Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Carle
Secrétaires :
M. François Fortassin, Mme Marie-Noëlle Lienemann.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
3. Candidatures à des commissions mixtes paritaires
4. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi
5. Communication du Conseil constitutionnel
6. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
7. Politique de développement et de solidarité internationale. – Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : Mme Annick Girardin, secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie ; MM. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur de la commission des affaires étrangères ; Christian Cambon, corapporteur de la commission des affaires étrangères ; Ronan Dantec, rapporteur pour avis de la commission du développement durable.
Mme Nathalie Goulet, M. Michel Billout.
Demande de réserve de l’article 2. – Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; M. Christian Cambon, corapporteur. – La réserve est ordonnée.
8. Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
9. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'une proposition de loi organique
Suspension et reprise de la séance
10. Politique de développement et de solidarité internationale. – Suite de la discussion et adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale (suite) : MM. Yvon Collin, Gilbert Roger, Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, M. Michel Delebarre, Mme Nicole Bricq, M. Jacques Berthou.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie.
Clôture de la discussion générale.
M. Jean-Étienne Antoinette.
Amendement n° 62 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur de la commission des affaires étrangères ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 85 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur de la commission des affaires étrangères ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. – Rejet.
Amendement n° 52 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 22 rectifié ter de M. Gilbert Roger. – MM. Gilbert Roger, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 10 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mmes Annick Girardin, secrétaire d'État ; Joëlle Garriaud-Maylam. – Retrait.
Amendements identiques nos 31 rectifié ter de M. Serge Larcher et 59 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Serge Larcher, Yvon Collin, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 56 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Robert Hue, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 2 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié bis de M. Gilbert Roger. – M. Gilbert Roger.
Amendement n° 53 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin.
M. Christian Cambon, corapporteur. – Retrait de l’amendement n° 53.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 21 rectifié bis.
Amendement n° 63 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 64 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 et rapport annexé (réservés jusqu’après l’article 10)
Amendement n° 66 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 45 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 54 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 67 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rectification de l’amendement ; adoption de l’amendement n° 67 rectifié bis.
Amendement n° 68 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 69 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 65 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 88 de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 ter (nouveau). – Adoption
Amendement n° 5 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 27 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet. – Rectification de l’amendement.
M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; M. le président de la commission. – Adoption de la première partie de l’amendement n° 27 rectifié et rejet de la seconde partie ; adoption de l’ensemble de l’amendement n° 27 rectifié bis.
Adoption de l'article modifié.
M. Michel Billout.
Amendement n° 70 rectifié de M. Ronan Dantec. – M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 19 rectifié septies de M. Hervé Marseille. – Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 50 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 17 de M. Michel Billout. – MM. Michel Billout, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 28 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État, M. le président de la commission. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement n° 90 de la commission. – M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 29 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article 6 (suppression maintenue)
M. Gilbert Roger, Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; M. Jacques Berthou.
Adoption de l'article.
Mmes Marie-Christine Blandin, Annick Girardin, secrétaire d'État.
Amendement n° 93 de la commission. – M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 36 rectifié de M. Michel Delebarre. – M. Michel Delebarre.
Amendement n° 91 de la commission. – M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. – Rectification de l’amendement n° 36 rectifié.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption des amendements nos 36 rectifié bis et 91.
Amendement n° 6 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; M. Michel Delebarre. – Adoption.
Amendement n° 34 de M. Michel Delebarre. – MM. Michel Delebarre, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; MM. Ronan Dantec, Gilbert Roger, Mme Marie-Christine Blandin, M. le président de la commission.
MM. Michel Delebarre, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 94 de la commission. – M. le président, Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; M. Michel Delebarre. – Retrait de l’amendement n° 34 ; adoption de l’amendement n° 94.
Amendement n° 35 rectifié bis de M. Gilbert Roger. – MM. Gilbert Roger, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 92 de la commission. – M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 et rapport annexé (précédemment réservés)
M. le président de la commission.
Amendement n° 71 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 72 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 73 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 30 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements identiques nos 11 de M. Michel Billout et 47 de Mme Leila Aïchi. – Mmes Michelle Demessine, Leila Aïchi. – Retrait de l’amendement n° 47.
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 11.
Amendement n° 7 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet. – Rectification de l’amendement.
M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 7 rectifié.
Amendement n° 39 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 74 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 82 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 8 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, MM. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 9 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 25 rectifié de M. Gilbert Roger. – MM. Gilbert Roger, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 42 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; MM. le président de la commission, Gilbert Roger, Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Adoption.
Amendement n° 26 rectifié de M. Gilbert Roger. – MM. Gilbert Roger, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 55 rectifié de M. Jean Bizet. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; M. Ronan Dantec, Mme Marie-Christine Blandin, M. Gilbert Roger.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Christian Cambon, corapporteur ; le président de la commission. – Adoption de l’amendement n° 55 rectifié.
Amendement n° 84 rectifié de M. Ronan Dantec. – M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 76 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur. – Rectification de l’amendement.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 76 rectifié bis.
M. le président de la commission.
Amendement n° 77 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 43 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 86 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 40 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, MM. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 44 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 46 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Christian Cambon, corapporteur. – Rectification de l’amendement.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 46 rectifié.
Amendement n° 12 de M. Michel Billout. – MM. Michel Billout, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; MM. le président de la commission, le président. – Rejet.
Amendement n° 51 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 38 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 89 de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié de M. Gilbert Roger. – MM. Gilbert Roger, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 13 de M. Michel Billout. – Mme Michelle Demessine, M. Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 87 rectifié bis de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendements identiques nos 32 rectifié ter de M. Serge Larcher et 60 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Serge Larcher, Yvon Collin, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption des deux amendements.
Amendement n° 41 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Michel Billout. – MM. Michel Billout, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 15 de M. Michel Billout. – Mme Michelle Demessine, MM. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 83 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de M. Gilbert Roger. – MM. Gilbert Roger, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rectification de l’amendement ; adoption de l’amendement n° 20 rectifié bis.
Amendement n° 57 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Yvon Collin, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; M. le président de la commission. – Retrait.
Amendement n° 75 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 78 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 79 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements identiques nos 33 rectifié ter de M. Serge Larcher et 61 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Serge Larcher, Yvon Collin, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rectification des deux amendements ; adoption des amendements identiques nos 33 rectifié quater et 61 rectifié bis.
Amendement n° 48 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 80 rectifié bis de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rectification de l’amendement ; adoption de l’amendement n° 80 rectifié ter.
Amendement n° 16 de M. Michel Billout. – MM. Michel Billout, Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 58 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Yvon Collin, Christian Cambon, corapporteur ; Mmes Annick Girardin, secrétaire d'État ; Nathalie Goulet. – Adoption.
Amendement n° 49 de Mme Leila Aïchi. – Mme Leila Aïchi, M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 81 rectifié de M. Ronan Dantec. – MM. Ronan Dantec, Christian Cambon, corapporteur ; Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l’ensemble de l’article 2 et du rapport annexé, modifié.
Demande d’une seconde délibération de l’article 2 et du rapport annexé. – Mme Annick Girardin, secrétaire d'État, M. Christian Cambon, corapporteur. – Adoption.
M. Christian Cambon, corapporteur.
Suspension et reprise de la séance
(Alinéa 17 du rapport annexé)
Amendement n° A-1 du Gouvernement. – Mme Annick Girardin, secrétaire d'État ; MM. Christian Cambon, corapporteur ; le président de la commission, Mme Nathalie Goulet. – Adoption.
Adoption de l’ensemble de l’article 2 et du rapport annexé, modifié.
MM. Robert Hue, Michel Billout, Mmes Nathalie Goulet, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Christian Cambon, corapporteur ; Ronan Dantec, rapporteur pour avis ; Gilbert Roger, le président de la commission.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du 21 mai 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente :
- à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires ;
- et à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale.
Ces listes ont été publiées et la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
4
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant réforme ferroviaire, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2013.
5
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 23 mai 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 314-1-1 du code de l’énergie (Dispositions particulières à l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables) (2014-410 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
6
Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 23 mai 2014, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement (n° 2014-396 QPC).
Acte est donné de cette communication.
7
Politique de développement et de solidarité internationale
Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale (projet n° 357, texte de la commission n° 491, rapport n° 490, avis n° 540).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi un honneur de vous présenter aujourd’hui le projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale.
C’est la première fois, depuis le début de la Ve République, qu’un projet de loi sur le développement est présenté au Parlement ; c’est la première fois que le Parlement débat non pas sur les seuls documents budgétaires, mais sur l’ensemble des orientations de notre politique de solidarité internationale.
Il était grand temps, car il est indispensable que la représentation nationale puisse enfin s’exprimer sur une politique qui contribue grandement au rayonnement de notre pays dans le monde. Il est essentiel que la France se dote d’un cadre d’action cohérent, transparent, partagé, qui obtienne l’assentiment des parlementaires.
Ce projet de loi, initialement porté par Pascal Canfin, dont je tiens à saluer l’action, est donc des plus utiles, même au lendemain d’une élection qui a secoué notre pays, même si l’activité législative est très dense, même si la crise économique peut conduire certains à penser que la solidarité internationale n’est qu’une politique superflue.
Lors de sa prise de fonctions, en 2012, le Président de la République a souhaité conduire la rénovation de notre politique d’aide au développement pour l’adapter aux enjeux du XXIe siècle, pour qu’elle promeuve un développement durable et solidaire, pour qu’elle contribue à bâtir un monde plus humain.
D’ailleurs, vous ne m’avez pas attendue pour considérer l’utilité de ce projet de loi. Depuis plusieurs années, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité, à de nombreuses reprises, disposer d’un tel cadre politique. La qualité du travail réalisé en commission – je remercie l’ensemble des commissaires qui y ont participé – atteste de cet intérêt.
Dans son rapport sur la politique française d’aide au développement publié en 2012, la Cour des comptes vous donnait raison et recommandait l’adoption d’une telle loi. Comme la Cour des comptes, vous regrettiez que le Parlement ne soit consulté à ce sujet que lors de l’examen des projets de loi de finances. Ceux-ci sont bien évidemment indispensables, mais leur présentation est fragmentée et leur examen – quand il peut effectivement avoir lieu… – peu identifié.
Bref, les projets de loi de finances ne permettent pas d’avoir une vision d’ensemble. Surtout, ils ne rendent pas compte des évolutions majeures qui conduisent l’aide au développement à évoluer constamment. Le monde a changé, il change rapidement, et nous n’intervenons plus à l’étranger comme nous le faisions autrefois.
C’est à la lumière de ces évolutions que je tiens à vous présenter ce projet de loi. Je veux montrer en quoi il répond aux défis majeurs qui s’imposent à nous. Je veux vous montrer pourquoi il est utile et pourquoi il sera efficace.
Ce qui caractérise le développement, ces dernières années, c’est la montée en puissance d’un très grand nombre d’acteurs non étatiques. Leur rôle s’est considérablement accru, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.
La multiplication des acteurs est une chance. Elle apporte une grande diversité de savoirs, d’expertises, une manière de faire innovante. Elle permet d’utiliser les meilleures compétences tout au long de la mise en œuvre d’un projet de développement et de mettre en commun des financements, ce qui en accroît la force de frappe.
Mais, pour que ces avantages puissent être efficaces, ces acteurs doivent échanger sur leurs conceptions, discuter de leurs pratiques. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi a été élaboré dans la plus grande concertation.
Les Assises du développement et de la solidarité internationale ont été organisées entre les mois de novembre 2012 et de mars 2013. Elles ont rassemblé, autour de quinze tables rondes, l’ensemble des acteurs du développement et de la solidarité internationale : des organisations non gouvernementales, du Nord comme du Sud, des entreprises privées, des syndicats, des parlementaires, des élus locaux et des universitaires.
Mais si la concertation est effectivement une méthode encouragée par le Président de la République, le Parlement est bien évidemment la dernière instance à se prononcer et à trancher. Pour avoir siégé à l’Assemblée nationale, je sais que l’indispensable concertation n’enlève rien aux décisions de la représentation nationale ; au contraire, elle les éclaire, elle les renforce.
Cette concertation était nécessaire pour aboutir à un cadre d’action partagé. Elle doit désormais être institutionnalisée, et c’est ce qu’il est proposé de faire au travers de la création du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, le CNDSI. Rassemblant les acteurs du développement dans leur diversité, cette instance permet une concertation régulière entre les différents acteurs sur les objectifs et les orientations de la politique française de développement.
Les actions menées par ces acteurs ne seront pleinement efficaces que s’ils se connaissent, s’ils travaillent de manière cohérente et coordonnée. La première réunion du CNDSI s’est tenue jeudi dernier, et les échanges furent fructueux, sur ce projet de loi comme sur la notion de cohérence. Nous sommes d’ailleurs favorables à ce que le CNDSI soit composé à parité d’hommes et de femmes, comme cela est l’usage.
Mais pour que les acteurs puissent se coordonner, encore faut-il que leur rôle soit reconnu. C’est ce que permet le projet de loi. À cet égard, je salue l’initiative des corapporteurs, MM. Cambon et Peyronnet, qui ont proposé, en commission, de rendre plus explicite la reconnaissance du rôle des acteurs non étatiques dans la politique de développement.
Je voudrais ici souligner le rôle des collectivités, car le Sénat assure – c’est un principe constitutionnel – « la représentation des collectivités territoriales de la République ». Le projet de loi prévoit de reconnaître l’action extérieure des collectivités territoriales, cette terminologie étant volontairement plus large que l’expression « coopération décentralisée ».
Les collectivités auront explicitement la possibilité de mener des actions de coopération et d’aide au développement, et une Commission nationale de la coopération décentralisée sera créée. L’amendement adopté en commission, qui vise à dédier 1 % du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à ces actions, renforcera les moyens à disposition des collectivités. Ces avancées considérables sécuriseront leurs actions et leur donneront plus de libertés.
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Mais je veux être très claire : on ne peut pas, d’un côté, renforcer le rôle des collectivités, et, de l’autre, outrepasser leurs prérogatives ou ignorer leurs intérêts. Je pense ici aux collectivités ultra-marines, qui, à l’heure actuelle, ne sont pas toujours consultées, ni même informées, lorsque des projets sont menés dans leur environnement régional. Dans certains cas, cela conduit à des situations paradoxales, qui voient la France soutenir dans des territoires étrangers des projets ayant des effets négatifs sur l’économie de territoires nationaux.
Les collectivités d’outre-mer sont les têtes de pont de notre République et de l’Europe aux quatre coins du globe. Notre politique de développement doit pouvoir s’appuyer sur leur savoir-faire, leurs réseaux et leur environnement régional, qu’ils ont participé à construire. Plusieurs amendements vont en ce sens, auxquels je suis tout à fait favorable.
Au-delà de la politique de développement, de nombreuses autres politiques publiques ont un impact sur les pays en développement. Je pense ici à l’agriculture, au commerce extérieur, à l’environnement, à l’énergie, à la santé, à l’outre-mer. L’efficacité de notre action dépend donc fortement de la cohérence de l’ensemble des politiques nationales et européennes.
Cette cohérence doit être au cœur de notre action : c’est tout l’objet des articles 3, 3 bis et 3 ter du projet de loi. Il ne sert à rien de verser des millions à des agriculteurs en Afrique si, par ailleurs, la politique agricole européenne freine leurs exportations. Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui rassemble, sous la présidence du Premier ministre, tous les ministères concernés par la politique de développement, est chargé de veiller à cette cohérence. La France y veillera également au sein de l’Union européenne.
De même, ce projet de loi prévoit de rationaliser les dispositifs existants, de rapprocher des enceintes, voire de les fusionner. Vous l’avez notamment demandé, mesdames, messieurs les sénateurs, en commission, pour le dispositif d’expertise technique internationale.
Le Gouvernement partage votre ambition : nous devons rationaliser le pilotage de cette politique, rassembler des opérateurs aujourd’hui fragmentés, pour plus d’efficacité et une diminution du coût. Les modalités de cette réforme, attendue depuis de nombreuses années, seront certainement à préciser, et son calendrier à définir. Le dialogue devra donc se poursuivre, mais nous avons là une réforme d’envergure pour la promotion de notre savoir-faire et de notre image à l’international.
L’autre évolution majeure dans la politique de développement tient à la nécessité de répondre à la demande d’une plus grande transparence.
La transparence n’est pas seulement un moyen de redevabilité, c’est aussi un outil puissant au service d’une plus grande efficacité. Or la redevabilité et l’efficacité sont des impératifs compte tenu du contexte budgétaire. Nos concitoyens doivent savoir comment l’argent public – leur argent ! – est utilisé. (Mme Nathalie Goulet approuve.)
La transparence est au cœur du projet de loi, tout d’abord du fait de sa nature même : issues d’une large concertation, les orientations de la politique de développement sont soumises à l’examen du Parlement. Mais le contrôle du Parlement ne s’arrêtera pas à cette seule loi. Vous serez informés par des rapports plus nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs.
Ainsi, le projet de loi intègre la première grille d’indicateurs de résultats de l’action bilatérale et multilatérale financée par la France. Trente indicateurs décriront annuellement les résultats emblématiques de l’action de la France dans ses secteurs prioritaires. Ces indicateurs sont certainement perfectibles. Donnons-nous le temps de les tester, de voir quels aménagements devront éventuellement leur être apportés par la suite.
Le projet prévoit également les modalités d’une évaluation plus indépendante de notre politique de développement. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a introduit une disposition audacieuse en ce sens.
Mme Nathalie Goulet. Elle est légitime !
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement souscrit à l’objectif, mais il souhaite poursuivre avec la représentation nationale un dialogue nourri pour approfondir cette question.
L’autre levier d’un accroissement de la transparence, c’est l’information du grand public, en France comme à l’étranger. Le lancement en septembre dernier d’un site internet pilote présentant l’ensemble des projets d’aide au développement de la France au Mali est un exemple de la démarche qui doit être généralisée. Interactif, donnant des informations concrètes sur les projets mis en œuvre à travers un service de géolocalisation, ce site offre aux citoyens français et maliens le moyen d’exprimer leur avis sur ces réalisations. Il renforce l’efficacité de nos actions et leur appropriation par les Maliens et les Maliennes, ainsi que le suivi des projets sur le terrain par la société civile dans son ensemble. Ce site constitue une nouveauté pour la France et un modèle pour nos partenaires européens, comme me l’ont indiqué mes homologues européens lundi dernier, lors d’un conseil des ministres chargés du développement.
D’ici à quelques mois, nous mettrons à la disposition du public des informations détaillées et actualisées concernant nos projets d’aide au développement dans les seize pays pauvres prioritaires.
Dans le domaine des industries extractives, le Gouvernement a décidé d’engager le processus formel d’adhésion à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives, l’ITIE, conformément à l’annonce faite par le Président de la République lors du sommet du G8 de Lough Erne. Nous avons pour objectif d’adhérer à l’ITIE à l’occasion de sa prochaine conférence internationale.
Une autre évolution majeure concerne l’approche même du développement. Les bouleversements entraînés par la mondialisation ont amené la France à promouvoir une approche globale. L’article 1er du projet de loi le réaffirme clairement : l’objectif de notre politique de développement est de promouvoir un développement durable. En effet, l’élimination de la pauvreté et la garantie d’une vie décente pour tous semblent impossibles sans une transition vers des modèles de consommation et de production plus durables, sans un renforcement de la gouvernance globale, sans le respect des droits.
Dans cette optique, il est proposé que quatre domaines constituent les priorités de la politique française de développement : la promotion de la paix, des droits de l’homme et des libertés individuelles ; la justice sociale et le développement humain ; un développement économique durable et riche en emplois ; la préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux.
Le projet de loi expose largement les enjeux dans chacun de ces domaines. Je n’y reviendrai donc pas dans le détail, mais, pour chacun d’entre eux, je mettrai l’accent sur un thème particulier qui me semble essentiel.
La responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la RSE, est l’un de ces thèmes. Alors que les entreprises sont les moteurs du développement économique, elles ne contribuent pas nécessairement au progrès social. De récents exemples, comme celui, dramatique, du Rana Plaza, au Bangladesh, nous l’ont tristement rappelé. La RSE doit être au cœur de notre politique de développement, car elle permet l’amélioration des conditions de travail, l’instauration d’un État de droit, la mobilisation en faveur du développement durable.
La reconnaissance du rôle des entreprises dans le développement entraîne une plus grande reconnaissance de leurs responsabilités. Ces responsabilités doivent être définies par l’autorité publique pour prévenir toute défaillance du marché. C’est tout l’enjeu des normes internationales, et le projet de loi encourage les sociétés françaises travaillant à l’étranger à mettre en œuvre les principes directeurs de l’OCDE. En particulier, il rappelle l’engagement de l’Agence française de développement, l’AFD, d’intégrer la responsabilité sociale, environnementale et fiscale dans son système de gouvernance et ses actions.
Au-delà des normes internationales, on observe une mobilisation toujours plus grande des entreprises en faveur des politiques de développement. C’est une très bonne chose. Dans un contexte de ressources publiques limitées, il faut encourager les entreprises à s’engager dans des politiques ambitieuses de RSE. Nous devons soutenir les initiatives conduites par les entreprises ou des coalitions d’acteurs dans les pays en développement ayant explicitement pour vocation de produire un effet social ou environnemental tout en assurant leur pérennité économique. Ces initiatives sont probablement vouées à se multiplier dans les années à venir, parce qu’elles sont rentables dans la durée et donnent le surcroît de sens que les salariés réclament.
La préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux est un autre sujet essentiel. Il est de notre responsabilité de nous assurer que nous ne laisserons pas aux générations futures un monde dans lequel les dérèglements climatiques obèreront la qualité de vie et les perspectives de croissance. Préserver le climat, éviter un réchauffement de la planète supérieur à deux degrés – tel est l’objectif que nous nous sommes fixé –, c’est agir en faveur du développement. Le dérèglement climatique est l’une des plus grandes menaces pour le développement des pays les plus vulnérables. Nous devons aider ces pays à choisir un mode de développement écologiquement soutenable et à s’adapter aux effets du changement climatique.
La France accueillera en 2015 la vingt-et-unième conférence des Nations unies sur le changement climatique. Comme Laurent Fabius et l’ensemble du Gouvernement, je serai mobilisée pour que cette conférence aboutisse à un accord ambitieux. À cet effet, je serai particulièrement vigilante en ce qui concerne la situation des territoires les plus vulnérables, notamment les territoires insulaires.
La promotion des droits de l’homme et des libertés individuelles est et restera une priorité de la France. La politique de développement contribue à promouvoir les valeurs de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes. Notre pays favorise une approche par les droits, ceux-ci conditionnant l’épanouissement des libertés. La France soutient ainsi, dans le cadre des discussions actuelles sur le futur agenda du développement, la définition de socles universels à même de garantir le respect effectif des droits de l’homme, tels qu’un accès égal pour tous aux biens publics mondiaux et aux opportunités économiques, sociales et environnementales.
Le dernier domaine d’intervention qui me semble essentiel, c’est celui de la jeunesse. L’éducation est le ciment de notre République, comme l’a réaffirmé le Président de la République en faisant de la jeunesse et de l’éducation la grande priorité de son mandat. Or, que constatons-nous ? Lorsqu’il s’agit du développement des autres, nous sommes de plus en plus absents. À force de répondre à la nouveauté, à force de courir après ce qui est populaire, ce qui donne des résultats à court terme, peut-être avons-nous oublié les fondamentaux.
Quand je parle de la jeunesse et de l’éducation, je ne pense pas uniquement à l’éducation de base, même s’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, notamment en matière de formation des maîtres ; c’est d’ailleurs tout l’enjeu de la pleine mise en œuvre du fonds de solidarité prioritaire « 100 000 professeurs pour l’Afrique », à laquelle je veillerai. Je pense aussi, et surtout, à la formation professionnelle, qui fait tant défaut dans de nombreux pays, alors même qu’elle constitue une priorité absolue en raison de leur démographie, des millions de jeunes entrant chaque année sur le marché du travail. Quand je parle de la jeunesse et de l’éducation, je pense aussi à la formation à la citoyenneté, à la sensibilisation aux droits des femmes, aux problématiques environnementales ou encore à l’hygiène.
On ne pourra pas remédier aux plus grands maux de notre temps si nous ne combattons pas leur racine, à savoir l’ignorance : ce n’est pas l’ancienne conseillère d’éducation populaire et de jeunesse qui parle, c’est la républicaine. À travers l’éducation, ce sont des valeurs qui sont inculquées. Ces valeurs sont d’autant mieux transmises qu’elles le sont en français. C’est l’un des points de convergence majeurs de mes deux périmètres d’action, la francophonie et le développement. Sachez-le, les Anglo-Saxons ne s’y sont pas trompés : ils investissement massivement dans l’éducation. Cela peut paraître paradoxal quand on sait que le boom démographique annoncé concerne avant tout l’Afrique francophone. D’ores et déjà, 60 % de la population francophone a moins de 30 ans. Les projections annoncent 800 millions de locuteurs francophones en 2050, dont plus de 80 % vivront en Afrique. C’est un véritable enjeu pour notre langue, pour nos valeurs, pour notre pays.
L’autre évolution mondiale majeure qui affecte l’aide au développement, c’est la sortie de la pauvreté de millions de femmes et d’hommes. Cette tendance s’est accélérée depuis les années quatre-vingt, notamment grâce à l’émergence de pays comme la Chine et l’Inde. En 1990, 47 % de la population mondiale vivait avec moins de 1,25 dollar par jour ; en 2010, ce taux était passé à 22 %. Cependant, les progrès enregistrés au niveau mondial ne doivent pas masquer les disparités toujours existantes, voire croissantes, tant entre les pays, avec la persistance d’un groupe de pays nettement moins avancés, qu’au sein de certains pays, y compris à revenus intermédiaires, où persistent des inégalités criantes. Ce sont ainsi 1,2 milliard d’hommes et de femmes qui continuent de vivre dans l’extrême pauvreté ; une personne sur huit dans le monde est toujours chroniquement sous-alimentée.
C'est pourquoi la concentration de l’aide constitue l’un des principes directeurs de notre politique de développement, comme le rappelle l’article 4 du projet de loi. Ainsi, 85 % de l’effort financier sera consacré à l’Afrique subsaharienne et aux pays des rives sud et est de la Méditerranée. Au moins 50 % des subventions de l’État et les deux tiers de celles de l’AFD viendront soutenir les secteurs sociaux des seize pays pauvres prioritaires.
Toujours dans un souci de concentration des moyens, la France établit des partenariats différenciés. Pour éviter le saupoudrage, nous interviendrons non pas dans tous les secteurs de l’aide au développement d’un pays donné, mais dans un nombre limité de secteurs, définis conjointement avec le pays partenaire en fonction de ses besoins.
Nous intervenons également dans les pays en crise. Nos interventions au Mali et en République centrafricaine l’ont montré : la France veut être aux côtés de ces pays non seulement, lorsque cela est nécessaire, dans les phases d’action militaire, mais aussi dans les phases de prévention, d’aide humanitaire et de reconstruction, pour que son action s’inscrive pleinement dans la logique du continuum urgence-reconstruction-développement.
Cependant, la France ne peut pas tout faire toute seule. Notre action vise à montrer la voie, pour mobiliser d’autres bailleurs sur des sujets primordiaux et créer un effet de levier. C’est tout le sens de la disposition de ce projet de loi tendant à permettre à l’AFD de porter des fonds multibailleurs. L’intervention dans les pays à revenus intermédiaires se concentrera avant tout sur la préservation des biens publics mondiaux, en promouvant dans ces pays une croissance verte et solidaire via des prêts peu ou pas concessionnels tout en veillant à un meilleur partage des richesses et à la lutte contre la corruption.
Les inquiétudes sur l’utilisation de ressources publiques pour financer des projets dans des pays tels que ceux d’Asie du Sud-Est sont légitimes. C’est pourquoi l’intervention dans les très grands émergents se fera, quant à elle, à coût nul pour l’État, au sein de partenariats. N’oublions pas que ces pays constituent des alliés potentiels dans l’action collective mondiale, ainsi que des marchés importants pour nos entreprises. Nous devons y promouvoir l’expertise technique française.
Bien entendu, toutes ces évolutions, qu’elles soient thématiques ou géographiques ou qu’elles concernent la multiplication des acteurs, ne sont pas sans incidence sur le financement de l’aide au développement. Comment pourrait-on imaginer le contraire ? J’invite donc à la plus grande prudence ceux qui ne prennent pour référence qu’un seul indicateur, soumis à des biais méthodologiques, comme celui de l’OCDE. Nous n’avons pas à rougir. L’aide au développement est multiple ; son financement ne saurait être uniforme.
Nombreux sont ceux qui regrettent l’absence de programmation budgétaire dans ce projet de loi. Comme vous le savez, il relève de la catégorie des lois de programmation déterminant les objectifs de l’action de l’État, prévue par le vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution. L’assemblée générale du Conseil d’État a rappelé, en décembre dernier, que, malgré leur intitulé, les lois d’orientation et de programmation ne sont pas soumises à l’obligation de comporter des éléments de programmation budgétaire. Par souci de cohérence avec le triennum budgétaire, il est apparu plus judicieux que les orientations et lignes programmatiques présentées dans le projet de loi s’appuient chaque année sur les moyens inscrits dans les lois de finances.
Les financements publics demeurent une source financière importante. Le projet de loi réaffirme la nécessité de maintenir des financements publics élevés. Il mentionne l’objectif international de 0,7 % du revenu national brut dédié à l’aide publique au développement. Comme l’a rappelé le chef de l’État en clôturant les Assises du développement et de la solidarité internationale, la France reprendra une trajectoire ascendante vers ses engagements internationaux dès que la situation économique le permettra.
Mais nous devons aussi encourager le recours à d’autres sources de financement. Je pense bien entendu aux investissements privés ; c’est tout l’enjeu de la RSE. Je l’ai déjà souligné, faire participer les entreprises à l’amélioration des conditions de vie est un enjeu majeur. Il y a aussi les transferts d’argent des diasporas, qui constituent une manne financière importante. L’examen du texte en commission des affaires étrangères a permis de l’enrichir en encadrant et en facilitant ces transferts ; cela représente une vraie avancée. Je remercie les corapporteurs, MM. Peyronnet et Cambon, d’avoir pris cette initiative.
Néanmoins, il faut le reconnaître, le financement doit venir aussi et surtout des pays partenaires eux-mêmes.
La mobilisation des ressources nationales est un enjeu fondamental et la France aide au renforcement effectif des capacités administratives des pays à faibles revenus. On estime que les flux illicites de capitaux sortant de ces pays sont dix fois supérieurs à l’aide reçue de l’ensemble des bailleurs internationaux. Partant de ce constat, l’article 4 du projet de loi prévoit que la France soutient la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux pour favoriser la mobilisation de leurs ressources par les pays en développement.
Au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, la France contribue à la recherche de nouvelles ressources pour le développement, telles que la taxe sur les billets d’avion, la taxe sur les transactions financières ou encore la facilité internationale de financement pour la vaccination. Notre pays cherche constamment à innover pour offrir une aide substantielle aux pays les plus vulnérables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne l’oublions pas, au-delà des mots, au-delà des concepts et des chiffres, ce qui importe, c’est d’offrir un soutien aux populations qui ont besoin de notre aide. Malgré toutes les évolutions que je viens de vous présenter, une chose n’a pas changé : la détermination de la France à lutter contre la pauvreté, à favoriser un développementéconomique plus durable, un développement humain plus harmonieux. Le principe de solidarité a forgé, depuis plus d’un siècle, notre modèle de société. Or, comme le disait si justement Léon Bourgeois, la loi de solidarité est universelle, la dette de l’homme envers les autres hommes n’a pas de frontières.
La crise économique est difficile et il est indispensable de réaliser des économies, mais ce n’est pas une raison pour céder aux sirènes populistes qui prônent un repli sur soi. Quelles que soient les difficultés, notre République doit continuer et continuera ses efforts en faveur du développement. C’est le message de Manuel Valls, comme c’était celui de Jean-Marc Ayrault.
Quel plus beau symbole, au lendemain d’une victoire des populismes en France et en Europe, que ce projet de loi, ouvert et humaniste ? Les Français ne s’y trompent pas, qui restent très majoritairement favorables à une poursuite déterminée de notre politique en faveur du développement.
Mais pour que ce soutien demeure, pour que leurs espoirs ne soient pas vains, notre action doit être irréprochable. Elle doit être efficace, cohérente et transparente. C’est l’ambition de ce projet de loi, c’est l’ambition du Gouvernement, c’est mon ambition.
Ce texte constitue une première étape de la refondation de notre politique de solidarité internationale. C’est une loi pour les Français ; elle est de celles qui contribuent à faire la grandeur de la République. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur.
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, le Sénat examine donc aujourd’hui le premier projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement. Longtemps demandé par les différents rapporteurs qui se sont succédé, ce texte répond à une exigence démocratique : le Parlement doit pouvoir débattre des grandes orientations d’une politique publique qui, selon la méthodologie de calcul de l’OCDE, représente un montant de près de 10 milliards d’euros par an. Je vous remercie d’avoir insisté sur ce point, madame la secrétaire d’État.
Ce projet de loi répond aussi à une exigence démocratique en ce que les débats parlementaires se tiennent en public, en toute transparence. Cela constitue un aboutissement logique du travail de concertation exemplaire mené depuis deux ans par le Gouvernement, qui a réuni, entre novembre 2012 et mars 2013, des Assises du développement et de la solidarité internationale ayant permis de débattre largement de la politique de développement avec l’ensemble des acteurs intéressés.
Ce projet de loi traduit également la nécessité de s’adapter à un monde en mutation. Depuis une dizaine d’années, les progrès sont spectaculaires dans le monde, même s’ils demeurent disparates et fragiles.
Alors que nous arrivons à l’échéance prévue pour les objectifs du millénaire pour le développement fixés en 2000 par 189 chefs d’État et de Gouvernement, le rapport annuel de l’ONU de 2013 dresse un bilan encourageant, évoquant des progrès significatifs sur un grand nombre de cibles, par exemple la réduction de moitié du nombre d’individus vivant dans l’extrême pauvreté et de la proportion de personnes n’ayant pas un accès durable à une source d’eau potable améliorée. Mon collègue corapporteur Christian Cambon évoquera ultérieurement cette question majeure.
En octobre dernier, la commission des affaires étrangères a notamment mis en avant le décollage impressionnant de l’Afrique, dont le taux de croissance économique a été particulièrement élevé durant les dix dernières années. Les changements y semblent structurels. Pour autant, cette croissance reste inégalement répartie sur le continent et entre les populations. Avec 400 millions de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, l’Afrique est ainsi confrontée à un terrible paradoxe : la pauvreté recule, mais le nombre de pauvres augmente. En outre, les situations de fragilité peuvent rapidement dégénérer en crises aiguës, comme c’est le cas actuellement au Mali ou en République centrafricaine.
La réalisation globale de nombreux objectifs du millénaire pour le développement sera également permise par l’apparition de ce que l’on appelle communément les « très grands émergents ». Aujourd’hui, le produit intérieur brut de la Chine, qui a triplé en dix ans, est trois fois supérieur à celui de notre pays !
Bien sûr, ces pays connaissent encore une richesse nationale par habitant bien inférieure à celle des pays développés et demandent davantage une expertise ou une valeur ajoutée intellectuelle qu’une aide budgétaire. En outre, ils mettent eux-mêmes progressivement en place des politiques qui peuvent s’apparenter à des actions de coopération envers les pays les plus pauvres. Si les chiffres doivent être regardés avec précaution en raison des incertitudes statistiques, l’OCDE estime que la Chine a dépensé 2,8 milliards de dollars en 2011 en aide publique au développement. De même, l’Arabie saoudite a versé 5 milliards de dollars en 2011 et les Émirats arabes unis la même somme en 2013.
L’intervention de ces nouveaux acteurs révèle plus globalement l’apparition d’un ensemble varié de bailleurs de fonds, publics et privés, dont les modalités d’intervention diffèrent, par de nombreux aspects, de celles qui sont généralement applicables dans les pays de l’OCDE.
C’est donc dans un contexte différent que la France doit dorénavant penser et mettre en œuvre sa politique de développement et de solidarité internationale. Tel est l’objet de ce projet de loi, que vous avez présenté de façon suffisamment exhaustive, madame la secrétaire d’État, pour que je ne me croie pas obligé d’y revenir.
C’est pourquoi mon collègue Christian Cambon et moi-même nous concentrerons sur les lacunes que nous avons pu identifier – c’est un peu la loi du genre ! – et sur les principales modifications apportées par la commission.
Le projet de loi est fondé sur une logique de « partenariats différenciés » pour adapter les instruments utilisés par la France aux besoins et à la situation des pays partenaires et sur l’idée de concentrer notre aide au bénéfice des pays pauvres prioritaires de l’Afrique et de la Méditerranée.
Or les objectifs affichés en termes de concentration ne constituent pas une avancée particulière par rapport à la situation existante.
Surtout, le projet de loi n’évoque aucunement l’équilibre financier entre les différents instruments utilisés. Subventionner un projet ou prêter de l’argent pour sa réalisation n’est pourtant pas la même chose. Nous estimons depuis plusieurs années que les montants actuels, pour ce qui est appelé dans le jargon les « dons-projets », ne sont plus cohérents avec les ambitions géographiques proclamées. À quoi sert-il d’afficher une concentration des subventions sur les pays pauvres prioritaires alors que le montant total des subventions est inférieur à 600 millions d’euros par an ? Avec une aide publique au développement de 9,4 milliards d’euros en 2012, la France n’a consacré que 256 millions d’euros aux subventions aux pays pauvres prioritaires, soit 2,7 % de l’ensemble de notre aide.
Certes, l’Assemblée nationale a demandé un rapport sur cette question, mais nous ne pouvons que regretter le décalage persistant entre un discours volontariste et des moyens effectivement déployés qui ne sont pas en adéquation.
Bien sûr, plusieurs problèmes sont à la source de cette forme de désenchantement que les acteurs rencontrent sur le terrain. J’en citerai deux : la notion d’aide publique au développement, telle que calculée par l’OCDE, qui intègre des enveloppes trop variées et qui sont parfois éloignées d’une aide de terrain ; le choix de la France de verser des sommes importantes via l’aide multilatérale, que ce soit par le biais de l’Union européenne ou de fonds verticaux, en particulier ceux concernant la santé, ce qui représente une aide peu visible, sur laquelle il faudrait peut-être réfléchir.
J’en viens maintenant aux principales modifications apportées par la commission.
Nous avons d’abord souhaité mettre en avant le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs, notamment les collectivités territoriales, la société civile et les entreprises. Par exemple, sur notre initiative, le champ de la loi Oudin-Santini a été étendu au secteur des déchets ménagers.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Il s’agit de permettre aux collectivités, dans un cadre juridique sécurisé et fléché, de mener des actions internationales dans un secteur où les collectivités locales françaises ont une expertise forte, et qui représente un enjeu essentiel pour la plupart des pays partenaires. Ceux-ci sont en effet confrontés à une prolifération anarchique des déchets, ce qui est dramatique pour les populations, pour l’environnement et pour la santé. Les montants consacrés à ces actions seront plafonnés à hauteur de 1 % du produit de la taxe ou de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères. Nous verrons quel sort sera réservé aux amendements portant sur ce point.
Par ailleurs, la commission a adopté une profonde réforme du dispositif de l’expertise technique internationale. En novembre 2012, nous avions approuvé le rapport de notre collègue Jacques Berthou, que je salue, dénonçant l’inadaptation des outils de la France en la matière. Envoyer des experts français auprès des pays partenaires pour mettre en place l’administration des douanes, réformer les collectivités territoriales, adopter des normes techniques en matière environnementale ou sanitaire ou encore développer des socles de protection sociale constitue un enjeu économique et politique primordial. Ces projets déterminent souvent les procédures ou les normes que le pays en question appliquera dans les années à venir ; c’est donc un investissement essentiel pour l’influence française dans le monde.
Or le dispositif français est complètement éparpillé entre de très nombreux acteurs. Depuis des années, tous les gouvernements sont conscients de ce problème, mais rien ne se passe. L’an dernier, une nouvelle étude a bien été commandée, mais sa remise a été suivie de discussions interministérielles picrocholines qui ne permettent pas vraiment d’être optimiste quant à la possibilité de trouver les voies d’une réforme ambitieuse et courageuse.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est de l’honneur du Parlement de créer les conditions d’une telle réforme ; la commission l’a fait en soutenant l’initiative de Jacques Berthou, ce dont je me félicite.
Nous avons donc prévu la fusion de six organismes en un seul pour renforcer l’efficacité du dispositif français dans la concurrence internationale en créant un véritable « label France » et pour mutualiser les moyens. Pour autant, cette réforme doit préserver la richesse de notre expertise par « métier », qui fait la force de la France. C’est pourquoi la nouvelle agence doit être vue comme un holding s’occupant des tâches transversales et répondant aux appels d’offres internationaux. Toutefois, les départements thématiques qui la composeront devront conserver une large autonomie, en lien avec les acteurs publics ou privés les plus concernés.
Ces deux exemples structurants – la coopération des collectivités territoriales et l’expertise technique – montrent que notre volonté a été de renforcer le caractère normatif du projet de loi, dans un souci d’efficacité et de pragmatisme.
Ayant présenté ce « demi-rapport », je vais maintenant laisser la parole à mon collègue Christian Cambon. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes propos s’inscriront bien sûr dans le droit fil de l’intervention de M. Peyronnet, à qui je tiens à rendre hommage, ainsi qu’à M. le président Carrère, qui a souhaité maintenir ce qui devient une belle tradition de la commission des affaires étrangères en associant majorité et opposition pour l’élaboration de ce rapport. Cela donne un bel exemple de ce que pourrait être le travail du Parlement sur de nombreux autres sujets.
Jean-Claude Peyronnet et moi-même travaillons de manière tout à fait consensuelle sur la politique de développement depuis plusieurs années maintenant, et nous portons ici la parole de la commission unanime. Il me revient de compléter les propos de mon collègue en soulignant les quelques lacunes que nous avons identifiées dans ce projet de loi et les regrets qu’elles nous inspirent.
Je relèverai tout d’abord l’absence de programmation financière, objet principal de nos critiques. Le Parlement commence à avoir une certaine habitude des lois de programmation : lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ou lois de programmation militaire. Or, contrairement à ces textes, le projet de loi qui nous est soumis et dont le titre comporte pourtant le mot « programmation » ne contient aucun élément financier.
Certes, l’Assemblée nationale a réussi, de haute lutte, à insérer dans le rapport annexé – et non dans la partie normative – le rappel de l’engagement international de la France de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement. Cet objectif pose, par ailleurs, un certain nombre de problèmes ou de questions, notamment quant au contenu de l’aide publique au développement ; Jean-Claude Peyronnet ayant évoqué cet aspect, je n’y reviendrai pas.
Les contraintes pesant sur les finances publiques rendent certes toute programmation incertaine, mais le Gouvernement en a établi une à l’automne dernier pour la mission « Défense » avec la loi de programmation militaire. Je n’ose d’ailleurs imaginer que l’on puisse revenir sur celle-ci.
Ajoutée à l’absence de réflexion sur l’équilibre entre aide bilatérale et aide multilatérale et entre les différents instruments utilisés par la France, comme cela a été mentionné tout à l’heure, cette absence de programmation financière limite la crédibilité des objectifs fixés. De manière symptomatique, durant nos auditions, on nous a beaucoup parlé des projets –supposés ? – du Gouvernement de diminuer les crédits de coopération en 2014…
L’autre lacune importante de ce projet de loi a trait au pilotage et à l’évaluation.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Christian Cambon, corapporteur. L’éparpillement du pilotage est le motif de critiques récurrentes, et malheureusement consensuelles, de la politique française de développement. La Cour des comptes parlait même à ce propos, en 2012, d’un « caractère singulier » de la France par rapport aux autres grands donateurs comme les États-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, qui ont mis en place des dispositifs d’évaluation beaucoup plus performants.
Naturellement, tant le ministère des affaires étrangères que celui de l’économie et des finances ont toute légitimité, dans leurs champs de compétences respectifs, pour participer pleinement à la politique de développement. Les ministères « sectoriels », comme, par exemple, ceux de la santé ou de l’environnement, en sont également, à l’évidence, des acteurs.
Cependant, la double tutelle historique de Bercy et du ministère des affaires étrangères se conjugue avec d’autres facteurs pour aboutir in fine à une organisation peu efficace, caractérisée par la faiblesse des concertations, la présence d’un opérateur autonome, puissant mais hybride du fait de son statut d’établissement bancaire, la difficulté pour l’État de correctement distinguer les rôles de stratège et d’opérateur et, enfin, l’éparpillement des acteurs français dans les pays partenaires.
Au total, la Cour des comptes relevait d’ailleurs que les coûts de gestion du système français sont plus élevés que ceux que l’on constate dans d’autres pays. Or le présent projet de loi ne contient pas d’élément nouveau à cet égard, hormis la réactivation du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui ne s’était pas réuni, en effet, entre 2009 et 2013.
Cependant, une telle instance composée de ministres réunis à intervalles irréguliers sous la présidence du premier d’entre eux ne peut guère tenir lieu de « pilote »… Par exemple, il aurait été intéressant que le Gouvernement s’engage aussi à donner plus de poids et de force au secrétariat du CICID, instance administrative beaucoup plus resserrée, et donc plus efficace. Nous militons donc pour un changement profond dans les pratiques et dans l’organisation administrative de la politique de développement, afin d’améliorer son efficacité et sa cohérence.
En ce qui concerne l’évaluation, la rédaction initiale du projet de loi était également particulièrement timide. Alors qu’il existe aujourd’hui trois services d’évaluation distincts, rattachés aux affaires étrangères, à Bercy et à l’AFD, le projet de loi se contentait de prévoir une programmation pluriannuelle conjointe de ces trois services. Aussi avons-nous prévu d’aller nettement plus loin, et ce de deux manières.
D’une part, nous proposons de regrouper ces services en un seul pour mutualiser les moyens, diminuer les frais de gestion et assurer la cohérence des travaux menés. Comment mieux coordonner des travaux qu’en instaurant un service unique ?
D’autre part, nous avons prévu de détacher ce service des donneurs d’ordres. Il est tout de même étrange – et typiquement français – que les services d’évaluation, même si on organise leur autonomie, travaillent au sein de la même structure que les services qui mettent en œuvre la politique elle-même. La séparation des acteurs constitue une condition essentielle pour une bonne évaluation.
Un autre axe de travail de notre commission a consisté à souligner la nécessité de mieux articuler les actions de l’ensemble des bailleurs de fonds internationaux. Jean-Claude Peyronnet a évoqué l’évolution du contexte mondial, avec l’apparition de nouveaux financeurs, publics ou privés, et le projet de loi aurait dû davantage prendre en compte cette nouvelle donne. Concrètement, la commission a, ici aussi, renforcé le caractère normatif du texte, en adoptant deux dispositifs structurants.
En premier lieu, sur l’initiative du Gouvernement et avec notre complet soutien, la commission a autorisé l’AFD à gérer des fonds de dotation, dits « fonds multibailleurs », qui sont alimentés par des sources diverses au niveau international et gérés par un opérateur unique. Le recours à ce type de fonds est particulièrement adapté dans des pays en crise, comme le Mali ou la Centrafrique, où la concentration de l’aide est une nécessité impérieuse et où le nombre d’acteurs capables de mettre effectivement en œuvre cette aide ne peut qu’être limité.
Parallèlement, lorsqu’elle n’est pas la mieux positionnée, la France ne doit pas s’interdire de verser des aides à des fonds gérés par d’autres opérateurs. L’amendement adopté par la commission autorise donc l’AFD à confier des crédits à des fonds multibailleurs gérés par d’autres opérateurs qu’elle.
En second lieu, la commission a autorisé les banques des pays en développement à commercialiser en France, dans des conditions prudentielles strictes, des produits financiers permettant de financer des projets d’investissement sur place. Cette disposition, déjà en vigueur dans plusieurs pays européens, vise à faciliter les transferts d’argent des migrants, ce qui est très important au regard des sommes élevées aujourd’hui en jeu en la matière.
Avant de conclure, je souhaiterais dire quelques mots de la coopération dans le domaine de l’eau, sujet qui me tient particulièrement à cœur. Si les indicateurs mondiaux se sont nettement améliorés, l’accès à une eau réellement potable reste le grand défi socioéconomique, sanitaire et environnemental de notre temps. L’approche doit nécessairement être globale et articulée avec les autres secteurs d’intervention pour atteindre des objectifs divers : accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, gestion qualitative et quantitative de la ressource, répartition équitable entre les différents usages, prévention des risques et des catastrophes, gouvernance…
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte était attendu et, clairement, il nous déçoit. Le Gouvernement avait l’occasion de poser les principes fondateurs d’une grande politique publique que nous préconisons depuis de nombreuses années. Or le message est complètement brouillé, trop souvent dilué dans le verbiage. Ce texte ressemble beaucoup plus à un catalogue de bonnes intentions, à une pétition de principe, qu’à une loi.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Christian Cambon, corapporteur. Ce projet de loi répond très peu, c’est le moins que l’on puisse dire, à l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la loi. Vous n’en êtes pas responsable, madame la secrétaire d’État. Je tiens au contraire à saluer la manière dont vous avez repris ce texte, en respectant un calendrier extrêmement contraignant. Ces critiques ne vous sont donc pas personnellement destinées.
Ce texte doit être considéré comme une étape. En tout état de cause, les orientations devront nécessairement en être révisées à la suite du sommet de septembre 2015, qui définira – du moins l’espérons-nous ! – de nouveaux objectifs de développement intégrant pleinement les aspects liés au développement durable.
Par ailleurs, de manière générale, nous ne pouvons qu’être surpris par le calendrier du projet de loi, même si, comme l’a rappelé Jean-Claude Peyronnet, nous avons réclamé la présentation d’un tel texte. En effet, son article 10 prévoit que la loi aura une validité de cinq ans alors que, dans un an, le monde se fixera de nouveaux objectifs…
Qui plus est, nous sommes également saisis, en ce moment même, du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD, qui a été préparé cet hiver, soit avant l’adoption de cette loi ! J’estime personnellement que le Gouvernement anticipe anormalement sur le vote du Parlement : cette proposition de contrat se réfère d’ailleurs au « projet » de loi, alors qu’elle devrait découler de la loi elle-même. Que se passera-t-il, par exemple, si le Parlement modifie sensiblement le projet de loi présenté par le Gouvernement ? Il est vrai que le parlementarisme rationalisé limite les risques de cet ordre…
Telles sont les observations que je souhaitais faire sur ce projet de loi, à la suite de Jean-Claude Peyronnet. Bien évidemment, la commission des affaires étrangères a néanmoins souhaité saluer l’effort que représente ce premier texte de programmation dans le domaine de la politique de développement et a adopté celui-ci à l’unanimité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous vivons donc aujourd’hui une première. En effet, c’est la première fois que le Parlement est amené à se prononcer sur ce que doivent être les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale de la France.
Cette innovation législative, tout comme le changement d’appellation du ministère – la « coopération » faisant place au « développement » –, marque un changement d’époque : une page est tournée, le temps de la Françafrique est révolu.
Je tiens à saluer l’action de Pascal Canfin, à qui nous devons ce projet de loi, ainsi que celle de son successeur, Mme Girardin, qui s’est beaucoup investie, depuis son arrivée au ministère, pour défendre ce texte important. Nous sommes ici en présence d’un bel exemple de continuité de conviction dans l’action gouvernementale.
Notre politique d’aide au développement rencontre des difficultés : ce constat est unanime et ancien. Le manque de pilotage et de débat collectif est manifeste ; un récent rapport de la Cour des comptes l’a très bien analysé.
Cette politique dépend en effet à la fois du ministère des affaires étrangères, de Bercy et de l’Agence française de développement. Le comité interministériel chargé d’assurer la coordination entre ces instances ne s’est pas réuni une seule fois entre 2006 et 2009. On déplore en conséquence une dispersion des aides, voire un saupoudrage.
De même, malgré l’émergence, en 2009, de la notion de partenariats différenciés en fonction des types de pays, l’aide n’est toujours pas suffisamment concentrée sur l’Afrique subsaharienne, tout particulièrement sur le pourtour du Sahel, où nous voyons bien aujourd’hui les conséquences politiques des déstabilisations liées à la pauvreté et au sous-développement.
L’absence de hiérarchisation des objectifs et le manque d’évaluation a posteriori sont également préjudiciables à l’efficacité de cette politique. Le projet de loi, rédigé après la convocation d’Assises du développement et de la solidarité internationale rassemblant tous les acteurs et une réunion du CICID, vise donc à remédier à ces difficultés.
Les objectifs de la politique de développement sont clarifiés et hiérarchisés. Deux priorités transversales sont définies : le développement durable et l’égalité entre les femmes et les hommes. Dix secteurs d’intervention sont ciblés, et les pays sont regroupés en zones géographiques. Une priorité claire est donnée à la recherche de cohérence entre la politique de développement et les autres politiques publiques, mais aussi, au sein de l’aide, entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale.
Une autre avancée importante réside dans la reconnaissance du rôle des acteurs non étatiques. L’action décentralisée des collectivités territoriales est enfin reconnue et encouragée. Le texte reconnaît également le rôle des organisations non gouvernementales et, grande première, il fait valoir l’importance de l’action du secteur privé, dans le cadre clair de la responsabilité sociale et environnementale, notion à laquelle la commission du développement durable a rappelé son attachement, car elle lui paraît plus précise que celle de responsabilité sociétale ; j’aurai l’occasion d’y revenir au cours du débat.
La commission du développement durable se félicite que l’AFD, contributeur principal de la politique d’aide au développement de la France, se trouve renforcée par le projet de loi et voie son cadre d’action précisé, avec des objectifs ambitieux en matière de développement durable.
Il ne s’agit pas ici d’une simple déclaration d’intention, et le texte se veut précis sur plusieurs points. Par exemple, le projet de loi prévoit que l’AFD ne pourra plus financer de projets de recherche, d’achat, de promotion ou de multiplication des semences génétiquement modifiées. C’est là un point important, sur lequel nous reviendrons.
À l’heure où le Parlement s’est prononcé contre la mise en culture des organismes génétiquement modifiés en France, il convient d’assurer une réelle cohérence des politiques menées en la matière à l’égard des pays du Sud, en veillant à ne pas exporter au Sud des pratiques que nous refusons chez nous.
Le texte prévoit également l’interdiction de soutenir des projets ayant pour conséquence la déforestation, l’accaparement des terres et des ressources naturelles au détriment des populations locales.
Un cadre d’intervention transversal climat-développement est aussi défini : chaque année, 50 % des financements de l’AFD dans les pays tiers devront comporter des co-bénéfices au titre du climat dans l’ensemble des secteurs pertinents, y compris l’énergie. Ce sont de vraies avancées, en particulier dans la perspective de la conférence sur le climat que la France accueillera en décembre 2015.
Nous reviendrons sur ces questions au cours du débat, mais il est d’ores et déjà évident que la cohérence des positions françaises sera scrutée à la loupe par les autres pays avant cette conférence Paris Climat 2015. Nous devons donc y être particulièrement attentifs.
La commission du développement durable a également été sensible au fait que le projet de loi souligne l’importance des financements innovants. Au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, il est nécessaire d’encourager la recherche de nouvelles ressources pour la politique de développement, notamment par le biais de taxes affectées. Depuis 2012, la France met en œuvre à titre national une taxe sur les transactions financières, dont le produit est alloué pour une large part au financement d’actions de développement, telles que la lutte contre les grandes pandémies, la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique.
Le présent débat est l’occasion de rappeler l’extrême importance de cet enjeu des financements innovants ; je compte, madame la secrétaire d’État, sur votre détermination à défendre ce dossier. En effet, ces derniers mois, les discussions se sont progressivement embourbées au niveau européen, du fait de l’opposition politique de certains États, comme le Royaume-Uni. Un accord, en date du 20 mai dernier, semble être de nature à relancer le dispositif, avec une entrée en vigueur dans dix pays à compter de 2016, mais il faut rester vigilants et souligner encore que cette taxe doit permettre d’apporter un financement significatif aux politiques d’aide au développement.
J’insiste ici sur l’importance que revêtiront, demain, les financements « climat ». Ils seront au cœur de la négociation, à Paris, tant sont étroitement liés développement et lutte contre le changement climatique.
L’absence de programmation financière est au cœur des critiques des corapporteurs, que je rejoins. L’objectif de 0,7 % du revenu national brut, qui remplit bien des discours, ne remplit pas, pour autant, les caisses de l’aide au développement ! Je suis convaincu que, si nous voulons tendre vers cet objectif, il sera absolument nécessaire d’additionner les financements du développement et les nouveaux financements « climat ». C’est aujourd’hui un enjeu absolument essentiel.
La commission des affaires étrangères a établi son texte fin avril. Ses membres ont réalisé un travail fourni et collégial, que je salue, sous la conduite de deux corapporteurs d’appartenances politiques différentes.
Elle a clarifié la structure du projet de loi, grâce à quoi les nouvelles priorités de la politique de développement ressortent nettement. Elle a également introduit de nouveaux dispositifs normatifs, en particulier le « 1 % déchets ». Les collectivités et leurs groupements pourront financer des actions internationales de coopération et de développement dans le secteur des déchets, dans la limite de 1 % du produit de la taxe ou de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères.
Le même dispositif existe pour l’eau et l’assainissement depuis la loi Oudin-Santini de 2005. L’expertise des collectivités en matière de services publics locaux est ainsi reconnue. Je ne peux m’empêcher de rappeler que c’était l’une des trente propositions formulées dans le rapport sur le rôle des collectivités territoriales dans la lutte contre le changement climatique et dans la mobilisation en vue de Paris Climat 2015 que j’avais rédigé avec Michel Delebarre et qui a été remis en septembre 2013 au ministre Pascal Canfin.
Ce combat était mené de longue date par Michel Delebarre et par certains réseaux, comme Cités Unies France. Je ne sais combien de fois les amendements déposés pour le faire aboutir sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Quoi qu’il en soit, l’entêtement a payé, et nous pouvons espérer l’adoption de cette mesure aujourd’hui.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis. J’en viens maintenant aux amendements soutenus par la commission du développement durable afin d’améliorer le texte. Ces amendements peuvent être classés selon cinq grands objectifs.
Premier objectif : nous souhaitons rappeler que le développement durable comprend un volet culturel. Depuis la déclaration de Rio de 1992 sur l’environnement et le développement, de nombreuses voix se sont élevées pour affirmer que le développement durable repose non pas sur trois piliers, mais sur quatre. Ce point figurait notamment dans un texte très important, adopté il y a une dizaine d’années : l’Agenda 21 de la culture, dit « de Barcelone ». Le texte de la Conférence Rio + 20 souligne lui aussi cet enjeu de la culture dans le cadre du développement durable. Nous avons donc proposé, avec le soutien de la commission des affaires étrangères, d’inscrire ce pilier culturel à l’article 1er.
