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ou en l’absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du présent article des informations mentionnées à ce même III, l’autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’ordonner aux personnes mentionnées au 1 du présent I d’empêcher l’accès sans délai aux adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Après une demande de retrait des contenus dans les vingt-quatre heures selon les modalités prévues à la première phrase du présent alinéa, l’autorité administrative peut également notifier aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne qui reprendraient le contenu des adresses dont l’accès aurait été interdit par la décision prévue à la phase précédente et auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai. L’autorité administrative peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du contenu par un moteur de recherche ou un annuaire.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à ce que le blocage soit décidé non pas par l'autorité administrative, mais par un juge. Il s'inspire du dispositif retenu pour le blocage des sites illégaux proposant des jeux d'argent en ligne, qui s’appuie sur l'ARJEL.
La censure d'un contenu nécessite une décision judiciaire. Il semble cependant important que le contenu puisse être bloqué rapidement. C'est pourquoi il est proposé de passer par un juge des référés. En l'absence de retrait des contenus, l'autorité administrative saisirait le président du tribunal de grande instance de Paris.
Suite à la décision judiciaire, l'autorité administrative pourrait demander le blocage des sites. Concernant les sites miroirs, c'est-à-dire les sites qui reproduisent le contenu bloqué, en l'absence de retrait des contenus dans les vingt-quatre heures, l'autorité administrative pourrait procéder au blocage administratif.
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Navarro et Adnot et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et sans que cela ne puisse porter atteinte aux obligations pesant sur ces personnes au titre de l’article L. 33–1 du code des postes et des communications électroniques
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s'agit d’un amendement de précision. Le projet de loi doit s’assurer que, dans le cadre d’un blocage, la solution technique que devront mettre en œuvre les opérateurs de réseau ne risque pas d’affaiblir leur capacité à assurer un service sans perturbations, conformément aux dispositions du code des postes et communications électroniques. Ce code impose notamment le respect du principe du secret des correspondances et de la permanence, qualité, disponibilité, sécurité, intégrité et continuité des réseaux et services.
En complétant le texte, le présent amendement vise à la fois à garantir le respect de l’ordre public et à éviter tout risque de surblocage. Le dispositif proposé est technologiquement neutre et demeurera applicable quelles que soient les évolutions technologiques à venir. Nous avons déjà abordé cette question lorsque M. le ministre a décrit les modalités techniques du blocage. Le risque de surblocage existe, il est reconnu ; il ne doit pas être sous-estimé. Un certain nombre d’opérateurs et d’utilisateurs qui ne sont absolument pas visés par la mesure de blocage pourraient subir des perturbations. Il s'agit donc d’un amendement de bon sens.
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement vise à supprimer l’intervention de la CNIL, qui est sollicitée dans des conditions discutables sur la forme mais aussi sur le fond.
J’observe d'ailleurs que le débat évolue. Un glissement est en train de s’opérer, qui n’est pas inintéressant. (M. Jean-Pierre Sueur acquiesce.) Chacun reconnaît que le blocage des sites relève pour une large part du symbolique, même s’il peut être utile, voire nécessaire dans certaines circonstances. N’en déplaise à mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur, je crains que, aussi généreuse soit-elle, l’ambition de faire d’internet une zone plus respectueuse des différents droits par le recours à ce type de méthode ne soit vouée à être fortement déçue.
Ce n’est pas de cette manière que l’on arrivera à réguler internet, pour les raisons techniques qui ont été évoquées. C’est évidemment en cherchant à multiplier les solutions, à créer une sorte de chaîne de solutions. Les propos de M. le ministre en témoignent : il a exprimé le souci d’associer au blocage des mesures préventives, tournées notamment vers les hébergeurs et les fournisseurs d’accès, afin de trouver des solutions adaptées. C’est ainsi qu’il faudra procéder.
Je rends d'ailleurs hommage à M. le ministre, qui nous a dit qu’il avait choisi, parmi les méthodes de blocage, la moins intrusive. Cela montre bien qu’il est prêt à sacrifier une partie de l’efficacité supposée du dispositif pour éviter qu’il n’ait des effets indirects trop lourds sur la liberté d’expression sur internet.
L’intervention de la CNIL procède manifestement du même esprit. Il s’agit d’entourer le dispositif de garanties, car on est conscient des conséquences qu’il peut avoir, malgré ses limites. Est-ce le rôle de la CNIL ? À l’évidence, non, au regard de la version en vigueur de la loi du 6 janvier 1978. Bien sûr, le législateur peut compléter la législation, et il pourrait donc confier à la CNIL cette mission supplémentaire.
Cependant, outre le fait que l’intervention de la CNIL vise à pallier l’absence d’intervention du juge judiciaire, c'est-à-dire à apporter une garantie supplémentaire en matière de respect des droits, le terrorisme est un domaine très spécifique, et la CNIL ne dispose pas de capacité d’appréciation particulière en la matière. On peut donc se demander si son intervention est justifiée.
Si ce qui motive la décision de faire intervenir la CNIL, c’est non pas le domaine en lui-même, mais le souci d’assurer un équilibre entre la liberté d’expression et la mise en place d’une protection nécessaire, il faudrait réfléchir plus généralement à la façon dont on souhaite réguler ce type d’intervention sur internet, c'est-à-dire aux mesures préalables au blocage des sites, pas seulement en matière de terrorisme, mais dans tous les autres cas. Considère-t-on que la CNIL doive jouer un rôle en matière de protection des contenus et de la liberté d’expression ? Très sincèrement, il s’agit d’une tâche difficile.
Il est légitime de se poser cette question, car on ne peut pas – vous l’avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre – s’en remettre totalement au comportement des hébergeurs et des fournisseurs d’accès. Ce serait leur donner un droit de regard sur le contenu. Or, si ce droit de regard peut être souhaitable lorsque l’infraction est évidente, il devient plus discutable lorsqu’il s’agit seulement d’opinions, d’autant qu’il existe des cultures juridiques et politiques différentes : ce qui est jugé scandaleux en France ne l’est pas forcément aux États-Unis. Par conséquent, le fait de laisser l’appréciation aux opérateurs pose problème.
Il faut donc réfléchir à un mécanisme de régulation. Est-ce la CNIL qui doit jouer ce rôle ? La présidente de la CNIL a eu l’occasion d’exprimer devant vous les extrêmes réserves de son institution. Si vous deviez retenir cette solution – ce que je ne souhaite pas, et ce que la CNIL ne souhaite pas –, la personnalité en charge de la régulation devrait évidemment être choisie au sein de la CNIL.
Il serait toutefois souhaitable – je crois que c’est là l’essentiel – que nous ayons une réflexion d’ensemble, et que nous posions la question de savoir comment on peut assurer en amont une forme de prévention qui tout en répondant aux exigences de sécurité et associant les autorités adéquates permette d’éviter que cela ne débouche sur des situations insatisfaisantes.
Il me semble qu’il y a eu un peu d’improvisation dans la conception du dispositif. Cette improvisation n’est pas le fait du ministre de l’intérieur, mais de l’Assemblée nationale. Il serait à mon sens dommageable que le Sénat se rallie au dispositif proposé. C'est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Desplan et Marie, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
désignée
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
en son sein par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a déjà été défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 52. Contrairement à ce que croit son auteur, il ne s’agit pas d’alourdir la responsabilité des hébergeurs, mais simplement de les soumettre à une mise en demeure argumentée. Ce n’est pas à eux mais à l’État qu’incombe l’appréciation du caractère dommageable ou dangereux du site. Le dispositif prévoit un échange amiable et une mise en responsabilité des hébergeurs.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 50. Ce sujet a donné lieu à un débat prolongé en commission. Tous les praticiens que nous avons auditionnés – et notamment les représentants du ministère public et des juges – nous ont déclaré qu’il n’était pas réaliste de vouloir séparer la provocation de l’apologie, car ce sont des délits jumeaux.
J’en viens aux sous-amendements déposés sur l’amendement n° 90, présenté par la commission. Le sous-amendement n° 95 vise à ramener de quarante-huit heures à vingt-quatre heures le délai laissé aux hébergeurs pour procéder au retrait des contenus illicites. Il y a des arguments des deux côtés. La commission était d'ailleurs partagée lorsqu’elle a statué sur cette question. Pour ma part, je reste convaincu qu’il est préférable de fixer le délai à quarante-huit heures : s’il s’agit d’appeler à la responsabilité, il vaut mieux laisser plus de temps aux hébergeurs pour se conformer à la mise en demeure. Le Gouvernement estime quant à lui qu’un délai de vingt-quatre heures permettrait d’éviter la duplication des informations et leur migration vers d’autres sites. J’ai peur que les individus suffisamment organisés ne soient capables de faire migrer les informations vers d’autres sites en moins de vingt-quatre heures. En tout état de cause, la suppression des sites par décision administrative ne sera pas instantanée : il y aura un délai minimal. La différence entre les deux propositions n’est donc pas majeure. La commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 95, mais, si le Sénat suivait le Gouvernement, la cohérence du texte n’en serait pas affectée.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a hésité, en partie sur mon initiative, au sujet du sous-amendement n° 92, qui vise à ce que la personnalité qualifiée soit désignée parmi les membres de la CNIL. Nous avons tenu compte de l’argumentaire de Gaëtan Gorce. Nous ne voulions pas prendre de décision avant que la CNIL ait réagi à l’innovation proposée.
L’argument selon lequel il ne faut pas créer de précédent en matière d’appel d’une autorité indépendante à des personnalités extérieures est fort. Un tel précédent serait source de désordre juridique. En outre, la CNIL possède en son sein des personnalités chargées d’une mission de veille juridique ; je pense notamment aux autorités juridictionnelles qui représentent la Cour de cassation, la Cour des comptes et le Conseil d'État.
Il nous semble donc préférable de retenir la solution qui est proposée dans le sous-amendement n° 92 et qui prévoit que la personnalité est désignée « en son sein » par la CNIL. Je demande simplement à Jean-Pierre Sueur de compléter ce sous-amendement, car, en l’état, il fait disparaître la précision que la personnalité qualifiée est désignée pour une durée de cinq ans non renouvelable, alors que nous nous étions mis d'accord sur ce point.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement dans le sens indiqué par M. le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie du sous-amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Desplan et Marie, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Amendement n° 90, alinéa 14, première phrase
Après le mot :
désignée
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 94, parce qu’il tend à introduire une cohérence. En effet, dans l’éventail des mesures permettant de supprimer les contenus sur internet, le déréférencement est un outil efficace, comme nous l’ont confirmé certains de nos interlocuteurs de la société civile.
C’est en raison d’une maladresse de votre rapporteur que le Gouvernement a dû déposer ce sous-amendement, car je lui avais indiqué que je présenterais moi-même cette disposition, mais j’avais omis de transmettre l’information à l’équipe de la commission des lois. Ce sous-amendement vient donc compenser une petite lacune.
L’amendement n° 8 rectifié reprend les termes du grand débat que nous avons eu : doit-on faire simplement appel à l’esprit de responsabilité des hébergeurs et des éditeurs ou faut-il prévoir une mesure de contrainte ? J’ai suffisamment défendu l’idée qu’une phase de mise en demeure était nécessaire pour favoriser une prise de responsabilité des hébergeurs, pour ne pas ajouter que nous savons tous, compte tenu des enjeux, que cette mise en demeure serait inefficace si aucune mesure de contrainte n’était prévue in fine. Pour cette raison, la commission n’a pas pu émettre un avis favorable sur cet amendement et les amendements nos 51 et 28 qui relèvent de la même inspiration.
Les auteurs de l’amendement n° 23 rectifié, de même que ceux des amendements nos 69 et 53, souhaitent faire appel à l’autorité judiciaire pour prononcer le blocage d’un site internet. Le débat a déjà été complet et détaillé sur ce sujet. Cet amendement nous ramène à la question du délai de vingt-quatre heures ou de quarante-huit heures : à supposer que l’autorité judiciaire puisse prendre une décision rapide en référé, il faut rappeler que, par définition la procédure judiciaire suppose un débat contradictoire, ce qui rend les délais difficilement maîtrisables. Si l’on recourait à la procédure judiciaire, les sites « offensifs » auraient alors toute facilité pour procéder aux manipulations numériques permettant la gestion d’une migration et la réitération des contenus illicites. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur les amendements nos 23 rectifié et 69.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 77, puisqu’elle n’a pas retenu la durée de vingt-quatre heures. À titre personnel, je l’ai dit, je pourrais tout à fait admettre que le Sénat ne la suive pas sur ce point.
Pour les raisons évoquées précédemment, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 53, relatif au blocage judiciaire des sites internet.
L’amendement n° 6 rectifié ter pourrait être retiré, puisqu’il est satisfait. En effet, l’article 33–1 du code des postes et des communications électroniques reste en vigueur. Sous le bénéfice de l’explication que nous avons donnée en séance, il est clair que l’application de cet article n’est pas compromise par l’adoption de l’article 9 de la présente loi.
En ce qui concerne l’amendement n° 29, nous avons longuement réfléchi à la question de l’intervention d’un membre de la CNIL, comme je l’ai dit lors de la présentation du sous-amendement n° 92 de M. Sueur. Je ne souscris donc pas aux propos de M. Gorce quand il estime que ce dispositif a été improvisé : qu’il fasse crédit à ceux qui ne partagent pas son avis d’être capables de réfléchir avant d’agir et de préparer les textes de loi avec un minimum de conscience de leur responsabilité.
M. Gaëtan Gorce. Ce serait donc assez exceptionnel !
M. Alain Richard, rapporteur. L’Assemblée nationale a réfléchi à cette question et nous avons repris le dossier. Nous avons examiné les solutions alternatives et j’ai d’ailleurs eu une discussion approfondie avec M. Gorce sur ce sujet. Elle le convaincra que les gens qui ne sont pas d’accord avec lui peuvent aussi être animés par des motifs valables quand ils prennent une position…
M. Gaëtan Gorce. Je n’ai jamais dit le contraire !
M. Alain Richard, rapporteur. Si ! Vous avez eu recours à des expressions pour le moins désobligeantes à l’égard des personnes en désaccord avec vous !
M. Gaëtan Gorce. Vous êtes extrêmement susceptible, monsieur le rapporteur !
M. Alain Richard, rapporteur. Mais cela peut arriver à tout le monde, et je suis sûr que c’était involontaire de votre part…
M. Gaëtan Gorce. Je me corrigerai !
M. Alain Richard, rapporteur. Il me semble que, si l’on cherche d’autres solutions, on n’en trouve pas qui soient convaincantes. Une initiative tout à fait compréhensible émanait du Défenseur des droits, mais de multiples obstacles s’opposaient à ce qu’il prenne des responsabilités dans ce domaine. La commission confirme donc que le représentant de la CNIL doit bien être intégré à l’autorité administrative, tout en bénéficiant de garanties d’indépendance personnelle qui seront utiles à l’équilibre de cette procédure. L’avis de la commission est donc défavorable.
Enfin, l’amendement n° 33 rectifié ayant été repris sous la forme du sous-amendement n° 92 rectifié, il n’a plus d’objet et pourrait être retiré.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est évident. Je retire cet amendement, madame la présidente !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. M. le rapporteur vient d’exprimer, sur chaque amendement, une position qui recoupe en tout point celle du Gouvernement. Par conséquent, j’émets le même avis que lui sur chacun de ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 95.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 92 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 8 rectifié, 51, 28, 23 rectifié, 69, 77, 53, 6 rectifié ter et 29 n’ont plus d’objet.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote sur l’article 9.
M. Gaëtan Gorce. Je voterai contre l’article 9, bien que je ne sois pas opposé au principe du blocage. J’ai eu l’occasion d’exposer mon point de vue sur le sujet, notamment sur le caractère symbolique de cette mesure. Je salue également le fait que ce blocage soit réalisé selon la méthode DNS, qui est la plus acceptable. Cependant, sur le fond, j’estime que nous commettons une erreur, du point de vue de la cohérence d’ensemble du dispositif, en ne faisant pas appel au juge judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je voterai également contre cet article, car il apporte un signal négatif alors que la France devrait tout faire pour influer sur l’évolution d’internet, afin que ce réseau soit le plus humaniste possible.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’avais déposé un amendement de suppression de cet article 9. Je me suis finalement rangée à l’avis de nos collègues Gaëtan Gorce et Jean-Yves Leconte sur la suppression nécessaire de certains alinéas. Je suivrai jusqu’au bout leur avis et je ne voterai pas cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
L’article 57-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent également, dans les conditions de perquisition prévues au présent code, accéder par un système informatique implanté dans les locaux d’un service ou d’une unité de police ou de gendarmerie à des données intéressant l’enquête en cours et stockées dans un autre système informatique, si ces données sont accessibles à partir du système initial. » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les officiers de police judiciaire peuvent, par tout moyen, requérir toute personne susceptible :
« 1° D’avoir connaissance des mesures appliquées pour protéger les données auxquelles il est permis d’accéder dans le cadre de la perquisition ;
« 2° De leur remettre les informations permettant d’accéder aux données mentionnées au 1°.
« À l’exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, le fait de s’abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d’une amende de 3 750 €. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements.
L’amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
, dans les conditions de perquisition prévues au présent code,
L’amendement n° 70, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
judiciaire
insérer les mots :
, sur autorisation donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention,
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.
Mme Françoise Laborde. En déposant cet amendement, nous posons une question qui me semble essentielle aujourd’hui dans notre appréhension des méthodes d’investigations en matière d’internet. Nous proposons que, lorsque l’accès à des données intéressant l’enquête en cours se fait par un système informatique implanté dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, les restrictions encadrant la perquisition ne s’appliquent pas.
La perquisition est la recherche d’éléments de preuve d’une infraction au domicile d’une personne ou dans les locaux d’une entreprise. L’officier de police judiciaire se transporte dans le lieu perquisitionné et peut effectuer des saisies. Cette opération ne peut avoir lieu entre vingt et une heures le soir et six heures le lendemain matin.
Ne sommes-nous pas ici face à un autre schéma que celui de la perquisition traditionnelle, quand un officier de police ou de gendarmerie accède à des données à partir de son local de travail même ? La dématérialisation de la procédure, induite par la nature même des réseaux internet, nécessite-t-elle, elle aussi, des règles procédurales qui n’ont véritablement de sens que pour des indices matériels ? Peut-on imaginer qu’un officier de police qui accède à des données après un long processus de décryptage s’arrête à vingt et une heures ?
Beaucoup de règles procédurales perdent leur sens face à internet. Cela ne signifie pas que les libertés publiques et individuelles doivent être bafouées, mais que la dématérialisation d’internet demande une modernisation plus générale de notre droit, ainsi que certaines adaptations des règles traditionnelles. Il faut inventer de nouvelles procédures, tout autant protectrices des libertés publiques, mais beaucoup plus efficaces.
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l’amendement n° 70.
Mme Leila Aïchi. L’article 10 crée de nouvelles modalités de perquisition des systèmes informatiques directement depuis les services de police sans présence sur place et modifie la responsabilité des intermédiaires techniques employés par les forces de l’ordre pour percer les systèmes de cryptage de données personnelles numériques par des procédés de piratage.
Une telle procédure exceptionnelle, si elle peut être nécessaire aux moyens de l’enquête en matière de terrorisme, doit être encadrée par le juge des libertés et de la détention. Seul le juge des libertés, par son indépendance, est à même d’assurer une protection des données et de la vie privée, en accord avec la décision de la Cour de cassation et avec les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission est défavorable aux deux amendements.
Dans le cas de l’amendement n° 24 rectifié, il nous semble – et j’en parle d’autant plus à l’aise qu’à un moment de la réflexion je me suis moi-même interrogé sur le risque de confusion – que l’expression mentionnée dans l’article 57-1 du code de procédure pénale, qui parle de « conditions de perquisition prévues au présent code », représente, en réalité, un système encadré de captation de données informatiques et de décryptage de données, mais ne s’assimile pas à une perquisition physique.
Je crois donc que l’on peut conserver ces termes et ne pas courir le risque qu’ont évoqué certains juges d’instruction. En effet, pour leur part, les juges d’instruction, lorsqu’ils conduisent une enquête en matière de terrorisme, utiliseront un autre article du code de procédure pénale, l’article 706–102–1, qui les autorise, dans leur cadre d’instruction, à récupérer à distance des données informatiques. Et ils ne sont pas exposés au risque que les personnes mises en cause soient prévenues. Donc, à mon sens, cet amendement ne se justifie pas.
S’agissant de l’amendement n° 70, on peut imaginer de prévoir, en cours d’instruction, des interventions supplémentaires de telle ou telle autorité – en particulier, du juge des libertés et de la détention. Du point de vue de la bonne administration de la justice, on est toutefois obligé de se retenir un peu pour ne pas accumuler une profusion de situations d’intervention du juge des libertés et de la détention auxquelles les magistrats ne pourraient pas faire face par la suite. Surtout, s’il s’agit de s’assurer qu’une perquisition informatique aura ou non été faite conformément aux principes, l’autorité de jugement appréciera tout simplement, en fin d’instruction, s’il y a eu irrégularité de procédure. Les personnes qui mènent cette enquête savent que, en cas d’irrégularité de procédure, cela peut faire tomber l’ensemble de leur incrimination. Cela vous assure que même sans intervention du juge des libertés et de la détention il n’y aura pas d’abus en matière de procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 10
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase, deux fois, et à la seconde phrase du premier alinéa des articles 60–1 et 77–1–1 du code de procédure pénale, le mot : « documents » est remplacé par le mot : « informations ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Je reviens un instant sur l’amendement n° 24 rectifié, simplement pour préciser que je souhaitais le retirer, mais je n’ai pas assez prompte et vous ne m’avez donc pas donné la possibilité de le faire. C’est d’ailleurs pourquoi je n’ai même pas voté en faveur de cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 25 rectifié. La terminologie des articles 60–1 et 77–1–1 du code de procédure pénale pose des difficultés dans la mesure où la réquisition numérique vise exclusivement la remise de « documents », alors que d’autres articles du même code privilégient la notion d’« informations utiles à la manifestation de la vérité ».
Si la Cour de cassation privilégie une interprétation large du concept de « documents » numériques, une telle évolution n’est pas propre à cette matière puisqu’elle intéresse aussi nombre de réquisitions de droit commun.
Il apparaît aujourd’hui nécessaire de modifier les articles régissant le droit de réquisition pour tenir compte de ces réalités, comme cela a déjà été fait pour les dispositions procédurales relatives aux saisies. Je vous renvoie aux articles 56, 94 et 97 du code de procédure pénale qui ont déjà été modifiés en ce sens par la loi de 2004.
Dans le cadre du renforcement de la lutte contre le terrorisme, mais aussi dans la perspective plus large de la lutte contre la cybercriminalité, cet amendement vise à préciser l’objet des réquisitions numériques afin de tenir compte à la fois des réalités relatives à ces saisies et de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Favorable. C’est une meilleure terminologie.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article 60–1 et au quatrième alinéa de l'article 60–2 du code de procédure pénale, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par les mots : « 75 000 euros et, en cas de récidive, de cinq ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’article 60–1 du code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir de toute personne susceptible de détenir des documents intéressant l’enquête de lui remettre ces documents.
Or, le fait de s’abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est aujourd’hui puni d’une amende de 3 750 euros, ce qui apparaît peu dissuasif. Par comparaison, l’article 6 de la loi de 2004 réprime d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait, pour un prestataire de services, de ne pas avoir conservé les données d’identification ou de ne pas déférer à la demande d’une autorité judiciaire d’obtenir communication de ces éléments.
Cet amendement reprend une recommandation du rapport de M. Marc Robert sur la cybercriminalité, qui préconise de renforcer la répression de ce type d’actes qui entravent l’enquête pénale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. L’avis est défavorable, car – mon corapporteur est souvent très vigilant et très convaincant sur ce sujet – il faut maintenir la cohérence de l’échelle des peines. Dans le cas présent, qui vise la non-observation d’une obligation de procédure, porter le montant des amendes à 75 000 euros et à 100 000 euros est disproportionné. Pour être récemment tombé sur cet obstacle en rapportant un texte, je rappelle que le Conseil constitutionnel veille à ce que l’on ne fasse pas « grimper » – si j’ose m’exprimer ainsi – les niveaux d’amende de façon disproportionnée par rapport à l’échelle des peines quand il ne s’agit pas de délits financiers. Aussi, je suggère à mes collègues de ne pas insister dans ce domaine.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.
(L'amendement n’est pas adopté.)
Article 11
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 230-1 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « ou de les comprendre, », sont insérées les mots : « ou que ces données sont protégées par un mécanisme d’authentification, » ;
a) Aux premier et dernier alinéas, après les mots : « d’instruction », sont insérés les mots : « , l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, » ;
a bis) (nouveau) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la version en clair de ces informations » sont remplacés par les mots : « l’accès à ces informations, leur version en clair » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : « , de l’officier de police judiciaire » ;
c) À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « prévu », est insérée la référence : « au deuxième alinéa de l’article 60 et », et les mots : « au premier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° L’article 230–2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « instruction », sont insérés les mots : « , l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, » ;
b) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « au service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information » sont remplacés par les mots : « à un organisme technique soumis au secret de la défense nationale, et désigné par décret » ;
c) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « l’autorité judiciaire requérante » sont remplacés par les mots : « le procureur de la République, la juridiction d’instruction, l’officier de police judiciaire sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l’affaire ou ayant requis l’organisme technique » ;
d) La première phrase du second alinéa est supprimée ;
2°bis (nouveau) L’article 230–3 est ainsi modifié :
a) la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Dès l’achèvement des opérations ou dès qu’il apparaît que ces opérations sont techniquement impossibles ou à l’expiration du délai prescrit ou à la réception de l’ordre d’interruption émanant du procureur de la République, de la juridiction d’instruction, de l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction ou de la juridiction de jugement saisie de l’affaire, les résultats obtenus et les pièces reçues sont retournés par le responsable de l’organisme technique à l’auteur de la réquisition. » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
3° À l’article 230-4, le mot : « judiciaires » est supprimé. – (Adopté.)
Article 11 bis
Au premier alinéa de l’article 323-3 du code pénal, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par les mots : « d’extraire, de détenir, de reproduire, de transmettre, ». – (Adopté.)
Article 12
I. – Après l’article 323-4 du code pénal, il est inséré un article 323-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 323-4-1. – Lorsque les infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3-1 ont été commises en bande organisée et à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende. »
I bis (nouveau). – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 704 du code de procédure pénale, la référence : « 323–4 » est remplacée par la référence : « 323–4–1 ».
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 12 bis (nouveau)
Le titre XXIV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Titre XXIV
« De la procédure applicable aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données
« Art. 706–72. – Les articles 706–80 à 706–87–1, 706–95 à 706–103 et 706–105 sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus à l’article 323–4–1 du code pénal.
« Les articles mentionnés à l’alinéa précédent sont également applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement du blanchiment des mêmes délits ainsi qu’à l’association de malfaiteurs lorsqu’elle a pour objet la préparation de l’un desdits délits. » – (Adopté.)
Article 13
Après la section 2 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, est insérée une section 2 bis ainsi rédigée :
« Section 2 bis
« De l’enquête sous pseudonyme
« Art. 706-87-1. – Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 706–72 et 706–73 et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s’ils sont affectés dans un service spécialisé désigné par arrêté du ministre de l’intérieur et spécialement habilités à cette fin, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :
« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;
« 2° Être en contact par le moyen mentionné au 1° avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. » – (Adopté.)
Article 13 bis (nouveau)
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706–25–2 est abrogé ;
2° L’article 706–35–1 est ainsi modifié :
a) A la première phrase du premier alinéa, les références : « 225–4–1 à 225–4–9, 225–5 à 225–15 » sont remplacées par les références : « 225–4–1 et 225–4–8 à 225–4–9, 225–5 à 225–6 » ;
b) Le quatrième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret ; »
3° Le quatrième alinéa de l’article 706–47–3 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret ; »
II. – Le troisième alinéa de l’article 59 de la loi n° 2010–476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 2° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ainsi que sur les comptes bancaires utilisés ; »
« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret ; ».
Mme la présidente. L'amendement n° 87, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L'article 706–35–1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les références : « 225–4–1 à 225–4–9, 225–5 à 225–12 » sont remplacées par les références : « 225–4–1 et 225–4–8 à 225–4–9, 225–5 à 225–6 » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; ».
2° Après le 2° de l'article 706–47–3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; »
II. – L'article 59 de la loi n° 2010– 476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne est ainsi modifié :
1° Au 2°, les mots : « des données » sont remplacés par les mots : « les éléments de preuve et les données » ;
2° Après le même 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit d’une modification rédactionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 13 bis est ainsi rédigé.
Article 14
I. – À la fin de la première phrase de l’article 706-102-1 du code de procédure pénale, les mots : « ou telles qu’il les y introduit par saisie de caractères » sont remplacés par les mots : « , telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels ».
II (nouveau). – L’article 226–3 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le régime d’autorisation prévu au 1° ne s’applique pas aux prestataires ou experts requis ou missionnés spécialement par un magistrat instructeur aux fins de développer ou mettre en œuvre un dispositif technique ayant pour objet la captation de données informatiques prévue par l’article 706–102–1 du code de procédure pénale. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 78, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. La possibilité pour le juge d’instruction d’autoriser des officiers de police judiciaire à mettre en place des dispositifs de captation des données, dits « chevaux de Troie informatiques », a été prévue par l’article 36 de la loi du 14 mars 2011. Ce même article, en réponse aux inquiétudes de la CNIL, avait prévu que ces dispositifs seraient soumis à une autorisation administrative afin de contrôler les matériels et logiciels qui, par nature, portent atteinte à la vie privée.
Votre commission des lois a supprimé cette autorisation administrative. Il en résulte que les magistrats et officiers de police judiciaire pourront recourir à des logiciels qui n’auront pas été expertisés par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, et il sera ainsi techniquement possible, pour un vendeur négligeant ou malveillant, de concevoir un dispositif qui puisse prendre le contrôle des systèmes d’information des officiers de police judiciaire qui l’utiliseront.
Le logiciel pourrait aussi être configuré pour diffuser les données captées à d’autres personnes que celles qui sont autorisées à en connaître. Cela pourrait déboucher sur une compromission des systèmes d’information de la police judiciaire et sur une atteinte grave à la vie privée des personnes mises en cause.
De telles incertitudes techniques font également courir un risque sérieux aux procédures engagées.
C’est la raison pour laquelle cet amendement rétablit l’autorisation administrative des matériels et logiciels permettant la captation des données informatiques.
Mme la présidente. L'amendement n° 89, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
experts
insérer les mots :
figurant sur une liste fixée par décret
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Ces deux amendements sont un peu en concurrence. En effet, l’objection, le risque technique, et, à vrai dire, éthique, invoqué par le ministre existe. Nous pensions pouvoir y parer avec une formule d’agrément par décret. Cette préoccupation est née du constat, qui nous a été réitéré par de nombreux partenaires judiciaires, de la lenteur excessive par laquelle se faisaient les agréments par l’ANSSI.
Donc, la commission retirerait aisément son amendement si vous pouviez, monsieur le ministre, nous donner des assurances sur une plus grande diligence de l’ANSSI pour se prononcer sur les demandes d’agrément.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 89 ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends parfaitement la préoccupation du rapporteur. Je veux donc lui donner les assurances qu’il réclame légitimement et qui sont la condition de la bonne application de ces mesures.
M. Alain Richard, rapporteur. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 89, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 89 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 78.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
I. – Le second alinéa de l’article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « et la commission mentionnée à l’article L. 243-1 en est destinataire ».
II. – Après la première phrase de l’article L. 242–6 du code de la sécurité intérieure, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « À titre exceptionnel, ce délai peut être porté à trente jours par la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, si la transcription de l’enregistrement présente une difficulté avérée. »
Mme la présidente. L'amendement n° 71, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. L’article 15 dispose que le délai de conservation de données personnelles numériques dans le cadre d’une procédure judiciaire dans la lutte contre le terrorisme soit porté de dix à trente jours. L’examen en commission des lois a amené à restreindre cette mesure « à titre exceptionnel ». En dépit de cette avancée, un tel délai entraîne un risque non négligeable de déperdition, voire de divulgation du renseignement. En outre, cet allongement risque de remettre en cause le contrôle opéré par la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, d’autant que cette extension s’appliquera à toutes les interceptions de sécurité de droit commun, alors que celles qui sont liées au terrorisme ne concernent qu’un nombre encore limité d’interceptions.
Par voie de conséquence, les nouvelles dispositions pourraient porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée garanti à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Cet amendement vise donc à revenir sur l’esprit général de plusieurs dispositions du texte tendant à appliquer au droit commun des mesures d’exception censées faciliter le travail d’enquête pour la sécurité nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a son propre texte, qui a infléchi assez fortement la mesure du Gouvernement que Mme Aïchi redoute. Elle préfère logiquement son propre texte à celui qui est proposé par Mme Aïchi. Notre formule consiste à maintenir à dix jours le délai de conservation des écoutes non transcrites. Il peut être porté à trente jours sur accord de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, lorsque le service compétent motive cette demande par des difficultés particulières de traduction ou de décryptage.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 79, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - Au premier alinéa de l’article L. 242–6 du même code, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « trente ».
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le présent amendement rétablit la durée de conservation des interceptions de sécurité à trente jours, compte tenu des difficultés liées, d’une part, à la possibilité de transcrire ces interceptions de sécurité dans le délai de dix jours, notamment pour les langues dans lesquelles les interprètes sont peu nombreux, et, d’autre part, à l’éclairage nouveau que ces interceptions peuvent connaître à la lumière de faits inconnus dans le délai de dix jours.
Le contrôle de la CNCIS est effectif puisque celle-ci est rendue destinataire des transcriptions. Toutefois, ajouter à cette transmission une procédure d’autorisation formelle rendrait ce dispositif extraordinairement complexe et finalement peu opérant, pour un pouvoir de contrôle similaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avions déjà eu cette discussion lors de la loi de 1991. À l’époque, le Gouvernement avait proposé une durée de conservation des interceptions de sécurité de trente jours. Le Parlement, quant à lui, avait considéré que dix jours suffisaient.
