M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, sur l’article.
Mme Kalliopi Ango Ela. Le présent projet de loi traite des responsabilités des acteurs de la formation professionnelle. Les régions se voient ainsi confier de nouvelles compétences. Elles organisent et financent le service public régional de la formation professionnelle, elles définissent le service public de l’orientation et, avec l’adoption de cet article 11, elles deviendront responsables de la formation de nouveaux publics, comme les personnes détenues, les Français établis hors de France et les personnes handicapées, dont la formation relevait auparavant de l’État.
Pour ce qui concerne les Français de l’étranger, que je représente, je m’interroge sur cette question de compétence : quelle région les prendra en charge, dès lors qu’ils ne résident pas sur le territoire national ? S’agira-t-il de la région d’Île-de-France, les Français établis hors de France votant désormais sur les listes de cette région lors des élections européennes ? En effet, par souci de simplicité, il semble préférable qu’une seule région soit compétente.
S’agira-t-il de la région où se situe la commune dans laquelle certains de ces Français sont encore inscrits sur les listes électorales ? Dans ce cas, comment seront pris en charge nos compatriotes qui ne sont inscrits que sur la liste électorale consulaire ?
Ou bien, enfin, envisage-t-on de rendre compétente la région de leur dernier domicile fiscal en France, où celle du lieu de leur dernier emploi si elle est différente ?
Les membres du groupe écologiste considèrent que la convention à laquelle le projet de loi fait confiance pour régler ces questions est relativement vague. Nous souhaiterions donc que des précisions puissent nous être apportées sur ce sujet, afin que nos compatriotes établis à l’étranger disposent d’un peu de visibilité sur leur sort.
M. Jean Desessard. Excellente intervention, ma chère collègue ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 44, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Au financement, dans le cadre de l’article L. 5211-2 et en complémentarité de l’autorité compétente citée à l’article L. 6121-2, de tout ou partie d’actions de formation professionnelle des demandeurs d’emploi en situation de handicap. » ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Mme Ango Ela pose une vraie question : quelle est la région de référence pour les Français établis hors de France ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean Desessard. L’amendement n° 44 s’attache plus concrètement à l’insertion des personnes handicapées. Il vise en effet à réduire les risques de malentendus entre l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, et les régions.
La régionalisation de la compétence de la formation des personnes en situation de handicap est une excellente chose : elle permettra de clarifier les compétences et de situer l’action de formation au plus près des besoins de ce public particulier.
Cependant, la rédaction proposée de l’article L. 5214-3 du code du travail maintient une confusion quant à la responsabilité de la compétence en matière de formation : elle maintient, en effet, le financement de l’AGEFIPH pour une partie des actions de formation. Cette mention risque d’induire une automaticité du financement par l’AGEFIPH, qui ne correspond ni à ses missions ni à la nouvelle compétence régionale.
Par cet amendement, nous proposons donc de limiter le champ d’engagement de l’AGEFIPH aux actions préqualifiantes et certifiantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je voudrais rassurer M. Desessard, qui s’inquiète du sort qui sera réservé aux personnes handicapées du fait de la nouvelle responsabilité donnée aux régions en matière de formation. Par cet amendement, il veut s’assurer que l’AGEFIPH interviendra bien à titre complémentaire avec la région au bénéfice des personnes en situation de handicap.
Cet amendement me paraît satisfait. En effet, aux termes du projet de loi, l’AGEFIPH continuera à financer, à titre complémentaire et de manière coordonnée avec la région, « tout ou partie des actions de formation professionnelle préqualifiantes et certifiantes des demandeurs d’emploi handicapés. »
C’est très précisément ce que vous souhaitiez, mon cher collègue. Dès lors, je vous invite à bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je suis persuadé que les arguments de M. le rapporteur sont suffisants pour vous convaincre, monsieur Desessard, mais je me permets toutefois de les confirmer en tous points.
Votre amendement est satisfait par les dispositions du présent texte. Dès lors, je vous demanderai de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 44 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 44 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Vergoz, Mme Claireaux, MM. Desplan, Antiste, Antoinette, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient, Mmes Demontès, Génisson et Schillinger, M. Labazée, Mmes Printz, Alquier, Campion, Emery-Dumas, Ghali et Meunier, MM. Cazeau, Daudigny, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Poher et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Après le mot :
défense
insérer les mots :
et en matière de formations professionnelles sous statut de la politique nationale de continuité territoriale prévue au chapitre III du livre VIII de la première partie du code des transports
La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Mme Anne Emery-Dumas. Les amendements nos 10 rectifié et 11 rectifié, très similaires, ont pour premier signataire Michel Vergoz.
