M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Il s’agit là d’une grave question : celle du rapport entre les prêts et les dons et du niveau des taux d’intérêt.
Je signale que la concessionalité suscite un vif débat au sein de l’OCDE et que cette dernière a publié, en 2013, une annexe relative à ce sujet dans sa publication consacrée à l’aide publique au développement. Les points de vue des États en la matière sont profondément divergents. Des discussions devraient permettre de mieux définir la notion d’aide publique au développement et la manière dont elle est comptabilisée par les pays.
À ce stade, il n’est pas opportun d’anticiper sur le résultat de ces débats ou de préempter leurs conclusions. Voilà pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 80 rectifié bis, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 231
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La capacité de prêt direct de l’AFD à des collectivités territoriales du Sud, notamment aux villes, est un outil précieux, dont peu de pays disposent, qui permet d’accompagner de manière privilégiée le développement durable dans les pays en développement et peut s’appuyer sur la capacité d’expertise forte des collectivités territoriales et des entreprises françaises en la matière.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est, une fois encore, soutenu par la commission du développement durable.
L’AFD peut accorder des prêts directs à des collectivités territoriales du Sud, y compris sans garantie de l’État, donc des prêts dits « non souverains », si la législation locale et la situation financière de la collectivité le permettent. Les exemples de tels prêts sont nombreux.
Le présent amendement tend à souligner le caractère précieux de cet outil pour accompagner le développement urbain dans les pays en développement, et l’atout que peut constituer l’expertise des collectivités territoriales et des entreprises françaises en la matière.
Il s’agit véritablement d’une spécificité française, les autres banques de développement ne procédant pas de même. Il me semble important d’introduire cette précision dans le texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Monsieur Dantec, la commission souhaite que vous supprimiez de votre amendement les mots « est un outil précieux, dont peu de pays disposent, » : ces termes sont très poétiques, mais ils ne méritent pas réellement de figurer dans la future loi. Ils ne sont guère juridiques ! Si vous acceptiez une telle rectification, la commission serait alors favorable à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Sous réserve de la rectification souhaitée par la commission, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Monsieur Dantec, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?
M. Ronan Dantec. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 80 rectifié ter présenté par M. Dantec et ainsi libellé :
Alinéa 231
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La capacité de prêt direct de l’AFD à des collectivités territoriales du Sud, notamment aux villes, permet d’accompagner de manière privilégiée le développement durable dans les pays en développement et peut s’appuyer sur la capacité d’expertise forte des collectivités territoriales et des entreprises françaises en la matière.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 234
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La France s’engage à expérimenter l’échange automatique avec les pays en développement engagés dans une démarche de transparence, en acceptant de leur livrer les informations qui leur sont nécessaires sur leurs contribuables en France, sans exiger de réciprocité immédiate.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Dans le cadre de la contribution de la France à la lutte contre l’évasion fiscale dans les pays en développement, nous souhaitons, par le biais de cet amendement, proposer un dispositif expérimental et innovant. Certes, j’en suis conscient, celui-ci risque de contrevenir au droit international en vigueur en la matière ; toutefois, selon moi, le débat doit être engagé sur cette importante question.
Nous le savons, l’OCDE travaille sur un modèle d’échange automatique d’informations beaucoup plus efficace pour détecter la fraude et l’évasion fiscales. Or de nombreux membres du G20 et de l’OCDE considèrent que les pays en développement ne sont pas en mesure d’y participer. Ils estiment en effet que les critères en matière d’exigence de confidentialité des données et de réciprocité constitueraient pour ces pays des obstacles impossibles à surmonter. Il en va un peu de même pour l’AFD, qui connaît de nombreuses limites.
Une telle mise à l’écart de ces avancées des pays en développement est paradoxale, car elle risquerait d’être comprise par ces derniers au contraire comme une incitation à devenir eux-mêmes des paradis fiscaux.
Ainsi, par exemple, la Gambie fait la promotion de son territoire arguant du fait qu’elle est l’un des seuls pays au monde à n’avoir pas signé d’accord FATCA avec les États-Unis, ou bien encore le Kenya ou le Cap Vert tentent de devenir des centres financiers offshore.
À l’instar des règles commerciales qui ont pu donner lieu à la mise en place de mesures ad hoc pour les pays les moins avancés, nous proposons que les conventions fiscales puissent prévoir un échange automatique d’informations qui fonctionnerait, dans un premier temps, à sens unique, afin de fournir aux pays en développement les données utiles sur leurs contribuables ayant des comptes ou des activités en France.
Les besoins de l’administration fiscale française concernant les contribuables français dans ces pays pourraient d’ailleurs se révéler bien moins importants que l’inverse.
Enfin, au-delà des enjeux en termes de renforcement des capacités des administrations fiscales pour traiter l’ensemble des données reçues, il nous semble que la simple annonce, par la France, de ce type de coopération dérogatoire en matière d’échange automatique aurait un effet d’entraînement et serait fortement dissuasive.
Mme Nicole Bricq. Mais non !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Cet amendement tend à ce que la France s’engage à expérimenter l’échange automatique d’informations avec certains pays dans le domaine fiscal, en acceptant de leur livrer des données sans exiger de réciprocité.
L’évaluation de l’incidence d’une telle mesure étant difficile, la commission souhaite que le Gouvernement l’éclaire sur cette proposition, dérogatoire au droit international.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. La France est déjà très impliquée dans la coopération fiscale. L’échange automatique d’informations ne correspond pas aux besoins des pays en développement, lesquels recherchent plutôt des échanges sur demande,…
Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. … auxquels la France répond sans restriction.
Le processus d’échange automatique est par ailleurs très complexe et ces pays n’ont pas l’équipement adéquat. Nous leur imposerions des contraintes insurmontables. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet, Requier, Barbier, Bertrand, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 239
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France soutient également les organisations qui procèdent à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement, avec la mission explicite de générer un impact sociétal tout en assurant leur pérennité économique. Ces investissements ciblent des organisations de toute nature avec un objectif d’intérêt général auquel est subordonné l’objectif financier, des initiatives d’économie inclusive, des initiatives d’entrepreneuriat social ainsi que des entreprises solidaires de développement.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. La politique d’aide au développement doit aujourd’hui s’adapter à la place prépondérante des financements privés. C’est l’objet, notamment, de l’alinéa 239 du rapport annexé à l’article 2.
Cet amendement vise à compléter ce texte en y insérant les notions d’impact sociétal et d’économie inclusive, sans pour autant leur conférer, à ce stade, une portée normative.
Les entreprises françaises sont en effet de plus en plus nombreuses à promouvoir, dans les pays où elles s’implantent, des démarches d’intérêt général au service de la population ou de l’environnement. Pour mettre en œuvre ces dernières, elles peuvent s’associer à des acteurs de terrain qui partagent avec elles une vision commune.
Je citerai, par exemple, le cas de l’entreprise Danone qui s’est associée avec Muhammad Yunus, le célèbre économiste bangladais, ancien prix Nobel de la paix. Leur association a permis la naissance d’une usine de yaourts au Bangladesh, contribuant à la fois au développement de l’emploi local et à la production d’un yaourt adapté aux carences nutritionnelles des enfants du pays. L’entreprise a un but social, mais, pour le poursuivre, elle doit garantir la pérennité financière du projet. Elle peut être ainsi amenée à se doter d’un financement particulier. En l’occurrence, le groupe Danone a lancé la SICAV danone.communities.
De telles initiatives s’inscrivent dans le cadre de notre diplomatie économique et diffèrent des actions philanthropiques classiques comme de celles qui sont liées à la responsabilité sociale et environnementale.
Par le présent amendement, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous entendons distinguer, au sein de l’ensemble des flux de financements privés contribuant au développement, ces démarches très porteuses sur le terrain et également très positives pour l’image de nos entreprises.
Je vous propose donc d’adopter cet excellent amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Je préfère nettement votre explication orale, mon cher collègue, à la rédaction de votre amendement. La commission n’est pas tombée sous le charme de l’expression « les organisations qui procèdent à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement, avec la mission explicite de générer un impact sociétal tout en assurant leur pérennité économique. » C’est pourquoi elle vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, encore que les intentions que vous avez invoquées soient excellentes.
M. Yvon Collin. Je ne comprends pas, habituellement le charme opère ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement souscrit à cet amendement, qui vise à compléter opportunément l’alinéa 239 consacré à l’impact des financements privés en termes de développement durable et au rôle catalyseur que peuvent jouer les pouvoirs publics pour les optimiser.
Les entreprises françaises présentes à l’international comme des entreprises du Sud sont de plus en plus nombreuses à promouvoir des démarches d’intérêt général sur les territoires où elles s’implantent. Le présent amendement m'apparaît comme un véritable message d’encouragement aux entreprises françaises. Le Gouvernement le soutient donc.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je souhaitais simplement rappeler que, tout à l'heure, nous avions substitué aux termes « pays du Sud » les mots « pays partenaires ».
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 242
1° Deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, à condition de renforcer les règles fiscales, sociales, environnementales et les obligations en matière de respect des droits humains, auxquelles ils sont soumis
2° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
La France en assure l’efficacité en conditionnant son soutien apporté à des investissements privés dans les pays du Sud, au travers de ses opérateurs, à des exigences strictes en termes de responsabilité sociale, environnementale, fiscale et de respect des droits humains. La France soutient aussi les efforts des États pour mesurer la dépense fiscale associée aux exemptions accordées aux investisseurs et encourage une utilisation raisonnée des incitations fiscales.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. L’augmentation massive des flux d’investissements privés vers les pays en développement ne se traduit pas systématiquement par une amélioration des conditions de vie des populations et par un recul de la pauvreté et des inégalités. La question du développement économique est étroitement liée aux enjeux fiscaux, sociaux et environnementaux, comme au respect des droits humains.
Pour contribuer effectivement au développement, des règles contraignantes permettant de garantir la responsabilité sociale, environnementale et fiscale des entreprises, ainsi que des pratiques respectueuses des droits humains, doivent être mises en place. Quand des opérateurs privés bénéficient de soutiens publics, le respect de ces règles doit a fortiori conditionner l’octroi des financements ou des garanties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Cet amendement concerne les investissements directs étrangers et tend à l’application de règles strictes dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale.
Celles-ci nous semblent toutefois insuffisamment précises, notamment la notion « d’exigences strictes », et devraient être mieux définies. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 246
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La France suivra avec attention et accompagnera le développement de nouveaux financements liés aux négociations climatiques dans une optique de développement durable des territoires.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il s’agit du dernier amendement soutenu par la commission du développement durable. Il est, à mes yeux, symbolique de terminer l’examen des articles du présent projet de loi par un amendement qui vise la négociation relative au climat et les nouveaux financements susceptibles d’émerger de cette négociation.
Selon moi, si l’on veut atteindre un jour le taux de 0,7 % du PIB consacré au développement, il faudra obligatoirement conclure des accords sur le climat.
Cet amendement tend à ajouter une phrase à l’alinéa 246 évoquant ces financements. En effet, un accord sur le climat ne pourra émerger sans intégrer conjointement un accord sur le développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Pour saluer le travail de la commission du développement durable, la commission des affaires étrangères émet un avis favorable sur ce dernier amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l'article 2 et le rapport annexé, modifié.
(L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés.)
Seconde délibération
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Monsieur le président, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 2 et du rapport annexé, en particulier de son alinéa 17.
M. le président. Le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 2 et du rapport annexé.
Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, « avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ».
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Favorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.
Il n’y a pas d’opposition ?...
La seconde délibération est ordonnée.
Conformément à l’article 43, alinéa 5, du règlement du Sénat, « lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport ».
La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes, pour permettre à la commission à se réunir.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements, et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Article 2
rapport annexé
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’alinéa 17 du rapport annexé à l’article 2 dans la rédaction suivante :
La France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité. Conformément aux conclusions du forum de haut niveau de Busan de 2011 sur l’efficacité de l’aide, qui visent à l’établissement d’un standard commun, elle améliore le nombre et la qualité des informations sur son aide publiées sur les sites gouvernementaux. Elle lance également des projets pilotes destinés à publier en temps réel les informations sur les projets qu’elle finance, à l’instar de celles qu’elle a commencé de publier sur ses activités au Mali. Dans le cadre d’opérations réalisées en intermédiation financière, le groupe Agence française de développement (AFD) assure la transparence des véhicules financiers et publie la liste exhaustive des entités auxquelles il apporte son concours.
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Tout à l’heure, l’amendement n° 11 a été adopté dans une certaine confusion, alors que la commission des affaires étrangères avait émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Nous avions alors expliqué qu’il était techniquement impossible pour l’AFD de connaître et de suivre l’ensemble des bénéficiaires fiscaux, ainsi que d’assurer la transparence totale à l’égard d’éléments qu’elle ne maîtrise absolument pas.
L’amendement n° A-1 vise donc à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 17 introduite par erreur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La commission qui vient de se réunir est, dans sa majorité, défavorable à la proposition du Gouvernement de supprimer cette phrase. C’est là le résultat de sa composition aléatoire… Mais à titre personnel, j’y suis favorable, par souci de cohérence avec la position antérieure de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de cette longue après-midi, nous avons pu avoir quelques moments d’inattention. Pour ma part, je suis assez attentif. Il ne m’arrive pas de somnoler, ou du moins pas encore ! Cela viendra peut-être… (Sourires.) Pourtant, je l’avoue, je me suis trompé lors de mon vote sur l’amendement n° 11.
Je ne me livrerai pas à une exégèse du problème, mais il est très simple à expliquer. À l’origine, la commission, que je présidais, s’est exprimée très clairement : elle a voté à la quasi-unanimité contre l’amendement n° 11. En revanche, lorsqu’elle a examiné voilà quelques instants l’amendement n° A-1 du Gouvernement, il y a eu égalité des voix. Dès lors, vous connaissez la règle, l’amendement a été rejeté.
Je vous prie de bien vouloir excuser la faute d’inattention qui est à l’origine de cette situation. Pour ma part, j’avais proposé de revenir sur cette erreur non pas en procédant à une seconde délibération, mais lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Peut-être l’attention n’a-t-elle pas été suffisante en effet, mais je ne vous reproche absolument rien, monsieur le président de la commission. J’ai remarqué votre œil vigilant tout au long de notre débat.
Cela étant, il n’est peut-être pas habituel de demander au Sénat de se prononcer de nouveau sur une disposition déjà adoptée, mais, en la circonstance, je tiens à préciser que, en matière de microfinance, il sera impossible pour l’AFD de répondre à l’exigence que lui impose l’adoption de l’amendement n° 11.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à bien réfléchir à votre vote, l’amendement n° A-1 du Gouvernement visant à rectifier l’erreur commise, afin de ne pas placer l’AFD dans une situation difficile.
Bien sûr, vous avez raison, monsieur le président de la commission, il reste la commission mixte paritaire, mais ce serait bien de rectifier dès à présent cette erreur de parcours.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, certains d’entre nous ont voté cet amendement sans se tromper ! Quoi qu’il en soit, on le comprend très bien, alors que nous siégeons depuis plusieurs heures et bien que nous soyons tous très attentifs, une erreur s’est produite.
La disposition concernée touche la transparence. Vous savez que, depuis le début de la journée, un certain nombre d’entre nous essaye de faire entrer par la fenêtre ce que la commission n’a pas voulu faire entrer par la porte. C’est le jeu du débat parlementaire !
Je rappelle que l’alinéa 17 du rapport annexé à l’article 2 dispose : « La France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité ». C’est là une obligation de moyens. Jusqu’à preuve du contraire, ce texte ne comporte absolument pas d’obligation de résultat. Il n’y a là aucune mesure comminatoire susceptible de compromettre le travail de l’AFD. Je pense donc qu’il faut traiter le problème avec bonne humeur et attendre la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l'article 2 et le rapport annexé, modifié.
(L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert Hue, pour explication de vote.
M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parce qu’il est l’aboutissement des Assises du développement et de la solidarité internationale, le présent projet de loi répond à de nombreuses attentes formulées par tous les acteurs du monde du développement. À ce titre, il recueille déjà notre adhésion.
Sur la forme, cela a été dit, un projet de loi d’orientation et de programmation en matière de politique d’aide au développement est une première. Je m’en réjouis, d’autant plus que nos collègues députés ont enfoncé le clou à l’article 10 en prévoyant que le présent texte aurait une validité de cinq ans. Cette disposition oblige ainsi le Gouvernement à une forme de revoyure. C’est satisfaisant.
Sur le fond, je suis satisfait des nombreuses dispositions qui vont dans le sens de certaines des remarques que nous avons formulées, notamment lors du débat qui a eu lieu dans cet hémicycle sur le développement dans les relations Nord-Sud.
Madame la secrétaire d'État, vous avez parlé d’efficacité, de redevabilité et de solidarité. Nous approuvons naturellement ces grands principes et les mesures que vous proposez pour les mettre en œuvre. Je pense notamment au souhait du Gouvernement de cibler davantage notre aide sur les pays les plus pauvres, avec une attention soutenue à l’Afrique et, en particulier, à sa zone subsaharienne. Nous partageons totalement cette vision.
Comme l’ont indiqué les rapporteurs, si l’Afrique connaît des taux de croissance très dynamiques depuis quelques années, ce rebond est très inégalement réparti sur le continent. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je ne verse pas dans l’afro-pessimisme souvent ambiant, mais force est de constater que, si la pauvreté recule globalement en Afrique, elle demeure profonde dans certaines régions. Plusieurs raisons expliquent ce retard, mais je ne vais pas les énumérer en cet instant. À mon sens, nous devons accentuer nos efforts dans toute une série de domaines, notamment sur la question éducative. Je sais qu’il s’agit d’un enjeu fort, car cela suppose, outre la mobilisation d’infrastructures, une action politique déterminée pour lutter contre l’obscurantisme. Le récent et dramatique enlèvement de 223 lycéennes par Boko Haram au Nigéria nous le rappelle cruellement ; mais cela relève d’un autre débat...
Cela étant, le projet de loi prévoit également de diminuer la fragmentation de l’aide pour améliorer son efficacité. La complémentarité des aides bilatérale et multilatérale de la France est affirmée. C’est une bonne chose.
Pour ma part, j’ajouterai que l’efficacité de l’aide tient aussi à la capacité des populations locales à s’approprier les projets. C’est essentiel, et il faut donc y veiller. Par ailleurs, toujours dans l’esprit de responsabiliser les plus concernés, je me félicite de l’initiative de la commission des affaires étrangères, qui a introduit le dispositif du « migrant banking », lequel complète la démarche des députés sur le microcrédit.
Enfin, je dirai un mot de la responsabilité sociale et environnementale, que la commission a très justement renommée « responsabilité sociétale ». Le drame du Rana Plaza, mais aussi d’autres tragédies moins médiatisées, commande de renforcer l’exigence à l’égard des entreprises qui s’implantent directement ou se fournissent chez des sous-traitants. Il faut bien sûr que ces dernières apportent la garantie d’une totale transparence en termes de gouvernance et de communication.
Mes chers collègues, certains de nos concitoyens pourraient penser que l’aide au développement est semblable au tonneau des Danaïdes, tant l’ampleur de la tâche paraît immense. Pourtant, le bilan des Objectifs du Millénaire pour le développement qui arrivent à échéance en 2015 montre que des progrès significatifs ont été réalisés concernant plusieurs cibles, dont celle de réduire de moitié le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté. Nous ne devons donc pas relâcher nos efforts. Le présent projet de loi nous propose de poser les fondements de nos engagements. C’est essentiel, mais n’oublions pas que la solidarité n’est pas seulement une affaire de bonnes intentions. Nous devons avoir les moyens de notre politique, ce qui suppose de réorienter à la hausse les crédits de l’aide publique au développement pour atteindre le fameux objectif de 0,7 % du RNB de notre pays.
En attendant, les membres du RDSE soutiennent ce projet de loi, que je qualifierais de fondateur. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)