C’est vrai que la transcription de ces interceptions peut poser problème dans quelques affaires. Je rappelle cependant qu’il existe six motifs justifiant une demande d’interception de sécurité, parmi lesquels la criminalité organisée et la sécurité nationale. Le terrorisme ne représente que 17 % des interceptions contrôlées, même si ce pourcentage augmente.
C’est la transcription qui permet de valider le motif de l’interception. Si l’absence de transcription durait un temps indéfini, il serait possible de procéder à des interceptions sans qu’il y ait de contrôle. Notre système est donc assez remarquable – dans d’autres pays, c’est beaucoup moins bien organisé –, car il concilie à la fois l’efficacité et un véritable contrôle des interceptions.
Nous avons bien compris qu’un problème pouvait se poser dans certaines affaires liées au terrorisme. Nous avons donc proposé que le délai puisse être prolongé lorsque la situation le justifie. Cependant, généraliser les trente jours aboutirait à déséquilibrer complètement le dispositif mis en œuvre par la loi de 1991 et qui fonctionne depuis lors, à la satisfaction générale, sans qu’il y ait jamais eu aucun incident. Les Premiers ministres ont toujours suivi les avis de la CNCIS, à une exception près.
Voilà pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous pourrions encore continuer ce débat, mais il a déjà eu lieu pendant de longues heures et à de multiples occasions, notamment au sein de la commission des lois du Sénat, que je remercie encore une fois, ainsi que ses rapporteurs, pour l’excellence du travail qui a été effectué.
Vous avez fait référence, monsieur le rapporteur, à la loi de 1991. Or, vous le savez très bien, ce texte s’inscrivait dans un contexte très différent. Nous devons aujourd’hui faire face à un phénomène qui n’était pas celui auquel nous étions confrontés dans les années quatre-vingt-dix, même en matière de terrorisme. En outre, la société numérique, avec les techniques de communication multiples qui s’y attachent, n’avait pas la même ampleur que celle qui prévaut aujourd’hui.
Nous sommes confrontés à un problème opérationnel concret : un certain nombre d’interceptions nécessitent un délai supplémentaire pour être exploitées dans des conditions satisfaisantes, tant dans l’intérêt du respect des procédures que pour la neutralisation des terroristes. Cette demande n’est donc pas faite pour une raison de confort, pour échapper au contrôle de la CNCIS. Mon cabinet ou moi-même avons d’ailleurs, à plusieurs reprises, demandé au président de la CNCIS quelle était son appréciation sur ces sujets.
Je suis, comme vous, viscéralement attaché à l’équilibre du dispositif. Je ne souhaite pas que le règlement de ce problème concret se fasse au détriment des prérogatives de contrôle de la CNCIS, auxquelles je tiens autant qu’à l’efficacité opérationnelle des services.
Je veux que le Sénat sache que la discussion que nous avons eue a été de qualité et qu’elle nous a permis d’aller au fond des choses. Elle ne nous aura cependant pas permis, pour l’heure en tout cas, de dégager un accord. J’en prends acte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 15 ter
L’article 706-161 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dépenses de l’agence peuvent également comprendre des contributions versées à l’État destinées au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité. »
2° Au début du quatrième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « L’agence ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 15 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac, est ainsi libellé :
Après l'article 15 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 726-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’hypothèse où la personne détenue a été condamnée pour des actes de terrorisme définis aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, la personne est placée dans une cellule dédiée, isolée des autres détenus, lors de son entrée en prison. »
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. La prison reste l’un des principaux lieux de radicalisation. Ainsi, certains détenus non radicalisés à leur entrée en prison le deviennent au contact d’autres détenus. Afin d’éviter le prosélytisme et toute forme d’endoctrinement islamiste, il conviendrait de repenser l’organisation des prisons et d’écarter systématiquement tout individu condamné pour des actes de terrorisme.
Certains, lors de notre débat en commission, ont pu se méprendre sur l’intention des auteurs de cet amendement, pensant qu’il y aurait de leur part une volonté d’instaurer une double peine dans la mesure où le placement à l’isolement existe déjà. Tel n’est pas du tout l’objet de l’amendement. Ce que nous souhaitons, c’est la mise à l’écart des terroristes pour éviter que ceux-ci endoctrinent d’autres détenus.
Lors de votre audition, monsieur le ministre, nous avions débattu de la radicalisation à l’intérieur des prisons, dont nous sommes tous conscients et contre laquelle nous voulons tous lutter. Vous aviez alors mis l’accent sur la formation des imams et des personnels religieux qui sont en contact avec les détenus. Si nous mettons à l’écart les détenus liés à des groupes terroristes, les imams pourront faire un travail plus sérieux auprès des autres détenus et leur délivrer un message normal, celui des religions monothéistes que nous connaissons, comme l’islam.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les dispositions de la loi pénitentiaire. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Je retire cet amendement puisque personne ne semble le soutenir… Il m’aurait pourtant semblé nécessaire de faire mention de la mise à l’écart des prisonniers dangereux. Même si un dispositif similaire est prévu dans la loi pénitentiaire, il est encore bien imparfait.
Le placement à l’isolement de prisonniers dangereux en raison de leur participation à des mouvements terroristes ne semble pas spécialement efficace, en tout cas en l’état de la loi pénitentiaire, sinon nous n’aurions pas cette discussion aujourd’hui. Le ministre semble être très satisfait de son projet de loi. Nous verrons bien ce qu’il donnera par la suite…
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié est retiré.
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. J’aimerais dire à nos collègues que, si chacun fait un effort de concision, nous devrions pouvoir achever l’examen de ce texte avant treize heures.
Mme la présidente. Nous allons sans doute pouvoir terminer l’examen des amendements avant treize heures, mais le vote sur l’ensemble du projet de loi ne pourra avoir lieu que cet après-midi, compte tenu du nombre de demandes d’explication de vote.
L’amendement n° 54, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Après l'article 15 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 613-2, les mots : « spécialement habilitées à cet effet et agréées par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police » sont remplacés par les mots : « justifiant d’une aptitude professionnelle » ;
2° À la première phrase de l’article L. 613-3, les mots : « agréées par la commission régionale d’agrément et de contrôle » sont remplacés par les mots : « justifiant d’une aptitude professionnelle ».
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 15 quater
(Supprimé)
Article additionnel après l'article 15 quater
Mme la présidente. L’amendement n° 82, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 15 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre IV du livre III de la sixième partie du code des transports est complété par un article L. 6341-… ainsi rédigé :
« Art. L. 6341-…. - En cas de menace pour la sécurité nationale, l’autorité administrative peut imposer aux entreprises de transport aérien desservant le territoire national au départ d’aérodromes étrangers la mise en œuvre de mesures de sûreté dont la durée d’application ne peut excéder trois mois. Ces mesures peuvent être reconduites dans les mêmes conditions.
« Les mesures de sûreté mentionnées au premier alinéa sont celles dont la mise en œuvre peut être imposée aux entreprises de transport aérien en application du règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/2002, des règlements pris pour son application par la Commission européenne et des normes de sûreté prévues par la réglementation nationale.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’évolution de la menace terroriste, notamment à l’encontre de l’aviation civile, et la vulnérabilité de certains aéroports étrangers peuvent rendre indispensable d’imposer des mesures de sûreté complémentaires sur des vols desservant la France depuis des escales jugées sensibles.
Cet amendement tend à proposer d’insérer dans le code des transports un article permettant d’imposer des mesures de sûreté complémentaires sur les vols en provenance de l’étranger et à destination des aéroports français.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La proposition du Gouvernement est cohérente : avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15 quater.
Article 15 quinquies (nouveau)
Les ordonnances n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives) relatives aux armes et munitions et n° 2013-519 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure (partie législative) relatives à l’outre-mer sont ratifiées.
Mme la présidente. L’amendement n° 88, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le titre IV du livre Ier est ainsi rédigé :
« TITRE IV
« DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
« Chapitre Ier
« Dispositions générales
« Art. L. 141-1. – La déontologie des personnes exerçant des missions ou activités de sécurité est précisée par voie réglementaire.
« Chapitre II
« Défenseur des droits
« Art. L. 142-1. – Le Défenseur des droits accomplit sa mission de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité dans les conditions fixées par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. » ;
2° Le titre III du livre IV est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Déontologie de la police et de la gendarmerie nationales
« Art. L. 434-1. – Un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales est établi par décret en Conseil d’État. » ;
3° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est abrogé ;
4° Les articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 sont complétés par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Au titre VII : l’article L. 271-1. » ;
5° L’article L. 285-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Le deuxième alinéa de l’article L. 271-1 est ainsi rédigé :
« “Un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” » ;
6° L’article L. 286-2 est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Le deuxième alinéa de l’article L. 271-1 est ainsi rédigé :
« “Un arrêté du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” » ;
7° L’article L. 287-2 est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° L’article L. 271-1 est ainsi modifié :
« a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« “Un arrêté de l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” » ;
« b) Le dernier alinéa est supprimé. » ;
8° Le 9° de l’article L. 645-1 est ainsi rédigé :
« 9° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable en Polynésie française ” ; »
9° Le 10° de l’article L. 646-1 est ainsi rédigé :
« 10° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable en Nouvelle Calédonie” ; »
10° Le 9° de l’article L. 647-1 est ainsi rédigé :
« 9° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable dans les îles Wallis et Futuna” ; »
11° Le dernier alinéa des articles L. 251-2 et L. 252-2 est supprimé ;
12° À la seconde phrase de l’article L. 262-1, la référence « III » est remplacée par la référence « II » ;
13° Les deux dernières phrases du second alinéa de l’article L. 634-4 sont ainsi rédigées :
« Le montant des pénalités financières doit être fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. »
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Cet amendement mérite, malgré mon récent appel, quelques explications.
Le code de la sécurité intérieure a été créé, comme la plupart des codes récents, par ordonnance, sur la base d’une habilitation du législateur. Ce code, très bien fait sur le plan juridique, est en usage.
Le projet de loi de ratification a été déposé, comme il se doit, mais n’a pas encore été examiné par le Parlement. Le Gouvernement nous a donc suggéré, de façon un peu audacieuse, de procéder à cette ratification au travers du présent article.
Or, comme cela se passe à chaque fois que l’on vérifie l’ensemble des éléments d’un code achevé, un certain nombre de mises à jour ou de rectifications se sont révélées nécessaires. Nous avons donc rectifié les dispositions introduisant une nouvelle forme de vidéoprotection, car nous avons estimé que leur sécurité juridique n’était pas tout à fait établie.
Après dialogue avec le Gouvernement, nous avons considéré que ces dispositions peuvent être introduites dans l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure, afin de respecter les principes fixés par le Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 88, alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. À l’occasion de la ratification du code de la sécurité intérieure, la commission des lois propose d’opérer quelques corrections. Même si le lien avec le terrorisme est parfois ténu, elle fait œuvre utile en apportant un certain nombre d’améliorations. Je citerai l’intégration de la création d’un code de déontologie commun aux forces de l’ordre, l’extension à la Polynésie française et à un certain nombre de territoires des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au gardiennage et à la surveillance des immeubles, absentes des ordonnances créant la partie législative.
Le Gouvernement propose ce sous-amendement, car la suppression de la possibilité pour les commerçants particulièrement exposés à des risques d’agressions ou de vols d’avoir recours à la vidéoprotection, qui a été introduite dans la loi du 19 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, est problématique. Sur ce sujet très sensible, l’équilibre trouvé est à la fois conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et aux nécessités de la sécurité publique.
Enfin, l’amendement tend à plafonner en valeur absolue des pénalités financières prononcées par le Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS. Ce plafonnement, que la commission fixe à 150 000 euros, apparaît très faible au regard du chiffre d’affaires des sociétés concernées, et donc peu dissuasif.
Compte tenu des nouveaux objectifs que j’ai fixés pour le CNAPS et de ma volonté d’amplifier sa mission, je demande aux rapporteurs de bien vouloir réviser leur plafond, afin de respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout en préservant l’efficacité des pénalités. Un montant de 700 000 euros me paraît beaucoup plus adapté. Si vous en étiez d’accord, messieurs les rapporteurs, vous pourriez modifier votre amendement sur ce point. Dans ce cas, j’y donnerai un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 96 ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
Cela étant, le plafonnement des amendes, domaine sur lequel j’ai beaucoup travaillé, est un impératif constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a censuré un dispositif parce que l’aggravation de l’amende n’était pas justifiée par le caractère financier de l’infraction. J’ai découvert cette décision lors de l’examen du texte relatif aux activités privées de protection des navires, que nous avons adopté au cours de la dernière session. L’interprétation que nous devons faire de la décision du Conseil constitutionnel, c’est qu’il est impossible d’augmenter fortement le montant des amendes si l’objet même de l’infraction n’a pas un caractère financier. Or, en l’espèce, il s’agit d’infractions de sécurité et non d’infractions financières comme l’escroquerie.
À regret, nous ne pouvons suivre le Gouvernement sur ce point. C’est la raison pour laquelle nous maintenons le plafonnement des amendes à l’article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure, qui figure dans l’amendement.
Après avoir longuement échangé avec les membres du cabinet du ministre, je tire la conclusion que, lorsque l’on procède à une ratification d’un code entier dans ces conditions-là – certes, tout le monde a pu y réfléchir, mais brièvement –, il vaut mieux faire preuve du maximum de retenue quant aux innovations juridiques que l’on va y apporter.
Je propose donc au ministre un compromis : nous consentons à réintégrer la disposition relative à la vidéoprotection à partir d’espaces privés dans l’article L. 252-1, mais nous ne touchons pas au plafonnement des amendes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15 quinquies, modifié.
(L'article 15 quinquies est adopté.)
Article additionnel après l'article 15 quinquies
Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 15 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le dernier alinéa de l’article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure est supprimé.
II. – Le premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers est supprimé.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Dans une logique d’adaptation permanente de la législation française à la menace terroriste, cet amendement vise à proposer un certain nombre de dispositions en matière de transport.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Nous avons eu à plusieurs reprises ce débat en commission : les mesures visant le contrôle d’identité à bord des trains internationaux, l’accès administratif aux données de connexion et l’accès aux fichiers de police administrative doivent-elles avoir ou non un caractère temporaire ?
Introduites d’abord dans la loi du 23 janvier 2006, ces dispositions ont été reconduites dans la loi du 1er décembre 2008, puis dans la loi du 21 décembre 2012 votée par la présente majorité gouvernementale. Leur validité expire de nouveau le 31 décembre 2015.
Le Gouvernement avance que, après une troisième reconduction, ces dispositions initialement temporaires ont suffisamment démontré leur efficacité opérationnelle ainsi que leur conformité aux principes de la liberté individuelle pour pouvoir être pérennisées. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Ne pouvant être présent cet après-midi, je souhaite, à l’occasion de l’examen de cet amendement que j’approuve, donner dès maintenant ma position sur le projet de loi.
Nous nous heurtons à une difficulté philosophique, celle de concilier la liberté et la sécurité. De ce point de vue, je trouve le texte bien équilibré, même si je sais bien que, selon Saint-Just, « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Je voterai donc le projet de loi.
Mon collègue François Fortassin exposera plus en détail la position du RDSE lors des explications de vote sur l’ensemble.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Je ne porte pas de jugement sur le fond de cet amendement. Simplement, je pense qu’adopter de telles dispositions me paraît toujours un peu délicat au regard du bon fonctionnement du Parlement. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 quinquies.
Chapitre V
Dispositions relatives à l’outre-mer
Article 16
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour appliquer et adapter les dispositions de la présente loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, ainsi que pour permettre l’assignation à résidence sur l’ensemble du territoire de la République d’un étranger expulsé ou interdit du territoire, quel que soit le lieu où ces décisions ont été prononcées.
Les ordonnances sont prises dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
Le projet de loi de ratification de chaque ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de sa publication. – (Adopté.)
Article 17
(Non modifié)
L’article 2 de la présente loi est applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. – (Adopté.)
Article 18
I. – Le 2° des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure est complété par la référence : « et L. 224-1 ».
II. – Au 3° de l’article L. 288-1 du même code, la référence : « L. 232-6 » est remplacée par la référence : « L. 232-8 ».
III. – Le 2° du I de l’article 1er et les articles 3 à 15 ter sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
IV. – (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 91, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer la référence :
15 ter
par la référence :
15 sexies
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article additionnel après l'article 18
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er janvier 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant un audit des éventuels risques inhérents au financement des activités terroristes au moyen des canaux des banques en ligne et des compagnies de transferts internationaux de liquidités.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Nous en avons terminé avec la discussion des articles.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard larcher
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de sa réunion du 9 octobre, la conférence des présidents a décidé, sur ma proposition, de reconduire à titre conservatoire le dispositif retenu jusqu’à présent pour les questions d’actualité.
J’ai invité les présidents de groupe et le délégué des non-inscrits à engager une concertation en vue, le cas échéant, d’adapter la répartition des questions à l’évolution des effectifs des groupes et de rénover leur organisation.
Cette concertation concernera également les questions cribles thématiques, qui ont suscité un certain nombre d’interrogations.
Pour l’heure, je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Il importe de respecter ce délai afin que chacun puisse bénéficier de la retransmission audiovisuelle.
projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Richard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Nous terminerons cet après-midi l’examen du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. À cette occasion, je veux saluer l’esprit de responsabilité qui s’est manifesté sur l’ensemble de ces travées pour appuyer la démarche législative du Gouvernement.
Au cours de ce débat, monsieur le ministre, vous nous avez signalé des faits préoccupants, notamment le nombre de ressortissants français qui se sont rendus, ou qui tentent de se rendre, sur les théâtres d’opérations terroristes. Plus d’une centaine d’entre eux sont déjà revenus en France dans des dispositions d’esprit d’ailleurs différentes selon les individus. Vous avez également souligné la persistance d’un mécanisme d’endoctrinement et d’embrigadement qui continue à affecter des personnalités hésitantes ou légèrement désaxées.
Une vidéo postée hier sur YouTube, que nous avons tous vue, appelle au meurtre de manière indifférenciée à l’encontre de nos concitoyens, démontrant ainsi de manière flagrante l’actualité de la menace qui continue à se développer de façon insidieuse sur internet.
Au moment où nous concluons positivement le débat sur ce projet de loi, j’aimerais que vous nous indiquiez – car il existe bien sûr d’autres éléments que cette nouvelle législation – l’ensemble des outils opérationnels dont l’État se dote pour contrer efficacement cette menace et les démarches de coopération qui sont entreprises avec nos partenaires et alliés. Pouvez-vous nous décrire les différents moyens de contre-attaque, de résistance dont le pays, sous votre autorité, dispose pour lutter contre ce phénomène ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Je voudrais tout d’abord remercier le Sénat pour la qualité du débat que nous avons eu depuis hier et qui va s’achever après cette séance de questions d’actualité au Gouvernement. Je salue le travail très important qui a été accompli par la commission des lois, par vous-même, monsieur Richard, en tant que rapporteur, et par le rapporteur Jean-Jacques Hyest, et qui a permis que ce texte soit amendé, amélioré et rendu plus efficace encore dans la lutte contre le terrorisme.
Nous voulons prévenir le départ de ceux qui s’engagent sur les théâtres d’opérations terroristes et qui, au-delà du risque de mort auquel ils s’exposent, font peser un risque sur notre pays après leur retour. Ces individus, qui ont côtoyé toutes sortes de formes de violences et d’actes barbares, se retrouvent sur le territoire national, animés par les seuls instincts de la violence, ce qui bien entendu menace la sécurité des Français.
Nous avons mis en place une plateforme de signalement pour les familles, qui permet la mobilisation de tous les préfets et de tous les procureurs ainsi que de l’ensemble des administrations de l’État du ressort territorial des familles et des jeunes qui sont concernés par le basculement dans d’éventuelles entreprises terroristes. Mais il fallait aller au-delà. C’est pourquoi un certain nombre de mesures destinées à protéger nos concitoyens du risque terroriste sont prévues dans le projet de loi.
La première mesure, qui vise à empêcher les départs, c’est l’interdiction administrative de sortie du territoire, sous le contrôle du juge administratif qui est le juge des libertés.
Il fallait également réguler la communication sur internet parce qu’un certain nombre de groupes terroristes utilisent cet espace – les témoignages des familles nous l’indiquent – pour faire basculer nos ressortissants dans le terrorisme. Nous avons donc mis en place un dispositif de sensibilisation des grands opérateurs, là aussi sous le contrôle du juge. Il permet d’aller jusqu’au blocage des sites, en évitant les risques de surblocage et les mesures pouvant être attentatoires aux libertés publiques.
Nous avons également instauré l’incrimination d’entreprise individuelle terroriste afin que le juge antiterroriste dispose de l’ensemble des incriminations pénales lui permettant de faire face à toutes les situations.
Enfin, nous agissons en Europe par une coopération avec les services et les polices des autres pays. Nous le faisons en utilisant tous les ressorts du système d’information Schengen : un signalement spécifique « combattants étrangers » dans le système d’information Schengen, la volonté d’aller au bout de la création d’un PNR européen, et nous irons devant la commission Libertés du Parlement européen pour plaider cette cause.
Bref, en matière de prévention, au travers de ce projet de loi ainsi que sur le plan européen, nous agissons pour faire en sorte que les Français soient protégés contre les risques terroristes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
positionnement du gouvernement dans une démarche constructive vis-à-vis du sénat
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe UDI-UC.
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
À l’occasion du récent renouvellement d’une moitié du Sénat, les élus locaux ont exprimé leur incompréhension devant un certain nombre de réformes engagées par le Gouvernement, devant l’absence de vision claire du devenir de nos collectivités locales et plus largement des territoires ainsi qu’une forte inquiétude quant aux baisses des dotations. Voilà pourquoi nous souhaitons que le Sénat soit associé, mieux associé encore à la réforme territoriale.
Cette inquiétude sur la réforme territoriale s’inscrit également dans un cadre plus global, celui d’une situation économique et sociale où, malheureusement, les mauvaises nouvelles s’accumulent : appréciation très négative sur le projet de budget tant de la part du Haut Conseil des finances publiques que de l’Eurogroupe, et peut-être demain de la Commission européenne, qui doute de la réalité des économies attendues ; absence de lisibilité de la politique du Gouvernement quant aux nécessaires réformes du marché du travail – beaucoup de choses ont été dites sur le sujet ; sentiment que notre pays ne sait pas entreprendre les réformes indispensables pour retrouver sa compétitivité et sa croissance.
La France s’engage dans ce contexte très incertain, avec des déficits accrus, vers un niveau de dette qui a déjà franchi la barre des 2 000 milliards d’euros. Cela peut-il durer ?
La question n’est pas tant de savoir qui est fautif ou qui a tort. La question n’est pas de renvoyer aux héritages des uns ou des autres. Elle est de déterminer comment le pays va s’en sortir. Je le dis avec gravité : il n’est plus temps de tergiverser.
La nouvelle majorité sénatoriale, dans laquelle le groupe UDI-UC jouera tout son rôle, s’est engagée dans la voie d’une opposition lucide, donc constructive, selon les mots employés par le président Larcher. Lucides, nous devons l’être face à l’état du pays et aux difficultés auxquelles sont confrontés les Français. Responsables, nous le serons si le Gouvernement emprunte un cap réaliste de réformes et d’adaptation de notre pays au monde moderne.
Monsieur le Premier ministre, il faut parler un langage de vérité, certes, mais surtout agir à la hauteur des enjeux. Au-delà de vos déclarations, nous vous jugerons aux actes. Ce sont ces actes que nous attendons, des actes forts.
La démocratie parlementaire et le dialogue avec le Sénat, entre majorité et opposition, peuvent permettre d’améliorer substantiellement tant la réforme territoriale que le projet de budget et d’engager enfin les réformes structurelles dont la France a besoin. Êtes-vous prêt à faire œuvre utile et à ouvrir le dialogue avec le Sénat ou resterez-vous tourné vers les plus à gauche de votre majorité, ceux-là mêmes qui refusent les réformes nécessaires à l’adaptation de notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre, que je remercie de sa présence.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Depuis les élections du 28 septembre dernier, il ne m’a pas échappé qu’une nouvelle majorité siégeait au Sénat. Je tiens d’ailleurs à féliciter Gérard Larcher pour son élection. Je ne doute pas, monsieur le président du Sénat, que nous aurons ensemble, dans le respect de nos opinions, un dialogue fructueux.
Je le dis très clairement au Sénat : le Gouvernement entend respecter votre assemblée, comme je l’ai toujours fait à la place qui était la mienne. Le Sénat, quels que soient les contours de sa nouvelle majorité, doit poursuivre son travail et continuer à participer pleinement à l’élaboration de la loi – j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler. Je suis heureux de constater, monsieur le sénateur, que c’est également votre volonté.
Aujourd'hui, comme cela a été rappelé à l’instant, notamment par Bernard Cazeneuve, le Sénat examine le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Au vu de la qualité des débats qui ont eu lieu, il semble que votre assemblée s’apprête à adopter ce texte après y avoir apporté toute son expertise – que j’avais moi-même pu apprécier voilà presque deux ans lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme –, et je m’en réjouis. C’est la preuve que, sur de nombreux sujets, comme celui de la réforme ferroviaire adoptée au Sénat l’été dernier, nous sommes capables d’avancer ensemble et de prendre des décisions que nous jugeons utiles – vous l’avez souligné, monsieur le sénateur – pour l’avenir du pays.
Vous avez exprimé des inquiétudes, notamment sur la réforme territoriale. Là aussi, je souhaite que le dialogue se poursuive. Je veux pouvoir expliquer clairement la volonté du Gouvernement afin que nous puissions débattre sereinement de l’avenir de nos collectivités territoriales. C’est pourquoi, sur la proposition du président Gérard Larcher, je viendrai devant votre assemblée le 28 octobre prochain pour une déclaration, suivie d’un débat, sur la réforme territoriale, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Je pense que ce débat sera utile ; il permettra – c’est en tout cas mon souhait, ma volonté, mon intention –, de donner de la cohérence et du sens, qui sont si nécessaires.
L’inquiétude, les questions, les doutes, je les ai, comme vous, entendus. Ce débat aura donc toute son importance, juste avant d’aborder le texte sur la nouvelle carte des régions – dont, je l’espère, vous vous saisirez cette fois pleinement – et d’examiner le projet de loi concernant la répartition des compétences, à la fin de l’année. C’est une réforme majeure.
Par ailleurs, dans les prochaines semaines, le Sénat examinera le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 2015. Sur l’ensemble de ces textes, je souhaite que le Sénat apporte des améliorations. Le Gouvernement est prêt à entendre les propositions de la majorité sénatoriale sur l’avenir du pays. Il faut en effet éclairer le pays à la fois sur les économies qu’il est indispensable de réaliser, sur le projet européen ainsi que sur les priorités que chacun peut défendre.
Vous avez dit vous-même qu’il ne s’agissait pas de se rejeter mutuellement les responsabilités. Très bien ! Éclairons le pays sur les propositions pour l’avenir. En tout cas, le Gouvernement entre dans ce débat avec la majorité sénatoriale, sans oublier le rôle de la minorité et l’apport de chacun ici – je rappelle que le groupe socialiste et les radicaux de gauche sont présents au sein du Gouvernement. Je ne doute pas que les uns et les autres apporteront toute leur part à la construction de l’avenir du pays.
Voilà, monsieur le sénateur, l’état d’esprit qui est celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
turquie
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, que je remercie pour la réponse qu’il vient de faire à l’un de nos collègues du groupe centriste.
Il y a quelques mois, le 27 janvier dernier, à Ankara, le Président de la République a fait une déclaration sur les négociations pour l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Il a indiqué que « le processus de négociation » devait permettre à ce grand pays moyen-oriental « de faire son évolution et de montrer de quoi [il] est capable ».
Neuf mois se sont écoulés depuis, et nous voyons en effet de quoi la Turquie peut être capable : elle est capable de fermer ses frontières aux Kurdes qui souhaitent aller sauver leurs frères à quelques dizaines de mètres de la frontière turco-syrienne ; elle est capable de fermer ses bases aériennes aux avions de la coalition internationale alors qu’elle en fait elle-même partie ; elle est capable de fermer les yeux sur le drame, la tragédie, le martyre d’une grande ville syrienne !
Mes chers collègues, nous avons tous à l’esprit ces images de chars immobiles, massés à la frontière, complètement silencieux, spectateurs indifférents d’un drame pourtant annoncé. Ces images nous choquent, elles nous terrifient même parce qu’elles nous rappellent d’autres images de massacres. Elles nous renvoient aussi à des témoignages absolument insoutenables, comme ceux de ces réfugiés Yazidis chrétiens ou autres que j’ai pu rencontrer cet été à Erbil à l’occasion d’un déplacement en Irak.
Monsieur le Premier ministre, dans la ville de Kobané, il y a des femmes combattantes, même si toutes ne le sont pas, il y a des civils. Une tragédie est en train de se jouer. Les habitants essaient d’échapper à une mort certaine, et ce à quelques centaines de mètres de la Turquie. Qu’on ne s’y méprenne pas : les Turcs sont pour moi un grand peuple et la Turquie un grand pays. Elle fait partie de l’OTAN et frappe à la porte de l’Europe. Mais la Turquie est aussi un pays qui, actuellement, se montre insensible, indifférent à cette tragédie, à cette barbarie de l’État islamique.
Allez un jour en Irak, mes chers collègues ! Recueillez comme moi des témoignages effroyables ! C’est absolument insoutenable ! Nous avons appuyé, et nous le faisons encore, les efforts de la France. Mais est-il bien raisonnable, monsieur le Premier ministre, d’envisager l’entrée de la Turquie dans l’Europe ? Angela Merkel, avec Nicolas Sarkozy, avait bloqué ce processus. Il y a un an, vous avez ouvert aux discussions un chapitre. Je vous remercie de bien vouloir clarifier la doctrine du Gouvernement sur ce point à un moment crucial des relations internationales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président du groupe UMP, avec des mots particulièrement forts, vous venez de décrire la situation dramatique de Kobané, ville frontalière de la Turquie. Elle est le symbole du martyre d’un peuple, les Kurdes, avec qui nous avons des liens étroits et auquel nous pensons, que nous aidons, que nous soutenons. C’est un peuple en proie à la guerre civile qui ravage la Syrie.
Or cette guerre civile, comme la France l’affirme depuis longtemps, menace la stabilité du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Nous en voyons les conséquences, par exemple en Irak, non seulement pour les Kurdes, mais aussi pour les chrétiens d’Orient et pour les autres minorités comme les Yazidis. Nous devons être attentifs à ce problème. Le Président de la République, le ministre de la défense, le ministre des affaires étrangères et des parlementaires se sont rendus sur place. Vous-même, monsieur Retailleau, vous êtes déplacé. Vous avez rappelé ce qu’il en était. Nous sommes évidemment également inquiets des conséquences sur ce pays ami et frère qu’est le Liban.
À Kobané, les combats se déroulent sous les yeux de la communauté internationale. De nombreuses autres villes de la région, en Irak comme en Syrie, livrent loin des caméras une bataille désespérée contre la progression des forces djihadistes ou contre celles du régime de Bachar El-Assad.
Je me suis exprimé hier à l’Assemblée nationale sur ce qu’il convenait de faire, et je veux le redire ici au Sénat. La Turquie a proposé l’établissement d’une zone de sécurité : nous y sommes favorables. Par ailleurs, nous appelons la Turquie à assumer ses responsabilités et à ne pas détourner le regard du drame qui se joue à ses portes, à tout faire pour la protection des populations de Kobané, notamment en autorisant l’accès à ses frontières. Tous ceux qui sont en position d’agir sur le terrain doivent aussi le faire sans délai. La France accroît son soutien à l’opposition syrienne modérée. Le rythme des frappes, qui s’est encore intensifié ces derniers jours, a permis de ralentir la progression de Daech. Celles-ci se poursuivront pour permettre aux forces kurdes de regagner du terrain.
Vous l’avez rappelé, les Turcs sont un grand peuple et la Turquie un grand pays avec lequel nous avons une relation étroite. Il est engagé dans un processus de négociation avec l’Union européenne, qui n’est pas lié à la situation en Syrie et en Irak. C’est un processus de long terme, qui répond à l’intérêt commun de l’Union européenne et de la Turquie.
Le Président de la République, vous l’avez souligné, à l’occasion de sa visite d’État à Ankara, a rappelé notre position. Les négociations entre l’Union européenne et la Turquie doivent se poursuivre, et le peuple français sera, le cas échéant et le moment venu, appelé à se prononcer sur cette adhésion, ainsi que le prévoit notre Constitution.
Pour répondre très directement à votre question, monsieur le sénateur, nous ne devons pas envoyer un message d’isolement, mais un message de responsabilité et de rassemblement à la Turquie, laquelle fait face à ses frontières à une menace qui concerne toute l’Europe. La Turquie doit assumer ses responsabilités, mais nous ne devons pas non plus oublier la situation qui est la sienne. Nous adressons donc ce message à l’ensemble de la communauté internationale : plus que jamais, il nous faut agir ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC. – Mme Christiane Kammermann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Elle concerne l’épidémie de virus Ébola qui sévit actuellement hors de nos frontières, mais qui pourrait se propager en Europe et en France. Cette question a pour objet la préparation de la France.
Comme chacun le sait, l’épidémie poursuit sa progression en Afrique de l’Ouest. On estime à 5 000 le nombre des victimes à ce jour et l’Organisation mondiale de la santé prévoit 5 000 à 10 000 nouveaux cas par semaine avant la fin de l’année...
L’explosion du nombre de malades est déjà visible dans les capitales du Liberia, de Sierra Leone et de Guinée, la Guinée où s’est rendue la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie il y a quelques semaines. Le groupe du RDSE salue l’action de Mme la secrétaire d’État sur la scène internationale puisque, avec elle, c’est la France qui est en première ligne sur ce dossier désormais qualifié de « plus grave urgence sanitaire de ces dernières années » par les Présidents Obama et Hollande, la Chancelière Merkel et MM. Cameron et Renzi.
Madame la ministre, alors que Médecins sans frontières évoque « une situation hors de contrôle » dans cette zone de l’Afrique, comment ne pas redouter la propagation de l’épidémie en France ? En tout cas, il est de votre responsabilité d’envisager cette hypothèse.