Je présenterai également, dans le même esprit, un amendement fixant, parmi les objectifs de la politique de développement, la préservation du patrimoine matériel et immatériel des pays bénéficiaires de l’aide, ainsi que de leur diversité culturelle. Le rapport présentait de ce point de vue un certain déséquilibre, n’évoquant que très peu la dimension culturelle du développement. C’était d’autant plus regrettable que le Gouvernement compte désormais un secrétariat d’État chargé à la fois du développement et de la francophonie.
Deuxième objectif : il convient de reconnaître le rôle des sociétés civiles et de souligner l’importance de leur coopération et de leur dialogue pour construire un développement harmonieux et durable. Vous-même avez insisté dans votre propos introductif, madame la secrétaire d’État, sur l’importance de prendre en compte l’ensemble des acteurs.
Je présenterai, à ce titre, un amendement visant à intégrer les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide dans l’évaluation réalisée. Cet amendement s’appuie sur l’important travail réalisé par la mission commune d’information du Sénat sur l’action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement, présidée par Henri de Raincourt, et sur le rapport d’information de Kalliopi Ango Ela. Un dialogue égalitaire entre sociétés du Nord et sociétés du Sud passe aussi par le partage de l’évaluation de l’action.
Troisième objectif, lié au précédent : rappeler que la politique française doit s’inscrire, comme l’a dit M. Cambon, dans le cadre des agendas des Nations unies, avec les objectifs du millénaire pour le développement et, surtout, les objectifs de développement durable, dont le principe a été adopté en juin 2012, lors de la Conférence Rio + 20.
Vous le savez, les Nations unies devront adopter la liste de ces objectifs de développement durable en septembre 2015 à New York. C’est une négociation importante, en lien avec la négociation sur le climat. Il n’est pas imaginable de conclure un accord ambitieux à Paris en décembre si nous n’obtenons pas un accord dynamique sur les objectifs de développement durable à New York en septembre. Il est important que la France ait une stratégie cohérente en la matière et que le présent projet de loi s’inscrive clairement dans le cadre de ces grands objectifs onusiens.
Quatrième objectif : amplifier la reconnaissance du rôle des collectivités territoriales dans le développement. C’est aujourd’hui essentiel, tant leur action est importante, précieuse sur nombre de territoires, nourrie aussi de cultures communes entre élus locaux du Nord et du Sud. Les questions sont parfois posées dans des termes très proches, quels que soient les territoires concernés.
Je proposerai, dans ce cadre, de reconnaître l’intérêt de la capacité de prêt direct de l’AFD à des collectivités du Sud. L’AFD est la seule banque de développement à pouvoir consentir des prêts directs à des collectivités du Sud : soulignons cet atout français ! Il est essentiel de s’appuyer sur les collectivités territoriales, du Nord comme du Sud, car c’est par elles – nombre d’entre nous en sont convaincus – que passera la définition d’un nouvel équilibre mondial.
Pour finir, je propose de revenir sur la suppression, par la commission des affaires étrangères, de la notion de responsabilité sociale et environnementale, au profit de celle de responsabilité sociétale. La commission du développement durable soutient le retour à la mention de la responsabilité sociale et environnementale, car cette notion est plus précise et correspond au décret de 2012, ainsi qu’aux critères des agences de notation internationales.
Notre commission souhaite également que l’on en revienne à la rédaction initiale de l’alinéa du rapport annexé concernant les concours apportés par la France aux énergies fossiles, qui fixe comme objectif de réduire progressivement ces soutiens. Il ne faut évidemment pas restreindre cette ambition au seul cadre de la politique de développement. Il nous faut viser, de manière générale, une réduction des soutiens aux énergies carbonées, en cohérence avec les positions affirmées par le ministre Laurent Fabius dans le cadre de la préparation de la Conférence Paris Climat 2015, ainsi qu’avec la politique de transition énergétique engagée par le Gouvernement.
C’est là un point très important, car les autres pays regarderont avec attention si notre action nationale et internationale est cohérente avec le discours généreux que nous tenons dans le cadre de la négociation sur le climat.
Telles sont, mes chers collègues, résumées en quelques mots, les grandes lignes de mon rapport sur un texte innovant et ambitieux, et les propositions d’amendement soutenues par la commission du développement durable, qui a émis, par ailleurs, un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes entre nous, ce matin, pour examiner ce texte important. Nous allons donc pouvoir nous parler franchement !
La France consacre aujourd’hui quelque 10 milliards d’euros par an, tous modes de financement confondus, à l’aide au développement. Ces dernières années, néanmoins, ce sont surtout les critiques qui ont dominé le débat national sur ce sujet, critiques portant sur de multiples aspects, par exemple la visibilité ou la cohérence. Les rapporteurs s’en étant déjà fait l’écho, je n’y reviendrai pas.
Ces constats, nous les connaissons, les critiques aussi. Ce qui nous manque, ce sont les solutions et les outils.
En effet, ce qui fait défaut à nos politiques, cela a été dit à plusieurs reprises, ce sont les évaluations et les bilans, surtout à mi-parcours, en cette période de disette financière.
Je me suis rendue, la semaine dernière, au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. J’ai appris à cette occasion que la Banque mondiale venait de mettre en place un outil permettant d’interrompre en moins de six mois un programme en cas de dysfonctionnement des aides. Disposons-nous, madame le secrétaire d’État, d’un outil de cet ordre ? Si tel n’est pas le cas, pensez-vous pouvoir en mettre un en place ? Puisque le présent texte est un projet de loi d’orientation, orientons-le dans le bon sens ab initio. Cela nous évitera de devoir y revenir, d’autant que le Sénat a été privé, ces deux dernières années, de l’examen de la loi de finances,…
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. C’est vrai, et nous le regrettons !
Mme Nathalie Goulet. … qui constitue pour nous, en règle générale, la seule occasion de débattre des voies et moyens.
Ayant été vice-présidente de la commission d’enquête sur le rôle des banques et des acteurs financiers dans l’évasion des capitaux, je souhaiterais insister fortement sur les problèmes de corruption, en évoquant notamment les prix de transfert, qui font l’objet d’un amendement déposé par mes soins. Avec le président de ladite commission d’enquête, François Pillet, et sur l’initiative de notre excellent collègue Éric Bocquet, qui en fut le rapporteur, nous avons fait vœu de revenir sur ces questions chaque fois que nous en aurions l’occasion : je saisis donc celle qui m’est offerte aujourd’hui.
Les prix de transfert sont un moyen, pour des sociétés du même groupe, de faire de l’évasion fiscale et d’appauvrir les pays de production en se vendant les unes aux autres des biens, des marchandises ou des prestations de toute nature.
Pour illustrer mon propos, je prendrai d’abord l’exemple de la société minière suisse Glencore, implantée en Zambie. Un contrôle a estimé à 174 millions de dollars la perte fiscale pour l’État zambien. Première tricherie : surévaluation des coûts de production ; deuxième tricherie : sous-évaluation des volumes de production ; troisième tricherie : contravention au principe de « pleine concurrence » de l’OCDE par la manipulation des prix de transfert.
Autre exemple, celui de SABMiller, brasserie implantée au Ghana. Dans un rapport publié en 2010, ActionAid a révélé le schéma des versements réalisés par des brasseries africaines de SABMiller à des filiales implantées dans des paradis fiscaux. L’entreprise SABMiller a indiqué en réponse qu’elle ne se livrait à « aucune pratique fiscale agressive », mais l’enquête a permis de mettre en évidence les quatre tricheries suivantes : versement à une société située aux Pays-Bas d’une redevance en échange de l’utilisation de la marque, le manque à gagner pour le Ghana s’élevant à 248 800 euros ; versement pour des frais de gestion à une filiale implantée en Suisse, le manque à gagner pour le Ghana atteignant 189 000 euros ; enregistrement des services d’approvisionnement à l’île Maurice, le manque à gagner pour le Ghana étant estimé à 793 000 euros ; sous-capitalisation, le manque à gagner pour le Ghana dépassant 1,2 million d’euros.
Le problème des prix de transfert recoupe donc nos préoccupations. Il est très important que la loi d’orientation et de programmation donne déjà aux multinationales qui travaillent dans les pays que nous aidons un indice de notre intention de contrôler les prix de transfert et de lutter contre la corruption.
Ce sujet semblait un peu technique lorsque j’ai présenté mon amendement en commission. Cependant, madame le secrétaire d'État, je compte beaucoup sur vos services pour qu’ils parviennent à vous convaincre, durant la suspension de nos travaux pour le déjeuner, de l’intérêt d’adopter ce remarquable amendement ! (Sourires.)
J’en terminerai avec la question des prix de transfert en soulignant que le premier exportateur de bananes au monde est non pas un pays d’Amérique latine ou d’Afrique, mais bien l’île de Jersey, où les quatre entreprises leaders du secteur localiseraient 48 % de leur chiffre d’affaires !
C’est un vrai sujet, sur lequel la France pourrait jouer un rôle moteur. Aucune convention internationale n’a encore été prévue par l’OCDE. La pratique des prix de transfert est absolument légale et ne constitue pas une fraude. Il faut la contrôler. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce thème lors d’un très intéressant débat sur l’efficacité des conventions fiscales internationales.
J’attire l’attention du Gouvernement sur l’importance de mettre en place des coopérations en matière fiscale et bancaire. Il existe déjà un certain nombre de « jumelages » entre nos services, notamment la direction générale des finances publiques, et ceux d’autres pays, tels l’Algérie, l’Albanie ou le Cameroun. Cela fait aussi partie du soutien logistique et de l’aide au développement que nous pouvons apporter à ces pays : on peut être mère Teresa en faisant de la fiscalité ! Des accords de coopération ont également été conclus avec des administrations étrangères. Dans ce domaine aussi, la marge de progression est très importante.
Comme à l’habitude, ce projet de loi d’orientation et de programmation est pavé de bonnes intentions. Le doyen Vedel disait du plan qu’il parlait au présent ou au futur de l’indicatif, parfois au conditionnel, jamais à l’impératif : il en va de même du texte que nous examinons aujourd'hui.
Concernant les collectivités territoriales, il est vrai qu’elles ont un rôle extrêmement important à jouer. L’Île-de-France, suivie par l’Alsace, a été la première région française à prendre une délibération contre les paradis fiscaux. La région a voté une mesure contraignante, introduisant une transparence avec un reporting par pays, dispositif qui est de nature à faire apparaître la réalité des activités des entreprises et si la contribution fiscale est juste au regard de la richesse produite. Dans un autre ordre d’idées, toutefois, M. Peyronnet a cité, en commission, deux régions françaises qui travaillent avec des régions chinoises voisines l’une de l’autre sans jamais se coordonner entre elles…
En conclusion, on ne peut s’opposer à un tel texte d’orientation. Le groupe UDI-UC votera donc ce projet de loi. Néanmoins, je souhaite attirer l’attention sur la nécessité de mener une action plus coordonnée et plus volontariste sur des points détachables d’une aide financière totalement paramétrée. En effet, l’aide au développement, ce n’est pas seulement de l’argent, des moyens techniques, de l’aide administrative : elle relève aussi d’un comportement un peu plus éthique de nos entreprises et de nos banques travaillant dans les pays concernés, par exemple en matière de prix de transfert.
Au lendemain d’une journée électorale sombre, remettre un peu d’éthique dans la gestion de l’aide publique au développement permettra que celle-ci soit mieux comprise par nos concitoyens. Faute de quoi, ceux-ci finiront par se demander pourquoi, depuis le temps que nos collectivités creusent des puits au Mali, autant de terroristes continuent d’en sortir… (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ces deux dernières années, nos interventions militaires au Mali et en Centrafrique, comme l’activité de notre diplomatie dans cette région du continent africain, ont eu pour toile de fond la problématique de la politique de développement à mener dans ces pays.
En effet, l’origine des crises et des conflits dans cette partie du monde est bien souvent liée à la pauvreté des populations. C’est dire l’importance du rôle des politiques d’aide au développement pour remédier aux causes de ces crises et conflits !
La paix et la sécurité n’adviennent pas spontanément. Le développement économique, social et culturel des sociétés en est le terreau. De ce point de vue, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est fondamental.
Jusqu’à présent, les questions liées à la politique d’aide au développement étaient l’apanage de l’exécutif, qui ne soumettait cette politique au contrôle parlementaire qu’à l’occasion de trop rares débats généraux ou lors de l’examen des projets de loi de finances.
Que le Parlement puisse être désormais associé à la définition et au contrôle des politiques en matière d’aide au développement est donc une première dans notre pays.
J’ajoute que, avec les Assises du développement et de la solidarité internationale, l’élaboration de ce projet de loi a fait l’objet d’une large concertation entre les autorités publiques, la société civile, les ONG et les collectivités territoriales. Le recours à cette méthode est suffisamment rare, de la part de l’exécutif, pour être souligné.
Par ailleurs, la politique d’aide au développement a été, à juste titre, fréquemment critiquée dans des rapports parlementaires ou par la Cour des comptes, pour son opacité, son absence de cohérence, et donc son manque de lisibilité et son inefficacité. C’est à tous ces défauts que ce texte tend à remédier ; je salue la logique qui l’inspire.
La recherche d’une plus grande efficacité par la concentration de l’aide et la mise en place de partenariats différenciés selon les besoins et la situation des pays partenaires est empreinte de bon sens. Elle peut produire des résultats positifs, à condition qu’elle soit sous-tendue par une véritable volonté politique.
Je ne doute pas que le Gouvernement ait cette volonté, ni que celle-ci soit au service d’une conception de l’aide au développement différente de celle des gouvernements précédents. Je pense en particulier au changement qui doit prévaloir dans nos relations avec les pays africains, lesquels, au travers de ce texte, font légitimement l’objet d’une attention et d’une aide prioritaires.
De la même façon, la recherche d’une mise en cohérence de la politique de développement avec l’ensemble des politiques publiques, le renforcement de la transparence et l’évaluation des aides accordées sont des principes forts que j’approuve pleinement.
Enfin, les collectivités territoriales étant devenues des acteurs majeurs de l’aide au développement, de l’aide humanitaire et des actions de coopération, ce projet de loi reconnaît leur rôle et sécurise leurs choix et leurs activités sur le terrain à l’étranger.
Le texte institue notamment une coordination nécessaire entre l’État et les collectivités et élargit le champ de compétence de ces dernières à la question des déchets ménagers. Toutefois, dans la perspective de la future réforme territoriale, je m’interroge sur la portée réelle d’une telle reconnaissance.
En effet, avec la suppression de la clause de compétence générale, la baisse et la réforme de la dotation globale de fonctionnement, les 11 milliards d'euros d’économies supplémentaires demandés aux collectivités territoriales, je crains fort que ces affirmations ne restent sans portée et que ces grands principes ne soient inapplicables.
C’est sans doute là la grande faiblesse de ce texte. Certes, il s’agit d’une loi d’orientation et de programmation, qui, conformément à sa vocation, doit se limiter à définir et à affirmer des orientations et des principes généraux dont l’application est par ailleurs détaillée dans un rapport annexé n’ayant pas, notons-le, de véritable valeur normative. Néanmoins, l’absence de toute programmation financière dans le projet de loi obère lourdement la mise en œuvre concrète d’une politique d’aide au développement différente de celles qui ont été menées précédemment.
Cette absence d’engagements précis me laisse sceptique. J’estime que, sans moyens financiers pour les mettre en œuvre, les objectifs et le cadre de travail fixés par ce projet de loi seront voués à n’être que des vœux pieux. Il faut parler clairement : certes, les efforts à produire en faveur de l’aide au développement ne sont pas tous d’ordre financier, mais ils se mesurent aussi en grande partie à l’aune d’engagements financiers concrets.
Or la réalité, c’est que notre pays ne cesse de réduire les budgets qu’il consacre à l’aide publique au développement. Je rappelle que, selon les estimations fournies par l’OCDE, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ont diminué de 10 % en 2013 et de 6 % dans la loi de finances pour 2014.
Les années précédentes, parmi les engagements de l’Agence française de développement, le montant des prêts bonifiés et des subventions accordés était en baisse, de même que celui des dons aux pays les plus pauvres, africains pour la plupart. Un rapport budgétaire de la commission des affaires étrangères du Sénat s’en était inquiété.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement se donne-t-il les moyens d’inverser cette tendance ? Ce devrait pourtant être à la portée d’un grand pays comme le nôtre. Observons l’action du Royaume-Uni, qui mène une politique d’austérité plus stricte encore que celle que nous connaissons : en 2013, les Britanniques ont dépassé l’objectif de 0,7 % du revenu national brut alloué à l’aide publique au développement, et il en ira de même cette année.
Pour sa part, l’Union européenne, bien qu’elle peine à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés pour 2015, a continué ces deux dernières années à augmenter son aide au développement, malgré les effets de la crise financière. Je relativiserai cependant l’ampleur de cet effort, eu égard à la façon dont le projet de taxe sur les transactions financières, laquelle était censée financer le développement des pays du Sud, a été récemment vidé de sa substance par le conseil des ministres européens, et ce avec l’approbation du Gouvernement français…
Au-delà des aspects budgétaires, le projet de loi souffre également de quelques faiblesses, qui amoindriront malheureusement sa portée. Je pense tout particulièrement à l’insuffisance des dispositions qui seraient mises en œuvre pour lutter contre l’opacité des transactions financières dans ce secteur d’activité et contre l’évasion fiscale que pratiquent certaines entreprises. Je regrette profondément que les règles d’utilisation par l’AFD des places financières dites « offshore » ne soient pas plus strictement encadrées.
Notre collègue Nathalie Goulet l’a particulièrement bien illustré : ces différents aspects posent concrètement la question d’un contrôle plus efficace des sociétés multinationales, a fortiori lorsqu’elles sont soutenues par l’Agence française de développement – laquelle, soulignons-le, est essentiellement alimentée par de l’argent public.
C’est notamment dans cet esprit que nous souhaitons amender le texte, en imposant aux entreprises ce qu’on appelle en franglais le reporting par pays.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Billout. Dans le même ordre d’idées, je regrette que les références précises à la responsabilité non seulement fiscale, mais aussi sociale des entreprises aient été diluées au sein de l’expression beaucoup plus générale de « responsabilité sociétale ».
Au total, madame la secrétaire d’État, je vous avoue que, à la suite de la grande consultation que furent les Assises du développement, ce texte nous laisse un peu sur notre faim. Après l’espoir qu’avait fait naître, dans de nombreux domaines, l’élection présidentielle, il apparaît comme l’occasion manquée – là aussi ! – d’une profonde refonte de notre aide publique au développement.
Nous sommes nombreux à le dire, notre politique d’aide au développement n’est pas à la hauteur des enjeux. Elle est enjolivée, gonflée artificiellement par une série de mécanismes, telles les réductions de dettes. Il aurait notamment fallu procéder à une véritable réorientation de la vocation de l’AFD, qui privilégie des prêts concessionnels et finance trop souvent des projets sur la base de la rentabilité qu’elle peut en attendre.
C’est dans ce contexte que le monde de l’action humanitaire a pu légitimement s’inquiéter, lors de la première constitution du gouvernement de Manuel Valls, de l’absence de ministre chargé du développement et du rattachement du commerce extérieur au ministère des affaires étrangères. Comme l’avait déclaré un collectif d’organisations non gouvernementales, cet épisode révélait « qu’une étape supplémentaire serait franchie, mettant ainsi les intérêts des acteurs privés au cœur de la stratégie française à l’étranger, au détriment des impératifs en matière de gestion des biens communs mondiaux, d’amélioration des conditions de vie et de respect des droits des populations du Sud ».
Reste que le projet de loi contient quelques avancées, que nous ne sous-estimons pas. Aussi, malgré ses insuffisances sur des questions fondamentales, le groupe communiste, républicain et citoyen, en fonction des résultats de la discussion à venir, dont nous espérons qu’elle contribuera à améliorer ce texte, pourrait l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Demande de réserve
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve de l’examen de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Favorable.
8
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Annie David, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Catherine Génisson, M. Ronan Kerdraon, Mme Catherine Deroche, M. René-Paul Savary, Mme Françoise Férat.
Suppléants : Mme Jacqueline Alquier, M. Gilbert Barbier, Mmes Françoise Boog, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean Desessard et Jacky Le Menn, Mme Michelle Meunier.
Il va également être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mmes Annie David, Anne Emery-Dumas, MM. Claude Jeannerot, Jacky Le Menn, Jean Bizet, Jean-François Husson, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Suppléants : Mme Jacqueline Alquier, MM. Gilbert Barbier, Jean Desessard, Mme Catherine Génisson, MM. Gérard Longuet, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger.
9
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'une proposition de loi organique
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 10 avril 2014.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Politique de développement et de solidarité internationale
Suite de la discussion et adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chère Annick, mes chers collègues, en qualité de rapporteur spécial pour la Haute Assemblée de la mission « Aide publique au développement », vous comprendrez que le texte examiné aujourd’hui m’intéresse au tout premier chef. Il m’intéresse d’autant plus que, comme l’a déploré excellemment notre collègue Nathalie Goulet, l’absence de débat sur la seconde partie des deux dernières lois de finances ne m’a pas permis d’intervenir à cette tribune sur les crédits de l’aide au développement.
Je me félicite moi aussi que le Parlement soit, pour la première fois, directement associé à la définition de la politique de développement et de solidarité internationale. En effet, il est important que le législateur puisse avoir un regard sur cette politique, en discutant notamment de ses orientations et de ses outils. C’est légitime, et à un triple titre.
Tout d’abord, l’aide au développement engage chaque année nos finances publiques : un concours à hauteur de 6,9 milliards d’euros pour l’année 2013 s’agissant du budget général, auquel il faut ajouter les taxes hors budget général – je pense à la taxe sur les billets d’avion voulue par le président Chirac, ainsi qu’à celle sur les transactions financières, pour laquelle le RDSE s’est battu jusqu’à son instauration en 2012. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de déposer une proposition de loi sur ce point en février 2010.
Je rappelle simplement que cette taxe rapportera 100 millions d’euros cette année et 165 millions d’euros l’année prochaine au Fonds de solidarité pour le développement, et que son potentiel est supérieur, puisque l’affectation de son produit est plafonnée. À cet égard, madame la secrétaire d’État, je compte sur votre détermination – je la sais grande, car je vous connais bien – pour mener le combat en faveur d’une généralisation de ce type de financement au niveau mondial, ou au moins au niveau communautaire.
Ensuite, par les projets de coopération qu’elle permet de mener sur le terrain, la politique d’aide au développement participe naturellement de l’influence de la France à l’étranger, du renforcement de l’espace francophone et du rayonnement de sa technologie ou de ses savoir-faire.
J’ai pu mesurer cet impact, pas plus tard que la semaine dernière, au cours d’une mission de contrôle budgétaire que j’ai effectuée au Vietnam, au nom de la commission des finances. Ce déplacement m’a permis de constater, sur pièces et sur place, l’engagement de la France, à travers l’AFD, l’Agence française de développement, dans des domaines aussi divers que la mise en place de micro-crédits en faveur des agriculteurs du delta du Mékong, la construction d’une centrale de production d’électricité via un partenariat public-privé, d’un barrage ou encore du métro de Hanoï. J’ai également assisté à la signature d’un protocole d’accord entre le gouvernement vietnamien et l’AFD pour faciliter l’accès aux emprunts non souverains, ce qui va dans le sens d’une simplification administrative.
Enfin, la politique d’aide publique au développement doit bien sûr contribuer, comme cela est mentionné à l’article 1er du projet de loi, à « promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses composantes économique, sociale et environnementale ». Les projets que je viens d’évoquer vont dans ce sens.
Cette solidarité, nous la devons à de nombreux pays, ralentis dans leur développement pour différentes raisons et qui sont dans l’incapacité de garantir à leur peuple des conditions de vie décente. Au-delà de la démarche altruiste et des réponses aux crises, qui sont au cœur des actions humanitaires, nous savons aussi que l’avenir de l’humanité tout entière dépend de cet équilibre à trouver entre ceux qui n’ont rien et ceux qui ont beaucoup, de ce fameux équilibre Nord-Sud.
Garantir au plus grand nombre la sécurité alimentaire, un habitat digne et une protection sociale est indispensable, pour ne pas hypothéquer aussi le propre avenir des pays développés, soumis à de fortes pressions migratoires essentiellement d’origine économique.
Depuis longtemps, notre pays est bien conscient de tout cela. En effet, comme je viens de l’indiquer, l’État mobilise chaque année des financements qui, ajoutés aux moyens des autres acteurs tant privés que publics, frôlent les 10 milliards d’euros. Comme nos collègues l’ont rappelé, cet effort place la France au rang de quatrième contributeur mondial en volume.
Est-ce suffisant ? Assurément non ! Même si l’ONU a constaté un recul de la pauvreté au cours de ces dix dernières années, l’ampleur de la tâche reste immense. Surtout, nous sommes loin d’atteindre l’objectif d’une aide de 0,7 % du revenu national brut, ou RNB, fixé par les Nations unies dans les objectifs du millénaire. C’est pourquoi j’adhère à l’initiative de nos collègues députés, qui l’ont opportunément inséré dans le rapport annexé au projet de loi. Cela conférera plus de force à cet objectif, dont nous nous sommes malheureusement écartés l’année dernière.
En 2013, nous avons atteint 0,41 % du RNB, contre 0,45 % en 2012. On peut toujours répéter : « C’est la faute à la crise ! » Je veux toutefois souligner que notre voisin britannique, confronté lui aussi à des contraintes budgétaires, n’a pas abandonné cette cible. C’est une question de volonté politique, comme me l’a rappelé l’année dernière Mme Lynne Featherstone, ministre déléguée au développement international : au Royaume-Uni, le taux de 0,7 % a fait l’objet d’un consensus, tant au sein des principaux partis qu’au niveau de l’opinion publique, grâce d’ailleurs aux efforts accomplis pour assurer l’efficacité des sommes engagées. Tout à l’heure, M. Cambon a rappelé combien il était important d’évaluer l’efficacité de ces politiques.
Je veux souligner cette question du principe d’efficacité, dont il est bien sûr question dans ce texte – c’est une bonne chose. Je crois en effet que, au-delà des grands principes de l’aide publique au développement rappelés aux articles 1er et 2, il s’agit non seulement de jeter les bases d’une meilleure efficacité, mais aussi d’une plus grande transparence et d’une cohérence accrue des politiques publiques de l’aide au développement.
J’ai entendu certains de nos collègues dire que le projet de loi n’allait pas assez loin, du moins sur le plan normatif. Mais comment pourrait-il en être autrement puisqu’il s’agit d’une loi de programmation et d’orientation ? Ce texte n’est donc pas censé tout régler à ce stade. Pour ma part, en tout cas, je constate qu’il tient compte des conclusions des Assises du développement, auxquelles j’ai participé. J’ajouterai que certaines des remarques de la Cour des comptes ont également été entendues.
La lutte contre l’éparpillement des aides est traitée par la notion de « partenariat différencié ». Le choix de concentrer 85 % des aides sur l’Afrique et la Méditerranée va d’ailleurs dans ce sens et se justifie parfaitement au regard de nos intérêts historiques et stratégiques.
Je pense également à l’évaluation pour laquelle la rue Cambon avait émis la recommandation suivante en 2012 : « Renforcer les capacités publiques nationales d’évaluation par leur rapprochement et l’allocation de moyens appropriés. » Je partage ce souci de rationaliser l’évaluation française. C’est pourquoi je salue l’excellent travail de la commission des affaires étrangères, qui a renforcé ce volet du texte.
S’agissant du pilotage de l’aide, critiqué pour sa dilution, il n’est pas directement l’enjeu de ce texte. Toutefois, je veux simplement dire que rien ne nous empêche de faire des propositions dans un avenir proche. Pour ce faire, il faudra dépasser le compromis historique entre le ministère de l’économie et le ministère des affaires étrangères, qui montre aujourd’hui ses limites.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais formuler et que je compléterai lors de l’examen des amendements que j’ai déposés avec mes collègues du RDSE. En attendant, je remercie Mme la secrétaire d’État de s’être emparée de ce texte reçu en héritage et auquel elle a déjà su imprimer sa marque. Aussi est-ce sans surprise que les membres du groupe du RDSE lui apporteront leur total soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd’hui présenté est un acte inédit : c’est la première fois, comme l’ont souligné plusieurs intervenants, que les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale sont inscrites dans la loi.
De nombreux pays de l’Union européenne disposent déjà d’un cadre législatif pour réglementer leur aide, notamment la Grande-Bretagne. Le Parlement, qui, jusqu’à présent, ne pouvait examiner cette politique que dans le cadre de la loi de finances, aura dorénavant l’occasion de débattre en détail de ses grands principes et de ses orientations. Même si certains regrettent que ce texte ne contienne pas d’engagements budgétaires précis – il est davantage un texte d’orientation que de programmation –, il constitue néanmoins un engagement politique fort.
Le projet de loi concrétise un engagement de campagne du Président de la République, celui de refonder notre politique de développement. Il est l’aboutissement d’un long travail de concertation avec les acteurs de la société civile réunis lors des Assises du développement et de la solidarité internationale. Nous tenons ici à saluer la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce texte.
Depuis de nombreuses années, la politique d’aide au développement était observée et critiquée pour son opacité et son manque de cohérence, d’efficacité et de lisibilité. Plusieurs rapports parlementaires, ainsi que d’autres rapports de la Cour des comptes ou du comité d’aide au développement de l’OCDE l’ont souligné.
Le projet de loi redéfinit profondément nos priorités sur le plan tant géographique, en redéployant l’aide française en direction des pays d’Afrique subsaharienne les plus pauvres, que sectoriel, en définissant dix pôles d’intervention prioritaires.
Je tiens en particulier à saluer la reconnaissance, en matière de coopération technique et d’expertise dans le rapport annexé, de la contribution de l’enseignement supérieur et de la recherche à notre dispositif d’aide au développement, en particulier des institutions scientifiques dédiées, comme l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, que je connais bien, l’un de ses grands centres étant implanté à Bondy en Seine-Saint-Denis. Je suis satisfait de voir le travail de cet institut reconnu dans notre dispositif d’aide au développement, et je salue l’initiative de la création d’une charte sur la recherche au service du développement.
Le travail fourni par nos rapporteurs a permis de réaliser des avancées majeures. Je pense notamment à l’adoption par la commission, sur l’initiative du Gouvernement, d’une mesure autorisant l’Agence française de développement à gérer des fonds multibailleurs, qui permettent de rassembler des financements de sources différentes pour mieux concentrer l’aide internationale. Ce type de fonds est particulièrement adapté dans les pays en crise, et cette décision a été bien reçue en Centrafrique, où un projet de « Fonds Bêkou » a été engagé en ce sens, ainsi que vous l’avez relevé ce matin, madame la secrétaire d’État.
Je souhaite également citer la reconnaissance du rôle et de la complémentarité des acteurs non étatiques du développement, notamment les collectivités territoriales, n’est-ce pas mon cher Michel Delebarre ?...
Dans le prolongement du rapport du député André Laignel, le projet de loi consolide juridiquement la coopération décentralisée. Les collectivités développent depuis de nombreuses années des projets partenariaux de développement qu’elles cofinancent. J’en veux pour preuve les projets que j’ai développés en Seine-Saint-Denis avec la province de Haiphong au Vietnam, de Matola au Mozambique, d’Akko en Israël et de Jenin en Palestine.
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. Gilbert Roger. Il est temps de reconnaître la compétence de nos collectivités. À cet égard, je tiens à préciser que l’article 9 du projet de loi n’a pas vocation à remettre en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales ; il vise à favoriser les actions d’aide au développement que ces dernières mettent en œuvre.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Gilbert Roger. Des évolutions récentes de notre législation ont permis aux collectivités territoriales de dégager de nouvelles sources de financement, leur permettant d’affecter une partie de leur budget consacré à l’eau, l’assainissement ou l’énergie à des projets de développement ; nous y reviendrons au cours de la discussion. Un amendement déposé par nos rapporteurs a permis d’étendre ce dispositif au budget consacré aux déchets ménagers. Cette mesure permettra de flécher un secteur d’intervention de la politique de développement dans lequel les collectivités disposent d’une expertise reconnue par tous.
Par ailleurs, je veux souligner l’importance que constitue la prise en compte de la notion de « responsabilité sociétale », qui permet, au-delà des simples aspects sociétaux et environnementaux, d’inclure les questions de gouvernance, de droits de l’homme ou de lutte contre la corruption.
Notre groupe politique a souhaité introduire un amendement visant à renforcer la participation des populations concernées aux projets de développement qui leur sont destinés par la mise en place de citoyens-relais. Trop d’initiatives menées auprès de ces populations les réduisent à de simples bénéficiaires. Aussi nous semble-t-il intéressant de prévoir dans la loi une implication systématique des populations.
En outre, le groupe socialiste est favorable à la reconnaissance du concept de « pays en grande difficulté climatique » au sein des politiques de développement et de solidarité. En effet, l’exposition des pays aux effets du dérèglement climatique est désormais un paramètre à prendre en compte.
Nous souhaitons également rappeler la nécessaire articulation entre les politiques de développement et les politiques publiques menées dans les territoires ultramarins, afin de gagner en cohérence ; notre collègue Serge Larcher reviendra sur cette question.
Enfin, madame la secrétaire d’État, je veux vous interpeller sur les engagements de la France en faveur de la cohérence des politiques d’aide au développement.
La cohérence des politiques est définie comme l’obligation de garantir que les politiques domestiques et extérieures ne nuisent pas à l’objectif d’éradication de la pauvreté dans les pays en développement et de respect des droits, notamment des populations les plus vulnérables au sud. Ce principe étant déjà consacré par l’Union européenne, il était nécessaire d’en faire l’un des piliers de la politique de développement de la France, ce que fait le projet de loi dans son article 3. La France va ainsi pouvoir se doter d’un dispositif institutionnel structuré pour s’assurer de la cohérence de ses diverses politiques avec les objectifs de la politique de développement. Cependant, le Gouvernement serait-il prêt à aller plus loin, en s’engageant à compléter ce dispositif au travers d’un plan pluriannuel d’actions avec les parties prenantes adéquates ?
Pour conclure, je souhaite vous assurer, madame la secrétaire d'État, du soutien plein et entier du groupe socialiste sur ce texte, qui permettra de consolider la place de notre pays comme contributeur mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà quelques jours, vingt-deux organisations humanitaires ont alerté la communauté internationale sur le sort de 3 millions de Somaliens, qui font face à un risque de crise alimentaire à grande échelle. Nous sommes dans une situation de réelle urgence ! Les chiffres sont là pour le prouver.
Dans son dernier rapport sur la sécurité alimentaire, la FAO a estimé que 842 millions de personnes souffrent aujourd’hui de faim chronique dans le monde. Toutes les trois heures, c’est l’équivalent des victimes de l’attentat du Wall Trade Center en 2001 qui meurent de faim dans le monde. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, estime que, d’ici à 2020, entre 75 et 250 millions d’Africains seront exposés à un risque accru de stress hydrique.
Enfin, aujourd’hui encore, 1,3 milliard d’hommes et de femmes vivent avec moins de 1 euro par jour.
Les inégalités continuent de se creuser entre les pays riches et les pays pauvres.
Afin de répondre à ces défis grandissants, l’encadrement, le contrôle et la transparence des pratiques de la France dans le domaine du développement n’ont que trop tardé. Sans ces impératifs, nous ne pouvons pas prétendre apporter une aide durable et adaptée aux pays bénéficiaires.
Il s’agit aujourd’hui pour la France de tourner définitivement la page de décennies de coopération opaque menée à l’international. Madame la secrétaire d’État, ce projet de loi ne doit pas être une sanctuarisation de la Françafrique, et nous y veillerons. Au contraire, nous devons fixer les grandes orientations de notre politique de développement, afin de permettre une plus grande cohérence et une plus grande efficacité de notre aide.
C’est en ce sens que l’initiative du Gouvernement de mettre en place des partenariats différenciés est un premier élément de réponse. En effet, nous faisons face à des problématiques différentes dans les pays pauvres « prioritaires », les pays en crise ou en sortie de crise et les « très grands émergents ». Nous devons donc utiliser des instruments adaptés à chaque situation. Toutefois, rationaliser notre aide ne doit pas être synonyme d’abandon.
Alors que l’APD française s’est réduite de près de 10 % en 2013, nous ne pouvons pas orienter l’intégralité de notre aide vers les pays émergents et minimiser le besoin des pays les moins avancés, notamment en Afrique subsaharienne. Les partenariats différenciés doivent nous permettre d’allouer, de la manière la plus optimale qui soit, l’aide publique au développement en fonction des besoins.
En outre, l’effort de cohérence affiché tout au long du texte est un élément primordial, qui doit être réaffirmé au niveau tant national qu’européen. L’ensemble de nos politiques sectorielles doivent systématiquement prendre en compte leur impact sur le développement.
Ainsi, tout programme incompatible avec les priorités mises en avant dans ce texte doit être arrêté. Mais, surtout, au sein même de notre politique de développement, nous devons être « gouvernés » par l’impératif de « développement durable », introduit dans ce texte, afin de permettre l’autosuffisance alimentaire et le développement de l’agriculture vivrière dans les pays partenaires.
Plus largement, je tiens à saluer la mise en avant de la dimension environnementale du développement dans le projet de loi. En effet, il n’est plus possible aujourd’hui de réfuter la prégnance du changement climatique sur le développement d’un pays.
Dans son dernier rapport, publié en mars 2014, le GIEC a une nouvelle fois affirmé que le changement climatique affectait l’intégrité des États, en fragilisant leur souveraineté et en impactant les infrastructures étatiques les plus sensibles. Est-il encore nécessaire de vous expliquer, mes chers collègues, les ravages, dans des pays en développement, déjà fragiles et instables, des stress hydriques et nourriciers, de la course effrénée aux matières premières, de l’accaparement des terres rares ou des tensions énergétiques ? Et la liste est encore longue !
Comment peut-on prétendre venir en aide sur le long terme aux populations de la République démocratique du Congo sans tenir compte des tensions meurtrières autour de l’accaparement des minerais ?
Comment peut-on prétendre soutenir les pays de la corne de l’Afrique, notamment l’Éthiopie, sans comprendre les enjeux hydriques le long du Nil ?
Comment peut-on prétendre coopérer durablement avec le Niger si nous nions le scandale social et environnemental qui se joue depuis des années dans le delta ?
Comment, enfin, peut-on prétendre tendre une main solide à la Mauritanie sans aborder la question de l’exploitation des ressources halieutiques ?
La France se doit d’être pionnière dans ce domaine, et ce avant la tenue de la prochaine conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 2015 ! La France doit être force de propositions en termes de cohérence de ses politiques et de financement de projets, en amont, afin que le débat sur le changement climatique avance ! À ce sujet, j’ai déposé un amendement sur la reconnaissance des « pays en grande difficulté climatique », dont le concept serait une innovation et pour lequel la France pourrait être leader à la fois dans les institutions européennes et onusiennes.
Nous ne pouvons plus nous limiter à une vision passéiste et simpliste du développement : il nous faut adopter une approche multidimensionnelle, à la fois politique, sociale, culturelle, économique, financière et environnementale. De ce point de vue, si les écologistes notent l’effort du Gouvernement pour établir une liste de priorités sectorielles, ils auraient souhaité que le projet de loi soit plus ambitieux et mieux adapté aux enjeux actuels. En effet, ce texte présente un certain nombre de limites, qui en réduisent significativement la portée.
Nous regrettons en particulier le refus systématique du Gouvernement, tout au long des débats, d’imposer des mesures contraignantes au groupe de l’AFD, ainsi qu’à toutes les entreprises opérant dans les pays bénéficiaires. Pourtant, les convoitises internationales visant les ressources présentes dans ces pays ont conduit à un pillage de la biodiversité et à des pratiques sociales et environnementales indignes d’un pays comme la France, « pays des droits de l’homme ». Que dire des activités de Total ou de celles d’Areva au Gabon et au Niger ?
Nous ne pouvons pas mener une politique de développement systématiquement déconstruite par les intérêts commerciaux français et par le comportement prédateur de grands groupes. La France doit bannir ces comportements et permettre la mise en place de mécanismes juridiques contraignants pour ses industriels. Il le faut d’autant plus que les pratiques incontrôlées en matière commerciale et d’exploitation ont souvent entretenu par le passé, et entretiennent encore aujourd’hui, les tensions nationales et régionales dans des zones déjà fragilisées. C’est pourquoi l’impératif de sécurité doit être mis en avant. Or, alors qu’il n’y a pas de développement sans stabilité ni bonne gouvernance, la prévention des conflits n’est que trop peu abordée dans le projet de loi. Si le développement ne peut se réduire à sa composante sécuritaire, celle-ci est indispensable à toute réflexion proactive, notamment au niveau européen.
Madame la secrétaire d’État, le groupe écologiste votera le projet de loi, qui constitue une avancée significative et une première base de réflexion, mais nous devons aller plus loin et proposer des textes programmatiques plus ambitieux. Selon nous, les grandes orientations de la politique de développement doivent s’appliquer à un budget tendant vers l’objectif de 0,7 % du RNB. Surtout, il nous appartient d’impulser une dynamique audacieuse et innovante pour garantir à nos pays partenaires un comportement exemplaire en matière de traçabilité et de conditionnalité de l’aide ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à rendre hommage au rapporteur, Christian Cambon, qui, depuis de nombreuses années, suit avec une attention sans faille les questions relatives à l’aide publique au développement. Le travail qu’il a accompli et le rapport qu’il a rédigé, au nom de la commission des affaires étrangères, avec notre collègue Jean-Claude Peyronnet, sont minutieux, rigoureux et marqués par une volonté de pragmatisme et d’efficacité. Je crois que nous pouvons tous en être très reconnaissants à nos deux rapporteurs. À l’heure où l’institution sénatoriale et ses compétences sont attaquées de toutes parts, leur travail témoigne de la plus-value législative qu’apporte la Haute Assemblée.
Mes chers collègues, permettez-moi d’être franche : entre le texte issu de l’Assemblée nationale et le texte modifié par notre commission, il n’y a pas photo ! Sans vouloir être désagréables, reconnaissons que le texte initial s’apparentait plus à un catalogue de bonnes intentions, motivé par un affichage politique grossier, qu’à un projet de loi procédant à une remise à plat des outils et des moyens de l’APD française. Aujourd’hui, grâce au Sénat, le projet de loi est allégé des redites à chaque chapitre et bénéficie d’une plus grande cohérence. Cet effort répond à l’objectif constitutionnel d’intelligibilité de la loi ; cela méritait d’être souligné.
L’édification d’une politique d’aide au développement comporte plusieurs défis : définir de façon durable et précise son périmètre d’action, optimiser la coordination des acteurs, cibler des actions concrètes et les zones des pays bénéficiaires, assurer de manière pérenne l’adéquation des financements aux besoins et créer les conditions d’une véritable évaluation des actions menées.
La tâche est déjà assez difficile, d’autant que les besoins des pays en développement sont élevés et changent de nature, pour que nous ne nous laissions pas piéger par l’idéologie politique, qui altère souvent les débats et qui, à mon sens, est en décalage avec la réalité des pays bénéficiaires de l’aide française. Ainsi, les polémiques d’ordre sémantique sur telle ou telle dénomination – « coopération » ou « développement » – et les tropismes politiques qui en découlent doivent être dépassés.
Aujourd’hui, le monde connaît de nouveaux bouleversements, d’ordre économique, politique, sécuritaire, sanitaire, environnemental et migratoire, qui contribuent aussi à l’augmentation des inégalités et des fragilités. Plus que jamais, il existe une véritable interdépendance entre pays dits « du Nord » et « du Sud » : les enjeux sont transversaux et globaux. Cette réalité nous impose la mise en place d’une politique d’aide au développement efficace, cohérente et répondant aux besoins des pays les plus pauvres.
Parmi ces nouveaux enjeux, il importe de prendre en compte la raréfaction des ressources stratégiques, qu’il s’agisse des terres arables, de l’eau ou des énergies fossiles. Cette question est trop grave pour souffrir des clivages politiques.
Nous devons évidemment nous réjouir de l’essor de classes moyennes dans les pays émergents, même s’il est encore insuffisant. Mais il nous faut aussi prendre conscience des nouveaux défis qui se présentent à nous, en particulier sur le plan environnemental – je pense notamment aux domaines alimentaire et géopolitique.
L’environnement macro-économique mondial ayant profondément évolué, il importe que notre politique d’APD et ses mécanismes s’y adaptent, et le plus rapidement possible.
En Afrique, le taux de croissance économique avoisine les 5 %, mais 400 millions de personnes vivent encore avec moins de 1,25 dollar par jour. Parmi les défis majeurs auxquels ce continent doit faire face, il y a bien sûr l’urbanisation, dont les conséquences sont multiples, tant sur la gestion du territoire que sur les sociétés et leur mode d’organisation. La France a développé une expertise mondialement reconnue en la matière. Il importe qu’elle puisse, à travers son aide publique au développement, la partager.
Si, globalement, la pauvreté recule, les crises, notamment politiques, s’accélèrent, fragilisant les efforts accomplis. À cet égard, il me paraît important de tenir compte du fait que, aujourd’hui, notre politique d’APD et ses résultats sont menacés par l’effondrement des structures gouvernementales et la fragilisation de l’État dans les pays bénéficiaires.
Combien de programmes sont stoppés du fait de coups d’État, de violences entre populations ou d’actes de terrorisme ? En quelques mois à peine, ce sont des régions entières qui s’embrasent et où il faut tout reconstruire ; ce sont des années de travail des humanitaires qui sont réduites à néant et des millions d’euros qui s’évaporent. Alors, quand le Gouvernement nous a annoncé qu’un projet de loi de programmation et d’orientation sur le développement allait être examiné, nous nous sommes réjouis, car il était temps.
C’est le premier exercice du genre en la matière. Le projet de loi, en tant que tel, répond à une requête ancienne de tous les acteurs de l’APD, des ONG aux parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique. Il répond à un vide législatif, au sens où une loi de programmation doit servir de cadre juridique et financier définissant des objectifs précis, qui participent à la crédibilité de notre pays dans ce domaine.
Il est d’autant plus nécessaire que, sur la scène internationale, la position française est très fragilisée. Certes, la France demeure, en volume, un contributeur important de l’aide au développement, se classant à la cinquième place à l’échelle mondiale ; mais elle ne consacre plus à la solidarité internationale que 0,41 % de son revenu national brut, contre 0,45 % en 2012. De l’ensemble des membres de l’OCDE, la France enregistre l’une des plus fortes baisses de son APD. Par contraste, le Royaume-Uni a, lui, rempli pour la première fois l’engagement de consacrer 0,7 % de son RNB au développement, et ce malgré la crise. Cette divergence de stratégie entre nos deux pays doit nous conduire à nous interroger : quel est l’intérêt d’afficher d’ambitieux objectifs si l’on n’assure pas leur financement ?
Autres impératifs qu’il est essentiel de garder à l’esprit : une loi de programmation doit s’inscrire en totale cohérence avec la politique diplomatique menée par la France, être un outil de soft power et un instrument de notre diplomatie d’influence à travers le monde.
Force est de reconnaître que, jusqu’à présent, pour les parlementaires, les seules occasions d’aborder l’APD étaient l’examen du projet de loi de finances, quand du moins sa première partie n’est pas rejetée, comme on l’a déjà signalé,…
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il ne faut pas voter pour la rejeter !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … et les débats organisés dans le cadre du contrôle par le Parlement de l’action du Gouvernement. C’était donc positivement que nous attendions ce premier projet de loi de programmation.
En juin 2012, dans une interview au journal Jeune Afrique, l’ancien ministre chargé du développement, Pascal Canfin, avait déclaré, parlant de l’APD : « Je ne suis pas un adepte du fétichisme comptable ». Eh bien, à la lecture de ce projet de loi, nous en sommes définitivement convaincus ! II m’avait pourtant semblé que le propre d’une loi de programmation tenait surtout, comme son nom l’indique, à sa programmation budgétaire. Or, malgré ses 10 articles et les 247 alinéas du rapport annexé, force est de constater que le projet de loi ne comporte ni prévision ni trajectoire financière.
Madame la secrétaire d’État, s’il est difficile pour vous d’hériter de ce projet de loi, on ne pourra pas vous faire le procès de ne pas respecter les engagements financiers. En tout cas, si le projet de loi est adopté, nous savons au moins qu’il ne connaîtra pas les affres que subit actuellement la loi de programmation militaire.
Mes chers collègues, je pense que nous regrettons tous que la seule référence chiffrée du projet de loi n’intervienne qu’à l’alinéa 224 du rapport annexé à l’article 2, qui rappelle que la France doit avoir pour objectif de consacrer 0,7 % de son RNB à l’APD – objectif dont nous nous éloignons chaque année davantage, comme je l’ai rappelé il y a quelques instants. Cette mention, même très tardive, dans le rapport annexé ne représente aucune nouveauté, puisqu’elle correspond à un engagement international déjà pris par notre pays. Il s’agit donc d’un simple rappel, d’un vœu pieux sans traduction concrète, ce que nous déplorons. Pis, il y a une forme de double langage à réaffirmer cet objectif de principe tout en continuant à réduire les crédits de l’APD. Alors que, selon l’OCDE, ils ont diminué de 10 % en 2013, nous nous acheminerions vers une nouvelle baisse de 6 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » en 2014, avec des projets de coupes encore plus importantes dans le prochain triennum budgétaire.
Pourquoi donc voter un projet de loi coupé de toute réalité financière ? Pourquoi et comment vouloir refonder la politique française d’aide au développement sans prévision budgétaire, alors même que l’un des principaux problèmes réside dans la dispersion des crédits ? Comment un projet de loi peut-il fixer comme objectif la maîtrise de la fragmentation d’une aide financière, en particulier lorsqu’elle est engagée dans un cadre multilatéral, sans en définir ni les proportions ni les limites ?
Nous savons tous que la mission « Aide publique au développement » comporte les crédits des deux principaux programmes. Toutefois, la mission ne regroupe qu’une partie de l’effort français en matière d’aide publique au développement : huit ministères différents participent à une politique transversale en faveur du développement. Les crédits des deux programmes de la mission « Aide publique au développement » transitent par plusieurs canaux : l’aide bilatérale, qui est versée directement aux pays partenaires, l’aide européenne, qui est mise en œuvre par la Commission européenne, et l’aide multilatérale hors Union européenne, qui est assurée par les organisations et programmes internationaux.
Dans son rapport de juin 2012, la Cour des comptes a fait mention d’« une organisation tripartite mal articulée ». Cela aurait dû être l’un des premiers objectifs du projet de loi d’orientation : répondre à cette organisation, souvent qualifiée d’opaque du fait de la multiplication des acteurs de l’APD.
Là encore, il y a une certaine hypocrisie à appeler à une cohérence des politiques publiques avec la politique du développement, comme le fait l’article 3. Ce principe demeurera incantatoire si l’on ne prévoit pas, pour chaque projet de loi ou proposition de loi, une étude préalable de son impact sur le développement – méthode déjà pratiquée par l’Union européenne. De même, en aval, il faut organiser un véritable suivi de cet impact en lien avec le CNDSI, le Conseil national du développement et de la solidarité internationale. J’avais déposé un amendement en ce sens en commission, et je regrette qu’il ait été rejeté.
Un domaine doit retenir toute notre attention : la responsabilité sociale de nos entreprises lorsqu’elles opèrent dans les pays en développement. Il peut y avoir une vraie tension entre les objectifs de notre APD et la stratégie d’optimisation des coûts de certaines entreprises, d’où l’importance d’un dialogue et d’un suivi attentif, menés de façon coordonnée par le ministère chargé du développement et par celui du commerce extérieur. Je me réjouis que l’un de mes amendements, relatif à la responsabilité sociale des entreprises, ait été, lui, adopté en commission.
En termes de suivi et de contrôle, on aurait également pu faire davantage en matière de lutte contre la corruption, intrinsèquement liée au maintien de l’extrême pauvreté.
En avril dernier, j’ai représenté le Sénat au séminaire parlementaire annuel de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Nous y avons longuement abordé ces problèmes et lancé une initiative pour l’éradication de la pauvreté. À cette occasion, j’ai accepté de lancer la section française du GOPAC, l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption. Je vous invite d’ailleurs, mes chers collègues, à y adhérer ; nous ferons ainsi un travail très utile.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. On n’en a pas besoin !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Plusieurs l’ont évoqué avant moi, la question du pilotage de l’aide est essentielle, tout comme celle de l’évaluation.
Le pilotage et l’évaluation sont deux piliers de la politique d’APD, et ils sont indissociables. Ils garantissent son succès.
Les pays nordiques et anglo-saxons mènent dans ce domaine des actions qui devraient nous inspirer. La sous-évaluation institutionnelle et financière est moralement indécente, tant pour ceux qui en ont besoin que pour nos concitoyens. Sur ce point, il revient à mon avis aux élus que nous sommes de promouvoir les efforts engagés par notre pays pour lutter contre la pauvreté dans le monde et de mieux en informer la société civile.
Au lendemain d’élections européennes dont les résultats sont des plus inquiétants, on ne peut que se féliciter de l’article 3 ter, qui non seulement appelle à une meilleure coordination de l’ensemble des bailleurs de fonds dans le monde, mais tend aussi à promouvoir l’idée d’une programmation conjointe au sein de l’Union européenne et des politiques d’APD menées par les États membres.
À l’heure où le sentiment d’adhésion à l’Europe est mis à mal, promouvoir les actions d’APD entre États me paraît indispensable. Cela démontrerait que l’Union européenne ne se résume pas à des seuls critères d’endettement.
Revenons à l’évaluation. Évaluer, mes chers collègues, c’est aussi dresser le bilan de ce qui fonctionne. C’est rationaliser, ce qui ne veut pas dire « faire moins », mais « faire mieux » ! C’est l’objet de l’article 8 bis, qui prévoit la création de l’AFETI, la future agence française d’expertise technique internationale, qui regroupera six organismes dépendant actuellement de ministères différents. Il s’agit de France expertise internationale, d’Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières, ou ADETEF, d’Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau, ou ESTHER, d’International, de Santé protection sociale internationale et de l’Agence pour le développement et la coordination des relations internationales, ou ADECRI. Cette agence sera conçue comme une holding et assurera les fonctions transversales des opérateurs.
Nous savons que l’expertise internationale fait partie de notre politique de développement. C’est un secteur dans lequel la France pourrait gagner plus de marchés qu’elle n’en remporte aujourd’hui, non pas à cause d’un manque de compétences, mais pour des raisons structurelles, principalement liées à la taille trop critique des opérateurs pour certains appels d’offres.
Si ce regroupement donne l’occasion d’une meilleure lisibilité de l’expertise française à l’international, comme le ferait un label, il importera de rester vigilant quant au fonctionnement afin d’éviter les situations de concurrence entre les anciens opérateurs et administrations d’origines.
Il me semble également que l’AFETI devra s’ouvrir à la société civile, notamment par le biais du recrutement de contractuels pour des missions de quelques années. Cela me semble d’autant plus cohérent que nos finances publiques ne nous permettent plus de recruter de nouveaux fonctionnaires.
En tant qu’élue des Français de l’étranger, je tiens à rappeler ici combien l’expertise internationale française est un levier important. C’est un outil fondamental pour notre diplomatie d’influence dans le monde, à un moment où la concurrence est extrêmement rude et décomplexée. J’ajoute, madame la secrétaire d’État, que la francophonie est aussi un levier très efficace. Je regrette que nous ne sachions pas davantage nous appuyer sur ce patrimoine de langues et de valeurs et le faire fructifier.
Avant de terminer, j’évoquerai un point très important pour le Sénat. Je veux parler du rôle des collectivités territoriales au cœur de l’APD.
Certes, avec l’article 9, le projet de loi permet d’affirmer leur place et de mieux coordonner leurs opérations. Surtout, il est primordial que leurs actions et projets soient en parfaite adéquation tant avec notre diplomatie qu’avec nos engagements internationaux.
Prévoir la transmission d’un rapport des collectivités territoriales à la Commission nationale de la coopération décentralisée est une bonne chose. Cela permettra non seulement de dresser un bilan exhaustif de leurs actions, mais aussi d’organiser une meilleure coordination et in fine un meilleur suivi.
Si les collectivités territoriales et leurs élus ont beaucoup à apporter, ce ne sont pas des ambassadeurs, et leurs ressources ne sont pas extensibles. Il importe donc que la Commission nationale de la coopération décentralisée puisse aussi les aider et mettre en valeur leur travail.
Je me réjouis tout particulièrement de l’amendement relatif à l’extension de la loi Oudin-Santini au secteur des déchets. S’il est un sujet dont l’impact est capital pour les populations des pays en développement et pour l’environnement, c’est bien le traitement des déchets.
La prolifération des déchets organiques et chimiques a de très lourdes conséquences sanitaires et nuit à la préservation de la biodiversité. La constitution d’îles de déchets au cœur des océans est une catastrophe à l’échelle mondiale. En détruisant la faune marine, ce sont l’écosystème et les ressources halieutiques qui sont menacés. Les répercussions sont évidentes pour les populations.
Dans le nord-est du Pacifique, entre la Californie et Hawaï, les courants marins ont acheminé tellement de déchets que les experts évoquent « un septième continent » ! Ce phénomène touche également la Méditerranée. L’IFREMER, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, estime à 250 milliards le nombre de microplastiques en Méditerranée. Le Centre d’études supérieures de la Marine a également consacré des études à ce sujet.
Les collectivités territoriales et la France ont un réel savoir-faire en matière de gestion responsable des déchets. Cet amendement leur permettra d’exporter leurs compétences et de répondre à problème que les populations n’ont pas les moyens techniques et logistiques de traiter.
Avant de conclure, j’insisterai sur un dernier point crucial ; je veux parler de l’éducation. Les alinéas 56 à 59 du rapport annexé qualifient l’éducation de facteur de « transformation sociale » contribuant à « la réduction des inégalités sociales », « à l’épanouissement des personnes » et « à l’exercice de la citoyenneté ». Ces formules trouveront bien sûr un écho positif dans l’opinion française, mais le manque d’indicateurs est flagrant.
Je pense que le texte aurait dû être plus concret quant aux moyens d’améliorer réellement l’accès à l’éducation dans les pays en difficulté, en particulier pour les jeunes filles. C’est un dossier pour lequel je me bats depuis de nombreuses années, et il me semble que nous avons, ici, manqué une occasion de donner un nouvel élan à ce volet essentiel de notre politique de développement. Les outils existent sur le plan international. Il est dommage que la France ne s’en saisisse pas.
Comme le soulignait l’ex-président de la Banque mondiale Robert Zoellick, « l’investissement dans les adolescentes est […] le catalyseur dont les pays pauvres ont besoin pour briser le cycle intergénérationnel de la pauvreté […]. Cet investissement n’est pas seulement équitable, c’est une décision intelligente au plan économique ».
D’après l’ONG Plan, le coût économique de la non-scolarisation des filles dans soixante-cinq pays en développement représenterait à lui seul 92 milliards de dollars, soit quasiment le montant total des 103 milliards de dollars alloués par l’ensemble des États finançant l’APD ! En tant que membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, je tenais à le rappeler.
L’éducation ne peut donc plus être considérée comme un luxe secondaire face aux enjeux alimentaires et sanitaires. Il est primordial que la France mène, en matière d’éducation, des actions d’aide publique au développement plus ciblées et plus adaptées aux structures économiques locales, pour enfin faire jouer pleinement ce levier de développement puissant qu’est l’éducation.
De manière plus générale, les droits de l’enfant sont aussi les grands oubliés de ce projet de loi puisqu’ils n’apparaissent que dans le rapport annexé. Comme souvent, on n’oublie un peu vite que la France, en ratifiant la Convention internationale des droits de l’enfant, a pris des engagements internationaux forts. Il serait bon qu’ils transparaissent davantage dans cette loi.
Mes chers collègues, je m’arrêterai là, même s’il y a encore beaucoup à dire, mais surtout à faire. Le groupe UMP s’abstiendra sur ce projet de loi, qui, s’il a le mérite d’exister, est une occasion ratée pour la majorité. À l’heure où les trajectoires budgétaires doivent être clairement définies pour être préservées, ce projet de loi est coupé des réalités financières. Malgré tout, le texte issu des travaux de la commission des affaires étrangères et les amendements des rapporteurs élargissent et confortent juridiquement le rôle des collectivités territoriales au sein de la politique d’aide publique au développement, et le Gouvernement sait combien nous y sommes attachés ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre.
M. Michel Delebarre. Vous avez fort bien rappelé, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, les enjeux et les espoirs que suscite ce texte majeur pour le développement et la solidarité internationale. Je ne reviendrai pas sur ce point, mais je souhaiterais évoquer rapidement un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur et sur lequel j’avais appelé l’attention du précédent ministre, Pascal Canfin : la coopération décentralisée des collectivités territoriales.
J’évoquerai, lors de l’examen d’un amendement, repris également par notre collègue Gilbert Roger, la nécessité de maintenir la liberté des collectivités territoriales dans ce domaine. Le Sénat s’honorerait de la préserver en adoptant cette modification qui, je crois, va dans le sens de l’histoire.
Je me permets également de revenir sur la mise en place d’un cadre juridique sécurisé permettant aux collectivités de mener des actions de coopération internationale dans le domaine qui a déjà été évoqué, celui des déchets, plus connu sous le nom du « 1 % déchet » en référence à la loi Oudin-Santini dans le domaine de l’eau.
J’avais tenté, à de très nombreuses reprises, d’introduire ce dispositif dans la loi, mais mes tentatives s’étaient heurtées au refus constant de la commission des finances d’accorder la recevabilité financière à mes amendements. Je suis très heureux aujourd’hui que ce mécanisme soit inscrit dans le projet de loi grâce à l’action des deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, ainsi qu’à celle d’Hélène Conway-Mouret, qui avait, au nom du Gouvernement en juin 2013, accepté le principe du dispositif.
Je tiens également à saluer l’action de Jacques Pélissard, qui a posé les bases d’un travail fructueux entre l’Association des maires de France et Cités Unies France, que je préside. Enfin, je salue les initiatives dans ce domaine d’André Laignel et de Xavier Breton, député de l’Ain.
Afin de lever des inquiétudes qui ont pu naître ici ou là, je rappelle une fois encore que seules les collectivités territoriales volontaires pourront se lancer dans cette aventure. Il s’agit d’une faculté qui leur est offerte et en aucun cas d’une obligation. Les collectivités territoriales pourront ainsi bénéficier d’un cadre juridique sécurisé pour mener leur action de coopération décentralisée dans le domaine des déchets. C’est un progrès incontestable. Ce domaine d’intervention nous est de plus en plus demandé par les collectivités des pays en développement, comme nous l’avons souligné dans les propositions que nous avons remises au Gouvernement avec notre collègue Ronan Dantec.
Certes, dans les faits, il faudra encore du temps avant que tout cela ne se traduise au travers d’un certain nombre d’entreprises, mais il nous faut progresser et continuer à avancer dans la voie de la coopération que nous ouvrons avec un certain nombre de villes et de régions en développement. Je me félicite que ce soit le Sénat qui ait pu enfin mettre en œuvre cette avancée majeure.
Bref, mon intervention n’aura servi à rien puisque le combat que je menais vient ici de se traduire dans les faits, mais est-ce si grave de monter une fois de temps en temps à la tribune du Sénat pour dire simplement à ses collègues : merci ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues : « texte long, souvent descriptif et très peu normatif », ont écrit les rapporteurs. Il est vrai que le projet de loi qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale était bavard, peu stratégique et encore moins opérationnel. Mais le Sénat vint ! La commission des affaires étrangères, fidèle à sa tradition, a travaillé ; elle a inscrit dans le texte deux innovations et a porté une attention particulière, comme l’Assemblée nationale du reste, à ce qu’il est convenu d’appeler la responsabilité sociale et environnementale.
La première innovation est l’article 5 quater, puisé à bonne source. Il a une portée financière pour l’Agence française de développement, car il étendra sa capacité à gérer des fonds pour autrui. Cet ajout fort bienvenu clarifie l’environnement juridique de l’agence, lui apporte de la flexibilité en lui permettant de bénéficier d’accords avec des agences bilatérales – on pense par exemple à la KfW allemande. Une autre vertu de cet article est que l’agence disposera aussi d’un effet de levier en utilisant les fonds d’autres agences ou ceux de multibailleurs. L’exposé des motifs de l’amendement qui a introduit cet article donne deux exemples récents.
Dans la discussion générale comme en commission, on a insuffisamment parlé, selon moi, des entreprises. Je veux saluer l’effort qui est fait dans le nouveau contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2014-2016. J’ai pu constater que l’agence avait reçu des objectifs financiers de performance. L’innovation introduite par la commission accompagnera utilement la recherche des partenariats différenciés qui lui sont demandés.
Je note aussi avec satisfaction que l’AFD sera évaluée selon des indicateurs de résultat tels que validés par le CICID, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, du 31 juillet 2013 et que, sans qu’il soit renoncé au principe de l’aide déliée, les indicateurs de suivi rapprochent l’AFD des entreprises françaises puisqu’ils comportent la référence à la part et au nombre de marchés remportés par les entreprises françaises dans les appels d’offres internationaux.
La deuxième innovation est celle qui a été introduite sur l’initiative de notre collègue Jacques Berthou à l’article 8 bis nouveau, qui transforme FEI, France expertise internationale, en une agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, placée sous une double tutelle afin de fusionner six organismes à compter du 1er janvier 2015 – la date n’est pas neutre. On sait que, parmi les six opérateurs, FEI et ADETEF en sont les deux principaux.
L’argument avancé, qu’a repris notre collègue de l’UMP, est celui de la nécessité d’atteindre une taille critique. La référence est le GIZ allemand. Mon cher collègue Jacques Berthou, vous exercez votre droit de suite de parlementaire en tant qu’auteur d’un rapport d’information remarquable sur la performance de France expertise internationale. À l’époque, votre démarche consistant à rassembler les diverses agences chargées de l’expertise en un seul opérateur était prudente. Vous prôniez la réforme, mais vous envisagiez qu’elle se fasse par étapes et vous fixiez l’objectif de mutualiser un certain nombre de tâches communes.
La démarche de la commission, démarche dont je ne conteste pas la légitimité puisque celle-ci a été approuvée à l’unanimité, est très radicale et d’application ultrarapide. Je ne suis pas d’avis d’aller dans cette voie : je pense qu’il est préférable de procéder par phases, en évaluant chacune d’entre elles. Pourquoi ? Parce que nous ne connaissons pas l’impact sur les activités du secteur privé de l’ingénierie française, qui se bat beaucoup à l’international. C’est là que la référence au GIZ allemand m’inquiète, car celui-ci a tout simplement tué le privé.
Même si ce point n’est pas fondamental, je veux terminer cette intervention sur ce qui est désormais qualifié par la commission de « responsabilité sociétale des entreprises ». Parler de « responsabilité sociale et environnementale » aurait deux mérites à mes yeux – je me suis occupée de cette question dans un passé récent : premièrement, on sait de quoi on parle ; deuxièmement, cette référence est désormais commune à l’ensemble des pays de l’OCDE, dont la France fait évidemment partie.
Ce qui est important, c’est de tirer les conséquences du drame du Rana Plaza, au Bangladesh, qui a suscité de l’émotion et fait naître un débat sur les engagements à attendre des entreprises françaises. Je sais que certains parlementaires souhaitent introduire un mécanisme juridique permettant de mettre en cause leur responsabilité. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur, a fait justement remarquer qu’un tel mécanisme ne saurait concerner que les seules entreprises françaises.
Je rappelle ici que le gouvernement français n’est pas resté les bras ballants après cette horreur, qui n’est pas un cas isolé dans de tels pays : la plateforme RSE mise en place par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, qui rassemble toutes les parties prenantes, devrait présenter son rapport cet été. Je rappelle également que le Parlement européen a adopté la directive sur la publication d’informations extra-financières, le 15 avril 2014, et que le point de contact national des principes directeurs de l’OCDE a fait des recommandations sérieuses s’agissant du secteur du textile et de l’habillement, avec saisine possible de la mise en œuvre de ces recommandations. Je rappelle enfin, ce qui me paraît très important, qu’a été introduite la notion de devoir de vigilance des donneurs d’ordres, et je ne doute pas que les ONG, très actives en la matière, seront elles-mêmes vigilantes.
On assiste donc à une mobilisation française et celle-ci ne retombera pas. Les morts du Rana Plaza ne seront pas oubliés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, cher Jean-Louis, messieurs les rapporteurs, dont je salue la qualité du travail, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est d’autant plus important qu’il traite de l’ensemble des instruments de solidarité et d’influence de notre politique de coopération au développement.
Parmi ces différentes facettes, il en est une qui joue et jouera un rôle de plus en plus important : l’expertise technique internationale. En effet, un nombre croissant de pays a aujourd’hui accès à des financements privés et publics dans des conditions satisfaisantes. C’est évidemment le cas des pays émergents, mais c’est également le cas, de plus en plus, de pays africains en forte croissance.
En revanche, ce dont tous ces pays ont encore besoin, c’est de notre expertise pour bâtir des politiques publiques, pour construire des États modernes, pour faire face aux nombreux défis du développement, en particulier d’un développement durable. C’est vrai dans le domaine de la santé, où nous disposons d’un savoir-faire mondialement reconnu ; c’est vrai en matière d’urbanisme, en agriculture, dans tout ce qui relève des obligations régaliennes des États, dans de très nombreux secteurs où nos hauts fonctionnaires, nos ingénieurs, nos juristes sont particulièrement appréciés.
C’est l’intérêt des pays en développement que de bénéficier de ces transferts de compétences, mais c’est également, il ne faut pas le cacher, notre intérêt. C’est un enjeu d’influence, car nous partageons ainsi notre vision du monde. C’est un enjeu de commerce extérieur, car, en diffusant nos normes, nous favorisons nos entreprises et nos produits.
Je voudrais redire ici qu’une expertise publique forte à l’international est évidemment un atout pour nos entreprises et le secteur privé. Bref, c’est un enjeu de solidarité et d’influence. C’est pourquoi j’ai souhaité introduire dans ce texte une réforme de nos opérateurs d’expertise publique à l’international. J’ai poursuivi ainsi la réflexion menée depuis longtemps par la commission des affaires étrangères. Dès 2008, le rapport Tenzer nous avait alertés sur la nécessité de regrouper nos opérateurs pour être plus compétitifs. Il faut dire que la France se singularise par son très grand nombre d’opérateurs d’expertise publique à l’international. Chaque ministère a le sien ; il en compte même plusieurs parfois, et il arrive que certains d’entre eux dépendent de plusieurs ministères.
En 2010, nous avions voulu adopter un amendement visant à rationaliser ce paysage, qui est non seulement foisonnant, mais aussi conflictuel puisque ces opérateurs se concurrencent entre eux. Le gouvernement de l’époque nous avait indiqué que cette réforme était prématurée. Nous avions alors demandé, par voie d’amendement, un rapport sur les moyens de rationaliser ce secteur. Le rapport Maugüé nous a été remis en 2010 et n’a débouché sur aucune réforme. Chaque ministère souhaite – c’est tellement naturel – conserver son opérateur, chaque opérateur son directeur, son comptable, ses locaux, et j’en passe.
En France, c’est bien connu, quand on ne veut pas faire, on crée d’abord une commission et, ensuite, on commande un ou plusieurs rapports. Devant cette situation, la commission des affaires étrangères et son président Jean-Louis Carrère m’ont missionné pour réfléchir aux moyens d’aller plus avant, de créer « une équipe France de l’expertise publique à l’international ». En 2011, mes collègues ont adopté à l’unanimité les conclusions de mon rapport recommandant un regroupement de ces opérateurs dans un établissement ayant la taille critique pour faire face à la concurrence étrangère.
Il faut bien voir, mes chers collègues, qu’aujourd’hui le marché de l’expertise est essentiellement financé par des appels d’offres de la Commission européenne, des organisations des Nations unies et de la Banque mondiale. Là où les Allemands, les Anglais ou les Espagnols ont réuni leurs forces en un seul opérateur pivot, nous y allons en ordre dispersé. Le résultat parle de lui-même : quand les Allemands réalisent plus de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires sur les appels d’offres internationaux, l’ensemble de nos petits opérateurs n’arrivent au total qu’à un peu plus de 100 millions d’euros.
Le gouvernement précédent s’est saisi des conclusions de mon rapport. En 2013, lors des Assises du développement, le Président de la République, me faisant l’honneur de citer mon rapport, a indiqué qu’il fallait maintenant agir. Mais la volonté de chaque ministère de conserver son opérateur a conduit à une nouvelle commission dite de « modernisation de l’action publique » et, le mois dernier, à un nouveau rapport qui, de nouveau, prône le regroupement.
Je crois que le temps de la concertation est fini. Nous en sommes au quatrième rapport aux conclusions identiques. Comme le Président de la République l’a dit, le temps de l’action est venu. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des affaires étrangères de réformer la loi de 2010 relative à l’action extérieure de l’État afin de regrouper les principaux opérateurs, celui du ministère des affaires étrangères et du développement international, celui du ministère des finances et ceux qui dépendent des ministères sociaux. Cela ne couvre qu’une partie des opérateurs ; nous verrons à l’usage si les autres s’y rallient.
Cet amendement, je m’en réjouis, a été voté avec l’accord des deux rapporteurs par l’ensemble de la commission des affaires étrangères, tous bords confondus. Il témoigne de notre volonté de participer à la réforme de l’État en améliorant l’efficacité de notre dispositif d’expertise publique à l’international. Il s’agit de fusionner les opérateurs dans un établissement public industriel et commercial qui puisse, à terme, s’autofinancer.
Rationalisation des structures, économies budgétaires, efficacité : voilà les principes qui nous animent ! Cet établissement intégrera dans sa gouvernance l’ensemble des ministères concernés et prévoit de nombreuses garanties pour maintenir le lien avec les viviers d’experts.
Alors, évidemment, toute fusion est une opération délicate : chacun cherche naturellement à défendre son existence, son identité, ses acquis. Mais, dans l’état actuel de nos finances publiques, on ne peut plus se payer une myriade d’opérateurs disposant chacun d’une organisation comparable qui peut être facilement mutualisée. Il y a des économies d’échelle à obtenir et des parts de marché à gagner avec cette réforme.
J’ai entendu dire çà et là que c’était précipité. Chacun a sa conception du temps qui passe. Il me semble que, sur un sujet qui est sur la table depuis 2008, l’État a pris le temps de faire mûrir sa réflexion. L’amendement tend d’ailleurs à prévoir un séquençage en plusieurs étapes : tout d’abord, une date butoir, le 1er janvier prochain ; ensuite, la création de cet EPIC.
Voilà donc les deux éléments incontournables de cette réforme. Je crois que la Haute Assemblée fera œuvre utile en adoptant ce texte, qui nous permettra de renforcer notre présence sur les marchés internationaux de l’expertise et de diffuser au profit des pays en développement notre savoir-faire et celui de nos entreprises. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie. Je voudrais revenir brièvement sur certains points, même si nous aborderons à nouveau tous ces sujets lors de l’examen des amendements.
Je commencerai par la cohérence.
Votre préoccupation, mesdames, messieurs les sénateurs, est aussi celle du Gouvernement. Tous les collèges du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, instance que j’ai réunie pour la première fois au début de la semaine, ont insisté sur l’indispensable nécessité d’une cohérence entre les ministères et entre les différents partenaires. Je vous propose d’ailleurs, comme je l’ai demandé au CNDSI, que ce thème soit l’un de nos sujets de réflexion afin que, au-delà du projet de loi, cette cohérence puisse encore être améliorée.
Concernant le pilotage, vous nourrissez tous des inquiétudes. J’aurais envie de vous dire que le Gouvernement y répond : d’abord, par le projet de loi, qui est le cadre politique adéquat ; ensuite, par une coordination des interventions de l’État. C’est vrai que le CICID ne s’était pas réuni depuis 2009. Maintenant, c’est chose faite ! À l’avenir, il se réunira régulièrement. J’ajoute que, en la matière, mon secrétariat d’État est chef de file. L’AFD est certes pilotée par trois tutelles, mais celles-ci se coordonnent et ont une vision commune. En outre, le système d’évaluation tel qu’il est proposé est satisfaisant, et nous pouvons nous en féliciter.
J’en viens à l’absence de programmation budgétaire, sur laquelle vous avez été nombreux à m’interpeller. Il nous a semblé plus pertinent de réserver les questions purement budgétaires aux lois de finances. Le projet de loi est le mode d’emploi des moyens, si je puis dire, dont il revient aux projets de loi de finances de préciser les montants. L’objet du présent texte est donc d’affirmer une volonté politique.
Quant aux aides multilatérales, j’estime qu’elles sont importantes pour atteindre la masse critique dont nous avons besoin, d’autant que les moyens sont de moins en moins au rendez-vous. Il nous faudra donc faire avec un peu moins ou avec des leviers différents. L’aide multilatérale permet de lever des fonds au-delà de nos propres actions. Il est également important de permettre à l’AFD de travailler avec des fonds multibailleurs. Ce point devait être précisé, me semble-t-il.
Une question m’a été posée sur les prix de transfert et sur la fiscalité. La priorité de la France, cela a été dit à plusieurs reprises, est de renforcer les ressources domestiques et de lutter contre l’érosion fiscale. Or ces questions ne peuvent être portées – c’est ce que fait la France – que dans le cadre de l’OCDE ou du G20, puisqu’elles concernent la plupart du temps des multinationales. C’est à cet échelon que notre pays doit concentrer ses efforts afin d’obtenir des modifications des différentes réglementations. Il nous faut également travailler sur ces questions en partenariat étroit avec les pays que nous voulons aider ou accompagner. Il convient évidemment de renforcer la fiscalité, notamment au travers de l’initiative « inspecteur des impôts sans frontières » mise en place par l’OCDE.
Pour conclure, je tiens à rappeler – je l’ai dit dans mon intervention liminaire – que l’éducation de base est l’une de mes priorités, de même que la formation professionnelle ou la formation à la citoyenneté. Tout cela va contribuer à la pérennité de notre politique de développement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale
TITRE Ier
ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE DE LA FRANCE
Chapitre Ier
Objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale
Article 1er
La France met en œuvre une politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses composantes économique, sociale et environnementale.
Cette politique participe activement à l’effort international de lutte contre la pauvreté, la faim et l’insécurité alimentaire et de réduction des inégalités sociales et territoriales, en favorisant un développement économique équitable et riche en emplois, en consolidant l’agriculture vivrière et familiale, en préservant les biens publics mondiaux, en luttant contre le changement climatique, ses effets et l’érosion de la biodiversité et en promouvant la paix durable, la stabilité, les droits de l’homme et la diversité culturelle.
La politique de développement et de solidarité internationale respecte et défend les libertés fondamentales. Elle contribue à promouvoir les valeurs de la démocratie et de l’État de droit, l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la responsabilité sociétale, les socles de protection sociale et le travail décent. Elle contribue à lutter contre les discriminations. Elle œuvre pour développer et renforcer l’adhésion à ces valeurs dans les pays et régions partenaires par la voie du dialogue et de la coopération, en appuyant les mécanismes de bonne gouvernance, en particulier sur le plan local, et en favorisant notamment le renforcement des États et des capacités de la puissance publique. Elle veille à ce que les personnes en situation de pauvreté puissent être en capacité d’exercer leurs droits et participent activement aux programmes et projets de développement. Elle concourt à la politique étrangère de la France et à son rayonnement culturel, diplomatique et économique. Elle accorde une attention particulière à la francophonie et à la cohésion de l’espace francophone.
Elle veille à assurer la continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement. L’action humanitaire, qui vise à secourir les populations vulnérables, là où leur vie est menacée, où leurs besoins vitaux ne sont plus satisfaits, où leurs droits les plus élémentaires sont bafoués, s’inscrit pleinement dans la politique de développement et de solidarité internationale.
La politique de développement et de solidarité internationale respecte et promeut les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits de l’homme, de protection sociale, de développement et d’environnement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, sur l’article.
M. Jean-Étienne Antoinette. Les objectifs humanistes de la politique française de développement inscrits dans cet article 1er portent les plus hautes valeurs de la République. Affirmant une volonté de développement plus juste pour notre génération et celles à venir à l’échelle du monde, ils vont à l’encontre de la tentation du seul repli sur soi, née du sentiment que tout va mal.
Pour autant, cette politique de développement et de solidarité internationale n’est pas désintéressée.
Il est directement de notre intérêt que les conditions de la paix et du développement humain soient renforcées, car les carences de l’aide au développement et de la solidarité internationale – je pense en particulier au Sahel – rendent nécessaires des interventions lourdes répondant aux crises qui en découlent.
Toutefois, cette politique apparaît comme porteuse de contrainte dans certaines parties du territoire, particulièrement dans les collectivités d’outre-mer. Vous l’avez d’ailleurs reconnu dans votre intervention, madame la secrétaire d’État, et je suis sensible au fait que cette évocation ait eu lieu dès les premiers éléments de la présentation du projet de loi que vous portez depuis presque deux mois.
Lorsque l’Agence française de développement accompagne des projets de développement dans des pays voisins, alors que les mêmes objectifs sont attendus de la part des collectivités d’outre-mer mais sans l’aide associée, quelle image négative pour la politique de solidarité ! Quand les filières d’exploitation, les filières commerciales des pays voisins des collectivités d’outre-mer sont encouragées et structurées, quel impact négatif pour l’économie locale des populations ultramarines ! Pourtant, vous avez qualifié les outre-mer de « têtes de pont » de la France dans le monde. Quelle image de bienvenue, alors qu’ils apparaissent, si souvent, des confettis lointains de l’Hexagone ou, selon le langage européen, des régions ultrapériphériques !
Au-delà du discours rafraîchissant, tourné vers le monde et pas seulement vers la métropole ou le continent, comment traduire, concrètement, cette ambition pour les outre-mer ?
Premièrement, l’intégration régionale de ces « têtes de pont » doit être un outil à mobiliser nécessairement pour le développement des pays voisins en voie de développement, c’est-à-dire pour la réalisation du cœur des objectifs de la politique de solidarité. Or depuis le vote, en septembre 2012, de la loi relative à la régulation économique outre-mer, le Parlement attend une étude du Gouvernement visant à mettre en place cette ouverture des collectivités d’outre-mer et leur intégration dans le milieu régional. Il faut avancer sur ce sujet, et au stade du rapport aurait déjà dû succéder celui de l’action... Les collectivités uniques de Guyane et de Martinique auront des compétences renforcées dans le domaine des coopérations décentralisées, mais quand ? En mars ou en septembre 2015 ? En 2016 ?
Deuxièmement, la politique de développement doit intégrer dans son programme les aides aux collectivités d’outre-mer et les aides aux pays voisins. Lorsque l’Agence française de développement agit dans une collectivité d’outre-mer, elle doit tenir compte des besoins de chaque côté de la frontière.
L’action de l’AFD à destination de l’outre-mer représentait 1,1 milliard d’euros en 2012. Ces financements ont ainsi permis l’amélioration de systèmes d’assainissement et d’alimentation en eau potable pour 375 000 personnes et le traitement de 285 000 tonnes de déchets solides.
Cette action est nécessaire tant le retard de développement est important, mais les territoires ultramarins, même insulaires, ne sont pas isolés et la situation sanitaire, environnementale, économique des États voisins crée une très forte pression sur les collectivités ultramarines. Or 85 % de l’aide financière est à destination de l’Afrique et du bassin méditerranéen. Pourtant, l’outre-mer français, c’est l’Amérique latine, la Caraïbe, l’Atlantique Nord, le Pacifique et l’océan Indien. Pour ces régions, excepté Haïti, l’aide financière est très faible, de l’ordre du saupoudrage, et les « têtes de pont » réduites à peu de chose dans ces objectifs de développement.
Troisièmement, les économies des outre-mer ne doivent pas subir la politique, en faveur des pays moins avancés, d’ouverture des marchés sans droits de douane, ni quota, ni degré d’exigence sanitaire équivalente. Les collectivités d’outre-mer se trouvent dans des situations climatiques, environnementales similaires à celles des pays envers qui ces mesures sont prises, mais les acteurs économiques connaissent des contraintes normatives et fiscales largement plus importantes. La politique de développement et de solidarité ne doit pas venir fragiliser ces économies dont on cherche encore l’avantage concurrentiel qu’elles pourraient avoir sur leurs concurrents régionaux dès lors que les règles du marché ne sont pas les mêmes.
Vous avez accueilli favorablement les propositions d’amendements de la délégation sénatoriale à l’outre-mer et de son président. Nous veillerons à ce que la prise en compte des spécificités de nos territoires pour remplir les objectifs de cette loi de programmation se traduise dans la politique française et européenne. Profondément juste dans son principe, la politique de développement et de solidarité internationale doit également rester juste dans ses modalités d’application.
MM. Michel Delebarre et Serge Larcher. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
sociale
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, environnementale et culturelle.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, soutenu par la commission du développement durable, tend à combler un vrai manque, d’ailleurs étonnant, de ce texte.
La culture est aujourd’hui quasiment le quatrième pilier du développement durable. Depuis 1992, de nombreux travaux ont été effectués sur le sujet. Citons notamment l’Agenda 21 de la culture adopté à Barcelone – travail collectif extrêmement important – et, surtout, le paragraphe 41 du document de « Rio+20 », où il est indiqué que « toutes les cultures et toutes les civilisations peuvent contribuer au développement durable ».
Cet oubli de la dimension culturelle est d’autant plus étonnant que la France est un grand pays de culture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. L’évocation de la composante culturelle nous paraît importante. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Bien que la culture constitue un volet incontournable du développement durable et qu’elle figure parmi les priorités de la politique française, le Gouvernement ne souhaitait pas que l’on ajoute cette composante après les mots « économique, sociale et environnementale ».
Cela étant, compte tenu de l’avis de la commission, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 85 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer le mot :
sociétale
par les mots :
sociale et environnementale
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, qui a reçu le soutien de la commission du développement durable, fait écho aux propos très clairs de Nicole Bricq.
En substituant le mot « sociétale » aux mots « sociale et environnementale », on pourrait penser qu’on élargit le spectre à des questions comme la lutte contre la corruption. Or tel n’est pas le cas.
Dans le décret paru en 2012, la définition de la responsabilité sociale et environnementale est extrêmement précise et elle inclut la lutte contre la corruption. Comme l’a dit Nicole Bricq, la responsabilité sociale et environnementale est une notion commune aux pays de l’OCDE, dont la France fait partie. Nous avons d’ailleurs réalisé un travail collectif très important sur le sujet, y compris avec le Conseil économique, social et environnemental.
Retenir le terme « sociétale », qui bénéficie juste d’une norme ISO, qui est beaucoup moins précise et beaucoup moins large, me semble être un retour en arrière. De surcroît, en agissant ainsi, on ne reconnaît pas le travail que nous avons effectué nous-mêmes et imposé au-delà de la France.
Voilà pourquoi je vous propose de revenir à la première définition, qui est beaucoup plus claire et beaucoup plus large.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il ne s’agit pas d’un retour en arrière, mais plutôt, à nos yeux en tout cas, d’une avancée.
J’ai bien compris que cette modification soulevait des réticences, dans la mesure où le terme « sociétale » n’est pas totalement compris par tous. Il arrive ainsi que la langue évolue et que le droit soit en retard par rapport à elle. En l’occurrence, il me semble que tel est le cas. Mais un jour viendra où cette notion entrera en vigueur dans les esprits et dans la loi.
Cela étant, il ne s’agit pas d’une simple vue de l’esprit ou d’une invention sui generis de la commission.
Le Livre vert de la Commission européenne, qui s’intitule Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, définit la responsabilité sociale des entreprises comme « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ». Il poursuit : « Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir ″davantage" dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes. »
La norme ISO 26 000, pour sa part, définit la responsabilité sociétale comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement se traduisant par un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ».
Cela dit, il ne s’agit pas d’une affaire majeure. La commission a introduit ce terme, mais si vous pensez que, pour des raisons de compréhension, il faut privilégier les mots « sociale et environnementale », je veux bien, avec l’accord de mon collègue corapporteur, m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. M. Dantec a évoqué le décret de 2012, en ajoutant que les organisations internationales se référaient à la notion de RSE, de même que les directives européennes ainsi que les objectifs du développement durable. Tout converge en effet en faveur de l’expression « responsabilité sociale et environnementale ».
Globalement, comme je l’ai déjà dit il y a quelques jours en commission, une loi doit être lisible par tous nos concitoyens. Ce n’est donc peut-être pas nécessaire de les renvoyer à des définitions qu’ils devront rechercher et qu’ils ne pourront pas toujours comprendre, alors que l’expression « responsabilité sociale et environnementale » est entrée dans le langage courant.
Cela étant, même si le Gouvernement soutient cet amendement, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mes chers collègues, pardonnez-moi de rappeler que la commission a débattu et tranché, à l’unanimité moins une voix, pour la rédaction qui vous est proposée et qu’elle soutient son texte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, cinquième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et à leur évaluation
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet article 1er est essentiel par ses choix : liberté fondamentale, égalité entre les hommes et les femmes, démocratie, protection sociale, travail décent et, enfin, prise en compte des personnes en situation de pauvreté.
L’adoption de mon amendement ne rendra pas la loi bavarde, puisque celui-ci ne vise à ajouter qu’un seul mot, à savoir le mot « évaluation ».
Mes chers collègues, il ne suffit pas de faire « pour » les plus pauvres, il faut faire « avec eux » et jusqu’au bout. En amont, lorsqu’on prépare l’évaluation d’un projet, les plus pauvres sont les mieux à même de vous dire s’il faut préciser les critères, par exemple pour assurer l’accès réel à tel ou tel chantier financé. En aval de l’évaluation, leurs observations, leur expertise d’usage au plus près des réalités seront tout aussi précieuses si nous poursuivons réellement ensemble le développement humain de tous.
Ce sont les pauvres qui vous diront que tel périmètre d’irrigation proposé, même s’il répond aux meilleures intentions du monde, est bien trop loin de leur village, qu’il s’agisse d’y aller à pied pour cultiver la terre ou pour acheminer les légumes au marché. Ce sont eux qui vous diront que l’assainissement tant attendu du quartier insalubre a bien atteint son but, mais que, faute de mesures associées dès l’origine au maintien des populations les plus précaires, les cases sont devenues un objet de spéculation et qu’ils en ont été chassés.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande d’insérer le mot « évaluation ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Cet amendement est intéressant sur le plan des principes : nous-mêmes, au cours de la discussion générale, avons demandé davantage d’évaluation.
Toutefois, la présente disposition semble assez lourde à mettre en œuvre. Après avoir assuré la distribution d’eau en creusant des puits, il ne serait sans doute pas facile de demander aux personnes concernées de répondre aux multiples questions d’un formulaire. De tels chantiers risquent d’exiger des moyens non négligeables.
De plus, nous avons émis un avis favorable sur l’amendement de M. Dantec tendant à assurer, dans le rapport annexé, la mention des « retours d’expérience » des populations locales. Les deux concepts sont à peu près identiques, mais il nous semble plus facile de mettre en pratique des « retours d’expérience » que des « évaluations », lesquelles correspondent à une procédure administrative assez stricte.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. C’est sûr !
M. Christian Cambon, corapporteur. Ma chère collègue, votre amendement me semble satisfait. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Blandin, l’amendement n° 52 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je le maintiens par principe, monsieur le président.
M. le rapporteur a fort pertinemment mentionné le rapport annexé. Mais, pour avoir contribué au débat consacré par le Sénat à la loi pour la refondation de l’école de la République, puis pour avoir suivi la mise en application de ce texte, je peux dire que ce qui est écrit dans la loi, ça compte, alors que ce qui est écrit dans le rapport annexé, ça se discute…
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié ter, présenté par M. Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, après la cinquième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
À cet effet, elle demande aux chefs de projets de désigner, en lien avec les populations concernées, des citoyens-relais chargés de mettre en œuvre cette participation.
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Cet amendement vise à assurer l’application concrète d’un des objectifs visés à travers le présent texte, par la désignation, pour tous les projets financés par la France, de citoyens-relais auprès des populations concernées.
Pour être bref, j’indique simplement que cette disposition se fonde sur les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et accueillis avec satisfaction par l’Assemblée générale des Nations unies en 2013.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Cet amendement mentionnait à l’origine des « relais pertinents », expression très discutable. Il a été rectifié dans le bon sens. Cela étant, à mon grand regret, je ne peux pas émettre un avis favorable. En effet, pour intéressante qu’elle soit, l’idée que tend à traduire cet amendement est très directive et systématique.
Tout d’abord, il n’est pas toujours possible de désigner de tels citoyens-relais. Par exemple, à qui confier actuellement, en Centrafrique, des opérations effectives et efficaces en la matière ?
Ensuite, dans bien des pays partenaires, une telle mesure pourrait susciter des difficultés avec les autorités nationales.
Enfin, sur quels critères, selon quelles modalités désignerait-on ces citoyens-relais ? J’avoue mon scepticisme.
Pour ces raisons, monsieur Roger, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement souscrit au but visé à travers cet amendement, à savoir mieux inclure les populations locales et assurer une concertation avec elles. Mais la désignation de tels citoyens-relais se heurte malheureusement à d’insurmontables difficultés pratiques. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Roger, l’amendement n° 22 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Gilbert Roger. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 10, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est un peu provocateur, mais il n’est pas dénué de fondement. Il vise à supprimer, à l’alinéa 3, les termes : « Elle accorde une attention particulière à la francophonie et à la cohésion de l'espace francophone. »
Il s’agit en l’espèce de ne pas systématiquement favoriser la francophonie : l’aide au développement concerne tous les pays. Parfois, les évaluations prouvent même que son utilité et son efficience sont inversement proportionnelles à la pratique de la langue française.
Je précise que je préside le groupe d’amitié avec le Yémen – État qui n’est pas classé parmi les pays francophones, même si la francophonie y est très appréciée et très développée –, où notre action est très importante, car il s’agit là d’un pays en grande difficulté.
À mon sens, la mention visée à l’alinéa 3 est un peu passéiste. C’est la raison pour laquelle je vous propose de la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Inutile de vous dire, mes chers collègues, que la commission et les rapporteurs ont été particulièrement surpris par cet amendement. Il nous paraît au contraire que la francophonie est moins passéiste que jamais !
Par ailleurs, nous venons, par un amendement précédent, d’attacher l’adjectif « culturelle » aux termes « développement durable ».
Quand on sait que, selon les estimations, en 2050, près de 600 millions d’êtres humains sur la Terre parleront français,...
Mme Nathalie Goulet. C’est un phénomène démographique !
M. Christian Cambon, corapporteur. … il apparaît que la francophonie est bel et bien un plus pour notre action.
Voilà pourquoi, madame Goulet, si vous ne retiriez pas cet amendement, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, étant donné que vous êtes, au sein du Gouvernement, également chargée de la francophonie, je vous invite à mener une évaluation de l’ensemble des associations existant dans ce domaine. En effet, francophonie rime trop souvent avec cacophonie ! Nombre d’associations bénéficient de subventions multiples sans que l’on ait la moindre idée des actions qu’elles mènent ou des résultats qu’elles obtiennent.
Par ailleurs, le fait que la population francophone augmente est plus dû à la démographie, à une sorte de guerre de l’utérus, qu’au travail que nous menons.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je tiens à réagir aux propos de Mme Goulet.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire au cours de la discussion générale : la francophonie est essentielle ; c’est un levier de développement. Reste que je ne suis pas opposée à une évaluation.
Cela étant, il serait extrêmement utile de recommander à tout un chacun, y compris aux parlementaires, de s’efforcer de ne pas parler en mauvais anglais au sein des institutions internationales et, lorsque la langue française est une langue officielle, d’employer le français, même s’ils maîtrisent l’anglais !
M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 31 rectifié ter est présenté par MM. S. Larcher, Vergoz, Vergès et Desplan, Mmes Claireaux et Farreyrol, MM. J. Gillot et Guerriau, Mme Herviaux, MM. Le Menn, Patient, Mohamed Soilihi, Tuheiava, Antiste, Antoinette et Bizet, Mme Procaccia et MM. Cointat, Laufoaulu, Fontaine, Magras et Revet.
L'amendement n° 59 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Requier, Barbier, Bertrand, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle prend en compte les caractéristiques et contraintes propres des outre-mer ainsi que leur nécessaire intégration dans leur environnement régional.
La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié ter.
M. Serge Larcher. Grâce à ses outre-mer, notre pays a la chance de bénéficier d’une implantation dans de nombreuses régions du globe : l’Atlantique Nord, les Caraïbes, l’Amazonie, l’océan Indien, l’océan Pacifique et même l’Antarctique. Cette situation lui confère non seulement des atouts, mais aussi des responsabilités dans la gouvernance mondiale, notamment au titre des relations avec les pays du Sud, qui sont très présents dans les environnements régionaux de nos outre-mer.
Nos territoires sont en contact direct avec nombre de ces pays, vis-à-vis desquels la France et l’Union européenne déploient une politique de développement et de solidarité. Nos collectivités ultramarines sont donc en première ligne.
Cet amendement tend à souligner l’importance de ce positionnement, qui, d’une part, constitue un paramètre clé de la mise en œuvre de cette politique dans les zones où existe une collectivité ultramarine et, d’autre part, implique la prise en compte des caractéristiques et contraintes propres de ladite collectivité dans la définition de la politique de développement et de solidarité appliquée localement. En effet, cette politique doit être conçue de sorte à constituer un élément moteur de l’intégration des collectivités ultramarines dans leurs environnements régionaux respectifs.
En 2009 déjà, le rapport Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, que j’ai eu l’honneur de présider, soulignait l’impérieuse nécessité d’une meilleure insertion régionale des outre-mer : « […] une meilleure insertion des DOM au sein de leur environnement régional serait bénéfique à la fois du point de vue économique, mais aussi dans des domaines comme la protection de l'environnement, la lutte contre l'immigration clandestine ou encore en matière culturelle. »
Pour toutes ces raisons, il apparaît nécessaire que les principes énoncés dans le présent amendement figurent dans le corps même du projet de loi et pas seulement dans le rapport annexé.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 59 rectifié.
M. Yvon Collin. La France bénéficie effectivement d’une implantation géographique aux quatre coins du monde. C’est un atout pour déployer la politique française d’aide au développement vers tous les horizons.
Cette situation présente aussi l’intérêt de permettre aux collectivités ultramarines de s’appuyer sur la politique d’aide au développement pour consolider leur intégration régionale.
Cet amendement vise ainsi à rappeler cet avantage, sans toutefois oublier que les outre-mer font face à des contraintes propres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La commission demande le retrait de ces deux amendements identiques, non pas pour des raisons de fond, mais parce que nous trouverions plus pertinent que ce dispositif soit intégré dans le rapport annexé. La commission a d’ailleurs émis un avis favorable sur un amendement similaire qui porte sur ledit rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Les outre-mer doivent absolument être pris en compte dès l’article 1er du projet de loi, où sont précisés les grands objectifs de la politique de développement. Il faut en effet rappeler les questions d’intégration régionale, le réseau que ces collectivités peuvent offrir et les priorités propres aux outre-mer.
Les outre-mer comme la francophonie sont une chance pour les politiques de développement et doivent figurer dans le texte.
M. le président. Monsieur Serge Larcher, l'amendement n° 31 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Serge Larcher. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Collin, l'amendement n° 59 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 rectifié ter et 59 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Collin, Hue, Baylet, Requier, Barbier, Bertrand, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer les mots :
là où leur vie est menacée, où leurs besoins vitaux ne sont plus satisfaits, où leurs droits les plus élémentaires sont bafoués,
La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. En juillet 2012, la France a défini une stratégie humanitaire élaborée dans la concertation. Depuis lors, le champ de l’action humanitaire française est clairement défini, ainsi que son lien avec l’aide publique au développement.
L’alinéa 4 de l'article 1er détaille les objectifs généraux de la politique de développement et de solidarité internationale. L’idée est généreuse, mais cette rédaction présente le risque, comme toute énumération, de manquer d’exhaustivité. C’est pourquoi nous proposons de supprimer un élément de la phrase. Nous considérons qu’il n’est pas utile d’entrer dans de tels détails, au risque d’affaiblir le texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La commission rejoint l’opinion exprimée par notre collègue Robert Hue. Nous aurons également en plusieurs endroits l’occasion de simplifier la rédaction : nous écrivons un texte de loi, non une œuvre littéraire ! Au reste, même si les droits les plus élémentaires ne sont pas bafoués, nous devons pouvoir mettre en œuvre l’action humanitaire.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui simplifie et allège le texte.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et de lutte contre la corruption
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je sais que la question de la lutte contre la corruption est prise en considération dans le rapport annexé, mais la situation est extrêmement difficile. En outre, ce texte est si bavard, comme cela a déjà été souligné, que quatre mots supplémentaires n’y changeront rien. En matière de corruption, les sommations itératives ne peuvent pas nuire !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Le caractère itératif n’est pas toujours un défaut, mais, en l’occurrence, nous eussions préféré que Mme Goulet retirât son amendement.
Ma chère collègue, la commission émettra un avis favorable sur un amendement ayant le même objet à l’article 4. Je pense qu’une fois suffit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21 rectifié bis, présenté par M. Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La France promeut en particulier les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies.
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Cet amendement rappelle que les principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l'Organisation des Nations unies en septembre 2013 sont promus et défendus par la France.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À cet effet, elle se donne pour référence les principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies et encourage les acteurs de développement publics et privés à les mettre en œuvre.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. M. Roger « promeut ». Pour ma part, je propose que nous nous « donnions pour référence ».
Votre temps étant compté, mes chers collègues, et n’ayant aucun orgueil d’auteur, je souhaite simplement dire que cette disposition est soutenue par la Coordination Sud, par la CNCDH et par le CESE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Les rapporteurs sont favorables à l’ajout proposé par notre collègue Roger. Il s’agit d’une allusion précise à une norme issue du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies.
J’invite donc Mme Blandin à retirer son amendement au profit de l’amendement n° 21 rectifié bis.
Mme Marie-Christine Blandin. Il est retiré !
M. le président. L’amendement n° 53 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 21 rectifié bis ?
M. le président. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elle participe à la construction d’une communauté mondiale solidaire pouvant affronter collectivement les défis environnementaux et sociaux qui s’imposent à tous, et élaborant des cadres de régulation contribuant à la paix et au développement pour tous.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est soutenu par la commission du développement durable.
Cet article, que certains pourraient qualifier de « bavard », énonce les principes de la politique de développement. Il ne peut donc pas ne pas contenir une référence à la construction d’une communauté mondiale solidaire, qui participe de la régulation. Je pense notamment à la négociation sur le climat. Dans ce domaine, la politique de développement va permettre de dégager des majorités en faveur d’accords ambitieux.
Cet article doit absolument mettre en perspective la politique de développement, y compris dans sa capacité de régulation mondiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. M. Dantec a lui-même fourni le principal argument pour s’opposer à sa proposition : cet article est un peu bavard.
La commission cherche à limiter les ajouts qui n’apportent pas une plus-value, ce qui nous semble être le cas ici. C’est pourquoi elle demande le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement est d’accord avec l’idée exprimée par cet amendement. Pour autant, ajouter à nouveau une telle disposition ici, alors qu’il est fait plusieurs fois allusion à cet objectif par ailleurs conduirait à alourdir le texte.
Cela étant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La politique de développement et de solidarité internationale de la France s’inscrit pleinement dans la fusion des agendas du développement et du développement durable, objectifs du millénaire pour le développement et objectifs du développement durable, dont les futurs objectifs seront définis en 2015 par les Nations unies.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est soutenu par la commission du développement durable.
Il me semble important que dans la loi elle-même, et pas seulement dans le rapport annexé, on insiste sur les objectifs du développement durable, qui constituent l’élément clé de l’agenda international. On ne saurait concevoir une politique de développement en France sans se placer dans la perspective de ces négociations internationales intégrant les objectifs du millénaire et les futurs objectifs du développement durable.
Nous proposons donc de les inclure dans le texte, même si certains risquent de considérer que cela l’alourdit. Il me semble tout de même logique de les évoquer ici !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Si la fusion des agendas du développement et du développement durable est tout à fait souhaitable – du reste un certain nombre d’États se sont déjà prononcés en ce sens –, il est peut-être un peu imprudent de précéder les décisions qui seront prises lors du sommet de 2015. Cette précision ne nous semble donc pouvoir figurer que dans le rapport annexé et non dans la partie normative du texte.
Je propose à M. Dantec de retirer cet amendement, sachant que cette fusion est déjà évoquée au paragraphe 4 du rapport annexé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 64 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 64 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2 et rapport annexé (réservés jusqu’après l’article 10)
M. le président. Je rappelle que, à la demande du Gouvernement, l’examen de l’article 2 et du rapport annexé est réservé jusqu’après l’article 10.
Chapitre II
Cohérence et complémentarité
Article 3
Une cohérence est recherchée entre les objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement.
M. le président. L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Compléter cet alinéa par les mots :
, en particulier les politiques commerciale, agricole, fiscale, migratoire, sociale ou les politiques relatives aux droits des femmes, à la recherche et à l’enseignement supérieur, à l’éducation, à la culture, à la santé, à l’environnement, à l’énergie et à la lutte contre le changement climatique, à la paix et à la sécurité, à l’économie sociale et solidaire ou aux outre-mer.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, soutenu par la commission du développement durable, vise à revenir au projet de loi initial.
Je suis bien conscient qu’on n’aime pas toujours les énumérations dans les textes de loi, mais celle dont il est question ici a un sens, au point que l’Assemblée nationale l’a complétée. Il s’agit en effet d’affirmer que la politique de développement n’est pas secondaire et qu’elle ne s’exerce pas dans un champ délimité, mais qu’elle est au cœur de toutes les grandes politiques publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. L’avantage avec M. Dantec, c’est qu’il fait lui-même les réponses. (Sourires.)
La commission est très hostile à cet amendement, car les énumérations ne sont jamais exhaustives. La preuve : l’Assemblée nationale a ajouté des éléments. Je suis sûr que, chaque fois que nous reprendrons cette liste, nous découvrirons des oublis.
Notre position ne nous conduit pas à considérer que de telles listes sont inintéressantes, mais je rappelle que, en l’occurrence, dix-huit politiques étaient citées. Or je signale que l’énumération prévue par cet article, qui concerne la politique de développement, n’était pas forcément la même que celle qui a trait aux politiques publiques. Les deux listes auraient pourtant dû être cohérentes.
Plus on a de listes, plus on a d’incohérences ! Je demande donc le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tend à énoncer clairement l’ensemble des politiques avec lesquelles une cohérence doit être recherchée.
Comme cela a été réaffirmé en début de semaine au CNDSI, au Conseil national du développement et de la solidarité internationale, il faut impérativement, pour que cette cohérence soit bien mise en œuvre, rétablir cette liste, afin que ces politiques essentielles, qui sont étroitement liées à la question du développement, soient directement visées.
Certes, la liste n’est pas exhaustive, mais nous devons envoyer un message fort.
Telle est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement.
M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 66 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La France met fin au financement public des projets incompatibles avec cette recherche de cohérence, notamment le soutien au secteur du charbon compte tenu de son impact climatique.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement vise à mettre fin à des projets incompatibles avec la cohérence entre la politique de développement et les autres politiques publiques, dont le soutien au secteur du charbon.
Le changement climatique fait partie des cinq politiques sectorielles adoptées par le Conseil de l’Union européenne en novembre 2009 et sur lesquelles les États membres ont décidé d’œuvrer en particulier. La lutte contre le changement climatique passe donc par la réduction et l’arrêt des subventions aux énergies fossiles. Ainsi, la réduction massive de l’utilisation des énergies fossiles suscitée par l’arrêt de ce type de subventions empêcherait l’émission de plusieurs tonnes de CO2.
Il est donc nécessaire de préciser la traduction concrète du principe de cohérence érigé dans le présent projet de loi. Quelles sont les conséquences de ce principe pour les autres politiques publiques françaises ?
Une politique de développement et de solidarité internationale soucieuse du développement durable ne peut être invalidée par des comportements contraires dans d’autres domaines. Ainsi, la fin des financements publics aux projets incompatibles viendrait renforcer cette recherche de cohérence.
La France présidera la vingt et unième conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dite « COP21 », en 2015. Il est donc indispensable, pour que la présidence française soit crédible, que la France ait au préalable pris un certain nombre d’engagements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La commission comprend bien le sens de cet amendement. Toutefois, il est d’une portée bien trop générale et l’étendue de son application serait très incertaine.
De surcroît, je note que le texte de cet amendement comporte l’adverbe « notamment », lequel est particulièrement craint et poursuivi dans cette maison ! (Sourires.)
En effet, qui définirait, et sur quelles bases, une incompatibilité aussi importante, aussi globale entre les politiques publiques et la politique de développement ?
Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, on ne peut pas mettre fin aussi brutalement que vous le souhaitez au soutien public dans ces matières. Il faut que les décisions que nous prenons en matière de financement des centrales à charbon prennent en compte la situation économique et énergétique, ainsi que les exigences de développement des pays souhaitant construire ce type d’infrastructures.
D’un point de vue purement environnemental, le financement de la rénovation des centrales à charbon, qui permet d’intégrer dans les infrastructures existantes des technologies plus performantes et plus respectueuses de l’environnement, constitue, en l’absence d’alternative crédible, une solution souvent adéquate.
Tel est l’engagement du Gouvernement dans la préparation de la COP21. Nous souhaitons donner la priorité aux énergies alternatives et aux énergies fossiles, mais nous avons besoin de temps pour le faire et pour accompagner les pays concernés.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
La France reconnaît le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs impliqués dans la politique de développement et de solidarité internationale, notamment les collectivités territoriales, les organisations de la société civile et les entreprises.
Il est créé, auprès du ministre chargé du développement, un Conseil national du développement et de la solidarité internationale qui a pour fonction de permettre une concertation régulière entre les différents acteurs du développement et de la solidarité internationale sur les objectifs, les orientations, la cohérence et les moyens de la politique française de développement.
Les collectivités territoriales ont développé de nombreuses actions internationales, notamment fondées sur leur expertise dans la gestion des services publics locaux ou l’aménagement du territoire. Elles apportent une plus-value concrète en cohérence avec les priorités françaises.
Les organisations de la société civile, tant du Nord que du Sud, disposent également d’une expérience, d’une expertise et d’une implication fortes dans la politique de développement et de solidarité internationale.
Les entreprises participent à la politique de développement et de solidarité internationale à la fois par leur implantation dans les pays partenaires et par les actions spécifiques qu’elles mettent en place pour contribuer au développement de ces pays. Les entreprises françaises sont notamment présentes dans des secteurs prioritaires d’intervention comme la santé, l’agriculture, le développement des territoires, l’environnement et l’énergie ou l’eau et l’assainissement.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces acteurs sont garants de la participation effective des personnes en situation de pauvreté. Ils veillent à ce que leurs chefs de projets désignent des personnes chargées de mettre en œuvre cette participation.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU nous importent et nous obligent.
Nous voilà au cœur de l’article 3 bis et de la reconnaissance de la mise en œuvre complémentaire par l’État, les collectivités, les ONG, les entreprises, des différents projets. Les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme ont été coélaborés et salués par la France à l’ONU. La Coordination SUD, représentative des acteurs de la solidarité internationale, s’en félicite.
La commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, est une autorité administrative indépendante qui assure auprès du Parlement et du Gouvernement un rôle de conseil. Elle nous en recommande l’application. Nous allons donc écouter ses préconisations !
Enfin, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dans son avis sur le projet de loi, indique que les populations les plus vulnérables ont vocation à être des acteurs à part entière.
Ces trois institutions voulues par l’État, et auxquelles l’État est partie prenante, nous recommandent d’être exigeants sur ce point. Je vous propose donc de passer à l’acte.
Mes chers collègues, cet amendement étant le dernier que je présente sur ce texte, permettez-moi d’être un peu solennelle. Le scrutin du 25 mai dernier, qui nous gifle, nous montre que les gens, particulièrement les plus pauvres, ne peuvent plus se payer de mots et de discours.
Cet amendement est une proposition concrète, qui vise à passer de la parole aux actes et à nous donner les moyens réels d’associer les plus pauvres à l’élaboration des projets de développement. Si chacun est sincère, il ne devrait pas y avoir de problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Je comprends bien vos propos, madame Blandin, mais ce ne sont pas ceux qui sont concernés par ce texte qui ont voté, ou non d’ailleurs, hier.
Mes arguments sont les mêmes que ceux que j’ai développés sur l’amendement n° 22 rectifié ter, dont l’objet était semblable et qui était formulé dans des termes similaires.
Je n’ai rien contre la participation des personnes en situation de pauvreté, mais il me semble que cette question pose un certain nombre de problèmes de désignation et de critères de représentativité. En outre, elle peut poser des problèmes avec les autorités du pays.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 54 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 67 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Sa composition comprend autant de femmes que d’hommes.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement a reçu le soutien de la commission du développement durable.
Nous avons dit tout à l’heure au cours de la discussion générale que la France avait deux grandes priorités : le développement durable et l’égalité entre les femmes et les hommes.
Je vous propose donc de mettre en œuvre ces priorités, y compris au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, le CNDSI, dont les membres sont nommés par l’État, et d’y installer la parité, ce qui ne pose pas de difficulté technique. Ce signal important serait cohérent avec les priorités que nous donnons à notre politique de développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Si on peut tout à fait souscrire à l’objectif visé par cet amendement, ses dispositions posent malheureusement, contrairement à ce que pense M. Dantec, des problèmes pratiques évidents.
Je rappelle que le CNDSI comprend 8 collèges et 54 membres en tout. Il est aujourd’hui paritaire. Si un membre du Conseil doit être remplacé, il devra nécessairement l’être par une personne du même sexe ; si ce n’est pas le cas, faudra-t-il faire démissionner un autre membre ? Si la présidence d’une importante association ou organisation change et qu’elle est remplacée par une personne de sexe opposé, faudra-t-il se priver de la participation de cette personne, dans l’attente qu’une autre personne du sexe opposé démissionne ?
Si l’intention est louable, la mise en pratique de cette disposition risque en fait d’affaiblir le Conseil tout entier du fait de la diversité des personnalités auxquelles il est fait appel.
L’inscription dans la loi d’une obligation de parité absolue pose des difficultés, en particulier dans un Conseil composé d’autant de collèges et de membres, car ils peuvent être conduits à le quitter ou à être remplacés.
Nous prions donc l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement est très favorable à l’inscription dans la loi du principe de parité pour la composition du CNDSI. Pour ma part, je suis persuadée que l’on peut y arriver sans grande difficulté. Il s’agit non pas de prendre en compte les suppléants, mais de prévoir la parité sur la totalité des 54 membres du Conseil.
On se doit d’être exemplaire quand on porte un certain nombre de messages dans les pays que l’on aide. Notre message doit aussi être celui-là. Il n’est pas destiné qu’à la France, en interne. Il compte aussi pour l’image de notre pays et pour les valeurs qu’il souhaite porter à l’international.
Enfin, cet amendement est cohérent avec les délibérations de la Haute Assemblée sur bien d’autres textes.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur. Monsieur le président, pour aller dans le sens souhaité par le Gouvernement, et afin que nous ne soyons pas confrontés aux difficultés techniques que je viens d’évoquer, peut-être M. Dantec pourrait-il rectifier son amendement ? Il suffirait qu’il soit ainsi rédigé ainsi : « Lors de sa première installation, sa composition comprend autant de femmes que d’hommes. » De cette façon, le développement du Conseil ne serait pas bloqué.
M. le président. Monsieur Dantec, que pensez-vous de la suggestion de la commission ?
M. Ronan Dantec. Nous travaillons collectivement ! Je souscris donc tout à fait à cette proposition.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 67 rectifié bis, présenté par M. Dantec, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lors de sa première installation, sa composition comprend autant de femmes que d’hommes.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. J’étais favorable à l’amendement n° 67 rectifié, mais je suis défavorable à l’amendement n° 67 rectifié bis.
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les collectivités territoriales, acteurs du développement, ont une expertise dans la mobilisation des acteurs de terrain, dans la gestion des services publics locaux et l’aménagement du territoire. Elles apportent une plus-value concrète en cohérence avec les priorités françaises.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement a lui aussi reçu le soutien de la commission du développement durable. Il est important pour tous ceux qui ont une expérience de la coopération décentralisée.
Cet amendement vise à bien préciser l’apport des collectivités territoriales en matière de coopération décentralisée, à rappeler qu’elles ont une expertise dans la mobilisation des acteurs de terrain, dans la gestion des services publics locaux et de l’aménagement du territoire, et qu’elles apportent une plus-value concrète, en cohérence avec les priorités françaises.
Mes chers collègues, il subsistait encore une petite marge d’amélioration de l’alinéa 3 !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La commission n’a pas de vanité d’auteur, mais elle rappelle que c’est elle qui avait ajouté l’alinéa 3. Elle le maintient donc.
La nouvelle rédaction proposée par M. Dantec ne semble pas apporter de plus-value. Elle supprime même une référence aux nombreuses actions internationales des collectivités qu’il ne nous semble pas inutile de conserver.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cette reformulation.
M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 68 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 69 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les organisations de la société civile, tant du nord que du sud, ainsi que les organisations issues des migrations sont également reconnues comme des acteurs à part entière de la politique de développement et de solidarité internationale.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, également soutenu par la commission du développement durable, vise à renforcer la reconnaissance du rôle des organisations de la société civile, ainsi que des organisations issues des migrations.
Je pense qu’il est extrêmement important de reconnaître dans ce texte le rôle des organisations issues des migrations. C’est un point clef, pour ceux qui l’ont lu, du rapport Laignel, dans lequel il est bien expliqué que ces dernières ont de nombreuses compétences et qu’elles jouent un rôle important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Les organisations issues des migrations sont déjà citées longuement dans le rapport annexé. Deux paragraphes leur sont dédiés.
Comme l’amendement précédent, celui-ci tend à modifier la rédaction de l’alinéa inséré par la commission et relatif au rôle joué par la société civile dans la politique de développement.
Nous prions donc l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Les organisations issues des migrations sont déjà mentionnées dans le texte. Je crains que l’adoption d’un tel amendement ne les stigmatise.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 69 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 69 rectifié est retiré.
L'amendement n° 65 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La politique de développement et de solidarité internationale favorise l’échange et le dialogue entre les sociétés civiles française et des pays partenaires.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il s'agit là encore d’un amendement soutenu par la commission du développement durable. Il vise à insérer un alinéa ainsi rédigé : « La politique de développement et de solidarité internationale favorise l’échange et le dialogue entre les sociétés civiles française et des pays partenaires. »
Je crois qu’il est important d’introduire cette dimension de dialogue dans le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Ce n’est pas que nous soyons hostiles à l’échange entre les sociétés civiles, au contraire, mais nous avons déjà émis un avis favorable sur un amendement assez similaire de Ronan Dantec, et nous ne souhaitons pas alourdir le projet de loi de manière excessive.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement est plutôt favorable à cet amendement, qui tend à ajouter la notion d’échange et de dialogue entre les sociétés civiles dans le projet de loi. Nous nous en remettons cependant à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 65 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Afin d’engager l’ensemble des territoires vers le développement durable, la politique de développement et de solidarité internationale contribue par l’action, l’information, la formation et la mise en réseau, à l’éducation à un développement soutenable, à une responsabilité partagée et à la solidarité internationale, de toutes et tous, jeunes et adultes, en France et dans les pays et territoires partenaires, et participe ainsi à la construction d’une conscience planétaire et d’une citoyenneté mondiale.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cette fois, il ne s’agit pas d’un amendement soutenu par la commission du développement durable. Cet amendement vise à introduire dans le projet de loi la notion de construction d’une conscience planétaire et d’une citoyenneté mondiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Même si nous ne doutons pas que Ronan Dantec ait de bonnes intentions, nous estimons que la référence à la « construction d’une conscience planétaire et d’une citoyenneté mondiale » n’a pas sa place dans un projet de loi.
Nous demandons donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 88 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article 3 ter (nouveau)
La France recherche la complémentarité entre les composantes bilatérale et multilatérale de sa politique de développement et de solidarité internationale.
Elle a pour objectif une meilleure harmonisation et coordination des actions de l’ensemble des bailleurs de fonds. Elle promeut notamment la programmation conjointe de l’aide apportée par l’Union européenne et ses États membres.
Dans les institutions multilatérales de développement dont elle est partie prenante, la France défend les priorités, les objectifs et les principes de sa politique de développement et de solidarité internationale énoncés dans la présente loi. – (Adopté.)
chapitre III
Efficacité et principes
(Division et intitulé nouveaux)
Article 4
Afin d’assurer son efficacité, la politique de développement et de solidarité internationale repose sur la concentration géographique et sectorielle des aides et sur la prévisibilité des ressources publiques. Elle évite la dispersion de l’aide.
Elle est fondée sur une logique de partenariats différenciés présentés dans le rapport annexé à la présente loi. L’allocation des ressources et la détermination des instruments publics utilisés tiennent compte des besoins des pays partenaires, de leur évolution, de leurs capacités d’absorption et de l’impact attendu de l’aide.
Conformément aux engagements que la France a souscrits au niveau international, la politique de développement et de solidarité internationale met en œuvre les principes d’alignement sur les priorités politiques et les procédures des pays partenaires et de subsidiarité par rapport à la mobilisation de leurs ressources et capacités propres. Pour favoriser cette mobilisation, la France soutient la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Après le mot :
contre
insérer les mots :
la corruption,
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Voici le fameux amendement « corruption » ! Il s’agit de préciser que la France soutient non seulement la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux, mais également la lutte contre la corruption.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Lors de l’examen de l’article 1er, j’avais indiqué que cette disposition avait plutôt sa place à l’article 4.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 4 bis
La politique de développement et de solidarité internationale de la France est fondée sur un principe de gestion transparente qui nécessite une évaluation indépendante.
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
I. - Remplacer le mot :
indépendante
par le mot :
continue
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement peut néanmoins décider d’interrompre à tout moment ses programmes d’aides et de soutien à tout pays qui ne respecterait pas les conditions élémentaires du respect des droits de l’homme, des conventions de l’organisation internationale du travail et de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale telle que définie par les conventions de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je souhaite tout d'abord rectifier la première partie de mon amendement. Il s’agit non pas de remplacer le mot « indépendante » par le mot « continue », mais d’insérer le mot « continue » après le mot « indépendante ».
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, et qui est ainsi libellé :
I. - Après le mot :
indépendante
Insérer le mot :
continue
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement peut néanmoins décider d’interrompre à tout moment ses programmes d’aides et de soutien à tout pays qui ne respecterait pas les conditions élémentaires du respect des droits de l’homme, des conventions de l’organisation internationale du travail et de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale telle que définie par les conventions de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. La seconde partie de mon amendement, qui fait écho à mon intervention lors de la discussion générale, et à laquelle je tiens beaucoup – j’espère que le Sénat me suivra –, vise à compléter l’article 4 bis par un alinéa ainsi rédigé : « Le Gouvernement peut néanmoins décider d’interrompre à tout moment ses programmes d’aides et de soutien à tout pays qui ne respecterait pas les conditions élémentaires du respect des droits de l’homme, des conventions de l’organisation internationale du travail et de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale telle que définie par les conventions de l’Organisation de coopération et de développement économiques. »
Il n’existe pas de dispositif d’interruption des programmes d’aide. On pourrait tout à fait en créer un à titre d’orientation, avant d’en préciser les modalités par décret ou dans un texte de loi ultérieur. À mon sens, ce projet de loi présenterait une carence s’il ne comportait pas de dispositif d’interruption des programmes d’aide.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Tout d'abord, nous sommes opposés à la suppression de la référence à une évaluation indépendante. Nous avons d’ailleurs réformé en profondeur le dispositif d’évaluation mentionné dans le rapport annexé, en regroupant les trois services existants.
Ensuite, la seconde partie de l’amendement vise à permettre au Gouvernement d’interrompre à tout moment un programme d’aide à un pays en cas de violation des droits de l’homme ou de non-respect des conditions élémentaires de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.
Nous avons émis un avis favorable sur un autre amendement de Nathalie Goulet, qui défendait l’idée d’une suspension des programmes d’aide en cas de violation des principes du présent projet de loi. Surtout, nous souhaitons éviter toute mesure qui s’apparenterait à une double peine pour les populations : dans un pays non coopératif, c’est non pas la population qui bénéficie du statut de paradis fiscal, mais, souvent, une petite minorité de personnes. En revanche, c’est la population qui supporte les conséquences d’une interruption du programme d’aide.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’a pas d’objection à formuler sur la première partie de l’amendement. Il est en revanche totalement défavorable à la seconde partie. Dans le cadre de sa politique de coopération au développement, la France est évidemment très attentive à la prise en compte et à la promotion de ses valeurs.
Cependant, comme vient de le souligner M. le corapporteur, la France a toujours défendu l’idée que, en cas de violation de droits de l’homme ou de non-respect des conventions internationales, il ne fallait pas infliger une double peine aux populations, qui souffrent déjà suffisamment. Il existe beaucoup d’autres manières de réagir face aux dirigeants qui ne respectent pas leurs obligations internationales.
L’adoption de cet amendement constituerait un signal très négatif. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. La première partie de l’amendement me semble acceptable, maintenant qu’elle a été rectifiée. Je partage en revanche l’avis de la commission et du Gouvernement sur la seconde partie. Ne rendons pas les populations responsables des fautes commises par leurs dirigeants !
Monsieur le président, mes chers collègues, je propose de dissocier les deux parties de cet amendement.
M. le président. Nous allons donc procéder à un vote par division.
Je mets aux voix le I de l'amendement n° 27 rectifié.
(Le I de l’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le II de l'amendement n° 27 rectifié.
(Le II de l’amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l'amendement n° 27 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.
(L'article 4 bis est adopté.)
Article 5
La politique de développement et de solidarité internationale prend en compte l’exigence de la responsabilité sociétale des acteurs publics et privés. La France promeut cette exigence auprès des pays partenaires et des autres bailleurs de fonds.
Dans le cadre de cette exigence de responsabilité sociétale, les entreprises mettent en place des procédures de gestion des risques visant à identifier, prévenir ou atténuer les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux et les atteintes aux droits de l’homme susceptibles de résulter de leurs activités dans les pays partenaires.
La France encourage les sociétés ayant leur siège sur son territoire et implantées à l’étranger à mettre en œuvre les principes directeurs énoncés par l’Organisation de coopération et de développement économiques à l’intention des entreprises multinationales et les principes directeurs sur les entreprises et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies.
Le groupe Agence française de développement intègre la responsabilité sociétale dans son système de gouvernance et dans ses actions. Il prend des mesures destinées à évaluer et maîtriser les risques environnementaux et sociaux des opérations qu’il finance et à promouvoir la transparence financière des entreprises qui y participent. Son rapport annuel d’activité mentionne la manière dont il prend en compte l’exigence de responsabilité sociétale.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. Cet article traite de ce que le projet de loi appelle la « responsabilité sociétale » des acteurs, publics et privés, des politiques de développement. L’expression « responsabilité sociétale » a fait l’objet d’un important débat en commission et lors de l’examen de l’article 1er. Je souhaite cependant y revenir brièvement.
La notion générale de « responsabilité sociétale » a été préférée à celle de « responsabilité sociale, environnementale et fiscale », qui figurait auparavant dans le texte, car elle aurait l’avantage d’englober un plus grand nombre de sujets, en particulier la gouvernance et les droits de l’homme.
Cependant, l’adjectif « fiscal » étant beaucoup plus précis que l’adjectif « économique », sa suppression n’est pas anodine. L’article 5 a quasiment vocation à introduire, voire à imposer, un peu d’éthique et de morale dans les activités des acteurs économiques. Un certain nombre d’organisations non gouvernementales, ou ONG, se sont émues de la modification apportée à sa rédaction.
Si nous voulons être efficaces, au lieu d’en rester au stade de l’incantation ou de l’indignation vertueuse, il est nécessaire de faire référence à des notions précises dans le projet de loi. J’en suis d’autant plus convaincu que nous sommes dans le domaine du déclaratif, celui des grands principes et des symboles. Comme les philosophes des Lumières, nous croyons à l’idée de progrès et nous souhaitons généreusement que notre aide s’exerce au seul bénéfice des populations et de l’intérêt général.
Malheureusement, la réalité des terrains sur lesquels nous intervenons n’est pas toujours celle-là. Trop souvent, en particulier dans les pays les plus pauvres, nos interlocuteurs sont des gouvernants et des intermédiaires pour lesquels la notion d’intérêt général et de bien-être des populations n’est qu’une lointaine abstraction.
Les acteurs privés, y compris certaines entreprises multinationales, ont souvent tendance à n’avoir comme préoccupation prioritaire que la rentabilisation excessive des projets qu’ils sont chargés de mettre en œuvre. Cela les conduit inéluctablement à s’affranchir des réglementations ou des législations élémentaires dans les domaines économique, social, environnemental ou encore fiscal.
Dans son acception large, la responsabilité sociale des acteurs économiques est une notion connue et comprise du plus grand nombre. Il en va de même de la responsabilité environnementale. Le droit du commerce, et bien entendu celui de l’environnement, y font expressément référence.
Ainsi, la seconde loi issue du Grenelle de l’environnement impose clairement aux entreprises des obligations de transparence en matière sociale et environnementale. De même, la responsabilité sociale des entreprises peut s’entendre non seulement au sens du droit social, mais également à l’égard de l’ensemble de la collectivité nationale ; elle implique alors le respect de la législation fiscale.
J’estime donc que l’expression « responsabilité sociétale » est trop large et trop floue pour permettre de caractériser les responsabilités. Même si ces dernières sont précisées et déclinées dans le rapport annexé, l’expression « responsabilité sociétale » laisserait une grande souplesse d’interprétation. Ne diluons pas dans un cadre trop général des notions qui ont acquis de la précision et sont désormais communément admises.
La question de la portée et des conséquences sociales des activités économiques est fondamentale. Si l’article 5 a bien pour objectif d’établir clairement le champ de responsabilité des acteurs du développement, il me semble nécessaire de revenir à la formulation adoptée par l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase, alinéa 2 et alinéa 4, première et dernière phrases
Remplacer le mot :
sociétale
par les mots :
sociale et environnementale
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Nous avons déjà eu ce débat. Nous n’allons pas voter de nouveau, même si je le regrette. Afin de conserver au texte sa cohérence, je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié est retiré.
L'amendement n° 19 rectifié septies, présenté par M. Marseille, Mme N. Goulet, MM. Pozzo di Borgo, Bockel et Jarlier, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Amoudry, J. Boyer et Namy, Mme Létard, MM. Guerriau, Pignard et Roche et Mme Jouanno, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
entreprises multinationales
insérer les mots :
, les principes régissant les entreprises dans le domaine des droits de l'enfant au regard de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et ses protocoles facultatifs
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement important, qui a été rédigé par notre collègue Hervé Marseille. Il vise à insérer, après les mots « entreprises multinationales », les mots «, les principes régissant les entreprises dans le domaine des droits de l’enfant au regard de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs ».
Nous avons déjà mentionné les droits de l’homme, ainsi que des principes multiples et variés. Nous proposons maintenant d’ajouter une référence aux droits de l’enfant. On sait à quel point ces droits sont importants ; on sait également qu’ils sont parfois bafoués dans les pays que nous aidons.
Il y a quelques minutes, vous avez refusé d’infliger une « double peine » aux populations en cas de non-respect des conventions internationales, mais je ne crois pas que cet argument puisse m’être opposé cette fois. Ce serait même plutôt le contraire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La commission est très favorable à cet amendement. La rectification que nous avions demandée ne portait que sur sa position dans le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Les droits de l’enfant sont déjà mentionnés dans le projet de loi. À l’alinéa 29 du rapport annexé, il est précisé que « la France rappelle l’importance de l’éducation et de la formation tout au long de la vie dans le processus de développement et l’aspect central du bien-être et des droits des individus ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant parmi les objectifs de développement ». Plus généralement, la défense des droits de l’enfant fait bien partie des engagements de la France.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 19 rectifié septies est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, si vous n’aviez pas demandé que soit réservée la discussion de l’article 2, donc du rapport annexé, nous aurions pu développer ce sujet. Mme Blandin l’a d’ailleurs très justement dit tout à l’heure.
Aussi, je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié septies.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Conformément à l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la France s’engage à garantir l’effectivité des mécanismes judiciaires pour les victimes de violations des droits de l’homme commises par des filiales et des entreprises sous-traitantes à l’étranger. En ce sens, la France encourage la remontée de la responsabilité juridique vers la société mère ou donneuse d’ordre.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Il s’agit d’un amendement relatif aux violations des droits de l’homme par des filiales ou sous-traitants, aux termes duquel la France s’engagerait à encourager la remontée de la responsabilité juridique vers la société mère ou donneuse d’ordre.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme a été saisie par le ministre délégué chargé des affaires européennes et le ministre délégué chargé du développement, le 21 février 2013, en vue de la préparation du plan d’action français de mise en application des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.
Dans son avis, rendu le 24 octobre 2013, elle reconnaît que « le principe d’autonomie juridique des sociétés composant un même groupe fait obstacle à ce que les sociétés mères puissent être tenues responsables des violations des droits de l’homme commises par leurs filiales, alors même qu’en pratique, elles les contrôlent. De même, la réalité des chaînes d’approvisionnement empêche d’engager la responsabilité des sociétés françaises donneuses d’ordre par rapport à leurs sous-traitants ou partenaires commerciaux sur lesquels elles exercent souvent une influence ».
La France se doit de condamner sans détour les comportements irresponsables des grands groupes industriels qui ont été les acteurs de scandales sociaux et environnementaux répétés dans les pays d’implantation. Afin de garantir aux victimes l’accès à des recours effectifs, la CNCDH préconise donc la mise en œuvre de dispositifs juridiques visant à responsabiliser les sociétés mères et donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Les dispositions de cet amendement posent non seulement un problème rédactionnel, mais surtout une difficulté, beaucoup plus complexe, de fond.
Tout d’abord, il n’est pas précisé qu’il s’agit de filiales d’entreprises ayant leur siège en France, ce qui serait important.
Sur le fond, ensuite, la question juridique de l’extraterritorialité et de l’autonomie des sociétés composant un même groupe est une affaire particulièrement complexe.
La France ne peut pas s’opposer au droit international, ni au droit local d’un pays. Cette question nous impose donc de prendre un certain nombre de précautions et dépasse clairement le champ de la politique de développement.
Il faut savoir que le Gouvernement a donné au Point de contact national des instructions pour travailler sur la chaîne d’approvisionnement dans le textile, à la suite du drame du Rana Plaza. Cette structure a rendu un rapport tout à fait intéressant, et je me suis laissé dire que le Gouvernement continuait de travailler sur cette question. Cependant, il ne nous semble pas que, dans le cadre actuel, il soit possible de modifier le droit international.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Il faut bien prendre le temps de réfléchir sur ces questions, et c’est d’ailleurs ce que fait la Plate-forme RSE, qui doit rendre son rapport avant la fin de l’été, si mes informations sont bonnes.
Mme Nicole Bricq. Il faudra bien qu’elle le rende !
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Nous y veillerons, madame la sénatrice. Il y a des enjeux économiques tenant à l’attractivité, et il faut bien peser le tout. Sachez aussi qu’une proposition de loi sur ce sujet est actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Aïchi, l'amendement n° 50 est-il maintenu ?
Mme Leila Aïchi. Il n’est pas question pour moi de remettre en cause le droit international ou de conférer à la France un titre quelconque à intervenir dans un pays étranger. Je veux simplement que notre pays ait une capacité d’influence sur ses propres entreprises.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième phrase
Après les mots :
la transparence financière
insérer les mots :
pays par pays
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Nous sommes certainement tous d’accord pour introduire une certaine dose d’éthique et de morale dans les activités économiques menées par les entreprises qui contribuent à assurer le développement des pays bénéficiaires de notre aide.
Il est possible de relayer concrètement cette exigence au travers de l’opérateur de l’État qu’est le groupe de l’Agence française de développement, l’AFD.
Ainsi, la transparence financière des entreprises qui participent à des projets financés par le groupe AFD est une condition nécessaire, mais minimale, pour que ces opérations soient effectuées dans le respect d’un certain nombre d’obligations sociales, environnementales et fiscales.
Pour que cette transparence soit complète, il faudrait, en particulier, appliquer une disposition qui figure dans la loi de réforme bancaire de juillet 2013. Celle-ci exige notamment que les activités financières des entreprises puissent être recensées dans tous les pays dans lesquels elles s’exercent. L’objectif visé est précisément d’exercer un effet dissuasif sur les entreprises, qui, par des artifices, pratiquent des abus en délocalisant fallacieusement leurs bénéfices.
Ce dispositif permet également aux administrations fiscales d’être plus efficaces pour identifier les entreprises qui présentent un risque d’évasion fiscale élevé.
Par cet amendement, nous vous proposons donc, mes chers collègues, que le principe de l’examen pays par pays figure en tant que tel dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Il n’est pas nouveau que la France soit engagée dans la lutte contre les paradis fiscaux, mais cet amendement tend à préciser que l’AFD promeut la transparence financière pays par pays. Cette précision nous semble effectivement utile, d’autant qu’elle reprend la terminologie employée à l’échelon européen.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 5 bis
(Supprimé)
Article 5 ter
La politique de développement et de solidarité internationale favorise le développement des échanges fondés sur le commerce équitable et contribue au soutien des initiatives d’économie sociale et solidaire et du micro-crédit dans les pays partenaires. – (Adopté.)
Article 5 quater (nouveau)
L’Agence française de développement est autorisée à gérer, notamment sous la forme de fonds de dotation mentionnés à l’article 140 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, de conventions particulières ou sous toute autre forme juridique ou contractuelle appropriée, des fonds publics et privés dans le cadre d’opérations financées par l’Union européenne, des institutions ou organismes internationaux, des collectivités publiques, des états étrangers, des établissements de crédit et banques de développement, des institutions publiques ou privées. Elle peut également confier la gestion de fonds aux mêmes entités que celles mentionnées à la première phrase dans le cadre de conventions particulières passées avec elles.
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le présent article ne peut s’appliquer pour tout État inscrit sur la liste des États non coopératifs définis par les conventions de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit de compléter l’article par un alinéa visant à exclure de son application tout État inscrit sur la liste des États non coopératifs.
Mes chers collègues, je sais que l’on va encore me retourner l’argument de la double peine, mais vous devez savoir que, dans le cadre de la commission d’enquête sur les paradis fiscaux, nous avons auditionné les représentants du Comité catholique contre la faim et pour le développement, de Terre solidaire, de l’association Sherpa. Et toutes ces associations jugent indispensable ce type de dispositions. Je pressens ce que l’on va me répondre, mais je vais tout de même attendre…
Par ailleurs, il nous a été précisé que l’utilisation par le groupe AFD d’un certain nombre de réseaux, notamment la filiale de la BNP-Paribas à Monaco, peut éventuellement porter à critiques et mériterait d’être mieux contrôlée.
Mon amendement n’est donc pas totalement neutre, car il a pour objet, ainsi que nous en avions en quelque sorte fait le serment, mes collègues de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale et moi-même, de remettre cette question à l’ordre du jour, parce qu’elle est importante.
Je le répète, nous devons être sûrs que tout l’argent qui sort de France via des opérateurs du circuit bancaire, d’une part, n’alimente pas des paradis fiscaux, et, d’autre part, parvienne dans des conditions favorables à ses destinataires finaux, c’est-à-dire, bien entendu, aux populations qui doivent en bénéficier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Notre collègue Nathalie Goulet s’attend évidemment à la réponse que je vais lui apporter !
Si je comprends bien ses intentions, les effets du vote de son amendement seraient tout à fait dangereux, puisque la France serait empêchée de gérer l’aide internationale via les fameux fonds multibailleurs, que nous avons introduits, par ce texte, dans les pays non coopératifs au sens de l’OCDE.
Ma chère collègue, pourquoi se priver dans ces pays d’un outil de gestion de l’aide dont nous avons absolument besoin pour venir en aide à la population et qui vise à renforcer l’efficacité des dons par la concentration de l’aide internationale ?
Prenons un exemple très simple : il n’y a quasiment plus d’État en République centrafricaine et les dernières structures qui tiennent encore ne sont pas très coopératives ; est-ce que, pour autant, nous ne devons pas aller aider ces populations grâce à ces fonds multibailleurs qui nous permettent de mobiliser l’argent de plusieurs pays européens pour soulager les souffrances effroyables des Centrafricains ?
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission. Son avis est donc également défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Je me permets de demander à Mme Goulet de bien vouloir retirer son amendement. En effet, je lui rappelle que la France a sa propre liste, que le ministère de l’économie actualise chaque année en incluant de nouveaux pays ou en en supprimant d’autres. Notre pays respecte scrupuleusement ses obligations en la matière.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 28 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 28 est retiré.
Je mets aux voix l'article 5 quater.
(L'article 5 quater est adopté.)
Article 5 quinquies (nouveau)
I. – Le titre Ier du livre III du code monétaire et financier est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« Offre d’opérations de banque à des personnes physiques résidant en France par des établissements de crédit ayant leur siège social dans un État figurant dans la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement et qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen
« Art. L. 318-1. – Les établissements de crédit ayant leur siège social dans un État figurant dans la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement établie par le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques et qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne peuvent, sur autorisation préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, offrir à des personnes physiques résidant en France des opérations de banque que dans les conditions fixées au présent chapitre.
« Art. L. 318-2. – Pour délivrer l’autorisation prévue à l’article L. 318-1, dans des délais fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vérifie que les conditions suivantes sont remplies :
« 1° L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 est soumis dans l’État de son siège à des conditions de supervision équivalentes à celles qui existent en France ;
« 2° Une convention a été conclue entre l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’autorité compétente de l’État du siège, conformément aux dispositions de l’article L. 632-13 ;
« 3° Les opérations de banque proposées sont des opérations équivalentes à celles mentionnées à l’article L. 311-1 et que l’établissement mentionné à l’article L. 318-1 propose à sa clientèle dans l’État de son siège ;
« 4° L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 a conclu une convention avec un établissement de crédit ou une société de financement agréé en France ou avec une succursale établie en France d’un établissement de crédit ou d’une société de financement ayant son siège dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou encore avec une succursale établie en France d’un établissement de crédit ou d’une société de financement ayant son siège dans un État qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen et qui a conclu avec la France une convention prévoyant un échange d’informations en matière fiscale, pour y commercialiser des opérations de banque qu’il réalise dans l’État de son siège. Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les stipulations devant figurer dans la convention conclue entre les établissements. Il précise notamment le type d’opérations de banque qui peuvent être offertes ;
« 5° Les opérations de banque sont intégralement exécutées dans l’État du siège de l’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1.
« Art. L. 318-3. – La commercialisation des opérations de banque par l’une des personnes mentionnées au 4° de l’article L. 318-2 est soumise aux dispositions du code de la consommation et du présent code en matière de publicité, de démarchage, d’information précontractuelle et aux dispositions des chapitres Ier et II du titre VI du livre V du présent code ainsi qu’aux dispositions européennes directement applicables en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
« Art. L. 318-4. – Les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 318-1 communiquent chaque année à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, un rapport sur les opérations effectuées dans le cadre du présent chapitre.
« Art. L. 318-5. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut retirer l’autorisation mentionnée à l’article L. 318-1 dans les cas suivants :
« 1° Si l’une ou plusieurs des conditions prévues à l’article L. 318-2 ne sont plus remplies ;
« 2° Si l’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 ou l’une des personnes mentionnées au 4° de l’article L. 318-2 a fait l’objet d’une condamnation pénale ou d’une sanction disciplinaire pour manquement aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ou aux dispositions de l’article L. 318-3. »
II. – Au premier alinéa de l’article L. 511-3 du même code, après la référence : « L. 511-2 », sont insérés les mots : « ou régies par le chapitre VIII du titre Ier du livre III ».
III. – Le C du II de l’article L. 612-20 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 318-1 acquittent, au moment du dépôt de leur demande d’autorisation, une contribution forfaitaire fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie, dans la limite de 10 000 €. »
IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par MM. Peyronnet et Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Supprimer deux fois les mots :
ou d'une société de financement
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur.
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Il s’agit d’une précision rédactionnelle, afin de supprimer un objet qui n’a pas lieu d’être.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Si l’établissement de crédit et ses filiales sont présents ou ont pour siège social ou domiciliation fiscale des États ou des juridictions qualifiés de non coopératifs par les conventions de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. C’est une victoire de l’optimisme sur l’expérience, monsieur le président, s’agissant d’un amendement qui tend encore à compléter cet article. (Sourires.)
Les transferts financiers autorisés par le présent article ne doivent pas contribuer à alimenter ou à appuyer des établissements de crédit sur lesquels il existerait des soupçons légitimes de participation à des mouvements d’évasion ou de fraude fiscale.
Par cet amendement, je vise un certain nombre d’établissements ayant leur siège en France et des filiales à l’étranger. Franchement, nous pourrions l’adopter pour donner un signe supplémentaire de notre volonté de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales à l’occasion des transferts.
Plus il y aura de fraude, plus il y aura d’évasion, et moins les populations visées pourront bénéficier des fonds que nous aurons distraits du budget de l’État, qui pis est en une période de disette financière. Il faut s’assurer que l’argent arrive au bon endroit dans de bonnes conditions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Mme Goulet souhaite ouvrir la possibilité de retirer l’autorisation de commercialiser en France des produits de banques de pays en développement si ces banques sont présentes ou ont leur siège dans un État non coopératif au sens de l’OCDE.
En réalité, il nous a semblé que cette précision devrait plutôt se situer au moment où les autorités françaises délivreront l’autorisation de commercialiser ces produits.
En outre, des conditions déjà strictes sont prévues : l’établissement doit être soumis à des conditions de supervision équivalentes à celles de la France, ce qui n’est pas une mince affaire ; une convention doit être conclue entre l’autorité de contrôle prudentielle française et son homologue du pays d’origine. Ces clauses sont donc extrêmement rigoureuses.
Enfin, dans le texte de votre amendement, vous mentionnez la seule présence de ces banques dans des États dits « non coopératifs », ce qui est très large et peut donc ouvrir la voie à de nombreuses interprétations.
Nous préférerions un retrait de l’amendement, mais, sur un sujet aussi technique, nous nous en remettrons volontiers à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, l’objectif de lutte contre le blanchiment que vous visez est tout à fait louable. Le Gouvernement ne peut qu’être pleinement en accord avec vous.
C’est pourquoi l’article 5 quinquies, en son alinéa 11, prévoit que la commercialisation de ces opérations est soumise au respect des dispositions de la législation anti-blanchiment, à savoir le titre VI du livre VI du code monétaire et financier, qui porte sur les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Deux considérations me conduisent cependant à demander le retrait de votre amendement.
Premièrement, si elle était adoptée, cette disposition aurait pour conséquence d’entraîner l’interdiction pure et simple de certaines opérations financières, ce qui serait regrettable.
Deuxièmement, cet amendement tend à durcir les sanctions associées à l’inscription d’un État sur la liste des États et territoires non coopératifs, alors que la France dispose déjà d’un arsenal complet et robuste de sanctions de nature fiscale afin de lutter contre les États et territoires non coopératifs.
Une telle mesure semblant donc disproportionnée au regard des enjeux de développement en cause, le Gouvernement est défavorable à cet amendement et vous prie de bien vouloir le retirer.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 29 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. La représentante de la plate-forme de lutte contre les paradis fiscaux nous a déclaré, et cela figure au procès-verbal de nos auditions, qu’il existait « plusieurs canaux par lesquels l’aide publique au développement peut être détournée […] les règles déterminant les subventions de l’Agence française de développement ou de sa filiale Proparco doivent encore être renforcées dans le domaine de la responsabilité fiscale. L’Agence française de développement vient tout juste de se doter d’une règle interne stipulant que l’aide ne doit plus transiter par les paradis fiscaux. » Voilà un argument que j’aurais volontiers accepté, mais que je n’ai pas entendu !
« La France vient donc d’établir une liste de territoires des centres désormais interdits à partir d’une compilation de plusieurs listes. Ce texte de mesure a été annoncé hier par le ministre du développement. Nous pourrions aussi demander plus de transparence fiscale ». Le reste de la déclaration confirme que des progrès restent à faire.
Au bénéfice de ces observations, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 29 est retiré.
Je mets aux voix l'article 5 quinquies, modifié.
(L'article 5 quinquies est adopté.)
Titre II
(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé)
Article 6
(Suppression maintenue)
Article 7
(Supprimé)
TITRE III
EXPERTISE INTERNATIONALE
Article 8
(Non modifié)
Les opérateurs de l’expertise technique internationale contribuent, le cas échéant dans le cadre de conventions passées avec l’État, à la mise en œuvre des priorités, des objectifs et des principes de la politique de développement et de solidarité internationale de la France énoncés aux chapitres Ier et II du titre Ier de la présente loi, dans le respect des mandats et objectifs spécifiques de ces institutions. – (Adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
Le chapitre IV de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État est ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Agence française d’expertise technique internationale
« Art. 12. – I. – Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé “Agence française d’expertise technique internationale”, placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie et soumis aux dispositions du chapitre Ier.
« II. – L’Agence française d’expertise technique internationale concourt à la promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale publique françaises à l’étranger. Elle contribue notamment au développement de l’expertise technique internationale et à la maîtrise d’œuvre de projets de coopération sur financements bilatéraux et multilatéraux. Elle inscrit son action dans le cadre de la politique extérieure de coopération au développement, d’influence et de diplomatie économique de la France. Elle intervient dans le cadre des orientations stratégiques définies par l’État. Elle opère sans préjudice des missions des organismes privés compétents en matière d’expertise et de mobilité internationales. Elle intervient en concertation étroite avec tous les opérateurs, qu’ils soient publics ou privés. Elle établit des conventions-cadre avec les ministères et les organismes concernés par la mise à disposition ou le détachement d’experts publics. Ses modalités d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Il est créé un délégué interministériel à la coopération technique internationale, nommé par décret, pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie. Il est chargé de la mise en place effective au 1er janvier 2015 de l’Agence française d’expertise technique internationale par fusion de l’établissement public à caractère industriel et commercial “France expertise internationale”, du groupement d’intérêt public “Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières”, du groupement d’intérêt public “Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau”, du groupement d’intérêt public “International”, du groupement d’intérêt public “Santé protection sociale internationale” et du groupement d’intérêt économique “Agence pour le développement et la coordination des relations internationales”.
« IV. – L’Agence française d’expertise technique internationale se substitue à l’établissement public à caractère industriel et commercial, aux groupements d’intérêt public et au groupement d’intérêt économique mentionnés au III à la date d’effet de leur dissolution et, au plus tard le 1er janvier 2015, dans tous les contrats et conventions que chacun d’entre eux a passés pour l’exécution de ses missions. A la date d’effet de leur dissolution, leurs biens, droits et obligations sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l’Agence française d’expertise technique internationale, sans perception d’impôts, de droits ou de taxes.
« V. – L’Agence française d’expertise technique internationale est substituée à l’établissement public à caractère industriel et commercial, aux groupements d’intérêt public et au groupement d’intérêt économique mentionnés au III à la date d’effet de leur dissolution et au plus tard le 1er janvier 2015, pour les personnels titulaires d’un contrat de droit public ou de droit privé conclu avec l’un de ces organismes en vigueur à cette date. Elle leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents étaient titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.
« Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter les modifications de leur contrat qui leur sont proposées à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, l’Agence française d’expertise technique internationale procède à leur licenciement dans les conditions prévues par les textes qui leur sont applicables. Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’Agence française d’expertise technique internationale leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert.
« L’Agence française d’expertise technique internationale a vocation à rassembler au 1er janvier 2016 l’ensemble des opérateurs spécialisés de coopération technique, selon des modalités adaptées à leurs missions et statuts. Elle assure l’ensemble des fonctions transversales des opérateurs et comprend des départements thématiques. Elle dispose d’un fonds d’intervention pouvant prendre la forme d’un fonds de dotation.
« VI. – Le délégué interministériel à la coopération technique internationale préside le conseil d’administration de l’Agence française d’expertise technique internationale. Il siège au conseil d’administration des organismes rattachés à l’agence. Il est chargé de la coordination stratégique et opérationnelle des actions publiques de coopération technique.
« VII. – Le directeur général de l’agence assure la direction exécutive de l’agence. Il est nommé pour une durée de trois ans renouvelables, sur proposition du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie. Les responsables des départements thématiques sont nommés par le directeur général sur proposition des ministères concernés.
« VIII. – Il est créé auprès de l’Agence française d’expertise technique internationale un comité d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée, comprenant notamment des représentants des ministères, des organismes, des entreprises intervenant dans le domaine de l’expertise technique internationale et des représentants des collectivités territoriales. Ce comité est présidé par le délégué interministériel à la coopération technique internationale. Il est organisé en sous-comités thématiques qui participent à la définition de la stratégie de chaque département thématique de l’agence en lien avec les ministères concernés. Les présidents des sous-comités sont nommés par le délégué interministériel à la coopération technique internationale sur proposition des ministères concernés. Sa composition et ses règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret. »
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, sur l'article.
M. Gilbert Roger. Le regroupement de six opérateurs dans une nouvelle Agence française d’expertise technique internationale, qui fait l’objet de cet article 8 bis, découle directement des préconisations énoncées par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées lors de l’adoption, en novembre 2012, du rapport de Jacques Berthou. Nous nous en félicitons !
Cette réforme du dispositif français d’expertise internationale est nécessaire, car nos opérateurs souffrent d’un éparpillement remarquable. Par exemple, l’opérateur unique de l’Allemagne pèse 1,4 milliard d’euros, quand certains des opérateurs français ont un chiffre d’affaires limité à quelques millions d’euros. La multiplicité de nos expertises est donc un handicap pour répondre aux appels d’offres internationaux, qui favorisent les structures importantes et pluridisciplinaires.
Notre pays n’est pas assez compétitif, alors que les enjeux de l’expertise sont essentiels en termes d’influence.
C’est pourquoi la France a besoin de se doter d’un opérateur public dominant, susceptible de fédérer ses offres afin de les rendre plus visibles et lisibles sur la scène internationale. Le regroupement des opérateurs permettrait également de limiter les situations de concurrence ou de mauvaise coopération entre les opérateurs français.
Bien sûr, je suis conscient de l’impact sur les personnels d’une telle réforme, et de l’inquiétude que génère la perspective de fusion au sein des structures concernées. Aussi, madame la secrétaire d’État, est-il nécessaire de ne pas laisser planer l’incertitude plus longtemps et de préciser les modalités de transfert des personnels dans cette nouvelle structure. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me permettre de réagir sur ce sujet important.
De nombreux rapports, notamment celui que le sénateur Jacques Berthou a rédigé en 2012, ont relevé les limites de notre dispositif public d’expertise technique internationale : émiettement des opérateurs ; trop faible taille unitaire – cela a été souligné par de nombreux intervenants ; difficulté à se positionner face à des donneurs d’ordre multilatéraux, exprimant une exigence croissante de travailler avec des acteurs multisectoriels, capables de gérer des projets transversaux.
C’est pourquoi le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de se saisir à bras-le-corps de cette question.
Une mission d’évaluation, lancée à l’automne dans le cadre de la modernisation de l’action publique, vient de rendre ses conclusions. Je ne vous les rappellerai pas, mesdames, messieurs les sénateurs, car j’imagine que vous en avez tous pris connaissance.
L’amendement que votre commission des affaires étrangères, sur l’initiative du sénateur Jacques Berthou, a adopté à l’unanimité vise à traduire cette ambition en action. Le Gouvernement partage pleinement les objectifs ainsi affichés car, oui, votre texte a fait bouger les lignes !
Un travail interministériel intense mené au cours des dernières semaines a permis de lancer un processus ambitieux de réforme de l’expertise technique internationale de la France.
Il a conclu à la nécessité d’avancer sur la base d’un schéma fédérateur pour rationaliser le dispositif en rapprochant les opérateurs, ce qui permettra de mutualiser les capacités et d’atteindre une masse critique.
Il a également permis d’identifier les préoccupations des opérateurs et des administrations, qu’il faudra absolument intégrer dans le schéma final. Certaines modalités méritent ainsi d’être approfondies pour garantir à la fois l’efficacité du dispositif et la spécificité des métiers concernés. Il est impératif d’y veiller.
Nous devrons également faire en sorte que la mise en œuvre de cette réforme soit rapide, conformément à notre souhait à tous. Le calendrier proposé aujourd'hui est donc ambitieux, au vu de la complexité du dispositif actuel, mais la volonté de rénover en profondeur notre dispositif public d’expertise technique internationale est bien là !
Le statu quo n’était pas une option ; grâce à vous, il n’est plus possible !
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, sur l'article.
M. Jacques Berthou. Nous sommes tous aujourd'hui conscients, me semble-t-il, de la nécessité de ce regroupement, l’adoption de mon amendement en commission n’ayant fait que précipiter une réforme attendue.
Les délais prévus pour cette opération sont raisonnables. Dans un domaine comme le commerce extérieur, le Gouvernement s’est fixé le même délai pour fusionner Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, des organismes comprenant dix fois plus de personnel que les opérateurs concernés.
S’agissant de l’avenir des équipes, selon le texte issu des travaux de la commission, l’agence nouvellement créée se substitue aux opérateurs concernés pour les personnels titulaires d’un contrat tant de droit public que de droit privé. Elle leur propose un contrat reprenant « les clauses substantielles du contrat dont les agents étaient titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération ».
Il est en outre prévu que « les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’Agence française d’expertise technique internationale leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert. »
Ces dispositions, très classiques et très claires, reprennent les dispositions de la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, ayant créé l’Institut français. Elles devraient donc rassurer les personnels concernés.
Pour le reste, je voudrais insister sur la nécessité d’aller de l’avant. Il nous faut montrer que nous sommes capables de réformer l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis.
(L'article 8 bis est adopté.)
TITRE IV
ACTION EXTÉRIEURE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Article 9
I. – La première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° (nouveau) L’intitulé du chapitre V du titre unique du livre Ier est ainsi rédigé : « Action extérieure des collectivités territoriales » ;
2° L’article L. 1115-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-1. – Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire.
« À cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent le cas échéant conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’État dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 3131-1, L. 3131-2, L. 4141-1 et L. 4141-2. Les articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 leur sont applicables. » ;
3° (nouveau) Après l’article L. 1115-1-1, il est inséré un article L. 1115-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-1-2. – Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes compétents en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages au sens de l’article L. 2224-13 ou percevant la taxe ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères peuvent mener, dans la limite de 1% de cette taxe ou redevance et dans le cadre de l’article L. 1115-1, des actions de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire dans les domaines de la collecte et du traitement des déchets. » ;
4° (nouveau) L’article L. 1115-6 est ainsi rédigé :
« Il est créé une Commission nationale de la coopération décentralisée qui établit et tient à jour un état de l’action extérieure des collectivités territoriales. Elle favorise la coordination entre l’État et les collectivités territoriales et peut formuler toute proposition relative à l’action extérieure des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales et leurs groupements transmettent à la commission les informations nécessaires à l’accomplissement de ses missions. » ;
5° (nouveau) L’intitulé du chapitre II du titre II du livre VIII est ainsi rédigé : « Action extérieure des collectivités territoriales ».
II. – (Non modifié) À la première phrase du II de l’article L. 1822-1 du même code, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « second ».
III. – Les actions d’aide au développement que mettent en œuvre les collectivités territoriales s’inscrivent dans le cadre des priorités, des objectifs et des principes de la politique de développement et de solidarité internationale de la France énoncés à la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. À plusieurs reprises dans ce projet de loi, il est fait référence à la cohérence et aux collectivités territoriales. Les sénateurs écologistes s’en félicitent. En effet, l’action décentralisée permet la proximité, les liens de société à société, une bonne adéquation et une attention soutenue aux besoins des plus pauvres.
En écrivant lisiblement les contours de cette action solidaire et décentralisée, le texte tend à installer durablement la légitimité de la coopération décentralisée, et ce – il convient de le préciser – indépendamment de l’avenir de la clause de compétence générale.
La nécessité de la cohérence est plusieurs fois évoquée. Qui s’en plaindrait, surtout s’il s’agit de rester dans le cadre des orientations solidaires, éthiques, de développement durable et de vigilance sur les effets climatiques des arbitrages ?
Néanmoins, l’alinéa 12 de l’article 9 du projet de loi requiert notre vigilance, ainsi qu’une précision de la part du Gouvernement.
En effet, il ne saurait être question d’une quelconque subordination aux futurs cadres géographiques ou thématiques de l’État, dont nous ignorons les décisions futures. Tout en restant fidèles aux principes vertueux énoncés dans le projet de loi, les collectivités doivent pouvoir continuer à soutenir librement des projets, même au Tibet quand l’État fait le choix de la Chine, même en faveur de paysans africains cultivant des produits de première nécessité si la France en vient à soutenir des cultures intensives de coton, même au bénéfice du peuple amérindien Sarayacu, alors que les turbines des barrages ravageurs sont construites par nos industriels, financés par l’État.
Cette autonomie à agir doit être affirmée, dans le cadre des préconisations éthiques du projet de loi !
J’ajouterai un dernier point sur l’article 9. Sous une apparence vertueuse et dans la continuité de la possibilité offerte aux communes, établissements publics de coopération intercommunale et syndicats mixtes chargés de la distribution d’électricité, de gaz et d’eau potable de consacrer 1 % de leurs ressources à des actions internationales, la mesure concernant les déchets tend à conforter le risque de brèche dans les principes de démocratie et de transparence. En effet, cet argent, issu des versements des contribuables, ne semble pas conditionné aux principes édictés dans le projet de loi, alors que les subventions des collectivités le seraient.
L’eau est un bien commun. Son accès conditionne le développement et la santé des plus pauvres. Nous ne devons pas conforter la position des multinationales de la marchandisation de l’eau et leur capacité à conquérir des parts de marché avec notre argent, aux dépens des plus pauvres. Un encadrement est nécessaire si nous voulons vraiment qu’il soit question de solidarité.
De la même manière, l’extension au secteur de la collecte et du traitement des déchets semble imprudemment peu encadrée. Avec la rédaction proposée, ne serait-il pas possible de financer une exportation illicite de déchets électroniques dangereux sous couvert de développement, puisque nous créerions des emplois au Sud ? Une étude d’impact a-t-elle été publiée sur ce sujet ?
Coopération et clause de compétence générale, cohérence, mais non subordination, contrôle éthique en matière d’eau et de déchets, voilà trois points, madame la secrétaire d’État, sur lesquels les sénateurs écologistes souhaiteraient quelques éclaircissements.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Comme vous le savez, le Gouvernement a engagé, à la demande du Président de la République, un ambitieux chantier de clarification de l’organisation territoriale de notre République. L’objectif est de rationaliser, de simplifier une organisation devenue difficilement lisible par les Français. C’est une réforme de bon sens ! Le Gouvernement prépare donc un projet de loi sur ce sujet, qui a été transmis pour avis au Conseil d’État à la fin du mois d’avril dernier.
La suppression de la clause de compétence générale fait partie des grandes questions qui seront traitées dans ce cadre. Je ne doute pas que ce sujet suscitera d’intéressants débats à l’occasion de l’examen du futur projet de loi dans les deux assemblées. Sans préjuger des discussions à venir, je peux réaffirmer ici l’attachement du Gouvernement à l’action extérieure des collectivités territoriales.
Le présent projet de loi en témoigne largement. Dans son article 3 bis, il tend à consacrer les collectivités territoriales comme des acteurs à part entière de la politique française de développement et de solidarité internationale. Il vise aussi à dépasser le concept ancien de coopération décentralisée pour reconnaître celui d’action extérieure, une évolution importante, me semble-t-il, et souhaitée. Enfin, les collectivités se voient octroyer de nouveaux moyens, avec cette faculté de consacrer jusqu’à 1 % des revenus tirés de la collecte des ordures ménagères à des actions de coopération internationale.
Vous vous préoccupiez justement, madame Blandin, de la gouvernance de cette mesure. Je tiens à vous dire qu’elle nécessitera la mise en place d’une plateforme d’échange, de suivi et d’évaluation. Enfin, une étude d’impact a bien sûr été réalisée.
Si certaines questions restent en suspens, je crois que nous y reviendrons tout à l’heure.
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par MM. Peyronnet et Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
toute action internationale
insérer les mots :
annuelle ou pluriannuelle
La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur. Comme cela vient d’être rappelé, les collectivités territoriales participent massivement à la coopération et au développement. Le législateur se doit donc de faciliter et sécuriser leurs actions. Or, de plus en plus, celles-ci prennent la forme, non pas d’opérations ponctuelles, finançables d’année en année, mais de plans plus ambitieux, faisant intervenir le concept de pluriannualité budgétaire.
L’objet de cet amendement est précisément de sécuriser, sur un plan comptable, la gestion des collectivités en leur permettant de mettre en œuvre des actions pluriannuelles, ce qui facilitera leurs dispositifs d’aide et les rendra beaucoup plus efficaces, notamment dans les secteurs de l’eau, de la santé et, maintenant, du traitement des déchets.
C’est là, me semble-t-il, une avancée très importante, que les collectivités territoriales apprécieront.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Delebarre, Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1115-1-2. – Les communes, les établissements publics de coopération décentralisée et les syndicats mixtes compétents en matière de service de déchets ménagers et assimilés au sens de l’article L. 2224-13, ou percevant la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères peuvent, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener des actions de coopération avec les collectivités étrangères et leurs groupements, dans le cadre des conventions prévues à l’article L. 1115-1, des actions d’aide d’urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de la collecte et du traitement des déchets. » ;
La parole est à M. Michel Delebarre.
M. Michel Delebarre. Nous proposons ici une nouvelle formulation, permettant d’inclure, au-delà des recettes fiscales, l’ensemble des recettes issues du recyclage des déchets ménagers. C’est, en effet, un élément du travail réalisé au niveau des collectivités.
M. le président. L’amendement n° 91, présenté par MM. Peyronnet et Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
des ménages
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 36 rectifié.
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. L’amendement n° 91 vise à préciser que cet alinéa de l’article a pour objet le traitement des déchets ménagers. Cela va de soi, mais il n’est pas inutile de le préciser !
Quant à l’amendement n° 36 rectifié, il tend à étendre l’assiette du prélèvement volontaire de 1 %. Nous estimons cependant que cette extension crée quelques difficultés. En effet, le régime de la taxe et celui de la redevance ne sont pas exactement identiques. Dans le cas de la perception d’une taxe, il se peut que le budget du service des déchets soit fondu dans le budget général : dans une telle hypothèse, il est extrêmement difficile de connaître précisément les ressources qui lui sont affectées.
C’est pourquoi il nous semblerait plus pertinent de rectifier cet amendement en remplaçant, dans le texte de la commission, les mots « de cette taxe ou redevance » par les mots « des ressources affectées aux budgets de ces services ».
M. le président. Monsieur Delebarre, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le corapporteur ?
M. Michel Delebarre. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 36 rectifié bis, présenté par MM. Delebarre, Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
de cette taxe ou redevance
par les mots :
des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. L’amendement n° 91 tend à s’inscrire dans la lignée de ceux qui ont été déposés par MM. les corapporteurs lors de la réunion de la commission des affaires étrangères et qui visaient à préciser le type des déchets concernés.
L’amendement n° 36 rectifié bis a pour objet de préciser quel budget la collectivité territoriale peut allouer aux opérations de coopération décentralisée dans le domaine de la collecte ou du traitement des déchets.
En ce qui concerne le dispositif particulier du 1 %, le Gouvernement avait constitué une mission afin d’élaborer une étude d’impact, dont les conclusions sont publiques. Il s’agira maintenant de mener une action de sensibilisation des collectivités locales et des contribuables. J’insiste également sur la nécessité d’assurer la transparence des actions menées pour répondre à l’ensemble des préoccupations exprimées par certains d’entre vous.
Il est important de noter également que, dans le contexte actuel d’augmentation des charges, seules les collectivités locales disposant de marges de manœuvre financières pourront s’engager dans ce type de démarche, qui reste purement facultative.
Enfin, la direction générale des collectivités locales a aussi travaillé sur cette question et elle a également émis un avis favorable.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 9, deuxième phrase
Après les mots :
les collectivités territoriales
insérer les mots :
et entre les collectivités territoriales
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Les dispositions de cet amendement très simple et très cohérent ne poseront pas de problème ! Il s’agit en effet de coordonner entre elles les actions de coopération des différentes collectivités territoriales.
Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant : nous avons tous connu des cas multiples et variés de collectivités locales non éloignées l’une de l’autre menant des actions de coopération dans des pays étrangers non éloignés les uns des autres, voire dans des régions d’un même pays, tout en s’ignorant superbement. C’est d’ailleurs une particularité de nos collectivités locales que de faire leur petite cuisine dans leur petit coin sur leur petit feu !
Cet amendement vise donc simplement à permettre de coordonner entre elles les actions des collectivités locales, ce qui me semble une avancée, sans entraîner une grande modification du texte, ni sur le fond ni sur la forme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Monsieur le président, comme nous avons eu l’occasion de faire un peu de peine à Mme Goulet lors de l’examen de précédents amendements, nous allons la consoler !
Les dispositions de cet amendement vont dans le bon sens, car nous avons pu constater ce problème typiquement français : les collectivités locales travaillent dans le désordre, sans s’informer les unes les autres, souvent dans un même pays ou dans un même secteur géographique. Tout ce qui relève d’une obligation de coordination va dans le bon sens.
Lors de l’examen du projet de loi par la commission, nous avons nous-mêmes fait adopter un amendement tendant à créer une obligation de déclaration des actions engagées auprès de la Commission nationale de la coopération décentralisée.
Ainsi, un fichier national sera établi et, lorsqu’une collectivité locale, quelle que soit son importance, aura l’intention d’engager une action de coopération, elle aura immédiatement accès à ce fichier et saura ainsi quelle ville, quel syndicat intercommunal ou quel département travaille avec le pays qui l’intéresse ; son travail sera ainsi facilité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à cette volonté de cohérence et de coordination entre les collectivités.
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.
M. Michel Delebarre. Je comprends le souci exprimé par Mme Goulet, par M. le corapporteur et par le Gouvernement.
Cependant, je tiens à rappeler que nous devons respecter la liberté d’action des collectivités territoriales. Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’une collectivité locale déclare ses actions de coopération, mais cela ne l’oblige aucunement à se conformer à celles qui sont mises en œuvre par une collectivité voisine.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Tout à fait !
M. Michel Delebarre. Tout ce qui est fait dans le cadre de la coopération décentralisée s’inscrit dans le cadre de cette liberté d’action.
Je salue le côté vertueux des interventions des précédents orateurs, mais je ne suis pas convaincu que ces dispositions entraînent une obligation d’action, voire d’inscription sur un fichier. Il me semble d’ailleurs qu’une telle obligation serait contraire à l’esprit de la décentralisation. La défense du rôle des collectivités territoriales fait encore partie du travail du Sénat !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je tiens à rassurer notre collègue : mon amendement ne vise en aucun cas à restreindre la liberté des collectivités locales. Selon le texte de la commission, la Commission nationale de la coopération décentralisée « favorise la coordination entre l’État et les collectivités territoriales ». Si l’amendement que je propose est adopté par le Sénat, elle devra également favoriser la coordination entre des collectivités territoriales entre elles.
Il me semble que l’emploi du verbe « favoriser » éloigne toute perspective de contrainte à l’égard des collectivités locales et, surtout, de leur budget. Il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par M. Delebarre, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Michel Delebarre.
M. Michel Delebarre. La présentation de cet amendement me permet d’illustrer ma précédente réflexion, monsieur le président. En effet, cette disposition aborde de nouveau la question de l’action extérieure des collectivités territoriales françaises.
L’alinéa 12 de l’article 9 a été adopté par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Or il remet en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales, puisqu’il précise que leurs actions d’aide au développement « s’inscrivent dans le cadre des priorités, des objectifs et des principes de la politique de développement et de solidarité internationale de la France énoncés à la présente loi ».
Mes chers collègues, je suis désolé de devoir rappeler que, dans ce contexte, les collectivités territoriales doivent pouvoir bénéficier d’une liberté d’action. Or celle-ci disparaît avec cet alinéa 12, tel que l’a rédigé l’Assemblée nationale. Les collectivités locales vont devoir déclarer que leur volonté de coopération s’inscrit bien dans le cadre défini. Il me semble que l’on s’éloigne ainsi des principes qui inspiraient la coopération décentralisée.
Cette modification a été introduite par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale ; ce n’est pas un principe intangible ! En outre, elle va à l’encontre de la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, qui avait jeté les bases de la coopération décentralisée. Mes chers collègues, nous faisons marche arrière !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Nous ne partageons pas tout à fait les inquiétudes exprimées par M. Delebarre, même si on peut les comprendre, car nous sommes nous-mêmes très attachés à l’indépendance et à la liberté d’action des collectivités locales.
Le champ de ce projet de loi est très large, et le fait de se conformer aux orientations de la politique française ne me semble pas constituer une obligation hors de saison, ni porter atteinte à la liberté d’action des différentes collectivités locales. Je suis assez jacobin à cet égard et je pense qu’il est utile que la politique extérieure de l’ensemble des acteurs soit relativement cohérente ; cela me semble même une nécessité.
La commission vous demande donc de retirer cet amendement, monsieur Delebarre, sans quoi elle émettrait un avis défavorable.
Cela dit, j’éprouve d’autres inquiétudes. Madame la secrétaire d'État, vous avez fait allusion à la disparition de la clause de compétence générale, par exemple pour les départements. Si ceux-ci sont supprimés, la question sera réglée ! Toutefois, supposons que les départements demeurent : si la clause de compétence générale ne leur est plus applicable et si l’on énumère de manière très précise leurs compétences – par exemple, dans le domaine de la culture, en revenant aux dispositions de 1983, leurs compétences se limitaient strictement à la lecture publique –, pourront-ils faire autre chose que de la lecture publique s’ils interviennent dans le domaine de la culture, à Bamako ou ailleurs ?
Pour le coup, la disparition de la clause de compétence générale risque de limiter de manière radicale les possibilités d’action des collectivités locales autres que les communes, celles-ci devant continuer à bénéficier de cette clause.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Le Gouvernement recherche avant tout la cohérence. Loin de lui l’idée de vouloir porter atteinte à la liberté d’administration des collectivités territoriales ! Sur cette question, il s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je m’exprime ici en mon nom personnel. Je soutiens l’amendement de Michel Delebarre, car l’alinéa 12 recèle un véritable danger et surtout une forte ambiguïté.
En revanche, l’alinéa 9, tel qu’il a été modifié par l’amendement de Mme Goulet que j’ai voté, prévoit l’existence d’une instance de coordination. Les collectivités locales ne sont donc pas laissées seules : un organe de coordination existe et il assurera une cohérence d’ensemble.
À partir du moment où la recherche de la cohérence est garantie de manière dynamique et volontaire, je ne vois pas l’intérêt de cet alinéa 12, qui vient brider l’autonomie des collectivités locales et sera source de contentieux.
Je soutiens donc l’amendement de suppression de Michel Delebarre, ma position étant justifiée par le lien établi avec l’alinéa 9, qui crée déjà le cadre d’une cohérence et rend l’alinéa 12 inutile.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Je souhaite indiquer que nous soutenons l’amendement présenté par Michel Delebarre.
J’ai eu à m’occuper – c’est le privilège de l’âge, si j’ose dire – de la coopération internationale pour le compte d’un département, souvent d'ailleurs avec Cités Unies France.
Je sais donc que les échanges d’informations sur les lieux d’intervention entre collectivités locales, quelle que soit leur couleur politique, ont donné parfois lieu à d’amicales pressions du Gouvernement. Par exemple, celui-ci considérait que l’intervention du département de la Seine-Saint-Denis au Mozambique venait contredire la politique de non-intervention de la France. Or j’ai entendu que Nicole Bricq s’était rendue récemment au Mozambique, lorsqu’elle était encore ministre du commerce extérieur.
Tant mieux ! Quoi qu’il en soit, notre département était présent là-bas avant le Gouvernement. Et je ne parle pas des coopérations que nous avons développées avec Jenine, Qalqilya et Tulkarem ! À un moment donné, il était compliqué de le faire, mais nous l’avons fait et, maintenant, nous sommes plusieurs collectivités locales à intervenir.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous soutenons la démarche de Michel Delebarre.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Messieurs les corapporteurs, madame la ministre, il faut vraiment que vous nous apportiez des éclaircissements !
Si l’appel à la cohérence de l’alinéa 12 signifie que les collectivités territoriales doivent s’aligner sur le cadre géographique et thématique de l’action de coopération de l’État, je soutiens vraiment l’amendement de Michel Delebarre, car il est hors de question pour elles de s’aligner !
Si l’alinéa 12 signifie que les collectivités doivent respecter les termes de l’article 1er – promouvoir un développement durable, lutter contre la pauvreté, la faim et l’insécurité alimentaire, consolider l’agriculture vivrière, lutter contre le changement climatique et ses effets néfastes pour la biodiversité, promouvoir la paix durable, les droits de l’homme et la diversité culturelle, alors je m’oppose à l’amendement de Michel Delebarre.
Dites-moi quelle est la bonne interprétation ! Subordination des collectivités au futur cadre thématique et géographique de l’État, ou bien alignement sur l’article 1er du projet de loi ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La seconde !
Mme Marie-Christine Blandin. Nous orienterons notre vote en fonction de vos explications.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur.
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Dans notre esprit, il n’y a pas d’ambiguïté : s’agissant des collectivités, il convient de se référer uniquement aux dispositions du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.
M. Michel Delebarre. Si je suis bien le raisonnement de Mme Blandin, moi-même, je ne peux pas être favorable à mon amendement. (Sourires.)
S’il existe une confusion, il convient de proposer une rédaction différente, voire de la déplacer à un autre endroit du projet de loi. Cela s’appelle un amendement rédactionnel ! Alors, messieurs les corapporteurs, nous pourrions tomber d’accord.
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Mais où intégrer cette disposition ?
M. Michel Delebarre. C’est vous, le rapporteur ! (Nouveaux sourires.) Je suggère de l’intégrer juste après le paragraphe relatif aux principes généraux cité par Mme Marie-Christine Blandin.
M. Christian Cambon, corapporteur. Il est compliqué de revenir sur l’article 1er !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Pour répondre aux questions de M. Delebarre et aux exigences des corapporteurs, lesquelles me paraissent fondées, il conviendrait, afin d’éviter toute confusion, d’intégrer à l’alinéa 12 une référence à l’article 1er.
Mme Marie-Christine Blandin. En effet ! On pourrait écrire : « À l’article 1er de la présente loi ».
M. le président. Monsieur Delebarre, acceptez-vous la proposition de M. le président de la commission ?
M. Michel Delebarre. Écrivons : « À l’article 1er de la présente loi ». C’est ma dernière offre ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur.
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Nous pourrions aussi rédiger ainsi l’alinéa 12 : « Les actions d’aide au développement que mettent en œuvre les collectivités territoriales s’inscrivent dans le cadre de l’article 1er de la présente loi. » (M. le président de la commission acquiesce.)
M. Michel Delebarre. Voilà !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin de nous donner le temps nécessaire pour rédiger au mieux cet amendement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi d’un amendement n° 94, présenté par MM. Cambon et Peyronnet, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après le mot :
cadre
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de l'article 1er de la présente loi.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Delebarre, l’amendement n° 34 est-il maintenu ?
M. Michel Delebarre. Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l'amendement n° 94.
M. le président. L’amendement n° 34 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 94.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par M. Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Des campagnes d'information sur la solidarité internationale des territoires sont mises en place conjointement par l'éducation nationale et les collectivités territoriales dans les écoles, collèges et lycées afin de sensibiliser dès le plus jeune âge l'ensemble de la population sur les actions extérieures des collectivités territoriales.
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Cette disposition se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement regrette que cet amendement ne vise que les actions des collectivités territoriales. Il eût été plus satisfaisant que l’ensemble des opérateurs soient mentionnés.
Cela dit, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Titre V
MISE EN ŒUVRE, ÉVALUATION ET RAPPORT
Article 10
I. – La politique de développement et de solidarité internationale fait l’objet d’évaluations régulières sur la base d’une programmation pluriannuelle qui est communiquée aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
II. – Le Gouvernement transmet tous les deux ans aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’au Conseil national du développement et de la solidarité internationale et à la Commission nationale de la coopération décentralisée un rapport faisant la synthèse de la politique de développement et de solidarité internationale conduite par la France dans un cadre bilatéral et multilatéral. Ce rapport présente en particulier la synthèse des évaluations réalisées en application du I, les modalités d’utilisation des différents instruments de la politique de développement et de solidarité internationale, l’équilibre entre les subventions, les autres dons et les prêts, ainsi que les activités de l’Agence française de développement et l’utilisation de son résultat. Il présente également l’activité de l’ensemble des organismes européens et multilatéraux œuvrant en matière de développement et auxquels la France contribue ou dont elle est partie. Ce rapport est débattu publiquement à l’Assemblée nationale et au Sénat.
III. – (Non modifié) Le III de l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998) est abrogé.
IV. – (Non modifié) La présente loi fixe les objectifs et les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale pour une période de cinq ans, à l’issue de laquelle elle sera révisée. La présente loi s’applique jusqu’à la promulgation de la nouvelle loi de programmation.
M. le président. L’amendement n° 92, présenté par MM. Peyronnet et Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer les mots :
la promulgation
par les mots :
l'entrée en vigueur
La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous en revenons à l’article 2, précédemment réservé, au sein du chapitre Ier du titre Ier.
TITRE Ier
ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE DE LA FRANCE (suite)
Chapitre Ier
Objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale (suite)
Article 2 (précédemment réservé)
Le rapport fixant les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale, annexé à la présente loi, est approuvé. Le cas échéant, ces orientations sont actualisées dans les conditions fixées au rapport annexé, après consultation du Conseil national du développement et de la solidarité internationale et des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
RAPPORT FIXANT LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE
TABLE DES MATIÈRES
1.1. Finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France
1.4. Priorités géographiques : des partenariats différenciés
2. Cohérence, efficacité et transparence de la politique de développement
2.1. La cohérence des politiques sectorielles de la France s’inscrit dans un cadre européen
2.2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale
2.3. Transparence et redevabilité de la politique de développement et de solidarité internationale
3.2. Les interactions avec les acteurs non étatiques
4. Le financement du développement
4.1. Instruments publics de financement du développement
4.2. Le renforcement des ressources domestiques
4.2 bis. Financements privés en faveur du développement
4.3. Les financements innovants
Annexe 1 : Liste des sigles et des abréviations
Annexe 2 : Matrice des indicateurs de résultats
Préambule
Un contexte mondial en profonde mutation qui impose un renouvellement des enjeux du développement
Ces deux dernières décennies ont été marquées par des progrès majeurs en matière de développement. Des centaines de millions de femmes et d’hommes ont ainsi pu sortir de la pauvreté en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Une partie du monde en développement est aujourd’hui en émergence ou au seuil de l’être. Pour autant, deux défis considérables se posent aujourd’hui. D’une part, d’importants progrès restent à faire dans de nombreux pays, car ce mouvement positif est loin d’être homogène. La sécurité alimentaire et nutritionnelle d’un milliard d’êtres humains n’est toujours pas assurée. Les enfants en sont les premières victimes (165 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de retards de croissance). Certains États continuent de dépendre largement de l’aide internationale pour leur financement. Les inégalités entre pays et entre individus au sein de chaque pays se sont accrues. D’autre part, et dans le même temps, l’émergence de certains pays en développement bouleverse les équilibres économiques et politiques internationaux et entraîne une pression sur l’environnement, les ressources naturelles disponibles et le climat, chaque jour plus forte.
La politique de développement de la France a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses trois composantes économique, sociale et environnementale. Elle s’inscrit ainsi pleinement dans la fusion des agendas du développement (Objectifs du millénaire pour le développement – OMD) et du développement durable (Objectifs du développement durable – ODD), dont les futurs objectifs seront définis en 2015 par les Nations unies. L’élimination de la pauvreté et la garantie à tous d’une vie décente ne pourront être atteintes sans un renforcement de la gouvernance mondiale, ainsi qu’une transition vers des modèles de développement, de consommation et de production plus durables. Dans un monde en forte croissance démographique, aux ressources naturelles limitées et engagé dans un effort pour maintenir le réchauffement climatique sous le seuil des 2 °, il s’agit de favoriser l’épanouissement d’une société inclusive, fondée sur les droits humains, un cadre de vie décent et durable pour chacun. C’est ainsi que la mondialisation pourra contribuer au progrès de nos sociétés et à la sauvegarde d’un écosystème planétaire viable.
La politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes. Sa vocation première, lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l’humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l’extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau, est réaffirmée.
Les instruments
L’aide française est mise en œuvre à travers divers instruments (dons, prêts, annulations de dette…) qu’il faut tous mobiliser de façon adaptée aux besoins de nos partenaires. Tel est l’objectif des partenariats différenciés qui s’inscrivent dans la recherche de nouveaux équilibres géographiques et sectoriels.
Ainsi, dans les pays les plus pauvres, l’aide publique au développement (APD) doit contribuer au financement de politiques publiques essentielles, notamment dans les secteurs sociaux. Elle joue également un rôle de catalyseur des autres sources de financement, là où le potentiel de mobilisation des ressources fiscales et le recours aux marchés financiers demeurent encore limités et insuffisants, dans le financement des infrastructures et l’appui au développement du secteur privé notamment.
À l’inverse, dans les pays émergents, la dépendance à l’APD est faible. La valeur ajoutée de l’intervention de la France repose sur l’expertise, la capacité à agir en faveur de la préservation des biens publics mondiaux et la recherche de solutions partagées à des défis communs.
L’APD, qui représente 0,2 % du revenu mondial, ne peut à elle seule répondre aux défis du développement ; l’enjeu que représente la mobilisation d’autres ressources que l’aide est donc essentiel.
Dans cette perspective, la France souhaite continuer à favoriser l’accroissement des ressources fiscales des pays en développement, par le biais d’un soutien renforcé aux administrations fiscales, ainsi que l’investissement privé, local et international.
La France promeut également la mise en place de financements innovants en s’appuyant principalement sur des activités liées à la mondialisation, à l’instar de la taxe sur les transactions financières qu’elle a introduite à titre national et dont elle a affecté une partie des recettes au développement. Ces financements innovants ont un caractère additionnel aux ressources traditionnelles. La France plaide auprès des États membres de l’Union européenne pour qu’une part significative du produit de la future taxe européenne soit consacrée à la solidarité internationale.
L’interconnexion croissante des enjeux nationaux et internationaux conduit désormais à rechercher des réponses globales, en s’assurant qu’elles soient respectueuses du développement de tous les pays du monde. Dans une perspective universelle, la France entend favoriser l’émergence de politiques publiques globales, notamment par son action dans les enceintes internationales (organisations des Nations unies, institutions de Bretton Woods, G8 et G20) et par sa participation à de nombreux fonds verticaux. Sa politique de développement et de solidarité internationale s’inscrit aussi dans une dynamique européenne, nécessaire à la mise en cohérence de ses actions à titre national avec celles menées par l’Union européenne, premier pourvoyeur d’APD dans le monde.
La méthode
La politique française de développement implique tous les acteurs du développement dans leur diversité : administrations et opérateurs publics, fondations, collectivités territoriales, entreprises, y compris celles de l’économie sociale et solidaire, associations, syndicats, organisations non gouvernementales et établissements d’enseignement supérieur, de recherche et de formation. Le Gouvernement fait désormais du soutien, de la consultation et de la coordination avec ces acteurs issus de la société civile une priorité de sa politique de développement et de solidarité internationale. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), espace de dialogue politique et instance de mise en cohérence des actions de développement, a été créé à cette fin.
L’optimisation de l’impact des interventions de la politique de développement et la valorisation des ressources publiques utilisées sont essentielles, tant pour les pays bénéficiaires que pour les contribuables français. La politique de développement vise en conséquence à l’efficacité la plus grande, grâce à l’utilisation souple des instruments disponibles, à la prise en compte de la performance des projets soutenus et à l’évaluation indépendante de leurs résultats et de leur impact.
La France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité. Conformément aux conclusions du forum de haut niveau de Busan de 2011 sur l’efficacité de l’aide, qui visent à l’établissement d’un standard commun, elle améliore le nombre et la qualité des informations sur son aide publiées sur les sites gouvernementaux. Elle lance également des projets pilotes destinés à publier en temps réel les informations sur les projets qu’elle finance, à l’instar de celles qu’elle a commencé de publier sur ses activités au Mali.
La transparence de l’aide passe également par une meilleure redevabilité. Depuis 2013, la France produit annuellement des indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale. Les documents qui permettent d’informer les parlementaires (en particulier le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement ») et la société civile sont revus dans le même esprit. Les résultats des évaluations menées par les principales structures pilotant l’aide au développement de la France, ainsi que la mise en œuvre de la stratégie présentée dans le présent rapport, sont également rendus plus accessibles et plus lisibles.
La transparence de l’aide passe également par une meilleure traçabilité et par la mise en place de dispositifs destinés à lutter contre la corruption. Ainsi, la France veille à ce que ces aides ne soient pas utilisées par les récipiendaires à des fins contraires aux objectifs de paix, de démocratie et de droits de l’homme. Elle s’efforce également de prévenir les risques de détournement, de corruption, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
De nombreuses autres politiques publiques ont des effets importants sur les pays en développement. L’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale dépend donc fortement de l’articulation entre cette politique et l’ensemble des politiques nationales et européennes (commerce, agriculture, santé, migrations, fiscalité, recherche et enseignement supérieur, éducation, lutte contre le changement climatique, sécurité, outre-mer…). Cette cohérence doit donc être systématiquement recherchée.
Afin de donner toute l’efficacité à la politique de la France, il est important que la société française et les acteurs publics et privés du développement et de la solidarité internationale expriment et portent une vision globale et explicite de leurs interventions. De ce point de vue, il est nécessaire de formaliser une continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement, basée sur des actions de réduction et de prévention des risques liés aux crises, sur des mesures de renforcement de la résilience des populations et des territoires, sur le dialogue entre l’ensemble des acteurs et sur la mise en place d’outils flexibles et adaptés.
Sur la base du présent rapport, le Gouvernement publie une charte de la politique de développement et de la solidarité internationale.
1. Objectifs et priorités de la politique de développement et de solidarité internationale de la France
1.1. Finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France
La France met en œuvre une politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, tout en participant à l’effort international de lutte contre la pauvreté extrême et de réduction des inégalités.
Pour tenir compte du niveau de développement de chacun de ses partenaires et des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, la France fait le choix d’une politique de développement et de solidarité internationale reposant sur des partenariats différenciés.
Cette politique se décline dans quatre grands domaines simultanément :
– Promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l’homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes : la liberté et la protection des individus comme le développement économique et social à long terme des pays partenaires ne peuvent être assurés que dans une démarche fondée sur la reconnaissance de droits et le renforcement de l’État de droit. La France y attache une importance particulière ;
– Équité, justice sociale et développement humain : les Objectifs du millénaire pour le développement ont contribué à mobiliser la communauté internationale en faveur d’un accès universel à un socle de services sociaux essentiels : alimentation, éducation, santé, eau potable, assainissement, habitat décent. Des progrès importants ont été réalisés, principalement alimentés par la croissance économique des pays eux-mêmes, mais également grâce à l’appui de la communauté internationale. Mais il reste à trouver les voies et moyens de généraliser et de rendre pérennes ces acquis car les défis restent nombreux. La France rappelle l’importance de l’éducation et de la formation tout au long de la vie dans le processus de développement et l’aspect central du bien-être et des droits des individus ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant parmi les objectifs de développement ;
– Développement économique durable et riche en emplois : la France place le développement économique des pays du Sud au cœur de sa politique de développement et de solidarité internationale. Elle considère que l’amélioration des infrastructures, dans les secteurs de l’eau, de l’énergie ou des transports notamment, le renforcement de l’intégration régionale et le développement du secteur privé, en particulier des petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries (PME-PMI) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), des entreprises de l’économie sociale et solidaire (associations et coopératives notamment), de l’économie circulaire, ainsi que d’un secteur financier performant et inclusif pour tous sont des outils essentiels. Une croissance verte et solidaire reste, particulièrement dans les pays en développement, un moteur essentiel du progrès social. L’enjeu est de promouvoir une croissance de qualité, créatrice d’emplois, fondée sur un juste équilibre entre capital physique, humain et naturel et qui ne se traduise pas par un dumping social ou écologique. La politique de développement doit ainsi favoriser une convergence des normes économiques, sociales et environnementales qui contribue à améliorer les conditions de vie des populations des pays en développement et qui préserve le tissu économique et social des pays bénéficiant déjà de normes sociales et environnementales de bon niveau ;
– Préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux : limiter à 2 ° l’augmentation des températures mondiales afin d’éviter de graves dérèglements climatiques, lutter contre l’érosion de la biodiversité et la désertification, veiller à la protection des milieux naturels et des écosystèmes terrestres et marins, améliorer la protection contre les risques sanitaires et environnementaux, prévenir l’émergence et la propagation des maladies contagieuses et améliorer la stabilité financière mondiale constituent aujourd’hui des enjeux collectifs majeurs. Ces biens publics mondiaux ne sont aujourd’hui correctement pris en charge ni par les marchés, ni par les États parce que les investissements que nécessite leur préservation ne profitent pas exclusivement à ceux qui les ont consentis et ne génèrent pas nécessairement de bénéfice marchand. Ils appellent donc de la part de la communauté internationale des solutions de gouvernance et de financement innovantes.
1.2. Priorités transversales
La promotion de l’autonomisation des femmes et l’intégration systématique des problématiques de genre dans les actions menées par les acteurs de l’aide et les pays partenaires ainsi que la lutte contre le changement climatique sont des priorités transversales de la politique d’aide au développement de la France.
– Les femmes sont des actrices essentielles du développement. Les inégalités de genre et le non-respect du droit des femmes sont une composante structurante de la pauvreté. Les femmes font face à des difficultés spécifiques et à des discriminations de genre, dans tous les domaines.
Pour mettre les droits des femmes au cœur de la politique de développement, le Gouvernement a adopté, lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet 2013, une nouvelle stratégie « genre et développement » pour la période 2013-2017. Cette stratégie prévoit une prise en compte systématique d’un objectif transversal « genre » dans les procédures d’élaboration, de suivi et d’évaluation des projets : cette approche passera, en particulier dans les pays pauvres, par une révision de tous les instruments du développement ainsi que par le renforcement des capacités des agents et le soutien à la recherche. Cette stratégie prévoit que d’ici à 2017, 50 % des projets de développement français aient comme objectif principal ou significatif l’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle sera mise en œuvre par l’ensemble des ministères traitant de politique de développement et tous les opérateurs, et évaluée annuellement par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans les enceintes européennes et internationales, la France s’efforce de promouvoir le droit des femmes, la lutte contre les violences qui leur sont faites, l’accès universel à la planification familiale et aux droits sexuels et reproductifs, l’autonomisation des femmes, l’égalité professionnelle, l’accès des femmes à l’éducation, à la formation ainsi qu’aux responsabilités économiques, politiques et sociales.
La politique de développement et de solidarité internationale prend en compte la situation particulière des jeunes filles et leur vulnérabilité, en intégrant dans la définition et la mise en œuvre des actions leurs besoins et leurs droits, notamment en matière d’éducation, de formation professionnelle, de lutte contre les violences et de santé, y compris sexuelle.
– La lutte contre le changement climatique et le développement économique et social sont intrinsèquement liés : l’accélération du changement climatique entravera durablement le développement. L’adoption par les pays en développement, notamment les pays émergents, de modes de développement sobres en énergie fossile est devenue un enjeu majeur à la fois pour la lutte contre le changement climatique au niveau mondial et pour le développement durable de chacun d’entre eux. En parallèle, il apparaît crucial d’accompagner les pays les plus pauvres et les plus fragiles pour qu’ils puissent adapter leurs modes de vie et leurs économies aux effets inéluctables et déjà présents de ce changement climatique. En effet, ce sont les populations les plus pauvres qui sont les plus directement dépendantes de l’exploitation des ressources naturelles et donc les plus exposées aux évolutions que le changement climatique induit sur ces ressources. Ainsi, à travers son cadre d’intervention transversal Climat-Développement, l’Agence française de développement (AFD) vise à ce que, chaque année, 50 % de ses financements dans les pays tiers comportent des co-bénéfices « climat » dans l’ensemble des secteurs pertinents, y compris l’énergie. Enfin, la préparation de la conférence des parties de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 2015 sera une priorité pour la France.
1.3. Secteurs d’intervention
Prenant en considération, dans une perspective de durabilité et de développement mutuellement bénéfique, d’une part, les besoins de ses pays partenaires et, d’autre part, les objectifs de sa politique de développement, la France définit dix secteurs d’intervention. Ces derniers doivent prendre en compte, dans leurs objectifs, principes et indicateurs, les deux priorités transversales de l’APD de la France : les droits des femmes et les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la lutte contre le changement climatique.
– Santé et protection sociale
La France réaffirme l’importance qu’elle accorde au droit fondamental à la santé. Elle consacre une part significative de son effort dans le domaine du développement et de la solidarité internationale à l’amélioration des conditions de santé et de protection sociale dans les pays en développement. Plusieurs facteurs justifient cet investissement : l’accélération de la mondialisation a renforcé les risques de diffusion des grandes pandémies ; la résilience des sociétés aux chocs sanitaires est une condition de leur capacité à se développer ; c’est un secteur dans lequel la France dispose de compétences reconnues. Cette coopération doit cependant s’adapter à la double transition démographique (vieillissement) et épidémiologique (progression des maladies non transmissibles) qui affecte les pays en développement. Par ailleurs, certaines maladies tropicales touchant les populations des pays les plus pauvres sont négligées dans l’effort de recherche et développement de l’industrie pharmaceutique du fait de l’absence de marchés solvables. La santé, en tant que bien public mondial, appelle dès lors une mobilisation mondiale et coordonnée de l’ensemble des acteurs du développement international.
La France réitère son engagement à combattre les trois grandes pandémies, notamment grâce au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à lutter contre les maladies négligées et la sous-nutrition, à améliorer la santé des mères et des enfants et à promouvoir la couverture sanitaire universelle.
L’accès de tous à la protection sociale commence par le soutien au développement des socles nationaux de protection sociale. À cet égard, le soutien et la promotion de la recommandation n° 202 du 14 juin 2012 de la Conférence générale de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) contribueront à concrétiser le caractère universel de la couverture sociale (santé, vieillesse, invalidité, prestations familiales...).
Dans les domaines du renforcement des systèmes de santé et de protection sociale, son action se concentrera sur les trois grands enjeux suivants :
– l’amélioration de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale et infantile, ainsi que les politiques de population dans les pays prioritaires d’Afrique subsaharienne ;
– l’adaptation des systèmes de santé et de protection sociale à l’accroissement des maladies chroniques et des problèmes de santé découlant de l’élévation des niveaux de vie et du vieillissement ;
– le renforcement de la surveillance épidémiologique et de la capacité des pays à agir sur les déterminants environnementaux et sociaux de la santé.
– Agriculture, sécurité alimentaire et nutritionnelle
La lutte contre la sous-nutrition est une des priorités de la politique de développement et de solidarité internationale. La France promeut une agriculture familiale, productrice de richesses et d’emplois, soutenant la production vivrière et respectueuse des écosystèmes et de la biodiversité. Elle soutient des initiatives permettant à l’agriculture de jouer pleinement son rôle : adoption de politiques agricoles cohérentes, renforcement de l’intégration régionale, structuration des marchés agricoles, développement de filières, accès des petits producteurs aux certifications environnementales volontaires disponibles sur le marché international, appui aux organisations paysannes ainsi que le renforcement de l’autonomie des paysans, la recherche de l’accès équitable à l’eau, la transition des agricultures familiales vers une intensification agro-écologique, la sécurisation de l’accès au foncier, notamment pour les femmes et les petits producteurs, la lutte contre les accaparements de terres et de ressources et la lutte contre la dégradation et la pollution des terres. En matière de pêche, la France agit pour renforcer l’aide à la gestion durable des pêcheries des pays en développement et à la protection des milieux et ressources marines, notamment par la mise en place de réserves halieutiques et d’aires marines protégées. Elle cherche à développer une évaluation européenne systématique et publique de la mise en œuvre et des effets des volets sociaux et environnementaux des accords de pêche.
L’aide bilatérale a pour finalité d’améliorer durablement la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages ruraux et urbains, principalement en Afrique subsaharienne, par un soutien aux exploitations agricoles familiales, aux filières, en particulier vivrières et d’élevage, et aux politiques agricoles, alimentaires et nutritionnelles, en intégrant les enjeux de développement durable et de souveraineté alimentaire. À ce titre, les interventions contribueront :
- à l’amélioration de la gouvernance sectorielle de la sécurité alimentaire, tant en ce qui concerne les politiques agricoles, rurales que nutritionnelles ;
- au développement économique et social des territoires ruraux et à la conservation de leur capital naturel ;
- à une croissance soutenue, riche en emplois, durable et inclusive des filières agricoles.
En cohérence avec ces orientations, l’AFD ne finance pas la recherche, l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. Elle ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de forêts primaires, l’accaparement des terres incompatible avec un développement local équitable ou la privation des ressources naturelles des populations autochtones.
– Éducation et formation
L’éducation, notamment des filles, est un droit humain fondamental au cœur des processus de développement. Une éducation et une formation de qualité sont des facteurs puissants de transformation sociale et contribuent à la réduction des inégalités sociales et territoriales, à un développement économique durable, à l’épanouissement des personnes, à l’exercice de la citoyenneté et à la promotion de la démocratie et de l’État de droit. L’éducation est aussi un outil de sensibilisation, de prévention et de formation aux droits humains, aux enjeux de développement durable et aux enjeux transversaux et sociétaux tels que la santé, l’environnement, ou la lutte contre toutes les formes de discriminations.
Une des caractéristiques des pays bénéficiaires de la politique de développement est la jeunesse de leur population. Encore plus pour ces pays, les jeunes représentent l’avenir et doivent pouvoir bénéficier d’investissements forts à tous les niveaux pour permettre leur inclusion sociale, économique et politique. C’est pourquoi la France fait de l’éducation et de la formation accessibles à tous sans aucune discrimination une des priorités de sa politique de développement et de solidarité internationale. Dans ce cadre, un effort particulier dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue dans les pays concernés aura un effet de levier sur la création d’emplois, mais aussi sur la capacité de ces pays à s’adapter au contexte de mondialisation des échanges et de multiplication des crises économiques, sanitaires et climatiques.
La politique française d’aide au développement et de solidarité internationale doit aider à la mise en œuvre de politiques d’éducation et de formation efficaces, à même de garantir l’acquisition des connaissances et la maîtrise des compétences nécessaires au développement autonome des populations et à leur pleine insertion économique, sociale et citoyenne, dans la société. À ce titre, l’accès et le maintien des filles à l’école représentent un facteur fondamental de développement. Cette politique doit aussi contribuer aux objectifs de l’Éducation pour tous, en priorisant le soutien à l’éducation de base incluant les premiers niveaux du secondaire, l’importance du continuum éducatif de la petite enfance à la formation tout au long de la vie, le rôle primordial des équipes pédagogiques dans la dispense d’une éducation de qualité, notamment pour les populations marginalisées ou vulnérables. La France contribue également à ces objectifs à travers sa politique d’accueil et de formation d’étudiants étrangers sur son territoire. La politique de promotion et de soutien de la langue française est également un vecteur de la politique de développement.
– Secteur privé et responsabilité sociétale
Le secteur privé contribue à la création de richesses, d’emplois, de revenus, de services et de biens. La politique de développement et de solidarité internationale encourage l’action des entreprises, en particulier les PME-PMI et les entreprises de taille intermédiaire. Le développement des PME, l’accroissement des flux d’investissement et le renforcement des cadres réglementaires nécessaires, tant pour encourager que pour encadrer le développement de l’entreprenariat privé, représentent autant d’enjeux majeurs. La politique de développement et de solidarité internationale favorise les conditions d’une croissance riche en emplois, inclusive et durable.
Le Point de contact national pour la mise en œuvre des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (PCN) a élaboré des recommandations pour une conduite responsable dans la filière textile-habillement. Le PCN est chargé de la promotion de ces recommandations et pourra être saisi des conditions de mise en œuvre des principes directeurs dans tout autre secteur d’activité pertinent. Dimension transversale de l’action du Gouvernement, la responsabilité sociétale est pleinement intégrée dans la politique de développement et de solidarité internationale qui met en œuvre des actions permettant d’accompagner les pays partenaires et les acteurs publics et privés pour une meilleure prise en compte de cette exigence.
Le Gouvernement mandate la plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises pour mener la réflexion sur des mesures visant à une meilleure responsabilisation des entreprises multinationales et des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs situés dans les pays en développement.
Celle-ci étudiera également la possibilité de renforcer le devoir de vigilance incombant aux entreprises dans le cadre de leurs activités, de celles de leurs filiales et de leurs sous-traitants afin de prévenir les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux qui peuvent en résulter.
La France s’efforce également de promouvoir cette démarche auprès de l’ensemble des partenaires du développement dans les enceintes internationales ou européennes. Elle soutient le renforcement des exigences sociétales dans les processus de passation des marchés publics, dans le cadre des réformes en cours au sein des institutions financières multilatérales et dans un cadre bilatéral.
Pour répondre à l’objectif transversal d’égalité entre les femmes et les hommes de l’aide publique au développement, la France soutient l’entrepreneuriat féminin et l’accès des femmes aux responsabilités économiques et sociales.
La France soutient l’essor et la promotion des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), acteurs devenus incontournables de la politique de développement. Les coopératives, mutuelles, associations, fondations et entreprises sociales, qui sont les principaux acteurs de l’ESS, placent l’individu au cœur du développement et apportent, le plus souvent, des réponses au plus près des besoins locaux, appuyant l’émergence d’une solidarité citoyenne. Afin de prolonger cette dynamique, la France encouragera l’émergence d’entreprises coopératives transnationales. Ceci peut s’exprimer particulièrement dans un objectif de développement de filières communes entre les acteurs économiques du Nord et du Sud.
La France soutient également le développement de l’économie circulaire, s’inscrivant dans le cadre du développement durable, qui concrétise l’objectif de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie afin de passer progressivement à un modèle de création de valeur, positive sur un plan social, économique et environnemental. L’économie circulaire privilégie un modèle centré sur l’utilisation locale des ressources disponibles et les circuits courts partout où cela est possible.
La France promeut également les libertés syndicales et l’amélioration du dialogue social. Elle reconnaît que les syndicats constituent des acteurs du développement.
– Développement des territoires
Le développement urbain et le développement rural sont décisifs pour l’avenir de la planète. Ils ne peuvent être traités indépendamment l’un de l’autre compte tenu de leur interconnexion croissante. Particulièrement engagée en faveur du développement des territoires, la France s’est notamment vue confier par le programme des Nations unies pour les établissements humaines (ONU-Habitat) un rôle de chef de file pour la mise en œuvre des « lignes directrices internationales sur la décentralisation et l’accès aux services de base pour tous » (eau, assainissement, traitement des déchets, énergie, transports, communications, école primaire, santé et sécurité publique) approuvées par le Conseil d’administration d’ONU-Habitat en 2007 et en 2009. Elle est aussi chef de file européen pour l’élaboration de lignes directrices internationales sur la planification urbaine et territoriale.
Les villes sont aujourd’hui au cœur des enjeux du réchauffement climatique et de la surexploitation des ressources naturelles. Mais des solutions d’ordre institutionnel et technique peuvent aujourd’hui être apportées afin de faire face au défi environnemental. L’approche française du développement urbain durable privilégie ainsi quatre grands objectifs :
- faire des collectivités locales le catalyseur de la démocratie de proximité et de la concertation entre tous les acteurs du développement local ;
- participer au renforcement des capacités des collectivités territoriales ;
- les améliorer conditions de vie et la productivité urbaine ;
- contribuer à un aménagement des territoires urbains qui préserve l’environnement et les autres biens publics mondiaux, notamment par l’investissement dans des infrastructures urbaines durables qui intègrent les enjeux d’adaptation aux changements climatiques, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, des impacts environnementaux à long terme et une meilleure gestion des ressources.
En écho à la stratégie dans le domaine de la sécurité alimentaire, l’approche du développement rural favorisera les trois axes stratégiques suivants :
- accompagner des politiques agricoles nationales et régionales concertées ;
- investir pour une agriculture, moteur de croissance inclusive et durable ;
- soutenir l’intégration des territoires ruraux dans les échanges économiques nationaux, régionaux et internationaux.
Environnement et énergie
Une complète prise en compte des questions environnementales dans la politique de développement est une condition nécessaire à la pérennisation des projets de lutte contre la pauvreté. La France contribue activement aux négociations internationales dans le cadre de diverses conventions des Nations unies telles que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée à New York, le 9 mai 1992, la convention sur la diversité biologique, adoptée à Nairobi, le 22 mai 1992, la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, adoptée à Paris, le 17 juin 1994, ainsi qu’au sein des différents accords multilatéraux sur l’environnement. Elle concourt à leur mise en œuvre à travers, notamment, sa participation au Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et son outil de coopération bilatérale en matière d’environnement, le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). L’AFD contribue également au financement de la protection de l’environnement dans les pays tiers, conformément aux engagements pris dans ses documents stratégiques pertinents, en particulier dans son cadre d’intervention transversal Climat-Développement, son cadre d’intervention transversal Biodiversité et son cadre d’intervention sectoriel Sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne.
S’agissant de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, deux axes prioritaires ont été définis pour la coopération bilatérale : accroître les surfaces et améliorer la gestion des territoires ayant statut d’aires protégées terrestres et marines et intégrer la protection et la restauration de la biodiversité dans l’ensemble des politiques sectorielles susceptibles d’avoir un impact sur son avenir.
La politique de développement et de solidarité internationale de la France dans le secteur de l’énergie s’inscrit dans le cadre de stratégies globales de lutte contre la pauvreté, de promotion de la croissance verte et de protection des biens publics mondiaux. Elle est étroitement liée à son action dans le domaine de la lutte contre le changement climatique et s’articule aujourd’hui autour de trois grands objectifs : améliorer l’accès à des services énergétiques performants ; développer les énergies renouvelables ; améliorer l’efficacité énergétique, conformément aux objectifs de l’initiative « Énergie durable pour tous » (SE4ALL) du Secrétaire général des Nations unies.
Trois axes prioritaires et un appui transversal aux politiques énergétiques durables et aux acteurs du secteur ont été définis :
- prioriser les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ;
- réduire la fracture énergétique et développer l’accès en zones rurales et suburbaines ;
- sécuriser et renforcer les systèmes énergétiques ;
- renforcer les politiques énergétiques durables et les capacités des acteurs.
La France a pour objectif de réduire progressivement les concours apportés dans le cadre de sa politique de développement et de solidarité internationale aux énergies fossiles et de porter cette position dans l’ensemble des banques multilatérales de développement. Dans cette perspective, elle publiera d’ici deux ans une stratégie fondée sur une évaluation de l’impact environnemental et économique. D’ores et déjà, l’AFD ne finance pas de projets de centrales à charbon, à l’exception des centrales incluant un dispositif opérationnel de captage et de stockage de dioxyde de carbone.
Eau et assainissement
L’accès à l’eau et à l’assainissement soulève des défis d’ordre sanitaire et environnemental mais aussi en matière de réduction de la pauvreté ou d’égalité entre les femmes et les hommes. L’OMD visant à réduire de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à l’eau potable devrait être atteint d’ici à 2015 mais environ 800 millions de personnes ne bénéficient toujours pas d’un accès à l’eau potable satisfaisant. Et la situation est encore plus préoccupante pour l’assainissement où cette composante de l’OMD ne sera certainement pas atteinte. De plus, les pressions quantitatives et qualitatives sur la ressource en eau augmentent avec la croissance démographique, l’évolution des régimes alimentaires et la croissance urbaine. Les changements climatiques devraient renforcer ces tensions en entraînant une répartition encore plus inégale de la ressource. Dans quinze ans, un tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des régions en situation de stress hydrique.
Dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, trois priorités sont retenues :
- appuyer la définition de cadres sectoriels nationaux clairs et efficaces ;
- gérer la ressource en eau de manière durable ;
- soutenir des services d’eau et d’assainissement performants et durables.
Gouvernance et lutte contre la corruption
Les mouvements démocratiques au sud de la Méditerranée et les évolutions politiques en Afrique ont illustré récemment l’interdépendance entre gouvernance et développement. La France a mis l’accent sur ce lien, lors de sa présidence du G8 en 2011, en promouvant un pilier relatif à la gouvernance dans le partenariat de Deauville et en mentionnant les droits de l’homme et la gouvernance démocratique dans la déclaration conjointe G8/Afrique.
Par ailleurs, la transparence comptable, le respect des règles fiscales et la lutte contre l’évasion fiscale constituent des éléments indispensables pour promouvoir une contribution effective des entreprises et des États au développement des populations.
Pour avancer dans ce domaine, il est indispensable de renforcer les capacités administratives des partenaires et d’accorder l’attention nécessaire à l’accroissement de la qualité des ressources humaines des administrations nationales. C’est ainsi qu’il sera possible d’accompagner le développement des infrastructures et des cadres législatifs et réglementaires, ainsi que leur mise en œuvre, et de favoriser la présence des investisseurs.
S’agissant de la gouvernance financière, deux engagements ont été pris dans le cadre du G8 et du G20 :
- la promotion de la transparence dans les industries extractives, illustrée notamment par l’adhésion de la France à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) ;
- l’appui à la mobilisation des ressources domestiques pour le financement du développement, concrétisé par la poursuite de l’appui de la France au renforcement des capacités des administrations fiscales, grâce en particulier à l’initiative de l’Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE) « inspecteurs des impôts sans frontières » pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales internationales dans les pays en développement.
La lutte contre la corruption est également un élément essentiel à la mise en place d’États légitimes et efficaces pour assurer un développement durable. La France, signataire dans ce domaine de plusieurs conventions internationales, poursuit cet objectif.
La France s’engage à promouvoir la signature et la ratification des instruments juridiques internationaux de lutte contre la corruption auprès de ses partenaires.
Mobilité, migration et développement
La politique de développement et la politique migratoire doivent être en cohérence. La France reconnaît le rôle des migrations dans le développement des pays partenaires, les migrants étant des acteurs à part entière du développement en y contribuant par leurs apports financiers, techniques et culturels.
L’articulation entre politique migratoire et politique de développement s’inscrit dans l’approche globale des migrations adoptée par le Conseil européen, en 2005, et mise en œuvre depuis lors par l’Union européenne, concernant, notamment, l’immigration légale, la lutte contre l’immigration irrégulière et la promotion de la contribution des migrants au développement de leur pays d’origine.
Sur ce dernier volet, la France appuie le renforcement du potentiel de solidarité et d’investissement des migrants ainsi que l’accroissement des capacités des pays partenaires à intégrer la migration dans leurs stratégies de développement. Cette approche a vocation à s’appliquer à tous les pays concernés.
– Commerce et intégration régionale
L’insertion progressive des pays en développement dans le commerce mondial constitue pour la France une priorité. Dans cette perspective, elle promeut la conclusion d’accords commerciaux bilatéraux fondés sur le juste échange et visant une meilleure insertion dans le commerce régional et international, des politiques d’aide au commerce et de facilitation des échanges, un soutien aux efforts de l’Union européenne en faveur du multilatéralisme via l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une meilleure prise en compte des spécificités des pays les moins avancés (PMA) et des efforts attendus de la part des grandes économies émergentes dans le cadre du cycle de Doha. Compte tenu de l’importance d’une différenciation entre pays en développement, la France œuvre au renforcement du système de préférences généralisées en ciblant les pays qui en ont le plus besoin.
En la matière, la France a pris plusieurs engagements internationaux :
– Au sommet du G20 de Séoul des 11 et 12 novembre 2010, il a été décidé de progresser vers l’accès au marché sans droits de douane ni quota pour les PMA et de maintenir, au-delà de 2011, les niveaux d’aide au commerce qui tiennent compte de la moyenne des années 2006 à 2008 ;
– Respecter les engagements financiers dans le domaine de l’aide au commerce. Accords de partenariat économique (APE) : au-delà de l’accès au marché accordé aux pays en développement dans le cadre du système des préférences généralisées de l’Union européenne, la France reste attachée à faire des APE un instrument au service du développement. Elle favorise une meilleure prise en compte des préoccupations de ses partenaires africains dans la négociation des APE régionaux afin que ces accords portent leurs fruits en termes d’intégration régionale et de développement.
1.4. Priorités géographiques : des partenariats différenciés
Le monde en développement connaît des disparités croissantes avec l’émergence de nouvelles puissances économiques et politiques, le dynamisme d’un grand nombre de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine et la persistance d’États en situation de crise ou de vulnérabilité. Afin de faire le meilleur usage des ressources qu’elle consacre au développement et à la solidarité internationale, la France doit tirer les conséquences de cette hétérogénéité en adaptant ses objectifs et ses modalités d’interventions aux enjeux propres à chaque catégorie de pays. C’est pour répondre à cet objectif et tenir compte des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, que la France met en œuvre des partenariats différenciés avec quatre catégories de pays. Dans ce cadre, la France définira, conjointement avec chacun de ses partenaires, trois secteurs de concentration prioritaire parmi les dix évoqués ci-dessus.
Les pays pauvres prioritaires
La France concentre son effort de solidarité en subventions et dons sur un nombre limité de pays pauvres prioritaires dont la liste a été établie par le CICID, le 31 juillet 2013(1). Dans ces pays, la France mobilise ses instruments bilatéraux et multilatéraux au bénéfice de l’ensemble des objectifs de sa politique de développement, notamment : les OMD, le développement économique, la gouvernance démocratique, l’État de droit et la préservation du capital environnemental. La France consacre une attention particulière aux pays du Sahel qui nécessitent une approche globale et coordonnée de la part de l’ensemble des bailleurs de fonds. Pour atteindre ces objectifs, au moins la moitié des subventions de l’État seront concentrées dans les pays pauvres prioritaires. De son côté, l’AFD concentrera sur ces pays les deux tiers des subventions qu’elle verse.
L’Afrique et la Méditerranée
L’État concentrera au moins 85 % de son effort financier en faveur du développement en Afrique subsaharienne et dans les pays voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
– Les pays d’Afrique subsaharienne demeurent la priorité de la France. Cette région reste la dernière région du monde où la question du sous-développement se pose à l’échelle du continent. Elle rassemble la plupart des pays les plus mal classés au regard de l’indicateur du développement humain. Dans le même temps, l’économie de la plupart des pays du continent a fortement progressé. L’Afrique subsaharienne enregistre ainsi sur les dix dernières années un taux de croissance économique moyen largement supérieur à celui des pays de l’OCDE. L’analyse de moyen-long terme, au-delà des phénomènes conjoncturels, semble confirmer qu’un processus vertueux de croissance est enclenché dans un grand nombre de pays pauvres : accélération de la croissance économique, supérieure à la croissance démographique et autorisant une augmentation du revenu par habitant ; amélioration sensible de la stabilité macro-économique (baisse de l’endettement extérieur, décélération de l’inflation, réduction des déficits budgétaires et externes) ; forte réduction du taux de conflictualité et enracinement des processus démocratiques. Le partage de la langue française avec la majorité des pays d’Afrique subsaharienne est un atout que la France valorise dans le cadre de son action en faveur du développement de la région. La France interviendra dans tous les secteurs opportuns et mobilisera toute la gamme des instruments dont elle dispose – dons, aides budgétaires, prêts bonifiés ou non, souverains et non-souverains, prises de participations, garanties et autres financements innovants – pour répondre de manière adaptée aux besoins de ces pays.
– Les pays du voisinage Sud et Est de la Méditerranée : cette région représente un enjeu essentiel, tant pour l’Europe que pour la France. Elle est confrontée à des défis sociaux et économiques importants : les Nations unies prévoient, d’ici vingt ans, 60 millions de jeunes supplémentaires à employer et donc à former, 75 millions de nouveaux urbains à accueillir, dans un environnement fragile et aux portes de l’Europe ; les bouleversements politiques en cours appellent un accompagnement et un effort accru en faveur du renforcement de la gouvernance ; la préservation de l’environnement, et en particulier de la mer Méditerranée, doit être assurée. La création d’un espace de stabilité politique et de prospérité économique, ainsi que la gestion concertée, entre les deux rives de la Méditerranée, de tous ces défis sont donc nécessaires. La politique de développement de la France visera à renforcer les tissus productifs locaux et le capital humain, à promouvoir la création d’emplois et l’aménagement du territoire, dans une perspective de durabilité, de développement mutuellement bénéfique et de co-localisation. La plupart de ces partenaires étant des pays à revenus intermédiaires, les concours financiers de l’État seront prioritairement des prêts, complétés par des actions en matière de formation comme de coopération culturelle, scientifique et technique. Conformément à la volonté marquée par le Président de la République de développer une « Méditerranée des projets », les interventions s’inscriront dans une logique euro-méditerranéenne, notamment en faveur de l’intégration régionale, et mobiliseront toutes les initiatives pertinentes : politique de voisinage de l’Union européenne, Union pour la Méditerranée, dialogue 5+5 et partenariat de Deauville.
Les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité
S’ils ne font pas partie des pays pauvres prioritaires, ces pays bénéficient d’une attention particulière. La prévention sera privilégiée à chaque fois que possible et, en cas de crise ouverte, une attention particulière sera apportée à la coordination de notre action : entre civils et militaires, entre acteurs publics et non gouvernementaux, entre la phase humanitaire et celle de retour au développement.
Les interventions de la France dans ce groupe de pays répondront prioritairement à leurs besoins en matière de développement humain, économique et d’approfondissement de l’État de droit et s’articuleront avec le rôle majeur de l’Union européenne dans la réponse aux crises et dans le soutien aux efforts des pays et des organisations régionales pour maintenir la paix. Des instruments souples, principalement des subventions, seront utilisés.
Le reste du monde
Dans le reste du monde, notamment l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes, qui comptent majoritairement des pays à revenus intermédiaires à croissance rapide ou émergents, il s’agira d’aller au-delà du concept de l’aide qui n’est plus adapté à leur situation : la France aura pour objectif de rechercher des solutions partagées à des défis communs et d’associer ces pays à la coopération internationale en appui aux pays les plus pauvres. La France y interviendra pour promouvoir une « croissance verte et solidaire », en y favorisant, notamment, des partenariats économiques.
Le partenariat avec les « très grands émergents », qui mobilisera les acteurs français dans leur diversité, est essentiel pour renforcer le dialogue et préparer ensemble les négociations internationales sur les enjeux partagés. Il se fera sans coût financier pour l’État (hors expertise technique).
Les actions en matière de gouvernance démocratique, droits de l’homme, protection de l’enfance, égalité entre les femmes et les hommes et assistance technique seront, quant à elles, possibles dans l’ensemble des pays d’intervention.
Dans un monde en mouvement, où la situation de chaque pays évolue rapidement, le secrétariat du CICID réexaminera chaque année les partenariats différenciés.
1.5. Pilotage de la politique de développement et de solidarité internationale
En cohérence avec les principes généraux affirmés dans la présente loi, les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale peuvent être actualisées, en tant que de besoin et après consultation du Conseil national du développement et de la solidarité internationale et des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, par le CICID qui rassemble, sous la présidence du Premier ministre, l’ensemble des ministres concernés. Dans les six mois suivant le Sommet de l’ONU prévu en septembre 2015, le CICID actualise ces orientations pour tenir compte des objectifs qui succèderont aux objectifs du millénaire pour le développement.
Le ministère des affaires étrangères, le ministère de l’économie et des finances, l’AFD, ainsi que les autres ministères et opérateurs de l’État susceptibles de mettre en place des actions de développement et de solidarité internationale veillent constamment à ce que les actions qu’ils mènent dans leurs champs de compétences respectifs soient cohérentes avec les autres actions menées par l’État. Le CICID fixe le cadre général des interventions de l’État et l’articulation entre les différentes politiques et les différents acteurs. À cette fin, il se réunit annuellement.
L’affectation des moyens de l’aide est encadrée par les partenariats différenciés. Au sein de chaque catégorie de partenariats, la répartition des ressources et le choix des modalités d’intervention selon les pays sont effectués en prenant en compte les besoins mais également les capacités des pays. Le CICID a, par ailleurs, décidé de lancer une étude sur la faisabilité d’un dispositif d’allocation de l’aide qui permette de mieux tenir compte des efforts des pays partenaires en matière de performance économique et de gouvernance.
La mesure de la qualité des interventions et l’appréciation de leurs résultats est une exigence démocratique, tant en France, à l’égard du Parlement et de la société civile, que vis-à-vis des populations et des autorités des pays bénéficiaires. Cette analyse des résultats est également indispensable pour améliorer la pertinence et l’efficacité des opérations, responsabiliser les acteurs chargés de leur mise en œuvre et permettre d’apprendre des expériences passées.
Les services d’évaluation de l’aide aujourd’hui placés auprès de la direction générale de la mondialisation du ministère des affaires étrangères, de la direction générale du Trésor du ministère de l’économie et des finances et de l’Agence française de développement seront regroupés dans un organisme unique, indépendant de ces acteurs et ayant accès à l’ensemble des informations lui permettant d’exercer sa mission. Rattaché au Premier ministre, cet observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale permettra à la fois une mutualisation et une rationalisation des moyens et une évaluation neutre des programmes menés par la France. Ses travaux doivent également, à terme, permettre de mieux définir ex ante la pertinence de ces programmes. Cet observatoire transmet son programme pluriannuel de travail aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le rapport mentionné à l’article 10 de la présente loi inclut une synthèse des évaluations qu’il réalise.
En outre, en conformité avec les engagements de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement du 2 mars 2005, la France a renforcé depuis 2008 les évaluations conjointes avec ses partenaires européens et internationaux.
Parmi les éléments contribuant aux évaluations menées au niveau national et international et dans un souci de transparence et de pédagogie, des indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale, dont ceux présentés dans l’annexe 2 du présent rapport, permettent de mieux suivre les résultats obtenus. Les résultats de ces indicateurs sont complétés annuellement et publiés dans le rapport bisannuel transmis par le Gouvernement au Parlement. La pertinence des indicateurs est régulièrement évaluée par le Conseil national du développement et de la solidarité internationale et la Commission nationale de la coopération décentralisée qui peuvent proposer de les modifier. Les indicateurs mentionnés dans la stratégie « genre et développement » contribuent également à l’évaluation de la politique de développement et de solidarité internationale.
Les résultats des principales organisations multilatérales, auxquelles la France contribue, font également l’objet de rapports réguliers au regard de leur impact sur les secteurs jugés prioritaires par la France.
Le Gouvernement transmet tous les deux ans au Parlement un rapport sur la politique de développement et de solidarité internationale ; il est également transmis au Conseil national du développement et de la solidarité internationale et à la Commission nationale de la coopération décentralisée. Il vise à apprécier de manière globale la politique menée par la France en la matière. Pour cela, il comprend en particulier : la synthèse des évaluations réalisées au cours des deux années précédentes ; les résultats des indicateurs mentionnés précédemment ; les modalités d’utilisation des différents instruments de la politique de développement et de solidarité internationale, notamment l’équilibre entre les subventions, les autres dons et les prêts ; les activités de l’Agence française de développement et l’utilisation de son résultat ; l’activité de l’ensemble des organismes européens et multilatéraux œuvrant en matière de développement et auxquels la France contribue ou dont elle est partie. Ce rapport évalue également la cohérence entre la politique de développement et de solidarité internationale et les autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement.
Le CNDSI a vocation à devenir un espace de dialogue entre les représentants d’organisations non gouvernementales (ONG), du secteur privé, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des organisations représentatives d’employeurs et de salariés, des collectivités territoriales et des parlementaires sur les objectifs et les grands enjeux relatifs à la cohérence des politiques publiques en matière de développement. En lien avec les différentes instances de concertation existantes, le CNDSI examinera les enjeux et les orientations de la politique française de développement et les questions relatives à sa mise en œuvre, s’agissant de la cohérence, de la transparence et de la redevabilité.
2. Cohérence, efficacité et transparence de la politique de développement
2.1. La cohérence des politiques sectorielles de la France s’inscrit dans un cadre européen
Le principe de cohérence doit sous-tendre la mise en œuvre de la politique de développement. L’ensemble des politiques publiques pouvant affecter les pays partenaires, leur élaboration et leur mise en œuvre tiennent compte de la politique de développement.
Au-delà de la politique de développement, de nombreuses autres politiques publiques ont un impact important sur les pays en développement. L’efficacité de la politique française de développement et de solidarité internationale dépend donc fortement de la cohérence de l’ensemble de ces politiques nationales. Ainsi, la recherche active de synergies, quelle qu’en soit la complexité, et la résolution des conflits d’objectifs est promue.
La France veille également à cette cohérence des politiques publiques dans l’élaboration des politiques européennes auxquelles elle contribue.
Le « consensus européen pour le développement » identifie douze politiques sectorielles dont les États membres s’engagent à renforcer la cohérence avec les objectifs de développement et qui couvrent de facto les principaux enjeux de cohérence(2). En novembre 2009, le Conseil de l’Union européenne a choisi de se concentrer en priorité sur cinq de ces douze politiques : commerce et finance, changement climatique, sécurité alimentaire, migrations et sécurité. L’Union européenne a également mis en œuvre un nouvel outil : le Programme de travail pour la cohérence des politiques pour le développement 2010-2013. Adopté en 2010, il présente les initiatives stratégiques permettant d’améliorer la cohérence des politiques pour le développement.
La France a défini, en 2010, six priorités en matière de cohérence des politiques qui s’inscrivent dans le cadre du « consensus européen pour le développement » : commerce, immigration, investissements étrangers, sécurité alimentaire, protection sociale, changement climatique, qu’elle réaffirme en 2013. Cette recherche de cohérence porte aussi sur les autres politiques ayant un impact sur le développement : recherche et enseignement supérieur, éducation, santé, environnement, sécurité et outre-mer.
À titre d’exemple, dans le domaine du commerce, la France œuvre à la cohérence entre politique commerciale et de développement à travers le renforcement du système de préférences généralisées (SPG) en faveur des pays qui en ont le plus besoin. La France promeut également la cohérence entre politique commerciale et politique de développement dans le cadre des accords bilatéraux européens que la Commission européenne négocie avec les pays tiers (accords de partenariat économique notamment).
Concernant la sécurité alimentaire, la France accorde la priorité à l’amélioration des capacités de production et du fonctionnement des marchés de matières premières agricoles. Elle s’efforce d’accroître la capacité des pays partenaires à satisfaire les normes sanitaires qui conditionnent l’accès aux marchés européens et internationaux de produits agricoles. La France choisit d’appuyer les politiques agricoles au Nord comme au Sud afin de fournir un cadre favorable permettant à l’agriculture de jouer pleinement ses fonctions économique, sociale et environnementale.
Dans le domaine des politiques sociales, la France continue à promouvoir les normes fondamentales du travail et du dialogue social ainsi que l’emploi décent et les socles de protection sociale. Elle lutte contre le travail illégal des enfants conformément à la convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants de l’Organisation internationale du travail. Elle s’efforce également de promouvoir au niveau européen des standards élevés en matière de responsabilité sociétale des acteurs publics et privés.
En matière d’environnement et de changement climatique, la France s’attache à ce que les pays industrialisés, en particulier de l’Union européenne, respectent leurs engagements en termes de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Elle veille à ce que les politiques de développement intègrent pleinement le changement climatique, en favorisant les projets qui contribuent, au-delà de leur objectif principal, à la lutte contre le changement climatique tant en ce qui concerne l’atténuation que l’adaptation (notion de « co-bénéfices »).
La politique de développement et de solidarité internationale inclut également le renforcement des capacités dans le domaine de la sécurité, par exemple la lutte contre les trafics ou la réforme du secteur de la sécurité, tant un environnement instable ne permet pas à un État d’exercer ses missions. Les activités des réseaux terroristes et criminels – trafiquants de drogue, d’êtres humains, braconniers et trafiquants d’espèces menacées qui alimentent les circuits de corruption ainsi que les exploitants illégaux de ressources naturelles – constituent une menace pour la paix et la sécurité en Afrique et dans le monde. Elles sont un risque de premier plan pour la souveraineté et la stabilité politique, économique et sociale de nombreux pays partenaires. Il convient donc d’appuyer les pays partenaires dans les domaines concourant à l’établissement de conditions de sécurité favorables au plein exercice de l’État de droit. La France continuera donc à contribuer au maintien de la paix et à la prévention des conflits, comme elle le fait à titre bilatéral au Mali, mais aussi par les canaux européens et multilatéraux. Elle s’attache à favoriser la prise en compte des enjeux liés aux États fragiles et aux méthodes spécifiques qui s’y rattachent dans les enceintes internationales.
2.2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale
Depuis la conférence de Monterrey sur le financement du développement en 2002, la France est activement engagée dans le renforcement de l’efficacité de l’aide. Elle a largement contribué à la définition de principes en la matière lors des forums de haut niveau sur l’efficacité de l’aide de Rome en 2003, Paris en 2005 et Accra en 2008 où elle a soutenu des engagements en faveur de la division du travail, du renforcement des politiques publiques et de la prise en compte de la diversité des situations des pays partenaires, notamment pour les États fragiles.
Dans le cadre de la préparation du quatrième forum de Busan en 2011, elle a plaidé en faveur de l’ouverture de ce processus aux nouveaux donateurs, du rôle de l’aide comme catalyseur du développement, de la prise en compte de son impact et de la réduction de la dispersion de l’aide.
La politique française de développement et de solidarité internationale met ainsi en application les principes suivants :
– l’alignement sur les priorités et procédures des pays partenaires, afin de maximiser l’appropriation des interventions par les bénéficiaires et la subsidiarité par rapport à la mobilisation des ressources et capacités propres des partenaires ;
– la coordination et la division du travail entre bailleurs de fonds, pouvant aller, au niveau européen, jusqu’à la programmation conjointe et la délégation réciproque du suivi de la mise en œuvre d’actions de développement ;
– une gestion axée sur l’impact sur le développement des pays partenaires reposant, notamment, sur l’utilisation d’indicateurs de résultats attendus, puis obtenus ;
– un effort accru sur la capacité à rendre compte, à l’ensemble des parties intéressées, des objectifs et des résultats des actions financées.
2.3. Transparence et redevabilité de la politique de développement et de solidarité internationale
La transparence de l’aide est aujourd’hui une priorité de la politique française de développement. Elle répond à un triple objectif :
– une aide transparente permet aux contribuables, aux parlementaires et plus largement à l’opinion publique d’apprécier la bonne utilisation de l’argent public ;
– elle permet aux pays bénéficiaires de planifier l’apport de ressources extérieures et de construire des budgets plus fiables et cohérents et est une condition essentielle de l’appropriation de l’aide par ces pays ;
– elle permet d’avoir une vision exhaustive des projets dans un pays et de favoriser la coordination et la division du travail entre bailleurs.
Dans les procédures de passation des marchés pour les projets qu’il finance, le groupe AFD inclut une clause prévoyant que les entreprises impliquées respectent les dispositions qui leur sont applicables en matière de publication d’informations favorisant la transparence.
La France a accompli des efforts importants en termes de transparence ces dernières années :
– au niveau international, la France participe activement à l’ensemble des exercices de redevabilité mutuelle : elle est notamment pleinement engagée dans les rapports sur la redevabilité du G8 et rappelle systématiquement l’intérêt des rapports du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) sur l’action des pays africains qui en constitue l’indispensable contrepartie. Lors de sa présidence du G8, la France a été la première à promouvoir un rapport sur la redevabilité conjoint entre les membres du G8 et les partenaires africains.
– par ailleurs, la France a accru et amélioré ses exercices de redevabilité. En 2012 a été publié le premier rapport bisannuel au Parlement sur la mise en œuvre du document cadre « coopération au développement : une vision française » (2010-2011) ; en outre, la programmation budgétaire pluriannuelle donne une plus grande prévisibilité de l’évolution des crédits d’APD à moyen terme.
En complément du rapport bisannuel, les documents budgétaires et en particulier le document de politique transversale seront améliorés afin de répondre aux attentes du Parlement.
En matière de transparence des données, le partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement prévoit la mise en œuvre d’un standard commun pour la publication d’informations détaillées et prévisionnelles sur les ressources apportées par la politique de développement. La France plaide à cet égard pour la convergence des normes du Comité d’aide au développement de l’OCDE et de l’initiative internationale pour la transparence de l’aide (IITA) et s’investit dans l’élaboration du standard commun qui en résultera. En outre, la politique « d’open data » de la France donne lieu à la mise en ligne d’informations statistiques sur l’aide au développement, renforcée par la création en juin 2013 d’un site pilote dédié à la transparence de l’aide au Mali. La France s’efforcera de publier les informations requises par le standard IITA dans les pays pauvres prioritaires dès 2014.
En matière de transparence dans le domaine des industries extractives, le Gouvernement a pris la décision en 2013 d’engager le processus formel d’adhésion à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), conformément à l’annonce du Président de la République lors du sommet du G8 de Lough Erne. L’objectif est d’adhérer à l’occasion de la prochaine conférence internationale de l’ITIE et d’engager la transposition par la France des dispositions des directives comptables concernant certaines obligations pour les entreprises extractives européennes en matière de publication, pays par pays et projet par projet, des montants tirés de l’exploitation des ressources extractives et versés à des États. Dans le cadre de la transposition de ces directives, la France veille à ce que les informations publiées concernent l’ensemble des filiales, qu’elles soient situées ou non dans les pays d’exploitation des ressources, y compris celles localisées dans les paradis fiscaux. La France soutient également activement les initiatives des banques multilatérales de développement en matière d’accompagnement juridique des pays africains dans la négociation des contrats.
Plus largement, la France soutient un reporting pays par pays de la part des grandes sociétés et groupes.
L’éducation au développement
L’éducation au développement et à la solidarité internationale constitue un volet important pour la France en termes de transparence et de cohérence des politiques. Elle vise à faire progresser le niveau de connaissance et d’appropriation par les citoyens des actions conduites, mais aussi à promouvoir la solidarité. En effet, la mobilisation de l’opinion publique est nécessaire pour produire de nouvelles dynamiques favorables au développement. Pour cela, il est essentiel que les citoyens puissent davantage s’informer sur les enjeux du développement ainsi que sur les choix stratégiques et les résultats de l’action publique en faveur du développement. Dans cette perspective, les actions de sensibilisation menées par le Gouvernement sont nombreuses, en particulier auprès de la jeunesse. Ainsi, les établissements scolaires mènent des projets d’éducation au développement et à la solidarité internationale visant à faire comprendre les grands déséquilibres mondiaux et à encourager la réflexion sur les moyens d’y remédier. L’éducation au développement et à la solidarité internationale peut s’effectuer dès le plus jeune âge et dans toutes les disciplines. Elle s’inscrit dans les dispositifs pédagogiques existants avec le concours des collectivités territoriales, d’intervenants extérieurs qualifiés, d’associations de solidarité internationale et d’acteurs de l’éducation populaire. Sa place doit être renforcée dans les programmes scolaires et dans la formation des maîtres.
3. Les leviers d’action de la politique de développement et de solidarité internationale de la France
L’ampleur des enjeux du développement, la multiplicité des objectifs et des partenaires, mais aussi la contrainte qui pèse sur nos ressources, imposent une rigueur particulière dans la définition et l’utilisation des outils de la politique de développement et de solidarité internationale.
3.1. L’intervention de l’État
L’aide publique au développement nette de la France est majoritairement bilatérale (65 % en 2011).
L’AFD est le principal canal par lequel transite l’aide programmable bilatérale inscrite dans plusieurs programmes budgétaires. Elle finance ses actions aussi bien par des subventions (aide-projet, aide budgétaire, contrats de désendettement et de développement) que des prêts concessionnels ou non concessionnels, des prises de participations et des garanties. D’autres instruments bilatéraux ciblés existent, tels que le FFEM dédié au financement de projets innovants dans le domaine environnemental.
La France est engagée dans un important effort de désendettement, essentiellement en faveur des pays les moins avancés, par le biais de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Ces traitements de la dette sont négociés au sein du Club de Paris, groupe informel de créanciers publics dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement des États endettés. Ils contribuent à rétablir la soutenabilité de la dette des pays en développement ou à leur permettre de faire face à des crises de liquidité extérieure temporaires.
Le ministère des affaires étrangères gère en propre les crédits du fonds de solidarité prioritaire en matière de gouvernance et l’aide directe aux populations les plus fragiles, notamment l’aide alimentaire et le fonds d’urgence humanitaire. Il est responsable des interventions en faveur de la francophonie et de la politique d’influence de la France, notamment en matière culturelle. Des ministères à compétences sectorielles (éducation nationale, intérieur, agriculture, écologie, santé, travail, etc.) gèrent certains programmes dans le domaine du développement.
La France propose aussi une aide en matière de coopération technique et d’expertise. En effet, les pays en développement, et en particulier nos partenaires émergents, sont fortement demandeurs d’une expertise technique de haut niveau. En ce qui concerne l’assistance technique, le Gouvernement a créé en 2013 un fonds d’expertise technique et d’échange d’expériences (FEXTE), logé à l’AFD et dédié à la promotion des savoir-faire français chez nos partenaires. La France pourra ainsi promouvoir son expertise et son influence.
L’enseignement supérieur et la recherche apportent une contribution éminente à notre dispositif d’aide au développement. Si la France dispose d’atouts indéniables dans le domaine de la recherche pour le développement, avec des institutions scientifiques dédiées, telles que l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), ou moins spécifiques, telles que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou les universités, l’offre française de recherche au service du développement doit toutefois être rendue plus accessible pour les partenaires du Sud. Il convient d’en renforcer la visibilité et la cohérence entre acteurs. Dans cette perspective, le CICID du 31 juillet 2013 a décidé d’élaborer, avec l’aide de l’ensemble des acteurs français de la recherche, une charte sur la recherche au service du développement qui débouchera sur des recommandations opérationnelles s’appuyant, notamment, sur le travail de coordination des alliances thématiques.
La contribution française à la politique européenne de développement
La France est le deuxième contributeur au Fonds européen de développement (FED) qui reste hors du budget européen. Elle participe par sa contribution au budget communautaire, au financement des autres instruments européens en faveur du développement, notamment l’instrument de financement de la coopération au développement (ICD), l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH) et l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).
La France recherche, par ailleurs, un effet de levier avec l’Union européenne. Dans le cadre du « programme pour le changement », elle favorise la convergence entre ses priorités géographiques et sectorielles et les orientations de politique européenne de développement et des politiques nationales des autres États membres. Elle soutient la programmation conjointe entre l’Union européenne et les États membres et contribuera aux efforts accrus qui seront encore nécessaires pour synchroniser les cycles des différents bailleurs avec ceux des pays partenaires.
Une aide importante aux institutions multilatérales
Hors Union européenne, l’aide multilatérale représente près de 20 % de l’APD nette française en 2011. Elle est répartie entre quatre blocs d’organisations internationales de développement :
– Le groupe de la Banque mondiale, dont la part dans l’aide multilatérale a fluctué durant les dix dernières années (entre 11 % et 19 %). La grande majorité de nos financements directs concernent l’Association internationale de développement (AID).
– La France appuie également l’action des Nations unies en faveur du développement sous la forme de contributions à des fonds et programmes (autour de 5 %) dont les financements proviennent exclusivement de contributions volontaires. Un effort important de concentration de ces contributions volontaires a été accompli et sera poursuivi. La France privilégie les thématiques de l’aide humanitaire, de l’aide économique et sociale et de la gouvernance puisqu’elle contribue au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA).
En matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, la France soutient l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et son Comité de la sécurité alimentaire mondiale, le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM).
La France soutient également, sur une base volontaire (accords de coopération pluriannuels France-BIT associant le ministère chargé du travail et le ministère des affaires étrangères au Bureau international du travail), les programmes de coopération technique de l’OIT, notamment pour l’appui à la mise en œuvre du travail décent dans les pays en développement (soutien au respect et à la mise en œuvre des normes internationales du travail ainsi qu’aux administrations du travail chargées de leur mise en œuvre ; appui au développement de la protection sociale et à la mise en œuvre de socles nationaux de protection sociale ; appui au développement de programmes en faveur de l’emploi).
– Les banques régionales et fonds verticaux représentent 31 % de l’aide multilatérale, hors aide européenne. Cette catégorie comprend les fonds de développement de la Banque asiatique de développement et de la Banque africaine de développement mais aussi les fonds sectoriels correspondants à certaines priorités : Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, dont la France est le deuxième contributeur, mais aussi le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), le Fonds international de développement agricole (FIDA) ou protocole de Montréal ainsi que le Fonds vert pour le climat.
La France conduit une politique d’influence et de partenariat avec ces instances afin d’assurer une réelle complémentarité entre son action bilatérale et son action multilatérale. Elle agit dans son rôle d’actionnaire, de financeur et de partenaire dans la mise en œuvre de projets conjoints. Il s’agit à la fois de peser sur la définition des priorités et des stratégies des organisations concernées, d’accroître la visibilité et l’impact de notre aide bilatérale et de toucher des secteurs ou des pays difficilement accessibles dans le cadre d’une action isolée. En tant que gouverneur des banques multilatérales de développement, le ministre chargé de l’économie et des finances est particulièrement impliqué dans la mise en œuvre de cette complémentarité.
Afin de renforcer l’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale, la France a pour objectifs une rationalisation du paysage multilatéral, qui est trop éparpillé aujourd’hui, et une meilleure articulation entre l’aide bilatérale et multilatérale. La France élaborera en 2014 une stratégie d’actions pour répondre à ces deux objectifs. Il s’agira de formaliser les enjeux de l’engagement multilatéral de la France en matière de développement : le rôle des organisations internationales partenaires, les attentes à l’égard de ces dernières comme le retour sur investissement attendu de nos échanges seront présentés par grande famille d’institutions (Union européenne, banques multilatérales de développement et institutions financières internationales, système des Nations unies et fonds verticaux). Cette stratégie aura aussi pour objet de renforcer l’effet de levier que peut constituer l’aide multilatérale pour l’aide bilatérale, pour l’expertise française et notre diplomatie économique. Enfin, sur la base d’un panorama exhaustif des institutions et fonds multilatéraux auxquels elle contribue financièrement, la stratégie proposera des objectifs et des modalités de réduction de la fragmentation de l’aide.
La France soutient le principe de la création de fonds de dotations ou de fonds fiduciaires multibailleurs lorsque la situation le justifie. Ces fonds permettent la mise en commun de plusieurs sources de financements et un pilotage resserré de l’aide internationale. Ils sont particulièrement importants et adaptés dans les pays en crise ainsi que dans les pays pauvres prioritaires, où la concentration de l’aide et l’amplification de l’effet de levier sont essentiels à l’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale. De tels fonds peuvent également être pertinents dans d’autres pays où la faiblesse du niveau de l’aide française nécessite qu’elle soit mutualisée avec celle d’autres bailleurs.
La France accordera par ailleurs une attention croissante à l’évaluation des performances des institutions qu’elle finance.
La France continuera à s’investir de manière active dans les enceintes internationales traitant notamment de développement, au premier rang desquelles le G8 et le G20. Ces enceintes à fort effet d’entraînement peuvent en effet permettre de réaliser des progrès que l’ensemble de la communauté internationale peut ensuite reprendre à son compte. Ainsi, au sommet du G8 de Lough Erne (Royaume-Uni) centré sur les « 3T » (Trade, Tax and Transparency), les membres du G8 ont mis l’accent sur la création des conditions du développement, tant en termes de gouvernance que de renforcement des ressources propres des pays, notamment dans le domaine fiscal.
3.2. Les interactions avec les acteurs non étatiques
La France promeut le développement des organisations de la société civile, du Nord comme du Sud.
Les organisations de la société civile du Nord, fortes de leur expérience au plus près des sociétés des pays partenaires, disposent d’une expertise et d’une connaissance particulières des contextes d’intervention. Elles jouent un rôle essentiel en matière de renforcement des capacités et d’accompagnement des sociétés civiles du Sud en appui à leurs efforts pour se structurer. En particulier, les organisations paysannes du Sud doivent être encouragées pour leur rôle dans la professionnalisation des agriculteurs et dans la participation au débat démocratique.
Les organisations de solidarité internationale et les organisations issues des migrations sont reconnues par la présente loi comme des acteurs et des partenaires à part entière de la coopération solidaire. Les organisations de solidarité internationale se définissent comme des organismes à but non lucratif exerçant leur action dans le domaine de la coopération solidaire de société́ à société́, agissant pour la solidarité́ internationale. Les organisations de solidarité internationale favorisent non seulement des projets de coopération adaptés aux besoins des populations pauvres, mais participent aussi d’un échange solidaire aux bénéfices mutuels entre peuples du Nord et du Sud, privilégiant la mise en valeur des compétences locales.
L’État respecte leur indépendance et favorise la coordination de l’action des organisations de solidarité internationale avec sa propre action en matière de coopération bilatérale, communautaire et multilatérale et avec celle des collectivités territoriales. Les organisations de solidarité internationale sont associées à̀ la définition et au suivi de la politique française de développement en lien avec leurs partenaires des États et des collectivités concernées.
La France a mis en place un groupe de travail interministériel, le groupe interministériel pour la sécurité alimentaire (GISA), chargé de proposer des mesures afin de répondre à la dégradation de la situation alimentaire et nutritionnelle des pays pauvres et à ses conséquences politiques, économiques et sociales. Le Comité de la sécurité alimentaire réformé est la plate-forme internationale et intergouvernementale où toutes les parties prenantes œuvrent collectivement et de façon coordonnée à la sécurité alimentaire et à une meilleure nutrition pour tous.
Reconnaissant le rôle important joué par les ONG, le Gouvernement s’est engagé à doubler, d’ici la fin du quinquennat, la part de l’aide française transitant par les ONG. Depuis 2009, l’appui du ministère des affaires étrangères à l’action internationale des ONG françaises a été transféré, à l’exception de l’appui au volontariat, à l’AFD. L’AFD assure désormais l’instruction et le suivi des projets et programmes des ONG françaises en faveur du développement (actions de terrain, programmes pluriannuels, programmes multi-pays, conventions-programmes autour d’axes stratégiques, projets inter-associatifs, programmes concertés pluri-acteurs) et ceux des actions d’éducation au développement, de plaidoyer ou de structuration du milieu associatif, par le biais du soutien aux plates-formes et collectifs d’ONG.
À ce dispositif s’ajoutent des appuis apportés par le ministère des affaires étrangères aux ONG par l’intermédiaire du centre de crise (fonds d’urgence humanitaire), les procédures d’aide alimentaire, les appuis à la gouvernance démocratique ou à des projets associatifs (par le Fonds social de développement). Le dispositif du ministère des affaires étrangères permet chaque année d’appuyer la mobilisation par les acteurs associatifs de près de 2 500 volontaires de solidarité internationale dans plus d’une centaine de pays sur des périodes d’un à deux ans.
L’expertise et l’influence françaises sont aussi promues par les collectivités territoriales.
4 800 collectivités territoriales françaises mènent des actions de développement à l’étranger avec plus de 10 000 collectivités locales partenaires, totalisant près de 12 500 projets dans 141 pays. Le ministère des affaires étrangères appuie aujourd’hui cette politique par le biais d’appels à projets.
Les collectivités territoriales jouent en effet un rôle spécifique, désormais reconnu par la loi, dans le dispositif français d’aide au développement. Opératrices de projets de proximité, en appui des autorités locales partenaires, elles sont porteuses de valeur ajoutée par leur expérience concrète de gestion des services locaux et participent au renforcement des capacités techniques et institutionnelles grâce au partage de connaissances qu’elles opèrent au profit des collectivités territoriales du Sud. Les collectivités territoriales françaises valorisent ainsi une approche territoriale du développement établie en partenariat avec l’ensemble des acteurs qui les animent et au cœur des dynamiques locales, diffusant ainsi une expertise française en matière de gestion des territoires.
Les collectivités ultramarines jouent également, du fait de leur situation géographique et des relations notamment économiques, universitaires ou migratoires qu’elles entretiennent avec leur environnement, un rôle particulier dans la politique de développement et de solidarité internationale qui doit, dans le même temps, prendre en compte l’objectif de meilleure intégration régionale de ces collectivités.
Les collectivités territoriales et l’État partagent, en termes de politique de développement dans le domaine de la gouvernance locale, les mêmes priorités : appui au processus de décentralisation, renforcement des capacités, approche participative de la gouvernance locale. La reconnaissance du rôle clef des collectivités territoriales dans la gouvernance démocratique constitue ainsi l’un des axes forts de la stratégie française de développement. Le CICID du 31 juillet 2013 a appelé les collectivités territoriales à jouer un rôle croissant dans les dynamiques territoriales de développement, dans leur domaine d’expertise, et en tenant compte autant que possible des politiques d’appui à la décentralisation conduites par l’État français.
Le rapport sur l’action extérieure des collectivités territoriales françaises « Nouvelles approches… nouvelles ambitions… » que M. André Laignel a présenté au ministre des affaires étrangères en janvier 2013 présente les nouvelles ambitions et approches de l’action extérieure des collectivités territoriales françaises. Il montre la nécessité de faciliter et de valoriser leur action par un cadre législatif modernisé et des institutions plus efficaces. C’est à la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), créée par la loi n°92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République et qui rassemble à parité des représentants de l’État et des collectivités territoriales, qu’il reviendra de débattre de ces nouvelles missions. La CNCD a, en effet, vocation à devenir un organe plus souple, plus dynamique, dans un esprit de renforcement de l’action des collectivités et de leur rôle international.
Enfin, l’État suit avec attention le renforcement du rôle des réseaux régionaux multi-acteurs (RRMA) dont il reconnaît l’importance. Neuf d’entre eux existent déjà et sont très actifs.
Les entreprises sont des partenaires importants de la politique de développement et de solidarité internationale.
Comme tous les grands bailleurs internationaux, la France s’est engagée dans un processus de déliement de son aide dont les bénéfices sont clairement établis en termes d’impact pour les pays en développement : elle a entièrement délié son aide en faveur des pays les plus pauvres (2001) et des pays pauvres très endettés (2008). Le taux de liaison de l’aide française est aujourd’hui extrêmement bas (1 % en 2011 et 7 % en moyenne depuis 2008).
Pour autant, les entreprises françaises sont présentes par le biais de leurs filiales et de leurs partenaires économiques dans de nombreux pays en développement. L’internationalisation des entreprises françaises peut contribuer au développement économique de la France comme des pays dans lesquels elles sont implantées.
Les entreprises françaises sont en effet porteuses d’un savoir-faire qui garantit aux bénéficiaires un niveau élevé de qualité dans la réalisation des projets, y compris en termes d’impact environnemental et social. Dans l’esprit des décisions du CICID du 31 juillet 2013 relatives aux partenariats avec les « très grands émergents », qui devront mobiliser les acteurs français sans coût financier pour l’État, il s’agira de rechercher un bénéfice mutuel pour les pays concernés comme pour nos entreprises.
Les syndicats contribuent pleinement au développement social des pays en développement.
La liberté syndicale, le respect des conventions de l’OIT et l’amélioration des conditions sociales des travailleurs font partie des objectifs de la politique de développement de la France.
La France reconnaît le rôle majeur joué par les syndicats de travailleurs en la matière. À ce titre, elle promeut le renforcement des capacités des syndicats de travailleurs dans les pays du Sud et encourage les partenariats internationaux entre organisations syndicales.
4. Le financement du développement
En matière de financement du développement, la France s’appuie sur le consensus de Monterrey, adopté par les Nations Unies en 2002, qui fixe l’objectif de consacrer 0,7 % du Revenu National Brut (RNB) à l’aide publique au développement et d’affecter une part de 0,20 % du RNB en faveur des pays les moins avancés (PMA) et qui prend acte de la diversité et de la complémentarité des sources concourant au développement, tout en apportant une attention accrue à la cohérence des politiques de développement et des autres politiques publiques. Elle part du constat que l’intensification des flux financiers à destination des pays en développement et la nouvelle répartition de la richesse mondiale impliquent de repenser les instruments et les moyens de financement du développement.
Dans le cadre de la définition des nouveaux objectifs du développement durable, la France est engagée dans la réflexion au sein du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur la modernisation de la notion d’aide publique au développement.
4.1. Instruments publics de financement du développement
La France considère que le soutien et l’apport de financements publics aux pays en développement demeurent nécessaires et justifiés, notamment lorsque des défaillances de marchés (marchés financiers, marchés du crédit et de l’assurance) et des défaillances des États (incapacité à fournir des services de base, à assurer un environnement politique et économique stable et sain) ne permettent pas de répondre aux défis du développement. Les financements publics visent à mettre en place les conditions d’un développement durable et à stimuler la croissance dans les pays bénéficiaires. C’est la raison pour laquelle, la France reprendra une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux qu’elle s’est fixés dès lors qu’elle renouera avec la croissance. À terme, l’objectif est que les pays bénéficiaires dégagent leurs propres ressources (qu’elles soient publiques ou privés, domestiques ou internationales) et ne soient plus dépendants des financements publics extérieurs.
Les financements publics français sont octroyés sur la base d’analyses approfondies, en cohérence avec l’action de l’ensemble des acteurs du développement et en concertation avec les pays récipiendaires, en tenant compte de leurs besoins et de leur capacité d’absorption. Ces analyses appréhendent de manière globale les enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux, et incluent des études d’impact. Les financements sont mobilisés de façon différenciée (cf. 1.4 pour une présentation des partenariats différenciés) et stratégique, en prenant en considération leur valeur ajoutée selon les contextes et les secteurs afin de maximiser leur impact.
La France apporte un appui financier à ses partenaires en ayant recours à différents instruments, de manière prévisible. Le financement direct par don/subvention demeure l’instrument privilégié dans les pays les plus pauvres. L’aide de la France s’appuie également sur des prêts, essentiellement octroyés par l’AFD, dont le degré de concessionnalité et les conditions diffèrent selon les objectifs poursuivis, les secteurs financés, le niveau de développement et l’analyse de soutenabilité de la dette des pays débiteurs. La France s’est, par ailleurs, engagée à promouvoir au sein du G20 la thématique du « prêt soutenable » qui consiste précisément à tenir compte de la capacité des pays en développement à s’endetter dans la définition des concours financiers qui leur sont octroyés. Ces prêts permettent d’assurer un suivi dans la durée des actions menées en faveur du développement, de mobiliser des montants plus importants, notamment en cofinancement, et de créer des incitations positives pour la sélection de bons projets.
La France octroie également des allègements de dette qui contribuent à libérer des ressources budgétaires additionnelles pour les pays bénéficiaires et représentent un vecteur de développement important. Dans le cadre multilatéral du Club de Paris, la France accorde des allègements de dette au bénéfice des pays éligibles à l’initiative en faveur des PPTE afin de ramener la dette de ces pays à des niveaux soutenables. Par ailleurs, les efforts consentis par la France dans le cadre de l’initiative en faveur des PPTE sont complétés par des annulations bilatérales allant au-delà de l’effort multilatéral. La France s’est, en effet, engagée à annuler, d’une part, l’intégralité de la dette commerciale éligible des pays concernés par l’initiative et, d’autre part, la totalité de ses créances d’aide publique au développement subsistant après l’atteinte du point d’achèvement, sous la forme de contrats de désendettement et de développement (C2D).
La France a également diversifié ses contreparties, en intervenant de plus en plus auprès d’acteurs non souverains dont les collectivités territoriales, les entreprises publiques ou privées et les ONG. Ces financements non souverains prennent la forme de dons, de prêts, mais aussi de garanties et de prises de participations. La société de promotion et de participation pour la coopération économique (PROPARCO) et le Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises d’Afrique (FISEA), filiales de l’AFD, sont spécialement dédiées au soutien du secteur privé, respectivement dans l’ensemble des pays éligibles à l’aide au sens du Comité d’aide au développement de l’OCDE et en Afrique subsaharienne.
4.2. Le renforcement des ressources domestiques
La France aide les pays en développement à mobiliser davantage leurs ressources domestiques en œuvrant à renforcer leur fiscalité et à lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et la corruption. La France soutient la lutte contre l’opacité financière, les flux illicites de capitaux et le détournement des ressources tirées de l’exploitation des ressources extractives.
Dans le domaine fiscal, la France soutient les travaux du forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. La France soutient pleinement le plan d’action sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Elle appuiera les pays en développement pour leur permettre de participer à ces travaux sur un pied d’égalité avec les autres pays. Plus spécifiquement, la France appuie la mise en place de l’échange automatique d’informations en matière fiscale dans le cadre d’un standard international qui vient d’être adopté par le Comité des affaires fiscales de l’OCDE et sera proposé au G20 de Sydney. Elle contribuera à accompagner les pays en développement pour la mise en œuvre de l’échange automatique d’informations. La France coopère pleinement avec les administrations fiscales des pays en développement qui se sont engagés à mettre en œuvre les conventions fiscales de l’OCDE relatives à l’échange de renseignements et échange avec ces administrations les renseignements nécessaires pour l’application des législations fiscales nationales de ces États, y compris en l’absence d’une demande préalable sous la forme d’échange spontané.
Afin de garantir la cohérence de son action, l’AFD est dotée d’une politique rigoureuse et spécifique à l’égard des juridictions non coopératives en matière fiscale (JNC). Le groupe AFD ne peut faire usage de contreparties ou de véhicules financiers immatriculés dans ces territoires dans le cadre des activités de gestion de trésorerie. Le groupe AFD s’interdit de financer des véhicules d’investissements immatriculés dans une JNC n’y ayant aucune activité réelle. Il s’interdit de financer des contreparties immatriculées dans une JNC, à l’exception du financement d’un projet dont la réalisation s’effectue dans cette JNC. Il s’interdit également de financer des projets mettant en jeu des montages artificiels, notamment comprenant des contreparties dont l’actionnariat est contrôlé par une société immatriculée dans une JNC sauf si cette immatriculation est justifiée par un intérêt économique réel.
Une concertation régulière avec la société civile est organisée sur ces questions.
4.2 bis. Financements privés en faveur du développement
Au-delà de ces instruments de financement publics, notre politique d’aide au développement a pris acte des bouleversements intervenus ces dernières années dans le financement du développement et s’adapte en conséquence.
Les financements privés (notamment internationaux) ont considérablement dépassé, en termes de volume, le montant des financements publics. Comme d’autres grands bailleurs internationaux, la France entend jouer un rôle moteur pour aider à renforcer et à canaliser ces flux financiers pour un impact maximal en termes de développement inclusif et durable. Cette action passe, en particulier, par l’aide à la mise en place des incitations économiques, politiques et réglementaires qui permettront de canaliser ces flux en accord avec cet objectif. La France attache une grande importance au rôle de catalyseur des financements publics qu’elle octroie qui permet aux pays bénéficiaires de mobiliser des ressources privées additionnelles, qu’elles soient domestiques ou internationales.
Au-delà de la mobilisation des ressources domestiques publiques, la France promeut l’inclusion financière, le développement des marchés financiers locaux et leur insertion responsable dans les marchés internationaux comme moyens de financer les économies en développement.
Concernant les flux financiers privés, les transferts d’argent des migrants constituent l’une des ressources financières extérieures majeures des pays en développement, d’un niveau souvent supérieur à l’aide publique au développement. Ces flux permettent également de réduire la pauvreté et d’accroître l’inclusion financière des populations (pour la part formelle des envois d’argent). Ils présentent aussi l’avantage d’être globalement stables et pérennes en cas de crise financière ou de catastrophe naturelle. Les coûts de ces envois d’argent demeurent toutefois élevés, en particulier vers l’Afrique subsaharienne, et leur utilisation accrue à des fins d’investissement est un enjeu essentiel. Dans ce contexte, la France s’est engagée, avec ses partenaires du G8 et du G20, à œuvrer à la facilitation de ces transferts et en particulier à la baisse de leurs coûts, ainsi qu’au développement de nouveaux produits financiers, adaptés aux besoins de migrants et permettant une meilleure allocation de leurs envois d’argent vers des dépenses d’investissement dans leurs pays d’origine.
Les investissements directs étrangers (IDE) sont également devenus une source importante de financement extérieur privé pour les pays en voie de développement. Ils peuvent jouer un rôle majeur pour accélérer leur croissance et leur transformation économique. Depuis quelques années, les pays en développement ont entrepris de créer un cadre réglementaire plus propice aux IDE, d’améliorer le traitement accordé aux entreprises étrangères et de fluidifier le fonctionnement des marchés bancaires, financiers, de biens et de services. En plaidant pour l’amélioration du climat d’investissement et pour un meilleur respect des normes sociales et environnementales, ainsi que des meilleures pratiques en matière de lutte contre la corruption ou en finançant des infrastructures, la France soutient l’effort des pays en matière d’attraction des IDE.
Outre la recherche d’un effet catalyseur des financements publics au développement, la France recherche également à maximiser les financements privés à destination des pays en développement en utilisant des mécanismes à effet de levier financier. En effet, une partie des ressources allouées au financement du développement prend la forme d’apports initiaux ou d’instruments financiers (dons, prêts, garanties, fonds propres, financements mixtes, cofinancements, etc.). Ces instruments permettent de lancer un projet, d’en réduire les risques, réels ou perçus, et/ou de le rendre économiquement viable, permettant ainsi de mobiliser des flux privés additionnels. S’appuyer sur des effets de levier financier est particulièrement adapté pour financer des projets de taille conséquente censés générer un retour financier, comme les infrastructures.
Enfin, la France met en œuvre une politique d’appui à la philanthropie privée et d’incitation au don de nature individuelle, entrepreneuriale ou associative. En particulier, le Gouvernement a décidé de renforcer la sécurité juridique du régime d’incitation fiscale permettant la déductibilité des dons aux associations qui concourent au développement, à la protection de l’environnement et à la solidarité internationale et s’efforcera de mieux rendre compte de l’effort budgétaire associé, dans le cadre de sa déclaration sur l’aide publique au développement au CAD de l’OCDE.
4.3. Les financements innovants
Au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, la France contribue à la recherche de nouvelles ressources pour le développement, comme certaines taxes affectées ou les dons des particuliers. Elle promeut surtout les utilisations innovantes des sources de financement pour trouver des réponses à des problèmes de développement.
Dans le domaine de la santé, la taxe de solidarité sur les billets d’avion, initiée en 2005 par la France, permet à la Facilité internationale d’achat de médicaments (UNITAID) d’influencer les marchés des médicaments contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (baisses de prix, qualification de traitements plus adaptés, etc.). Depuis 2006, les engagements français dans le cadre de la Facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm) permettent de financer des programmes de vaccination des enfants et de renforcement des systèmes de santé menés par l’Alliance pour les vaccins et la vaccination (GAVI). Cette démarche n’est pas propre au secteur de la santé et la France soutient la recherche d’autres mécanismes dans d’autres domaines comme le changement climatique, l’agriculture, la sécurité alimentaire ou l’éducation. Ainsi, depuis 2012, la France met en œuvre une taxe sur les transactions financières à titre national, dont une part significative est allouée à des actions de développement, consacrées aux grandes pandémies et à la santé, mais aussi à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique.
(1) [Bénin, Burkina Faso, Burundi, Djibouti, Comores, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Tchad, Togo, Sénégal]
(2) [Le commerce, l’environnement, le changement climatique, la sécurité, l’agriculture, les accords de pêche bilatéraux, les politiques sociales, la migration, la recherche/l’innovation, les technologies de l’information, le transport et l’énergie.]
Annexe 1
Liste des sigles et des abréviations
ADECRI |
Agence pour le développement et la coordination des relations internationales |
ADETEF |
Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières |
AFD |
Agence française de développement |
AFETI |
Agence française d’expertise technique internationale |
AID |
Association internationale de développement |
APD |
Aide publique au développement |
APE |
Accord de partenariat économique |
BIT |
Bureau international du travail |
CAD |
Comité d’aide au développement de l’OCDE |
C2D |
Contrat de désendettement et de développement |
CBD |
Conventions des Nations Unies sur la diversité biologique |
CCNUCC |
Conventions des Nations Unies sur les changements climatiques |
CE |
Commission européenne |
CICID |
Comité interministériel de la coopération internationale et du développement |
CIEP |
Centre international d’études pédagogiques |
CIV |
Délégation pour les relations avec la société civile et les partenariats |
CIRAD |
Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement |
CNCD |
Commission nationale de la coopération décentralisée |
CNDSI |
Conseil national du développement et de la solidarité internationale |
CNRS |
Centre national de la recherche scientifique |
CNULCD |
Conventions des Nations Unies pour la lutte contre la désertification |
COM |
Contrat d’objectifs et de moyens |
CONFEJES |
Conférence des ministres francophones de la jeunesse et des sports |
CONFEMEN |
Conférence des ministres de l’éducation des pays ayant le français en partage |
COS |
Conseil d’orientation stratégique de l’AFD |
CPD |
Cohérence des politiques pour le développement |
DAECT |
Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales |
DGM |
Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats |
DG Trésor |
Direction générale du Trésor |
ESS |
Économie sociale et solidaire |
ETI |
Entreprises de taille intermédiaire |
FAO (OAA) |
Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture |
FED |
Fonds européen de développement |
FEI |
France expertise internationale |
FEM |
Fonds pour l’environnement mondial |
FEXTE |
Fonds d’expertise technique et d’échange d’expériences |
FFEM |
Fonds français pour l’environnement mondial |
FHF |
Fédération hospitalière de France |
FIDA |
Fonds international de développement agricole |
FISEA |
Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises en Afrique |
ESTHER |
Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau |
GAVI |
Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation |
GIP |
Groupement d’intérêt public |
GISA |
Groupe interministériel français sur la sécurité alimentaire |
GRECO |
Conventions civile et pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption |
HCR |
Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés |
HQE |
Haute qualité environnementale |
IITA |
Initiative internationale pour la transparence de l’aide |
IDE |
Investissement direct à l’étranger |
IEDDH |
Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme |
IEVP |
Instrument européen de voisinage et de partenariat |
IFFIm |
Facilité internationale pour la vaccination |
INTER |
Intérêt public international |
IRD |
Institut de recherche pour le développement |
ITIE |
Initiative pour la transparence dans les industries extractives |
LADOM |
Agence de l’Outre-mer pour la mobilité |
MAAF |
Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt |
MAE |
Ministère des affaires étrangères |
MEFI |
Ministère de l’économie et des finances |
MEN |
Ministère de l’éducation nationale |
NEPAD |
Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique |
OCDE |
Organisation pour la coopération et le développement économique |
ODD |
Objectifs de développement durable |
OIF |
Organisation internationale de la francophonie |
OIT |
Organisation internationale du travail |
OMC |
Organisation mondiale du commerce |
OMD |
Objectifs du millénaire pour le développement |
ONG |
Organisation non gouvernementale |
ONU |
Organisation des Nations Unies |
PAM |
Programme alimentaire mondial |
PED |
Pays en développement |
PMA |
Pays les moins avancés |
PNUD |
Programme des Nations Unies pour le développement |
PNUE |
Programme des Nations Unies pour l’environnement |
PPP |
Pays pauvres prioritaires |
PPTE |
Pays pauvres très endettés |
PROPARCO |
Société de promotion et de participation pour la coopération économique |
RRMA |
Réseaux régionaux multi-acteurs |
SMA |
Service militaire adapté |
SPG |
Système de préférences généralisées |
SPSI |
Santé protection sociale internationale |
TTF |
Taxe sur les transactions financières |
UE |
Union européenne |
UNESCO |
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture |
UNICEF |
Fonds des Nations Unies pour l’enfance |
UNITAID |
Facilité internationale d’achat de médicaments |
UNRWA |
Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient |
VSI |
Volontaire de solidarité internationale |
Annexe 2
MATRICE DES INDICATEURS DE RÉSULTATS
Pour répondre à l’objectif transversal d’égalité entre les femmes et les hommes de l’aide publique au développement, les indicateurs énoncés ci-dessous seront présentés de manière sexuée, dans la mesure où l’indicateur le permet.
N° |
Indicateur de l’aide bilatérale |
Domaine |
1. |
Nombre d’exploitations agricoles familiales soutenues par les programmes financés par l’AFD |
Agriculture, sécurité alimentaire |
2. |
Superficies bénéficiant de programme de conservation, restauration ou gestion durable de la biodiversité |
Biodiversité |
3. |
Nombre de passagers empruntant les transports en commun sur les tronçons financés |
Transports |
4. |
Nombre de personnes raccordées au réseau de distribution d’électricité, ou gagnant accès à l’électrification |
Énergie durable |
5. |
a. Nombre d’enfants scolarisés au primaire et au collège a bis. Nombre d’enfants ayant achevé le cycle scolaire primaire b. Nombre de jeunes accueillis dans les dispositifs de formation professionnelle initiale soutenus par l’AFD |
Éducation et formation |
6. |
Nombre d’habitants des quartiers défavorisés dont l’habitat est amélioré ou sécurisé |
Collectivités territoriales et développement urbain |
7. |
Investissements accompagnés dans le secteur privé |
Institutions financières et appui au secteur privé |
8. |
Nombre d’entreprises (PME) bénéficiaires d’appuis ou de financements de l’AFD |
Institutions financières et appui au secteur privé |
9. |
Nouvelles capacités d’énergies renouvelables installées |
Énergie durable |
10. |
Nombre de personnes gagnant un accès pérenne à une source d’eau potable améliorée |
Eau et assainissement |
11. |
Nombre de personnes gagnant accès à un système d’assainissement amélioré |
Eau et assainissement |
12. |
Nombre de consultations externes de professionnels de santé par habitant et par an |
Santé |
12 bis. |
Nombre de projets ayant un objectif nutritionnel |
Transversal |
13. |
Réduction des émissions de gaz à effet de serre (CO2) – indicateur ex post à prévoir mais non envisageable fin 2013. |
Transversal (climat) |
14. |
Nombre d’institutions bénéficiaires d’action de renforcement de capacité |
Culture, enseignement supérieur et francophonie |
15. |
Nombre d’institutions bénéficiaires d’action de renforcement de capacité |
Gouvernance démocratique |
16. |
Nombre de projets financés au bénéfice des sociétés civiles du Sud |
Société civile du Sud |
N° |
Indicateur de l’aide multilatérale |
Domaine |
1 |
Nombre de personnes ayant accès à un ensemble de services de santé de base (BM) |
Santé |
2 |
Nombre d’enfants immunisés grâce à notre contribution au GAVI Alliance |
Santé |
3 |
Nombre de moustiquaires imprégnées distribuées grâce à notre contribution au Fonds mondial |
Santé |
4 |
Nombre de personnes sous traitement antirétroviral grâce à notre contribution au Fonds mondial |
Santé |
5 |
Nombre d’enseignants recrutés et/ou formés (BM) |
Éducation |
6 |
Nombre de manuels et matériels didactiques fournis (BAfD) |
Éducation |
7 |
Superficie de zones bénéficiant de services d’irrigation (en ha) (BM) |
Agriculture |
8 |
Nombre de personnes formées/recrutées/ utilisant une technologie moderne (BAfD) |
Agriculture |
9 |
Nombre de personnes bénéficiaires de services fournis par des projets soutenus par le FIDA |
Agriculture |
10 |
Nombre de personnes ayant gagné accès à des sources d’eau améliorées (BM) |
Développement durable (eau) |
11 |
Kilomètres de conduites d’eau installées ou améliorées (BAsD) |
Développement durable (eau) |
12 |
Nombre de routes construites ou réhabilitées (BM) |
Infrastructures (transport) |
13 |
Nombre de PME aidées (SFI) |
Secteur privé |
14 |
Nombre de clients de la microfinance formés en gestion des entreprises (BAfD) |
Secteur privé |
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Mes chers collègues, j’ai demandé à la présidence de nous autoriser à poursuivre nos débats jusqu’au terme de l’examen de l’annexe 2 du présent article, ce qui nous permettra d’achever la discussion du présent projet de loi. En conséquence, je vous demande de bien vouloir faire preuve de concision.
M. le président. Je souscris tout à fait à vos propos, monsieur le président de la commission !
L’amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
D’autre part, et dans le même temps, l’émergence de certains pays en développement bouleverse les équilibres économiques et politiques internationaux. Cette émergence représente un progrès, mais entraîne de fait une pression sur l’environnement, les ressources naturelles disponibles et le climat, chaque jour plus forte, qui nécessite de repenser collectivement les modes de vie et de consommation.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, soutenu par la commission du développement durable, est presque rédactionnel.
La rédaction initiale du projet de loi, assez ambiguë, pourrait laisser croire que le législateur regrette le développement d’un certain nombre de pays émergents, au motif que celui-ci pose des problèmes environnementaux.
Cette nouvelle formulation, moins négative, tend à prendre acte des problèmes environnementaux liés au développement des pays émergents, mais aussi à indiquer qu’il convient d’y répondre collectivement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
dans les pays en développement,
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
dans ses quatre composantes économique, sociale, environnementale et culturelle.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement de cohérence, également soutenu par la commission du développement durable, vise à intégrer dans le texte le quatrième pilier du développement durable, à savoir la culture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence. L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Pour être cohérente avec moi-même, je m’en remets à la sagesse du Sénat ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 73 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
annulations de dette
insérer le mot :
, expertises
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est, encore une fois, soutenu par la commission du développement durable. J’ai bien compris que la commission des affaires étrangères n’aimait pas les énumérations entre parenthèses. Pourtant, elle n’a pas supprimé celle qui figure dans cet alinéa !
Il nous semble important que cette énumération ne porte pas uniquement sur des outils financiers, dans la mesure où l’action des collectivités ne concerne pas ce seul domaine. L’ajout du mot « expertises » permettrait d’ouvrir le champ des instruments qui sont à notre disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. M. Dantec tente d’abuser de notre faiblesse ! (Sourires.) Nous avons certes oublié de supprimer cette liste, sans doute par erreur, mais ce n’est pas une raison pour l’allonger.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
À ce titre, la France renforce ses dispositifs juridiques et fiscaux de lutte contre les techniques d’évasion et de fraude fiscale par la pratique dite des « prix de transferts » qui contribuent à l’appauvrissement des pays en voie de développement.
Par ailleurs, l’État, les collectivités territoriales, les entreprises et les associations, dès lors qu’ils s’engagent dans la poursuite d’un programme d’aide au développement, se refusent à la mener à destination ou en partenariat avec un ou plusieurs pays qui seraient bénéficiaires des techniques de la fraude ou de l’évasion fiscale internationale.
Ainsi, la France s’engage dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques à la consolidation de tout outil juridique de lutte contre la pratique des prix de transferts, notamment lorsque celle-ci aurait pour conséquence de contribuer à l’appauvrissement d’un pays en voie de développement.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, je sais que vous ne voulez pas entendre parler des prix de transfert, ni intégrer cette disposition dans le texte. Je tiens malgré tout à cet amendement, qui tend à insérer trois alinéas renforçant la lutte pour un meilleur contrôle des prix de transfert et je le maintiendrai, même s’il devait se faire retoquer.
Il faut en effet travailler sur cette question, notamment pour des sociétés dont le siège est en France. C’est une obligation !
Je précise que ces prix de transfert coûtent au budget de la France 24 milliards d’euros chaque année, c’est-à-dire 1,24 point de PIB. Cela représente en gros le budget de la défense pour lequel le président de notre commission se bat bec et ongles... C'est la raison pour laquelle il serait intéressant de se pencher sur ce problème, me semble-t-il.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Si cela sert à abonder le budget de la défense, je le vote ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet, qui est tout à fait pertinent, même s’il dépasse très largement la question de la politique de développement que nous examinons actuellement.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Bien sûr !
M. Christian Cambon, corapporteur. De surcroît, si cet amendement était adopté, la France ne pourrait plus mener d’actions de coopération vers un pays bénéficiaire de telles techniques financières.
On mesure là les conséquences négatives qu’un tel vote entraînerait. Ce serait une sorte de double peine, puisque les populations, qui n’en peuvent mais, pâtiraient bien évidemment de cette politique qui les dépasse.
C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement, même si elle comprend bien les préoccupations qui le sous-tendent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, nous voulons bien parler de ce sujet. D’ailleurs, nous y travaillons, notamment dans le cadre du sommet du G20, comme je l’ai précisé lors de discussion générale, et de l’OCDE.
La priorité des pays en développement est de faire croître leurs capacités fiscales, mais il est également nécessaire de répondre aux faiblesses identifiées en termes de fiscalité. Il s’agit donc non pas de lutter contre la pratique des prix de transfert, mais de s’assurer que la valeur, donc la base taxable, est répartie de manière juste entre les pays contribuant aux différentes étapes de la création de valeur associée à un produit ou un service.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet, à ce stade, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 47 est présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cadre d’opérations réalisées en intermédiation financière, le groupe AFD assure la transparence des véhicules financiers et publie la liste exhaustive des entités auxquelles il apporte son concours.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l’amendement n° 11.
Mme Michelle Demessine. Nous accomplissons de réels efforts pour améliorer la transparence sur l’aide que nous fournissons aux pays qui en ont besoin. Il s’agit d’ailleurs d’une priorité de notre politique en la matière.
Ainsi que le précise cet alinéa du rapport annexé, ces efforts portent sur des éléments très concrets, en particulier sur la qualité et la quantité des informations qui sont publiées sur le site du ministère. À cet égard, je reconnais bien volontiers l’efficacité du site en ligne dédié à notre aide au Mali.
Tous les projets financés par la France sont rendus publics. Cette méthode contribue réellement à une mise en œuvre transparente de cette aide, et cela en lien avec la bonne volonté affichée dans le programme de lutte contre la corruption du nouveau gouvernement malien. Concrètement, cela permet à chaque Malien, comme à chaque Français, de suivre ce que nous finançons et l’avancée des réalisations sur le terrain.
Cela étant, ce système de publication de l’information reste perfectible. C’est pourquoi, avec cet amendement, nous souhaitons aller au-delà.
Nous pensons que cette exigence de transparence devrait s’appliquer à la totalité de la chaîne des entreprises qui bénéficient, de près ou de loin, d’un soutien du groupe AFD.
En effet, la liste exhaustive des bénéficiaires finaux des investissements transitant par des intermédiaires financiers, que ce soient des banques ou des fonds d’investissement, n’est actuellement pas rendue publique par le groupe. Pourtant, pour que des projets de développement voient le jour, le recours à l’intermédiation financière est de plus en plus fréquent.
La publication d’une liste exhaustive des entreprises ayant ce type de relations avec l’AFD serait ainsi une utile et efficace contribution pour mettre fin à l’opacité qui a cours dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l'amendement n° 47.
Mme Leila Aïchi. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 47 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 11 ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Ce n’est pas que nous ne partageons pas l’objectif, voire l’impératif de lutte contre la corruption, l’évasion fiscale et l’opacité financière. Toutefois, cet amendement vise la transparence des véhicules financiers et tend à obliger l’AFD à « assurer » cette dernière dans le cadre d’opérations réalisées en intermédiation financière.
Il s’agit là d’une charge extrêmement lourde, et il n’est pas du tout sûr que l’AFD dispose de tous les moyens nécessaires pour assurer cette transparence. Cette agence s’est dotée d’outils et pratique à notre sens une politique aussi rigoureuse que possible, laquelle doit d’ailleurs être évaluée de façon continue. Pour autant, la mission que tend à lui assigner cet amendement ne lui revient pas forcément.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. La transparence en matière d’utilisation des finances publiques au service du développement est une priorité que nous reconnaissons tous. Le groupe AFD publie d’ailleurs déjà toutes les informations financières et extrafinancières requises par le code monétaire et financier.
En revanche, il est important de rappeler que l’obligation de publication d’informations précises et chiffrées par le groupe AFD sur ses engagements constituerait une violation du secret bancaire qui s’impose à l’AFD et à PROPARCO, en application des dispositions du code monétaire et financier, sanctionnée pénalement.
D’un point de vue technique, il sera impossible de connaître et de suivre l’ensemble des bénéficiaires finaux, en particulier dans les projets d’intermédiations financières – banques, fonds, institutions de microfinance – où les bénéficiaires finaux sont directement suivis par les intermédiaires sur la base de critères définis conjointement avec l’AFD et PROPARCO.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement est adopté.) – (Marques d’étonnement sur plusieurs travées.)
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les organismes et autorités en charge de l'aide au développement pourront suspendre sans délai tout programme et toute action en cas de survenance de faits illicites ou de violations manifestes des principes généraux énoncés dans la loi et dans ses annexes.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement et supprimer la référence à des « faits illicites ». Il en a été question en commission, mais, dans la mesure où j’avais déjà déposé cet amendement, je ne pouvais apporter cette correction.
Il s’agit d’inscrire dans la loi un procédé que nous avons évoqué à plusieurs reprises dans ce débat et qui permet, en cas de violation manifeste des principes de ce texte, d’interrompre les programmes. Cette disposition manque au dispositif tel qu’il existe aujourd’hui.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, et qui est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les organismes et autorités en charge de l'aide au développement pourront suspendre sans délai tout programme et toute action en cas de violations manifestes des principes généraux énoncés dans la présente loi et dans ses annexes.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Il est bon que cet amendement ait été rectifié. En effet, les faits illicites sont, par définition, liés à des actes judiciaires ; suspendre un contrat sans décision définitive de l’ordre judiciaire pourrait, le cas échéant, poser problème, notamment à l’AFD.
Cette réserve étant désormais levée, la commission émet un avis favorable sur cet amendement intéressant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement estime au contraire que l’adoption de cet amendement reviendrait à envoyer un signal négatif.
Mme Nicole Bricq. Exactement !
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 20, deuxième phrase
Après les mots :
l'ensemble des politiques nationales et européennes (
insérer les mots :
environnement, énergie,
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Il s’agit d’un amendement de mise en cohérence avec l’article 3, qui vise à inclure l’environnement et l’énergie dans les politiques publiques susceptibles d’avoir un impact sur le développement.
La promotion du développement durable est l’objectif général de la politique de développement de la France et la préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux constitue l’un de ses principaux domaines de déclinaison.
L’environnement et l’énergie sont, par ailleurs, cités parmi les dix secteurs d’intervention privilégiés par l’aide française au développement. Compte tenu de l’impact économique, social et environnemental de toute politique énergétique, les politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement doivent toutes être intégrées à l’impératif de cohérence fixé dans le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La commission a adopté une position de principe sur la question des listes, qui dépasse l’objet même de cet amendement, et elle entend s’y tenir.
Je constate que l’alinéa 20 comprend onze politiques et que l’article 3 en vise dix-huit. Cela montre bien le défaut des listes : chaque fois qu’on les examine, on les allonge. Ainsi, cet amendement vise à ajouter deux éléments supplémentaires à une énumération qui sera de toute façon forcément incomplète.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 20, deuxième phrase
Après les mots :
lutte contre le changement climatique,
insérer les mots :
préservation de la biodiversité,
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je précise que la commission du développement durable soutient cet amendement.
Je me permets de ne pas me satisfaire de l’argumentaire qui va probablement être développé dans quelques instants par l’un des deux rapporteurs de la commission des affaires étrangères. (Sourires.)
De deux choses l’une : soit on supprime toutes les listes, ce qui est tout à fait défendable, soit on accepte que la loi en contienne, et il faut alors pouvoir les compléter, le cas échéant, si une lacune importante est décelée, car cela peut avoir des conséquences.
Par conséquent, on ne peut pas défendre un avis purement théorique et vouloir laisser les listes telles qu’elles sont, parce qu’on est contre les listes. Le raisonnement atteint vite ses limites !
Ainsi, si l’on inclut dans la liste fixée à l’alinéa 20 le changement climatique sans y adjoindre la préservation de la biodiversité, alors que nous menons un certain nombre d’actions importantes en ce sens dans nos politiques de développement, on crée sur notre politique des questionnements qui n’ont pas lieu d’être.
Par conséquent, même si je respecte tout à fait l’approche théorique de la commission des affaires étrangères, qui est tout à fait défendable, je pense que nous gagnerions à ajouter ici ou là un élément quand cela s’impose et, dans le cas présent, la préservation de la biodiversité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Malgré tout le talent que met notre collègue à défendre cette théorie, nous avons posé le principe de supprimer les listes, qui sont dangereuses pour l’application de la loi.
C’est forte de cette position que la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement est plus sensible à l’argumentation de M. Dantec. Il émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 82 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. La commission des affaires étrangères œuvre pour plus de simplification et pour la suppression de mots en trop. Entendant son souhait, je propose de supprimer l’alinéa 22, afin de ne pas alourdir la loi et de ne pas la rendre bavarde.
Dans la mesure où, au présent projet de loi, est annexé un rapport assez complet, qui fixe le cadre de cette politique de développement, pourquoi prévoir la publication par le Gouvernement d’une charte sur la politique de développement et de solidarité internationale de la France ? Cela ajoute de la complexité à un texte que d’aucuns trouvent déjà un peu long.
La publication d’une telle charte, prévue à l’alinéa 22, paraît superflue au regard de ce présent projet de loi et du rapport qui lui est annexé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Cette proposition de suppression de la charte doit être examinée à la lumière des débats que nous avons eus en commission. L’un de nos collègues avait suggéré d’inclure dans la loi toutes les annexes. Nous avons pour notre part proposé d’ajouter un document synthétique de quelques pages, dans un souci de clarté et de « redevabilité », comme l’on dit maintenant.
En raison du caractère assez confus du texte, il n’est pas inutile de disposer d’une synthèse permettant de le clarifier. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. L’opportunité de synthétiser cette loi dans une charte a été évoquée lors du processus de rédaction, et nous avons mené cette réflexion avec l’ensemble des acteurs concernés.
Notre sentiment est partagé sur ce sujet. Après deux années de consultations et de débats pour rénover le cadre de notre politique de développement – Assises du développement, réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, en juillet dernier, projet de loi de programmation et d’orientation –, il me semble temps désormais de passer à une phase de mise en œuvre de ces nouvelles orientations.
Il ne paraît pas intéressant à ce stade de s’engager dans un nouvel exercice de rédaction, qui reporterait de nouveau l’action. À plusieurs reprises, les Français nous ont dit qu’il était temps d’agir !
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 28, première phrase
Après les mots :
l'égalité entre les femmes et les hommes
insérer les mots :
et de la liberté religieuse
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je sais que le président Jean-Louis Carrère est très dubitatif sur cet amendement, mais les raisons qui m’ont amenée à le déposer sont simples : la France aide des pays qui sont touchés par le fanatisme religieux et dans lesquels les communautés chrétiennes, en particulier, rencontrent de sérieuses difficultés.
La commission ne m’offensera pas en émettant un avis défavorable sur cet amendement – elle l’a déjà fait au demeurant, et voilà bien longtemps que je ne suis plus peinée par le rejet de mes amendements ! Toutefois, il me semble que la liberté religieuse, à l’époque actuelle, devrait être un critère important de détermination de l’aide au développement.
Certes, les droits de l’homme englobent la liberté religieuse. Néanmoins, lorsque je vois les ravages causés par le groupe Boko Haram – je n’ose imaginer si l’on retrouvera un jour les jeunes filles, chrétiennes pour nombre d’entre elles, qui ont été kidnappées, et dans quel état –, je me dis qu’il serait temps de réfléchir à cette question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Ma chère collègue, vous avez vous-même avancé les arguments que nous allons opposer à votre amendement.
En effet, au-delà de nos conceptions personnelles – votre argumentation sur la liberté religieuse est parfaitement recevable –, il ne nous semble pas, de manière générale, qu’un projet de loi relatif au développement puisse aller jusqu’à promouvoir la liberté religieuse.
Comme vous l’avez très justement souligné, les droits de l’homme englobent la liberté religieuse. Bien évidemment, nous militons tous pour que l’ensemble des religions puissent être pratiquées, mais aussi pour que l’on respecte la liberté de ne pas en avoir. La notion plus large de « droits de l’homme » nous semble donc recouvrir le souci que vous venez d’évoquer.
En conséquence, nous vous proposons de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 8 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 30, première phrase
Remplacer les mots :
du Sud
par le mot :
partenaires
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. La notion de « pays partenaires » semble plus actuelle et plus pertinente que celle de « pays du Sud ». Je pense notamment au Yémen ou à l’Ouzbékistan : ce sont des pays partenaires, mais pas des pays du Sud.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La notion de « pays partenaires » est effectivement préférable à celle de « pays du Sud », qui paraît quelque peu datée et moins positive.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Roger, Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Après le mot :
familiale
insérer les mots :
, à l'avortement sécurisé
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Les dispositions de cet amendement se justifient par leur texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La terminologie employée par les auteurs de cet amendement nous a quelque peu troublés, et elle ne nous semble pas devoir trouver sa place dans ce projet de loi.
En outre, l’alinéa 36 contient déjà le soutien à l’accès à la planification familiale et aux droits sexuels et reproductifs, qui apparaissent comme des termes plus normatifs.
En conséquence, cher collègue, nous vous suggérons de retirer cet amendement, qui nous semble d’ores et déjà satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 38, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La France prend en compte la situation particulière des « pays en grande difficulté climatique » dans sa politique de développement et de solidarité internationale.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Face aux enjeux d’aujourd’hui, et en conformité avec les priorités transversales énoncées dans ce projet de loi, nous devons impulser une nouvelle approche de l’aide au développement, en dépassant le seul critère économique.
En effet, si le développement consiste à accroître les capacités humaines et à étendre les libertés, force est de constater qu’il est remis en cause par les effets du changement climatique. La France se doit de porter cette idée, pour orienter sa propre politique d’aide au développement, mais également au sein des institutions européennes et onusiennes.
Le dérèglement climatique est aujourd’hui reconnu comme une source de tensions et un frein majeur au développement, puisqu’il se traduit par des crises énergétiques, des tensions autour de l’accès aux matières premières et des désastres humanitaires.
Depuis 2008, le cabinet britannique d’analyse de risques Maplecroft établit un classement des pays les plus vulnérables au changement climatique, sur la base de trois critères : premièrement, l’exposition du pays aux effets du dérèglement climatique, tels que la montée du niveau de la mer, les tempêtes, les sécheresses ou encore les inondations ; deuxièmement, la vulnérabilité des populations en termes notamment de santé, d’éducation et de dépendance à l’agriculture ; troisièmement, et enfin, la capacité du pays, notamment de son gouvernement, à s’adapter et à lutter pour réduire les impacts du changement climatique.
Toujours selon cette étude, en 2025, quelque 31 % de l’économie mondiale seront confrontés à un risque « élevé » ou « extrême ». Parmi les pays émergents avec les potentiels économiques les plus importants, quatre présentent un risque climatique extrême : les Philippines, le Vietnam, le Pakistan et le Bangladesh. Ils font non seulement face à des risques élevés de sécheresses et d’inondations, mais ils subissent également une forte pression démographique, et leurs gouvernements ne sont pas, à l’heure actuelle, en mesure de réagir de manière efficace.
Cette étude met également en exergue la sensibilité croissante des pays d’Afrique face au changement climatique. Alors qu’ils n’étaient que trois en 2010 à occuper le haut du classement, ils sont six en 2013. Les pays africains les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique ne figurent pourtant pas tous dans la liste des « pays les plus pauvres » définie dans le présent projet de loi.
Ainsi, des États peu institutionnalisés ne sont pas équipés pour répondre à ce genre de risques multidimensionnels. Dans son dernier rapport, publié le 31 mars 2014, le GIEC considère que le changement climatique affecte l’intégrité des États en fragilisant leur souveraineté et en affectant les infrastructures étatiques les plus sensibles. Nous ne pouvons donc pas concevoir le « développement » sans mettre l’accent sur la vulnérabilité de ces États et de leur population face au dérèglement climatique.
La reconnaissance à part entière de la notion d’« État en grande difficulté climatique » serait donc une première étape permettant de s’adapter aux enjeux multidimensionnels d’aujourd’hui. À l’aube de la COP21 – la Conférence Paris Climat 2015 –, la France se doit donc d’être pionnière dans ce domaine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Dans leur première rédaction, les dispositions de cet amendement posaient problème, car elles anticipaient sur la définition d’un statut. J’ai bien compris que Mme Aïchi souhaitait que le Parlement soit un acteur très dynamique dans la reconnaissance des pays en grande difficulté climatique. Même si leur définition n’est pas encore très claire, ces pays sont incontestablement dignes d’intérêt, et leur nombre risque hélas de s’accroître dans le futur.
La commission est donc favorable à cet amendement ainsi rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Je ne serai pas défavorable à cet amendement, car j’ai pour principe de suivre l’avis de la commission que j’ai, pour l’instant, l’honneur de présider ; c’est une question de cohérence.
Je voudrais toutefois demander à mes collègues de faire preuve de la même cohérence. En effet, nous avons eu des débats très longs en commission, et nous avons eu toute latitude pour nous exprimer sur tous les amendements qui avaient été déposés.
Chacun doit faire l’effort de venir en commission. C’est absolument déterminant ! Je respecte bien évidemment le droit d’amendement, qui est inaliénable. Et je le respecterais toujours s’il y avait deux fois plus d’amendements. Toutefois, il y a la lettre et l’esprit. Et je plaide pour que l’esprit, parfois, prenne un peu le pas sur la lettre…
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Comme je l’avais indiqué en commission, nous soutenons cet amendement, qui est désormais rectifié. Ce concept, que nous avions déjà vu apparaître à l’occasion du tsunami, mérite d’être pris en compte.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je voudrais tout d’abord saluer l’excellente initiative de Leila Aïchi, dont la proposition me semble très prometteuse.
Ensuite, il me semble que le président Jean-Louis Carrère a raison. J’estime en effet que les membres d’une commission devraient en priorité présenter des amendements en son sein et qu’ils n’ont pas à déposer toute une flopée d’amendements en séance plénière. Évidemment, cette dernière attire peut-être un peu plus les médias et permet de faire davantage de buzz, mais, dans ce cas, à quoi sert le travail en commission ?
Il me semble toutefois que, en l’occurrence, Leila Aïchi n’a pas commis ce genre d’abus. Elle a déposé peu d’amendements, et des amendements très importants, qu’il était utile d’exposer en séance publique. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas de certains membres des commissions, qui déposent de nombreux amendements en séance. Et dans ce cas, moi aussi, la prochaine fois, j’aurai peut-être envie de déposer des amendements en séance plutôt qu’en commission, afin de les rendre plus visibles !
À propos de cet excellent amendement, je pense aussi qu’il serait important de réfléchir à la notion de région en grande difficulté climatique.
En effet, dans de nombreux États, ce n’est pas le pays dans son ensemble qui est en proie à de grandes difficultés climatiques, mais certaines régions seulement. Je pense, par exemple, au cas du Sénégal : toute la région de Saint-Louis est menacée de disparaître sous les eaux, mais le pays dans son ensemble n’est pas en proie à ce genre de difficultés.
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Roger, Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 43
Remplacer le mot :
mères
par le mot :
femmes
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Nous comprenons l’intention des auteurs de cet amendement, mais nous avons l’impression qu’elle découle d’une erreur de lecture
En effet, il est dit à l’alinéa 43 que la France réitère son engagement à combattre les grandes pandémies et à améliorer la santé des mères et des enfants. Si l’on remplace le terme « mères » par le terme « femmes », au motif que les enjeux de santé sexuelle et reproductive ne concernent pas uniquement les mères, mais toutes les femmes, on risque d’aboutir à une rédaction étrange, donnant à penser que la santé des hommes n’a pas besoin d’être améliorée. Ce serait parfaitement discriminatoire et contraire aux objectifs généraux de la santé publique.
Sans doute la rédaction initiale du texte n’était-elle pas très habile, mais le mot « mères » ne nous paraît pas réducteur : il ne sous-entend pas que la condition des femmes se résume à la maternité. Il s’agit simplement de réserver un traitement particulier à une situation inquiétante et de lutter notamment contre la mortalité maternelle.
En conséquence, nous souhaitons le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Roger, l'amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Roger. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié est retiré.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Bizet, Charon, Cléach, Couderc et de Raincourt, est ainsi libellé :
Alinéa 55
Rédiger ainsi cet alinéa :
En cohérence avec ces orientations, l’AFD ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de forêts primaires, l’accaparement de terres incompatibles avec un développement local équitable ou la privation des ressources naturelles des populations autochtones.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Bizet et Trillard, Mme Garriaud-Maylam et MM. Charon, Cléach, Couderc et de Raincourt, est ainsi libellé :
Alinéa 55, première phrase
Supprimer les mots :
la recherche,
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’alinéa 55 du rapport annexé exclut l’innovation apportée par la recherche et réduit de manière significative les domaines de coopération dans lesquels les pays en développement peuvent s’engager aux côtés de la France.
Or le Parlement vient d’adopter le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord instituant le Consortium des centres internationaux de recherche agricole en qualité d’organisation internationale. Cette loi permettra de consolider l’action du groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, notamment en faveur de la sécurité alimentaire mondiale par le biais des quinze centres internationaux de recherche agricole qu’il soutient. Ces centres poursuivent des recherches sur des semences OGM qui, à terme, pourraient représenter des solutions aux problèmes alimentaires mondiaux.
Parmi ces quinze centres, certains travaillent en particulier sur la culture du riz en Afrique. La culture du riz doré pourrait répondre aux problèmes humanitaires non seulement pour pallier les famines, mais aussi pour combattre, par exemple, la cécité infantile liée au manque de vitamine A du fait de la malnutrition.
Bien que subsistent de nombreux débats, il est primordial que les recherches avancent et qu’elles puissent bénéficier de fonds et de crédits.
Si le présent texte est adopté en l’état, toute coopération relative à la recherche et à l’usage des biotechnologies ne sera plus soutenue par l’AFD.
De plus, cette mesure est en totale contradiction avec les conclusions de la FAO, qui préconise, dans un rapport publié en octobre 2013, d’« intensifier les efforts à l’échelle nationale et internationale pour doter les petits producteurs des pays en développement de biotechnologies agricoles ».
Aussi importe-t-il de limiter le champ des restrictions introduites par ce projet de loi. Le soutien de l’AFD aux projets de recherche sur les biotechnologies doit impérativement se poursuivre.
C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’interdiction de financement de la recherche sur les semences génétiquement modifiées, recherche qui peut être porteuse d’une solution d’avenir pour les plus démunis et les populations qui souffrent de famines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Il s’agit en fait d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 37 rectifié, qui, faute de signataire présent, n’a pas été soutenu. C’était un amendement astucieux, mais nous n’y étions pas favorables. En effet, tout en maintenant la partie de l’alinéa qui concerne la lutte contre la déforestation, il rétablissait la possibilité pour l’AFD de soutenir financièrement la culture et la vente de semences génétiquement modifiées.
Aux termes de l’amendement qui nous est ici proposé, l’AFD ne financerait pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées, mais elle pourrait, en revanche, financer des actions de recherche en la matière. Refuser cet amendement nous semblerait quelque peu passéiste, pour ne pas dire plus. C’est pourquoi nous avons émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il s’agit d’un amendement extrêmement dangereux, et le groupe écologiste votera évidemment contre.
Je pense, monsieur Peyronnet, que l’amendement n° 55 rectifié est au moins aussi astucieux que l’amendement n° 37 rectifié.
Il est, à mes yeux, contradictoire d’interdire à l’AFD de soutenir le développement des cultures OGM et de lui permettre de financer des recherches menées dans les pays où elle intervient. Il faut aller au bout de l’une ou de l’autre logique. Il y a une certaine hypocrisie à rester, en quelque sorte, au milieu du gué.
Qu’est-ce qui est ici en jeu ? On invoque la sécurité alimentaire – les auteurs de l’amendement reprennent en l’occurrence l’argument qui est généralement avancé par les partisans du développement des OGM –, mais c’est plutôt à l’inverse qu’on risque fort d’aboutir, car, avec les cultures OGM, c’est toute une économie vivrière qui sera mise en danger. Sauf à considérer que ces OGM seront librement distribués à l’ensemble des agriculteurs locaux, c’est un autre modèle économique qui se mettra en place, à l’opposé des agricultures vivrières des pays du Sud. Une telle disposition ne pourra ainsi que contribuer à la désorganisation de ces cultures et à l’aggravation de l’insécurité alimentaire, sans même parler du risque environnemental que font peser les OGM.
Par ailleurs, on sait qu’il est aujourd'hui difficile de mener en France et en Europe un certain nombre d’essais d’OGM en plein champ. Derrière cet amendement, se profile donc aussi l’idée – bien sûr, on fera tout pour l’habiller d’une manière avenante ! – de pouvoir conduire, au service de l’industrie agroalimentaire européenne, un certain nombre de recherches dans les pays du Sud, avec des financements européens.
Avant que nous ne soyons appelés à voter, je voudrais que chacun mesure les conséquences de l’adoption d’un tel amendement, qui est en totale contradiction avec les termes mêmes du projet de loi. C’est un véritable changement de stratégie que nous propose Mme Garriaud-Maylam au travers de cet amendement, qui nous est astucieusement présenté comme un amendement de repli.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je vais vous exposer, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je suis opposée à l’amendement n° 55 rectifié, même s’il ne vise qu’à maintenir l’autorisation de fiancer la recherche sur des semences génétiquement modifiées.
A priori, la proposition qui nous est faite pourrait paraître plus raisonnable, plus modeste que celle qui figurait dans l’amendement n° 37 rectifié. Pourtant, il s’agit d’un retournement à 180 degrés des critères qu’on entendait initialement fixer à l’AFD.
Tout d’abord, je tiens à réfuter l’idée selon laquelle le riz doré apporterait des vitamines et contribuerait à réduire la faim dans le monde. Cela fait dix ans qu’on nous vend cette histoire ! Certes, le riz doré apporte des vitamines, mais à condition qu’on en mange trois kilos par jour ! Qu’est-ce que cela veut dire dans des pays où l’on meurt de faim ? Cet argument ne tient pas debout !
Ensuite, la recherche sur les OGM commencera peut-être au travers de partenariats avec la France, mais elle trouvera son aboutissement avec des multinationales étrangères, qui ont beaucoup plus d’argent que nous.
Au regard de la sécurité, les conditions de confinement sont bien moindres dans les pays plus pauvres ; il y aura donc des disséminations.
Par ailleurs, les OGM débouchent sur des semences brevetées, puis sur des règles et des lois qui empêchent de les échanger et, enfin, de les ressemer. Qui n’a vu des reportages montrant le désespoir des paysans indiens mis en faillite par la privatisation des semences et l’interdiction de les ressemer, un désespoir qui les pousse parfois au suicide ? Ces économies paysannes n’ont pas la robustesse de celle des Texans, même si eux aussi connaissent des déboires…
Enfin, les plantes génétiquement modifiées ne fonctionnent qu’avec des pesticides associés et engendrent des ventes forcées.
Tout cela n’a vraiment rien à voir avec le développement !
Si je défends cette position, ce n’est pas par idéologie. La commission de la culture s’est rendue à l’université franco-vietnamienne de Hanoï. Les membres de l’Institut de génétique agronomique de l’Académie des sciences agricoles du Vietnam que nous avons rencontrés ont remercié la France de leur avoir apporté des crédits et d’avoir mis à leur disposition des équipes de l’Institut de recherche pour le développement – IRD – afin de réaliser des recherches sur la biodiversité, sur les riz résilients au stress hydrique et aux nouvelles conditions de salinité.
Comme vous êtes en pointe sur ces sujets, nous ont confié les Vietnamiens, vous nous avez permis de mettre Monsanto à la porte parce que, eux, ne voulaient pas financer les recherches sur l’identification des variétés de riz les plus aptes à satisfaire les populations vietnamiennes. Ils nous étaient reconnaissants, ils étaient heureux de notre coopération pour la biodiversité, ils étaient fiers de la solidité de notre partenariat et ils se félicitaient, au nom de la recherche, du développement de cultures sans OGM. (Mme Bernadette Bourzai applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Pour ma part, je suis très ennuyé par la position de la commission, et je ne pourrai pas voter l’amendement en l’état.
Je suis d’autant plus sensible aux propos de Marie-Christine Blandin que je connais bien Hanoï, la Seine-Saint-Denis ayant un partenariat avec la province de Haïphong, qui n’est pas très éloignée de cette ville. De plus, le centre IRD de Bondy a travaillé sur ces riz qu’elle a évoqués.
Je souhaiterais donc que cet amendement soit rectifié de manière que la recherche qui sera soutenue soit menée exactement dans les mêmes conditions en France et dans les pays en développement. Cela permettrait de répondre à l’objection qu’a soulevée Ronan Dantec lorsqu’il a expliqué que cette disposition donnerait le sentiment qu’on permettait de faire dans les pays du Sud ce que l’on ne veut pas faire chez nous. Si cet amendement était assorti d’une telle précision, je pourrais le voter. Dans le cas contraire, je crains fort d’être amené à voter contre.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je regrette que mon collègue Jean Bizet ne soit pas présent pour défendre son amendement, car il connaît extrêmement bien ces questions.
Quoi qu'il en soit, je tiens à relever une contradiction dans ce que je viens d’entendre. Comme je l’ai souligné, la France a voté une loi autorisant l’approbation de l’accord instituant le Consortium des centres internationaux de recherche agricole, qui poursuivent déjà des recherches sur des semences OGM.
Je comprends vos inquiétudes, mes chers collègues, et je les partage. Il est évident que nous avons une responsabilité à l’égard de pays comme le Vietnam. Mais permettez-moi de vous relire l’alinéa 55 de l’annexe : « En cohérence avec ces orientations, l’AFD ne finance pas la recherche, l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. »
Proposer de ne pas inclure la recherche dans le champ de cette interdiction ne me semble pas si gênant que cela ! N’insultons pas l’avenir : nous ne savons pas quels effets positifs pourront éventuellement produire ces semences pour éradiquer les maladies infantiles. Nous ne sommes pas des experts ! C’est pourquoi il me paraît important de ne pas interdire la recherche. C’est par la recherche que nous pourrons progresser dans la lutte contre la pauvreté et ces maladies !
Dès lors que le texte dit très clairement que l’AFD ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées, nous pouvons, me semble-t-il, adopter cet amendement sans trop d’états d’âme, même si, je le répète, je comprends parfaitement vos réticences. D’ailleurs, monsieur Roger, je ne vois pas très bien comment nous pourrions rédiger différemment cet amendement, sauf à en alourdir terriblement la rédaction.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon, corapporteur. Je veux simplement soutenir l’argumentation de Mme Garriaud-Maylam.
Pour m’en être entretenu avec M. Bizet, qui ne pouvait malheureusement être présent cet après-midi, je voudrais insister sur la stricte portée de son amendement : permettre à l’AFD de soutenir des actions de recherche en matière de biotechnologies.
Il ne s’agit pas forcément de l’agroalimentaire ! Au Mali, par exemple, il y a régulièrement de très mauvaises récoltes de coton parce que les cultures de coton sont frappées par toute une série de maux propres à cette région. Or ce pays nous demande de l’aider.
Nous ne cessons de projeter nos propres problématiques en matière de climat, d’OGM. Certes, tout cela est tout à fait recevable, mais ce sont là des préoccupations de pays riches et développés. Il faut laisser à l’AFD la possibilité de financer des recherches. Celles-ci peuvent être faites dans des laboratoires. Du reste, de nombreuses recherches n’aboutissent jamais.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. On a l’art de poser des problèmes compliqués à propos d’un texte qui est relativement simple. Cela étant, chers collègues écologistes, je comprends que cela vous fasse plaisir. (Mme Marie-Christine Blandin s’exclame.) Du reste, cela ne me cause pas un déplaisir particulier !
Mais pourquoi n’avez-vous pas tenté d’exiger que la France interdise la poursuite de ces recherches ? Croyez-vous vraiment que le simple fait d’interdire leur financement dans le cadre de l’AFD empêchera les autres pays et les multinationales d’agir à leur guise ?
Mme Marie-Christine Blandin. Ce n’est pas nous qui avons déposé cet amendement !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Bien sûr, je ne souhaite pas qu’on favorise l’exportation d’essais d’OGM en plein champ dans des pays en difficulté ! Mais prétendre qu’on ne soutient pas des positions idéologiques et, dans le même temps, expliquer qu’on est contre la recherche fondamentale, cela soulève à mes yeux un problème éthique et philosophique ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.)
Qu’on se batte pour essayer d’empêcher un phénomène dangereux, je le conçois. Mais faut-il, dans un projet de loi sur l’aide au développement, décider l’interdiction absolue de recherches sous prétexte de parer à tout risque de dérapage dans les pays bénéficiaires de l’APD ?
Chers collègues écologistes, je suis sensible, tout comme vous, au problème des OGM.
Mme Marie-Christine Blandin. Mon cher collègue, adressez-vous à l’auteur de l’amendement !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Moi non plus, je ne souhaite pas que, demain, l’alimentation fasse courir à des populations des risques sanitaires : ce serait inadmissible. Cependant, il me semble que vous allez trop loin. À la vérité, je crois que vous profitez du projet de loi pour faire un peu d’idéologie !
Mme Marie-Christine Blandin. C’est incroyable !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 60
Remplacer le mot :
sociétale
par les mots :
sociale et environnementale
II. - En conséquence, alinéas 62, dernière phrase, 63 et 151, dernière phrase
Procéder au même remplacement.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. J’ai bien noté ce qu’a dit tout à l'heure M. le président de la commission des affaires étrangères. Je crois toutefois que, dans cet hémicycle – moi, je ne suis pas membre de la commission des affaires étrangères –, notre devoir est de nous écouter pour faire évoluer nos positions respectives. Il m’avait semblé que c’était ce qui s’était passé à propos de la responsabilité sociale des entreprises : l’intervention de Nicole Bricq, notamment, avait fait apparaître que le débat progressait.
Je regrette donc qu’on se serve d’un argument dans certains cas et pas dans d’autres.
Cela étant, je retire cet amendement, car nous n’allons pas reprendre maintenant le débat sur cette question.
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié est retiré.
L'amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 71, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La France promeut ainsi une planification urbaine et territoriale qui recherche l’articulation entre les échelles de territoire et les interactions entre territoires urbains, périurbains et ruraux.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, qui sera sans doute plus consensuel, vise à insérer, à l’alinéa 71 du rapport annexé, une phrase soulignant l’importance que la France attache à la planification urbaine et territoriale dans sa conception du développement.
Il se trouve que j’ai eu l’honneur de présider le comité d’orientation du sommet mondial de la ville durable, le sommet Ecocity, qui s’est tenu à Nantes l’année dernière. Au cours des débats, la question de l’interaction entre la ville, le monde rural et le monde périurbain est apparue comme une question clé. Elle est également décisive dans le débat sur les objectifs de développement durable, dont l’un touche à l’urbanisation durable.
En vérité, mes chers collègues, l’idée que nous nous faisons de la ville doit englober ses interactions avec les espaces périurbains et ruraux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La commission est favorable à cet amendement, à condition qu’une modification y soit apportée.
Faute de bien comprendre la notion d’« articulation entre les échelles de territoire », qui nous semble un peu vague, nous préférerions que l’amendement soit rédigé en ces termes : « la France promeut ainsi une planification urbaine et territoriale qui recherche les interactions entre territoires urbains, périurbains et ruraux ». Cette modification ne change en rien l’esprit de l’amendement, mais permet de rendre son texte plus compréhensible.
M. le président. Monsieur Dantec, suivez-vous la suggestion de la commission ?
M. Ronan Dantec. J’accepte la formulation proposée par M. Cambon, mais je préfère le verbe « intégrer » au verbe « rechercher », car les interactions sont une réalité qu’il convient de prendre en considération.
M. Christian Cambon, corapporteur. D’accord !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 76 rectifié bis, présenté par M. Dantec.
Cet amendement est ainsi libellé :
Alinéa 71, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La France promeut ainsi une planification urbaine et territoriale qui intègre les interactions entre territoires urbains, périurbains et ruraux.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Lorsque, il y a quelques instants, j’ai pris la parole sur l’amendement n° 55 rectifié, j’ai eu tort de m’adresser à nos collègues écologistes. En effet, l’amendement avait été déposé non par M. Dantec, mais par M. Bizet. Madame Blandin, vous avez eu raison de me le signaler !
M. le président. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 75
Remplacer les mots :
les améliorer
par les mots :
améliorer les
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement rédactionnel est fortement soutenu par la commission du développement durable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 80
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les programmes de développement rural financés par la France doivent intégrer un volet de sensibilisation et d’information sur les risques sanitaires et environnementaux liés à l’utilisation d’engrais chimiques ainsi que sur les techniques visant à préserver le potentiel agronomique des sols à moyen et long terme.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement vise à assurer une information sur les risques sanitaires et environnementaux liés à l’utilisation d’engrais chimiques.
L’utilisation grandissante de produits chimiques dans les pays en développement entraîne l’augmentation des risques sanitaires et environnementaux. Le Programme des Nations unies pour l’environnement considère que ces risques sont aggravés par des modifications constantes dans les modes de production, d’utilisation et d’élimination des produits chimiques.
Si le problème concerne les pays développés et les pays émergents, il touche aussi particulièrement les économies en développement, où les règlements sont souvent moins contraignants et les garanties plus faibles.
En outre, la dégradation des sols par l’utilisation massive d’engrais chimiques est un problème majeur dans les pays au climat tropical, notamment en raison de la composition des sols, qui sont particulièrement sensibles à l’acidification et à la baisse des niveaux d’humus résultant de l’application répétée d’engrais de synthèse. Ainsi, les engrais chimiques sont responsables d’une pollution massive des sols, mais aussi de l’eau, car ils atteignent les cours d’eau et s’infiltrent dans les nappes phréatiques.
D’après la FAO, dans les pays en voie de développement, 80 % de l’accroissement nécessaire de la production viendrait d’une hausse des rendements et des taux d’exploitation ; seulement 20 % viendrait d’une expansion des terres arables.
Dans une perspective de développement durable, il s’agit de trouver le juste équilibre : celui-ci suppose de faire une utilisation restrictive des engrais chimiques, notamment en appliquant le bon dosage, et de développer l’agriculture biologique autant que possible.
Dans ces conditions, il est indispensable, afin de répondre aux enjeux environnementaux et sanitaires, que chaque programme portant sur le développement de l’agriculture locale comporte un volet de sensibilisation et d’information sur les risques liés à l’utilisation massive des engrais chimiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Si le souci qui anime les auteurs de cet amendement nous semble tout à fait recevable, l’obligation qu’ils proposent d’instaurer nous paraît disproportionnée. Elle s’étend en effet à tous les programmes de développement rural, y compris aux petits projets ; pour l’ensemble d’entre eux, elle entraînerait, si elle était appliquée, des coûts qui ne seraient pas négligeables. Du reste, je ne suis même pas sûr que cette obligation existe pour nos projets nationaux.
Dans ces conditions, je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. La disposition suggérée par Mme Aïchi, insérée à cet endroit du projet de loi, affaiblirait quelque peu la cohérence d’ensemble de celui-ci.
Par ailleurs, madame la sénatrice, votre proposition est déjà satisfaite par l’alinéa 48 du rapport annexé, qui dispose que la France soutient « la transition des agricultures familiales vers une intensification agro-écologique », ainsi que « la lutte contre la dégradation et la pollution des terres ».
Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 90, première phrase
Remplacer les mots :
les concours apportés dans le cadre de sa politique de développement et de solidarité internationale
par les mots :
ses soutiens publics
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, soutenu par la commission du développement durable, est probablement l’un des amendements importants que nous avons à examiner cet après-midi.
Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, le rapport annexé fixait l’objectif de réduire progressivement les soutiens apportés par la France aux énergies fossiles, cet objectif devant être porté par l’ensemble des banques multilatérales de développement.
Cette position était tout à fait cohérente avec les objectifs défendus par la France dans le cadre de la préparation de la conférence de Paris sur le climat – devant les commissions du développement durable et des affaires étrangères, il y a quelques jours, Laurent Fabius a exposé l’ambition de la France pour ce sommet. En même temps, elle était pragmatique puisque l’adverbe « progressivement » permettait de laisser du temps au temps. L’orientation choisie, donc, tout en étant ambitieuse, était en lien avec le réel : elle n’était ni théorique, ni idéologique, ni théologique.
Or la commission des affaires étrangères a restreint la portée de cet objectif aux seuls concours apportés aux énergies fossiles dans le cadre de la politique de développement.
Cette modification pourrait laisser entendre que la France a une politique différente à l’égard des énergies fossiles dans sa politique de développement, où elle réduirait progressivement les soutiens qu’elle leur apporte, et dans d’autres politiques publiques, où elle continuerait de les soutenir. Je puis vous assurer que cette contradiction ne passerait pas inaperçue dans les instances internationales et dans les lieux de négociation !
Amener l’ensemble des pays à conclure un accord ambitieux à Paris est actuellement l’une des priorités de la politique étrangère française. Pour réussir cette entreprise extrêmement difficile, nous devons être parfaitement crédibles et prévenir toute faille dans notre position.
Or la modification adoptée par la commission des affaires étrangères crée une véritable faille. Pour participer à ces négociations internationales, je puis vous garantir que nombre d’acteurs non étatiques recherchent constamment des failles et des incohérences dans les positions des uns et des autres. Mes chers collègues, croyez-moi : le changement rédactionnel adopté par la commission des affaires étrangères ne passera pas inaperçu !
C’est pourquoi je vous propose de rétablir la formulation que l’Assemblée nationale a votée. Il y va – je pèse mes mots – de la crédibilité de la stratégie française défendue par Laurent Fabius dans les négociations climatiques internationales.
Je répète que l’adverbe « progressivement » permet déjà un certain nombre d’adaptations, dans un souci de pragmatisme. Renonçons donc à la formulation adoptée par la commission, qui est dangereuse !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Monsieur Dantec, j’entends bien votre argumentation, mais je vous rappelle que le projet de loi concerne la politique de développement et la solidarité internationale ; il ne concerne pas l’ensemble de la politique française dans tous les domaines.
La formulation que vous proposez de rétablir revient à anticiper les conclusions du grand débat qui aura lieu sur la transition énergétique, ce qui ne me paraît pas souhaitable. En effet, elle a une portée générale et aurait vocation à s’appliquer à toute la politique française en matière d’énergie.
Aussi, je propose de maintenir l’alinéa 90 dans la rédaction adoptée par la commission en rejetant l’amendement n° 86 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Je signale que la politique de développement ne finance déjà plus le soutien aux énergies fossiles ; à la limite, donc, la disposition dont il est question n’est pas nécessaire.
Toutefois, l’ambition dont cet amendement est porteur peut sembler intéressante : il faut donner un cap aux entreprises, tout en étudiant soigneusement les conséquences économiques et environnementales des décisions et en se donnant du temps pour mettre en place la nouvelle stratégie.
Au demeurant, je vous rappelle qu’une étude d’impact a été demandée sur ces questions. Même si l’on ne peut pas préjuger ses résultats, on sait pertinemment qu’il est possible d’aller plus loin, et cela grâce aussi aux progrès de la recherche, dont l’importance doit être signalée.
Sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 90, deuxième phrase
Remplacer les mots :
deux ans
par les mots :
la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 2015
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement concerne l’élaboration d’une stratégie relative aux énergies fossiles avant la prochaine Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la COP 21. En effet, il est important de définir la trajectoire des engagements de la France avant cette conférence, qui se tiendra en 2015 sous la présidence de notre pays. C’est pourquoi nous proposons de raccourcir le délai de publication de la stratégie de deux ans à dix-huit mois environ.
Comme l'a souligné le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, lors de son audition devant la commission du développement durable et la commission des affaires étrangères, le 6 mai dernier, « la stratégie française repose d'abord sur l'exemplarité ».
En effet, la crédibilité de la présidence française nécessite de notre part l’affichage d’un certain nombre d’engagements publics en amont de la conférence. Une stratégie publiée après la conférence perdrait de sa portée politique, qui consiste en l’affichage d’une trajectoire d’engagements et son effet d'entraînement auprès des États parties à la conférence Climat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Un délai d’un peu plus d’un an pour élaborer la stratégie française de réduction des soutiens aux énergies fossiles nous semble un peu court. Il s’agit certes d’un choix politique, mais sa mise en œuvre est importante. Une durée de deux ans paraît plus raisonnable.
De surcroît, cette décision relève davantage de la future loi sur la transition énergétique.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Nous avons besoin de temps pour mettre en place cette stratégie, pour réfléchir à ses conséquences économiques, et notamment à ses incidences sur le développement.
En outre, dans le contexte de la préparation de la COP 21, la priorité doit être donnée à la réussite de la négociation internationale, qui représente, comme vous le soulignez avec raison, madame la sénatrice, un enjeu absolument majeur pour la France.
À ce titre, et dans la mesure où la France présidera la prochaine conférence, nous nous devons avant tout d’emprunter la voie de la concertation, d’écouter, avant de prendre un certain nombre de décisions.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 90
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Désormais, dans le cadre des banques de développement multilatérales et régionales dont elle est membre, la France s'oppose à tout nouveau projet de financement de centrale à charbon et de mine de charbon, à l'exception des centrales à charbon équipées d'un dispositif opérationnel de captage et stockage de dioxyde de carbone.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement concerne l’opposition de la France dans les enceintes internationales au financement de centrales à charbon et de mines de charbon.
La lutte contre le changement climatique passe par la réduction et l'arrêt des subventions aux énergies fossiles.
L'engagement annoncé en mars 2013 par le Président de la République de ne plus financer, dans le cadre de sa politique de développement, des centrales à charbon ne concerne que l’AFD, et non les soutiens publics au travers des banques régionales dont la France est membre. L’annonce concernant l’AFD a été pionnière et exemplaire. Mais, depuis, sept autres pays européens – Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Norvège, Suède, Islande –, ainsi que les États-Unis ont annoncé l’abandon de leur soutien aux projets de centrales à charbon à travers leur aide au développement et leur participation aux banques de développement multilatérales, allant ainsi plus loin que la France.
De même, la Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, et la Banque européenne d’investissement, la BEI, ont arrêté de financer les centrales à charbon en 2013.
En tant qu’État administrateur de la Banque mondiale, de la BERD et de la BEI, la France a, de fait, déjà approuvé l’abandon des soutiens publics au secteur du charbon dans chacune de ces trois banques multilatérales.
Dans ce contexte, il est logique de compléter les engagements de la France et de mettre en cohérence son rôle actif au sein des institutions financières internationales avec sa politique de développement et de solidarité internationale. Il s’agit d’éviter que ne se reproduise le soutien français au financement, dans le cadre de la Banque asiatique de développement en décembre 2013, d’une centrale à charbon au Pakistan.
Pour cela, la France doit aujourd’hui s’engager à s’opposer à tout nouveau projet de centrale à charbon ou mine de charbon au sein des trois banques multilatérales et régionales dont elle est membre : la Banque asiatique de développement, la Banque africaine de développement et la Banque interaméricaine de développement.
L’annonce de cet engagement concret de la France en faveur du climat dans le cadre de la promulgation de sa première loi de développement et de solidarité internationale serait un signal positif donné pour la future présidence de la COP 21. Il pourrait, dans la perspective des négociations internationales, avoir un effet d'entraînement sur les autres pays parties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. À entendre Mme Aïchi, on a l’impression qu’elle souhaite supprimer tout financement relatif aux centrales à charbon. Or le texte de l’amendement précise bien « à l’exception des centrales à charbon équipées d’un dispositif opérationnel de captage et stockage de dioxyde de carbone ». J’avoue que je me satisferais de cet objectif. Cela étant, il est difficile de mesurer l’impact de cet amendement. La commission aimerait connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. La position du Gouvernement, relayée par l’administration dans toutes les enceintes internationales, particulièrement au sein des banques multilatérales de développement, est de ne pas soutenir les projets de centrales à charbon, sauf circonstances exceptionnelles. Cette position s’applique de manière homogène et transversale.
La France a ainsi défendu les stratégies récemment adoptées en la matière par la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, fondées sur cette même logique de circonstances rares et exceptionnelles.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Mme Nicole Bricq. Ce serait une sage décision !
M. le président. Madame Aïchi, l'amendement n° 44 est-il maintenu ?
Mme Leila Aïchi. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 94
Compléter cet alinéa par les mots :
, comprenant des normes de qualité de l’eau
II. - Alinéa 95
Rédiger ainsi cet alinéa :
• garantir l’exploitation et la gestion des ressources en eau de manière durable pour les populations locales ;
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement est relatif aux priorités dans le domaine de l’exploitation de l’eau et de l’assainissement.
Les principaux facteurs de crises hydriques sont l’accroissement démographique, la dégradation de la qualité des eaux, l’augmentation de la demande, l’absence de capacité de gestion et le déficit de coopération interétatique.
Dans un contexte où l’eau reste un enjeu majeur du fait des difficultés d’accès, d’une surexposition aux stress hydriques et de l’apparition de conflits d’usages, il est aisé de comprendre que cette ressource est un problème excessivement sensible en matière de développement et de réduction de la pauvreté.
L’utilisation de l’eau doit être gérée de manière holistique pour être en adéquation avec les besoins en ressource, tout en maintenant les divers services que les écosystèmes d’eau douce apportent à la santé, à la stabilité et au développement des communautés. La mise en place de normes strictes en matière de qualité de l’eau est indispensable pour éviter les risques de pollution et de santé publique.
Selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement « 90 % de la population du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord devraient vivre dans des pays affectés par des pénuries d’eau d’ici à 2025 ».
Les tensions autour de l’exploitation de l’eau sont latentes et ont une incidence directe, au même titre que la gestion de cette ressource, sur la stabilité et le développement des pays concernés. Si les seules tensions hydriques sont considérées comme insuffisantes pour mettre en faillite des États fragiles, la combinaison avec des problèmes de pauvreté, de dégradations environnementales et de mauvaise gouvernance contribuera à de fortes instabilités sociopolitiques aux conséquences graves.
Cet amendement vise donc à apporter les précisions nécessaires à l’alinéa 95.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Comme nous l’avions indiqué devant la commission, nous étions déclarés prêts à accepter l’amendement sous réserve d’une modification. Celle-ci n’étant toujours pas intervenue, le Gouvernement maintient son avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur. En réalité, la commission est favorable à cet amendement sous réserve de la modification demandée par le Gouvernement. Il s’agit de remplacer les mots « populations locales », expression non précise, par les mots « pour les utilisateurs ».
M. le président. Madame Aïchi, que pensez-vous de la suggestion de M. Cambon ?
Mme Leila Aïchi. J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 46 rectifié, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :
I. - Alinéa 94
Compléter cet alinéa par les mots :
, comprenant des normes de qualité de l’eau
II. - Alinéa 95
Rédiger ainsi cet alinéa :
• garantir l’exploitation et la gestion des ressources en eau de manière durable pour les utilisateurs ;
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 99
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le groupe AFD encourage les autorités nationales et les sociétés à rendre publics les marchés conclus dans les industries extractives et les infrastructures. Le groupe AFD exige des projets qu’il finance dans les industries extractives, que soit publié le principal marché conclu avec l’État qui énonce les principales dispositions et conditions régissant l’exploitation d’une ressource, ainsi que tout avenant important audit marché. Lorsque le groupe AFD investit dans des projets donnant lieu à la fourniture de services essentiels aux utilisateurs finals, tels que l’alimentation en eau, en électricité, en gaz sous conduite et la fourniture de services de télécommunications à des ménages, dans des conditions de monopole, le groupe favorisera la divulgation de l’information concernant les tarifs demandés aux ménages et les mécanismes d’ajustement desdits tarifs, les normes de qualité de service, les obligations d’investissement, ainsi que la nature et l’ampleur de tout appui fourni par l’État.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. La transparence comptable, le respect des règles fiscales par les entreprises, la lutte des États contre l’évasion fiscale qui diminue d’autant les moyens consacrés au développement, sont des conditions essentielles d’une saine politique publique dans ce domaine.
Dans la mesure du possible, sur le modèle des recommandations de l’OCDE, nous proposons, au travers de cet amendement, de renforcer ces exigences pour les industries extractives et les projets d’infrastructures.
Il s’agirait en l’occurrence de conférer à l’AFD le pouvoir de demander aux entreprises qui bénéficient de son soutien qu’elles rendent publics les marchés et les clauses fiscales des contrats qu’elles ont signés avec les États.
Cette exigence aurait le mérite de souligner l’importance du respect des règles fiscales et de la contribution des entreprises aux finances publiques des pays aidés.
Par ailleurs, cette transparence pourrait également aider les gouvernements de ces pays lorsqu’ils ont la volonté de lutter contre la corruption.
Pour prendre un exemple dans un domaine voisin, dans l’affaire qui a récemment opposé le gouvernement du Niger au groupe Areva, je pense qu’une publicité de cette nature n’aurait pu nuire, loin s’en faut, à ce fleuron de notre industrie. Il s’agissait, sur le fond, de permettre au Niger d’augmenter les recettes fiscales auxquelles il a droit. Je me souviens, madame la secrétaire d’État, qu’en réponse à une question au Gouvernement votre prédécesseur avait admis que les demandes du Niger à l’égard d’Areva étaient légitimes.
Enfin, nous souhaitons également qu’une transparence et des informations très complètes soient exigibles de la part du groupe AFD envers les entreprises qui interviennent dans les secteurs de l’eau, de l’électricité, du gaz et des télécommunications.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Il est défavorable. Cet amendement concerne la publicité des marchés conclus dans les industries extractives. Son champ est extrêmement large et il fait peser sur l’AFD, à l’instar d’un certain nombre d’autres amendements, une charge trop lourde.
La question n’est pas de savoir si une telle disposition est souhaitable – elle l’est –, mais s’il est possible de la mettre en œuvre.
Mme Nicole Bricq. La réponse est non !
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Or il me semble que ce n’est pas possible. Soyons donc raisonnables. La rédaction de l’amendement entraînerait une obligation mal définie et qui me paraît excessive.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Soyons clairs : le groupe AFD ne peut pas publier les contrats auxquels vous faites référence, monsieur le sénateur. Ces marchés sont soumis à des législations locales, et l’AFD n’est pas partie aux contrats qui en découlent.
Le Gouvernement vous suggère de conserver le principe général d’encouragement à la transparence, afin de refléter la volonté de l’AFD sur ce sujet, mais de rédiger ainsi le début de l’alinéa que vous proposez d’insérer : « Le groupe AFD encourage les autorités nationales et les sociétés à rendre publics les marchés conclus dans les industries extractives et les infrastructures, ainsi que tout avenant important audit marché. »
Sous réserve de cette modification, le Gouvernement émettra un avis favorable.
M. le président. Monsieur Billout, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par Mme la secrétaire d’État ?
M. Michel Billout. Oui, par défaut, monsieur le président, car il faut repousser les limites du possible et cette proposition est un premier pas dans la bonne direction…
Mme Nicole Bricq. Attendons la deuxième lecture !
M. André Gattolin. Il n’y en aura pas : c’est une procédure accélérée !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Peut-être conviendrait-il effectivement d’attendre une phase ultérieure pour apporter cette modification.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Le Gouvernement s’efforce de donner une réponse allant dans le sens de la proposition de M. Billout. Mais soyons tout de même attentifs à notre façon de légiférer et ne faisons pas en séance le travail de commission. Attendons donc la commission mixte paritaire.
M. le président. Je propose donc de mettre aux voix l’amendement dans sa version initiale. (Assentiment.)
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 103
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France s’engage aussi à renforcer son soutien au conseil fiscal des Nations Unies dans lequel les pays en développement sont représentés sur un pied d’égalité avec les autres pays pour traiter des questions fiscales internationales.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement a trait au soutien de la France au Conseil économique et social des Nations unies.
En l’absence d’une organisation fiscale mondiale, le Conseil économique et social des Nations unies a créé, il y a quarante ans, un groupe d’experts ad hoc sur la coopération internationale en matière fiscale, chargé de développer des traités internationaux de coopération fiscale, restant ainsi l’espace de gouvernance le plus inclusif au niveau international.
Sur la recommandation de Kofi Annan, l’Assemblée générale des Nations unies a décidé en 2003 de faire de ce groupe ad hoc un comité d’experts sur les questions fiscales, qui se réunit une fois par an à Genève.
Le mandat de ce comité est relativement large. Les pays en développement y ont voix au chapitre et peuvent demander à ce que les enjeux spécifiques aux pays pauvres soient pris en considération, à la différence de ce qui se passe dans les autres forums.
Le G20 est ainsi composé de dix-neuf pays membres ainsi que de l’Union européenne, excluant de facto cent quarante-huit pays du monde. Quant à l’OCDE, souvent présentée comme l’organisation spécialisée en matière fiscale, elle ne réunit que trente-quatre pays riches ou émergents. Si cette dernière multiplie les créations de « forums mondiaux » sur des enjeux spécifiques tels que l’échange d’information ou les prix de transferts réunissant plusieurs dizaines de pays, l’agenda et les positions de ces espaces restent largement maîtrisés par le secrétariat et les pays membres de l’OCDE.
La France se doit donc de renforcer son soutien à cet organisme, et permettre ainsi un élargissement de son mandat et une redéfinition plus ambitieuse de son statut.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Nous n’avons pas trouvé trace de ce « conseil fiscal des Nations unies » qui est mentionné dans l’amendement. Il existe bien un « comité d’experts sur la coopération internationale en matière fiscale », mais il n’est composé que de vingt-cinq membres, qui sont des « experts ». Par conséquent, on ne peut pas prétendre que les pays en voie de développement y sont « représentés sur un pied d’égalité avec les autres pays ».
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 104
Après les mots :
la mise en place d’États
insérer les mots :
stables, pacifiés,
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement vise à mettre en avant les impératifs de sécurité et de stabilité indispensables à tout développement durable.
En effet, alors que les « pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité » sont visés par les partenariats différenciés, la permanence des situations conflictuelles dans certains pays en développement n’est pas suffisamment mise en avant dans le présent projet de loi. Elle est pourtant un frein à tout développement économique et social tel qu’il est visé à l’article 1er.
La fragilisation des structures étatiques intrinsèquement liée à une mauvaise gouvernance et à la corruption doit être comprise dans sa dimension sécuritaire et ainsi être intégrée à la liste des domaines d’intervention.
Alors que le changement climatique et l’égalité homme-femme sont définis comme des priorités transversales, la pacification des tensions sociopolitiques liées aux stress nourriciers, hydriques, énergétiques, sanitaires et économiques doit être mise en avant dans le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La commission émet un avis défavorable.
L’idée de pacification n’a pas nécessairement à voir avec la lutte contre la corruption. En outre, le mot « pacifié » est assez imprécis : le Mali, par exemple, doit-il être considéré comme un pays pacifié ? Au sud peut-être, au nord, je ne sais pas…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 118, troisième phrase
Après le mot :
Sahel
insérer les mots :
et aux pays les moins avancés de l’Afrique subsaharienne
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Ce matin, plusieurs orateurs ont souligné que l’aide directe par la voie de subventions était aujourd’hui bien trop faible. Seulement quelques centaines de millions d’euros, soit une part minime de l’aide publique au développement, sont consacrées aux pays les moins avancés. De fait, ceux-ci n’ont pas accès ou ont très peu accès aux autres formes d’investissement, notamment aux prêts.
Il est assez étonnant que, aux termes du présent texte, la France concentre ses interventions sur les pays du Sahel. C’est un peu comme si, faisant le constat du peu de moyens disponibles, nous choisissions de réduire la liste des pays bénéficiaires plutôt que de nous demander enfin s’il ne conviendrait pas d’accroître l’aide au profit des pays les moins avancés ; car c’est bien la question clé !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Nous vous avons déjà répondu sur ce point !
M. Ronan Dantec. Ce n’est pas de bonne méthode.
Je ne pense pas qu’il soit possible d’affirmer aujourd'hui dans cette loi que des pays comme le Togo, la Centrafrique, pays d’Afrique subsaharienne ne sont pas éligibles à cette enveloppe.
Même si je comprends qu’on accorde la priorité aux pays du Sahel, une priorité que nul ne conteste, j’estime qu’il convient d’ajouter les pays les moins avancés de l’Afrique subsaharienne aux pays du Sahel parmi ceux auxquels la France porte une attention particulière.
En tout cas, je le répète, au-delà de cette question du fléchage des pays prioritaires, il est nécessaire d’augmenter fortement l’aide directe et de revoir la façon de calculer celle-ci. Comme cela a été dit ce matin, à force de mélanger des carottes, des choux et des navets, on perd toute visibilité !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Mon cher collègue, dans l’argumentaire écrit de votre amendement, il est fait référence au document cadre de 2011, alors que le CICID de 2013, qui est désormais la base de notre engagement, a identifié seize « pays pauvres prioritaires ».
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’émet pas d’objection de fond sur cet amendement. Toutefois, il préconise d’éviter tout alourdissement du texte si ce n’est pas indispensable. En effet, il est précisé à l’alinéa 120 du rapport annexé que « l’État concentrera au moins 85 % de son effort financier en faveur du développement en Afrique subsaharienne ». De plus, l’alinéa 224 dispose que la France se fixe comme objectif de consacrer 0,2 % de son revenu national brut à l’aide au développement des PMA.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 122, dernière phrase
Après les mots :
Union pour la Méditerranée,
insérer les mots :
Assemblée parlementaire de la Méditerranée
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. L'Assemblée parlementaire de la Méditerranée – APM –, où siègent l'Assemblée nationale et le Sénat, est une assemblée interparlementaire qui regroupe vingt-six parlements de la région méditerranéenne, dont ceux d’Israël et des territoires palestiniens, ce qui n’est pas le cas de l’Union pour la Méditerranée. L’APM est une organisation interétatique régionale bénéficiant du statut d'observateur auprès de l'Assemblée générale des Nations unies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. C’est un avis partagé et interrogatif…
Je découvre qu’il existe un grand nombre d’assemblées représentant les pays de la Méditerranée. J’ai impression qu’on en compte moins pour représenter les pays bordant la Baltique. (Sourires.)
La commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. L’Assemblée parlementaire pour la Méditerranée joue effectivement un rôle clé dans la région en contribuant au dialogue entre les élus des deux rives de la Méditerranée, en améliorant la transparence du partenariat euro-méditerranéen et en apportant une légitimité démocratique à la coopération régionale.
Le Gouvernement est favorable à l’inclusion de l’APM dans la liste figurant à la fin de l’alinéa 122 et émet donc un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 136
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En outre, à l’instar de l’évaluation réalisée par le groupe indépendant d’évaluation de la Banque mondiale sur les financements de la société financière internationale, le groupe AFD évalue annuellement l’impact sur le développement de son portefeuille de participations dans des fonds d’investissement destinés à mobiliser des financements privés.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. L’évaluation de ce qu’il est convenu d’appeler l’« effet de levier » des financements de l’AFD est une chose complexe, qui conjugue un grand nombre de paramètres.
Dans un texte de cette nature, il convient d’en rester à l’essentiel. Il me semble que les critères minimaux d’évaluation et de mesure de l’effet de levier devraient permettre de répondre à deux questions simples. En premier lieu, cela permet-il de mobiliser des financements privés qui, autrement, n’auraient pas été investis ? En second lieu, est-ce que la part des fonds publics engagés exerce réellement une influence d’ordre politique sur les finalités et les orientations assignées au projet et au fonds ?
Je soulève ces questions, car un rapport publié en 2011 par le groupe indépendant d’évaluation de la Banque mondiale relève clairement que moins de la moitié des projets ont été conçus avec l’objectif d’avoir un réel impact sur une politique de développement.
Cela fait bien ressortir le paradoxe qui existe entre la conception de projets et l’utilisation réelle d’investissements dont la vocation est justement de répondre à des défis que le secteur privé n’est pas en mesure de relever seul ou ne veut pas relever.
L’objet de notre amendement est donc d’encourager le groupe AFD à réaliser ce type d’évaluation de l’impact sur le développement de son portefeuille de participations dans des fonds d’investissement destinés à mobiliser des financements privés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence d’alourdir la charge de travail de l’AFD puisqu’elle aurait alors l’obligation d’évaluer chaque année l’impact sur le développement de son portefeuille de participations dans des fonds d’investissement destinés à mobiliser des financements privés.
Cette proposition pourrait mieux s’insérer dans la programmation des évaluations de la politique de développement sur les actions de Proparco, et non pas dans le projet de loi.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. L’AFD évalue régulièrement la qualité d’exécution des projets et renforce la mesure des résultats, conformément aux décisions du dernier CICID et aux orientations du contrat d’objectifs et de moyens. Toutefois, la mesure d’impact sur le développement nécessite des procédures scientifiques très complexes, et coûteuses, que l’AFD ne peut pas mettre systématiquement en œuvre, notamment dans ce cas de figure.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 87 rectifié bis, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 138
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les évaluations de la politique de développement et de solidarité internationale veillent à prendre en compte les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, soutenu par la commission du développement durable, vise à inscrire dans la loi une des conclusions de la mission commune d’information du Sénat sur l’action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement, mission présidée par Henri de Raincourt et dont la rapporteuse était Kalliopi Ango Ela.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Avis très favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 32 rectifié ter est présenté par MM. S. Larcher, Antiste, Antoinette, Bizet, Vergès, Tuheiava, Vergoz et Cointat, Mme Claireaux, M. Le Menn, Mme Herviaux, MM. J. Gillot, Mohamed Soilihi, Desplan et Guerriau, Mmes Farreyrol et Procaccia et MM. Patient, Laufoaulu, Fontaine, Magras et Revet.
L'amendement n° 60 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Requier, Barbier, Bertrand, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 152
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La politique de développement doit être menée en cohérence avec la place des outre-mer dans leur environnement régional afin de renforcer leur insertion dans cet espace et de ne pas fragiliser leurs économies. L’Agence française de développement, qui intervient à la fois dans les collectivités ultramarines et les pays en développement de leurs voisinages respectifs, s’assure lors de l’instruction de projets dans les pays en développement voisins de ces collectivités que ces deux objectifs sont satisfaits.
La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié ter.
M. Serge Larcher. Le présent amendement fait écho à celui qui a été présenté à l’article 1er et visait à affirmer le principe d’une prise en compte des spécificités et des contraintes des collectivités ultramarines dans la définition et la mise en œuvre de la politique de développement dans des pays de leur voisinage.
Ces politiques de développement et politiques sectorielles appliquées localement, y compris dans les outre-mer, doivent être menées avec cohérence. Cela constituera un gage d’efficacité, alors que certaines contradictions préjudiciables ont pu être dénoncées par le passé.
Ainsi, à plusieurs reprises dans notre hémicycle, dans le cadre de l’adoption de propositions de résolution européenne et, il faut le souligner, chaque fois par un vote à l’unanimité, le Sénat a appelé à cette cohérence et à la prise en compte des spécificités ultramarines dans la conduite des politiques communautaires, qu’il s’agisse de la conclusion d’accords de partenariat économique ou de la pêche.
La politique commune de la pêche, par exemple, comporte des contradictions entre son volet interne et son volet externe : alors que le volet interne proscrit toute aide publique à la construction de navires et encadre de façon drastique les aides à la structuration de la filière, le volet externe conduit l’Union européenne à subventionner le développement du secteur de la pêche dans certains pays voisins de nos territoires.
En mai 2012, l’Union européenne a ainsi conclu avec Madagascar un accord de partenariat de pêche qui prévoyait, outre le versement de 975 000 euros par an au titre du droit d’accès des navires de l’Union européenne aux zones de pêche malgaches, l’attribution de 550 000 euros par an de subventions au développement, et ce en contradiction avec la politique menée à La Réunion.
Il est incompréhensible que l’Union européenne encourage ainsi le développement de la pêche dans des pays potentiellement concurrents, tout en privant la pêche des régions ultrapériphériques d’un soutien équivalent.
Les politiques d’aide au développement, dans certains secteurs qui affectent de plein fouet des productions pivots de nos économies ultramarines, peuvent avoir des effets dévastateurs. Une mise en cohérence est donc indispensable, avec des effets escomptés « gagnant-gagnant », une meilleure intégration régionale de nos outre-mer créant des imbrications qui constituent autant de points d’appui pour développer les solidarités régionales.
En outre, l’AFD joue un rôle clé d’accompagnement des politiques publiques tant dans les outre-mer que dans les pays de leur environnement régional. Il est donc logique que l’Agence s’assure systématiquement, pour chaque projet au financement duquel elle contribue, de cette mise en cohérence.
Notons d’ailleurs que l’encouragement à l’intégration régionale constitue un objectif affiché de la stratégie de l’agence.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 60 rectifié.
M. Yvon Collin. Notre collègue Serge Larcher a excellemment défendu cet amendement de cohérence. En effet, certains projets menés dans une même région peuvent se concurrencer, donnant ainsi lieu à des gaspillages d’argent public, et, pis, avoir des impacts négatifs sur l’économie locale.
Le projet de loi pose la cohérence comme un principe fondateur de la politique d’aide au développement. Ce principe doit être parfaitement assuré en outre-mer lors de l’instruction des projets. L’adoption de cet amendement contribuera à cette cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La commission a émis un avis favorable sur le principe de ces amendements, car ils tendent à ce que la politique de développement soit menée en cohérence avec la place des outre-mer dans leur environnement régional.
C’est la seconde phrase de ces amendements qui nous a posé problème, car elle oblige l’AFD à s’assurer, pour tous les projets menés dans les pays voisins d’une collectivité ultramarine, qu’ils renforcent leur insertion régionale et qu’ils ne fragilisent pas leur économie. Il nous a semblé que cette obligation serait particulièrement lourde pour l’AFD et que, de surcroît, elle pourrait soulever un certain nombre de difficultés d’interprétation en ce qui concerne l’objectif de renforcement de l’insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement. Par exemple, un projet qui serait neutre de ce point de vue devrait-il être rejeté ?
Au demeurant, la notion de fragilisation de l’économie a aussi une portée relative, notamment dans le temps.
Quoi qu'il en soit, la commission émettra un avis favorable sur ces amendements à condition que la seconde phrase du texte proposé soit supprimée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Je l’ai dit lors de la discussion générale, je tiens particulièrement à ces amendements, ayant moi-même constatée les difficultés posées par des financements de l’AFD portant sur des projets qui intéressaient, d'une part, les outre-mer, d'autre part, les pays du même bassin maritime. Nous voulons une politique cohérente, et elle doit l’être jusqu’au bout. La conciliation entre les programmes de l’AFD destinés à aider les outre-mer et ceux qui concernent les pays en développement doit absolument être réalisée.
C’est pourquoi je souhaite que soient maintenues les deux phrases qui composent l’alinéa proposé. En effet, la première ne règle pas toute la problématique de l’environnement régional. C’est à l’AFD de s’assurer que les deux types de programmes n’entrent pas en concurrence et n’occasionnent aucun effet négatif, ni dans les outre-mer ni dans les pays en développement.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 rectifié ter et 60 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 153, cinquième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
La France s’engage à promouvoir et à participer à la prévention des conflits et au maintien de la paix à travers l’échelon européen conformément aux missions définies par le Traité sur l’Union européenne. Elle contribuera à définir au niveau bilatéral, européen et international, des mécanismes de prévention adaptés aux causes multidimensionnelles concourant, aujourd’hui, à la fragilisation des structures étatiques.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Ces dispositions visent à instaurer des actions de prévention des conflits et de maintien de la paix à l’échelon européen.
La politique de prévention et de résolution des crises, composante de la politique étrangère et de sécurité commune, a déjà été mise en place à plusieurs reprises : en Indonésie, au Kenya, aux Philippines, en Birmanie, ou pour normaliser les relations entre la Serbie et le Kossovo.
Ces démarches, dans des crises ou des conflits de nature extrêmement différente, ont eu des issues diverses. Toutefois, elles ont parfois contribué à établir un climat de confiance entre les antagonistes et favorisé les négociations débouchant sur des solutions politiques. Elles se sont souvent accompagnées de mesures tendant à rétablir un État de droit : formation d’une police et d’une justice parallèlement à l’existence d’une administration.
La mise en avant de l’échelon européen, notamment à travers les articles 42 et 43 du traité sur l’Union européenne – ceux-ci définissent les actions conjointes, telles que les missions de prévention des conflits, de maintien et de rétablissement de la paix, ainsi que de stabilisation –, répond au principe d’aide différenciée en direction des pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité visé aux alinéas 124 et 125 du rapport annexé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Mme Aïchi anticipe sur deux éléments : la réduction des crédits militaires et la mise en place de l’Europe de la défense. Ni l’un ni l’autre, je l’espère – et surtout pas le premier –, n’est à l’ordre du jour. Pour ce qui est de l’indépendance de la politique française en matière de défense, voire de prévention des conflits, il me semble qu’il n’est pas nécessaire de passer obligatoirement par le niveau européen.
Telle est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 153
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Conformément aux principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, la France transposera dans le droit national des règles de diligence raisonnable, applicables en particulier dans les secteurs à risques et susceptibles d’avoir une incidence négative sur les droits humains, l’environnement et la santé. La France s’appliquera à prendre ces mesures dans un délai raisonnable.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Les principes directeurs des Nations unies, dans un grand élan de générosité, reconnaissent et encouragent la contribution que les entreprises multinationales peuvent apporter au développement. Les Nations unies leur confèrent aussi, eu égard à leurs activités au niveau local, la vocation de favoriser une contribution efficace au progrès économique, environnemental et social des pays dans lesquels elles sont implantées.
Ces principes soulignent que l’efficience de la coopération internationale peut être accrue si l’on aborde les questions concernant l’investissement international et les entreprises multinationales avec des instruments de régulation indépendants.
C’est, entre autres, pour de telles raisons qu’est préconisée l’application de ce qu’on appelle la « diligence raisonnable » dans les chaînes de décision des multinationales. Cette expression désigne, en résumé, un processus de prise de décision de nature à limiter les risques de toutes sortes.
Au-delà de ces abstractions et de ces constructions juridiques internationales, il nous paraît utile d’inscrire dans la loi que notre politique d’aide au développement s’inspire aussi de ces principes qui prétendent à l’universalité.
Nous proposons donc que le Gouvernement s’attache à étudier les modifications législatives nécessaires à l’application de ces règles de diligence raisonnable dans le droit français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Cet amendement nous apparaît de portée tout à fait incertaine et vague. Du reste, le droit français contient déjà de nombreuses mesures qui entreraient dans son champ.
Par conséquent, la commission suggère le retrait de cet amendement, qui est déjà satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Billout, l'amendement n° 14 est-il maintenu ?
M. Michel Billout. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.
L'amendement n° 15, présenté par M. Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 162
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Afin de favoriser le recours à la médiation en cas de mauvaises pratiques d’une entreprise française dans un pays en développement, la France œuvrera à renforcer l’efficacité du Point de contact national français pour la mise en œuvre des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales. À cet effet, une réforme de cette instance sera entreprise afin d’y associer les acteurs de la société civile et de garantir un contrôle parlementaire sur son fonctionnement.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Dans le cadre de la contribution des acteurs privés multinationaux aux politiques de développement, ce texte a pour objet de cadrer précisément la responsabilité desdits acteurs.
Pour notre part, nous souhaitons également favoriser les possibilités de médiation dans le cas où une entreprise française serait mise en cause pour ses mauvaises pratiques dans un pays dans lequel elle intervient.
Un tel dispositif est prévu, puisqu’il existe dans chaque pays qui a adhéré aux fameux principes directeurs de l’OCDE édictés à l’intention des multinationales ce que l’on appelle un « Point de contact national », chargé de promouvoir et de diffuser ces principes et de répondre, s’il y a lieu, à des saisines pour non-respect de ceux-ci.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme recommande, dans un avis d’octobre 2013, d’associer des experts indépendants aux travaux du Point de contact français et de mettre en place un dialogue ordonné avec des représentants de la société civile.
La CNCDH propose en outre de mettre en œuvre un certain nombre de mesures de nature à renforcer l’accessibilité, la transparence de fonctionnement, la visibilité, ou tout simplement l’efficacité de notre point de contact. À cette occasion, le Parlement pourrait également mieux exercer son contrôle, puisqu’il en est désormais partie prenante.
Je sais qu’une réforme en ce sens du Point de contact est actuellement en gestation. Notre collègue Nicole Bricq, lorsqu’elle était ministre du commerce extérieur, s’y était engagée. Toutefois, il ne me semble pas inutile d’y faire référence dans ce texte qui donne sa légitimité législative aux principes et aux grandes orientations de notre politique d’aide au développement.
Cet amendement vise donc à associer les acteurs de la société civile aux travaux du Point de contact national et à garantir un contrôle effectif du Parlement sur le fonctionnement de cet organisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Le présent amendement tend à réformer le Point de contact national pour y associer les acteurs de la société civile et garantir un contrôle parlementaire sur son fonctionnement.
Ces objectifs sont certes louables, mais le Point de contact a justement révisé son règlement intérieur. Parallèlement, le Gouvernement a mis en place une instance de réflexion plus large sur la responsabilité des entreprises.
Dans ces conditions, on peut se demander s’il est préférable de conserver le format actuel du Point de contact ou s’il faut le modifier. C’est la raison pour laquelle la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement confirme son attachement au Point de contact national, qui a été profondément renouvelé depuis 2012, puis renforcé et institutionnalisé en mars 2014, sur l’initiative de Nicole Bricq, en lien avec les acteurs de la société civile.
Ces changements donnent des résultats. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de s’engager dans une nouvelle réforme.
À ce stade, madame la sénatrice, nous souhaitons que vous retiriez votre amendement. À défaut, nous émettrons un avis défavorable.
M. le président. Madame Demessine, l'amendement n° 15 est-il maintenu ?
Mme Michelle Demessine. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 83 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 167
Compléter cet alinéa par les mots :
telles que celles mentionnées au III de l’article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. L’Assemblée nationale a inséré dans le texte l’obligation pour l’AFD d’inclure, dans les marchés qu’elle finance, une clause relative à la transparence des entreprises participantes. L’alinéa visé faisait initialement référence aux dispositions de la loi bancaire concernant la publication d’informations en matière de transparence. La commission des affaires étrangères a supprimé cette référence, ce qui me semble tout à fait dommageable. En effet, si l’on a adopté une loi bancaire extrêmement précise, c’est pour s’en inspirer !
Le présent amendement tend donc à réintroduire cette référence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La commission est évidemment très réservée sur cet amendement, qui soulève une difficulté dans la mesure où la loi bancaire française n’est pas encore entrée en vigueur en France, car il doit préalablement y avoir une directive européenne. Nous ne pouvons donc pas faire appliquer cette loi à l’étranger par l’AFD.
Par ailleurs, la loi bancaire concerne les grandes entreprises internationales. De plus, elle renvoie à un décret en Conseil d’État qui fixe un seuil d’application. Or ce décret n’a pas été publié.
Si cet amendement était adopté, nous obtiendrions le résultat suivant : l’AFD serait conduite à demander à toutes les entreprises qui répondent à ses appels à projets des informations sur leurs filiales à l’étranger, telles que le nom de leur implantation, la nature de leurs activités, leur chiffre d’affaires, leurs effectifs en équivalents temps plein, leur bénéfice, leur perte avant impôts, le montant de leurs impôts, etc. Cela aboutirait clairement à une disproportion entre la demande ainsi faite aux entreprises et l’objet de la politique menée en matière de développement.
Pour tous ces motifs, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Cet amendement permet de préciser l’origine des dispositions auxquelles fait référence l’alinéa 167, à savoir la loi bancaire. L’AFD est en mesure de répondre à ce niveau d’exigence sans risque juridique, même si l’on craignait dans un premier temps que ce ne soit impossible pour elle. C’est pourquoi il nous semble très important de conserver l’alinéa tel qu’il avait été prévu, notamment les références aux dispositions de la loi bancaire votée en France.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 167
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France conduit une politique d'influence à l'échelle européenne et mondiale pour que soient promus les principes qu'elle applique à ses banques et entreprises en termes de transparence financière et fiscale, de façon à garantir la lutte contre les dérives financières et notamment la lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment des capitaux.
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. L'adoption de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a fait de la France un pays en pointe sur la question de la transparence financière de ses banques et entreprises.
Cet amendement tend à mettre en avant ce progrès en appelant l'État à conduire une politique d'influence pour étendre ces avancées en termes de transparence financière et fiscale à tous les secteurs d'activité au niveau européen et mondial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La commission émet un avis très favorable sur cet amendement, dont la rédaction est simple est claire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve d’une légère modification : il s’agirait de remplacer les mots « qu’elle applique à ses banques et entreprises » par les mots « qu’elle a inscrits dans la loi pour les banques et les entreprises ». Cette rectification permettrait de clarifier le sens de la phrase et la nature des principes auxquels il est fait référence.
M. le président. Monsieur Roger, que pensez-vous de la suggestion de Mme la secrétaire d’État ?
M. Gilbert Roger. J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 167
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France conduit une politique d'influence aux échelles européenne et mondiale pour que soient promus les principes qu'elle a inscrits dans la loi pour les banques et les entreprises en termes de transparence financière et fiscale, de façon à garantir la lutte contre les dérives financières et notamment la lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment des capitaux.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Collin, Hue, Baylet, Requier, Barbier, Bertrand, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 174
Après le mot :
soutient
insérer les mots :
au niveau européen
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement concerne le reporting pays par pays. Cette méthode, défendue à l’origine par les organisations non gouvernementales, a depuis été encouragée par les grandes institutions. On ne peut que s’en réjouir, car il n’est plus tolérable que des multinationales se soustraient à leurs responsabilités fiscales. Beaucoup d’entre elles organisent l’évasion de recettes fiscales dont elles devraient être théoriquement redevables et entravent ainsi le processus de développement de nombreux pays.
Nous connaissons tous ici la force du lien entre fiscalité nationale et développement. Le financement indépendant d’infrastructures dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de l’aménagement du territoire, entre autres, est la condition d’un développement harmonieux et profitable au plus grand nombre. Actuellement, par exemple, plusieurs pays d’Afrique cherchent à instaurer une couverture sanitaire universelle. Cette ambition nécessite une garantie de financement pérenne, chacun le comprend.
La France promeut depuis plusieurs années cette exigence indispensable de responsabilité des entreprises. Dans le contexte des discussions relatives à la directive européenne CRD IV, nous avons adopté l’année dernière un dispositif dans ce domaine, au titre de la loi bancaire. Il faut désormais aller plus loin pour l’étendre à toutes les entreprises.
Il me semble que ce combat doit être mené non seulement à l’échelon national mais aussi au niveau européen, pour avoir davantage d’impact. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La commission est évidemment favorable au reporting pays par pays. Néanmoins, il se trouve qu’une directive européenne l’a déjà mis en œuvre pour l’ensemble des États de l’Union.
Par ailleurs, rien n’est précisé, dans le présent amendement, au sujet du reste du monde. Peut-être eût-il fallu en étendre la portée à cette échelle pour garantir, comme nous le souhaitons, cette transparence dans tous les pays.
Quoi qu’il en soit, tel qu’il est rédigé, cet amendement est inutile, car il est déjà satisfait par une directive. La commission en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. À ce jour, il n’existe effectivement aucune instance internationale en mesure d’assumer cette mission de reporting : elle n’est garantie qu’au niveau européen. Cela étant, le Gouvernement est favorable à cet amendement, que l’on peut considérer comme un amendement de précision.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Mes chers collègues, dans ce jeu de ping-pong, je veux savoir où se situe la vérité : un reporting au niveau européen est-il déjà prévu dans les textes ? Dans l’affirmative, cet amendement n’a pas lieu d’être. Dès lors, je ne comprends pas que le Gouvernement y apporte son soutien !
Pour ma part, je n’ai rien contre M. Collin, au contraire…
M. Yvon Collin. Il ne s’agit pas de moi mais de mon amendement !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Vous comprendrez aisément, cher collègue, que je n’aie aucune raison objective de soutenir un amendement qui est déjà satisfait. D’ailleurs, ce qui m’étonne, c’est que vous le mainteniez si tel est le cas !
M. Yvon Collin. Mais je n’ai encore rien dit ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Ne le prenez pas ainsi, monsieur Collin : je m’adressais à vous en toute sympathie ! Je voulais simplement savoir à quoi m’en tenir.
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 57 est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 57 est retiré.
L'amendement n° 75 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 183, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Dans ce domaine, la valorisation du patrimoine matériel et immatériel des pays en développement et la préservation de la diversité culturelle sont une priorité de la politique française, en lien avec les organisations internationales, les instances de la francophonie, les organismes culturels présents dans ces pays, les actions portées par les coopérations décentralisées, et les acteurs de la société civile.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, que soutient la commission du développement durable, tend, dans la droite ligne de ceux que j’ai précédemment présentés, à faire reconnaître le volet culturel du développement durable. Il s’agit d’affirmer que la politique de développement de la France doit veiller à la valorisation du patrimoine matériel et immatériel des pays en développement et permettre la préservation de leur diversité culturelle.
Mes chers collègues, si vous le souhaitez, je peux vous relire l’ensemble des articles de la déclaration de « Rio+20 » qui sont en lien avec ces questions,…
M. Christian Cambon, corapporteur. Je vous en prie ! (Sourires.)
M. Robert del Picchia. Non !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Sans façons !
M. Ronan Dantec. … mais je peux aussi m’en tenir là ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 202
Compléter cet alinéa par les mots :
, et leur coopération
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Toujours avec le soutien de la commission du développement durable, je propose que la politique de développement et de solidarité internationale de la France non seulement promeuve le développement des organisations de la société civile au Nord comme au Sud, mais encore encourage leur dialogue et leur coopération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 211
Compléter cet alinéa par les mots :
, et participant au rapprochement des sociétés civiles
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Avec cet amendement, qui a également reçu le soutien de la commission du développement durable, il s’agit de cibler l’action des collectivités territoriales françaises, qui doit permettre une approche territoriale en matière de développement et de solidarité internationale et donc encourager le dialogue et le rapprochement entre les sociétés civiles du Nord et du Sud.
Nous avons consacré un long débat à la nécessité d’assurer une cohérence entre l’action nationale et celle des collectivités territoriales. Ces deux amendements successifs offrent un bel exemple de cohérence !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Cet amendement tend à reprendre une idée figurant déjà dans le précédent. Mieux vaut, à mon sens, éviter les redondances. Aussi, j’en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 33 rectifié ter est présenté par MM. S. Larcher, Antiste, Antoinette, Vergès et Vergoz, Mme Procaccia, MM. Mohamed Soilihi et Le Menn, Mme Herviaux, MM. J. Gillot, Tuheiava, Patient, Cointat et Guerriau, Mme Claireaux, M. Desplan, Mme Farreyrol et MM. Bizet, Laufoaulu, Fontaine, Magras et Revet.
L'amendement n° 61 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Requier, Barbier, Bertrand, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 212
Après le mot :
internationale
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, rôle qui contribue à renforcer l’efficacité de cette politique ainsi que l’intégration régionale des collectivités concernées. Lorsqu’un programme d’aide ou un projet de développement est envisagé dans l’environnement régional d’une collectivité ultramarine, le Gouvernement ou les collectivités qui portent le projet informent la collectivité concernée pour bénéficier de son expertise et cherchent à l’associer à la définition et à la mise en œuvre de ce programme ou ce projet.
La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié ter.
M. Serge Larcher. Le présent amendement tend à faire des collectivités ultramarines, chaque fois que cela paraît pertinent, des partenaires locaux de la politique de développement et de solidarité internationale.
Par leur connaissance concrète des contraintes de leur environnement et leur proximité culturelle avec leur voisinage, les outre-mer sont à même de jouer un rôle de « bases avancées ». En résultera un double bénéfice : d’une part, l’optimisation de l’efficacité de la politique de développement ; d'autre part, le renforcement de l’intégration des outre-mer dans leur environnement régional.
Je ne prendrai qu’un seul exemple : celui du séisme qui a ravagé Haïti en janvier 2010. Le dispositif d’intervention aéromobile positionné aux Antilles a permis une intervention moins de vingt-quatre heures après cette catastrophe. Les territoires antillais, la Martinique au premier chef, ont bien joué ou rôle de base avancée durant cette phase de première urgence.
Dans ces situations extrêmes, on pourrait concevoir un recours accru aux collectivités et aux populations de la zone concernée, qui sont familières de la gestion des crises provoquées par une catastrophe naturelle, notamment par les secousses sismiques. J’ajoute qu’elles partagent la culture et, parfois, la langue – c’est le cas avec Haïti – des peuples voisins.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour défendre l’amendement n° 61 rectifié.
M. Yvon Collin. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. La rédaction de ces amendements pose un problème. En effet, si on les lit attentivement, on comprend que, lorsqu’un projet est envisagé dans l’environnement régional d’une collectivité ultramarine, le porteur du projet doit informer la collectivité et chercher à l’associer à sa définition et à sa mise en œuvre. Fort bien ! On conçoit l’esprit de cette disposition, mais elle n’est pas praticable en l’état. En effet, se dressent au moins deux difficultés.
Premièrement, que recouvre « l’environnement régional » ? Englobe-t-il, pour la Martinique et la Guadeloupe, toutes les îles des Caraïbes, tous les pays d’Amérique centrale et du Sud ? S’étend-il, pour La Réunion, aux côtes méridionales et orientales de l’Afrique ?
Deuxièmement, de quelles collectivités s’agit-il ? Quelles sont celles qui devront être informées et consultées ? La région ? Le département ? Une partie des communes ou l’ensemble de celles-ci ?
Par exemple, si la ville de Rennes veut creuser des canaux d’irrigation pour le développement rural à Madagascar, devra-t-elle informer et chercher à associer la région de La Réunion, les départements de La Réunion et de Mayotte, ou toutes les communes composant ces deux territoires ? Si un projet est envisagé en République dominicaine, consultera-t-on les deux régions et les départements de Martinique et de la Guadeloupe, ainsi que les soixante-six communes de ces territoires, sans compter les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ?
En d’autres termes, une telle mesure risque d’alourdir les procédures, voire d’empêcher in fine la réalisation des projets de développement, ce qui n’est évidemment pas le but des auteurs des amendements.
De surcroît, une telle disposition ferait dépendre l’action internationale du Gouvernement et des collectivités locales de la volonté des collectivités ultramarines, ce qui contrevient au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Pour ces raisons, il nous semble que ces amendements peuvent être retirés, quitte à être par la suite repris dans une rédaction différente.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Lorsque a été examiné l’alinéa 9 de l’article 9, nous avons évoqué la question de la cohérence, soulignant qu’il fallait faire en sorte que l’ensemble des collectivités métropolitaines se parlent, qu’elles s’informent mutuellement des projets qu’elles mènent, de leur localisation et du calendrier de leur mise en œuvre, afin d’éviter les contradictions ou les doublons entre des projets intéressant un même territoire. Le Sénat s’est prononcé unanimement en ce sens.
M. Gilbert Roger. C’est désormais réglé !
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Ici, il s’agit exactement du même enjeu : le présent amendement tend à tisser les mêmes liens et à garantir la même cohérence pour les collectivités d’outre-mer.
Monsieur Serge Larcher, vous avez cité Haïti. Tous les bilans le font aujourd’hui ressortir : associer la Martinique aurait permis une réaction beaucoup plus performante, parce qu’il existe un réseau, une culture commune. (M. Serge Larcher acquiesce.) La Martinique et la Guadeloupe doivent être associées, voire informées dès qu’un projet est lancé dans les Caraïbes. Elles peuvent toujours être à même de mettre un réseau à disposition !
M. le rapporteur émet un doute concernant le périmètre des collectivités concernées. Peut-être faut-il que nous travaillions davantage la question des moyens d’information, pour savoir qui est directement connecté à tel ou tel projet.
Cela étant, à mon sens, il est possible de conserver cet amendement en l’état, à condition d’en retirer les derniers mots : « et cherchent à l’associer à la définition et à la mise en œuvre de ce programme ou ce projet ».
Je comprends les réserves exprimées par la commission : les collectivités métropolitaines ne devront pas avoir pour obligation d’associer les collectivités ultramarines. En revanche, il est possible de les associer à la définition et à la mise en œuvre de ces programmes. Au surplus, l’information est nécessaire ! Ces collectivités d’outre-mer pourront ainsi être associées, si elles le souhaitent. Mais ce serait peut-être aller trop loin que d’imposer une coopération.
Si les auteurs de ces amendements acceptent cette modification, le Gouvernement émettra un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur. Sous réserve de cette suppression, qui permettrait d’alléger singulièrement le dispositif proposé, la commission émettra un avis favorable.
M. le président. Monsieur Serge Larcher, que pensez-vous de la suggestion de Mme la secrétaire d’État ?
M. Serge Larcher. J’y souscris, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Et vous, monsieur Collin ?
M. Yvon Collin. Je fais de même, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 33 rectifié quater est présenté par MM. S. Larcher, Antiste, Antoinette, Vergès et Vergoz, Mme Procaccia, MM. Mohamed Soilihi et Le Menn, Mme Herviaux, MM. J. Gillot, Tuheiava, Patient, Cointat et Guerriau, Mme Claireaux, M. Desplan, Mme Farreyrol et MM. Bizet, Laufoaulu, Fontaine, Magras et Revet.
L'amendement n° 61 rectifié bis est présenté par MM. Collin, Baylet, Requier, Barbier, Bertrand, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 212
Après le mot :
internationale
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, rôle qui contribue à renforcer l’efficacité de cette politique ainsi que l’intégration régionale des collectivités concernées. Lorsqu’un programme d’aide ou un projet de développement est envisagé dans l’environnement régional d’une collectivité ultramarine, le Gouvernement ou les collectivités qui portent le projet informent la collectivité concernée pour bénéficier de son expertise.
Je les mets aux voix.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 229, après la troisième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
La France s’abstient à l’avenir de notifier comme aide publique au développement, au sens de la définition du Comité d’aide au développement de l’OCDE, des prêts ne respectant pas la définition stricte du caractère de concessionalité. Sera ainsi exclu de la notification au CAD tout prêt octroyé dont le taux de crédit est supérieur ou égal au taux auquel les institutions françaises empruntent préalablement sur les marchés financiers.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement tend à comptabiliser certains prêts au titre de l’aide publique au développement française.
La France doit se conformer strictement aux recommandations du comité d’aide au développement de l’OCDE, auxquelles elle est liée en matière de notification et de concessionalité de son aide pour le développement.
Dans ce cadre, les prêts accordés aux pays à faibles revenus ne doivent pas conduire ceux-ci à se surendetter. Il est important de faire cesser la pratique consistant à octroyer des prêts aux pays pauvres à des taux supérieurs à ceux auxquels les institutions françaises, en particulier l’AFD, ont accès sur les marchés financiers, et à les comptabiliser au titre de l’aide publique au développement.
La France se doit d’être exemplaire quant au respect du principe de concessionalité des prêts qu’elle octroie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Il s’agit là d’une grave question : celle du rapport entre les prêts et les dons et du niveau des taux d’intérêt.
Je signale que la concessionalité suscite un vif débat au sein de l’OCDE et que cette dernière a publié, en 2013, une annexe relative à ce sujet dans sa publication consacrée à l’aide publique au développement. Les points de vue des États en la matière sont profondément divergents. Des discussions devraient permettre de mieux définir la notion d’aide publique au développement et la manière dont elle est comptabilisée par les pays.
À ce stade, il n’est pas opportun d’anticiper sur le résultat de ces débats ou de préempter leurs conclusions. Voilà pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 80 rectifié bis, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 231
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La capacité de prêt direct de l’AFD à des collectivités territoriales du Sud, notamment aux villes, est un outil précieux, dont peu de pays disposent, qui permet d’accompagner de manière privilégiée le développement durable dans les pays en développement et peut s’appuyer sur la capacité d’expertise forte des collectivités territoriales et des entreprises françaises en la matière.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est, une fois encore, soutenu par la commission du développement durable.
L’AFD peut accorder des prêts directs à des collectivités territoriales du Sud, y compris sans garantie de l’État, donc des prêts dits « non souverains », si la législation locale et la situation financière de la collectivité le permettent. Les exemples de tels prêts sont nombreux.
Le présent amendement tend à souligner le caractère précieux de cet outil pour accompagner le développement urbain dans les pays en développement, et l’atout que peut constituer l’expertise des collectivités territoriales et des entreprises françaises en la matière.
Il s’agit véritablement d’une spécificité française, les autres banques de développement ne procédant pas de même. Il me semble important d’introduire cette précision dans le texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Monsieur Dantec, la commission souhaite que vous supprimiez de votre amendement les mots « est un outil précieux, dont peu de pays disposent, » : ces termes sont très poétiques, mais ils ne méritent pas réellement de figurer dans la future loi. Ils ne sont guère juridiques ! Si vous acceptiez une telle rectification, la commission serait alors favorable à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Sous réserve de la rectification souhaitée par la commission, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Monsieur Dantec, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?
M. Ronan Dantec. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 80 rectifié ter présenté par M. Dantec et ainsi libellé :
Alinéa 231
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La capacité de prêt direct de l’AFD à des collectivités territoriales du Sud, notamment aux villes, permet d’accompagner de manière privilégiée le développement durable dans les pays en développement et peut s’appuyer sur la capacité d’expertise forte des collectivités territoriales et des entreprises françaises en la matière.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Billout, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 234
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La France s’engage à expérimenter l’échange automatique avec les pays en développement engagés dans une démarche de transparence, en acceptant de leur livrer les informations qui leur sont nécessaires sur leurs contribuables en France, sans exiger de réciprocité immédiate.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Dans le cadre de la contribution de la France à la lutte contre l’évasion fiscale dans les pays en développement, nous souhaitons, par le biais de cet amendement, proposer un dispositif expérimental et innovant. Certes, j’en suis conscient, celui-ci risque de contrevenir au droit international en vigueur en la matière ; toutefois, selon moi, le débat doit être engagé sur cette importante question.
Nous le savons, l’OCDE travaille sur un modèle d’échange automatique d’informations beaucoup plus efficace pour détecter la fraude et l’évasion fiscales. Or de nombreux membres du G20 et de l’OCDE considèrent que les pays en développement ne sont pas en mesure d’y participer. Ils estiment en effet que les critères en matière d’exigence de confidentialité des données et de réciprocité constitueraient pour ces pays des obstacles impossibles à surmonter. Il en va un peu de même pour l’AFD, qui connaît de nombreuses limites.
Une telle mise à l’écart de ces avancées des pays en développement est paradoxale, car elle risquerait d’être comprise par ces derniers au contraire comme une incitation à devenir eux-mêmes des paradis fiscaux.
Ainsi, par exemple, la Gambie fait la promotion de son territoire arguant du fait qu’elle est l’un des seuls pays au monde à n’avoir pas signé d’accord FATCA avec les États-Unis, ou bien encore le Kenya ou le Cap Vert tentent de devenir des centres financiers offshore.
À l’instar des règles commerciales qui ont pu donner lieu à la mise en place de mesures ad hoc pour les pays les moins avancés, nous proposons que les conventions fiscales puissent prévoir un échange automatique d’informations qui fonctionnerait, dans un premier temps, à sens unique, afin de fournir aux pays en développement les données utiles sur leurs contribuables ayant des comptes ou des activités en France.
Les besoins de l’administration fiscale française concernant les contribuables français dans ces pays pourraient d’ailleurs se révéler bien moins importants que l’inverse.
Enfin, au-delà des enjeux en termes de renforcement des capacités des administrations fiscales pour traiter l’ensemble des données reçues, il nous semble que la simple annonce, par la France, de ce type de coopération dérogatoire en matière d’échange automatique aurait un effet d’entraînement et serait fortement dissuasive.
Mme Nicole Bricq. Mais non !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Cet amendement tend à ce que la France s’engage à expérimenter l’échange automatique d’informations avec certains pays dans le domaine fiscal, en acceptant de leur livrer des données sans exiger de réciprocité.
L’évaluation de l’incidence d’une telle mesure étant difficile, la commission souhaite que le Gouvernement l’éclaire sur cette proposition, dérogatoire au droit international.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. La France est déjà très impliquée dans la coopération fiscale. L’échange automatique d’informations ne correspond pas aux besoins des pays en développement, lesquels recherchent plutôt des échanges sur demande,…
Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. … auxquels la France répond sans restriction.
Le processus d’échange automatique est par ailleurs très complexe et ces pays n’ont pas l’équipement adéquat. Nous leur imposerions des contraintes insurmontables. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet, Requier, Barbier, Bertrand, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 239
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France soutient également les organisations qui procèdent à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement, avec la mission explicite de générer un impact sociétal tout en assurant leur pérennité économique. Ces investissements ciblent des organisations de toute nature avec un objectif d’intérêt général auquel est subordonné l’objectif financier, des initiatives d’économie inclusive, des initiatives d’entrepreneuriat social ainsi que des entreprises solidaires de développement.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. La politique d’aide au développement doit aujourd’hui s’adapter à la place prépondérante des financements privés. C’est l’objet, notamment, de l’alinéa 239 du rapport annexé à l’article 2.
Cet amendement vise à compléter ce texte en y insérant les notions d’impact sociétal et d’économie inclusive, sans pour autant leur conférer, à ce stade, une portée normative.
Les entreprises françaises sont en effet de plus en plus nombreuses à promouvoir, dans les pays où elles s’implantent, des démarches d’intérêt général au service de la population ou de l’environnement. Pour mettre en œuvre ces dernières, elles peuvent s’associer à des acteurs de terrain qui partagent avec elles une vision commune.
Je citerai, par exemple, le cas de l’entreprise Danone qui s’est associée avec Muhammad Yunus, le célèbre économiste bangladais, ancien prix Nobel de la paix. Leur association a permis la naissance d’une usine de yaourts au Bangladesh, contribuant à la fois au développement de l’emploi local et à la production d’un yaourt adapté aux carences nutritionnelles des enfants du pays. L’entreprise a un but social, mais, pour le poursuivre, elle doit garantir la pérennité financière du projet. Elle peut être ainsi amenée à se doter d’un financement particulier. En l’occurrence, le groupe Danone a lancé la SICAV danone.communities.
De telles initiatives s’inscrivent dans le cadre de notre diplomatie économique et diffèrent des actions philanthropiques classiques comme de celles qui sont liées à la responsabilité sociale et environnementale.
Par le présent amendement, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous entendons distinguer, au sein de l’ensemble des flux de financements privés contribuant au développement, ces démarches très porteuses sur le terrain et également très positives pour l’image de nos entreprises.
Je vous propose donc d’adopter cet excellent amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Je préfère nettement votre explication orale, mon cher collègue, à la rédaction de votre amendement. La commission n’est pas tombée sous le charme de l’expression « les organisations qui procèdent à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement, avec la mission explicite de générer un impact sociétal tout en assurant leur pérennité économique. » C’est pourquoi elle vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, encore que les intentions que vous avez invoquées soient excellentes.
M. Yvon Collin. Je ne comprends pas, habituellement le charme opère ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement souscrit à cet amendement, qui vise à compléter opportunément l’alinéa 239 consacré à l’impact des financements privés en termes de développement durable et au rôle catalyseur que peuvent jouer les pouvoirs publics pour les optimiser.
Les entreprises françaises présentes à l’international comme des entreprises du Sud sont de plus en plus nombreuses à promouvoir des démarches d’intérêt général sur les territoires où elles s’implantent. Le présent amendement m'apparaît comme un véritable message d’encouragement aux entreprises françaises. Le Gouvernement le soutient donc.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je souhaitais simplement rappeler que, tout à l'heure, nous avions substitué aux termes « pays du Sud » les mots « pays partenaires ».
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 242
1° Deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, à condition de renforcer les règles fiscales, sociales, environnementales et les obligations en matière de respect des droits humains, auxquelles ils sont soumis
2° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
La France en assure l’efficacité en conditionnant son soutien apporté à des investissements privés dans les pays du Sud, au travers de ses opérateurs, à des exigences strictes en termes de responsabilité sociale, environnementale, fiscale et de respect des droits humains. La France soutient aussi les efforts des États pour mesurer la dépense fiscale associée aux exemptions accordées aux investisseurs et encourage une utilisation raisonnée des incitations fiscales.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. L’augmentation massive des flux d’investissements privés vers les pays en développement ne se traduit pas systématiquement par une amélioration des conditions de vie des populations et par un recul de la pauvreté et des inégalités. La question du développement économique est étroitement liée aux enjeux fiscaux, sociaux et environnementaux, comme au respect des droits humains.
Pour contribuer effectivement au développement, des règles contraignantes permettant de garantir la responsabilité sociale, environnementale et fiscale des entreprises, ainsi que des pratiques respectueuses des droits humains, doivent être mises en place. Quand des opérateurs privés bénéficient de soutiens publics, le respect de ces règles doit a fortiori conditionner l’octroi des financements ou des garanties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Cet amendement concerne les investissements directs étrangers et tend à l’application de règles strictes dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale.
Celles-ci nous semblent toutefois insuffisamment précises, notamment la notion « d’exigences strictes », et devraient être mieux définies. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 246
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La France suivra avec attention et accompagnera le développement de nouveaux financements liés aux négociations climatiques dans une optique de développement durable des territoires.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il s’agit du dernier amendement soutenu par la commission du développement durable. Il est, à mes yeux, symbolique de terminer l’examen des articles du présent projet de loi par un amendement qui vise la négociation relative au climat et les nouveaux financements susceptibles d’émerger de cette négociation.
Selon moi, si l’on veut atteindre un jour le taux de 0,7 % du PIB consacré au développement, il faudra obligatoirement conclure des accords sur le climat.
Cet amendement tend à ajouter une phrase à l’alinéa 246 évoquant ces financements. En effet, un accord sur le climat ne pourra émerger sans intégrer conjointement un accord sur le développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Pour saluer le travail de la commission du développement durable, la commission des affaires étrangères émet un avis favorable sur ce dernier amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l'article 2 et le rapport annexé, modifié.
(L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés.)
Seconde délibération
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Monsieur le président, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 2 et du rapport annexé, en particulier de son alinéa 17.
M. le président. Le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 2 et du rapport annexé.
Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, « avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ».
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Favorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.
Il n’y a pas d’opposition ?...
La seconde délibération est ordonnée.
Conformément à l’article 43, alinéa 5, du règlement du Sénat, « lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport ».
La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes, pour permettre à la commission à se réunir.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements, et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Article 2
rapport annexé
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’alinéa 17 du rapport annexé à l’article 2 dans la rédaction suivante :
La France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité. Conformément aux conclusions du forum de haut niveau de Busan de 2011 sur l’efficacité de l’aide, qui visent à l’établissement d’un standard commun, elle améliore le nombre et la qualité des informations sur son aide publiées sur les sites gouvernementaux. Elle lance également des projets pilotes destinés à publier en temps réel les informations sur les projets qu’elle finance, à l’instar de celles qu’elle a commencé de publier sur ses activités au Mali. Dans le cadre d’opérations réalisées en intermédiation financière, le groupe Agence française de développement (AFD) assure la transparence des véhicules financiers et publie la liste exhaustive des entités auxquelles il apporte son concours.
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Tout à l’heure, l’amendement n° 11 a été adopté dans une certaine confusion, alors que la commission des affaires étrangères avait émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Nous avions alors expliqué qu’il était techniquement impossible pour l’AFD de connaître et de suivre l’ensemble des bénéficiaires fiscaux, ainsi que d’assurer la transparence totale à l’égard d’éléments qu’elle ne maîtrise absolument pas.
L’amendement n° A-1 vise donc à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 17 introduite par erreur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. La commission qui vient de se réunir est, dans sa majorité, défavorable à la proposition du Gouvernement de supprimer cette phrase. C’est là le résultat de sa composition aléatoire… Mais à titre personnel, j’y suis favorable, par souci de cohérence avec la position antérieure de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de cette longue après-midi, nous avons pu avoir quelques moments d’inattention. Pour ma part, je suis assez attentif. Il ne m’arrive pas de somnoler, ou du moins pas encore ! Cela viendra peut-être… (Sourires.) Pourtant, je l’avoue, je me suis trompé lors de mon vote sur l’amendement n° 11.
Je ne me livrerai pas à une exégèse du problème, mais il est très simple à expliquer. À l’origine, la commission, que je présidais, s’est exprimée très clairement : elle a voté à la quasi-unanimité contre l’amendement n° 11. En revanche, lorsqu’elle a examiné voilà quelques instants l’amendement n° A-1 du Gouvernement, il y a eu égalité des voix. Dès lors, vous connaissez la règle, l’amendement a été rejeté.
Je vous prie de bien vouloir excuser la faute d’inattention qui est à l’origine de cette situation. Pour ma part, j’avais proposé de revenir sur cette erreur non pas en procédant à une seconde délibération, mais lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Peut-être l’attention n’a-t-elle pas été suffisante en effet, mais je ne vous reproche absolument rien, monsieur le président de la commission. J’ai remarqué votre œil vigilant tout au long de notre débat.
Cela étant, il n’est peut-être pas habituel de demander au Sénat de se prononcer de nouveau sur une disposition déjà adoptée, mais, en la circonstance, je tiens à préciser que, en matière de microfinance, il sera impossible pour l’AFD de répondre à l’exigence que lui impose l’adoption de l’amendement n° 11.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à bien réfléchir à votre vote, l’amendement n° A-1 du Gouvernement visant à rectifier l’erreur commise, afin de ne pas placer l’AFD dans une situation difficile.
Bien sûr, vous avez raison, monsieur le président de la commission, il reste la commission mixte paritaire, mais ce serait bien de rectifier dès à présent cette erreur de parcours.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, certains d’entre nous ont voté cet amendement sans se tromper ! Quoi qu’il en soit, on le comprend très bien, alors que nous siégeons depuis plusieurs heures et bien que nous soyons tous très attentifs, une erreur s’est produite.
La disposition concernée touche la transparence. Vous savez que, depuis le début de la journée, un certain nombre d’entre nous essaye de faire entrer par la fenêtre ce que la commission n’a pas voulu faire entrer par la porte. C’est le jeu du débat parlementaire !
Je rappelle que l’alinéa 17 du rapport annexé à l’article 2 dispose : « La France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité ». C’est là une obligation de moyens. Jusqu’à preuve du contraire, ce texte ne comporte absolument pas d’obligation de résultat. Il n’y a là aucune mesure comminatoire susceptible de compromettre le travail de l’AFD. Je pense donc qu’il faut traiter le problème avec bonne humeur et attendre la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l'article 2 et le rapport annexé, modifié.
(L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert Hue, pour explication de vote.
M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parce qu’il est l’aboutissement des Assises du développement et de la solidarité internationale, le présent projet de loi répond à de nombreuses attentes formulées par tous les acteurs du monde du développement. À ce titre, il recueille déjà notre adhésion.
Sur la forme, cela a été dit, un projet de loi d’orientation et de programmation en matière de politique d’aide au développement est une première. Je m’en réjouis, d’autant plus que nos collègues députés ont enfoncé le clou à l’article 10 en prévoyant que le présent texte aurait une validité de cinq ans. Cette disposition oblige ainsi le Gouvernement à une forme de revoyure. C’est satisfaisant.
Sur le fond, je suis satisfait des nombreuses dispositions qui vont dans le sens de certaines des remarques que nous avons formulées, notamment lors du débat qui a eu lieu dans cet hémicycle sur le développement dans les relations Nord-Sud.
Madame la secrétaire d'État, vous avez parlé d’efficacité, de redevabilité et de solidarité. Nous approuvons naturellement ces grands principes et les mesures que vous proposez pour les mettre en œuvre. Je pense notamment au souhait du Gouvernement de cibler davantage notre aide sur les pays les plus pauvres, avec une attention soutenue à l’Afrique et, en particulier, à sa zone subsaharienne. Nous partageons totalement cette vision.
Comme l’ont indiqué les rapporteurs, si l’Afrique connaît des taux de croissance très dynamiques depuis quelques années, ce rebond est très inégalement réparti sur le continent. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je ne verse pas dans l’afro-pessimisme souvent ambiant, mais force est de constater que, si la pauvreté recule globalement en Afrique, elle demeure profonde dans certaines régions. Plusieurs raisons expliquent ce retard, mais je ne vais pas les énumérer en cet instant. À mon sens, nous devons accentuer nos efforts dans toute une série de domaines, notamment sur la question éducative. Je sais qu’il s’agit d’un enjeu fort, car cela suppose, outre la mobilisation d’infrastructures, une action politique déterminée pour lutter contre l’obscurantisme. Le récent et dramatique enlèvement de 223 lycéennes par Boko Haram au Nigéria nous le rappelle cruellement ; mais cela relève d’un autre débat...
Cela étant, le projet de loi prévoit également de diminuer la fragmentation de l’aide pour améliorer son efficacité. La complémentarité des aides bilatérale et multilatérale de la France est affirmée. C’est une bonne chose.
Pour ma part, j’ajouterai que l’efficacité de l’aide tient aussi à la capacité des populations locales à s’approprier les projets. C’est essentiel, et il faut donc y veiller. Par ailleurs, toujours dans l’esprit de responsabiliser les plus concernés, je me félicite de l’initiative de la commission des affaires étrangères, qui a introduit le dispositif du « migrant banking », lequel complète la démarche des députés sur le microcrédit.
Enfin, je dirai un mot de la responsabilité sociale et environnementale, que la commission a très justement renommée « responsabilité sociétale ». Le drame du Rana Plaza, mais aussi d’autres tragédies moins médiatisées, commande de renforcer l’exigence à l’égard des entreprises qui s’implantent directement ou se fournissent chez des sous-traitants. Il faut bien sûr que ces dernières apportent la garantie d’une totale transparence en termes de gouvernance et de communication.
Mes chers collègues, certains de nos concitoyens pourraient penser que l’aide au développement est semblable au tonneau des Danaïdes, tant l’ampleur de la tâche paraît immense. Pourtant, le bilan des Objectifs du Millénaire pour le développement qui arrivent à échéance en 2015 montre que des progrès significatifs ont été réalisés concernant plusieurs cibles, dont celle de réduire de moitié le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté. Nous ne devons donc pas relâcher nos efforts. Le présent projet de loi nous propose de poser les fondements de nos engagements. C’est essentiel, mais n’oublions pas que la solidarité n’est pas seulement une affaire de bonnes intentions. Nous devons avoir les moyens de notre politique, ce qui suppose de réorienter à la hausse les crédits de l’aide publique au développement pour atteindre le fameux objectif de 0,7 % du RNB de notre pays.
En attendant, les membres du RDSE soutiennent ce projet de loi, que je qualifierais de fondateur. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Nous arrivons au terme de l’examen, somme toute assez rapide, du présent projet de loi. Nous avons discuté, sans trop perdre de temps, de sujets d’une importance parfois considérable. Pour l’essentiel, je pense que le texte a pu être amélioré sur quelques points. Comme vous l’avez vous-même relevé, madame la secrétaire d'État, il a gagné en cohérence grâce à une meilleure structuration et à une clarification de sa rédaction. L’un des apports majeurs de notre assemblée a certainement été l’amélioration du pilotage et de l’évaluation de la politique d’aide au développement. Je pense tout particulièrement à la fusion des trois services d’évaluation existants et à la réorganisation des opérateurs publics de l’expertise internationale.
Je ne reviendrai pas sur l’affirmation du rôle et de la complémentarité des acteurs du développement que sont les collectivités territoriales, la société civile et les entreprises. Tout cela recueille bien sûr notre approbation.
Je regrette en revanche que, malgré l’adoption de quelques amendements, nous n’ayons pas été plus audacieux en ce qui concerne le renforcement de l’exigence de responsabilité sociale et environnementale des entreprises et des organisations, et, surtout, que nous n’ayons pas inscrit dans le texte des exigences plus fortes en matière de fiscalité des entreprises et de transparence des opérations financières. De ce point de vue, le Gouvernement a été particulièrement timoré.
Je regrette également que nous n’ayons pas procédé à une véritable réorientation de la vocation de l’AFD, qui privilégie des prêts concessionnels et finance trop souvent des projets sur la base de la rentabilité qu’elle peut en attendre.
In fine, mon groupe s’en tient malgré tout à l’appréciation que j’ai portée lors de la discussion générale. Ce projet de loi laisse une impression d’occasion manquée, car nous n’avons pas procédé à une refonte de notre aide publique au développement. Cette dernière n’est pas à la hauteur des enjeux. Cela étant, dans les limites que je viens d’indiquer, le projet de loi comporte des avancées que nous ne sous-estimons pas et que nous apprécions comme telles. Ces avancées nous semblent suffisantes pour que le groupe CRC vote le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ensemble des membres de mon groupe votera ce projet de loi. Nous avons cependant eu quelques hésitations. Il s'agit d’un texte très long, comportant un rapport annexé qui se prête à l’exercice du droit consubstantiel d’amendement. On se trouve aux confins des politiques environnementales, sociales et fiscales. On aurait d'ailleurs pu imaginer que la commission des finances soit saisie pour avis.
Ce projet de loi me fait penser à la première loi de programmation triennale des finances publiques : les chiffres sont faux, mais ils soutiennent le raisonnement. Ce texte va soutenir notre action en matière d’aide au développement. J’espère que nous pourrons l’évaluer régulièrement. C’est d’ailleurs l’une des exigences constantes de la commission des affaires étrangères. Je me souviens de l’audition de la nouvelle directrice de l’AFD, qui n’avait pas placé l’évaluation parmi ses priorités ; elle a été poussée à le faire.
Le budget de l’aide au développement est important. Il est sûrement insuffisant, puisque la France est attendue partout, que ce soit pour des problèmes techniques, pour des problèmes de fond ou pour une assistance financière. Elle déçoit rarement, mais ses résultats sont encore perfectibles, notamment en matière de transparence et de gestion. Il faut plus de rationalisation. Madame la secrétaire d'État, je vous rappelle que, au cours de nos débats, nous avons évoqué un léger audit, une petite évaluation des procédures, des financements et des associations qui tournent autour de la francophonie ; je pense que, dans ce domaine, nous avons une marge de progression importante.
Quoi qu’il soit, comme je l’ai indiqué en introduction, l’ensemble de mon groupe votera ce projet de loi. Je tiens tout de même à rappeler que les mesures de transparence et de lutte contre l’évasion fiscale et la corruption sont absolument essentielles. Même si l’OCDE n’a pas encore agi, l’Europe est en train de le faire, et la France peut prendre un certain nombre de dispositions.
Ce projet de loi est un texte initial. Il sera vraisemblablement suivi d’autres textes. Madame la secrétaire d'État, j’espère que, au mois de novembre ou de décembre, nous pourrons étudier avec attention votre budget et les actions que vous soutenez ; cela nous changerait des deux années précédentes…
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous sommes très nombreux, au sein de mon groupe, à trouver ce projet de loi extrêmement décevant, surtout parce qu’il est coupé de toute réalité financière. Le groupe UMP déplore tout particulièrement que le Gouvernement n’ait proposé aucune mesure d’ordre budgétaire, alors même que de telles mesures sont indispensables à la sécurisation de notre politique d’aide publique au développement.
Nous attendions tous beaucoup du présent texte. Il définit ce que devra être notre politique d’aide publique au développement pour les cinq ans à venir, mais semble se contenter de déclarations de bonnes intentions à visée incantatoire et sans application véritablement concrète. C'est la raison pour laquelle, dans sa très grande majorité, le groupe UMP s’abstiendra, tout en regrettant cette occasion manquée.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.
M. Christian Cambon, corapporteur. Je voudrais tout d'abord, au nom de Jean-Claude Peyronnet et en mon nom propre, remercier nos collègues de la commission des affaires étrangères qui nous ont accompagnés tout au long de la préparation du texte, singulièrement ceux d’entre eux qui, par leurs interventions ou leurs amendements, nous ont permis de réaliser des avancées. Même si nous n’avons pas pu donner satisfaction à tout le monde, nous avons eu la volonté de clarifier un texte qui, à certains égards, pouvait paraître un peu confus.
À titre personnel, je voterai en faveur de ce projet de loi, même si je comprends les arguments développés par Joëlle Garriaud-Maylam au nom de mon groupe. J’estime que nous avons pu, Jean-Claude Peyronnet et moi-même, en tant que corapporteurs, avec le soutien unanime de la commission, apporter des éléments positifs.
Je pense notamment aux fonds multibailleurs, qui constituent une véritable solution pour mieux aider les pays en grande difficulté ; notre récent déplacement en Centrafrique nous a montré qu’il y avait là un terrain d’expérimentation.
Je pense aussi à la possibilité de collecter de l’argent auprès de banques étrangères implantées en France pour faciliter les flux privés, dont nous connaissons l’importance, puisqu’ils dépassent de loin l’aide publique au développement.
Je pense également à l’initiative de Jean-Claude Peyronnet visant à permettre aux collectivités territoriales d’étendre le dispositif Oudin-Santini aux déchets ; c’était une très grande attente de toutes celles et tous ceux qui travaillent dans ce secteur.
Je veux enfin souligner l’avancée réalisée en matière d’expertise. Je salue notre collègue Jacques Berthou, qui accomplit depuis des années un travail éminent dans ce domaine. Il s'agit presque d’un produit d’exportation que nous essayons de développer. On sait ce qui se passe en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Le choix de la forme du holding n’obérera pas la véritable action des métiers de l’expertise et permettra une meilleure organisation de nos services et donc une meilleure valorisation de notre savoir-faire. Je pense que c’est un élément très important.
Les quatre avancées que je viens d’énumérer sont de nature normative. Elles ne s’ajoutent pas à la longue liste des bonnes intentions. Madame la secrétaire d'État, il est vrai que nous étions un certain nombre – je rejoins Joëlle Garriaud-Maylam sur ce point – à attendre davantage de ce projet de loi, notamment pour ce qui concerne la répartition entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale. Nous continuerons à travailler sur ces sujets. Pour ma part, je préfère voir le verre à moitié plein : ce premier texte est l’occasion de réaliser quelques avancées.
Je remercie le président de la commission, qui a permis notre travail commun. Je remercie également le chef du service de la commission des affaires étrangères et surtout un administrateur qui a accompli un travail extraordinaire alors même qu’il a pris le train en marche, si je puis dire, puisqu’il nous a rejoints après le début des auditions.
Je pense que nous avons amélioré le projet de loi, et je remercie toutes celles et tous ceux qui nous ont permis de le faire. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis. Tout d’abord, je note qu’une part substantielle des vingt-six amendements soutenus par la commission du développement durable a été adoptée. J’en remercie les deux corapporteurs de la commission des affaires étrangères.
Les écologistes sont évidemment heureux ce soir de la probable adoption d’un texte qui a été porté à l’origine par Pascal Canfin, ministre délégué au développement du précédent gouvernement, puis, maintenant, par Mme Annick Girardin.
Le présent projet de loi constitue une avancée tout à fait importante en ce qu’il donne de la lisibilité dans le temps à la politique de développement de la France qui ne se résume pas à un ensemble de coûts plus ou moins opaques ; elle dispose désormais d’un cadre politique lisible.
Il est aussi intéressant car il montre que la politique de développement est l’affaire non seulement de l’État ou du Gouvernement, mais aussi de l’ensemble des acteurs de la société française, comme les collectivités territoriales et les ONG, sur lesquelles nous avons plus particulièrement insisté. La difficulté est donc de trouver de la cohérence entre l’action de l’État, mais aussi de l’Europe – acteur important –, finalement entre l’action de tous ceux qui œuvrent de façon concrète en matière de développement. Nos débats ont également fait ressortir qu’il importait de respecter l’indépendance et la libre appréciation des uns et des autres. En cela, ce texte est déterminant.
Il s’agit aussi d’un texte de compromis. Il n’a pas vocation à aplanir toutes les divergences politiques pouvant exister. Je regrette évidemment l’adoption de quelques amendements présentés par la commission des affaires étrangères. Ainsi, je crois que nous devrons revoir, avant la COP, notre position au sujet des questions climatiques, laquelle devra être extrêmement cohérente. Sur ce point, il reste donc encore pas mal de travail et des marges de progrès. Il faut bien se rendre compte que la France ne pourra soutenir un accord ambitieux sur le climat à Paris en 2015 que si tous les textes que nous adoptons sont totalement cohérents
Malgré notre déception à la suite de l’adoption de quelques amendements, notre volonté de voter en faveur du présent texte demeure.
Par ailleurs, comme d’autres l’ont dit avant moi, la question des financements reste sur la table. À mon sens, il faudra augmenter dans les prochaines années l’aide publique au développement en s’appuyant sur les accords conclus à l’occasion de la négociation sur le climat. Il importera également de trouver une cohérence d’ensemble avec les nouveaux objectifs de développement durable sur lesquels la France est mobilisée dans le cadre de la négociation qui se conclura à New York au mois de septembre 2015. Ce texte constitue la première étape de cette recherche de cohérence, mais il reste quand même encore des contradictions ou des zones d’ombre qu’il faudra éclaircir.
Mes chers collègues, ne boudons pas cependant totalement notre plaisir quant aux avancées que comporte ce projet de loi : les membres du groupe écologiste le voteront bien évidemment.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Lors de mon intervention au cours de la discussion générale, j’ai annoncé que le groupe socialiste soutenait le présent projet de loi.
Bien évidemment, comme l’a indiqué Christian Cambon, sur les textes d’importance, il est utile que la commission des affaires étrangères travaille en ayant à l’esprit la recherche du compromis entre ses différentes composantes. En l’occurrence, cette façon de procéder s’est traduite dans le rapport présenté par les deux rapporteurs au fond.
Je remercie notre collègue Jacques Berthou de son apport particulier, fruit de ses travaux précédents, qui marquera le projet de loi que nous nous apprêtons à adopter.
Même si le texte n’est pas complet, il faut se dire qu’il va vivre et s’améliorer, notamment, comme l’a dit Ronan Dantec, grâce aux travaux sur l’énergie ou le climat. Je le souligne aussi, la question des finances devra être examinée. Mes chers collègues, comme désormais un rapport sera consacré à l’aide au développement, laquelle sera peut-être un peu différente de celle que nous avions déployée ces trente dernières années, nous ne pourrons que progresser ensemble. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, par la voix de ses deux rapporteurs, demandait depuis un certain temps que le Gouvernement présente un projet de loi sur l’aide au développement. C’est chose faite ! Je me réjouis donc de ce point positif au nom de l’ensemble de ses membres.
Permettez-moi, mes chers collègues, de remonter dans le temps, car j’aime bien que l’histoire soit complète, mais sans aller trop loin. Vous vous souvenez sans doute que, lors de la dernière présentation de son budget par Henri de Raincourt, alors ministre chargé du développement, le groupe socialiste, sur l’initiative de Jean-Claude Peyronnet, avait voté en faveur des crédits de l’aide au développement, en ne posant qu’une seule question : dans un contexte économique complexe et difficile, serions-nous capables de faire mieux ? Nous avions alors répondu négativement à cette interrogation.
Certes, nous n’avions pas changé d’avis en rejoignant complètement la philosophie du gouvernement de l’époque, mais je crois que, ce faisant, nous avions alors amorcé ce tournant vers cette attitude responsable qui devrait nous guider en période de crise.
À l’issue du présent débat, je voudrais remercier en premier lieu le Gouvernement, mais aussi très sincèrement nos collaborateurs, les rapporteurs, qu’ils soient au fond ou pour avis, ainsi que vous-mêmes, mes chers collègues, qui avez fait l’effort de venir participer à l’examen de ce projet de loi pourtant programmé un lundi, ce qui est un peu compliqué pour nombre d’entre nous.
Bien évidemment, nous en convenons tous, ce texte n’est pas achevé. Sachez que chaque fois que vous viendrez défendre des amendements devant la commission des affaires étrangères, vous serez écoutés, respectés, et nous ferons le maximum pour les prendre en considération, fût-ce au prix de sous-amendements. Nous ne procéderons pas à un rejet systématique, bien au contraire : nous croyons trop à l’efficience du travail parlementaire.
Cela étant, mes chers collègues, permettez-moi de saluer le travail extraordinaire qu’ont fait les deux rapporteurs de la commission, sans ignorer le travail de M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. De nombreuses auditions ont été menées.
À ce sujet, madame Garriaud-Maylam, je vous le dis avec beaucoup de gentillesse – cette remarque vaut pour tout le monde, y compris pour moi –, il me semble que c’est à ce stade que l’intervention du parlementaire est la plus utile pour essayer d’influencer le travail des rapporteurs et d’améliorer le texte. À mon sens, c’est à cela que l’on peut mesurer la qualité du travail d’un groupe politique et des parlementaires qui le représentent.
Pour conclure, madame la secrétaire d’État, soyez sûre que nous vous soutiendrons. J’espère seulement que vous reviendrez fréquemment devant la commission des affaires étrangères et le Sénat pour rendre compte de votre action et que nous pourrons faire vivre la future loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 184 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 212 |
Pour l’adoption | 211 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Je tiens tout d’abord à remercier toutes les sénatrices et tous les sénateurs présents aujourd'hui de la richesse des débats, lesquels n’ont d’ailleurs pas été moins denses lors de l’examen du projet de loi par la commission des affaires étrangères. J’ai participé à ses discussions voilà environ trois semaines, juste après mon entrée en fonction, et ce premier moment passé avec des sénateurs a été très important pour moi. Ce jour, je fais mes premiers pas dans un hémicycle. Je garderai un grand souvenir de ces instants !
Je vous remercie également, monsieur le président, de votre conduite des débats, ainsi que M. le président de la commission des affaires étrangères de l’attention qu’il a portée à ces discussions et de son implication.
Enfin, j’adresse mes remerciements aux rapporteurs de la commission des affaires étrangères, MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, ainsi qu’au rapporteur pour avis de la commission du développement durable.
Il reste désormais, mesdames, messieurs les sénateurs, à concilier le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et celui que vous venez d’adopter. Dès demain, le dialogue sera poursuivi, et ce jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire. J’espère que, très rapidement, nous disposerons d’une loi et que, très rapidement également, je me présenterai de nouveau devant vous pour évoquer la question des finances – vous m’avez largement interpellée sur le sujet –, mais aussi pour débattre des premiers pas du texte. Il nous revient de l’enrichir après sa promulgation !
J’aurai plaisir à revenir dans cet hémicycle et garderai le souvenir de ce qui fut, pour moi, une « première ». (Applaudissements.)
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 27 mai 2014 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales
(Le texte des questions figure en annexe)
De quinze heures à dix-neuf heures :
2. Proposition de loi visant à instaurer un schéma régional des crématoriums (n° 252, 2013-2014) ;
Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois (n° 545, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 546, 2013-2014).
3. Proposition de loi visant à limiter l’usage des techniques biométriques (n° 361, 2013-2014) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 465, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 466, 2013-2014).
De vingt et une heures à une heure :
4. Proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l’environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d’innovation (n° 183, 2013-2014) ;
Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois (n° 547, 2013-2014) ;
Avis de M. Jean Bizet, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (n° 532, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 548, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART