M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie. Je voudrais revenir brièvement sur certains points, même si nous aborderons à nouveau tous ces sujets lors de l’examen des amendements.
Je commencerai par la cohérence.
Votre préoccupation, mesdames, messieurs les sénateurs, est aussi celle du Gouvernement. Tous les collèges du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, instance que j’ai réunie pour la première fois au début de la semaine, ont insisté sur l’indispensable nécessité d’une cohérence entre les ministères et entre les différents partenaires. Je vous propose d’ailleurs, comme je l’ai demandé au CNDSI, que ce thème soit l’un de nos sujets de réflexion afin que, au-delà du projet de loi, cette cohérence puisse encore être améliorée.
Concernant le pilotage, vous nourrissez tous des inquiétudes. J’aurais envie de vous dire que le Gouvernement y répond : d’abord, par le projet de loi, qui est le cadre politique adéquat ; ensuite, par une coordination des interventions de l’État. C’est vrai que le CICID ne s’était pas réuni depuis 2009. Maintenant, c’est chose faite ! À l’avenir, il se réunira régulièrement. J’ajoute que, en la matière, mon secrétariat d’État est chef de file. L’AFD est certes pilotée par trois tutelles, mais celles-ci se coordonnent et ont une vision commune. En outre, le système d’évaluation tel qu’il est proposé est satisfaisant, et nous pouvons nous en féliciter.
J’en viens à l’absence de programmation budgétaire, sur laquelle vous avez été nombreux à m’interpeller. Il nous a semblé plus pertinent de réserver les questions purement budgétaires aux lois de finances. Le projet de loi est le mode d’emploi des moyens, si je puis dire, dont il revient aux projets de loi de finances de préciser les montants. L’objet du présent texte est donc d’affirmer une volonté politique.
Quant aux aides multilatérales, j’estime qu’elles sont importantes pour atteindre la masse critique dont nous avons besoin, d’autant que les moyens sont de moins en moins au rendez-vous. Il nous faudra donc faire avec un peu moins ou avec des leviers différents. L’aide multilatérale permet de lever des fonds au-delà de nos propres actions. Il est également important de permettre à l’AFD de travailler avec des fonds multibailleurs. Ce point devait être précisé, me semble-t-il.
Une question m’a été posée sur les prix de transfert et sur la fiscalité. La priorité de la France, cela a été dit à plusieurs reprises, est de renforcer les ressources domestiques et de lutter contre l’érosion fiscale. Or ces questions ne peuvent être portées – c’est ce que fait la France – que dans le cadre de l’OCDE ou du G20, puisqu’elles concernent la plupart du temps des multinationales. C’est à cet échelon que notre pays doit concentrer ses efforts afin d’obtenir des modifications des différentes réglementations. Il nous faut également travailler sur ces questions en partenariat étroit avec les pays que nous voulons aider ou accompagner. Il convient évidemment de renforcer la fiscalité, notamment au travers de l’initiative « inspecteur des impôts sans frontières » mise en place par l’OCDE.
Pour conclure, je tiens à rappeler – je l’ai dit dans mon intervention liminaire – que l’éducation de base est l’une de mes priorités, de même que la formation professionnelle ou la formation à la citoyenneté. Tout cela va contribuer à la pérennité de notre politique de développement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale
TITRE Ier
ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE DE LA FRANCE
Chapitre Ier
Objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale
Article 1er
La France met en œuvre une politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses composantes économique, sociale et environnementale.
Cette politique participe activement à l’effort international de lutte contre la pauvreté, la faim et l’insécurité alimentaire et de réduction des inégalités sociales et territoriales, en favorisant un développement économique équitable et riche en emplois, en consolidant l’agriculture vivrière et familiale, en préservant les biens publics mondiaux, en luttant contre le changement climatique, ses effets et l’érosion de la biodiversité et en promouvant la paix durable, la stabilité, les droits de l’homme et la diversité culturelle.
La politique de développement et de solidarité internationale respecte et défend les libertés fondamentales. Elle contribue à promouvoir les valeurs de la démocratie et de l’État de droit, l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la responsabilité sociétale, les socles de protection sociale et le travail décent. Elle contribue à lutter contre les discriminations. Elle œuvre pour développer et renforcer l’adhésion à ces valeurs dans les pays et régions partenaires par la voie du dialogue et de la coopération, en appuyant les mécanismes de bonne gouvernance, en particulier sur le plan local, et en favorisant notamment le renforcement des États et des capacités de la puissance publique. Elle veille à ce que les personnes en situation de pauvreté puissent être en capacité d’exercer leurs droits et participent activement aux programmes et projets de développement. Elle concourt à la politique étrangère de la France et à son rayonnement culturel, diplomatique et économique. Elle accorde une attention particulière à la francophonie et à la cohésion de l’espace francophone.
Elle veille à assurer la continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement. L’action humanitaire, qui vise à secourir les populations vulnérables, là où leur vie est menacée, où leurs besoins vitaux ne sont plus satisfaits, où leurs droits les plus élémentaires sont bafoués, s’inscrit pleinement dans la politique de développement et de solidarité internationale.
La politique de développement et de solidarité internationale respecte et promeut les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits de l’homme, de protection sociale, de développement et d’environnement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, sur l’article.
M. Jean-Étienne Antoinette. Les objectifs humanistes de la politique française de développement inscrits dans cet article 1er portent les plus hautes valeurs de la République. Affirmant une volonté de développement plus juste pour notre génération et celles à venir à l’échelle du monde, ils vont à l’encontre de la tentation du seul repli sur soi, née du sentiment que tout va mal.
Pour autant, cette politique de développement et de solidarité internationale n’est pas désintéressée.
Il est directement de notre intérêt que les conditions de la paix et du développement humain soient renforcées, car les carences de l’aide au développement et de la solidarité internationale – je pense en particulier au Sahel – rendent nécessaires des interventions lourdes répondant aux crises qui en découlent.
Toutefois, cette politique apparaît comme porteuse de contrainte dans certaines parties du territoire, particulièrement dans les collectivités d’outre-mer. Vous l’avez d’ailleurs reconnu dans votre intervention, madame la secrétaire d’État, et je suis sensible au fait que cette évocation ait eu lieu dès les premiers éléments de la présentation du projet de loi que vous portez depuis presque deux mois.
Lorsque l’Agence française de développement accompagne des projets de développement dans des pays voisins, alors que les mêmes objectifs sont attendus de la part des collectivités d’outre-mer mais sans l’aide associée, quelle image négative pour la politique de solidarité ! Quand les filières d’exploitation, les filières commerciales des pays voisins des collectivités d’outre-mer sont encouragées et structurées, quel impact négatif pour l’économie locale des populations ultramarines ! Pourtant, vous avez qualifié les outre-mer de « têtes de pont » de la France dans le monde. Quelle image de bienvenue, alors qu’ils apparaissent, si souvent, des confettis lointains de l’Hexagone ou, selon le langage européen, des régions ultrapériphériques !
Au-delà du discours rafraîchissant, tourné vers le monde et pas seulement vers la métropole ou le continent, comment traduire, concrètement, cette ambition pour les outre-mer ?
Premièrement, l’intégration régionale de ces « têtes de pont » doit être un outil à mobiliser nécessairement pour le développement des pays voisins en voie de développement, c’est-à-dire pour la réalisation du cœur des objectifs de la politique de solidarité. Or depuis le vote, en septembre 2012, de la loi relative à la régulation économique outre-mer, le Parlement attend une étude du Gouvernement visant à mettre en place cette ouverture des collectivités d’outre-mer et leur intégration dans le milieu régional. Il faut avancer sur ce sujet, et au stade du rapport aurait déjà dû succéder celui de l’action... Les collectivités uniques de Guyane et de Martinique auront des compétences renforcées dans le domaine des coopérations décentralisées, mais quand ? En mars ou en septembre 2015 ? En 2016 ?
Deuxièmement, la politique de développement doit intégrer dans son programme les aides aux collectivités d’outre-mer et les aides aux pays voisins. Lorsque l’Agence française de développement agit dans une collectivité d’outre-mer, elle doit tenir compte des besoins de chaque côté de la frontière.
L’action de l’AFD à destination de l’outre-mer représentait 1,1 milliard d’euros en 2012. Ces financements ont ainsi permis l’amélioration de systèmes d’assainissement et d’alimentation en eau potable pour 375 000 personnes et le traitement de 285 000 tonnes de déchets solides.
Cette action est nécessaire tant le retard de développement est important, mais les territoires ultramarins, même insulaires, ne sont pas isolés et la situation sanitaire, environnementale, économique des États voisins crée une très forte pression sur les collectivités ultramarines. Or 85 % de l’aide financière est à destination de l’Afrique et du bassin méditerranéen. Pourtant, l’outre-mer français, c’est l’Amérique latine, la Caraïbe, l’Atlantique Nord, le Pacifique et l’océan Indien. Pour ces régions, excepté Haïti, l’aide financière est très faible, de l’ordre du saupoudrage, et les « têtes de pont » réduites à peu de chose dans ces objectifs de développement.
Troisièmement, les économies des outre-mer ne doivent pas subir la politique, en faveur des pays moins avancés, d’ouverture des marchés sans droits de douane, ni quota, ni degré d’exigence sanitaire équivalente. Les collectivités d’outre-mer se trouvent dans des situations climatiques, environnementales similaires à celles des pays envers qui ces mesures sont prises, mais les acteurs économiques connaissent des contraintes normatives et fiscales largement plus importantes. La politique de développement et de solidarité ne doit pas venir fragiliser ces économies dont on cherche encore l’avantage concurrentiel qu’elles pourraient avoir sur leurs concurrents régionaux dès lors que les règles du marché ne sont pas les mêmes.
Vous avez accueilli favorablement les propositions d’amendements de la délégation sénatoriale à l’outre-mer et de son président. Nous veillerons à ce que la prise en compte des spécificités de nos territoires pour remplir les objectifs de cette loi de programmation se traduise dans la politique française et européenne. Profondément juste dans son principe, la politique de développement et de solidarité internationale doit également rester juste dans ses modalités d’application.
MM. Michel Delebarre et Serge Larcher. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
sociale
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, environnementale et culturelle.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, soutenu par la commission du développement durable, tend à combler un vrai manque, d’ailleurs étonnant, de ce texte.
La culture est aujourd’hui quasiment le quatrième pilier du développement durable. Depuis 1992, de nombreux travaux ont été effectués sur le sujet. Citons notamment l’Agenda 21 de la culture adopté à Barcelone – travail collectif extrêmement important – et, surtout, le paragraphe 41 du document de « Rio+20 », où il est indiqué que « toutes les cultures et toutes les civilisations peuvent contribuer au développement durable ».
Cet oubli de la dimension culturelle est d’autant plus étonnant que la France est un grand pays de culture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. L’évocation de la composante culturelle nous paraît importante. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Bien que la culture constitue un volet incontournable du développement durable et qu’elle figure parmi les priorités de la politique française, le Gouvernement ne souhaitait pas que l’on ajoute cette composante après les mots « économique, sociale et environnementale ».
Cela étant, compte tenu de l’avis de la commission, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 85 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer le mot :
sociétale
par les mots :
sociale et environnementale
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, qui a reçu le soutien de la commission du développement durable, fait écho aux propos très clairs de Nicole Bricq.
En substituant le mot « sociétale » aux mots « sociale et environnementale », on pourrait penser qu’on élargit le spectre à des questions comme la lutte contre la corruption. Or tel n’est pas le cas.
Dans le décret paru en 2012, la définition de la responsabilité sociale et environnementale est extrêmement précise et elle inclut la lutte contre la corruption. Comme l’a dit Nicole Bricq, la responsabilité sociale et environnementale est une notion commune aux pays de l’OCDE, dont la France fait partie. Nous avons d’ailleurs réalisé un travail collectif très important sur le sujet, y compris avec le Conseil économique, social et environnemental.
Retenir le terme « sociétale », qui bénéficie juste d’une norme ISO, qui est beaucoup moins précise et beaucoup moins large, me semble être un retour en arrière. De surcroît, en agissant ainsi, on ne reconnaît pas le travail que nous avons effectué nous-mêmes et imposé au-delà de la France.
Voilà pourquoi je vous propose de revenir à la première définition, qui est beaucoup plus claire et beaucoup plus large.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il ne s’agit pas d’un retour en arrière, mais plutôt, à nos yeux en tout cas, d’une avancée.
J’ai bien compris que cette modification soulevait des réticences, dans la mesure où le terme « sociétale » n’est pas totalement compris par tous. Il arrive ainsi que la langue évolue et que le droit soit en retard par rapport à elle. En l’occurrence, il me semble que tel est le cas. Mais un jour viendra où cette notion entrera en vigueur dans les esprits et dans la loi.
Cela étant, il ne s’agit pas d’une simple vue de l’esprit ou d’une invention sui generis de la commission.
Le Livre vert de la Commission européenne, qui s’intitule Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, définit la responsabilité sociale des entreprises comme « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ». Il poursuit : « Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir ″davantage" dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes. »
La norme ISO 26 000, pour sa part, définit la responsabilité sociétale comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement se traduisant par un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ».
Cela dit, il ne s’agit pas d’une affaire majeure. La commission a introduit ce terme, mais si vous pensez que, pour des raisons de compréhension, il faut privilégier les mots « sociale et environnementale », je veux bien, avec l’accord de mon collègue corapporteur, m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. M. Dantec a évoqué le décret de 2012, en ajoutant que les organisations internationales se référaient à la notion de RSE, de même que les directives européennes ainsi que les objectifs du développement durable. Tout converge en effet en faveur de l’expression « responsabilité sociale et environnementale ».
Globalement, comme je l’ai déjà dit il y a quelques jours en commission, une loi doit être lisible par tous nos concitoyens. Ce n’est donc peut-être pas nécessaire de les renvoyer à des définitions qu’ils devront rechercher et qu’ils ne pourront pas toujours comprendre, alors que l’expression « responsabilité sociale et environnementale » est entrée dans le langage courant.
Cela étant, même si le Gouvernement soutient cet amendement, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mes chers collègues, pardonnez-moi de rappeler que la commission a débattu et tranché, à l’unanimité moins une voix, pour la rédaction qui vous est proposée et qu’elle soutient son texte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, cinquième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et à leur évaluation
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet article 1er est essentiel par ses choix : liberté fondamentale, égalité entre les hommes et les femmes, démocratie, protection sociale, travail décent et, enfin, prise en compte des personnes en situation de pauvreté.
L’adoption de mon amendement ne rendra pas la loi bavarde, puisque celui-ci ne vise à ajouter qu’un seul mot, à savoir le mot « évaluation ».
Mes chers collègues, il ne suffit pas de faire « pour » les plus pauvres, il faut faire « avec eux » et jusqu’au bout. En amont, lorsqu’on prépare l’évaluation d’un projet, les plus pauvres sont les mieux à même de vous dire s’il faut préciser les critères, par exemple pour assurer l’accès réel à tel ou tel chantier financé. En aval de l’évaluation, leurs observations, leur expertise d’usage au plus près des réalités seront tout aussi précieuses si nous poursuivons réellement ensemble le développement humain de tous.
Ce sont les pauvres qui vous diront que tel périmètre d’irrigation proposé, même s’il répond aux meilleures intentions du monde, est bien trop loin de leur village, qu’il s’agisse d’y aller à pied pour cultiver la terre ou pour acheminer les légumes au marché. Ce sont eux qui vous diront que l’assainissement tant attendu du quartier insalubre a bien atteint son but, mais que, faute de mesures associées dès l’origine au maintien des populations les plus précaires, les cases sont devenues un objet de spéculation et qu’ils en ont été chassés.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande d’insérer le mot « évaluation ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Cet amendement est intéressant sur le plan des principes : nous-mêmes, au cours de la discussion générale, avons demandé davantage d’évaluation.
Toutefois, la présente disposition semble assez lourde à mettre en œuvre. Après avoir assuré la distribution d’eau en creusant des puits, il ne serait sans doute pas facile de demander aux personnes concernées de répondre aux multiples questions d’un formulaire. De tels chantiers risquent d’exiger des moyens non négligeables.
De plus, nous avons émis un avis favorable sur l’amendement de M. Dantec tendant à assurer, dans le rapport annexé, la mention des « retours d’expérience » des populations locales. Les deux concepts sont à peu près identiques, mais il nous semble plus facile de mettre en pratique des « retours d’expérience » que des « évaluations », lesquelles correspondent à une procédure administrative assez stricte.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. C’est sûr !
M. Christian Cambon, corapporteur. Ma chère collègue, votre amendement me semble satisfait. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Blandin, l’amendement n° 52 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je le maintiens par principe, monsieur le président.
M. le rapporteur a fort pertinemment mentionné le rapport annexé. Mais, pour avoir contribué au débat consacré par le Sénat à la loi pour la refondation de l’école de la République, puis pour avoir suivi la mise en application de ce texte, je peux dire que ce qui est écrit dans la loi, ça compte, alors que ce qui est écrit dans le rapport annexé, ça se discute…
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié ter, présenté par M. Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, après la cinquième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
À cet effet, elle demande aux chefs de projets de désigner, en lien avec les populations concernées, des citoyens-relais chargés de mettre en œuvre cette participation.
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Cet amendement vise à assurer l’application concrète d’un des objectifs visés à travers le présent texte, par la désignation, pour tous les projets financés par la France, de citoyens-relais auprès des populations concernées.
Pour être bref, j’indique simplement que cette disposition se fonde sur les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et accueillis avec satisfaction par l’Assemblée générale des Nations unies en 2013.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Cet amendement mentionnait à l’origine des « relais pertinents », expression très discutable. Il a été rectifié dans le bon sens. Cela étant, à mon grand regret, je ne peux pas émettre un avis favorable. En effet, pour intéressante qu’elle soit, l’idée que tend à traduire cet amendement est très directive et systématique.
Tout d’abord, il n’est pas toujours possible de désigner de tels citoyens-relais. Par exemple, à qui confier actuellement, en Centrafrique, des opérations effectives et efficaces en la matière ?
Ensuite, dans bien des pays partenaires, une telle mesure pourrait susciter des difficultés avec les autorités nationales.
Enfin, sur quels critères, selon quelles modalités désignerait-on ces citoyens-relais ? J’avoue mon scepticisme.
Pour ces raisons, monsieur Roger, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Le Gouvernement souscrit au but visé à travers cet amendement, à savoir mieux inclure les populations locales et assurer une concertation avec elles. Mais la désignation de tels citoyens-relais se heurte malheureusement à d’insurmontables difficultés pratiques. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Roger, l’amendement n° 22 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Gilbert Roger. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 10, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est un peu provocateur, mais il n’est pas dénué de fondement. Il vise à supprimer, à l’alinéa 3, les termes : « Elle accorde une attention particulière à la francophonie et à la cohésion de l'espace francophone. »
Il s’agit en l’espèce de ne pas systématiquement favoriser la francophonie : l’aide au développement concerne tous les pays. Parfois, les évaluations prouvent même que son utilité et son efficience sont inversement proportionnelles à la pratique de la langue française.
Je précise que je préside le groupe d’amitié avec le Yémen – État qui n’est pas classé parmi les pays francophones, même si la francophonie y est très appréciée et très développée –, où notre action est très importante, car il s’agit là d’un pays en grande difficulté.
À mon sens, la mention visée à l’alinéa 3 est un peu passéiste. C’est la raison pour laquelle je vous propose de la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, corapporteur. Inutile de vous dire, mes chers collègues, que la commission et les rapporteurs ont été particulièrement surpris par cet amendement. Il nous paraît au contraire que la francophonie est moins passéiste que jamais !
Par ailleurs, nous venons, par un amendement précédent, d’attacher l’adjectif « culturelle » aux termes « développement durable ».
Quand on sait que, selon les estimations, en 2050, près de 600 millions d’êtres humains sur la Terre parleront français,...
Mme Nathalie Goulet. C’est un phénomène démographique !
M. Christian Cambon, corapporteur. … il apparaît que la francophonie est bel et bien un plus pour notre action.
Voilà pourquoi, madame Goulet, si vous ne retiriez pas cet amendement, la commission émettrait un avis défavorable.