Les nécessaires contrôles sanitaires dans les aéroports seront très certainement insuffisants. Par ailleurs, la campagne de sensibilisation et d’information que vous avez mise en place il y a quelques jours est, elle aussi, bien évidemment nécessaire pour prévenir et protéger la population, mais elle s’avérera très insuffisante lorsque le virus Ébola aura frappé sur notre sol.
Dans ces conditions, quel dispositif est prévu en cas de découverte d’un premier cas d’infection sur notre territoire ? Comment parvenir à l’identifier au plus vite, avant même qu’il ne devienne contagieux et qu’il ne se propage dans les lieux publics ? Comment se passera l’entrée de ce « patient zéro » dans notre système de soins ? Nos établissements de santé seront-ils capables de faire face pour accueillir et soigner plusieurs patients infectés ? De plus, que savez-vous de l’efficacité des traitements expérimentaux utilisés dans nos services de soins ? Sans envisager des stocks proches de ceux constitués, on s’en souvient, pour la grippe aviaire, dispose-t-on de traitements en quantités suffisantes ?
Madame la ministre, face à un risque bien réel, même s’il est probablement limité, de contamination du virus Ébola sur notre territoire, la France est-elle ou sera-t-elle prête ? (M. Jean-Pierre Sueur et Mme Bariza Khiari applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, actuellement à Bruxelles pour une réunion des ministres européens de la santé sur la situation concernant le virus Ébola.
Vous l’avez souligné, et Marisol Touraine l’a rappelé également, nous sommes à un moment clé de cette épidémie, qui est majeure. Nous observons actuellement une forte aggravation de l’épidémie, avec une croissance exponentielle des cas en Sierra Leone et au Liberia. Le risque d’extension régionale est particulièrement élevé, et le bilan est désormais de près de 9 000 cas, avec plus de 4 500 morts, chiffre probablement très largement sous-évalué. Sans soutien international massif et coordonné, l’épidémie continuera à s’étendre. La France, solidaire avec les pays touchés, a envoyé de nombreux spécialistes depuis le début de l’épidémie et recrute actuellement des volontaires pour monter un troisième centre de traitement en Guinée forestière avec la Croix-Rouge française et une formation sur place assurée par Médecins sans frontières.
Le Gouvernement salue le courage et l’engagement des professionnels qui combattent cette terrible épidémie et prennent le risque d’être eux-mêmes infectés, comme l’a montré la récente contamination d’une infirmière de Médecins sans frontières, fort heureusement guérie aujourd'hui.
Pour répondre à votre question, madame la sénatrice, nous restons très vigilants et mobilisés sur notre territoire. Notre système de veille sanitaire est en alerte avec l’Institut de veille sanitaire. Nous avons, en France, les moyens de détecter les malades, d’isoler et de traiter les patients. En cas de doute et de fièvre après un voyage en zone épidémique, il faut appeler le 15. Marisol Touraine a récemment présenté des mesures fortes pour l’information au public. Un numéro vert a été mis en place, le 0800 13 00 00, ainsi qu’un site internet et un point presse hebdomadaire. Mardi prochain, Marisol Touraine informera directement l’ensemble des représentants des professionnels libéraux et hospitaliers de santé, ainsi que les ordres professionnels. Enfin, dès samedi, des contrôles auront lieu à Paris à l’arrivée des vols en provenance de la Guinée.
En tant qu’infectiologue, je prends la liberté de répondre à la question plus précise que vous avez posée sur l’efficacité du traitement : autant que je sache, seuls les traitements symptomatiques, en particulier la réhydratation, ont fait pour l’instant la preuve de leur efficacité et ont permis de guérir les patients traités dans les pays occidentaux, contrairement aux patients africains, qui n’ont pas eu accès à ces réhydratations et à ces méthodes de réanimation.
Vous le voyez, madame la sénatrice, la France tient toute sa place dans la bataille mondiale contre le virus Ébola et garantit la protection de ses concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)
taxe poids lourds
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. C’est l’histoire d’une taxe. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Une taxe acceptée par tous, mais que personne n’a le courage d’appliquer. C’est l’histoire de la taxe « poids lourds ».
En août 2009, la majorité des groupes à l’Assemblée nationale ont voté pour le principe de la taxe. Vote des députés UMP : tous pour, moins une voix. Vote des députés PS et radicaux : tous pour, moins quatre voix. Vote des centristes : tous pour. Les écologistes et les communistes s’abstiennent, non sur le principe (MM. Didier Guillaume et Yannick Vaugrenard s’esclaffent.), mais sur les modalités de mise en application. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Je le confirme !
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, nous pourrions en reparler, car il se pourrait que nous ayons eu raison !
S’il y a eu un tel consensus, c’est parce que cette taxe poids lourds est vertueuse. Elle applique le principe du pollueur-payeur. En effet, les camions ont un double impact sur l’environnement : ils usent les routes et polluent l’atmosphère davantage que les véhicules individuels. Il est donc normal qu’ils dédommagent la collectivité pour cet impact négatif, et ce en fonction de la distance parcourue.
Cette taxe a un aspect important : elle décourage les comportements les plus pollueurs et incite les entreprises à revoir leurs modes de production vers plus de proximité. Il est à noter qu’une disposition similaire est appliquée dans l’ensemble des pays européens, comme en Allemagne, sur les kilomètres parcourus, ou comme en Grande-Bretagne, sur la base d’une vignette.
Cette taxe devait rapporter en France 1,2 milliard d’euros par an : 700 à 760 millions d’euros pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, 230 millions d’euros pour Ecomouv’ et les sociétés de télépéage, 160 millions d’euros pour les collectivités locales et 50 millions d’euros au titre de la TVA.
Il faut en finir avec cette idée de taxation punitive ! Si l’on considère que l’on punit lorsqu’on lève l’impôt, il faut se préparer à des lendemains difficiles… J’emploierais plus volontiers l’expression de « taxation réparatrice ». Je rappelle la position globale des écologistes : un transfert des charges basées sur le travail vers les taxes environnementales.
J’en viens à ma question. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
Nous avons un manque à gagner de 1,2 milliard d’euros par an, et nous avons un dédit vis-à-vis de la société Ecomouv’ d’un montant de 1 milliard d’euros. Quelle taxation alternative permettra de récupérer ce manque à gagner ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. Si une nouvelle taxation est créée, respectera-t-elle les principes de l’utilisateur-payeur et de la redistribution aux collectivités ? Et quand sera-t-elle mise en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. C’est aussi l’histoire d’une taxe dont le recouvrement avait été confié, pour la première fois dans notre pays, à une entreprise privée.
C’est aussi l’histoire d’une taxe dont les frais de fonctionnement étaient évalués à 40 % de son rendement,…
M. Éric Doligé. Non !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … tant et si bien qu’elle apparaissait, de ce point de vue, comme quelque peu irréaliste.
C’est aussi l’histoire d’une taxe qui reposait sur un bon principe, auquel nous souscrivions, celui du pollueur-payeur.
M. Simon Sutour. Très bien !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Mais on avait introduit dans le dispositif une bombe à retardement pour que le texte soit voté : on avait dit aux transporteurs, les pollueurs, qu’ils n’allaient finalement pas payer, car, par un mécanisme extrêmement compliqué fixé dans la loi, on allait en fait taxer les chargeurs. Lorsque les chargeurs et les payeurs se sont retrouvés face à face, ils se sont rendu compte que ceux qui allaient payer in fine n’étaient pas ceux qui polluaient. Ce fait explique que nous ayons assisté à un certain nombre de manifestations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous en conviendrez, ce gouvernement n’est pas pour grand-chose dans la signature du contrat. Nous avons été confrontés à cette réalité, et nous avons essayé, de bonne foi,…
M. Gérard Longuet. Pas vraiment !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … de mettre ce contrat en œuvre puisque la mise en place du dispositif avait été votée…
M. Éric Doligé. Par vous aussi !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … et que tel était le droit républicain. Néanmoins, une opposition extrêmement forte s’est manifestée,…
M. Gérard Longuet. Comme pour le mariage !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … et le Gouvernement a été à l’écoute.
Nous avons ainsi décidé de mettre en place un système de péage de transit de poids lourds, qui s’est aussi heurté à une très grande incompréhension. La semaine dernière, nous avons décidé de suspendre cette démarche sine die.
Le Gouvernement souhaite à la fois garantir les revenus de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – c'est extrêmement important pour l’ensemble des investissements – et faire participer très clairement les transporteurs au financement des infrastructures.
Ce matin, j’ai réuni le premier groupe de travail prévu par l’accord. J’ai annoncé que le Gouvernement déposerait dans le projet de loi de finances deux amendements tendant à majorer de 4 centimes le coût payé par les transporteurs,…
M. Gérard Longuet. C'est injuste !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … soit les 2 centimes financés par l’ensemble des Français et les 2 centimes liés à la remise en cause de la part contribution climat-énergie prévue dans le droit fiscal. Ainsi la participation des transporteurs s’élèvera à 320 millions d’euros, qui s’ajouteront aux 800 millions d’euros déjà prévus comme recette particulière pour l’AFITF.
Le principe est respecté. Nous avons pris une nouvelle disposition, et nous allons poursuivre nos discussions avec les transporteurs sur les questions de compétitivité et de dumping social. En respectant les principes qui étaient les nôtres, nous assurons la garantie des financements, tout en associant les transporteurs aux décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
situation des autoroutes
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.
M. Jean-Pierre Bosino. Mon intervention s’inscrit dans le droit fil de la question précédente. Le Gouvernement est à la recherche de nouveaux financements à la suite de la disparition de l’écotaxe. Une évidence s’impose : la privatisation des autoroutes a amputé l’État d’une ressource importante. Elle a constitué une faute politique et financière, largement reconnue, y compris dans cet hémicycle. Pourtant, lors de la discussion de notre proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes, le 19 juin dernier, seul le groupe écologiste a soutenu notre texte.
Vous semblez aujourd’hui reconnaître que cette privatisation a permis la création d’une rente privée lucrative, qui s’accompagne d’une hausse continue du tarif des péages et de suppressions d’emplois. Le manque à gagner pour les finances publiques sera de l’ordre de 37 milliards d’euros d’ici à 2032, autant d’argent qui aurait dû financer l’amélioration des infrastructures et, donc, les conditions de transport des usagers. Cet argent va aujourd’hui dans les poches des actionnaires de Vinci, d’Eiffage et autres. Il est temps que cesse ce racket !
Le Gouvernement évoque la possibilité de renégocier ces concessions pour mettre à contribution ces sociétés. Juridiquement ce projet est difficile – plusieurs ministres l’ont rappelé. En effet, les contrats sont bien ficelés, et les efforts demandés aux concessionnaires se traduiront par des exigences en termes de compensations. Nous craignons donc que le fait de limiter le débat à la seule renégociation ne condamne les pouvoirs publics à l’inaction. Seule la nationalisation apporterait la clarté politique, mais aussi la sécurité juridique.
M. Jean-Pierre Bosino. De la même manière, nous ne pouvons admettre que l’écotaxe, qui comblait le déficit lié à la privatisation des autoroutes, soit à son tour remplacée par une augmentation de la fiscalité sur le diesel, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, faisant peser une nouvelle fois le financement des revendications du patronat principalement sur les ménages. Est-ce cela une politique de gauche ?
Votre ministre de tutelle a promis « d’aller jusqu’au bout des décisions à prendre » : allez-vous, enfin, envisager une renationalisation des concessions autoroutières ? Et ne nous dites pas qu’une telle décision aggraverait les finances publiques ! Vous le savez, l’investissement public a toujours été le gage des progrès économiques et sociaux, contrairement à la philosophie du nouveau plan de libéralisation porté par Bercy. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Les conséquences de la privatisation des autoroutes en 2005 par le gouvernement de M. de Villepin ont fait l’objet d’une première observation par la Cour des comptes en 2008, qui regrettait que le prix de cession des autoroutes ait été inférieur à certaines évaluations.
M. Simon Sutour. Voilà !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le 24 juillet 2013, la Cour des comptes a présenté un rapport spécifique sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes. La Cour constatait « des rapports déséquilibrés au bénéfice des sociétés concessionnaires », « des hausses des tarifs des péages nettement supérieures à l’inflation » et « le caractère contestable des hausses tarifaires issues des contrats de plan ».
Le 18 septembre dernier, l’Autorité de la concurrence a souligné « la rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires d’autoroutes, largement déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque » en l’assimilant à une rente. Cette autorité relève que, sur 100 euros de péage payés par l’usager, entre 20 et 24 euros sont du bénéfice net pour les concessionnaires. Elle formule treize recommandations, dont les deux suivantes : améliorer les conditions de la concurrence dans les appels d’offres des concessionnaires et introduire des clauses de réinvestissement et de partage des bénéfices au bénéfice de l’État.
Le Gouvernement a déjà limité au maximum la hausse tarifaire en 2014 à la suite du rapport de la Cour des comptes, puisque l’augmentation a été de 1,15 %, contre 2,3 % en moyenne jusqu’en 2012. Nous avons augmenté de 100 millions d’euros la redevance domaniale dès 2013, soit une hausse de 50 %.
Actuellement, vous le savez, monsieur le sénateur, à l'Assemblée nationale, une mission d’information travaille sur cette question et devrait publier son rapport aux alentours du 15 novembre. Le Gouvernement entend tirer toutes les conséquences de l’avis émis par l’Autorité de la concurrence. Une première rencontre avec les sociétés d’autoroutes est intervenue cette semaine sous la présidence et l’autorité du Premier ministre. Une chose est certaine : le Gouvernement ne restera pas sans tirer les conséquences de cet avis. Il fera connaître son choix à l’issue de la concertation engagée, avec l’objectif de préserver les intérêts de l’État, des usagers et de favoriser l’investissement, créateur d’emplois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
journée de lutte contre la pauvreté
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
La journée mondiale du refus de la misère sera célébrée demain, vendredi 17 octobre, comme chaque année depuis 1987, journée reconnue par les Nations unies depuis 1992. À cette occasion, vous avez accepté, monsieur le président du Sénat, de recevoir ce midi, pour les remercier de leur formidable engagement, les responsables nationaux des associations caritatives et humanitaires de notre pays, prolongeant ainsi la volonté de Jean-Pierre Bel. Je tiens à vous remercier de cette belle continuité républicaine.
Nous entendons sur les travées de la Haute Assemblée des différences, des divergences, des oppositions, qui peuvent être vives, mais c’est le signe d’une démocratie vivante. Pour autant, il nous arrive, notamment sur des sujets de portée internationale, de nous réunir, lorsque l’inacceptable est à nos portes, menace notre sécurité ou encore les droits de l’homme.
La pauvreté, tout comme la misère, c’est aussi une violation des droits humains.
Mme Éliane Assassi. C'est vrai !
M. Yannick Vaugrenard. La pauvreté et, la plupart du temps, son insupportable hérédité, c’est une violation des droits humains.
Des hommes et des femmes qui n’utilisent pas leurs droits sociaux en général, ceux qui sont liés à la santé en particulier, parce que les démarches sont trop lourdes et qu’il faut répéter sans cesse à des interlocuteurs différents leur triste histoire, c’est encore une atteinte aux droits humains.
Leur stigmatisation trop fréquente au lieu d’une main tendue, c’est également une atteinte aux droits humains.
Dans un pays comme le nôtre, nous devrions considérer ces hommes, ces femmes, ces enfants touchés par la misère non pas comme des assistés, mais plutôt comme des ayants droit de notre République.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Yannick Vaugrenard. Trop souvent, le non-recours aux droits sert de variable d’ajustement budgétaire inadmissible, alors qu’il devrait y avoir une volonté unanime pour sanctuariser les budgets liés à la lutte contre la pauvreté.
« Ce qu’il a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue », écrivait, à juste raison, Simone de Beauvoir. Je souhaite, mes chers collègues, que nous soyons individuellement et, surtout, collectivement les porte-voix de la détresse des sans-voix.
Madame la secrétaire d’État, le 21 janvier 2013, un plan contre la pauvreté fut adopté. Quelles évolutions ont été jusqu’à présent constatées par rapport aux objectifs indiqués ? Quelles nouvelles et indispensables étapes sont envisagées pour aller bien au-delà, en ayant ainsi l’ambition d’éradiquer la pauvreté dans notre pays des droits de l’homme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Demain, 17 octobre, sera effectivement la journée mondiale du refus de la misère. Je sais combien la lutte contre la pauvreté vous tient personnellement à cœur, monsieur le sénateur. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail que vous avez réalisé sur le sujet, ainsi que la qualité des débats qui ont lieu ici même à l’occasion de la présentation de votre rapport voilà quelques mois.
Le Gouvernement tout entier est engagé dans la lutte contre la pauvreté. Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté en janvier 2013, grâce notamment au travail de mon prédécesseur Marie-Arlette Carlotti, mobilise tous les ministères. Son budget a été entièrement préservé : c’est un choix fort de ce gouvernement.
Ce plan comprend des mesures concrètes, et j’en citerai quelques-unes.
Pour améliorer le pouvoir d’achat des familles fragiles, le RSA est augmenté chaque année de 2 %, hors inflation.
M. Éric Doligé. On peut remercier les départements !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le complément familial est augmenté de 10 % par an, ce qui équivaut à 200 euros annuels pour les familles les plus fragiles. L’allocation de soutien familial fait, quant à elle, l’objet d’une hausse de 5 % par an, ce qui équivaut à 100 euros pour les familles également les plus fragiles.
Ce plan contient également des mesures concrètes pour l’hébergement et le logement, avec 7 000 nouvelles places d’hébergement. En 2013, 117 000 nouveaux logements sociaux ont été construits ; 134 000 le seront cette année.
Je citerai aussi les mesures concrètes pour aider les familles à payer leurs factures d’énergie, avec le chèque énergie, et pour favoriser l’accès aux soins, avec l’élargissement de l’accès à l’aide à la complémentaire santé et à la couverture maladie universelle, ce qui, à terme, aboutira à 750 000 nouveaux bénéficiaires de ces aides.
Quant à l’accès à l’alimentation pour les plus démunis, les crédits européens ont été confirmés, tandis que les crédits nationaux consacrés à l’aide alimentaire représentent 32 millions d’euros par an.
Ce plan comprend, enfin, des mesures pour les jeunes, non seulement avec les emplois d’avenir, mais aussi avec la « garantie jeunes », qui, pour le moment, concerne dix départements. Je vous confirme l’extension de cette « garantie jeunes » à quarante départements en 2015.
Enfin, je veux vous dire aussi, monsieur le sénateur, car je sais que ce sujet vous est cher, que nous continuons à travailler sur la simplification des formulaires et des parcours administratifs pour faciliter l’accès au droit de tous. Nous ferons prochainement des annonces sur le sujet.
Vous le savez, nous ne pourrons pas éradiquer la pauvreté, mais il est de notre devoir de combattre ce que le Président de la République appelle une « humiliation pour la République ». L’ensemble du Gouvernement est mobilisé, et tous les engagements du plan seront tenus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
finances des collectivités locales
M. le président. La parole est à M. François Baroin, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. François Baroin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur la préparation budgétaire et les enjeux de la loi de finances.
Monsieur le Premier ministre, vous le savez mieux que quiconque, l’économie française est malheureusement en cale sèche. Les causes sont nombreuses ; elles sont identifiées. Ce sont des causes au long cours, agissant depuis de nombreuses années. On peut citer un environnement international très incertain, sur lequel le Gouvernement n’a pas de prise – du moins, pas de prise directe –, la situation en Russie, les problèmes soulevés par Ébola, que Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de la santé a évoqués tout à l'heure, la question syrienne, l’environnement général, l’apparition d’un point d’inflexion dans la situation économique allemande, qui suscite évidemment beaucoup d’interrogations.
Sur cette base, vous avez préparé un projet de budget qui vise, et c’est heureux, à engager un processus – que plus personne de sérieux ne conteste désormais – de réduction des dépenses publiques et des déficits, même si les objectifs ne sont pas ceux qui étaient annoncés il y a deux ans.
Les sources de dépenses sont également connues. Elles sont au nombre de trois : la sécurité sociale, qui dépense environ 600 milliards d’euros, l’État, dont les dépenses, hors dettes et pensions, s’élèvent à quelque 280 milliards d’euros, et les collectivités locales, qui dépensent environ 230 milliards d’euros. Autrement dit, les dépenses des collectivités locales représentent, dans la somme totale des dépenses publiques, la part la plus faible. Or c’est sur ces dépenses que les mesures que vous proposez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 font porter l’effort le plus important.
Mme Fabienne Keller. Absolument !
M. François Baroin. Ce choix nous interpelle. Il nous interroge. C’est pourquoi la majorité sénatoriale essaiera, avec responsabilité et en conscience, de vous formuler des propositions.
Cela dit, je veux vous alerter, monsieur le Premier ministre, sur la réalité de l’effort demandé aux collectivités locales. D’ailleurs, pour avoir été l’un des nôtres, pour avoir été maire, vous savez comme la gestion des budgets locaux est exigeante et à quel point les arbitrages sont difficiles. À cet égard, demander aux collectivités locales, notamment au bloc communal, dans un discours qui, d'ailleurs, flatte une certaine forme de populisme, puisqu’il rend les collectivités locales responsables d’une partie de la gabegie de la dépense publique, ce qui n’est pas acceptable (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.),…
M. Didier Guillaume. C’est beaucoup moins vrai qu’avant !
Mme Nicole Bricq. Expliquez-nous comment vous faites 100 milliards d’euros d’économies !
M. François Baroin. … d’assumer un effort équivalant à 38 milliards d’euros, autrement dit à une suppression de 30 % des dotations d’équipement et de fonctionnement, c’est leur demander un effort absolument intenable.
Ma question est double, monsieur le Premier ministre.
Premièrement, avez-vous à votre disposition des études précises sur l’impact de ce type de mesures en termes de croissance et de disparitions d’emplois dans le bâtiment, les travaux publics et dans toutes les filières artisanales, en amont comme en aval ?
Deuxièmement – j’en appelle là à une certaine ouverture –, êtes-vous vous-même prêt à piloter un groupe de travail qui remettrait en cause le calendrier de participation à l’effort des collectivités locales – 38 milliards d’euros d’économies en trois ans ! –, de manière à revenir sur un terrain qui serait acceptable par tous, par les collectivités, qui porteront la part de l’effort, comme par l’État, qui doit montrer le chemin ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. André Reichardt. Très bien ! Bravo !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je constate qu’en prenant ainsi la défense des collectivités territoriales vous investissez pleinement vos fonctions, les actuelles comme, peut-être, les futures. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. Vous êtes bien informé !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mon passage au ministère de l’intérieur m’a permis d’avoir quelques éléments d’information. (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Et quelques fiches ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Longuet. Ah ! Le général André…
M. Manuel Valls, Premier ministre. Plus sérieusement, oui, il faut faire un effort ! Cet effort – le projet de loi de finances est actuellement présenté à l’Assemblée nationale et le sera prochainement au Sénat par Michel Sapin et Christian Eckert – est connu : 50 milliards d’euros sur trois ans et 21 milliards d’euros dès l’année 2015. C’est un effort important, sans précédent, qui est demandé d’abord à l’État, mais aussi à l’assurance maladie et aux collectivités territoriales.
Aucun d’entre vous ne m’a entendu ou n’a entendu un membre du Gouvernement en charge de ces questions s’en prendre ici aux collectivités territoriales. (Marques appuyées de scepticisme sur de nombreuses travées de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. C’était avant !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous qui connaissons la légitimité des élus, nous ne pouvons que rejeter le populisme dont ils sont parfois victimes. Néanmoins, nous le savons, les Français sont très attentifs à la question de la dépense publique, des dépenses de l’État comme de celles des collectivités territoriales, ce qui est bien normal, vu les efforts qu’ils consentent depuis des années.
Je note d'ailleurs que ceux-là mêmes qui, pour critiquer le Gouvernement, prennent appui sur les conclusions des travaux de la Cour des comptes concernant l’État fustigent le récent rapport de la Cour des comptes relatif à la dépense des collectivités territoriales.
Monsieur le sénateur, vous avez raison, nous devons travailler sérieusement et faire les études d’impact nécessaires. Soyez assuré que je suis à l’écoute des élus. Je serai présent au congrès de l’Association des maires de France, comme à ceux de toutes les autres associations d’élus. Je serai demain au rassemblement des élus de la montagne à Chambéry, où je me rends dès ce soir. Je serai, dans quelques jours, devant l’Assemblée des départements de France, pour entendre, mais aussi pour convaincre. Je suis également à l’écoute de l’ensemble des professionnels du bâtiment et des travaux publics.
Comme je l’ai dit jeudi dernier à Lille, lors la convention nationale de l’intercommunalité, je souhaite que les élus qui innovent, qui investissent et qui développent leur territoire soient encouragés et aidés. Au-delà des économies que nous demandons à la nation, au-delà de l’effort que la nation consent pour soutenir les entreprises et pour les rendre plus compétitives, au-delà des indispensables réformes de structure, l’investissement et la préparation de l’avenir sont nos priorités. Nous devons donc nous appuyer sur les collectivités territoriales.
Les contrats de plan y contribueront. Ils mobiliseront plus de 12 milliards d’euros de crédits de l’État sur six ans, au bénéfice des territoires, et près de 1 milliard d’euros – 990 millions, pour être précis – sera spécifiquement consacré à leur volet territorial. Ces contrats de plan sont entièrement financés, ainsi qu’Alain Vidalies l’a largement démontré tout à l'heure.
Comme je l’ai également indiqué, je souhaite qu’à l’occasion du débat sur le projet de loi de finances nous puissions examiner ensemble les solutions complémentaires pour soutenir l’investissement local.
Des amendements ont été déposés et adoptés en commission à l’Assemblée nationale. Comme je l’avais annoncé, la hausse du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, ne sera pas compensée par une baisse des concours aux collectivités. En 2015, ce sont ainsi 166 millions d’euros qui seront sanctuarisés. Le Gouvernement donnera également son accord à la majoration du taux du FCTVA qui a été proposée par les parlementaires.
Enfin, certains proposent la création d’un fonds de soutien à l’investissement local. Je me tiens à leur disposition pour en discuter.
Monsieur Baroin, je suis donc ouvert à toute proposition qui nous permettra d’avancer ensemble pour préserver l’investissement des collectivités territoriales et le rôle essentiel qu’elles jouent pour préserver le pacte républicain et social. Dans le même temps, vous le comprendrez, je serai attentif à l’équilibre de nos comptes et aux engagements de la France.
Comme je le disais tout à l'heure, je suis prêt à engager le débat le plus ouvert possible sur ces questions, d'autant plus que je constate que, parmi un certain nombre de vos amis politiques, beaucoup proposent une réduction drastique des dépenses de l’État,…
Mme Nicole Bricq. Exact !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … réduction pesant notamment sur les dotations aux collectivités territoriales.
Je souhaite que l’on m’explique comment vous comptez réduire de 100 ou 150 milliards d’euros la dépense publique ! Sur qui cela va-t-il peser ? C’est ce débat qu’il faut avoir !
En tout état de cause, je vous ai entendu et, oui, je propose que nous nous rencontrions vite pour voir dans quelles conditions nous pouvons travailler ensemble pour préserver l’investissement des collectivités territoriales. C’est là l’essentiel ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour le groupe UMP.
M. Hugues Portelli. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Hier, les maires de très nombreuses communes de France ont dû prendre en charge les enfants des écoles maternelles et élémentaires durant une demi-journée. Il semblerait que cela doive se renouveler, à raison de trois autres demi-journées durant l’année, chaque fois pendant le temps scolaire, afin de permettre aux enseignants de se rendre à des réunions de concertation sur l’avenir des programmes.
M. André Reichardt. Eh oui !
M. Hugues Portelli. Les maires ont accompagné la mise en place des nouveaux rythmes scolaires malgré les très grandes difficultés que celle-ci engendre et même s’ils n’y adhèrent pas tous.
En dépit des problèmes d’organisation et de financement, dont la lecture du projet de loi de finances montre qu’ils iront croissant du fait du désengagement programmé de l’État, ils ont assuré au mieux l’accueil des enfants et le fonctionnement de l’école le mercredi matin ou le samedi matin.
Demander maintenant aux maires de gérer comme ils le pourront la prise en charge des enfants pendant le temps scolaire, alors que la consultation interne engagée par le ministère de l’éducation nationale peut et même doit se dérouler sur le temps de service des enseignants, qui comporte, rappelons-le, outre les heures devant élèves, 108 heures dédiées à diverses actions, dont la concertation, est inacceptable.
Madame la ministre, les maires ainsi que l’Association des maires de France vous ont rappelé à plusieurs reprises leur refus de se substituer à l’éducation nationale pour l’exercice de ses responsabilités. Ils demandent que le mode d’organisation des concertations avec les enseignants soit revu, afin que ces concertations se déroulent partout en dehors des heures scolaires. Ils demandent que l’État assume les conséquences de ses choix unilatéraux. Si celui-ci persiste à maintenir ces réunions durant le temps scolaire, et dans la mesure où les communes assureront l’accueil des enfants, ne serait-ce que pour permettre à leurs parents de se rendre à leur travail, il incombera au ministère de l’éducation nationale de rembourser aux communes les frais de personnel engagés pour pallier cette carence.
Enfin, les maires demandent qu’une concertation s’ouvre entre l’État et les communes, afin que, sur tous ces sujets, les communes ne soient pas toujours placées devant le fait accompli et que l’État ne se défausse pas sur elles pour acheter la paix sociale avec ses enseignants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser Najat Vallaud-Belkacem, qui est en partance pour la Guyane.
Comme vous le savez, l’école française souffre des performances insuffisantes de ses élèves. Le Gouvernement a donc lancé un travail de réécriture du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, pour qu’il devienne le programme général de la scolarité obligatoire. Le Conseil supérieur des programmes a rendu public son projet de rédaction et le ministère de l’éducation nationale a engagé une vaste consultation sur ce texte ainsi que sur les programmes de l’école maternelle.
C’est un enjeu qui nous concerne tous, qui concerne l’ensemble de la nation et son avenir – autrement dit, les jeunes. C’est pourquoi la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a souhaité que toutes les parties concernées par la mise en œuvre de ce socle participent à cette réflexion commune.
La consultation qui a été lancée est d’une ampleur exceptionnelle et inégalée. Les deux tiers des académies l’ont d'ores et déjà organisée pour recueillir les avis et les propositions de plus de 800 000 personnels d’enseignement, d’éducation et d’encadrement. Dans ce cadre, dans les écoles et les collèges, une demi-journée banalisée a été ou va être organisée afin de permettre aux personnels de se réunir et d’échanger, ce qu’ils n’ont pas le temps de faire pendant le temps scolaire. Ces réunions associent non seulement les enseignants du primaire et du secondaire et les personnels de la vie scolaire, mais aussi les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les ATSEM, qui relèvent, vous le savez, du personnel communal.
D’autres demi-journées nationales ont ainsi été organisées par le passé, pour des débats concernant l’ensemble des secteurs de l’éducation nationale : par exemple, lors des assises de l’éducation prioritaire, à l’automne 2013, de la réforme du lycée, en 2010, du débat national sur l’avenir de l’école, en 2003, de la consultation sur les programmes en maternelle et en élémentaire, en 2002, ou encore de la réforme du collège, en 2001.
Il est vrai que cette modalité implique, de fait, l’absence d’accueil des élèves dans les écoles et les collèges – vous l’avez dit, et nous l’avons entendu. Les difficultés qui ont pu être causées aux élus ou aux parents n’ont pas été ignorées. Ainsi, là où elles se manifestent, le ministère a invité les recteurs à consulter à nouveau tous les intéressés afin de retenir la date qui serait la plus adaptée pour tous, notamment en secteur rural ou semi-rural. D'ores et déjà, dans 20 % des académies, la date de consultation a été modifiée avec l’accord de l’ensemble des acteurs concernés.
Si l’organisation de ces demi-journées de consultation pendant le temps scolaire a pu être contestée dans certaines académies, le juge administratif a eu l’occasion d’exprimer qu’il n'y avait pas urgence à les suspendre. Cependant, comme je vous l’ai déjà dit, les modalités d’organisation à l’avenir sont susceptibles d’évoluer, en tenant compte des réserves exprimées. Vous avez été entendu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Marques de scepticisme sur les travées de l’UMP.)
formation professionnelle
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe socialiste.
M. François Patriat. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Relancer l’apprentissage, c’est relancer l’emploi et redonner espoir à beaucoup de jeunes de notre pays.
M. André Reichardt. Eh oui !
M. François Patriat. C’est un constat partagé par tous. Or, aujourd’hui, l’apprentissage va plutôt mal. Loin de l’objectif de 500 000 apprentis, le nombre d’apprentis a baissé en 2013 et en 2014…
Mme Fabienne Keller. Absolument !
M. André Reichardt. Bien sûr !
M. François Patriat. … en raison de plusieurs facteurs que je n’évoquerai pas ici.
Le chef de l’État a réuni, le 16 septembre dernier, les Assises de l’apprentissage, où il a annoncé, conscient des difficultés que rencontre le secteur, que 200 millions d’euros seraient mobilisés…
M. Christian Cambon. Et les 500 millions que vous avez supprimés !
M. François Patriat. … à l’aide de fonds européens, pour relancer l’apprentissage, et ce de deux façons.
La première, vous l’avez annoncée, monsieur le Premier ministre, c’est une enveloppe de 100 millions d’euros destinée à la fois aux filières et à l’accompagnement des apprentis. La seconde, soit 80 millions d’euros, a pour objet de renforcer les capacités d’hébergement et d’accompagner de nouvelles filières d’apprentissage.
M. Francis Delattre. Vous avez supprimé 500 millions d’euros d’aides !
M. François Patriat. De surcroît, le 19 septembre, vous avez annoncé l’instauration d’une prime de 1 000 euros par apprenti pour les entreprises de moins de 250 salariés, qui s’ajouterait à la prime de 1 000 euros versée aux employeurs de moins de 11 salariés, soit au total 2 000 euros pour ces derniers. Ma première question est la suivante : ce dispositif s’applique-t-il dès maintenant ?
