Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 71 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 84 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 71.
Mme Esther Benbassa. L’article 17 bis, adopté par l'Assemblée nationale, étend à presque tous les délits la surveillance judiciaire mise en place par le précédent gouvernement.
Par ailleurs, cette nouvelle surveillance judiciaire entraînerait une extension très large des obligations et interdictions pesant sur le condamné, allant bien au-delà des simples interdictions d'entrer en contact avec la victime et de l’obligation de l'indemniser.
Il y a fort à craindre que cette disposition, adoptée sans étude d'impact, ne crée une charge importante pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation et les juges d'application des peines, déjà fortement surchargés.
Enfin, cet article semble contraire à la Constitution. Dans sa décision n° 2005-27 du 8 décembre 2005, au considérant 14, le Conseil constitutionnel note en effet que « la surveillance judiciaire, y compris lorsqu'elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile, est ordonnée par la juridiction de l'application des peines ; qu'elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité ; qu'elle a pour seul but de prévenir la récidive ; qu'ainsi, la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une sanction ».Or les objectifs du dispositif proposé sont aujourd'hui plus étendus, puisqu’ils prennent en compte la réinsertion au-delà de la seule récidive. De plus, au regard des obligations susceptibles d’être prononcées, ce suivi constitue une véritable peine après la peine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 84.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise également à supprimer l’article 17 bis, qui instaure une nouvelle forme de «surveillance judiciaire » applicable à tous les condamnés sortant en fin de peine.
Cette disposition entre en totale contradiction avec l’esprit du texte, visant à favoriser une exécution de la peine en partie en détention et en partie en liberté, en engageant les détenus dans un processus dynamique d’aménagement de peine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement, dans un premier temps réservé, est favorable à la suppression d’une telle extension, compte tenu de l’évolution du débat et des votes intervenus sur d’autres dispositions du texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 et 84.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 17 bis est supprimé et l’amendement n° 72 n’a plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 72, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
à
par les mots :
aux 5°, 7° à 14°, 16° et 19° de
Article 17 ter
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article 730 du code de procédure pénale, après les mots : « présent article », sont insérés les mots : « et sans préjudice des articles 720 et 730-3 ». – (Adopté.)
Article 18
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article 712-4 est supprimé ;
2° Le chapitre II du titre II du livre V est ainsi modifié :
a) L’article 723-14 est abrogé ;
b) Le paragraphe 2 de la section 7 est abrogé ;
c) La section 8 est abrogée ;
3° L’article 934-2 est abrogé ;
4° À l’article 934-1, les références : « des articles 723-15, 723-24 et 723-27 » sont remplacées par la référence : « de l’article 723-15 ». – (Adopté.)
Article 18 bis
(Non modifié)
Après le mot : « comparution », la fin de la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 712-17 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « , selon les cas, devant le juge de l’application des peines, qui doit intervenir dans un délai maximal de huit jours, ou devant le tribunal de l’application des peines, qui doit intervenir dans un délai maximal d’un mois. » – (Adopté)
Article 18 ter
(Non modifié)
À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 712-21 du code de procédure pénale, les mots : « condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru » sont remplacés par les mots : « qui a été condamnée à un suivi socio-judiciaire ». – (Adopté.)
Article 18 quater A (nouveau)
1° À l’intitulé du chapitre II du titre XIX du livre IV du code de procédure pénale, les mots : « de la rétention de sûreté et » sont supprimés ;
2° L’article 706-53-13 du même code est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « d’une rétention de sûreté » sont remplacés par les mots : « d’une surveillance de sûreté » ;
b) Les deux derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La surveillance de sûreté s’applique à l’issue d’une mesure de suivi socio-judiciaire prononcé en application de l’article 131-36-1 du code pénal ou de surveillance judiciaire ordonnée en application de l’article 723-29 du présent code. » ;
3° L’article 706-53-14 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « au moins un an avant la date prévue pour leur libération » sont remplacés par les mots : « au moins six mois avant la fin de la mesure de suivi socio-judiciaire ou de surveillance judiciaire » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« À cette fin, la commission fait procéder à une expertise médicale du condamné » ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « d’une rétention de sûreté » sont remplacés par les mots : « d’une surveillance de sûreté » ;
d) Au quatrième alinéa, les mots : « , ainsi que les obligations résultant d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d’être prononcés dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une surveillance judiciaire, » sont supprimés ;
e) Au cinquième alinéa, les mots : « cette rétention » sont remplacés par les mots «cette surveillance » ;
f) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
4° L’article 706-53-15 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de rétention de sûreté » sont remplacés par les mots : « de surveillance de sûreté » et les mots : « de la rétention de sûreté » sont remplacés par les mots : « de la surveillance de sûreté » ;
b) Au deuxième alinéa, la première phrase est ainsi rédigée :
« Cette juridiction est saisie à cette fin par le procureur de la République ou le juge de l’application des peines, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l’article 763-10, au moins trois mois avant la date prévue pour la fin de la mesure de suivi socio-judiciaire ou de surveillance judiciaire » ;
c) Le troisième alinéa est supprimé ;
d) Les quatrième et cinquième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision doit être spécialement motivée au regard des dispositions de l’article 706-53-14. Elle est immédiatement exécutoire. » ;
e) Au sixième alinéa, le mot : « rétention » est remplacé par le mot : « surveillance » ;
f) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La juridiction régionale de la surveillance de sûreté peut également, selon les modalités prévues au présent article, ordonner une surveillance de sûreté à l’égard d’une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées, en application du premier alinéa de l’article 723-35, à la suite d’une violation des obligations auxquelles elle était soumise dans des conditions qui font apparaître des risques qu’elle commette à nouveau l’une des infractions mentionnées au premier alinéa. La surveillance de sûreté s’applique dès la libération de la personne. » ;
5° À l’article 706-53-16, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » et le mot : « rétention » est, à deux reprises, remplacé par le mot : « surveillance » ;
6° À l’article 706-53-17, le mot : « rétention » est, à quatre reprises, remplacé par le mot : « surveillance » ;
7° À l’article 706-53-18, les mots : « « de la rétention de sûreté » sont, à deux reprises, remplacés par les mots : « de la surveillance de sûreté » ;
8° La première, la troisième et la quatrième phrase du premier alinéa de l’article 706-53-19 et les deuxième à sixième alinéas sont supprimés ;
9° L’article 706-53-20 est ainsi rédigé :
« Art. 706-53-20. – La violation de ses obligations par la personne placée sous surveillance de sûreté est punie de sept ans d’emprisonnement.
« Constitue notamment une méconnaissance par la personne sous surveillance de sûreté des obligations qui lui sont imposées, le fait pour celle-ci de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prescrit par le médecin traitant et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
10° L’article 706-53-21 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « La rétention de sûreté et » sont supprimés, le mot « sont » est remplacé par le mot : « est » et le mot : « leur » est remplacé par le mot : « son » ;
b) Au second alinéa, les mots : « La rétention de sûreté ou » sont supprimés et le mot : « rétention » est remplacé par le mot : « surveillance » ;
11° Le deuxième alinéa de l’article 706-53-22 est supprimé ;
12° Le dernier alinéa de l’article 362 et les articles 723-37 et 763-8 sont abrogés.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 30 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et MM. Zocchetto et Merceron.
L'amendement n° 91 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour défendre l’amendement n° 19.
M. Jean-René Lecerf. Cet article, introduit par la commission des lois, supprime la rétention de sûreté, pourtant indispensable dans certaines situations très particulières. Voilà pourquoi nos collègues en souhaitent la suppression.
Je me félicite de la qualité des débats qui se sont tenus au sein de la commission des lois sur le problème de la rétention de sûreté, entre ceux qui souhaitent la suppression de cette « peine après la peine » et ceux qui préfèrent que l’on ne touche aux lois que d’une main tremblante.