En cohérence avec la nouvelle rédaction de l’article L. 6521-2 du code du travail proposée à l’alinéa 75 de l’article 11 du présent projet de loi, cet amendement vise à préciser la mise en œuvre de la mission régalienne de l’État pour assurer l’égalité en matière de formation, promotion sociale et insertion entre les territoires des outre-mer et l’Hexagone.
L’éloignement de ces territoires constitue un handicap qui pèse très lourdement sur l’avenir non seulement des économies, des sociétés, mais, d’abord et avant tout, des citoyens qui en sont originaires. Face à cette spécificité, l’État engage des moyens financiers très importants – 120 millions d’euros – pour la mobilité dans les régions des outre-mer qu’il est nécessaire de préserver et d’amplifier.
Or, aux termes de la rédaction actuelle du présent article, la région est l’échelon compétent en matière de formation professionnelle pour tous les publics, y compris pour les ultramarins en situation de mobilité pour leurs études ou leur formation. Au regard de l’article 73 de la Constitution, cette absence de précision dans le texte peut être source de confusions, de différences d’interprétation et de risques de désengagement, qui se feraient au détriment des territoires des outre-mer.
Cet amendement vise donc à apporter de la clarté, de la lisibilité et de la sécurité juridique à une politique essentielle pour les territoires des outre-mer, menée par le ministère des outre-mer et son opérateur, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Vergoz, Mme Claireaux, MM. Desplan, Antiste, Antoinette, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient, Mmes Demontès, Génisson et Schillinger, M. Labazée, Mmes Printz, Alquier, Campion, Emery-Dumas, Ghali et Meunier, MM. Cazeau, Daudigny, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Poher et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Après le mot :
défense
insérer les mots :
et en matière de formations professionnelles sous statut de la politique nationale de continuité territoriale prévue au chapitre III du livre VIII de la première partie du code des transports mise en œuvre par l’agence de l’outre-mer pour la mobilité
La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Mme Anne Emery-Dumas. Cet amendement est similaire à l’amendement n° 10 rectifié, à ceci près qu’il le complète par les mots : « mise en œuvre par l’agence de l’outre-mer pour la mobilité ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces deux amendements sont de même nature, et portent sur les mêmes domaines. Ils visent à rappeler que la compétence de l’État pour la garantie de la continuité territoriale des outre-mer en matière de formation professionnelle doit être préservée.
J’ai le sentiment que le présent projet de loi satisfait ces deux amendements. En effet, l’article 11 consacre déjà son IV à la garantie de la continuité territoriale en outre-mer.
Il y est expressément prévu que les personnes dont la résidence habituelle est située dans un département ou une collectivité d’outre-mer et qui poursuivent une formation professionnelle en dehors de leur territoire de résidence peuvent bénéficier des aides versées par l’État, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la politique nationale de continuité territoriale.
L’adoption de ces deux amendements aurait donc pour conséquence d’aboutir à des redondances au sein de l’article 11. Dès lors, je vous invite, ma chère collègue, à les retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Ces amendements sont satisfaits. Il était peut-être néanmoins nécessaire, pour éclairer le lecteur de nos débats, que M. le rapporteur tienne des propos aussi clairs.
Je vous demande donc également, madame le sénateur, de bien vouloir les retirer.
M. le président. Madame Emery-Dumas, les amendements nos 10 rectifié et 11 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Anne Emery-Dumas. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 10 rectifié et 11 rectifié sont retirés.
L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mmes Demontès, Génisson et Schillinger, M. Labazée, Mmes Printz, Alquier, Campion, Claireaux, Emery-Dumas, Ghali et Meunier, MM. Cazeau, Daudigny, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Poher, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 42
Remplacer le mot :
anime
par le mot :
pilote
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Il s’agit d’un amendement de précision, dont l’objet n’est pas que sémantique. Nous proposons de remplacer le mot « anime » par le mot « pilote » pour déterminer le rôle de la région dans la concertation sur les priorités de sa politique et la complémentarité des interventions en matière de formation professionnelle et d’apprentissage. L’article 11 prévoit, en effet, la pleine compétence de la région en la matière. Celle-ci ne peut donc pas avoir pour seul rôle d’animer une concertation sur sa propre politique ; il lui appartient de l’impulser, de la piloter, et de coordonner l’action des acteurs de la formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Comme vient de le dire Mme Demontès, la précision que tend à apporter cet amendement n’est pas que d’ordre sémantique ; elle vise à rappeler que la région est devenue le chef de file dans tous les domaines de la formation, le présent texte lui octroyant les dernières compétences qui relevaient encore de la responsabilité de l’État en la matière.
La commission émet donc un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 183, présenté par Mme Jouanno, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Elle évalue la politique d’apprentissage et de formation professionnelle sur la base de critères nationaux définis par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement, auquel tient beaucoup le groupe UDI-UC, s’inscrit dans la continuité de l’amendement n° 157, le tout premier que nous ayons adopté en séance sur le présent texte et qui visait à garantir la qualité des formations.
Il tend à ce que l’évaluation des politiques d’apprentissage et de formation professionnelle se fasse à l’échelle régionale, mais selon une grille de critères définie à l’échelon national.
Cet amendement rejoint la recommandation n° 3 du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, visant à « mettre en place une évaluation systématique et harmonisée de l’efficacité des formations au niveau régional permettant une consolidation à l’échelle nationale. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous revenons à la question, longuement débattue hier, de l’évaluation des politiques d’apprentissage et de formation professionnelle.
Je comprends parfaitement votre préoccupation, ma chère collègue. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, l’évaluation de la qualité des formations est sans doute le parent pauvre du système de formation professionnelle.
Il me semble néanmoins que le présent projet de loi se trouve enrichi de deux dispositions en la matière. Il y a, d’abord, la mesure que nous avons introduite hier à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par le Gouvernement. Je pense, ensuite, à la disposition que la commission a adoptée sur mon initiative, prévoyant que le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP, a pour mission de contribuer à l’évaluation de la qualité des formations dispensées par les organismes de formation professionnelle.
Cela dit, bien que l’amendement n° 183 semble satisfait, la commission s’est déclarée favorable à son adoption.
M. Jean Desessard. Ah !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement comprend tout à fait l’esprit de cet amendement. La preuve en est que, avec ses auteurs, nous partageons la volonté de voir dispenser des formations d’égale qualité et de bon niveau par les organismes compétents. Je suis donc favorable au principe.
Je me demande néanmoins s’il ne serait pas intéressant de rectifier – mais alors, il faudrait que vous le demandiez, madame Jouanno – ou de sous-amender l’amendement n° 183. Selon la rédaction de cet amendement, en effet, la région « évalue la politique d’apprentissage et de formation professionnelle ». C’est un peu étrange : la région mène cette politique elle-même. (Mme Christiane Demontès acquiesce.) Cet amendement tend donc à lui permettre de s’auto-évaluer !
Je rappelle, en outre, que la région n’est pas la seule entité responsable de cette politique. Dès lors, il semble important que tous les acteurs qui en sont chargés puissent évaluer leur action à l’aune de certains critères. C’est d’ailleurs l’objectif du CNEFOP et des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP, dont nous discuterons lors de l’examen de l’article 14.
Par conséquent, madame la sénatrice, je vous suggère de rectifier votre amendement en remplaçant les mots : « Elle évalue » par les mots : « Elle contribue à l’évaluation de », ainsi que les mots : « sur la base de critères nationaux définis par décret en Conseil d'État » » par les mots : « prévue au 6° de l’article L. 6123-1. »
En effet, l’article L. 6123-1 du code du travail, dont nous discuterons ultérieurement, fait de l’évaluation de la politique d’apprentissage l’une des missions du CNEFOP et des CREFOP.
M. le président. Madame Jouanno, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?
Mme Chantal Jouanno. Une telle rédaction pourrait convenir, mais l’essentiel est que les grilles d’évaluation soient les mêmes dans toutes les régions.
Or j’ai un doute. Si le CNEFOP est aujourd'hui une bonne structure de concertation et de débat, ce n’est pas nécessairement un organisme d’évaluation.
J’insiste donc sur la nécessité, et l’IGAS a formulé des recommandations très précises à cet égard, d’une grille d’évaluation systématique et harmonisée dans toutes les régions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Votre préoccupation, madame Jouanno, est déjà satisfaite par la rédaction proposée pour l’article L. 6123-1 du code du travail à l’alinéa 16 de l’article 14, en vertu duquel le CNEFOP « élabore et diffuse également une méthodologie commune en vue de l’établissement de bilans régionaux ». Voilà qui traduit le souhait d’une grille identique pour l’ensemble des régions, afin d’apprécier un certain nombre d’éléments, notamment qualitatifs.
Ainsi, le projet de loi prévoit déjà une disposition de cette nature.
Mme Chantal Jouanno. Dans ce cas, j’accepte de rectifier mon amendement dans le sens proposé par M. le ministre !
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 183 rectifié, présenté par Mme Jouanno, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Elle contribue à l'évaluation de la politique d'apprentissage et de formation professionnelle prévue au 6° de l'article L. 6123-1.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je n’ai pas d’objection à l’égard de la rédaction proposée par M. le ministre, mais je pense qu’il faut alors mentionner aussi l’orientation.
Il faut préciser que la région « contribue à l’évaluation de la politique d’apprentissage, d’orientation et de formation professionnelle ». C’est, me semble-t-il, une question de complémentarité et de cohérence, compte tenu de l’évolution du rôle du CREFOP.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Là encore, je me permets de citer l’alinéa 16 de l’article 14, qui attribue au CNEFOP la mission d’évaluer « les politiques d’information et d’orientation professionnelle, de formation professionnelle initiale et continue et d’insertion et de maintien dans l’emploi, aux niveaux national et régional. »
La précision que vous sollicitez figure donc déjà dans le texte, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour explication de vote.
M. Gérard Larcher. Ce débat me semble important ; les disparités dans la qualité de la formation professionnelle délivrée dans ce pays sont un sujet majeur.
Le très grand nombre d’intervenants, ainsi, parfois, que les conditions dans lesquelles certains organismes ont été créés rendent une évaluation indispensable. Et comme notre République est une et indivisible, il importe que la politique d’évaluation soit menée au plan national.
Aussi, à titre personnel, je voterai l’amendement de Mme Jouanno rectifié à la suggestion du M. le ministre.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mmes Demontès, Génisson et Schillinger, M. Labazée, Mmes Printz, Alquier, Campion, Claireaux, Emery-Dumas, Ghali et Meunier, MM. Cazeau, Daudigny, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Poher, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 44, seconde phrase
Après les mots :
au niveau IV
insérer les mots :
ou, pour les professions dont la liste sera établie et révisée tous les trois ans par l’État et le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation, au premier niveau de qualification permettant l’accès à l’emploi,
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement vise à prendre en compte l’évolution des métiers et des technologies.
Le présent projet de loi prévoit que la région devra assurer à toute personne cherchant à s’insérer sur le marché du travail l’accès gratuit à une formation conduisant à un diplôme ou à un titre au plus de niveau IV, afin de lui permettre d’acquérir un premier niveau de qualification et de faciliter son insertion professionnelle, sa mobilité ou sa reconversion.
Toutefois, nous le savons, un certain nombre de professions ne recrutent aujourd'hui plus seulement au niveau IV et commencent les recrutements au niveau III, c’est-à-dire les brevets de technicien supérieur, ou BTS, et les diplômes universitaires de technologie, ou DUT, qui sanctionnent deux années d’études après le baccalauréat.
À mon sens, le souci de répondre au mieux à la fois à l’offre des entreprises et aux besoins des demandeurs d’emploi doit nous conduire à assouplir cette condition de niveau, afin que les employeurs potentiels et demandeurs d’emploi ne soient pas pénalisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à élargir les formations professionnelles dont les régions doivent assurer l’accès gratuit à celles qui permettent d’acquérir un titre classé au premier niveau de qualification permettant l’accès à l’emploi.
Or, comme notre collègue Christiane Demontès l’a expliqué, le premier niveau d’accès est au-delà du niveau IV pour un certain nombre d’emplois.
Il s’agit par cet amendement de prendre en compte les emplois pour lesquels un niveau IV ne suffit pas.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement me laisse un peu dubitatif.
Tout d’abord, un tel dispositif créerait une nouvelle charge, non compensée, pour les régions, qui assurent aujourd'hui pour la plupart la gratuité des formations aux niveaux V et IV. Mais je laisserai les auteurs de l’amendement s’en expliquer avec les régions. (Sourires.)
Par ailleurs, imposer la gratuité des formations au-delà du niveau IV sur la base d’une liste établie au plan national soulève, me semble-t-il, une difficulté qui nous renvoie d’ailleurs au problème posé par l’articulation entre décentralisation et maintien d’un certain nombre de cadres nationaux. En l’occurrence, cette mesure entraverait de fait la liberté des régions à décider de l’étendue des formations dont elles assurent la gratuité du fait de leur compétence en matière de formation professionnelle. Cela suscite tout de même certaines interrogations eu égard à la volonté très décentralisatrice que nous exprimons par ailleurs en la matière.
Je m’en remets donc soit à l’appréciation de Mme Demontès – peut-être décidera-t-elle de retirer son amendement –, soit à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Madame Demontès, l’amendement n° 14 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Christiane Demontès. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié bis, présenté par Mmes Demontès, Génisson et Schillinger, M. Labazée, Mmes Printz, Alquier, Campion, Claireaux, Emery-Dumas, Ghali et Meunier, MM. Cazeau, Daudigny, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Poher, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles élabore la liste des formations d’intérêt national qui font prioritairement l’objet des dispositions conventionnelles ou réglementaires assurant cette prise en charge. Cette liste est révisée tous les trois ans.
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement vise à faciliter la mobilité en matière de formation professionnelle
Nous constatons aujourd'hui que de nombreux candidats à une formation professionnelle sont contraints d’y renoncer en raison des frais importants, notamment en matière de transport, d’hébergement et de nourriture, que le déplacement hors du domicile occasionne. Ces frais annexes ne sont pas toujours pris en charge, ce qui peut se révéler problématique pour les intéressés.
Ainsi, une baisse de la mobilité interrégionale pouvant atteindre jusqu’à 50 % a été constatée depuis trois ans. Évidemment, la situation est liée aux conditions économiques auxquelles nous sommes confrontés. Mais il nous appartient d’y remédier.
Le projet de loi prévoit des conventions et, à défaut, un décret – j’espère que nous n’en arriverons pas là – pour régler les conditions de prise en charge des personnes formées dans une région autre que celle de leur domicile.
Les interlocuteurs que nous avons auditionnés nous ont fait part de ce qu’il faut bien appeler un effet pervers de la décentralisation, dont je suis une fervente partisane. Sur des formations très demandées ou très spécifiques à leur tissu économique, certaines régions peuvent être tentées de favoriser les candidats locaux.
Il peut aussi advenir que des formations ne soient pas complètes, les candidats étant issus d’autres régions et ne pouvant pas faire face aux frais annexes que j’évoquais tout à l’heure.
Cette situation nous semble néfaste pour les personnes, pour l’économie et pour l’emploi. Nous proposons donc d’y remédier en confiant au CNEFOP l’élaboration d’une liste de formations d’intérêt national dont la prise en charge devrait être prioritaire, que ce soit par conventionnement ou décret. Pour suivre l’évolution des métiers, cette liste pourrait être révisée régulièrement, par exemple tous les trois ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous soulevez, ma chère collègue, et je parle sous le contrôle de M. le ministre, un vrai problème, sur la base d’un constat juste.
On observe effectivement que les stagiaires sont de plus en plus enclavés dans leur propre région et qu’ils peuvent de moins en moins accéder à des formations de caractère national dispensées dans une autre région.
Le présent amendement vise donc à l’élaboration par le CNEFOP d’une liste des formations d’intérêt national, liste qui devrait être révisée tous les trois ans.
Toutefois, selon le Gouvernement, les appels à projets nationaux, notamment ceux qui sont en cours avec le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, ou FPSPP, devraient constituer une solution à ce problème. L’amendement serait ainsi satisfait.
Cela dit, je souhaite que M. le ministre nous donne les précisions nécessaires, car il faut apporter de vraies réponses à la question de notre collègue.