Ma seconde question est très brève et concerne les normes sécuritaires draconiennes, dissuasives pour les employeurs qui rencontrent des difficultés à faire travailler les apprentis mineurs.
Est-il possible, comme s’y est engagé François Rebsamen dernièrement en territoire de Bourgogne, de faire évoluer ces normes pour qu’un apprenti peintre puisse monter sur une échelle jusqu’à trois mètres de haut et ne soit pas dissuadé de s’engager dans une filière qui est, convenons-en, une filière d’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de François Rebsamen, qui est retenu à Luxembourg par un conseil des ministres de l’emploi.
L’apprentissage, vous le savez, est une priorité. Tous les acteurs en sont convaincus. Toutefois, malgré cette reconnaissance et les résultats excellents en termes d’insertion professionnelle que vous avez rappelés, le nombre d’apprentis a malheureusement diminué de 8 % en un an.
Le Gouvernement ne se résigne pas à cette situation. Pour y remédier, le Président de la République a lancé une grande mobilisation pour l’apprentissage en réunissant les partenaires sociaux le 19 septembre dernier à l’Élysée. Dans le projet de budget, dont l’examen vient de commencer, nous vous proposerons de consacrer 300 millions d’euros supplémentaires à l’apprentissage, ce qui permettra de distribuer, dès le début de l’année 2015, les primes dont vous avez parlé, à savoir 1 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés, et 2 000 euros pour les TPE notamment.
Un certain nombre de mesures renforçant l’attractivité de l’apprentissage ont également été annoncées lors de ces assises. Nous en sommes maintenant à la phase de mise en œuvre de celles-ci.
Comme vous le soulignez, la réglementation récente a simplifié le système de dérogation mais pose des difficultés de lisibilité notamment pour le secteur du bâtiment et pour les métiers qui nécessitent des travaux en hauteur. En effet, si la possibilité pour des mineurs en formation de travailler en hauteur a été conservée sous prétexte d’une dérogation de l’inspection du travail, il a été exigé des moyens de protection collective. Or, dans certains cas, les équipements de protection individuelle sont utilisables et suffisants, mais pas les protections collectives, d’où un certain nombre de situations d’impossibilité de faire travailler, par exemple, les apprentis couvreurs.
Pour le Gouvernement, il importe de maintenir constant le niveau de protection des jeunes. Il est nécessaire de mettre à la disposition des employeurs, notamment de ceux qui n’ont pas de salarié et recrutent un apprenti, une offre de services pour les aider dans leurs démarches.
Le Gouvernement souhaite régler ces questions en concertation avec les organisations syndicales et professionnelles. Le ministre du travail saisira le Conseil d’orientation sur les conditions de travail en novembre et nous aurons les réponses le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme isabelle DebrÉ
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Demande d’avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, M. le Premier ministre, par lettre en date du 12 septembre 2014, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de Mme Stéphane Pallez pour exercer les fonctions de président-directeur général de la Française des jeux.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des finances.
Acte est donné de cette communication.
6
Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004–1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois.
7
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Jean Jacques Hyest, Jean-Patrick Courtois, Michel Mercier, Jean-Pierre Sueur, Alain Richard et Mme Éliane Assassi ;
Suppléants : Mme Esther Benbassa, MM. Yves Détraigne, Christophe-André Frassa, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Jacques Mézard et François Pillet.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
8
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 16 octobre 2014, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 760 du code général des impôts (Restitution de l’impôt versé pour créance irrécouvrable) (2014-436 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
9
Lutte contre le terrorisme
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
Je rappelle que nous avons terminé ce matin l’examen des articles.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d’une discussion qui a été de grande qualité, grâce au travail de nos deux rapporteurs, que je veux saluer, et du ministre – ils ont su bien poser le débat –, nous sommes parvenus à un texte qui respecte les équilibres fondamentaux : la préservation des libertés publiques individuelles ou collectives et les impératifs de sécurité.
Cela étant, je ne crois pas que le problème doive se poser en termes d’équilibre. Il n’est pas contradictoire de vouloir préserver les libertés et de lutter contre le terrorisme. C’est parce que l’on aura éradiqué le terrorisme que les libertés pourront s’épanouir ! S’il ne peut y avoir de liberté sous la menace terroriste, il nous faut néanmoins utiliser les armes de la démocratie pour combattre ce fléau. Je crois que nous avons su le faire.
Il reste cependant un certain nombre de points à régler ; ce sera le rôle de la commission mixte paritaire. Je souhaite qu’elle puisse parvenir à un accord, afin que, demain, notre pays soit plus fort dans cette lutte tous azimuts contre le terrorisme.
Pour conclure, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à ce débat de grande qualité et à dire que le groupe UDI-UC votera le projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous approchant du terme de notre discussion, je ne ferai pas perdurer plus longtemps le suspense : le groupe UMP votera le texte. Il le votera, parce qu’il a toujours soutenu l’ensemble des démarches – de droite comme de gauche – visant à poursuivre notre lutte contre toute forme d’insécurité et de terrorisme pour notre pays et nos concitoyens. Oui, la lutte contre le terrorisme est un impératif permanent des pouvoirs publics !
Le contexte international nous presse aujourd’hui de répondre aux nouvelles menaces qui pèsent sur la France.
La commission des lois a effectué un remarquable travail sur ce texte, adopté par l’Assemblée nationale dans le cadre de la procédure accélérée. À cet égard, je tiens à renouveler mes remerciements aux deux rapporteurs, MM. Jean-Jacques Hyest et Alain Richard.
La nouvelle infraction que nous créons saura répondre, j’en suis certain, aux besoins rencontrés par les services de l’État pour tenter l’impossible afin d’empêcher la réalisation de menaces qui pèsent réellement sur notre territoire.
Je sais que certains attendaient un peu plus d’un texte comme celui-ci. Pourtant, j’en suis convaincu, il saura répondre avec efficacité à l’objectif que nous lui assignons.
Je garde néanmoins en tête, monsieur le ministre, plusieurs sujets sur lesquels nous vous avons interrogé et qui méritent, selon nous, un débat plus approfondi, tels que la déchéance de nationalité, la fraude aux prestations sociales ou les conditions d’incarcération des détenus accusés de terrorisme.
Ces deux jours de débat ont révélé quelques divergences avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Je forme donc le vœu que la commission mixte paritaire sache trouver le juste équilibre, celui qui a animé les débats du Sénat, entre lutte contre le terrorisme et sûreté de notre territoire, dans le cadre de nos libertés publiques auxquelles nous sommes tous ici profondément attachés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. À titre préliminaire, monsieur le ministre, je tiens à vous préciser que je n’ai pas voulu être blessante dans les propos que j’ai tenus hier soir et que je retire les références à Marine Le Pen et Éric Zemmour faites à votre endroit.
Cher collègue Sueur, je voudrais vous dire que, dans cette enceinte, il n’y a pas les bons sénateurs qui votent aveuglément les textes du Gouvernement et les autres. L’esprit et la qualité du Sénat tiennent surtout à la compétence et à la diversité non seulement des origines sociales des sénatrices et sénateurs, mais aussi de leurs opinions même si, je vous le concède bien volontiers, les débats peuvent parfois être vifs, ce qui est sain dans une démocratie. C’est pourquoi je me demande comment vous pouvez insinuer que je puisse cautionner un seul instant le départ de centaines de jeunes entraînés dans ces systèmes de mort que sont les entreprises djihadistes. Cher collègue, c’est indigne !
Pour le coup, je reste convaincue que l’interdiction de sortie du territoire imposée à des ressortissants français majeurs doit rester le monopole de l’autorité judiciaire, indépendante de l’exécutif et impartiale, intervenant sur la base d’une mise en examen prononcée de manière contradictoire conformément aux exigences constitutionnelles et européennes.
Force est d’admettre que l’atteinte à la liberté d’aller et venir, ainsi qu’au droit à un procès équitable prévu dans le présent texte, est clairement disproportionnée et incompatible avec le principe d’un État démocratique et avec l’article 66 de notre Constitution, qui dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
Accessoirement, je rappelle à cette éminente assemblée qu’il existe une opposition farouche, et non des moindres à l’encontre de ce texte, qui inquiète notamment le syndicat de la magistrature, l’ordre des avocats de Paris, le syndicat des avocats de France, la commission nationale consultative des droits de l’homme, Human Rights Watch, ainsi que de nombreuses associations des droits de l’homme. Bien évidemment, personne ici ne peut douter de la volonté de l’ensemble de ces organisations de lutter efficacement contre le terrorisme.
Enfin, s’agissant des moyens et de la mobilisation citoyenne, la lutte contre le terrorisme est une priorité nationale. Dès lors, pourquoi ne pas augmenter de manière significative le budget du renseignement et lui octroyer 50 millions d’euros supplémentaires au lieu des 12 millions d’euros prévus ?
Monsieur le ministre, la lutte contre le terrorisme, pour être efficace, doit impérativement et prioritairement être une mobilisation citoyenne. C’est à ce niveau que la prévention prend tout son sens. Je voudrais donc vous faire une proposition : vous accompagner à la rencontre des Françaises et des Français, dans les beaux quartiers et les quartiers difficiles, pour parler du terrorisme et de la lutte à son encontre.
Pour conclure, vous l’aurez compris, je ne voterai pas ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais de nouveau insister sur le fait qu’aucune complaisance n’est admissible avec les actes terroristes et ceux qui les commettent. Reconnaissons tout de même que le terrorisme est un concept juridique flou, je dirais même plastique, mouvant. L’affaire de Tarnac témoigne des dérives qui peuvent survenir en la matière.
Je ne vais pas énumérer toutes celles et tous ceux qui, dans l’histoire, furent qualifiés de terroristes avant d’être encensés, une fois morts bien sûr. Le plus emblématique d’entre eux étant Nelson Mandela, que, pour notre part, nous n’avons jamais qualifié de terroriste.
Je veux aussi appeler l’attention sur l’existence de listes officielles d’organisations terroristes dressées par l’Union européenne et les États-Unis qui amalgament d’authentiques groupes terroristes et des mouvements politiques en lutte contre des régimes autoritaires ou dictatoriaux, ce que nous ne pouvons ignorer ni accepter.
Construit dans l’urgence, présenté dans l’urgence, votre texte, monsieur le ministre, omet un sujet d’ailleurs peu abordé au cours de nos débats, celui du démantèlement des réseaux de financement du terrorisme et des mesures de rétorsion contre les États identifiés comme source de financement de ces réseaux. Tant que nous ne nous attaquerons pas à ces réseaux, nous aurons beau légiférer et légiférer encore, nos textes auront toujours un temps de retard et se révéleront inefficaces.
Ces réseaux, je l’ai déjà dit, utilisent les rouages de la mondialisation des marchés financiers et sont parfaitement au fait – entre autres choses – des technologies de l’information et de la communication pour non seulement faire circuler leur propagande nauséabonde et commettre des crimes odieux, mais aussi embrigader trop d’individus, dont nombre de jeunes filles et de jeunes hommes.
Dès lors, j’espère que la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, qui vient d’être créée au Sénat, contribuera à élaborer quelques pistes de réflexion sur ce sujet, que je pense vraiment fondamental.
Pour l’heure, mon intervention lors de la discussion générale et le rejet de tous nos amendements en séance vous l’auront fait comprendre, mes chers collègues, nous voterons contre le présent projet de loi, car il n’est, à nos yeux, que le cheval de Troie d’une extension d’une législation sécuritaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne formulerai que quelques mots alors que ce débat, que certains d’entre nous ont suivi avec beaucoup d’attention, s’achève. J’aurais d’ailleurs préféré que nous soyons plus nombreux pour discuter de ce texte important, sur lequel, cela a été dit et répété, la procédure accélérée a été engagée.
Cela étant, les débats ont montré la volonté du Gouvernement de prendre en considération la dangerosité de la situation, ainsi que d’autres paramètres fondamentaux, en ayant conscience, néanmoins – cela a été souligné à plusieurs reprises, notamment par les rapporteurs –, de l’imperfection du texte. Mme Assassi vient de parler, par exemple, des circuits financiers. Pour ma part, j’ai essayé, modestement, de défendre quelques amendements en ce sens.
Mais je voudrais surtout retenir de ce débat, tout d’abord, sa très grande tenue. Il importe vraiment, pour un sujet de cette nature, qui concerne l’ensemble de la nation, que des ondes positives répondent à des menaces aussi sérieuses.
Je tiens également à souligner, monsieur le ministre, le travail qui est encore devant nous. Je pense à la commission d’enquête précitée, qui sera installée dans quelques jours. Elle pourra proposer certaines mesures, de prévention notamment, afin de répondre aux besoins sociaux et à la question de la maîtrise des circuits financiers, nécessité dont nous avons tous conscience. Je pense aussi à un train de conventions internationales en attente de ratification. Je pense, enfin, à la coopération internationale, qui, en la matière, n’est peut-être pas exemplaire.
Vous nous avez indiqué que de nombreuses dispositions prises par le Gouvernement relevaient du domaine réglementaire. J’espère que nous pourrons tout de même en faire l’inventaire au cours de nos futurs travaux.
Le présent projet de loi est un texte de circonstance et d’urgence ; nous devrons de toute façon revenir sur ce sujet, parce qu’il n’est pas clos. Un exemple pour illustrer mon propos : je rentre d’Arabie saoudite ; les Saoudiens, qui ont été très schizophrènes sur cette question, annoncent avoir besoin de dix ans pour venir à bout de la réhabilitation des djihadistes repentis, revenus des zones de combats dans le Golfe. Nous n’en sommes certes pas là, mais nous devons nous préparer à une longue lutte, qui, c’est sûr, ne sera sûrement pas gagnée par le seul biais de mesures répressives.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, avant toutes choses, à dire quelques mots à Mme Aïchi. Au Sénat, je suis habitué – j’ai peut-être tort, mais je ne le crois pas – à une certaine forme de débat fondée sur le respect réciproque. Lors de notre discussion d’hier, j’ai réagi à vos propos, ma chère collègue, car il m’était impossible de les entendre sans rien dire : vous y compariez Bernard Cazeneuve, ministre de la République, à Mme Le Pen, à M. Bush et à M. Zemmour. J’ai trouvé qu’il était naturel de présenter quelques protestations face à cette déclaration. (Mme Esther Benbassa proteste.)
Je ne serais pas revenu sur ces propos, madame Benbassa, s’il n’y avait pas eu, de la part de Mme Aïchi, la volonté de me mettre en cause sur ce sujet. Mais vous avez raison, assez de paroles sur ces événements.
J’en arrive à ce que viennent d’indiquer Mmes Assassi et Goulet, et qui me paraît important. Puisqu’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet va être installée – c’est une bonne chose, me semble-t-il –, nous devrons travailler de manière approfondie sur certains thèmes, comme la prévention. Pourquoi des jeunes se laissent-ils ainsi prendre dans les réseaux terroristes ? Dans nos établissements scolaires, auprès de nos jeunes, dans les quartiers, il y a du travail à faire !
Nous devrons également nous pencher sur les circuits financiers. Derrière le djihadisme, derrière Daech, il y a effectivement d’importants intérêts financiers.
D’autres points encore justifient pleinement que nous consacrions plusieurs mois à ce sujet très important.
Par ailleurs, au nom du groupe socialiste, je voulais dire, monsieur le ministre, que nous apportons notre total soutien au présent texte. Les rapporteurs, je tiens à le souligner une nouvelle fois, ont fait un travail très positif. Toute une série d’amendements a été discutée, y compris des amendements qui ne rejoignaient pas tout à fait les positions du Gouvernement, qui visaient à protéger les libertés. Nous y tenons. Tout ce débat, du début à la fin, a été consacré à la recherche d’un équilibre. Nul ne pense qu’il ne faut pas lutter contre le terrorisme. Nul ne pense non plus qu’il ne faut pas respecter les libertés. Une fois qu’on a émis ces deux propositions, il faut les concilier, et trouver le meilleur moyen pour avancer.
À cet égard, j’estime qu’il serait irresponsable de ne pas prendre de mesures contre le terrorisme. Nous avons beaucoup discuté des conditions dans lesquelles il fallait le faire. Le texte qui résultera de nos débats ne réglera pas tout, mais nous aurons fait ce que nous aurons pu.
S’agissant particulièrement des questions relatives à internet, je redis que nous comprenons toutes les réactions aux mesures prises. Nous sommes infiniment attachés à la liberté d’expression. Néanmoins, on ne peut accepter la diffusion par ce moyen de messages de racisme, d’antisémitisme, d’homophobie ; on ne peut accepter de messages qui portent atteinte à la vie privée, d’images qui présentent des décapitations, et qui incitent au terrorisme, le provoquent, en font l’apologie sans réagir ! Si le même message était diffusé par voie de presse, des lois s’appliqueraient. Or, pour nous, la loi doit s’appliquer dans tous les cas.
Voilà pourquoi les membres du groupe socialiste voteront le présent texte, monsieur le ministre, et continueront à travailler avec vous sur ces questions si importantes. (Mme Esther Benbassa applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos débats ont montré que ni la commission ni le Gouvernement n’ont souhaité sortir de leurs plates-bandes pour essayer de protéger davantage les libertés individuelles – je le précise, il ne s’agit pas des libertés des terroristes ! –, que ce texte risque d’affaiblir si l’on n’y prête pas attention.
J’ajoute que les membres de mon groupe vous rendent hommage, monsieur le ministre, pour votre investissement dans la lutte contre le terrorisme. Je me pose seulement la question de savoir pour quelles raisons nous avons passé tant d’heures en commission et dans l’hémicycle sans réussir à vous sensibiliser sur nos craintes au sujet de la sauvegarde des libertés publiques, alors que nous connaissons la difficulté que pose ce genre de loi et la difficulté de trouver un équilibre.
La lutte contre le terrorisme est un devoir national, mais préserver les libertés publiques l’est aussi. Une loi n’a jamais coupé aux racines des projets humains, aussi odieux soient-ils. À aucun moment nous n’avons essayé de comprendre ce qui pousse ces jeunes à tuer et à se tuer. Sans compréhension, il n’y a pas de remède. On aurait peut-être pu attendre les résultats des travaux de la commission d’enquête sur le terrorisme avant de débattre du présent projet de loi…
Monsieur le ministre, dans l’édition d’hier du journal La Croix – pour vous lire, je consulte même La Croix ! –,…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est un excellent journal !
M. Christian Cambon. C’est une bonne chose !
Un sénateur. Michel Mercier est encore abonné !
Mme Esther Benbassa. Il me l’a dit, effectivement !
Quoi qu’il en soit, vous avez longuement évoqué dans ce quotidien, monsieur le ministre, la prévention sans dévoiler les moyens de la mettre en œuvre. Je sais, toutefois, combien vous y tenez.
Il nous incombe d’intervenir en amont et en aval. Le faire l’un sans l’autre, c’est vouer ce projet de loi à l’échec. Sortons peut-être de l’affichage pour agir efficacement et éviter que nos concitoyens et notre société ne tombent dans la peur et la barbarie. Il faut des actes énergiques, et pas seulement des mots. Cela doit se faire dans le respect total des libertés individuelles, pour ne jamais ouvrir la brèche et laisser à nos descendants une démocratie qui puisse être abusée par des dirigeants et des régimes répressifs ou totalitaires.
Le groupe écologiste s’engage à vos côtés pour lutter contre le terrorisme, avec détermination. Mais, étant donné qu’il n’a pas obtenu une écoute suffisante pour mieux faire respecter les points concernant les libertés individuelles et publiques, il votera contre le présent projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe du RDSE se félicitent de l’adoption de nouvelles mesures visant à renforcer la lutte contre le terrorisme.
Toutefois, pour ce qui concerne le dispositif d’interdiction de sortie du territoire, nous regrettons que le Sénat ait choisi de respecter le principe du contradictoire. Ainsi que l’a défendu Jacques Mézard, nous espérons que le modèle constitué par cette mesure coercitive n’ouvrira pas une brèche dans notre droit, et qu’il ne sera pas multiplié à l’envi dans d’autres domaines.
Comme nous l’avons déjà souligné, ce mécanisme constitue un début de solution au terrorisme, mais il ne résoudra pas toutes les difficultés liées à ce phénomène, qui transcende les frontières via internet.
C’est pourquoi cette sanction administrative devra être mise en œuvre en complément des mesures de prévention et d’assistance. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que ces mesures se trouvent dans le plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes ; je pense notamment au numéro vert et à la plateforme d’assistance. La répression ne peut aller sans la prévention.
L’interdiction administrative du territoire pour certains étrangers liés à des mouvances radicales et terroristes, que nous avons votée dans cet hémicycle, contribuera par ailleurs à renforcer la lutte contre le terrorisme.
L’adaptation du droit aux réseaux et à leur caractère transnational constitue un défi que nous devrons relever dans le présent et pour le futur. De nombreuses problématiques y afférant ont été soulevées par le biais d’amendements déposés, notamment par mon groupe.
Enfin, internet ne peut être un no man’s land juridique. Dans les prochaines années, il faudra s’atteler à cette tâche, qui est d’autant plus ardue qu’internet évolue de manière rapide et souvent incontrôlée.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, fort de l’adoption de quatre de ses amendements, la majorité du groupe du RDSE approuvera le texte issu des travaux du Sénat.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, dans le texte de la commission modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 317 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue du vote qui vient d’intervenir, j’aimerais adresser mes remerciements très sincères à tous les parlementaires qui se sont mobilisés lors de l’examen de ce projet de loi.
Ainsi que vous l’avez tous fait à la faveur de vos prises de parole, je veux me réjouir de la qualité des débats sur toutes les travées et de la contribution de chacun, qu’il y soit ou non favorable, à l’examen et à l’amélioration du texte. J’évoquerai également brièvement certains des sujets qui ont été abordés.
D’abord, je me félicite que chacun, quel que soit son vote, ait bien pris la mesure du risque qui se présente à nous. La nécessité de lutter contre le terrorisme a été affirmée avec beaucoup de force, sur toutes les travées.
Ensuite, ainsi que je l’ai fait avec sincérité et conviction au cours de ce débat, je voudrais insister sur l’équilibre de ce texte, auquel j’ai contribué, puisqu’il a été rédigé surtout par mes services, en très étroite liaison avec mon cabinet et moi-même. Le dispositif repose en effet sur un équilibre entre la nécessité de protéger les Français et celle de préserver les libertés individuelles.
On n’est jamais assez vigilant sur le respect des libertés individuelles. Je comprends parfaitement que des interrogations aient été exprimées. Elles sont toujours légitimes dès lors qu’il s’agit de s’assurer que les mesures adoptées ne porteront pas atteinte à un bien précieux, le creuset qui nous inspire tous, celui des valeurs de la République et des libertés fondamentales !
Mais je n’aurais jamais soutenu ce texte devant la représentation nationale si j’avais eu le sentiment qu’il pouvait, ne serait-ce qu’à la marge, remettre en cause ces libertés. Cela tient d’ailleurs à une raison de fond : l’objet même du projet de loi est de lutter contre ceux qui veulent remettre en cause nos libertés pour laisser toute la place à la terreur dans la démocratie et la République.
C'est pourquoi jamais je n’aurais accepté que l’on puisse mettre en place des mesures destinées à protéger les Français sacrifiant ne serait-ce qu’un peu les libertés individuelles et collectives. Si j’ai soutenu le présent projet de loi, c’est précisément parce que j’ai la conviction que tel n’est pas le cas.
Au contraire, avec ce texte, nous nous armons pour faire en sorte que ceux qui veulent atteindre la République dans ses valeurs et la démocratie dans les libertés qu’elle porte ne puissent jamais être en situation de le faire. Il faut que nos concitoyens n’aient jamais peur de ce qui les menace. La peur, c’est le début de la victoire des terroristes ; c’est le début de l’acceptation de la remise en cause des libertés auxquelles nous tenons !
Je remercie une nouvelle fois la Haute Assemblée de la qualité de ses débats et de son travail. Je salue également les administrateurs du Sénat, qui effectuent un travail important, connaissent parfaitement les textes et apportent une contribution intellectuelle et juridique essentielle à l’œuvre collective. Sur ce texte comme sur les autres, je les ai sentis affutés, exigeants, bien que silencieux. Comme quoi, la parole et l’efficacité ne vont pas nécessairement ensemble ; on peut tout à fait être efficace sans parler tous les jours ! (Sourires.)
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Adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (projet de loi n° 808 rectifié [2013-2014], texte de la commission n° 8, rapport n° 7).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.
Ce type de texte vous est désormais familier, même si le dernier texte d’adaptation au droit de l’Union européenne dont vous avez eu à connaître en matière économique a déjà presque deux ans, puisqu’il a été promulgué au mois de janvier 2013.
Toutefois, le présent projet de loi est sans doute l’un des plus riches que le Sénat ait eu à examiner en matière de transposition. Je remercie donc particulièrement le rapporteur, M. Richard Yung, ainsi que les sénateurs de la commission des finances de s’y être plongés en profondeur et d’en avoir permis une amélioration substantielle lors de son examen en commission la semaine dernière.
La richesse de ce projet de loi tient à l’activité législative soutenue, qui n’est pas le fruit du hasard, du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen en fin de législature. Cette activité législative a été nourrie par les enseignements tirés de la crise financière. Elle s’est traduite par de substantielles avancées de l’intégration économique européenne et, partant, par de nouvelles obligations pour les États membres pour adapter leur droit économique et financier à l’horizon des années 2015 et 2016. Ce sont l’ampleur de cette tâche et, à certains égards, l’urgence de la mener à bien – l’actualité économique de la zone euro le démontre chaque jour – qui ont conduit le Gouvernement à préparer un projet de loi spécifique et à solliciter de votre part, dans certains cas, des habilitations à procéder par ordonnance.
C’est dans l’esprit de dialogue qui l’anime que le Gouvernement vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous atteler à cet exercice. Nous avons parfaitement entendu le souhait des parlementaires, exprimé en commission, d’être pleinement associés à la rédaction de certaines dispositions sensibles ; je reviendrai sur ce point.
Le présent projet de loi vise à transposer des directives et à adapter le droit interne au droit de l’Union européenne dans trois domaines principaux : l’achèvement de l’union bancaire et financière, la transparence financière des entreprises et la protection des consommateurs.
Sur le premier sujet, les quatre premiers articles du texte, de même que les articles 9 et 13 à 16, concernent l’adoption en droit interne de dispositions à caractère financier contribuant à la consolidation du marché intérieur et du système financier européen.
Les articles 1er et 2 ont pour objet de permettre la transposition des directives relatives à la résolution bancaire – la directive BRR – et à la garantie des dépôts, publiées au printemps. Ces directives parachèvent l’édifice de l’union bancaire, avec le règlement relatif au mécanisme de résolution unique, pour la mise en œuvre duquel le Gouvernement sollicitera toute à l’heure, par voie d’amendement, une habilitation à légiférer.
Lancée à l’été 2012 par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et de la zone euro, cette union bancaire repose sur plusieurs piliers.
Il s’est d’abord agi de mettre en place un mécanisme de supervision unique qui fonctionne. Il s’appliquera bientôt directement aux cent vingt plus grands groupes bancaires de la zone euro. C’est une avancée politique majeure dans la construction d’une union bancaire ; elle stabilisera l’Europe.
Une deuxième étape a été franchie avec succès avant l’été, avec la finalisation du mécanisme de résolution unique, ou MRU, fixant des règles pour faire face à des situations de crises potentielles et organisant un cadre de faillite ordonnée pour les établissements financiers, ce qui répond à une attente pressante.
L’ensemble formé par la directive BRR, par la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts et par le règlement relatif au MRU vise à établir des règles harmonisées à l’échelon européen en matière de résolution bancaire. Celles-ci permettront notamment de définir, par ordre de priorité, le montant des pertes devant être supportées, en cas de résolution, par les diverses parties prenantes, à savoir les actionnaires, les créanciers et, enfin, les déposants au-delà du plafond de garantie fixé à 100 000 euros.
Cette deuxième étape ne sera pleinement franchie qu’avec la mise en place, au plan européen, d’un Fonds de résolution unique, le FRU, financé par les banques. Cette demande forte, soutenue par le Gouvernement français, a donc été entendue. Les modalités de contribution des établissements de crédit français au Fonds de résolution unique sont en cours de discussion à l’échelon européen. Compte tenu de ces enjeux, le Gouvernement reste particulièrement vigilant pour que soit garantie une équité de traitement entre les secteurs bancaires des différents pays participant à l’union bancaire. Un projet de loi de ratification de l’accord intergouvernemental du 21 mai 2014 portant sur cet aspect du mécanisme sera d’ailleurs très prochainement soumis à votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Par ailleurs, l’Europe s’est attachée à la redéfinition et à l’harmonisation de règles prudentielles applicables aux établissements financiers, afin notamment d’en limiter les aspects procycliques et de prévenir les faillites dites « systémiques ». Les banques ont été dotées d’un tel régime avec le paquet CRD IV/CRR, que la France aura prochainement transposé en totalité. Les organismes d’assurance seront dotés d’un mécanisme équivalent, prévu par la directive Solvabilité II.
Cette dernière constitue une refonte globale du régime prudentiel encadrant l’exercice des activités d’assurance et de réassurance en Europe. Elle renforcera les exigences applicables en matière de solvabilité, de gouvernance, de contrôle, ainsi que de transparence. Les travaux de transposition en droit interne de ce texte, visant à en permettre l’entrée en vigueur au 1er janvier 2016, sont menés au travers d’une consultation intensive, à laquelle sont associés l’ensemble des acteurs concernés.
Enfin, d’autres textes particulièrement importants pour les marchés financiers, tels que la directive concernant les marchés d’instruments financiers ou celle qui vise les OPCVM, doivent également être transposés dans les mois qui viennent.
Un deuxième groupe de dispositions que comporte le présent projet de loi a trait aux obligations applicables aux entreprises. Je pense notamment aux transpositions, à l’article 6, de la directive dite « Transparence » et, aux articles 7 et 8, de la directive dite « comptable ».
La transposition de la directive Transparence s’inscrit dans le cadre des mesures de simplification souhaitées par le Président de la République. Elle introduit des dispositions très concrètes en faveur des entreprises, notamment des PME. Elle permettra d’abord d’étendre de deux à trois mois le délai de publication des rapports financiers semestriels, ce qui évitera l’effet de surcharge d’informations en fin d’été qui conduit les analystes et investisseurs à se concentrer sur les entreprises de premier plan, au détriment des ETI, les entreprises de taille intermédiaire, et des PME. Cette disposition permettra à ces dernières d’attirer davantage l’attention du marché et d’accéder à de nouveaux financements.
Par ailleurs, la directive Transparence prévoit la suppression de l’obligation de produire une information financière trimestrielle qui entraînait des coûts administratifs élevés et incitait le marché à se concentrer sur la performance de court terme des entreprises, au détriment de leur performance de moyen et plus long terme.
En matière d’information financière, l’activité normative européenne a également permis d’adopter une directive comptable unique au mois de juin 2013. C’est sur le fondement de ce texte que le Gouvernement a déjà opéré, par une ordonnance autorisée par la loi de simplification du 2 janvier dernier, d’importantes simplifications des obligations comptables, au profit de près d’un million et demi d’entreprises. Il nous faut à présent achever la transposition de cette directive, en mettant à jour certains articles du code de commerce. Ce travail se fera à grands principes constants : la stabilité normative est aussi gage de simplification, et les entreprises, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, insistent beaucoup sur ce point lorsque nous les rencontrons et lorsque vous-mêmes les côtoyez dans vos circonscriptions.
La directive comptable comprend, par ailleurs, une mesure nouvelle et d’importance concernant la transparence des industries extractives, disposition qui est transposée à l’article 8 du présent projet de loi. Cette mesure, la France l’a activement défendue à Bruxelles lors de la négociation du texte. Elle vise à renforcer la responsabilité sociale des entreprises du secteur extractif et de l’exploitation de forêts primaires. Pour cela, elle tend à imposer à ces dernières la publication annuelle d’un rapport détaillé, projet par projet, relatif aux sommes qu’elles versent aux gouvernements des pays où elles sont actives.
L’objet d’une telle mesure de transparence est clair : il s’agit de permettre aux citoyens et à la société civile des pays riches en matières premières, en particulier les pays en développement, de connaître précisément les revenus engendrés par leurs exploitations et de mieux vérifier l’usage qui en est fait par leurs autorités. Ce dispositif européen répond à celui qui a été adopté par les États-Unis en 2010 ; la France promeut son adoption par l’ensemble des membres du G8 et du G20. Notre pays est à l’avant-garde sur ce sujet au plan européen.
Le texte prévoit une double publication des informations, non seulement au registre du commerce et des sociétés, mais également sur le site internet des sociétés, afin de garantir un accès simple et gratuit de l’ensemble des citoyens à ces informations.
Enfin – c’est le troisième volet du texte –, le présent projet de loi prévoit diverses transpositions permettant de renforcer la protection des consommateurs.
À l’article 10, il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive dite « Crédit immobilier ». Ce texte améliore l’information des consommateurs et introduit des règles de bonne conduite pour les prêteurs en matière de crédit immobilier. Il prévoit ainsi une harmonisation de l’information publicitaire et précontractuelle et la définition d’un cadre pour l’exercice de l’activité d’intermédiaire de crédits immobiliers.
Quant à l’article 11, il a pour objet d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance les dispositions de la directive relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation. Cette dernière vise à généraliser la mise en place de mécanismes de résolution amiable des litiges de consommation dans tous les secteurs professionnels. Pour les consommateurs français, il s’agit d’une avancée importante en termes de recours qui leur permettra de faire valoir leurs droits aisément et gratuitement. Ainsi, en cas de litige persistant avec un professionnel, les consommateurs auront la possibilité de s’adresser à un médiateur clairement identifié aux fins de résoudre le différend et éviteront ainsi de devoir recourir à la justice.
Cette habilitation à légiférer par voie d’ordonnance est demandée au Parlement non seulement pour des raisons de calendrier, mais aussi parce que le projet d’ordonnance s’inscrit dans la continuité des grands principes de la médiation conventionnelle définie dans le code de procédure civile.
Tel est le panorama d’ensemble des principaux enjeux de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, ou projet de loi DDADUE, qui est donc cohérent avec les actions politiques menées par la majorité depuis 2012 et que je me permets de rappeler ici : encadrement de la sphère financière, dont les ressources doivent être canalisées vers le financement de l’économie réelle ; simplification de la vie des entreprises, qui sont invitées à la responsabilité ; et protection des Français, notamment les plus modestes, y compris dans leur vie de consommateur.
Les dispositions du texte aujourd’hui soumis à votre examen répondent à une nécessité juridique tout en reflétant l’intensité des travaux européens menés sur ces sujets. Dans le même temps, elles permettent une modernisation de notre droit, attendue par nombre de citoyens, de contribuables, de consommateurs et d’opérateurs économiques.
Je souhaite donc que ces mesures recueillent, de la Haute Assemblée, l’assentiment le plus large. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte est le quatrième que nous examinons en ce début de session ordinaire. C’est le premier en matière financière. Il porte le doux nom de « DDADUE », lequel évoque certaines références littéraires, mais dissimule un contenu plus aride.
Il s’agit en effet d’incorporer à notre droit national un ensemble de directives et de règlements européens récemment adoptés.
Ces textes interviennent dans le sillage de la crise de 2008, qui avait suscité à juste titre une volonté de réformes et d’encadrement des activités bancaires et financières.
Je dois le dire, les choses ont avancé de manière significative dans ce domaine. Alors que l’on dénonce souvent l’irresponsabilité et l’absence de régulation du secteur financier, les progrès, au cours des cinq dernières années, ont été nombreux.
Michel Barnier, alors commissaire européen au marché intérieur et aux services, a beaucoup œuvré. Une quarantaine de textes importants ont été pris à Bruxelles dans le domaine des services financiers, et nous avons la responsabilité de les transcrire dans notre droit.
Ce travail a concerné tous les secteurs de la régulation, tous les produits : les agences de notation, les hedge funds, le régime prudentiel des banques, les produits dérivés. Hier, j’ai même pu constater que le shadow banking, c'est-à-dire toute cette activité qui échappe encore à la régulation, commence à être concerné par des projets de directive, afin de remédier à cet état de fait.
Certains sujets ont été consensuels, d’autres beaucoup moins. Les discussions avec le Parlement européen ont souvent été difficiles ces derniers mois et ces dernières semaines.
Selon la procédure européenne, les directives doivent être transposées en droit national avant une date fixée par elles – nous reviendrons sur cette question. Les règlements sont, quant à eux, d’application directe, mais, dans un certain nombre de cas, il est nécessaire de recourir à des textes de mise en œuvre.
Dans tous les cas, nous n’avons guère la possibilité de nous écarter des règles posées à l’échelon européen. Certaines directives ouvrent des options, mais l’Union européenne a tendance à être de plus en plus ferme. On appelle cela – jolie formulation – l’« harmonisation maximale » – c'est-à-dire minimale pour nous. C’est l’évolution des choses…
Un premier bloc de textes, comme Mme la secrétaire d’État l’a souligné, porte sur l’union bancaire.
Lancé au mois de juin 2012 par le sommet de la zone euro, le projet d’union bancaire repose sur l’idée d’unification de la régulation du système bancaire de la zone euro afin de briser le lien entre banques et dettes souveraines, lien qui a été un élément important de l’accélération de la crise de 2008.
Il consiste en trois piliers : le mécanisme de surveillance unique, le MSU, le mécanisme de résolution unique, le MRU, et un système unique de garantie des dépôts.
Le premier pilier, le mécanisme de surveillance unique, adopté en 2013, entrera en vigueur le 4 novembre, c'est-à-dire dans trois semaines. Il s’agit de faire surveiller les cent vingt plus grandes banques de la zone euro, dont dix banques françaises, par une unité spéciale de la Banque centrale européenne, la BCE, néanmoins indépendante de celle-ci et dirigée par Danièle Nouy, ancienne secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Des équipes plurinationales – ce point est très important, car il faut éviter les « liens du sang » – sont d’ores et déjà à pied d’œuvre puisque la BCE a organisé une « revue » du bilan des banques, de leurs actifs et de leurs passifs, en particulier pour apprécier la qualité des actifs. À juste titre, la BCE veut établir sa nouvelle surveillance sur des bases claires.
Le deuxième pilier de l’union bancaire, c’est le mécanisme de résolution unique, c’est-à-dire l’ensemble des règles et des procédures de gestion et de financement des crises bancaires. Que fait-on quand une banque présente des signes de faiblesse et peut ne pas être en position de faire face à ses échéances ? Jusqu’à présent, lorsque le cas s’est présenté, cela a souvent été dramatique. La seule solution qui prévalait, c’était de se tourner vers la banque centrale ou le Trésor pour demander des mallettes de billets, au motif que c’était la seule façon de résoudre le problème. C’est ce qui s’est passé au Royaume-Uni avec Northern Rock et la Royal Bank of Scotland ; en France, nous n’avons pas connu réellement une telle situation.
En tout cas, nous ne voulons plus que le contribuable soit sollicité en premier et dernier ressort, en quelque sorte.
Un système de résolution des crises a donc été élaboré, reprenant différents textes, en particulier la fameuse directive de 2013 dite « BRRD », qui harmonise les procédures de résolution nationales. Au fond, on a introduit des mécanismes de surveillance préalable, d’alerte.
Le point faible est toujours le même : si elles étaient alertées suffisamment à temps, les autorités pourraient prendre des mesures, mais elles découvrent toujours les difficultés au dernier moment. Ainsi, en Espagne, on disait des dirigeants de la banque centrale de ce pays qu’ils étaient des gens formidables, d’une très grande qualité – ce qui est certainement vrai –, mais il n’empêche qu’ils ont été surpris par la crise des caisses d’épargne. Cela a été le cas dans de nombreux autres pays.
Nous espérons que ce mécanisme d’alerte fonctionnera, mais, si les choses empirent – c’est ce point qui est important –, il sera fait appel aux créanciers selon un ordre d’appel bien défini : d’abord les actionnaires, puis les obligataires, puis les créanciers « juniors » – il est plus difficile d’envisager de recourir aux créanciers « seniors ».
Si cela ne suffit pas, on passe au fonds de résolution, dont nous parlerons ultérieurement, et ce n’est qu’à la fin, en espérant que ce ne sera pas utile, qu’il est fait appel au financement public.
Le mécanisme de résolution unique repose sur deux piliers : d’une part, un règlement européen, qui pose l’architecture générale du système – je n’entre pas dans le détail des différents organes puisque nous les évoquerons plus tard, lorsque nous serons appelés à ratifier l’accord intergouvernemental, l’AIG, signé entre les États participants – et, d’autre part, les modalités de répartition de ce fonds – c’est un point un peu douloureux – doté à terme, dans huit ans, de 55 milliards d’euros. La question est de savoir à quelle hauteur les banques européennes contribueront à ce fonds.
L’article 2 bis, inséré dans le présent projet de loi par l’Assemblée nationale, vise à adapter notre droit au règlement relatif au mécanisme de résolution unique. Pour que le MRU soit effectif, l’AIG, dont le projet de loi de ratification a été déposé sur le bureau du Sénat, sera donc encore nécessaire.
Je ne développe pas l’architecture du système, assez complexe. Au fond, la volonté a été de ne pas le laisser entièrement entre les mains de la Commission. De fait, il est le fruit d’un compromis entre celle-ci et les États. Comme tout compromis, il est un peu « couci-couça »… Néanmoins, nous espérons qu’il fonctionnera. On dit – je souhaite que ce soit vrai, car il faut agir vite – que, grâce à ce mécanisme, une décision peut être prise en trente-deux heures. En effet, en général, le président d’une banque appelle le vendredi soir vers dix-sept heures le gouverneur de la Banque de France ; on dispose alors de trente-deux heures pour résoudre le problème, avant la réouverture des marchés financiers le lundi matin.
Une question importante est celle du financement. Elle est en cours de négociation à Bruxelles, une négociation difficile. Il s’agit de trouver une clé intelligente et juste de répartition entre les banques. Pour l’instant, semble-t-il, le critère essentiel retenu est celui du total du bilan. Ce critère n’est évidemment pas favorable à la France puisque, comme vous le savez, en comparaison avec d’autres pays que je ne citerai pas, dont le système est plus décentralisé avec de nombreuses caisses d’épargne, le système bancaire français est concentré, avec de grandes banques.
On peut imaginer d’autres critères. En particulier, il me semble essentiel d’introduire la notion du risque bancaire. Certes, pouvoir présenter un bilan important est appréciable, mais si celui-ci contient nombre de titres discutables, alors cela signifie qu’il est quelque peu entaché.
Dans ses négociations, nous voulons aider le Gouvernement à faire un choix qui permette de pondérer de façon plus raisonnable la part des banques françaises. Selon certaines informations, cette part se monterait à 30 % des 55 milliards d’euros du fonds, faisant de la France, et de loin, le premier pays contributeur. Cela nous paraît beaucoup, même si je ne veux pas faire de comparaison avec les autres pays, car là n’est pas la question.
C’est pourquoi nous avons adopté en commission un amendement visant à prévoir que le Parlement ne ratifiera l’accord intergouvernemental qu’une fois connues précisément ses conditions de financement, au terme des négociations à Bruxelles. Nous espérons qu’elles conviendront au Parlement français, qui, comme les autres parlements, doit jouer pleinement son rôle en la matière.
Enfin, le dernier pilier de l’union bancaire est l’unification des systèmes nationaux de garantie des dépôts. Le Fonds de garantie des dépôts et de résolution en France est doté de plus de 2 milliards d’euros. Il deviendra en partie un fonds communautaire – ce qui me paraît tout à fait logique –, avec différents compartiments.
Madame la secrétaire d'État l’a signalé, le présent projet de loi porte également sur d’autres textes.
Ainsi, la directive Solvabilité II vise à renforcer les fonds propres des banques et à revoir le mode de calcul de leurs risques. Ce texte fort complexe a fait l’objet de très longues négociations avec les différents partenaires, ce qui n’était pas évident. Inévitablement, les assureurs ont poussé de grands cris, mais on est arrivé, selon ce que j’ai entendu dire, à un accord qui satisfait les trois parties, à savoir les assureurs, l’Europe et les autorités françaises.
Le paquet MIF II – « MIF » étant l’acronyme pour « marché d’instruments financiers » – tend à rationaliser et à favoriser la concurrence, et également à faire baisser les prix sur les marchés financiers.
Je reviendrai plus tard sur le paquet « abus de marché ».
Vous avez cité la directive relative au crédit immobilier, madame la secrétaire d'État.
Enfin, l’article 8 du projet de loi porte sur la lutte contre la corruption. Il ne s’agit pas d’un instrument de lutte contre l’évasion fiscale, contrairement à ce qui a pu être dit et écrit ; il s’agit d’un dispositif qui vise à lutter contre la corruption dans le secteur des entreprises extractives, notamment minières et forestières, qui recourent parfois à des techniques discutables en la matière.
Par ailleurs, le présent texte présente une caractéristique importante, puisqu’il contient essentiellement des habilitations à légiférer par ordonnance. Madame la secrétaire d'État, vous savez que le Parlement apprécie moyennement le recours aux ordonnances, puisque cela revient pour lui à se dessaisir de sa compétence de législateur. Bien qu’elle soit habituelle, le Parlement reste toujours sourcilleux face à cette procédure. Je ne vous cache pas que, pour ma part, j’étais a priori réticent eu égard au nombre d’habilitations demandées.
J’ai donc examiné, pour chacune d’entre elles, avec l’aide inestimable des administrateurs du Sénat, l’opportunité des justifications avancées. Je vous proposerai d’ailleurs, lors de l’examen des amendements, de réduire, voire de supprimer, certaines habilitations, ou bien d’en restreindre le délai d’habilitation.
Néanmoins, pour l’essentiel, je pense que les demandes du Gouvernement sont raisonnables et justifiées, car les textes en cause sont très longs et très compliqués.
En outre, pour de nombreux textes, nous attendons toujours les actes d’exécution que doit prendre Bruxelles, qui tarde à le faire, ce qui ne facilite pas le travail de transposition.
J’ajoute que, dans un certain nombre de cas, ces textes sont de simples copiés-collés de la législation communautaire.
Pour terminer, je veux dire un mot sur le travail de la commission des finances, qui a adopté plusieurs amendements. Je reviendrai tout à l’heure sur la question du mécanisme de résolution unique et donc sur la clause de prudence, en quelque sorte, que nous avons introduite à l’article 2.
Comme je viens de l’indiquer, nous avons adopté une série d’amendements visant à restreindre le champ des habilitations. En particulier, nous avons été très vigilants sur les questions des abus de marché et des marchés financiers. Deux amendements ont été adoptés sur le sujet : l’un sur les contrats d’assurance vie et l’autre, proposé par M. le rapporteur général, sur les délais dans lesquels la cour d’appel de Paris rend ses arrêts relatifs aux recours formés contre les décisions de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, en matière d’offre public d’achat. Là encore, j’y reviendrai lors de la discussion des articles.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à adopter le présent projet de loi ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il a fallu une crise majeure des dettes souveraines pour que l’Union européenne comprenne la nécessité d’une intégration économique plus poussée.
En effet, la crise de 2008 a engendré un processus bienvenu d’harmonisation des règles bancaires, assurantielles ou financières, dans la perspective, à terme, d’une union des marchés et des capitaux.
Cette ambition a conduit le Parlement à transposer dans le droit national un certain nombre de dispositifs. Le groupe du RDSE, profondément soucieux de la consolidation de l’Europe, a apporté son soutien à tous les textes allant dans le bon sens. Je pense notamment au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, que nous avons adopté l’année dernière.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui comporte encore un important volet sur les règles de consolidation du marché intérieur et du système européen, et donc sur la poursuite de cet important travail d’affaiblissement du risque systémique.
Ainsi, plusieurs articles visent à transposer des directives européennes adoptées avant l’été. Pour l’essentiel, il a été décidé, madame la secrétaire d’État, de légiférer par ordonnances. Même si, du fait de cette procédure, on se sent un peu dépossédé du débat, on doit bien reconnaître que la technicité des mesures impose de se prononcer plutôt sur de grands principes que sur le fond des articles.
Selon moi, le point fondamental, qui sous-tend d’ailleurs la plupart des textes européens en la matière, consiste à dire que le contribuable ne doit plus être le payeur des dérives financières. En langage plus familier, je dirai qu’il ne doit plus être le dindon de la farce !
Je rappelle que, pour venir au secours des banques, près de 400 milliards d’euros ont été versés par recapitalisation ou par sauvetage d’actifs au sein de la zone euro.
Au regard de ces événements, nous sommes tous d’accord pour protéger les épargnants et les contribuables européens, qui n’ont plus à faire les frais des appétits financiers et des irresponsabilités de quelques-uns. À cette fin, il faut cesser de faire confiance aux vertus de l’autorégulation. Une supervision européenne est ainsi devenue incontournable.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le G20 et la Commission européenne ont avancé dans cette direction, ce qui nous amène encore aujourd’hui à parachever les trois piliers du système de régulation bancaire : le mécanisme de surveillance unique, le mécanisme de résolution unique et le système unique de garantie des dépôts. Les trois premiers articles du présent projet de loi participent de cette entreprise, qui consiste à faire en sorte que le contribuable soit le dernier ressort.
Le second point qui me paraît important est de veiller à une juste répartition de l’effort s’agissant de la contribution au Fonds de résolution unique. En effet, il ne serait pas très équitable que les établissements les plus vertueux soient les plus gros contributeurs au fonds destiné à venir au secours des établissements en difficulté.
On le sait, la clé de calcul actuellement envisagée par la Commission est défavorable à la France et à ses banques, puisque celles-ci contribueraient au fonds à hauteur de 30 %.
Comme vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, un débat très technique sur la méthode de calcul oppose les pays qui veulent privilégier le total du bilan en valeur absolue à ceux qui veulent intégrer la pondération par les risques. Mais derrière cette discussion d’experts, il y a une réalité concrète : les banques dites « universelles », soit le modèle français, seront pénalisées, alors que l’Allemagne le sera moins.
Au moment où son économie a plus que jamais besoin d’être soutenue par ses banques et davantage que celle de son voisin outre-Rhin, il serait anormal que la France soit le plus gros contributeur. Et cela d’autant plus que ses banques se sont révélées les plus vertueuses et, in fine, les plus solides. Alors que, dans un autre domaine, le principe du pollueur-payeur a été instauré, en l’espèce, au contraire, ce serait plutôt : que le meilleur paye ! Si l’on peut comprendre la solidarité, on peut aussi souhaiter un peu plus d’équité dans l’effort.
Dans ces conditions, les membres du groupe du RDSE se réjouissent de la position de la commission des finances, qui, avec l’amendement qu’elle a adopté, conditionne l’habilitation conférée à l’article 2 bis à la connaissance des conditions de financement du Fonds de résolution unique.
Mes chers collègues, le présent projet de loi DDADUE, qui regroupe bien d’autres mesures que celles qui sont consacrées à l’union bancaire, répond à plusieurs de nos engagements européens. Les membres du RDSE approuvent sans réserve cette nouvelle étape de la réponse collective à apporter au besoin de stabilité financière de la zone euro. Mais, au-delà, ne l’oublions pas, l’assainissement du secteur financier de la zone euro doit avant tout servir à soutenir la croissance et l’emploi.
Conforter les banques, oui, mais à condition qu’elles n’oublient pas leur vocation première, à savoir dynamiser l’économie réelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je le dis avec conviction : le présent projet de loi est une victoire pour l’Union européenne et pour la construction d’une véritable union bancaire.
Au mois de juin 2012, qui pouvait imaginer que l’union bancaire serait rendue presque totalement opérationnelle deux années à peine après les premières propositions de Michel Barnier ?
M. le rapporteur, Richard Yung, l’a très justement explicité dans son rapport : le présent projet de loi procède d’un chantier législatif considérable mené à l’échelon européen.
Les sénateurs du groupe UDI-UC se félicitent ainsi de voir, grâce à ce projet de loi, l’émergence d’une union bancaire opérationnelle et, plus largement, d’un droit financier européen ambitieux et contraignant.
Nous le savons tous, cette initiative était rendue nécessaire par la nature même de la crise qui a frappé les États-Unis puis l’Europe depuis l’été 2007.
Les différentes crises bancaires auxquelles nous avons assisté ont conjugué deux caractéristiques majeures : la prolifération du risque systémique et notre manque d’information quant à la situation financière réelle de nos banques.
La déstabilisation de Bear Stearns puis le renflouement public de Freddie Mac et de Fannie Mae ont été les prémices de la chute de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Cela fait donc presque six ans, jour pour jour, que la faillite de cette banque a mis en évidence l’existence d’un risque systémique dans notre environnement économique et que nous avons pu constater l’existence du lien dramatique entre la bonne santé financière des banques et les finances publiques.
C’est le principe du too big to fail : la faillite d’une institution financière de dimension systémique bouleverse tout le fonctionnement de l’économie et, par conséquent, impose impérativement une intervention étatique rapide et massive.
Pourtant, pendant de nombreux mois, la France a cru au scénario du découplage. On pouvait effectivement croire que la crise financière américaine était une crise avant tout anglo-saxonne et ne menaçait en rien l’économie européenne.
Néanmoins, dès le mois de février 2008, nous avons découvert que certaines banques françaises prenaient des positions très hasardeuses sur les marchés financiers et encouraient des pertes financières de l’ordre de plusieurs milliards d’euros.
La diffusion de la défiance a ainsi conduit à la paralysie du marché monétaire et à une crise bancaire sans précédent dans notre pays à l’automne 2008.
La banque Dexia a été longtemps soutenue par l’État et ce dernier a également accordé un large prêt aux banques nationales pour décongestionner le marché monétaire.
Le mal était déjà fait, puisque la pénurie de liquidités a contribué à étendre la crise du monde de la finance à l’économie réelle. Ce phénomène n’a pas été propre à la France : il a touché avec plus ou moins d’ampleur tous les pays d’Europe. Pour preuve, la faillite partielle, au mois de juillet 2012, au pire moment de la crise des dettes souveraines, du groupe espagnol Bankia, financier des collectivités territoriales espagnoles.
Nos banques sont fragiles et, à la différence des États, elles sont mortelles. De ce point de vue, nous souffrons d’une profonde asymétrie d’information quant à la réalité de leur santé financière.
Au mois d’août 2011, par exemple, la banque Dexia avait passé haut la main le stress test préparé par les autorités européennes ; pourtant, deux mois plus tard, elle s’est définitivement effondrée et il a alors fallu légiférer sur le sujet à l’occasion du collectif budgétaire d’octobre 2011.
Dès lors, il devenait évident qu’une législation européenne intégrée était nécessaire, afin de prévenir une nouvelle déstabilisation de notre système financier et bancaire. Il était également devenu évident, après la crise des dettes souveraines, qu’il fallait trouver des outils continentaux pour protéger les finances étatiques, donc le contribuable, et, en dernier recours, les encours bancaires de nos concitoyens.
Le présent projet de loi, en transposant les directives européennes préparées depuis plus de deux ans, répond ainsi aux enjeux majeurs de stabilisation de notre système financier. Il transpose notamment treize directives européennes qui touchent aussi bien au secteur bancaire qu’à l’assurance ou à la finance.
Ce nouveau cadre juridique intégré permettra d’harmoniser les normes et les pratiques dans tous les pays de l’Union européenne, tout en jetant les bases d’un retour effectif de la confiance dans notre système financier.
Les sénateurs du groupe UDI-UC se réjouissent de voir l’aboutissement de cet important travail des organes de l’Union européenne. Néanmoins, je me permettrai de formuler quelques réserves de fond et de forme.
Sur le fond, les débats en commission des finances ont mis en avant un point majeur, dont la discussion mérite d’être poursuivie à l’échelon européen, en matière de consolidation du mécanisme de résolution unique.
Ce mécanisme a vocation à épargner les finances étatiques et les clients des banques en cas de faillite totale ou partielle d’une banque systémique. Il sera alimenté par un versement des banques concernées. Or, au plan européen, il s’avère que la France s’impose, malgré elle, comme la grande perdante de la négociation.
En effet, comme cela a été rappelé, notre système bancaire demeure très concentré autour de trois ou quatre groupes d’envergure internationale. En revanche, le réseau bancaire allemand s’appuie sur un réseau plus diffus de banques régionales dont la solidité financière soulève encore aujourd’hui d’importantes questions.
Du fait de l’architecture de son marché bancaire, la France contribuera à hauteur de 30 % à l’approvisionnement du fonds en cause, soit près de 2 milliards d’euros par an. Ce versement durcira l’équation financière de nos banques, qui font déjà face aux enjeux de renforcement de leurs fonds propres après l’entrée en vigueur des ratios prudentiels issus des accords de Bâle III, mais aussi des dispositions votées en 2013 à la suite de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires qui prévoit la filialisation des départements de nos banques spécialisés dans l’investissement d’affaires.
Peut-être y a-t-il lieu alors de nous interroger. La France doit-elle légitimement participer aux éventuels sauvetages à venir des banques allemandes alors que ces dernières contournent les règles communes de participation à l’approvisionnement du fonds ? Il ne faudrait pas substituer au risque systémique et à l’asymétrie d’information un jeu de dupes confinant l’Allemagne à un comportement de « passager clandestin ».
D’un point de vue plus formel, il convient de s’interroger à la fois sur la pertinence de nos méthodes de transposition des directives et sur le recours très fréquent dans le cadre du présent texte aux ordonnances – ce sujet vient d’être abordé.
Tout d’abord, la technique de la transposition massive de directives européennes par le biais de véhicules législatifs uniques a permis à la France de mieux remplir les exigences de respect du droit européen émanant notamment de l’article 88–1 de la Constitution.
Toutefois, peut-être pourrions-nous nous interroger sur l’opportunité du recours systématique à cette méthode. En effet, comme beaucoup, je crois parfois que le mieux est l’ennemi du bien et que, à trop vouloir tout transposer trop vite, le débat parlementaire perd en lisibilité et en clarté. Peut-être passons-nous donc d’un excès à l’autre.
Un tel paquet législatif aurait pu donner lieu au dépôt de deux ou trois textes et à un débat parlementaire plus approfondi – certains orateurs aborderont des points plus précis lors de la discussion des articles tout à l’heure – portant sur les enjeux spécifiques de l’union bancaire ou sur les évolutions du secteur des assurances. À trop vouloir forcer le rythme démocratique de la confection de la loi au nom de la transposition la plus rapide qui soit, on perd sans doute en cohérence et en clarté législative.
Le second point formel, qui a nourri l’essentiel des travaux de la commission, est le recours massif aux ordonnances tantôt pour transposer des directives, tantôt pour adapter notre droit interne aux règlements européens. Sur ce point, un équilibre a été trouvé par la commission des finances – il faut le saluer –, afin de définir des délais raisonnables de transposition.
Je remercie encore une fois M. le rapporteur de la qualité de son travail et des échanges au sein de la commission, ainsi que de son investissement particulier sur le thème du développement du droit financier européen.
Le présent projet de loi n’épuise bien évidemment pas totalement l’enjeu de la consolidation de notre système financier. Le rapport adopté par la commission fait bien sûr état des nombreuses directives encore en chantier. Le débat a donc vocation à se poursuivre dans les années à venir. Dans cette perspective, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur du présent texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le monde d’aujourd’hui est multipolaire. Les États-Unis et la Russie ne sont plus seuls : la Chine, mais aussi d’autres grandes puissantes économiques émergentes, parfois même « submergentes », sont des puissances de premier plan avec lesquelles il faut compter.
C’est dans ce contexte que l’Union européenne, toujours première économie du monde, doit progresser et surtout rassurer sur sa capacité à maîtriser notre avenir commun. En effet, force est de le constater, elle est actuellement décriée et fréquemment remise en cause par de forts relents nationalistes, et ce dans tous ses États membres.
Cette cathédrale que nous admirons aujourd’hui a souvent été construite sur des fondations mal ancrées. Nous avons, entre autres, créé l’euro sans union bancaire, ni harmonisation fiscale, ni réelle vision politique et économique commune. En réalité, il a fallu l’électrochoc de la crise financière puis la crise des dettes souveraines pour prendre conscience de la fragilité de l’édifice, qui n’a tenu debout jusqu’à présent que grâce à ses deux piliers : la France et l’Allemagne.
La crise économique et financière majeure que nous traversons a ouvert les yeux non seulement des instances et des dirigeants européens, mais aussi des opinions publiques sur la nécessité de consolider l’édifice pour essayer de parer à tout nouveau soubresaut majeur.
Telle est la finalité de l’union bancaire, dont le projet a été lancé en 2012, les orateurs précédents l’ont indiqué.
Sa mise en place se fait en trois étapes, comme l’a dit excellemment M. le rapporteur : un premier pilier, la surveillance unique, un deuxième, la résolution unique, enfin, un troisième, le fonds de garantie unique. Avec ces trois piliers, la zone euro devrait tenir debout en cas de nouvelle crise bancaire forte, à défaut d’être « systémique » – cet adjectif ne me paraît pas assez évaluatif.
Le mécanisme de surveillance unique a été mis en place en 2013 avec la supervision des cent vingt plus grandes banques de la zone euro par la Banque centrale européenne et la vérification de leur solidité à travers des stress tests réguliers réalisés par l’Autorité bancaire européenne. Avec beaucoup d’humour, M. le rapporteur disait en commission qu’il était plutôt bon que les Hollandais surveillent un peu les Français, les Italiens et les Allemands ! (Sourires.)
Le deuxième pilier, le mécanisme de résolution unique, doit, pour sa part, être mis en place le 1er janvier 2016, après la signature, en mai dernier, d’un accord intergouvernemental dont nous allons examiner dans quelques mois le projet de loi de ratification. On ne parle pas suffisamment de cet accord, qui contient nombre de dispositions utiles pour la suite des opérations.
Ce mécanisme concernera 6 000 banques européennes et sera assuré par un Fonds de résolution unique, alimenté par celles-ci. Il constitue une étape essentielle de la construction d’un cadre commun de gestion du système bancaire de la zone euro qui a été au cœur, sinon à l’origine, de la crise de la dette souveraine de nombreux États membres. Il s’agit aujourd’hui, après l’étape préalable incontournable de la supervision commune, de veiller à ce que l’Union européenne, et non plus chaque État membre, soit en mesure de faire face, financièrement et politiquement, aux défaillances lourdes.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à transposer dans notre droit des directives adoptées ces derniers mois – les négociations ont été longues – à l’échelon européen et qui devront s’appliquer aux États membres d’ici à 2016. Certaines concernent ce mécanisme de résolution.
Ainsi, il nous est proposé de transposer une directive de 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement qui pèsent aussi très lourd dans nos économies. Il s’agit notamment d’adapter nos propres institutions nationales de résolution figurant dans la loi de 2013.
Il s’agit également d’être capable de mobiliser pour la première fois les actionnaires et les créanciers de la banque défaillante, dans le cadre de la procédure dite de « bail-in » : l’idée est que les déposants doivent être l’ultime recours pour renflouer la banque, les actionnaires devant être mis à contribution avant et constituer le premier rempart au défaut de paiement plutôt que les États et les contribuables.
Seraient ainsi appelés, dans l’ordre, les actions et autres instruments de fonds propres, la dette subordonnée, les créanciers « seniors » et, en dernier lieu, les dépôts des PME et des personnes privées au-delà de 100 000 euros.
Par ailleurs, le Gouvernement nous sollicite pour l’habiliter à étendre par ordonnance le mécanisme de résolution aux sociétés de financement. Ces dernières s’occupent, par exemple, de crédit à la consommation, de cautionnement, d’affacturage et de leasing.
Le financement du Fonds de résolution unique repose sur les banques elles-mêmes, qui devront alimenter celui-ci pendant huit ans, pour atteindre un montant total des dépôts de l’ordre de 55 milliards d’euros.
Les États membres de l’Union européenne ont engagé une négociation avec la Commission elle-même qui doit définir, au sein d’un acte délégué, une méthode de calcul de cette contribution des établissements bancaires au Fonds de résolution unique. Or le choix de la méthode de calcul sera primordial.
En effet, une prise en compte du total du bilan en valeur absolue pour le calcul des contributions, sans pondération par les risques, pourrait être très pénalisante pour le secteur bancaire français. M. le rapporteur l’a rappelé, une telle méthode de calcul aurait pour grave conséquence que les banques françaises seraient les premières contributrices, à hauteur de 30 % du total du fonds de résolution, soit environ 17 milliards d’euros sur 55 milliards d’euros sur huit ans et près de 2 milliards d’euros par an. Ce n’est pas rien !
À titre de comparaison, cela a déjà été dit, les banques allemandes ne seraient mises à contribution qu’à moins de 25 % – entre 20 % et 25 % –, alors que le PNB de l’Allemagne, première puissance économique et financière de la zone euro, est supérieur de l’ordre de 30 % à celui de la France. Forcément, nous nous interrogeons !
Une telle contribution de nos banques, qui doivent déjà faire face aux nouvelles règles prudentielles de Bâle II et de Bâle III et contribuer au Fonds de garantie des dépôts résultant de la loi de 2013, pourrait avoir des effets sur leur capacité à financer notre économie. À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que, dans notre pays où il n’y a pas de fonds de pension, où l’épargne utile est plus facilement dirigée vers l’assurance vie, 90 % des investissements des entreprises sont réalisés via des crédits bancaires.
Or nous, maires, avons déjà été confrontés, voilà deux ou trois ans, à l’invitation des banques à attendre pour effectuer des investissements dans nos villes au prétexte que, depuis Bâle III, c’était compliqué. Elles nous expliquaient l’importance de conforter d’abord leurs fonds propres pour ensuite libérer suffisamment de liquidités destinées à alimenter l’économie au travers des prêts aux collectivités. Et c’était hier !
Par conséquent, si nous rendions la situation de nouveau difficile, nous en subirions les mêmes conséquences.
Cela étant, nous rencontrons toujours une difficulté par rapport à nos voisins allemands : en réalité, l’Allemagne, c’est l’industrie et la France, c’est les services. La banque, l’assurance sont une force de l’économie française, qui, on le constate dans toutes les négociations, par le biais de dispositions très élaborées, est quelque peu écornée.
Il apparaît donc indispensable, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement français promeuve clairement une méthode de calcul ne pénalisant pas trop notre économie. Pouvez-vous vous engager aujourd’hui dans ce sens et préciser quel mode de calcul la France défend dans les négociations ? Pouvez-vous également nous faire un point sur l’avancée des négociations avec la Commission européenne, qui, techniquement, aura apporté peu ou prou les solutions ?
La commission des finances a déjà utilement conditionné la publication de l’ordonnance relative au mécanisme de résolution unique à la ratification par le Parlement de l’accord intergouvernemental portant sur le Fonds de résolution unique. D’ailleurs, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, nous avons soutenu cette disposition.
Cela signifie clairement à la Commission le refus du Parlement français d’intégrer le mécanisme de résolution unique si le secteur bancaire français était trop et injustement pénalisé.
Si tel était le cas, nous pourrions alors refuser d’adopter le projet de loi de ratification. Madame la secrétaire d’État, cette prise de position ne serait pas inutile, car, lors des discussions avec nos collègues et amis allemands, nous les voyons régulièrement s’interroger pour savoir si le Bundestag ou la Cour de Karlsruhe les suivront. Peut-être pourrions-nous de temps en temps, nous aussi, recourir à une telle habileté lors des négociations… La signification de notre vote final consiste un peu à rappeler au Gouvernement qu’il peut lui aussi invoquer le Parlement.
Il convient néanmoins de signifier également que le Parlement s’intéresse non pas uniquement à l’accord intergouvernemental, mais également à la négociation avec la Commission, puisque l’accord intergouvernemental renvoie la définition du mode de calcul des contributions à la Commission européenne.
Le Parlement entend donc, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement porte à sa connaissance, afin d’éclairer l’examen du projet de loi autorisant la ratification de l’accord intergouvernemental, des éléments précis permettant de mesurer l’incidence sur le secteur bancaire français d’une option conduisant au paiement de 17 milliards d’euros sur huit ans et sur la réduction des prêts aux entreprises que cette contribution engendrera forcément. Ainsi seront mis en évidence les risques que cela pourrait faire peser concrètement sur notre économie.
Le texte que nous examinons aujourd’hui ne concerne cependant pas que la régulation bancaire. Il comporte d’autres dispositions intéressantes dont l’adoption par voie d’ordonnance ne soulève, selon nous, aucun problème. Il vise notamment la transposition de plusieurs mesures qui concernent les banques, mais aussi les assurances, les entreprises et les consommateurs, ou l’habilitation à transposer par ordonnance de telles dispositions.
Concernant les banques, le projet de loi vise également la garantie des dépôts. Il est proposé la transposition de la directive de 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts. Sur ce sujet, nous sommes plutôt en avance. Cette nouvelle directive tend à harmoniser le niveau de financement des fonds nationaux de garantie des dépôts et à raccourcir le délai d’indemnisation des déposants, une nouveauté intéressante.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui implique également la transposition de la directive Solvabilité II, applicable aux organismes d’assurance. Ce travail va nécessiter une révision importante des codes des assurances, de la sécurité sociale, de la mutualité et du code monétaire et financier. Compte tenu de la grande technicité du texte et du délai assez court de transposition – elle doit intervenir avant le 31 mars 2015 –, le Gouvernement propose une habilitation par voie d’ordonnance.
Néanmoins, il s’agit d’un texte important, dont on peut regretter que le Parlement se dessaisisse : il s’inscrit en effet dans le cadre de l’harmonisation et de la redéfinition par l’Europe des règles prudentielles applicables aux établissements financiers, afin d’en limiter les aspects procycliques et de prévenir les failles systémiques.
À cet égard, la directive Solvabilité II entraîne une refonte globale du régime prudentiel encadrant l’exercice des activités d’assurance et de réassurance en Europe. Elle renforce les exigences en matière de solvabilité et de gouvernance.
Le présent projet de loi vise également l’information financière des entreprises, étant donné qu’il comporte la transposition de la directive Transparence. Celle-ci permettra de porter de deux à trois mois le délai de publication des rapports financiers semestriels, ce qui évitera une surcharge d’information en fin d’été, situation conduisant les investisseurs à ne se focaliser que sur les grosses entreprises au détriment des PME et ETI. Ce changement devrait permettre d’attirer l’attention du marché et des investisseurs, à l’aide d’un éclairage un peu nouveau, et ainsi d’aider ces entreprises à accéder réellement à d’autres financements.
De même, l’obligation de produire une information financière trimestrielle est supprimée.
Par ailleurs, le présent projet de loi prévoit une autre transposition de directive importante : cette dernière permettra de renforcer la responsabilité sociale des entreprises du secteur extractif et d’exploitation des forêts. Elle tend à imposer chaque année un rapport détaillé, projet par projet, des sommes que ces sociétés versent aux gouvernements des pays où elles exercent leurs activités. Ainsi, les citoyens et la société civile pourront être informés des revenus dégagés par l’exploitation et vérifier l’usage qui en est fait par les autorités. Cette obligation de publier ces informations sera inscrite dans le registre du commerce et des sociétés et sur le site internet des firmes concernées.
Ce projet de loi concerne également la protection des consommateurs, avec la transposition de la directive relative au crédit immobilier, qui améliore l’information des consommateurs et introduit des règles de bonne conduite pour les prêteurs en matière de crédit immobilier. Nous avons déjà accompli d’importantes avancées en la matière, et ces mesures complètent de manière intelligente les dispositifs existants.
Dans ce domaine, une autre directive à transposer a trait au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation. C’est une très bonne chose de privilégier la médiation par rapport à des procédures juridiques souvent coûteuses et longues.
M. Richard Yung, rapporteur. Effectivement !
M. Francis Delattre. Mes chers collègues, si ce projet de loi va dans le bon sens sur le fond, au regard des sujets dont il traite, les membres du groupe UMP regrettent que le Gouvernement propose la transposition par voie d’ordonnance de plusieurs directives, dont les portées respectives, il faut le reconnaître, sont très inégales.
Si les ordonnances ont le mérite de la rapidité, elles dessaisissent le Parlement de ses prérogatives, alors que plusieurs sujets d’importance devraient faire l’objet de débats plus approfondis. Certes, les instances européennes débattent de nombre de ces questions depuis trois ans, mais, pour notre part, nous n’avons que trois semaines pour réagir !
C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons que la commission des finances, sur la proposition de son rapporteur, Richard Yung, que je tiens de nouveau à féliciter, et c’est rare … (Sourires et exclamations amusées.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il faut toujours féliciter M. Yung ! (Nouveaux sourires.)
M. Francis Delattre. … pour la qualité du travail qu’il a accompli sur ce texte, ait supprimé l’article 23 ter, qui autorisait le Gouvernement à transposer par ordonnance une directive relative aux abus de marché. En effet, en la matière, les dispositions prévues sortent totalement des cadres !
La commission des finances a considéré que le Parlement ne devait pas se dessaisir de sa compétence sur les sujets ayant trait aux sanctions, administratives ou pénales, en matière bancaire et financière, d’autant plus que le Sénat dirige actuellement une mission d’information relative aux pouvoirs de sanction des régulateurs financiers. Nous pouvons tous considérer que ce sujet relève du domaine législatif et régalien.
En outre, ce projet de loi semble un peu « fourre-tout » sur la forme. Il traite de sujets qui, étant donné leur importance, mériteraient à eux seuls le dépôt d’un projet de loi.
De surcroît – il faut bien le dire –, il est regrettable de constater que le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un certain nombre d’amendements qui ont conduit à l’insertion de nouveaux articles, alourdissant un peu plus le texte en ajoutant de nouvelles transpositions.
Madame la secrétaire d’État, pour toutes ces raisons, les membres du groupe UMP s’abstiendront sur ce texte dans un premier temps, dans l’attente de vos éclaircissements et de vos engagements, notamment au titre de la régulation des activités bancaires et du fonds de garantie, son principal instrument. Répétons-le : l’idée est de connaître, avant de s’engager totalement, les résultats des négociations en cours susceptibles d’affecter de manière profonde et durable nos activités bancaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les lois de transposition du droit européen, que l’on rassemble sous l’acronyme DDADUE, sont toujours d’un abord assez ardu, en particulier en matière économique et financière.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui rassemble un important volume de directives et de règlements visant à améliorer la régulation mise en place par l’Union européenne à la suite de la crise financière de 2008.
Ce texte est, pour une large part, d’habilitation du Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance.
Il est toujours difficile pour un parlementaire de se dessaisir de son pouvoir législatif au profit d’ordonnances. Mais, force est de le reconnaître, en l’espèce, la grande technicité et le nombre des dispositions à transposer justifient globalement cette démarche.
Pour autant, le Parlement ne doit pas se démettre complètement de ses prérogatives. Au reste, ce principe s’applique à la fois en France et au plan européen, où l’on a vu, au cours des dernières années, le recours aux actes délégués croître dans des proportions beaucoup trop grandes. Or cette procédure, qui permet à la Commission de compléter ou de modifier directement certains actes européens, est supposée ne viser que des éléments limités et non essentiels de la législation de l’Union.
Sur cette question, je vous renvoie à l’excellent rapport que notre collègue Simon Sutour a consacré, au mois de janvier dernier, à cet abus des actes délégués par l’Union européenne et par la Commission.
À cet égard, on peut savoir gré à notre cher rapporteur, Richard Yung, de sa vigilance. En effet, il a proposé que nous refusions certaines habilitations ou modifions le cadre de certaines autres, comme celle de l’article 23 ter, portant sur les abus de marchés, à propos desquels le Sénat a déjà engagé une réflexion devant bientôt aboutir.
Par ailleurs, étant personnellement on ne peut plus sensible à la question du numérique, je me félicite que nos collègues députés aient supprimé l’habilitation contenue à l’article 21, qui portait sur la réutilisation des informations du secteur public. Ce sujet, qui soulève d’importants enjeux pour la qualité de notre démocratie à l’ère du numérique, pourra ainsi faire l’objet d’un véritable débat parlementaire à l’occasion d’un projet de loi à venir sur le numérique.
L’autre apport majeur des travaux de notre rapporteur et de notre commission a été de différer la publication de l’ordonnance relative au mécanisme de résolution, afin de peser sur la négociation concernant la clef de calcul des contributions au fonds de résolution. En effet, nombreux sont ceux qui, en France notamment, considèrent qu’elle serait trop défavorable au secteur bancaire français si le chiffre de 30 % actuellement avancé comme quote-part de notre pays était confirmé.
Je souscris tout à fait à l’amendement de M. le rapporteur : il s’agit simplement de ne pas signer tant que toutes les données ne sont pas sur la table. La répartition des contributions est, en effet, une question très politique, qui ne se résume pas à un calcul d’experts.
Quant au fond du problème, je serai plus nuancé. S’il faut évidemment être attentif à l’enjeu diplomatique d’une telle négociation, qui pourrait inciter les États à favoriser leurs banques nationales, il ne faut pas non plus se dissimuler le fait que le système bancaire français, par son extrême concentration, présente a priori un profil de risque particulièrement élevé.
Rappelons que parmi les vingt plus grandes banques mondiales figurent neuf banques européennes. Parmi ces dernières, une est espagnole, une est allemande, trois sont anglaises et quatre sont françaises. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires, que nous avons votée en 2013, n’a malheureusement pas totalement permis de remédier à cette situation. À cet égard, il me semble qu’il serait déplacé de revendiquer pour la France un taux de contribution global sans tenir compte de la structuration du paysage bancaire et de sa participation au risque systémique.
De plus, l’esprit de ce fonds de résolution est d’éviter que les finances publiques ne soient mises à contribution pour réparer les erreurs d’établissements bancaires ou assurantiels privés. Or, du fait de la déductibilité de ces contributions au titre de l’impôt sur les sociétés, le budget de l’État va, dans les faits, assumer à hauteur d’un tiers, par le biais de recettes qu’il ne percevra pas, le financement de ce fonds, pour sa partie française. J’aurai l’occasion de défendre un amendement sur ce point au cours de la discussion des articles.
J’en viens à la question de la transparence des industries extractives, évoquée à l’article 8 du présent projet de loi.
L’exploitation des ressources naturelles implique, trop souvent, des atteintes majeures à l’environnement, des spoliations économiques des peuples ou des conflits armés violents. Afin de mettre fin à la corruption et aux détournements de fonds accompagnant souvent ces marchés, diverses initiatives ont été menées ; elles aboutissent à instaurer davantage de transparence. Ainsi, l’article 8 vise à transposer une directive imposant aux industries extractives la publication des paiements effectués au profit des autorités publiques des États où elles opèrent. C’est là une avancée substantielle.
Toutefois, la formulation proposée dans le projet de loi reste ambiguë. Surtout, elle ne respecte pas totalement la loi Canfin, pourtant explicite, que nous avons votée au printemps dernier. J’aurai, là aussi, l’occasion d’y revenir en défendant divers amendements.
Enfin, en tant qu’écologiste, je me dois de dire un mot de l’article 5, qui porte sur la responsabilité civile des exploitants nucléaires.
Même si tel n’est pas l’objet de cet article, je profite de cette occasion pour rappeler que la responsabilité des exploitants nucléaires est limitée à 91 millions d’euros. Un protocole désormais vieux de dix ans prévoyait de la porter à 700 millions d’euros, mais il n’est jamais entré en vigueur. Ces montants, il faut le rappeler, sont cependant dérisoires au regard du coût d’un accident.
L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, qui fait figure d’autorité en la matière, évalue le coût d’un accident modéré à 70 milliards d’euros et celui d’un accident de l’ampleur de celui de Fukushima entre 600 et 1000 milliards d’euros. C’est donc en réalité l’État qui est l’assureur de fait, ce qui ne va pas sans poser certaines questions : la garantie implicite de l’État accordée aux exploitants nucléaires est-elle compatible avec le droit européen de la concurrence ? Est-elle seulement compatible avec la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui, par son article 34, affirme que les garanties d’État sont octroyées en loi de finances ? C’est là une grave question.
Madame la secrétaire d’État, il y a là de délicats problèmes, à propos desquels j’aimerais connaître votre analyse, et dont la commission des finances pourrait se saisir.
Pour conclure, je rappelle que, selon les écologistes, les solutions à apporter à la crise qu’a déclenchée la financiarisation de l’économie sont, bien sûr, européennes. C’est pourquoi nous nous réjouissons, malgré les manques que j’ai pu relever, que le processus de régulation soit en marche à l’échelle européenne, et nous apporterons donc notre plein soutien à ce texte.
Pour autant, comme l’a illustré le processus ayant conduit à la mise en œuvre du reporting pays par pays pour les banques, l’Europe n’avance que par le volontarisme de ses États membres, notamment celui de la France. J’espère donc, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que vous réserverez un sort favorable aux amendements que je présenterai tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur et Mme la présidente de la commission des finances applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un texte portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, comprenant la transposition des directives européennes Transparence et Comptable, que nous avons déjà été conduits à examiner dans cet hémicycle.
C’est dire l’importance du sujet : il s’agit non pas simplement d’ajustements techniques, mais bien de mesures qui devraient être de nature à renforcer à la fois la transparence et la régulation.
À ce titre, la transposition de ces directives représente une opportunité majeure, après les quelques avancées garanties par la loi bancaire, votée au mois de juillet 2013, en matière de reporting pays par pays. Le Parlement dispose en l’espèce d’une belle occasion de faire avancer l’obligation de transparence et de reporting en l’exigeant également – tel est le sens de divers amendements que nous défendrons dans quelques instants – de l’ensemble des industries extractives.
La France, qui est pour l’heure la première à transposer ces directives, pourrait montrer la voie pour imposer cette disposition à des activités lourdes d’incidences et de conséquences pour les pays du Sud.
Les précédents orateurs l’ont rappelé : c’est au mois de juin 2013 que l’Union européenne a adopté les directives Comptable et Transparence, qui introduisent pour les grandes sociétés pétrolières, gazières, minières et forestières européennes et pour celles qui sont enregistrées et/ou cotées en bourse au sein de l’Union une obligation de publier tous les paiements faits à des gouvernements, par pays et par projet. Nous ne pouvons évidemment être plus frileux que l’Union européenne sur ce sujet
Il est crucial d’améliorer la transparence dans les domaines de l’extraction et de l’exploitation forestière dans un grand nombre de pays riches en ressources naturelles, où l’opacité de ces secteurs et la faiblesse de la gouvernance ont pu priver les populations de recettes essentielles pour le financement des services publics et des infrastructures nécessaires à leur développement.
Nous avons, avec d’autres groupes de cette assemblée, en particulier le groupe écologiste et le groupe centriste, présenté des amendements, en commun dans certains cas, dont l’objet essentiel était d’étendre les obligations de reporting à tous les territoires, quelle que soit leur taille, où les entreprises ont des implantations, y compris les paradis fiscaux. Aucun élément ne doit être négligé à ce sujet : la banque de Wallis-et-Futuna, par exemple, n’est rien d’autre qu’une filiale de BNP Paribas, une banque européenne systémique de premier plan, capable d’assumer sans trop de dommages une amende de plusieurs milliards d’euros infligée par les autorités américaines.
À ce propos, M. le rapporteur, Richard Yung, rappelait fort opportunément, lors de la réunion de la commission des finances, l’épisode peu glorieux de la chute de la banque britannique Northern Rock. Il nous faut donc faire preuve d’une extrême vigilance, mes chers collègues, sur les sujets relatifs à tous les flux financiers, qui nous exposent à de graves périls lorsque la régulation recule. Nous l’avons vécu et nous le vivons encore !
Si la France adoptait ces dispositions, elle s’inscrirait dans un mouvement mondial à l’œuvre depuis quelque temps.
De leur côté, les États-Unis ont adopté une loi obligeant les entreprises du secteur extractif cotées en bourse à déclarer les paiements qu’elles effectuent aux États partout dans le monde. La Norvège, pour sa part, a déjà adopté des normes étendues de reporting dans le secteur extractif. Avant le sommet du G8 du mois de juin 2013, le gouvernement du Canada avait annoncé son intention d’imposer la divulgation des sommes payées par les sociétés extractives canadiennes aux gouvernements hôtes d’ici à l’année prochaine.
Le champ des directives prévoit bien que les informations doivent être publiées par pays et par projet, un projet correspondant aux activités opérationnelles requises par un seul contrat, licence, bail, concession ou tout arrangement juridique similaire.
Durant ce même sommet, la France s’était engagée à une transposition rapide des directives européennes relatives à la transparence et à la comptabilité. La transposition de cette dernière directive doit également permettre de fixer un modèle de standard ambitieux, comportant un alignement réel des obligations désormais appliquées aux banques : nom et nature des implantations, produit net bancaire et chiffre d’affaires, effectif, bénéfices, montant des impôts et, éventuellement, subventions publiques reçues.
Lors de la discussion des amendements en commission, M. le rapporteur nous a expliqué qu’il convenait d’adopter des dispositions qui ne soient pas trop intrusives. Disons-le, cette réponse nous a un peu surpris ! Le débat est donc légitimement engagé : jusqu’où doit aller la transparence ? Où commence l’intrusion ? Mes chers collègues, considérant l’intérêt général et l’ampleur considérable des enjeux, il conviendra que, au plus vite, notre assemblée tranche cette question.
Je souhaite maintenant évoquer un autre aspect, relatif à la forme plutôt qu’au fond. Par ce texte, le Gouvernement souhaite être autorisé à prendre, par voie d’ordonnances, des mesures relevant du domaine de la loi dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution.
Les parlementaires que nous sommes ne peuvent se satisfaire d’une telle perspective, et les interventions précédentes ont conforté ce sentiment. À ce sujet, l’une des propositions de la commission d’enquête était précisément que les parlementaires puissent être associés de manière permanente au suivi de ces questions si lourdes de conséquences pour le budget de la République. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
Bien sûr, les ordonnances en cause sont d’une importance variable, et certaines dispositions ne nécessiteraient certainement pas un débat contradictoire pour être adoptées. Certains sujets d’importance, toutefois, tels que les dispositifs de résolution mutuelle ou les règles prudentielles en matière bancaire et assurantielle, auraient sans doute mérité un examen un peu moins rapide.
Le sujet est essentiel. Comme l’indique le rapport, nous sommes au terme d’un processus entamé après la crise financière grave de 2008, cet « accident industriel » de la dérégulation financière, qui a provoqué, entre autres, la chute de certaines banques et une forte intervention des États pour soutenir le système financier mondial.
Tous les risques n’ont pas disparu, mes chers collègues. La planète finance s’est très vite remise à tourner à très grande vitesse, à très haute fréquence, souvent hors de tout contrôle humain, jusqu’à se diriger vers des sommets inégalés, à tel point que l’excellent journal économique Les Échos indiquait avant-hier que les millionnaires sont toujours plus nombreux – environ 35 millions – et toujours plus riches, leur patrimoine atteignant la somme vertigineuse de 263 000 milliards de dollars.
Notre responsabilité est immense et nos propositions sont pesées et réfléchies. Nous nous étions abstenus lors du vote de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires au mois de juillet 2013. Faute de prise en compte de nos amendements, nous serions amenés à opter pour la même position sur ce texte. (Mme Nathalie Goulet et M. André Gattolin applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Chiron.
M. Jacques Chiron. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme son intitulé l’indique, le projet de loi qui nous est aujourd’hui présenté porte diverses dispositions d’adaptation de notre législation nationale au droit de l’Union européenne.
Ces dispositions sont effectivement diverses et concernent des sujets variés, parfois très complexes. Je n’aurai pas le temps de revenir sur chacune d’entre elles, mais M. le rapporteur, Richard Yung, tout comme Francis Delattre, les a déjà bien exposées.
Je souhaite toutefois insister sur deux ensembles d’avancées qui me paraissent particulièrement intéressantes : les dispositions relatives à l’union bancaire, puis, plus spécifiquement, les obligations de transparence applicables aux compagnies pétrolières, minières et forestières.
La crise de 2008 a créé un précédent que personne ne souhaite voir se reproduire. En trois ans, 592 milliards d’euros d’aides ont été apportés par les États sous forme de recapitalisation et de sauvetage d’actifs, soit 4,6 % du PIB de l’Union européenne en 2012. Si l’on inclut les garanties, ce montant atteint 1 600 milliards d’euros en quatre ans, soit 13 % du PIB.
Les États ont estimé qu’ils n’avaient pas d’autres choix que de sauver les banques. Face au risque de propagation systémique, c’est le contribuable qui a dû financer ce sauvetage, précisément parce qu’il n’existait pas de mécanisme européen de prévention et de résolution des crises.
Les États ont travaillé avec réactivité, à l’échelle européenne, pour analyser les causes de la crise et éviter une répétition de ce scénario. La réponse de l’Union européenne, c’est l’union bancaire.
Celle-ci se décompose en quatre grands piliers appelés à répondre aux grandes étapes d’une crise bancaire : la supervision, la résolution, la garantie des dépôts et la mutualisation des fonds de résolution.
Le présent projet de loi vise à la transposition en droit français de deux de ces piliers : la résolution et le système de garantie des dépôts.
Il faut noter que l’adaptation du quatrième pilier, concernant la mutualisation des fonds de résolution, sera examinée en commission des finances et devrait être votée prochainement. Sur ce point, nous aurons l’occasion d’y revenir, il est important que nous aboutissions à une contribution équilibrée et non pénalisante pour les établissements français au Fonds de résolution unique, contrairement à ce qui est prévu jusqu’à présent. Je profite de cette remarque pour réitérer mon soutien à l’amendement du rapporteur.
Les priorités de l’union bancaire sont claires : éviter les risques systémiques et réduire l’exposition du contribuable aux pertes en cassant le cercle vicieux en cas de crise entre banques et finances publiques nationales. Pour cela, les autorités de régulation seront dotées de pouvoirs d’autant plus importants si la situation s’aggrave.
Je ne reviendrai pas sur la résolution ni sur les garanties de dépôt, que mes prédécesseurs ont déjà développées.
Ces premières adaptations de l’union bancaire en droit national sont assez consensuelles. Elles contribuent à un rééquilibrage opportun des responsabilités des parties prenantes et constituent une réponse pertinente à l’attitude irresponsable de banques qui se savaient trop importantes pour que les autorités publiques se désintéressent de leur sort. Elles vont, enfin, dans le sens d’une finance assainie et un peu plus moralisée.
Je souhaite également revenir quelques instants sur l’article 8 du projet de loi, qui vise à transposer la directive du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises.
Cet article soumet les grandes entreprises actives dans les industries extractives – les compagnies pétrolières ou minières – ou dans l’exploitation de forêts primaires à une obligation de publication des sommes versées aux autorités publiques des pays dans lesquelles elles exploitent des sites.
Avec cette disposition, l’Union européenne répond aux demandes appuyées des organisations non gouvernementales et emboîte le pas des États-Unis, qui ont un temps d’avance dans ce domaine.
Nous connaissons le contexte : les exportations pétrolières et minières en provenance du continent africain sont estimées à près de 350 milliards d’euros pour l’année 2010, soit sept fois le montant de l’aide internationale. L’installation des grands groupes occidentaux se déroule dans des conditions de grande opacité qui facilitent les détournements. Le résultat est doublement scandaleux.
M. Richard Yung, rapporteur. C’est vrai !
M. Jacques Chiron. D’une part, cela entraîne la spoliation des ressources et le maintien des pays concernés dans le sous-développement. À titre d’exemple, le PIB par habitant de la Guinée équatoriale est comparable à celui de la Pologne. Pourtant, les deux tiers de sa population vivent avec moins de 1,25 dollar par jour. D’autre part, la corruption générée détourne ces pays de la démocratie, alimente l’instabilité politique, ainsi que des circuits financiers dont les liens avec l’évasion fiscale sont aujourd’hui établis.
Sur une série de points sensibles, la directive européenne et sa traduction dans le projet de loi ne vont pas assez loin. Certains observateurs sont ainsi naturellement déçus par le seuil fixé à 100 000 euros quand d’aucuns espéraient des mailles plus fines, ou par les sanctions, qui ne vont pas jusqu’à l’engagement de la responsabilité de l’entreprise en cas de données erronées.
Ce n’est pas un secret, les réticences britanniques et allemandes sur ces questions ont freiné la démarche européenne pour un standard ambitieux au niveau, a minima, des exigences américaines.
Je salue cependant la position de la France, qui a bataillé à l’échelle européenne, avec le commissaire Barnier, pour un texte ambitieux excluant des dérogations. Le texte européen est, par exemple, applicable aux sociétés cotées ou non cotées, quand le texte américain ne concerne que les premières. De même, contrairement à la législation américaine, il s’applique également aux ressources forestières, ce qui est fondamental pour contribuer à une exploitation durable, en particulier dans les zones menacées de déforestation.
Je me félicite également que le projet de loi de transposition complète le texte initial en verrouillant, notamment, l’interprétation de certaines dispositions qui auraient pu mener au contournement des règles. Je pense en particulier à l’exigence de lisibilité des données fournies par les compagnies ou à la double publication des informations, non seulement auprès du greffe du tribunal de commerce, mais aussi sur les sites internet des entreprises.
À l’occasion des travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, cette demande avait été formulée de façon récurrente par les ONG, dans leur rôle de lanceurs d’alerte.
Globalement, et comme souvent lorsque l’on intervient dans un secteur quasiment non-régulé, ce premier cadre réglementaire ne suffira pas à éradiquer toutes les formes de corruption.
Il est probable que les moyens de contrôle de la qualité des données soient insuffisants et que les sanctions prévues dans le projet de loi se révèlent peu dissuasives. Toutefois, il faut savoir se satisfaire de ce texte, qui témoigne avant tout d’une prise de conscience grandissante que ces pratiques ne doivent plus être tolérées.
Il constitue à la fois une première pierre et un cap à tenir pour la suppression des angles morts concernant l’établissement de nos compagnies à l’étranger. Il instaure la transparence comme idéal et comme vertu cardinale, parce que les agissements sont toujours plus exemplaires quand leurs auteurs se savent sous surveillance. Il entre aussi dans le cadre plus global de la lutte contre les comportements de certaines multinationales « hors sol », qui s’organisent de façon à se dispenser des obligations qu’implique la création de richesses sur un territoire.
Ce texte, enfin, contribue à l’objectif de transparence accrue tout au long de la chaîne de production de richesses, préalable indispensable à une fiscalité plus juste.
Mes chers collègues, cet impératif de transparence produit ses effets au-delà de ce que nous aurions pu imaginer en 2011 lors des travaux de la commission d’enquête précitée.
Mais nous avons tout de même appris dernièrement quelques bonnes nouvelles, que j’évoquerai pour terminer.
Ainsi, en matière d’optimisation, le gouvernement irlandais vient d’annoncer la fin, d’ici à 2020, de son système fiscal, qui faisait de l’Irlande un paradis fiscal pour les multinationales, spécialement dans l’industrie du numérique.
De même, la Suisse vient d’annoncer qu’elle acceptait de supprimer cinq régimes fiscaux très avantageux pour les entreprises étrangères.
Et les pays les plus réfractaires à l’abolition du secret bancaire cèdent un à un face à la pression internationale et acceptent le principe de l’échange automatique des données : le Luxembourg et le Liechtenstein adhéreront à ce principe en 2017, l’Autriche et la Suisse en 2018. Je crois savoir que la France est en train de négocier pour que la Suisse applique ce principe plus rapidement. Monaco et Andorre devront suivre.
Ces deux dernières années témoignent du retour du politique au premier plan en matière financière et fiscale. Les lignes bougent à une vitesse inédite !
La coalition d’États précurseurs, d’organisations internationales telles que l’Union européenne, l’OCDE ou encore le G20, mais aussi d’organisations non gouvernementales, alignés sur un discours fort et cohérent, a permis un volontarisme efficace, dont la vocation est de susciter une plus grande transparence avec, pour objectif final, davantage de justice.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe socialiste votera ce texte, tout en félicitant le rapporteur d’avoir œuvré avec compétence sur un dossier très complexe. (Applaudissements au banc des commissions. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je tiens tout d’abord à remercier les orateurs pour leur contribution à cet exercice difficile et complexe qu’est la transposition de textes européens : elle témoigne du travail approfondi réalisé ici.
Concernant le mécanisme de résolution unique, évoqué à de nombreuses reprises, j’insisterai sur l’importance politique que constitue la mise en place du MRU pour la construction de l’union bancaire. Cela permettra aux contribuables d’être mieux protégés contre les faillites bancaires. Il s’agit aussi d’une avancée pour la zone euro. Notre nouveau prix Nobel d’économie ne le démentirait pas, puisqu’il est partisan d’un renforcement de l’intégration bancaire au sein de la zone euro.
MM. Fortassin, Capo-Canellas et Delattre ont évoqué la contribution au Fonds de résolution unique, sujet financier évidemment important. À cet égard, j’aimerais les rassurer : le Gouvernement est, bien sûr, très impliqué dans la négociation en cours entre la Commission européenne et les États membres. Nous veillons à ce qu’un accord équitable soit trouvé, s’agissant notamment de la contribution des banques françaises et allemandes. Il s’agit là d’un objectif essentiel. Il va de soi que les modèles bancaires, qui sont effectivement différents d’un pays à l’autre, seront préservés.
Il n’y a donc aucune ambiguïté, le Gouvernement est déterminé à trouver un accord équitable pour les secteurs bancaires.
Permettez-moi maintenant de vous apporter quelques éléments d’information sur la méthode et les demandes exprimées par le Gouvernement, puisque vous m’avez interrogée sur ces points.
Nous veillons à ce que le résultat des négociations soit équilibré et ne pénalise pas indûment notre modèle bancaire caractérisé par la concentration, monsieur le rapporteur, et par un faible niveau de dépôts, une partie de l’épargne française étant fléchée vers l’assurance vie et non vers le secteur bancaire.
C'est la raison pour laquelle nous avons été particulièrement vigilants pour faire en sorte qu’une large proportion des financements intragroupes ne soit pas pénalisée. Nous avons donc demandé la déduction des titres de dettes intragroupes de l’assiette des contributions, pour éviter tout double comptage.
Nous demandons aussi que soient reconnus partiellement les accords de compensation sur les contrats dérivés et que soit limitée la variation des contributions du passage d’un fonds de résolution national à un fonds de résolution européen.
Concernant la transparence du dispositif établi à l’article 8 relatif à la directive comptable unique, il est nécessaire de rappeler que le gouvernement français a joué un rôle très actif dans la négociation de ce texte à Bruxelles pour aboutir à un dispositif suffisamment ambitieux. Nous avons été leader pour relayer les revendications faites en particulier par les organisations non gouvernementales et la société civile sur ce sujet.
Ainsi, les paiements effectués devront être publiés par les groupes concernés de manière très détaillée ; c’était une requête du gouvernement français.
Mais nous avons décidé d’aller au-delà des exigences posées par la directive, puisque le texte français prévoit une publication des informations sur internet, afin que celles-ci soient accessibles à tous les citoyens, alors que la directive est moins explicite quant aux conditions de publication des informations concernées.
De nombreux amendements avaient été déposés par les députés, monsieur Gattolin, et vous comprenez naturellement que le Gouvernement partage votre objectif ambitieux. C’est pourquoi certaines exigences de transparence ont été accrues lors de l’examen du projet de loi par l'Assemblée nationale. Le régime de sanctions a été, par exemple, renforcé, puisque l’on est passé d’un régime contraventionnel à un régime délictuel, afin notamment que des peines complémentaires puissent être prononcées, notamment la publication des condamnations.
À ce stade, le Gouvernement est allé au plus loin qu’il lui était possible d’aller, tout en préservant un équilibre qui a été très difficile à trouver au niveau européen, mais cela constitue une avancée absolument majeure. Aller au-delà aujourd'hui – cela ne signifie pas qu’il ne faudrait pas le faire demain ! – reviendrait très clairement à pénaliser les entreprises françaises par rapport à leurs homologues européennes notamment. D’où la difficulté de renforcer plus encore le dispositif relatif à la transparence.
Enfin, le projet de loi précise bien que les groupes de sociétés rendent public un rapport consolidé sur les paiements effectués au profit des gouvernements des pays d’exploitation, et ce sans distinguer selon que ces paiements ont été réalisés par une filiale extractive ou non.
Les rapports consolidés des groupes devront donc inclure l’ensemble des paiements liés à leurs activités extractives, même dans le cas où ces paiements transitent par des filiales non extractives ; c’est d’ailleurs ce qu’a expliqué M. Chiron, ce dont je le remercie.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’union européenne en matière économique et financière
Article 1er
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 648/2012, ainsi que les mesures d’adaptation et d’harmonisation liées à cette directive ;
2° Permettant de rendre applicables aux sociétés de financement, avec les adaptations nécessaires, les mesures prises en application du 1° ;
3° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier, du code de commerce et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du 1° et du 2° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Avec sa courtoisie habituelle, mon collègue Éric Bocquet me laisse prendre la parole la première - je dois m’absenter un court instant -, et je l’en remercie.
Permettez-moi tout d’abord de parler de la méthode.
Voilà des textes importants, des textes qui vont engager la vie économique de notre pays, des textes que nous attendions. En effet, sur les huit sénateurs présents en séance publique, cinq étaient membres de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales. Nous avons donc de la suite dans les idées… (Sourires.)
Nous tenons à manifester notre volonté d’intervenir sur ce sujet à chaque fois que cela nous est possible et d’assurer un suivi. Les textes que nous examinons, certes rapidement aujourd'hui, nous en donnent la possibilité. Dans l’ensemble, nous avons d’ailleurs déposé des amendements identiques, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Comme nous ne sommes pas encore arrivés au résultat escompté, nous continuons notre petit bonhomme de chemin. (Nouveaux sourires.)
Madame la présidente, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous informer que j’ai, dans mon parapheur, une lettre par laquelle nous demandons au nouveau président du Sénat d’instaurer une commission permanente, ou une délégation permanente, pour le suivi de la fraude et de l’évasion fiscales. Nous avions formulé cette demande dans le cadre de la commission d’enquête, mais le président Bel n’avait pas voulu y donner suite. Nous renouvelons aujourd’hui même notre démarche, et je vous remercie de bien vouloir vous faire notre porte-parole auprès du président Larcher.