Un certain nombre d’arguments plaident en faveur de la non-suppression de la rétention de sûreté.
Tout d’abord, ce dispositif n’a jamais réellement été mis en œuvre, à l’exception de quelques cas pouvant se compter sur les doigts d’une main. La loi portant rétention de sûreté n’étant pas rétroactive, elle ne pourra commencer à s’appliquer que dans un certain nombre d’années.
Ensuite, il nous semble que la rétention de sûreté est absolument indispensable à l’encontre de certaines personnes –peu importe qu’il s’agisse d’un nombre très limité de cas – que nous n’oserions libérer, même à l’issue de leur peine. Nous avons tous quelques noms en tête…
Enfin, la suppression de la rétention de sûreté pourrait avoir un effet pervers. Aujourd’hui, le réexamen de la situation du condamné est particulièrement encadré : la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté rend son avis après que la dangerosité du condamné a été évaluée par une équipe pluridisciplinaire au sein d’un centre national de sûreté, au cours d’un cycle de six à sept semaines.
Si la garantie de ce réexamen passé un certain délai venait à disparaître, nous craignons que les jurys populaires ne privilégient les peines de perpétuité ou de trente ans, accompagnées d’une peine de sûreté, au détriment de peines moins longues.
Pour toutes ces raisons, il nous semble que la suppression de la rétention de sûreté devrait faire l’objet d’un texte spécifique, afin d’approfondir cette réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l'amendement n° 30 rectifié.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement, identique au précédent, vise à revenir sur la suppression de la rétention de sûreté.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter au plaidoyer de Jean-René Lecerf, sinon pour rappeler que cette rétention est destinée à s’appliquer aux auteurs des crimes les plus graves, perpétrés contre les victimes les plus vulnérables.
Supprimer la rétention de sûreté et instaurer une peine de contrainte pénale dans le même texte ne me semble pas être un bon signal à envoyer.
Je rejoins Jean-René Lecerf : ne touchons à ces dispositions législatives que d’une main tremblante.
Au surplus, notre rapporteur a écrit lui-même que l’absence d’évaluation globale ne permet pas de juger de façon certaine que la rétention de sûreté n’a pas eu d’effets notoires sur la récidive.
Dans le doute, nous proposons de maintenir ces dispositions.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 91.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sans ambiguïté, le Gouvernement est favorable à la suppression de la rétention de sûreté, pour des raisons de philosophie politique et de droit.
Je profite de l’intervention de M. Lecerf, dont je connais la cohérence de pensée, pour rappeler que cette mesure est difficile à défendre, surtout après le constat d’une accumulation de défaillances.
Vous ne la défendez d’ailleurs que sur la base d’arguments prosaïques et non pas doctrinaux. Je parle bien de doctrine, non de dogme, c’est-à-dire d’une idée construite et cohérente de la logique d’une mesure.
Je n’ai jamais entendu d’arguments doctrinaux : vous vous arrêtez toujours sur quelques cas difficiles, que l’on ne sait pas traiter, et décidez, par anticipation, d’empêcher les personnes visées de commettre un nouveau crime, la rétention de sûreté intervenant après que la peine a été exécutée.
Nous avons tous le devoir de nous interroger sur ces questions. Nous avons tous le souci de ces personnes dont on peut craindre qu’elles ne commettent à nouveau des crimes.
Je rappelle, en effet, que la rétention de sûreté est réservée aux crimes. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, le Gouvernement est opposé à ce que la suppression de la rétention de sûreté se fasse dans le présent texte, qui concerne les délits. Sa demande de suppression de la suppression se fonde donc sur une question de véhicule législatif. Néanmoins, il faudra que cette question soit étudiée dans toute sa dimension.
Je ne cherche pas, mesdames, messieurs les sénateurs, à être polémique, je n’accuse pas un gouvernement plutôt qu’un autre – même s’il est vrai qu’un gouvernement d’une même couleur politique était au pouvoir ces dix dernières années, je sais que la question est bien plus ancienne -, mais ce sujet me fait penser à celui que nous avons traité hier assez longuement et de façon dense, à propos de l’altération du discernement.
Parce que toutes les mesures n’avaient pas été prises par la puissance publique, les experts comme les juridictions en étaient venus à considérer que l’altération du discernement était un facteur aggravant, et devait ainsi conduire au prononcé de peines plus lourdes.
Toute société a ses pathologies, ses malades, ses personnes à risque, et si la puissance publique ne met pas en place tous les moyens nécessaires pour prendre en charge ces réalités, elle se trouve obligée de protéger la société par des pratiques injustes. C’est ce que vous avez voulu corriger lors de nos débats d’hier, monsieur Lecerf : l’altération du discernement est une circonstance atténuante, et non pas aggravante ; elle doit par conséquent conduire à un amoindrissement de la peine, et non pas à son alourdissement.
Vous avez donc su corriger une première injustice, et je vous invite à faire de même ici, car, à mon sens, on peut faire le parallèle avec la rétention de sûreté. En la matière également, les dispositions n’ont pas été prises pour que les personnes soient soignées correctement, à temps et pendant la durée nécessaire, ni pour que celles qui présentent de vraies pathologies soient prises en charge en milieu hospitalier, avec toutes les sécurités requises, plutôt que par l’administration pénitentiaire. En conséquence de quoi, pour quelques cas seulement – ils se comptent en effet sur les doigts d’une main – on a sorti l’artillerie lourde : la punition au-delà de la punition, en prévision d’un acte qui pourrait éventuellement être commis.
La position du Gouvernement est donc extrêmement claire, et son intention est sans ambiguïté : la rétention de sûreté ne se conçoit pas et doit être supprimée. Néanmoins, sa disparition ne peut figurer dans le présent texte, qui a trait aux délits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur ces trois amendements. J’aimerais néanmoins développer quelque peu mon propos.
Lors de la première réunion de la commission des lois, j’ai présenté un amendement qui tendait à supprimer la rétention de sûreté, tout en conservant la surveillance de sûreté. Cet amendement avait été adopté par la majorité présente en commission.
Lors de la deuxième réunion de la commission, la majorité avait changé, les sénateurs présents n’étant plus les mêmes. Cette situation a permis que la commission émette un avis favorable sur les amendements présentés par Jean-Jacques Hyest et Yves Détraigne.
Je le sais très bien, la rétention de sûreté concerne les crimes et la disposition visant à la supprimer était donc un cavalier législatif dans le présent texte. Il me semblait néanmoins important qu’il y ait un débat sur ce thème. À ce titre, je voudrais, mes chers collègues, vous livrer deux citations tirées de mon rapport pour illustrer mon propos.
Tout d’abord, lors de son audition par la commission des lois, Mireille Delmas-Marty a indiqué : « Ma principale critique porte sur la rétention de sûreté : le droit de la peine ne sera pas lisible et cohérent tant que cette question sera occultée. » On ne peut pas dire mieux en si peu de mots.
Ensuite, lors du débat au Sénat qui a vu l’adoption de la rétention de sûreté, en 2008 – je siégeais ici, et je m’en souviens –, Robert Badinter avait déclaré : « la rétention de sûreté altère les principes fondamentaux sur lesquels repose notre justice. En effet, […] depuis la Révolution, […] seule la justice a le pouvoir d’emprisonner un homme à raison d’une infraction commise ou, à titre exceptionnel, à raison d’une infraction dont il est fortement soupçonné d’être l’auteur. […] Pas de prison, pas de détention, sans infraction : ce principe est le fondement de notre justice criminelle depuis deux siècles. […] Or, avec la rétention de sûreté, au-delà de toutes les précautions de procédure et de tous les efforts de terminologie, nous franchissons la ligne qui sépare cette justice de liberté fondée sur la responsabilité de l’auteur de l’infraction, d’une autre justice fondée sur la dangerosité appréciée par des experts – le plus souvent des psychiatres – d’un auteur virtuel d’infractions éventuelles. C’est bien là, en effet, un changement profond de notre justice : vous me permettrez de douter qu’il s’agisse d’un progrès. »
C’est parce que je partage profondément ces propos que j’avais proposé de supprimer la rétention de sûreté. Je n’ai pas été suivi ; je le regrette. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur les trois amendements identiques. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le rapporteur a raison d’indiquer qu’il avait déposé un amendement tendant à supprimer la rétention de sûreté, tout en maintenant la surveillance sûreté.
Ce rappel me permet de souligner que le débat dépasse la seule rétention de sûreté ; la surveillance de sûreté et les mesures de sûreté en général sont également concernées.
Autant j’affirme très clairement que le Gouvernement est favorable à la suppression de la rétention de sûreté, quoique dans un autre texte que celui dont nous discutons, autant je ne prétends pas qu’il faille supprimer la surveillance de sûreté ou bannir les mesures de sûreté. Nous avons un travail d’expertise à mener sur les mesures de sûreté figurant dans notre droit. Cela entre dans la mission confiée à la commission présidée par Bruno Cotte, qui aura l’occasion d’examiner, en ce qui concerne les longues peines, ces mesures de sûreté.
Vous n’êtes pas sans savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que le débat existe déjà en la matière ; des décisions ont été prises en première et en deuxième instance, une autre est sur le point de l’être par la Cour de cassation. Une question d’interprétation se pose donc sur la mise en œuvre des mesures de sûreté figurant dans notre droit.
C’est l’occasion de réaliser l’expertise de ces diverses mesures de sûreté, de manière à ce que nous puissions prendre les meilleures dispositions au meilleur moment.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 19, 30 rectifié et 91.
M. Thani Mohamed Soilihi. À titre personnel, je ne voterai pas ces amendements de suppression de la suppression. Je m’oppose en effet à la double peine que l’adoption de ces amendements permettrait de faire revivre, et qui a vocation à s’appliquer à des justiciables ayant pourtant purgé l’intégralité de la peine à laquelle ils ont été condamnés.
Je suis conscient qu’il s’agit de cas très graves. Mais, en m’appuyant sur la citation de Robert Badinter, rappelée à l’instant par M. le rapporteur, je souligne, au nom du respect des droits de la défense, que c’est à la puissance publique de réagir avec les moyens nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je respecte totalement les propos de M. le rapporteur, dont je sais la profondeur des convictions sur ce sujet.
Cela dit, je ne comprends pas que l’on puisse critiquer la loi relative à la rétention de sûreté pour son absence d’application alors que, pour l’essentiel, elle n’est pas applicable. Cette loi, en effet, n’était pas rétroactive. Peine ou mesure de sûreté, je n’entrerai pas dans ce débat, mais, dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’un éloignement de la société, ce qui me paraît suffisamment grave pour que la rétroactivité n’ait pas été envisageable.
Je tiens à préciser, en outre, que le législateur, conscient de la limite de la loi sur la rétention de sûreté, avait adopté par la suite un autre texte, d’ailleurs largement inspiré des travaux de M. Lamanda, et tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle. Cette loi prévoyait que la rétention de sûreté ne serait pas applicable aux personnes dont le discernement avait été altéré et qui présentaient une dangerosité, si elles n’avaient pas reçu, pendant leur détention, l’ensemble des soins nécessaires.
Quelques aménagements ont donc été apportés à la loi sur la rétention de sûreté. Ce point mérite au moins que nous ayons, sur ce sujet, un débat particulier, où chacun pourra s’exprimer.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19, 30 rectifié et 91.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 18 quater A est supprimé et les amendements nos 85 et 112 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L’amendement n° 85, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le chapitre III du titre XIX du livre IV est abrogé ;
2° Les articles A 37-30, A 37-31, 723-37, 723-38, 732-1 et 763-8, et le 2° de l’article 730-2 sont abrogés ;
3° Le dernier alinéa de l’article 362, le huitième alinéa de l’article 717-1 et le dernier alinéa de l’article 763-3 sont supprimés.
L’amendement n° 112, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, était ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer la référence :
II
par la référence :
III
II. – Alinéa 23, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
de l’article 706-53-13
III. – Alinéa 24
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
5° L’article 706-53-16 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
b) Aux premier et second alinéas, le mot : « rétention » est remplacé par le mot : « surveillance » ;
IV. – Alinéa 32
Remplacer les mots :
le mot : « sont » est remplacé par le mot : « est »
par les mots :
les mots : « sont suspendues » sont remplacés par les mots : « est suspendue »
V. – Alinéa 33
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Au second alinéa, les mots : « de la rétention de sûreté ou » sont supprimés et la seconde occurrence du mot : « rétention » est remplacée par le mot : « surveillance » ;
VI. – Compléter cet article par onze alinéas ainsi rédigés :
13° L’article 732-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « rétention » est remplacé par le mot : « surveillance » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les articles 706-53-14 et 723-38 sont applicables. » ;
14° Au premier alinéa de l’article 706-47-1, la référence : « 706-53-19 » est remplacée par la référence : « 706-53-13 », la référence : « 723-37 » est supprimée et les références : « ,763-3 et 763-8 » sont remplacées par la référence : « et 763-3 » ;
15° L’article 769 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des décisions de rétention de sûreté, » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « de rétention de sûreté ou » sont supprimés ;
16° Au 5° de l’article 706-56-2, les mots : « ou de rétention » sont supprimés ;
17° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6141-5 du code de la santé publique, les mots : « ou des personnes faisant l’objet d’une rétention de sûreté » sont supprimés ;
18° À l’intitulé de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, les mots : « et aux personnes placées en rétention de sûreté » sont supprimés.
Chapitre VI
Dispositions visant à instaurer une contribution pour l’aide aux victimes
Article 18 quater
I. – Après l’article 707-4 du code de procédure pénale, il est inséré un article 707-5 ainsi rédigé :
« Art. 707-5. – Les amendes prononcées en matière de police, correctionnelle ou criminelle, à l’exception des amendes forfaitaires, sont affectées d’une majoration de 10 %, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, qui est perçue lors de leur recouvrement et qui est destinée à financer l’aide aux victimes.
« Cette majoration n’est pas applicable lorsque ces amendes sont majorées en application des articles L. 211-27 et L. 420-1 du code des assurances.
« Cette majoration de l’amende bénéficie s’il y a lieu de la diminution prévue à l’article 707-3 en cas de paiement volontaire. »
II. – Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complété par un article 409-1 ainsi rédigé :
« Art. 409-1. – L’article 707-5 du code de procédure pénale est applicable aux amendes douanières. »
III. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 612-42 est ainsi rédigé :
« I. – Les sanctions pécuniaires prononcées en application des articles L. 612-39 à L. 612-41 font l’objet d’une majoration de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, mise à la charge de la personne sanctionnée.
« Les montants des sanctions et astreintes prévues à ces mêmes articles sont recouvrés par le Trésor public et versés au budget de l’État. » ;
2° Avant le dernier alinéa du III de l’article L. 621-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sanctions pécuniaires prononcées en application du présent III font l’objet d’une majoration de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, mise à la charge de la personne sanctionnée. »
IV. – Après l’article L. 464-5 du code de commerce, il est inséré un article L. 464-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 464-5-1. – Les sanctions pécuniaires prononcées en application des articles L. 464-2 à L. 464-5 font l’objet d’une majoration de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, mise à la charge de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné. »
V. – Au second alinéa du I de l’article 44 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, après le mot : « pécuniaires », sont insérés les mots : « prononcées en application de l’article 43 font l’objet d’une majoration de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, mise à la charge des organismes sanctionnés. Elles ».
VI. – (Non modifié) Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2015.