Pour en revenir plus directement au texte que nous examinons – bien que je ne m’en sois pas tellement éloignée –, je veux vous dire, madame la secrétaire d'État, que nous n’allons pas bouder notre plaisir, puisque nous obtenons quelques résultats, même s’ils sont incomplets.
Vous avez parlé du reporting, laissant cependant de côté un certain nombre de dispositions. Or il reste un travail important à faire concernant les régulateurs ou les agences de notation, notamment, sans oublier l’harmonisation des prix de transfert, qui sont une cause de déperdition d’énergie et de revenus pour les pays à l’origine d’un certain nombre d’industries extractives.
Ce problème des prix de transfert et de leur harmonisation devrait constituer, à mon sens, l’un des fers de lance de votre action auprès de l’Union européenne. C’est à la fois un moyen de frauder le fisc national et de porter atteinte à l’économie d’un certain nombre de pays, qui en sont évidemment les victimes.
Pour terminer tout à fait sur l’article 1er, je veux vous dire que, parmi les sujets que vous avez déjà évoqués et qui feront sûrement l’objet des discussions à venir concernant ces directives, figure incontestablement le problème des banques en ligne et de l’harmonisation de leur réglementation.
Nous venons d’adopter un texte renforçant nos dispositifs relatifs à la lutte contre le terrorisme. Vous le savez très bien, madame la secrétaire d'État, les questions monétaires et financières sont absolument et indissociablement liées aux questions de blanchiment et d’évasion fiscale, ce qui explique que nous soyons tous à vos côtés aujourd'hui.
Je compte vraiment sur vous pour relayer nos demandes sur ces sujets, qui ne sont pas très éloignés de ceux que nous examinons en cet instant. Il s’agit là de questions connexes, qui doivent impérativement faire l’objet d’un suivi. En la matière, la France pourrait vraiment être très en avance par rapport aux autres pays de l’Union européenne ; c’est un désir que nous avons en partage et je vous remercie par avance de le relayer.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Au seuil de cette discussion, permettez-moi quelques propos généraux.
Je ne reviendrai pas ici sur la procédure utilisée pour faire adopter cet article relatif au cadre dans lequel nous allons, à l’avenir, examiner les procédures de résolution des crises et faillites bancaires.
À la vérité, les voies et moyens prévus par la directive ont surtout la particularité d’être suffisamment nombreux, et ils sont essentiellement inspirés des pratiques de chaque État européen confronté au devenir de ses banques. Il faudrait évidemment éviter qu’une partie de l’union bancaire ne soit résumée à ce principe quelque peu simple : « Faites comme bon vous semblera quand la crise viendra. »
La question de la maîtrise publique du secteur financier, qui constitue l’un des enjeux de ce débat, est directement posée par les procédures de résolution. Comme cela a été rappelé, ce sont jusqu’à présent les contribuables qui ont largement été sollicités, au moins autant que les actionnaires, dont les pertes en capital demeurent, rappelons-le, imputables fiscalement.
Est également directement posée dans ce débat la question de l’affectation des ressources collectées par les établissements de crédit et les compagnies financières dans l’économie réelle, au service de la création de richesses, des équilibres sociaux et environnementaux, au-delà de cette « création de valeur » dont se gargarisent trop souvent, à mon goût, les spéculateurs !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts ;
2° Améliorant la gouvernance du fonds de garantie des dépôts et de résolution mentionné à l’article L. 312-4 du code monétaire et financier et adaptant les modalités de contribution de ses membres à son fonctionnement ;
3° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. – (Adopté.)
Article 2 bis
I. - Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter les dispositions du code monétaire et financier à celles du règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010.
II (nouveau). - L'ordonnance prévue au I est prise, sous réserve de la promulgation de la loi autorisant la ratification de l'accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique, dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. L’article 2 bis du projet de loi, qui est, lui aussi, conçu sous la forme d’une demande d’habilitation, porte sur le mécanisme de résolution unique, c’est-à-dire le fonds européen mis en place notamment pour prévenir toute crise bancaire de caractère systémique.
Comme nous l’avons d’ores et déjà indiqué les uns et les autres lors de la discussion générale, ce fonds est appelé à réunir, d’ici à huit ans, une somme de 55 milliards d’euros, collectée à partir des contributions versées par les établissements de crédit des pays de l’Union européenne.
On ne peut pas constater que la BNP, le Crédit agricole, la Société générale ou le groupe BPCE figurent au « top 10 » européen sans que cela ait quelque influence sur le montant des contributions qui pourraient leur être demandées.
Cela étant, il nous semble bien que les sommes mobilisées au travers du mécanisme de résolution unique seront probablement insuffisantes si un problème vient à se poser dans les prochaines années.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 2 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 209 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« X. – Les contributions au Fonds de résolution unique, telles que visées à la section 1 du chapitre 2 du règlement (UE) n° 806/2014, ne sont pas déductibles pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à rendre non déductible de l’impôt sur les sociétés la contribution des banques nationales au Fonds de résolution unique. La raison en est simple : ce fonds constitue une sorte de sécurité donnée au système bancaire.
À considérer les deux dernières décennies, il apparaît que, entre l’introduction de l’euro et 2008, le taux d’endettement public dans la zone euro est demeuré d’environ 70 % du PIB en moyenne, avant de croître à partir de 2008 jusqu’à dépasser 90 % du PIB. Or une grande partie de cette augmentation résulte du fait que ce sont les États, et donc indirectement les contribuables, qui ont soldé la crise des subprimes et la crise du système bancaire de 2008.
Or le Fonds de résolution unique est précisément destiné à faire peser sur les banques l’entière responsabilité de leurs errements et erreurs, passés ou futurs. Si leurs contributions, qui ne sont pas des charges mais des réserves, pouvaient être partiellement défiscalisées, le budget de l’État serait privé d’une ressource importante.
En effet, sur une dotation totale de 55 milliards d’euros allouée au Fonds de résolution unique, la contribution des banques françaises devrait représenter, selon les calculs, entre 15 et 17 milliards d’euros, comme M. Delattre vient de le faire observer. Si ces sommes étaient déductibles de l’impôt sur les sociétés, la perte de recettes pour le budget de l’État s’élèverait à 650 millions d’euros par an, soit plus de 5 milliards d’euros en huit ans !
En tant que nouveau membre de la commission des finances, et considérant le souci que nous avons de la rigueur dans les comptes publics et du retour à l’équilibre, je trouve extrêmement dangereux que nous nous privions d’une ressource aussi importante.
C’est pourquoi je propose que les sommes engagées par les banques françaises au titre du Fonds de résolution unique ne puissent pas être déduites de l’impôt sur les sociétés.
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Une perte fiscale de 650 millions d’euros, c’est un argument de poids et qui mérite d’être considéré, surtout compte tenu des difficultés qui sont actuellement rencontrées pour établir le budget.
En vérité, je reconnais avoir un peu hésité au sujet de cet amendement.
Reste que les contributions dont nous parlons ne sont pas à proprement parler des réserves, mon cher collègue : elles abonderont le Fonds, qui deviendra progressivement un fonds unique par fusion de ses différents compartiments. Il n’est pas prévu que ces sommes puissent, pour une raison ou pour une autre, être rendues aux banques.
En outre, il faut se représenter que les banques françaises acquittent déjà, à hauteur d’un peu plus de 1 milliard d’euros, la taxe systémique versée au budget général de l’État, mais destinée à alimenter une réserve virtuelle qui permettrait de faire face à d’éventuelles difficultés. Or les banques allemandes, par exemple, ne sont pas assujetties à une telle taxe.
Enfin, s’il est vrai que les pertes pour le budget de l’État s’élèveraient à 650 millions d’euros par an sur la base d’un taux apparent d’imposition sur les sociétés de l’ordre de 33 %, il faut considérer que le taux d’imposition réel, comparé à celui des entreprises allemandes et compte tenu de certains mécanismes de compensation, est compris entre 20 et 25 %.
Dans ces conditions, je ne pense pas que M. Gattolin doive être suivi dans sa proposition. La commission, sur ma recommandation, a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 13, quelque intérêt qu’il y ait eu à en débattre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avis que vient de donner M. Yung me semble tout à fait justifié.
En réalité, la présente discussion n’est pas adaptée à un débat sur la déductibilité des futures contributions des banques au Fonds de résolution unique.
D’une part, en effet, ces contributions sont encore en cours de négociation, comme Mme Lemaire vient de le rappeler, de sorte que les montants précis n’en sont pas encore connus. Au demeurant, dans les discussions avec nos partenaires européens, nous veillons, conformément au souhait du Sénat, au caractère équitable des futures contributions des banques françaises.
D’autre part, et surtout, les mesures fiscales n’ont pas leur place dans les textes de loi autres que les lois de finances, quel que soit l’intérêt intellectuel qui s’attache au débat ouvert par M. Gattolin.
À l’évidence, le mécanisme de résolution unique, pour la mise en place duquel le Gouvernement sollicite l’habilitation du Parlement, est un pilier essentiel de la future union bancaire. Il faut aujourd’hui que nous adoptions les mesures permettant l’abondement de ce fonds, qui est un instrument absolument décisif de la stabilité du système bancaire européen, et donc de l’économie européenne.
Par ailleurs, il faudra être attentif aux effets que ce système pourrait avoir sur la fiscalité. En effet, il est évident qu’il n’a pas vocation à dispenser les banques d’acquitter leur impôt sur les sociétés, même si, comme il vient d’être rappelé, elles sont largement mises à contribution par d’autres biais.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), modifiée en dernier lieu par la directive 2014/51/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 mars 2014 modifiant les directives 2003/71/CE et 2009/138/CE et les règlements (CE) n° 1060/2009, (UE) n° 1094/2010 et (UE) n° 1095/2010 en ce qui concerne les compétences de l'Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) et de l'Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers) et, le cas échéant, à la mise en œuvre des actes délégués et des actes d’exécution prévus par cette directive ;
2° Adaptant, pour la mise en œuvre de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, précitée, des actes délégués et des actes d'exécution mentionnés au 1°, le régime juridique des organismes régis par le code des assurances et par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, des mutuelles et unions relevant du code de la mutualité et des compagnies financières holding mixtes mentionnées à l’article L. 517-4 du code monétaire et financier ;
3° Créant, pour la mise en œuvre de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, précitée, des actes délégués et des actes d'exécution mentionnés au 1°, de nouvelles formes juridiques de groupe d’organismes exerçant une activité d’assurance ou de réassurance ;
4° Modifiant et complétant les dispositions du code monétaire et financier relatives à la coopération et l’échange d’informations entre l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et les autorités compétentes des États non membres de l’Espace économique européen, afin d’harmoniser les dispositions applicables en matière d’assurance avec celles existant en matière bancaire ;
5° Nécessaires à l’application dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon des actes délégués et des actes d'exécution de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, précitée, mentionnés au 1° ;
6° Permettant de rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles des codes des assurances, de la mutualité et de la sécurité sociale et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des mesures prises en application du 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Delattre, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exclusion des activités des mutuelles de santé relevant du code de la mutualité
II. - Alinéa 3
Supprimer les mots :
, des mutuelles et unions relevant du code de la mutualité
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Cet amendement porte sur les mutuelles de santé, qui par nature servent des prestations incertaines et variables parce qu’elles disposent de ressources elles-mêmes incertaines et variables.
La directive Solvabilité II prévoit, dans trois de ses articles, des possibilités d’exemption. Or, selon leurs représentants, les mutuelles de santé satisfont aux critères d’exemption. C’est au nom de ces professionnels, et avec le soutien de quelques-uns de mes collègues, que je crois utile d’ouvrir un débat sur ce sujet.
Je me fais donc en quelque sorte le bras séculier en présentant cet amendement, dans l’intention d’obtenir du Gouvernement des éclaircissements sur les critères susceptibles de fonder une exemption.
Le fait est que les critères d’exemption retenus pour d’autres secteurs, en termes de volume et de montant comme de type d’activités, laissent penser que les mutuelles de santé pourraient, elles aussi, être exemptées du dispositif.
C’est pourquoi, même si ma proposition est peut-être difficilement acceptable dans le cadre de la discussion de ce projet de loi, il serait utile que le Gouvernement apporte une réponse à la profession.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, même si elle comprend l’intention de son auteur.
D’abord, les petites mutuelles, celles qui encaissent moins de 5 millions d’euros par an, sont exclues du champ du dispositif.
Ensuite, les mutuelles de santé ne forment pas une catégorie spécifique de mutuelles, de sorte qu’il est difficile d’introduire au sein du code de la mutualité des règles qui leur seraient propres. Sans compter que cela serait dérogatoire au droit européen, je pense entre autres à l’annexe III de la directive.
Enfin, je dois dire que les représentants de la Mutualité française, lors des contacts que j’ai eus avec eux, ne m’ont pas indiqué qu’ils souhaitaient bénéficier d’une telle exemption.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, parce qu’il n’est pas conforme au champ de la directive Solvabilité II, comme en témoignent les annexes I et III.
S’agissant des formes juridiques, l’annexe III mentionne bien les mutuelles régies par le code de la mutualité comme entrant dans le champ de la directive.
S’agissant de la nature des opérations, l’annexe I de la directive fait mention des branches d’activité « accidents » et « maladie », ce qui correspond à l’activité des mutuelles actives dans le domaine de l’assurance santé prévoyance, de la complémentaire santé ou de la couverture contre l’incapacité et l’invalidité.
Il faut aussi rappeler que la directive Solvabilité II prévoit des exclusions en deçà du seuil de 5 millions d’euros de chiffres d’affaires. Cette mesure exonérera les organismes les plus petits, ce qui, monsieur Delattre, répond, je pense, à votre préoccupation essentielle.
Si cet amendement était adopté, nous risquerions de nous placer en état de défaut de transposition. De là l’avis défavorable du Gouvernement.
Mme la présidente. Monsieur Delattre, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Francis Delattre. Dès lors qu’un mécanisme d’exemption est prévu pour les structures les plus modestes, les choses doivent pouvoir s’arranger… Je retire donc mon amendement, en me félicitant qu’il ait permis aux représentants de la mutualité d’obtenir des réponses. Le fait est que ce secteur est vaste, et que chacun sur son territoire rencontre des mutualistes.
M. Richard Yung, rapporteur. Merci, mon cher collègue !
Mme la présidente. L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par MM. Germain et Chiron, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au sixième alinéa de l’article L. 132-5-2 du code des assurances, les mots : « de plein droit » sont remplacés par les mots : « , pour les souscripteurs de bonne foi, ».
La parole est à M. Jacques Chiron.
M. Jacques Chiron. Le code des assurances prévoit pour tout souscripteur d’une assurance vie le droit de renoncer à son contrat dans un délai de trente jours calendaires à compter de la conclusion du contrat. La compagnie d’assurance avec laquelle il a signé le contrat doit alors lui restituer l’intégralité des sommes versées.
L’assureur a l’obligation de remettre à son client, au moment de la souscription du contrat, un document d’information comportant des mentions obligatoires, qui assurent notamment l’information du souscripteur sur ses droits et sur les caractéristiques principales de son contrat d’assurance. En cas de défaut d’envoi d’une telle notice avant la conclusion du contrat, le délai de renonciation peut être prorogé jusqu’à huit ans après la conclusion.
Ce dispositif est conforme à la lettre de la loi, qui vise à protéger le consommateur dans ses rapports, nécessairement inégaux, avec les assureurs. Il conduit toutefois à des effets pervers lorsque de gros investisseurs avertis et qualifiés se saisissent, avec l’aide d’avocats spécialisés, de la moindre faute formelle constatée dans les documents remis pour faire annuler leurs pertes éventuelles. Ainsi, certains investissent plusieurs centaines de milliers d’euros en actions sur des contrats risqués, dans l’intention d’engranger les plus-values potentielles, mais de renoncer au contrat en cas de pertes. Or ces pertes sont alors reportées sur les autres assurés, qui sont en majorité des épargnants petits et moyens.
De plus, cette situation dissuade les assureurs de proposer des contrats comportant une part de risque en capital, alors que ces contrats, pour partie investis en actions et profilés pour une détention longue, sont les plus favorables au financement de l’économie. Il en va ainsi, d’ailleurs, du nouveau contrat Euro-croissance, dont certains assureurs ont déjà annoncé qu’ils ne les distribueraient pas.
Le présent amendement tend donc à réserver la prorogation du délai de renonciation au souscripteur « de bonne foi », notion classique de notre droit civil, laissée à l’appréciation du juge.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement vise en quelque sorte à combler un vide juridique qui permet de détourner la législation, si bien que, loin de servir à protéger les souscripteurs de bonne foi qui auraient été mal informés, elle est plutôt utilisée par des professionnels qui suivent l'évolution des contrats d’assurance et décident d’acheter ou de vendre au bon moment.
La commission a estimé que le présent amendement allait dans le bon sens et elle a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Cet amendement tend à un ajustement du droit de la consommation en matière d'assurance vie. Il vient clarifier le droit existant et faciliter le développement des nouveaux contrats d’assurance vie Euro-croissance tout en assurant la protection effective des souscripteurs de bonne foi.
Cet amendement prévoit un encadrement a minima de l’usage de la prorogation du délai prévu pour l’exercice du droit de renonciation. Dans la mesure où, en droit français, la bonne foi se présume – c’est l’article 2274 de notre code civil –, il appartiendra à l’assureur qui contesterait l’exercice par un assuré du droit de renonciation dans un délai prorogé de démontrer la mauvaise foi.
Je veux insister sur le fait qu’une telle disposition n’aura pas de portée rétroactive et ne concernera donc pas les contrats déjà signés.
Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à l'amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Article 4
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Permettant de rendre applicable, avec les adaptations nécessaires, le code des assurances à Mayotte ;
2° Actualisant les dispositions relatives aux contrats d’assurance, aux assurances obligatoires, aux organisations et régimes particuliers d’assurance et aux intermédiaires d’assurance dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
Article 4 bis
(Non modifié)
Au quatrième alinéa de l’article L. 229-5 du code de l’environnement, les mots : « l’annexe I » sont remplacés par les mots : « l’annexe II ». – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
I. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 597-31 du code de l’environnement est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le ministre chargé de l’économie contrôle le respect par les exploitants nucléaires de l’obligation prévue à la première phrase. À cette fin, l’exploitant communique chaque année au ministre chargé de l’économie les conditions générales et spéciales du contrat d’assurance qu’il a souscrit ou les modalités des garanties financières couvrant sa responsabilité civile nucléaire. »
I bis . – La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 597-7 du même code est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le ministre chargé de l’économie contrôle le respect par les exploitants nucléaires de l’obligation prévue à la première phrase. À cette fin, l’exploitant communique chaque année au ministre chargé de l’économie les conditions générales et spéciales du contrat d’assurance qu’il a souscrit ou les modalités des garanties financières couvrant sa responsabilité civile nucléaire. »
II. – Les I et I bis sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
Article 6
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi, à l'exception de celles intervenant en matière répressive :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2013/50/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé, la directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation et la directive 2007/14/CE de la Commission portant modalités d’exécution de certaines dispositions de la directive 2004/109/CE ;
2° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du 1° du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 451-1-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du second alinéa du I, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix » ;
b) À la fin du 3° du II, les mots : « d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen » sont remplacés par le mot : « français » ;
c) Au premier alinéa du III, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
d) Les deux derniers alinéas du III sont ainsi rédigés :
« Ce rapport financier semestriel, qui est tenu à la disposition du public pendant dix ans, comprend des comptes complets ou condensés pour le semestre écoulé, présentés sous forme consolidée le cas échéant, un rapport semestriel d’activité, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents et le rapport des commissaires aux comptes ou des contrôleurs légaux ou statutaires sur l’examen limité des comptes précités.
« Les commissaires aux comptes font état, dans leur rapport d’examen limité, de leurs conclusions sur le contrôle des comptes complets ou condensés et de leurs observations sur la sincérité et la concordance avec ces comptes des informations données dans le rapport semestriel d’activité. » ;
d bis (nouveau)) Le IV est abrogé ;
e) Au V, les références : « III et IV » sont remplacées par la référence : « et III » ;
2° L’article L. 451-1-4 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le Fonds européen de stabilité financière établi par l’accord-cadre du 9 mai 2010 et le Mécanisme européen de stabilité institué par le traité signé, à Bruxelles, le 2 février 2012, et tout autre mécanisme établi en vue de préserver la stabilité financière de l’Union monétaire européenne en prêtant une assistance financière temporaire à des États membres dont la monnaie est l’euro. » ;
3° L'article L. 451-1-6 est ainsi rédigé :
« La direction de l’information légale et administrative assure le stockage centralisé de l'information réglementée, prévu à l'article 21 de la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE.
« Le public peut avoir accès à cette information durant les dix années qui suivent le stockage de celle-ci. Les conditions d’application du présent alinéa sont précisées par arrêté du Premier ministre. » ;
4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 451-2-1, la référence : « au I de l’article L. 412-1 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 451-1-2 » ;
5° Au a du 2° du II des articles L. 744-12, L. 754-12 et L. 764-12, les références : « aux 1° et 3° du II, au III et au IV » sont remplacées par les références : « au 1° du II et au III ».
III. – (Non modifié) Les 1°, 3° et 4° du II sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
IV. – (Non modifié) Au second alinéa de l’article L. 232-7 du code de commerce, la référence : « IV » est supprimée. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. de Montgolfier, Commeinhes, del Picchia, Sido, J. Gautier, Revet, Dallier et Doligé, Mme Des Esgaulx, MM. Malhuret, Cambon, B. Fournier, Bizet, Longuet, de Nicolaÿ, Bas, Magras, Houpert et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Trillard, Gremillet, Milon et Mandelli, Mme Primas, MM. Gournac, Charon et Pellevat et Mme Deseyne, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 621-30 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les recours mentionnés à l’alinéa précédent visent une décision individuelle de l’Autorité des marchés financiers relative à une offre publique mentionnée à la section 1, à la section 2 ou à la section 3 du chapitre III du titre III du livre IV du présent code, la juridiction saisie se prononce dans un délai de cinq mois à compter de la déclaration de recours. »
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Cet amendement vise à améliorer la compétitivité de la place financière de Paris dans le cadre d’OPA – les offres publiques d’achat –, notamment des OPA amicales.
D’une façon générale, les OPA nécessitent une décision de conformité de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers. Cette décision peut faire l’objet de recours. Or l’expérience montre que, de ce fait, les délais se sont considérablement allongés, y compris dans le cas d’une OPA amicale, ce qui peut nuire à la compétitivité de la place de Paris. Je pourrais prendre l’exemple du rapprochement entre Icade et Silic : les recours exercés ont retardé l’opération.
Cet allongement des délais est très préjudiciable, à la fois pour l’initiateur de l’offre et pour la société cible.
Ainsi, pour renforcer la compétitivité de la place de Paris concernant les OPA, y compris les OPA amicales, l'amendement tend à fixer à la Cour d’appel de Paris, qui est compétente en la matière, un délai pour se prononcer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Pour les raisons excellemment explicitées par son auteur, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Gouvernement estime également que cet amendement d’ajustement juridique du cadre des OPA va dans le bon sens.
Dans la période récente, les délais de jugement contentieux liés à des offres publiques d’achat ont été trop longs, ce qui pourrait en effet porter préjudice à l’attractivité de la place de Paris.
Cet amendement tendant à corriger cet état de fait, le Gouvernement y est favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Article 7
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil. – (Adopté.)
Article 8
(Non modifié)
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 221-7, il est inséré un article L. 221-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-7-1. – L’article L. 225-102-3, à l’exception du III, est applicable aux sociétés en nom collectif dont tous les associés indéfiniment responsables sont des sociétés à responsabilité limitée ou des sociétés par actions.
« Le rapport mentionné au même article L. 225-102-3 est établi par le gérant.
« Ce rapport est déposé au greffe du tribunal de commerce, pour être annexé au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée des associés ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique. Il fait également l’objet, dans les mêmes délais, d’une publication gratuite, accessible au public et lisible sur le site internet de la société, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. » ;
2° Après l’article L. 223-26, il est inséré un article L. 223-26-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 223-26-1. – L’article L. 225-102-3, à l’exception du IV, est applicable aux sociétés à responsabilité limitée.
« Les rapports mentionnés au même article L. 225-102-3 sont établis par les gérants.
« Ces rapports sont déposés au greffe du tribunal de commerce, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée générale des actionnaires ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique. Ils font également l’objet, dans les mêmes délais, d’une publication gratuite, accessible au public et lisible sur le site internet de la société, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. » ;
3° Après l’article L. 225-102-2, il est inséré un article L. 225-102-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-102-3. – I. – Les sociétés mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 123-16-2 ou celles qui dépassent, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, deux des trois seuils fixés, respectivement, pour le total de bilan, le montant net du chiffre d’affaires ou le nombre moyen de salariés et dont tout ou partie des activités consiste en l’exploration, la prospection, la découverte, l’exploitation ou l’extraction d’hydrocarbures, de houille et de lignite, de minerais métalliques, de pierres, de sables et d’argiles, de minéraux chimiques et d’engrais minéraux, de tourbe, de sel ou d’autres ressources minérales ou en l’exploitation de forêts primaires rendent public annuellement et dans les conditions fixées au III du présent article un rapport sur les paiements effectués au profit des autorités de chacun des États ou territoires dans lesquels elles exercent ces activités.
« Par dérogation au premier alinéa du présent I, les sociétés mentionnées au même premier alinéa et les sociétés qui contrôlent, au sens de l’article L. 233-16, une société remplissant les conditions prévues au même I et qui sont tenues d’établir des comptes consolidés en application du même article L. 233-16 rendent public un rapport consolidé sur les paiements effectués au profit des autorités d’un ou plusieurs États ou territoires.
« II. – Une société contrôlée remplissant les conditions du I du présent article et celles de l’article L. 233-19 n’est pas incluse dans le champ du rapport consolidé mentionné au second alinéa du I du présent article.
« Les sociétés contrôlées répondant aux conditions prévues au même I ne sont pas tenues de publier un rapport lorsque leur société consolidante relève du droit d’un État membre de l’Union européenne et que les paiements effectués par ces sociétés sont inclus dans le rapport consolidé établi par la société consolidante en application de la législation dont elle relève.
« III. – Le rapport sur les paiements prévus au I mentionne le montant de tout versement individuel, ou ensemble de versements lorsque ceux-ci sont liés entre eux, égal ou supérieur à 100 000 € au cours de l’exercice précédent et qui est effectué au profit de toute autorité nationale, régionale ou locale d’un État ou territoire, ou de toute administration, agence ou entreprise contrôlée, au sens de l’article L. 233-16, par une telle autorité, ainsi que le montant des paiements effectués pour chacune des catégories de paiements définies comme suit :
« 1° Droits à la production ;
« 2° Impôts ou taxes perçus sur le revenu, la production ou les bénéfices des sociétés, à l’exclusion des impôts ou taxes perçus sur la consommation, tels que les taxes sur la valeur ajoutée, les impôts sur le revenu des personnes physiques ou les impôts sur les ventes ;
« 3° Redevances ;
« 4° Dividendes ;
« 5° Primes de signature, de découverte et de production ;
« 6° Droits de licence, frais de location, droits d’entrée et autres contreparties de licence et/ou de concession ;
« 7° Paiements pour des améliorations des infrastructures.
« Lorsque ces paiements ont été imputés à un ou plusieurs projets spécifiques, le rapport précise également le montant total et par catégorie des paiements effectués pour chacun des projets.
« Un projet désigne les activités opérationnelles régies par un contrat, une licence, un bail, une concession ou tout autre accord juridique similaire ou par un ensemble de ces accords lorsque ceux-ci ont un lien substantiel entre eux, et constituant la base d’obligations de paiement.
« IV. – Le rapport sur les paiements prévu au I fait l’objet d’une approbation par le conseil d’administration ou le directoire. Il est déposé au greffe du tribunal de commerce, pour être annexé au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée générale des actionnaires ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique. Il fait également l’objet, dans les mêmes délais, d’une publication gratuite, accessible au public et lisible sur le site internet de la société, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État.
« V. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, en ce qui concerne notamment les seuils prévus au premier alinéa du I, les catégories de paiements prévues au premier alinéa du III et la publication sur le site internet de la société prévue au IV.
« VI. – Le fait de ne pas satisfaire aux obligations de publicité prévues au IV ou de publier des informations partielles ou erronées est puni d’une amende de 3 750 €.
« Les personnes morales encourent, outre cette amende, la peine complémentaire prévue au 9° de l’article 131-39 du code pénal. » ;
4° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 227-1, après la référence : « L. 225-17 à », sont insérées les références : « L. 225-102-2, L. 225-103 à ».
II. – Le présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Nous sommes parvenus à un passage clé de ce texte – du reste, l’article 8 héberge la plus grande partie des amendements. Il nous est donc loisible de constater que l’initiative citoyenne surgit dans l’hémicycle et qu’elle est relayée par le droit parlementaire ; cela nous met face aux enjeux réels et d’importance de ce texte, en apparence technique, mais hautement politique.
Ici, on ne trouve pas d’ordonnance ni d’habilitation, mais une modification assez substantielle du code du commerce régissant pour partie la vie des entreprises et singulièrement, ici, les obligations des entreprises d’exploitation forestière et des entreprises spécialisées dans l’extraction de minerais ou d’hydrocarbures.
Nous portons donc ici les préoccupations exprimées par des associations engagées dans les problématiques du développement et des rapports économiques issus de la mondialisation, notamment en matière de transparence de la situation des comptes et des opérations menées par les entreprises des secteurs de l’industrie extractive et de l’exploitation forestière.
Il est donc évident que l’article 8 aura d’autant plus de sens et de portée qu’il aura été amélioré par l’adoption des amendements proposés, qui portent la marque de ces préoccupations.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 9 est présenté par Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
exercent ces activités
par les mots :
ont des entités incluses dans leur périmètre de consolidation
La parole est à M. Éric Bocquet, pour défendre l’amendement n° 4.
M. Éric Bocquet. Je serai bref, le ton ayant été donné dans mon intervention initiale.
En application de la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et afin de permettre la détection des pratiques d’évitement et de fraude fiscale, les obligations de reporting doivent être étendues à tous les territoires où les entreprises ont des implantations. Ainsi, d’éventuelles pratiques de transferts de bénéfices au profit des juridictions offshore seront mises en lumière, ou évitées.
Mme la présidente. L'amendement n° 9 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 14, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport prend en compte pour chaque société les paiements effectués par l'ensemble des entités incluses dans son périmètre de consolidation.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Les amendements que nous examinons se ressemblent, sans être tout à fait similaires.
Avec la demande d’information issue de la rédaction de notre amendement, nous avons cherché à préciser la formulation de la transposition : en l’état, elle semble imposer la seule publication des paiements effectués depuis les filiales situées dans les États concernés, et nous paraît donc ambiguë.
À cet égard, j’aurais peut-être une critique à formuler sur l'amendement de mon collègue Éric Bocquet en ce que son libellé tend à intégrer toutes les filiales, dans tous les territoires…
Ce que vise la loi Canfin, la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale du 7 juillet dernier, c'est précisément l’ensemble des transactions effectuées dans le pays d’extraction par les sociétés et leurs filiales, quelle que soit l’origine de ces filiales.
Il importe donc de préciser le texte. Tout à l'heure, la secrétaire d'État Axelle Lemaire me disait que ma demande était satisfaite. Eh bien, si elle l’est, il serait tout de même bon de le préciser dans le texte car, selon la lecture que j’en fais, une ambiguïté demeure. Ce texte ne recoupe pas la loi d’orientation et de programmation précitée, ce qui est véritablement dommageable pour une transposition.
J’ajoute que la transposition s'inscrit dans le cadre d’un droit européen qui, lui-même, s'inscrit dans le cadre du droit international.
En effet, cette initiative ne concerne pas uniquement les pays européens : elle a été prise à la suite du G8 de Deauville de 2011 et, dans l’ensemble, elle a débouché sur des mesures qui sont entrées en vigueur dans un grand nombre de pays d’extraction, mais aussi dans des pays extracteurs.
Ainsi, les Américains ont adopté le Dodd-Frank Act, qui en est même une adaptation si rigoureuse que l’on évoque des recours de certaines sociétés auprès de la Cour suprême. Les exigences posées par les Américains vis-à-vis de leurs sociétés extractives et minières sont donc plus importantes que celles qui résultent de la directive…
Voilà pourquoi il convient de rester précis. Dans tous les cas, il importe d'abord de respecter notre propre droit, et donc de nous conformer exactement, dans cet exercice de transposition, à ce que nous avons voté dans le cadre de la loi Canfin. L'amendement a précisément cet objet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 4 et 14, et ce pour plusieurs raisons. Sans doute y-a-t-il une différence de perspective entre M. Bocquet et M. Gattolin, mais ils font l’un et l’autre référence à la loi Canfin, ce que je peux comprendre. Cela étant, pour notre part, nous nous attachons à transposer la directive européenne, ce qui explique que nos angles d’approche respectifs ne soient pas tout à fait les mêmes.
Comme je l’ai dit dans la discussion générale, l’article 8 a pour objet de lutter contre la corruption et le pouvoir corrupteur d’industries exerçant certaines activités condamnables dans des zones bien connues. Ce n’est pas une approche fiscale, c’est une approche de droit empreinte d’un souci de transparence et de moralité.
L’Assemblée nationale a en outre précisé que le reporting en question s’appliquait à toute société française dès lors que l’une de ses filiales, dans quelque pays que ce soit, opère dans le domaine visé par la loi : mines, hydrocarbures, forêts.
Ainsi, tel qu’il est rédigé, l’article 8 s’impose déjà à toute société minière appartenant à un groupe français. A contrario, l’article 8 ne vise pas les sociétés du groupe exerçant des activités autres qu’extractives et minières. C'est là, sans doute, un point de désaccord, mais c'est que nous procédons à la transcription du dispositif tel que prévu par la directive.
C'est pourquoi nous sommes défavorables à ces amendements, étant entendu que la différence entre la rédaction de M. Gattolin et de M. Bocquet est par ailleurs assez ténue…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. L’article 8 transpose un article de la directive comptable unique concernant les industries extractives au sens large – entreprises pétrolières et minières, exploitations forestières – et la lutte contre la corruption dans leur activité.
Ces deux amendements tendent à étendre le champ de l’obligation de publication des paiements des entreprises extractives à leurs filiales situées dans d’autres pays. Deux arguments sont évoqués : la transposition fiscale et la lutte contre un éventuel contournement de l’obligation de transparence.
Sur le premier point, la détermination du Gouvernement à lutter contre la fraude fiscale est, vous le savez, totale. Cependant, une telle extension du périmètre du dispositif de publication s'éloigne de l’objet du présent article, qui se concentre sur les sommes versées par les entreprises au titre de leurs activités extractives aux gouvernements des pays où sont exploitées des matières premières afin de lutter contre la corruption dans ces secteurs et de favoriser une meilleure utilisation des revenus ainsi générés au service de leur population.
En pratique, l’inclusion des filiales non extractives dans le périmètre de l’obligation de reporting à laquelle tendent les amendements nos 4 et 14 serait peu pertinente dans la mesure où les informations exigées par la directive sont adaptées aux spécificités du secteur extractif – primes de signature et droits à la production, par exemple. En outre, elle pourrait déboucher, paradoxalement, sur une moindre l’efficacité du dispositif en termes de transparence, en mélangeant des sommes issues d’activités très différentes et peu pertinentes au regard de l’objectif du texte.
J’en viens au second point, le risque de contournement de l'obligation. Nous y sommes évidemment très attentifs. En effet, il n’est pas question que les versements faits aux pays d’exploitation soient dissimulés en les faisant transiter par une filiale d’un pays tiers – c'est bien là l’inquiétude qui est ici exprimée. Mais la rédaction de la directive et du projet de loi qui vous est présenté empêche déjà un tel contournement, comme le rapporteur vient de l’indiquer.
En effet, le texte précise bien que tous les paiements effectués par le groupe aux gouvernements des pays d’où sont extraites les ressources naturelles doivent être retracés, et non pas seulement les paiements qui sont versés directement par la filiale située dans le pays en question. Si le groupe voulait utiliser une filiale située dans un autre pays pour verser des fonds au gouvernement du pays où est exploitée la ressource naturelle, cela serait couvert par l’obligation de reporting.
En d’autres termes, tous les paiements aux gouvernements des pays concernés seront retracés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements, non pas parce que nous aurions un désaccord sur le fond avec leurs auteurs, mais parce que la rédaction de la directive et de sa transposition couvre bien les mécanismes de contournement qui pourraient être mis en œuvre.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 10 est présenté par Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que des informations favorisant la transparence, telles que celles mentionnées au III de l’article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 10.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, ayant manqué le premier train d’amendements, je ne vais pas rallonger les débats, d’autant que j’ai déjà suffisamment œuvré aujourd’hui dans cette maison ! (Sourires.)
Je voudrais simplement interroger le Gouvernement sur les prix de transfert entre filiales : seront-ils mentionnés ? C’est en effet un sujet qui nous préoccupe beaucoup.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Ces deux amendements identiques vont au-delà de ce qui est prévu par la directive, raison pour laquelle la commission a émis, ici encore, un avis défavorable. Ainsi que je l’ai souligné précédemment, il s’agit bien de lutter contre la corruption et non contre l’évasion fiscale.
Parce que ces amendements introduiraient une certaine distorsion de concurrence en défaveur des entreprises françaises, la commission n’y est pas favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Tout d’abord, sur la question de Mme Goulet concernant les prix de transfert entre filiales, je souligne que, si ce sujet est important, il est néanmoins étranger au texte dont nous débattons. Il s’agit ici des versements effectués par des groupes ou des filiales à des gouvernements et non pas des virements entre composantes d’un même groupe, entre filiales ou entre des filiales et la maison mère.
Les amendements identiques nos 5 et 10 prévoient d’étendre aux entreprises des secteurs extractif et forestier le dispositif de transparence, pays par pays, qui a été imposé en 2013 aux banques par la loi de de séparation et de régulation des activités bancaires et la directive CRD IV. Mais, pour les raisons déjà évoquées lors de l’examen des amendements précédents, une telle extension du dispositif de transparence applicable aux entreprises extractives n’est pas souhaitable, car elle vise un objectif politique très différent, qui conduirait à brouiller le message principal porté par l’article 8.
Donc, à l’instar de la commission, nous ne sommes pas favorables à ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 10.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que des informations favorisant la transparence, telles que celles mentionnées au III de l’article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je partage l’avis de M. le rapporteur, pour les raisons précédemment évoquées.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 11 est présenté par Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 24
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le rapport sur les paiements prévu au I donne également, pour chacune des entreprises concernées et leurs entités, pays par pays et projet par projet, des informations sur :
« 1. Le nom de leurs implantations et la nature de leurs activités ;
« 2. Le chiffre d’affaires ;
« 3. Les effectifs, en équivalent temps plein ;
« 4. Les bénéfices ou perte avant impôt ;
« 5° Le montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables ;
« 6° Les subventions publiques reçues.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 7.
M. Éric Bocquet. J’ai abordé par anticipation dans la discussion générale la question des critères que nous souhaiterions voir figurer au titre des opérations de reporting.
Sans entrer dans le détail des informations que nous demandons – elles figurent dans le texte de l’amendement -, je compléterai mon propos en disant qu’en 2013 la France s’est positionnée clairement en faveur de la publication de ces informations dans tous les secteurs au niveau européen. M. Hollande a ainsi indiqué, le 10 avril 2013, parlant de l’obligation de reporting pays par pays : « Je veux que cette obligation soit également appliquée au niveau de l’Union européenne et, demain, étendue aux grandes entreprises ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 11.
Mme Nathalie Goulet. J’ajouterai à ce que vient de dire Éric Bocquet, avec qui je forme depuis trois ou quatre ans un duo transparti sur les problèmes d’évasion fiscale, qu’un peu de détail dans ces obligations serait tout de même bienvenu, ne serait-ce que pour montrer que nous donnons une suite législative et normative au travail effectué par nos commissions d’enquête.
Le travail finit en effet par payer. Nous avons obtenu des résultats – nous n’en attendions pas aussi rapidement –dans des textes récents, notamment ceux de 2013. Il faut donc selon moi s’obstiner et continuer à ouvrir la voie même si la solution se trouve au niveau européen.
Il ne faut pas non plus hésiter dans ces projets de loi d’adaptation – les assemblées ne sont pas que des chambres d’enregistrement – à montrer notre singularité dérangeante… Je maintiens qu’il faut plus de précisions et je soutiens l’amendement d’Éric Bocquet, que j’ai copié !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements essentiellement pour les mêmes raisons que précédemment.
Monsieur Bocquet, vous avez cité le Président de la République et je vous en remercie. (Sourires.)
M. Éric Bocquet. C’est une référence !
M. Richard Yung, rapporteur. C’est certes une référence, mais ce que souhaite certainement le Président, c’est que tout le monde avance du même pas. C’est bien joli de vouloir que la France éclaire le monde, mais, en la matière, on doit aussi s’occuper de l’intérêt de nos entreprises !
Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à une extension du domaine…des informations ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Nous partageons l’avis du rapporteur.
Monsieur Bocquet, je vous rassure, nous sommes bien dans la ligne de ce qu’a souhaité le Président de la République, que vous avez eu la gentillesse de citer.
Nous sommes en train de transposer une directive qui est le résultat de la bataille que nous avons menée concernant les entreprises du secteur extractif, les entreprises bancaires étant déjà, pour nous, concernées.
Notre objectif est d’aller le plus loin possible ; c’est ce qu’a exprimé le Président de la République et c’est ce que nous proposons à nos partenaires, mais nous commençons par transposer ce que nous avons obtenu.
Aujourd’hui, il faut que la transposition corresponde à la directive et que nous continuions à avancer avec nos partenaires européens, car nous sommes convaincus que cela devra concerner, à terme, toutes les grandes entreprises de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Mais nous commençons par mettre en œuvre cette transposition dans les domaines où nous avons obtenu qu’il y ait une directive.
Nous ne sommes donc pas favorables à ces amendements, non pas sur le fond, mais parce qu’il s’agit aujourd’hui de transposer ce que nous avons déjà obtenu.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 11.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 12 est présenté par Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 25
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les principaux marchés conclus entre les sociétés mentionnées au I et l’État qui énoncent les principales dispositions et conditions régissant l’exploitation d’une ressource, ainsi que tout avenant important dudit marché font l’objet d’une publication gratuite, accessible au public et dans un format permettant leur utilisation sur le site internet de la société.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 12.
Mme Nathalie Goulet. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Pour les arguments de fond que nous avons évoqués précédemment, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
De surcroît, publier les marchés constituerait une obligation évidemment assez lourde. Nous pensons que, là encore, cela défavoriserait de façon anticipée nos entreprises par rapport à la concurrence et nous ne voulons pas mettre nos entreprises en position de faiblesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Ces amendements identiques, en prévoyant d’imposer la publication des principaux contrats conclus par les entreprises des secteurs extractif et forestier, vont au-delà de la demande de transparence sur les sommes versées.
En outre, une telle mesure porterait atteinte au secret des affaires et risquerait de conduire un grand nombre de pays d’exploitation de matières premières à refuser de contracter avec les entreprises françaises, du fait de cette obligation supplémentaire qui pourrait porter sur des éléments d’information confidentiels en matière commerciale.
L’obligation nouvelle de publication, outre qu’elle constituerait une « sur-transposition », serait imposée aux seules entreprises françaises et non à leurs homologues européennes ou non européennes
C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.
Mme Nathalie Goulet. Après les explications que vient de nous donner le Gouvernement, je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 12 est retiré.
M. Éric Bocquet. Je maintiens le mien !
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 25
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les principaux marchés conclus entre les sociétés mentionnées au I et un État, qui énoncent les principales dispositions et conditions régissant l’exploitation d’une ressource, ainsi que tout avenant important dudit marché, sont transmis dans un délai d'un mois au ministre en charge de l'industrie, au ministre en charge de l'environnement, ainsi qu'aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La parole est à M. Gattolin.
M. André Gattolin. Il s’agit d’un amendement de repli.
J’ai bien entendu l’argument selon lequel l’obligation de publier les contrats pourrait empêcher les entreprises françaises de répondre aux appels d’offres des pays imposant la confidentialité.
Toutefois, par cet amendement, je propose que six éminentes personnalités, directement impliquées dans ces questions, soient seules destinataires des contrats : deux ministres – le ministre de l’Industrie, mais également le ministre de l’environnement et de l’énergie, puisqu’il s’agit d’industries extractives – et quatre parlementaires – le président et le rapporteur général de la commission des finances de chacune des deux assemblées.
On ne peut pas considérer que cette transmission contreviendrait à la confidentialité du contrat. Ou alors, il faudrait aussi soupçonner toutes les personnes habilitées « défense », par exemple, de faire circuler les informations dont elles ont connaissance !
En revanche, l’obligation de publication des contrats témoignerait du fait que l’exécutif comme le législatif doivent disposer d’un droit d’information a minima en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les sociétés françaises exploitent des ressources naturelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. J’ai parfois l’impression de me répéter, mais les arguments précédemment développés valent ici encore.
M. Francis Delattre. C’est pédagogique !
M. Richard Yung, rapporteur. Au demeurant, faire circuler tous azimuts les contrats afférents à leurs marchés est probablement dangereux pour nos entreprises.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. À l’évidence, cet amendement renvoie aux échanges que nous avons eus sur les amendements précédents.
Comme l’a souligné le rapporteur, cet amendement va au-delà de l’objet de la directive. Surtout, et je voudrais insister sur ce point, seule la justice, dans le cas où des enquêtes ou des informations judiciaires sur la base de plaintes sont ouvertes, peut avoir accès à des informations de cette nature, qui sont des informations privées, internes aux entreprises et inhérentes aux contrats qu’elles peuvent passer avec des gouvernements étrangers ou des entreprises étrangères.
Je ne crois pas que l’on puisse demander que les autorités gouvernementales, nationales, françaises, aient accès à ces contrats, qui sont de nature confidentielle.
Dans certains cas, les autorités de régulation des marchés, nationales ou européennes, si elles estiment que des infractions aux règles de la concurrence sont commises ou si elles réalisent des enquêtes sur les cartels, par exemple, peuvent avoir accès à ce type d’informations dans le cadre de l’exercice de leurs prérogatives.
Mais, en l’occurrence, je ne crois pas que le gouvernement d’un État membre puisse s’arroger un tel droit, qui serait exorbitant au regard des règles du commerce international.
Mme la présidente. Monsieur Gattolin, l'amendement n° 15 est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne peux pas voter cet amendement. La nuit et la journée ont été longues, car nous avons eu à débattre d’un texte important sur le terrorisme, mais il me paraît complexe de prévoir plus d’obligations pour des entreprises que pour des partis politiques dont on ignore tout des contrats qu’ils passent ici ou là…
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
(Non modifié)
L’article L. 421-16 du code monétaire et financier est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Pour la mise en œuvre des restrictions temporaires des ventes à découvert prévues à l’article 23 du règlement (UE) n° 236/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2012, sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d’échange sur risque de crédit, le président de l’Autorité des marchés financiers ou la personne qu’il désigne peut prendre une décision et la prolonger dans les conditions fixées par ce même règlement. » – (Adopté.)
Article 10
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010 ;
2° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code de la consommation et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. – (Adopté.)
Article 11
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2013/11/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2009/22/CE ;
2° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code de la consommation et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. – (Adopté.)
Article 12
(Non modifié)
I. – L’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 143-6 du code des assurances est complétée par les mots : « , à l’adhérent et au bénéficiaire ».
II. – L’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 222-8 du code de la mutualité est complétée par les mots : « , au membre participant et au bénéficiaire ».
III. – L’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 932-45 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : « , au participant et au bénéficiaire ». – (Adopté.)
Article 13
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du code monétaire et financier relatives aux missions, aux règles de fonctionnement et aux pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon. – (Adopté.)
Article 14
Le titre Ier du livre VII du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Mise en œuvre des normes techniques
« Art. L. 711-23. – Le ministre chargé de l’économie arrête les conditions dans lesquelles les règlements ou décisions relatifs aux normes techniques de réglementation ou d’exécution adoptés par la Commission européenne en application des articles 10 et 15 du règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission et du règlement (UE) n° 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/177/CE de la Commission sont rendus applicables à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon. » ;
2° Le chapitre II est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Mise en œuvre des normes techniques
« Art. L. 712-9. – Le ministre chargé de l’économie arrête les conditions dans lesquelles les règlements ou décisions relatifs aux normes techniques de réglementation ou d’exécution adoptés par la Commission européenne en application des articles 10 et 15 du règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission et du règlement (UE) n° 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/177/CE de la Commission sont rendus applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. » – (Adopté.)
Article 15
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Complétant et adaptant les dispositions du code monétaire et financier relatives aux succursales d’établissement de crédit ayant leur siège social dans un État qui n’est ni membre de l’Union européenne, ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen pour assurer leur mise en conformité avec celles du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012, ainsi qu’avec celles de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE ;
2° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. – (Adopté.)
Article 16
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 518-7 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commission de surveillance élabore un modèle prudentiel selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. »
II. - L’article L. 518-15-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 518-15-2. – Un décret en Conseil d’État fixe, sous réserve des adaptations nécessaires, les règles prises en application de l’article L. 511-36, du premier alinéa de l’article L. 511-37, du I de l’article L. 511-41, des articles L. 511-55 et L. 511-56 et du I de l’article L. 511-57 applicables à la Caisse des dépôts et consignations.
« Il précise également, sous réserve des adaptations nécessaires, les conditions d’application des articles L. 571-4, L. 613-20-1 et L. 613-20-2 au groupe de la Caisse des dépôts et consignations et à ses dirigeants.
« Il est pris après avis de la commission de surveillance, laquelle prend en considération, pour rendre son avis, le modèle prudentiel mentionné à l’article L. 518-7. » – (Adopté.)
Article 17
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 312-1-1, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « et des entreprises d’investissement » ;
2° L’article L. 500-1 est ainsi modifié :
a) Au 2° du I, après la référence : « L. 541-1, », est insérée la référence : « L. 545-1, » ;
b) Au III, la référence : « premier alinéa du » est supprimée ;
3° À la première phrase des deux premiers alinéas de l’article L. 511-82, les mots : « d’une durée » sont remplacés par les mots : « pendant une durée » ;
4° Au c du 3° de l’article L. 517-2, les mots : « secteur des entreprises » sont remplacés par les mots : « secteur des services » ;
5° L’article L. 517-3 est ainsi modifié :
a) Au 3° du II, la dernière occurrence des mots : « les activités consolidées ou agrégées des entités » est supprimée ;
b) À la fin de la seconde phrase du IV, les mots : « voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie, de la sécurité sociale et de la mutualité » ;
6° Au II de l’article L. 546-4, les mots : « d’une infraction commise par l’une des personnes mentionnées au I de l’article L. 546-1 susceptible » sont remplacés par les mots : « d’éléments susceptibles de constituer une infraction commise par l’une des personnes mentionnées au I de l’article L. 546-1 et » ;
7° À l’article L. 571-15, les mots : « d’enfreindre l’une des interdictions prévues à l’article L. 519-1 et à la première phrase » sont remplacés par les mots : « d’exercer l’activité d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement sans satisfaire à l’obligation prévue au premier alinéa » ;
8° À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 612-9, les mots : « de siéger au sein du collège de supervision » sont remplacés par les mots : « d’y siéger » ;
9° À la première phrase du premier alinéa du 1 du V de l’article L. 612-23-1, après le mot : « physiques », sont insérés les mots : « , y compris les représentants des personnes morales, » ;
10° Au troisième alinéa de l’article L. 612-27, les mots : « soit au conseil d’administration, soit au directoire et au conseil de surveillance, soit à l’organe délibérant en tenant lieu, » sont remplacés par les mots : « au conseil d’administration, au conseil de surveillance ou à tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes » ;
11° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 612-38, après le mot : « supervision », sont insérés les mots : « ou du collège de résolution » ;
12° À la fin du dernier alinéa du III de l’article L. 613-32-1, les mots : « celles mentionnées à l’article L. 612-11 » sont remplacés par les mots : « le directeur général du Trésor » ;
13° Au premier alinéa des articles L. 621-12 et L. 621-15-1 et à l’article L. 621-16-1, la référence : « et L. 465-2 » est remplacée par les références : « , L. 465-2 et L. 465-2-1 » ;
14° Après le II de l’article L. 632-7, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Lorsqu’elles proviennent d’une autorité d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un pays tiers, les informations ne peuvent être divulguées sans l’accord exprès de l’autorité qui les a communiquées et, le cas échéant, aux seules fins pour lesquelles elle a donné son accord. » ;
15° (nouveau) À l'article L. 84 E du livre des procédures fiscales, la référence : « III » est remplacée par la référence : « II bis ». – (Adopté.)
Article 18
(Non modifié)
À la première phrase du premier alinéa de l’article 705-1 du code de procédure pénale, la référence : « et L. 465-2 » est remplacée par les références : « , L. 465-2 et L. 465-2-1 ». – (Adopté.)
Article 19
(Non modifié)
Les articles L. 312-1-1, L. 500-1, L. 511-82, L. 546-4, L. 571-15, L. 612-9, L. 612-23-1, L. 612-27, L. 612-38, L. 613-32-1, L. 621-12, L. 621-15-1, L. 621-16-1 et L. 632-7 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
Article 20
(Non modifié)
Le septième alinéa de l’article L. 142-8 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu’ils atteignent cette limite d’âge, le gouverneur et les deux sous-gouverneurs sont maintenus dans leurs fonctions jusqu’au terme de leur mandat en cours. » – (Adopté.)
Article 21
(Suppression maintenue)
Article 22
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article 50 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le mot : « six » est remplacé par le mot : « dix-huit ». – (Adopté.)
Article 23
(Non modifié)
L’article 8 de la présente loi est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015 dans les sociétés dont le nombre moyen de salariés permanents, y compris ceux des filiales directes ou indirectes, est supérieur à 5 000 au cours de l’exercice, et à compter du 1er janvier 2016 dans les autres sociétés. – (Adopté.)
Article 23 bis
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi, à l'exception de celles intervenant en matière répressive :
1° Complétant et adaptant les dispositions du code monétaire et financier pour assurer leur mise en conformité avec celles du règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 2014, concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012, ainsi que les mesures d’adaptation et d’harmonisation liées aux systèmes de règlement et de livraison d’instruments financiers ;
2° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du règlement (UE) n° 909/2014 précité et des règlements qu’il modifie, ainsi que les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes et d’autres lois, relatives au règlement et à la livraison de titres et aux dépositaires centraux de titres, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) L’article L. 330-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi modifié :
a) Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Les chambres de compensation établies ou reconnues en application des articles 14 ou 25 du règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux. » ;
b) À la première phrase du dernier alinéa, la référence : « 6° » est remplacée par la référence : « 7° » ;
2° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un gestionnaire d’un système a fourni une garantie à un autre gestionnaire de système dans le cadre d’un accord d’interopérabilité entre les deux systèmes, les droits de celui qui a constitué la garantie ne sont pas affectés par l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires à l’encontre du gestionnaire de système qui a reçu la garantie. »
IV. – (Non modifié) Les articles L. 743-9, L. 753-9 et L. 763-9 du même code sont ainsi modifiés :
1° À la première phrase, les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « neuvième et dixième » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « le dixième » sont remplacés par les mots : « l’avant-dernier ». – (Adopté.)
Article 23 ter
(Supprimé)
Article 23 quater
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi, à l'exception de celles intervenant en matière répressive :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, ainsi que les mesures d’adaptation et d’harmonisation liées à cette directive, notamment les mesures tendant à la protection des investisseurs, par le renforcement de la transparence et de l’intégrité des marchés financiers ;
2° Complétant et adaptant les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes et lois pour assurer leur mise en conformité avec celles du règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 ;
3° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, précité et du règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux ainsi que les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes et lois relatives aux marchés d’instruments financiers, notamment celles résultant des dispositions prises en application du 1° du présent I, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 23 quinquies
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi, à l'exception de celles intervenant en matière répressive :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 2014, modifiant la directive 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières, pour ce qui est des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions, ainsi que les mesures d’adaptation et d’harmonisation liées à cette directive ;
2° Permettant, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du code monétaire et financier, du code de commerce et, le cas échéant, d’autres codes et lois relatives à la gestion des actifs financiers pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 23 sexies
I. – (Non modifié) Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive 2014/56/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, modifiant la directive 2006/43/CE concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés, ainsi que les mesures d’adaptation et d’harmonisation liées à cette directive ;
2° Complétant et adaptant les dispositions du code de commerce et, le cas échéant, d’autres codes et lois, pour assurer, d’une part, leur mise en conformité avec celles du règlement (UE) n° 537/2014, du 16 avril 2014, du Parlement européen et du Conseil relatif au contrôle des comptes d’entités d’intérêt public et abrogeant la décision 2005/909/CE de la Commission et, d’autre part, assurer un cadre cohérent aux règles applicables au contrôle légal des comptes ;
3° Permettant, d’une part, de rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions prises en application des 1° et 2° et, d’autre part, de procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 23 septies
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière financière est ratifiée. – (Adopté.)
Article 24
I. – (Non modifié) Les ordonnances prévues aux articles 1er, 2, 11 et 13 sont prises dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
II. – Les ordonnances prévues aux articles 3 et 4, au I de l’article 6, ainsi qu’au I de l’article 23 bis sont prises dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – (Non modifié) L’ordonnance prévue à l’article 7 est prise dans un délai de sept mois à compter de la promulgation de la présente loi.
IV. – Les ordonnances prévues aux articles 10, 23 quater, 23 quinquies et 23 sexies sont prises dans un délai de quinze mois à compter de la promulgation de la présente loi.
V. – (Non modifié) L’ordonnance prévue à l’article 15 est prise dans un délai de cinq mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer la référence :
23 quater,
II. – Après l’alinéa 5
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L'ordonnance prévue à l'article 23 quater est prise avant le 3 juillet 2016.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Cet amendement a pour objet de faire coïncider le délai d’habilitation accordé au Gouvernement pour procéder par ordonnance suivant les termes de l’article 23 quater et le délai de transposition prévu par la directive européenne 2014/65/UE Marché d’instruments financiers, qui doit être transposée en droit interne avant le 3 juillet 2016.
Il s’agit d’une directive particulièrement complexe et lourde, sur le plan technique, mais dont les principes sont connus par le Parlement.
L’ampleur des travaux de transposition de ce texte ambitieux, essentiel à la régulation des marchés financiers en Europe, justifie un délai d’habilitation à procéder par ordonnance qui soit aligné avec la date limite de transposition de la directive.
Par ailleurs, la première échéance dans les travaux de transposition est liée à l’article 91 de cette directive, qui doit être transposé en droit interne avant le 3 juillet 2015. Les dernières échéances viendront des normes techniques d’exécution, qui doivent être adoptées en mai 2016 par la Commission européenne.
Ce calendrier très étendu implique donc que les travaux de transposition commencent dès que possible et s’étalent nécessairement sur l’intégralité du délai prévu par la directive, soit jusqu’au 3 juillet 2016.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Article 25
(Non modifié)
Pour chaque ordonnance prévue par la présente loi, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Nous maintenons notre position d’abstention – une abstention bienveillante -, pour aider le Gouvernement dans les négociations relatives à la partie la plus sensible du texte, celle qui concerne la répartition des charges entre les systèmes bancaires européens.
Il ne faut pas que le système bancaire français soit sollicité à la hauteur de ce qui est prévu aujourd'hui, c'est-à-dire 30 % du Fonds, surtout en comparaison de ce qui est plus ou moins décidé pour nos voisins allemands.
Nous préférerions une discussion technique. Peut-être faudrait-il changer de critères et introduire, par exemple, celui de la production nationale, qui est 30 % plus forte en Allemagne. Cela devrait permettre de rééquilibrer la charge pour notre secteur bancaire, qui, de charges, en supporte déjà beaucoup. C’est que les taxes s’accumulent : à la taxe sur les risques systémiques nationale viendra bientôt s’en ajouter une autre, européenne celle-là. De plus, des discussions ont lieu sous l’égide de l’OCDE - en réalité, sous l’impulsion du gouvernement américain - pour instaurer des régulations mondiales.
Oui, monsieur le secrétaire d’État, nous avons une spécificité : pour les PME, les investissements des entreprises, qui sont les emplois de demain, sont financés, en France, à 90 % par le système bancaire. Diminuer les possibilités des banques, c’est priver d’autant notre pays d’une source d’alimentation de son économie.
Monsieur le secrétaire d’État, nos collègues allemands sont très habiles pour glisser dans la négociation qu’il leur faut l’aval du Bundestag ou de la Cour de Karlsruhe : donnez-vous donc les moyens de leur répondre que, vous aussi, vous avez besoin de l’appui du Parlement français pour finaliser cet accord ! Cela se verra lors de la ratification de l’AIG.
Permettez-moi une observation plus générale. Un système de régulation et un fonds de garantie européen, c’est bien, mais nous sommes dans un système mondial, et les masses financières circulent. Nous avons évoqué le shadow banking. Il serait temps de s’intéresser à la régulation des hedge funds, car ce sont eux de plus en plus, et de moins en moins les banques, qui se trouvent impliqués dans les recapitalisations d’entreprises, les rachats, les prises de participation.
Forcer la régulation, faire peser des contraintes sur le système bancaire classique, c’est évidemment renforcer ce secteur aujourd’hui beaucoup plus libre, beaucoup plus incontrôlable et encore moins transparent.
Notre tâche est donc toute trouvée : non seulement il faut aujourd'hui terminer la régulation européenne, mais il faut également envisager, notamment avec nos partenaires britanniques, les moyens de réguler les hedge funds, car leurs capacités sont dix fois supérieures à celles du système bancaire. C’est à cette réalité que nous devons nous confronter.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte tout en réaffirmant notre soutien à l’objet essentiel du dispositif, qui est de parvenir à une union bancaire et financière européenne équilibrée.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Je confirme l’abstention du groupe CRC. Il s’agit non pas d’une abstention boudeuse, mais d’une abstention pour aller plus loin.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Une abstention bienveillante… (Sourires au banc des commissions.)
M. Éric Bocquet. On le voit bien – on touche là à la limite de l’exercice parlementaire, même s’il est indispensable -, nous nous heurtons au secret des affaires, au risque d’intrusion, et on nous objecte que nous allons au-delà de ce qui nous est demandé. Néanmoins, le danger et l’inquiétude demeurent – notre collègue Francis Delattre vient d’évoquer certaines menaces.
Permettez-moi de terminer sur une petite anecdote, assez révélatrice.
Il y a quelques jours, à Arlington, les régulateurs de la finance américaine et ceux de la finance britannique se sont livrés à un exercice pour le moins inhabituel. Jugez-en : il s’agissait de simuler la faillite d’un établissement financier américain ayant de nombreuses activités à la City de Londres et d’une banque britannique très impliquée aux États-Unis, tout cela, bien sûr, n’ayant aucun rapport avec la réalité… (Sourires.)
Toute l’élite de la régulation financière américaine et britannique était donc conviée. Le but de l’opération, comme l’a expliqué le chancelier de l’Échiquier, George Osborne, était de s’assurer qu’ils étaient en mesure de gérer la faillite d’un établissement qui auparavant aurait été considéré comme trop grand pour disparaître – le fameux too big to fail – et aurait donc nécessité un renflouement public.
Des réunions de coordination ont lieu régulièrement, mais, jusqu’à présent, elles ne concernaient que les équipes opérationnelles. C’est la première fois qu’une simulation de ce genre implique des régulateurs aussi haut placés. Certes, ce n’est pas parce que les pompiers effectuent des manœuvres qu’il y a un incendie.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Heureusement !
M. Éric Bocquet. C’est néanmoins le signe, mes chers collègues, qu’il reste beaucoup à faire pour sécuriser les flux financiers. Soyons donc très ambitieux et extrêmement vigilants !
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Sans suspense, le groupe écologiste votera l’ensemble du texte, même si, comme notre collègue Éric Bocquet, mais d’un point de vue différent, nous pensons que nous pourrions et devrions aller plus loin.
On a parlé de la fameuse taxe systémique française, certains disant qu’elle se surajoutait à des dispositifs existants. Mais cette taxe, qui abonde de 1 milliard d’euros le budget et qui vient alimenter pour moitié le fonds de soutien aux collectivités détentrices d'emprunts toxiques, n’a été acceptée qu’en contrepartie de l’engagement pris par ces mêmes collectivités de renoncer aux procédures judiciaires contre les banques. À partir d’un certain moment, il faut tout de même savoir de quoi l’on parle ! On n’impose pas de charges aux banques, on leur demande simplement d’assumer leurs responsabilités et de payer ce qu’elles doivent à ce titre.
Nous nous trompons si nous pensons responsabiliser nos banques en gardant la possibilité de faire de nouveau appel à l’État, et donc indirectement à la collectivité nationale, d’une manière ou d’une autre, notamment par des déductions fiscales liées à la constitution de fonds de résolution.
Ceux qui suivent l’actualité internationale peuvent légitimement nourrir quelques inquiétudes – je pense à ce que font certaines banques françaises en matière de placements spéculatifs. Il en va de même s’agissant de la structuration globale de notre marché bancaire, dont j’ai évoqué la concentration excessive.
À une certaine époque, notamment avant et après la crise de 2008, j’ai été conseil d’une grande entreprise bancaire mutualiste française. Je précise que, sur les quatre entreprises françaises appartenant aux vingt plus grandes banques mondiales, deux sont d’origine mutualiste, ou prétendue telle. Elles étaient toutes deux des confédérations de banques régionales. Nous les avons agglomérées, l’une d’entre elles devenant Natixis, qui a ruiné nombre de nos épargnants, en transférant – sans aucune explication ! – l’argent des livrets A vers des fonds spéculatifs.
Nous avons peut-être failli, à droite comme à gauche, en pensant que « big is beautiful » et en créant de très grandes banques de plus en plus déresponsabilisées. On peut critiquer nos amis allemands – leur système prête le flanc à la critique –, mais le développement de leurs banques régionales, véritablement ancrées dans le développement régional, a eu un effet très positif sur le développement économique et industriel du pays tout entier.
Si les deux grandes entreprises bancaires dont je parle, qui n’ont aujourd’hui plus rien de mutualiste sinon le nom, avaient persisté dans une logique davantage régionale et fédérale, nous n’aurions peut-être pas à constater aujourd’hui les manquements de notre système financier et bancaire en général et l’Union européenne ne pourrait pas nous imposer ses exigences pour la constitution du Fonds de résolution unique comme elle le fait aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voterons ce projet de loi – une singularité qui nous rapproche de nos amis Verts ! -, car il constitue un progrès. Comme je le disais à propos de l’article 1er, il ne faut tout de même pas bouder notre plaisir !
Certes, c'est une politique des petits pas, mais nous avons bien conscience des difficultés et des enjeux. Nous savons tous ici, particulièrement ceux qui ont travaillé sur le sujet de l’évasion fiscale, que la marge de progrès est encore grande. Néanmoins, si nous ne votions pas ce texte aujourd’hui, nous enverrions un mauvais signal à la fois au Gouvernement, qui travaille dans le bon sens, et aux Français, que l’on doit convaincre de la nécessité de l’Europe, notamment pour harmoniser et améliorer les dispositifs.
Encore une fois, il nous reste beaucoup de travail, et sur de nombreux points. Mais, en l’état des choses, nous voterons le texte qui nous est proposé.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dans le texte de la commission modifié.
(Le projet de loi est adopté.)
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 21 octobre 2014 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe)
À quatorze heures trente :
2. Allocution du président du Sénat.
3. Débat sur le bilan du crédit d’impôt compétitivité emploi.
4. Débat sur les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur le suivi de la mission d’information de 2005 sur l’amiante (n° 668, 2013-2014).
À vingt et une heures trente :
5. Projet de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution (n° 288, 2011-2012) ;
Rapport de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 29, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 30, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART