M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Il s’agit en effet d’une vraie question, puisque c’est Mme Demontès, qui connaît bien les problèmes, qui la pose. (Sourires.)
Mais je ne suis pas certain que le dispositif envisagé soit la bonne réponse. Il ne me paraît pas opportun d’inscrire la notion de formation « d’intérêt national », qui n’est évidemment pas spécifiée, dans la loi. Chacun pourrait être tenté d’y apporter sa propre définition… Or les conséquences, notamment financières, pourraient se révéler lourdes pour les régions.
Un travail qui vise à définir les formations d’intérêt national sera réalisé dans les mois à venir entre l’État, les régions et les partenaires sociaux. En outre, un appel à projets du FPSPP sera bientôt lancé, afin de préciser les termes. Quand on fait du droit, il faut faire attention aux approximations juridiques et à leurs éventuelles conséquences.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. J’entends les explications de M. le ministre, notamment s’agissant de l’appel à projets au plan national, dont j’accepte l’augure. D’ailleurs, il serait peut-être intéressant, une fois l’appel lancé, d’en connaître les conditions de mise en œuvre et de réalisation.
Étant optimiste, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 227, présenté par Mme Blandin, M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Après les mots :
d'acquisition
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
du socle de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il n’est pas un jour où nous ne discutions du socle au travers d’amendements présentés par ma collègue Mme Blandin. Nous en avons déjà parlé mardi, mercredi. Aujourd'hui, nous l’évoquons peut-être pour la dernière fois, le présent amendement étant le dernier de ce type dont le premier signataire est Mme Blandin…
Il existe deux socles : un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, défini par le code de l’éducation, et un socle de connaissances et de compétences, déterminé pour la formation professionnelle. Comme je l’ai souligné à deux reprises, il faut être un fin analyste pour comprendre la différence entre ces deux socles. Je suis d’ailleurs sûr que dans dix ans les sénatrices et sénateurs qui siégeront dans cet hémicycle se demanderont comment nous avons pu créer deux socles différents, mais portant quasiment le même nom ? (Sourires.)
La différence entre ces deux socles a bien été expliquée par M. le rapporteur : le socle de l’éducation est une formation initiale, et le socle de connaissances et de compétences, dont nous parlons aujourd'hui, concerne la formation professionnelle et s’appuie sur d’autres bases.
M. Jean Desessard. Comme il existe bien deux socles différents, nous aurions pu prendre la précaution de les nommer différemment. N’aurait-il pas été plus sage de parler de socle de connaissances et de compétences de la formation professionnelle ?
Je reconnais avoir manqué d’à-propos. J’aurais dû déposer un amendement en ce sens. L’adoption de l’amendement n° 227 conduirait, en quelque sorte, à mettre le socle de l’éducation à la place du socle de la formation professionnelle. Par conséquent, vous l’aurez compris, je retire cet amendement !
Mme Laurence Cohen. Tout ça pour ça ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 227 est retiré.
L'amendement n° 126 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 50
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Les personnes placées sous main de justice sont un public très spécifique, relevant de la compétence exclusive de l’État. Le transfert à la région de leur formation professionnelle serait lourd de conséquences pour ces collectivités. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’alinéa 50.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nul besoin de longs développements pour convaincre mon collègue Savary que cet amendement n’est pas adapté à l’esprit du présent projet de loi, encore moins au contexte actuel.
Si cet amendement était adopté, la formation des détenus resterait du domaine de compétence de l’État, alors que précisément toute la vocation de ce texte est de transférer la totalité de la compétence aux régions. Quel argument décisif devrait nous conduire à prévoir une exception pour la formation des détenus ?
J’émets donc, à titre personnel, un avis très défavorable, même si la commission vous a suivi sur ce point, mon cher collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Au cours de la discussion générale, j’ai eu l’occasion d’évoquer les expériences menées pendant des années par les régions Aquitaine et Pays de la Loire à l’égard des détenus et des personnes récemment sorties de prison. Monsieur Savary, leur réussite est remarquable !
Cette raison justifie que le présent amendement ne soit pas adopté.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 52
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Elle tient compte des besoins d’offre de formation professionnelle dans les filières métiers ayant trait à la transition écologique et énergétique. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par symétrie, j’en reviens à la transition énergétique.
L’article 11 vise à confier un rôle central aux régions en matière de formation professionnelle. Ces dernières reçoivent de nouvelles compétences, que ce soit pour lutter contre l’illettrisme ou pour prendre en charge la formation des Français établis hors de France, des détenus ou des handicapés.
Nous proposons également que les régions aient un rôle accru dans le domaine de la transition énergétique, via le levier de la formation. À ce titre, le Conseil national du débat sur la transition énergétique, au travers de son groupe de travail Transitions professionnelles, préconise, notamment, d’« encourager les régions qui ne l’ont pas encore fait à mettre en place des politiques de filières intégrant la transition énergétique ».
Nous nous inscrivons, bien évidemment, dans la philosophie du projet de loi, qui tend à faire des régions un acteur majeur de la formation professionnelle, en incitant ces dernières à promouvoir des filières d’avenir, porteuses d’emplois et dont notre société a besoin.
Nous proposons d’inscrire dans les nouvelles missions de la région le fait que celle-ci doit tenir compte « des besoins d’offre de formation professionnelle dans les filières métiers ayant trait à la transition écologique et énergétique ».
Mme Catherine Procaccia. Constance Desessard… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Madame Procaccia, je partage votre remarque : il faut reconnaître la constance et la persévérance de M. Desessard ! (Nouveaux sourires.)
Je ferai preuve, pour ma part, de cohérence par rapport aux propos que j’ai tenus hier. À l’évidence, les régions mettent au cœur de leur politique – je parle sous le contrôle d’un éminent collègue – la transition écologique. Mais nous devrions établir également la liste de l’ensemble des autres enjeux qui s’imposent à elles.
Pour cette raison assez évidente, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je salue à mon tour la constance de M. Desessard…
Les arguments de M. le rapporteur sont parfaitement exacts : on ne peut pas tout ramener à ces enjeux, même s’ils sont extrêmement importants.
Néanmoins, je souhaite insister sur un point. L’Assemblée nationale a adopté à l’article 13 – nous l’examinerons ultérieurement – des amendements déposés par M. Baupin qui visent à prévoir la prise en compte dans les orientations pluriannuelles de la programmation des formations telles qu’elles sont définies dans le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles ces priorités. C’est une priorité.
Sous le bénéfice de cette observation et compte tenu de la compréhension particulièrement appuyée dont je fais preuve en cet instant, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer le présent amendement, voire également les suivants.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 45 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je reconnais que des évolutions positives résultent des travaux de l’Assemblée nationale. J’y suis sensible, car nous travaillons en parfaite collaboration avec nos collègues députés écologistes. J’accepte donc de retirer cet amendement, même si telle n’était pas mon intention initiale parce que j’y tenais !
M. le président. L'amendement n° 45 est retiré.
L'amendement n° 47, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 55, seconde phrase
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
dix
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je suis étonné que M. le ministre m’ait demandé de retirer cet amendement avant même sa présentation, car il s’agit d’une notion importante.
Comment se fait-il, me direz-vous, que les écologistes, qui souhaitent toujours faire les choses un peu rapidement, désirent ici prolonger de cinq à dix ans un agrément ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’encadrer des organismes obéissant à des logiques de service public, c'est-à-dire des services d’intérêt économique général, ou SIEG.
Il serait préférable que l’habilitation de ces organismes soit non pas de cinq ans, mais de dix ans, car il est difficile de mettre en place un SIEG. La reconnaissance d’un tel organisme nécessite des démarches auprès de l’Union européenne. Il faut faire la preuve qu’il répond bien à la définition retenue à l’échelon européen, expliquer comment on envisage de le mettre en place, établir qu’il n’y a pas de concurrence.
Telles sont les raisons pour lesquelles un agrément de cinq ans, qui semblerait normal pour n’importe quel organisme, risque d’être trop restreint pour un SIEG.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je comprends vos arguments, mon cher collègue, mais l’agrément est accordé pour cinq ans par souci de conformité avec le droit communautaire. C’est la raison pour laquelle je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, l’examen de cet amendement permet de souligner l’importance des dispositions en cause. Je vous en remercie.
L’exception à l’obligation de mise en concurrence pour les SIEG était une évolution souhaitée par de nombreux acteurs, en particulier par les régions, mais il était important de se placer dans un cadre européen.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Michel Sapin, ministre. Cette exception, instaurée par le présent texte, constitue une avancée considérable.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Michel Sapin, ministre. Mais toute la difficulté tient au fait qu’une telle exception doit être justifiée : or plus on allonge la durée de l’agrément, plus cette justification est difficile à réaliser, parce que l’exception est liée aux publics concernés. En effet, comment prouver que, au bout de dix ans, des publics seront encore intéressés ? Qui trop embrasse mal étreint !
Le Conseil constitutionnel, s’il était saisi de cette question demain par des parlementaires ou après-demain via une question prioritaire de constitutionnalité émanant de tel ou tel organisme privé estimant que la mesure remet en cause la liberté des marchés et du commerce, pourrait déclarer la disposition anticonstitutionnelle. Il y a là un risque.
La durée de cinq ans a été mesurée, pesée juridiquement, pour que l’agrément soit compatible avec les impératifs juridiques et constitutionnels.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur Desessard, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous venez d’indiquer que l’examen de mon amendement permet d’attirer l’attention sur le SIEG, c'est-à-dire sur la possibilité, à l’échelon européen, de créer des services d’intérêt économique général. J’y suis sensible
Vous avez également précisé que le présent projet de loi prévoit une exception à l’égard des SIEG. Il faudra faire connaître cette possibilité, car ces services doivent être défendus.
Mais je déplore – comme l’a d'ailleurs fait hier le représentant de la commission des finances – que, après avoir reconnu que mon amendement était bon, intelligent, vous me demandiez de le retirer.
Cela étant, votre argument selon lequel la durée de l’agrément délivré à des organismes chargés de mettre en œuvre des actions d’insertion et de formation à destination de publics spécifiques ne peut pas être trop longue mérite tout de même d’être pris en considération, même si le problème tient, en réalité, au fait que l’obtention d’un agrément européen prend du temps. Il faut donc trouver un équilibre.
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 47 est retiré.
L'amendement n° 272 rectifié, présenté par M. Patriat et Mme D. Gillot, est ainsi libellé :
Alinéa 56
Après le mot :
délivrée
insérer les mots :
en priorité aux établissements publics de formation secondaire et supérieure accueillant les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Je vais moi aussi vous parler des SIEG. Le présent amendement a pour objet de permettre aux régions d’habiliter par voie conventionnelle les établissements publics de formation secondaire ou supérieure à dispenser les formations à destination des jeunes et des adultes rencontrant des difficultés particulières d’apprentissage ou d’insertion, autrement dit des publics vulnérables.
Ces actions de formation sont exercées dans le cadre juridique européen des SIEG et se distinguent des autres actions de formation par leur finalité d’utilité sociale, ainsi que l’a rappelé Mme Demontès.
Si cet amendement est adopté, seront précisés en droit national les contours des actions de formation dont l’objet et l’opérateur répondent à une mission d’utilité sociale et d’intérêt général, afin de permettre aux régions de privilégier les opérateurs publics accueillant ces personnes vulnérables, sans être soumises aux procédures de mise en concurrence habituelles.
Cet amendement est en cohérence avec l’évolution introduite par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui a reconnu la formation professionnelle tout au long de la vie comme une mission à part entière des universités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Sous un autre aspect, nous avons déjà évoqué cette question hier. Notre collègue François Patriat propose de donner une sorte de droit de priorité aux établissements publics de formation secondaire et supérieure lors de l’habilitation par les régions d’organismes de formation professionnelle.
Certes, je comprends l’esprit qui sous-tend cet amendement. Mais l’introduction d’un tel droit de priorité serait contraire, me semble-t-il, au droit de la commande publique et aux obligations communautaires.
Pour cette raison, je vous invite, mon cher collègue, à retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je suis désolé de ne pas avoir une position toujours convergente avec la vôtre, monsieur Patriat, vous qui, en tant que président de région, avez une très grande connaissance de ces questions. Mais les arguments de M. le rapporteur sont incontestables.
En l’espèce, vous voulez créer une priorité pour des établissements, en l’occurrence des GRETA, ou groupements d’établissements, établissements d’enseignement supérieur, universités. Ce faisant, vous restreignez la liberté de choix de la région, alors même que ces établissements ne sont pas nécessairement les mieux outillés pour accompagner les publics en difficulté.
Par ailleurs, cette priorité est totalement contradictoire avec les principes de transparence et de non-discrimination qui figurent dans le projet de loi, ainsi qu’avec la liberté d’accès à la commande publique. Je crains évidemment une censure constitutionnelle sur ce point.
C’est pourquoi, si je partage l’hommage que vous rendez à la qualité des institutions de l’enseignement supérieur que vous défendez depuis hier, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous n’acceptiez de le retirer.
M. le président. Monsieur Patriat, l’amendement n° 272 rectifié est-il maintenu ?
M. François Patriat. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. Je suis un peu inquiet : quand je défends mes amendements, on me demande systématiquement de les retirer et quand M. le rapporteur les reprend lorsque je ne peux être présent pour des raisons personnelles – ce fut le cas hier lors de l’examen de l’article 9, et je l’en remercie –, on les accepte ! Ce n’est guère un encouragement à rester présent pendant tout le débat ! (Rires.)
Dans le cas présent, vous m’avez convaincu, monsieur le ministre. Par conséquent, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 272 rectifié est retiré.
L'amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 56
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 6121-2-2. – Dans le cadre du service public régional de la formation professionnelle défini à l’article L. 6121-2 et de la gestion des formations à destination des personnes en situation de handicap, la région peut, par voie de convention, habiliter des organismes chargés de mettre en œuvre les actions de formation à destination de ce public, en contrepartie d’une compensation financière. L’habilitation, dont la durée ne peut pas excéder dix ans, précise notamment les obligations de service public qui pèsent sur l’organisme.
« Cette habilitation est délivrée, dans des conditions de transparence et de non-discrimination et sur la base de critères objectifs de sélection, selon une procédure définie par un décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à permettre l’établissement, dans le cadre d’un service d’intérêt général, de conventions avec des organismes chargés d’actions de formation à destination des personnes en situation de handicap. La formation professionnelle de ces publics peut être considérée comme un service d’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous souhaitez, mon cher collègue, donner aux régions la possibilité d’habiliter des organismes à mettre en œuvre des actions de formation destinées spécifiquement aux personnes en situation de handicap.
Les alinéas 54 et 55 de l’article 11 prévoient déjà la possibilité pour les régions d’habiliter par voie de convention des organismes à mettre en œuvre des actions d’insertion et de formation à destination des jeunes et des adultes rencontrant des difficultés d’apprentissage ou d’insertion, afin de leur permettre de bénéficier, à titre gratuit, d’un parcours individualisé et comportant un accompagnement à caractère pédagogique, social ou professionnel.
Le public visé par ce nouvel outil me paraît suffisamment large. Il inclut précisément les personnes qui sont l’objet de votre amendement. Il ne me semble donc pas nécessaire de prévoir une autre procédure d’habilitation, qui serait redondante par rapport à ce qui est déjà prévu.
Je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. L’argumentation exposée par M. le rapporteur avec beaucoup de douceur et de gentillesse suffira, je le pense, à vous convaincre, monsieur Desessard ! (Sourires.)
Votre amendement, de fait, est totalement satisfait par l’alinéa 54 du projet de loi qui dispose que « la région peut financer des actions d’insertion et de formation professionnelle à destination des jeunes et des adultes qui rencontrent des difficultés d’apprentissage ou d’insertion » Cela englobe évidemment les personnes handicapées. D’ailleurs, si cela n’avait pas été le cas, vous auriez élargi le champ de la disposition prévue et l’article 40 de la Constitution aurait été opposé à votre amendement.
Vous avez déjà satisfaction : vous pouvez donc retirer en toute sécurité cet amendement.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 46 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 182, présenté par Mme Jouanno, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 60
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement est important parce qu’il traduit en partie l’esprit dans lequel nous souhaitons voir évoluer la formation professionnelle.
Les membres du groupe UDI-UC sont profondément décentralisateurs. Ce point d’ailleurs nous distingue de nos collègues. Nous considérons que si, aujourd’hui, le système de la formation professionnelle ne fonctionne pas bien à l’égard de certains publics, notamment les demandeurs d’emploi, c’est parce que les responsabilités ne sont pas très clairement définies. Nous souhaitons donc que les responsabilités, les blocs de compétences soient confiés à certains acteurs, particulièrement à la région.
Par ailleurs, nous souhaitons voir s’opérer une distinction entre les financeurs et les acheteurs de formation. À cet égard, nous avons repris strictement une préconisation du rapport de l’IGAS visant à ce que les régions regroupent l’ensemble des achats collectifs de formation à destination des demandeurs d’emploi. D’ailleurs, cela inclurait aussi des appels à projet du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels dans une procédure d’achat unifié. Il faudrait que, en parallèle, Pôle emploi soit totalement responsable de l’achat des formations individuelles destinées aux demandeurs d’emploi.
Tel est l’esprit qui sous-tend cet amendement, que je vais toutefois retirer au profit de l’amendement que M. Desessard va défendre dans quelques instants, dont la rédaction, je dois l’admettre, est meilleure.
M. le président. L’amendement n° 182 est retiré.
L'amendement n° 48, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 60
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La région procède à la totalité des achats de formations collectives pour les demandeurs d’emploi, y compris pour le compte de l’institution mentionnée ci-dessus.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Voilà un amendement qui sera plus difficile à retirer ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Le projet de loi consacre le rôle central des régions en matière de formation professionnelle, y compris pour les demandeurs d’emploi. Pour rester dans la logique du texte, nous proposons de reconnaître pleinement cette compétence et de supprimer les doublons, afin de coordonner de manière efficace la formation des demandeurs d’emploi.
Aujourd’hui, Pôle emploi a la possibilité d’acheter des formations collectives, y compris sous la coordination de la région.
Donc dans un but de simplification administrative et en accord avec la philosophie générale du projet de loi, nous proposons, par le présent amendement, que les régions puissent procéder à la totalité des achats de formations collectives pour les demandeurs d’emploi, y compris pour le compte de Pôle emploi et en répondant à sa demande.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. M. Desessard propose de renforcer la portée de l’alinéa 60 du projet de loi en obligeant Pôle emploi, dans tous les cas de figure, à se dessaisir de l’achat de formations collectives pour le confier exclusivement à la région.
Selon l’alinéa 60, l’institution Pôle emploi « peut procéder ou contribuer à l’achat de formations collectives ». Autrement dit, dès lors qu’elle a décidé de procéder à l’achat de formations collectives, elle le fait dans le cadre d’une convention conclue avec la région qui en précise l’objet et les modalités. Et cette convention s’impose à elle.
Le texte, tel qu’il est rédigé, me semble bien équilibré. Aller au-delà risquerait tout simplement de priver Pôle emploi d’un outil dont il a besoin dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Je vous demande donc, monsieur Desessard, de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je ne désespère jamais de convaincre M. Desessard, surtout lorsqu’il est en parfaite symbiose avec Mme Jouanno ! (Sourires.)
L’objectif, et j’en reviens au propos de Mme Jouanno, c’est de clarifier la situation actuelle. Pour dire les choses simplement, Pôle emploi conserverait tout ce qui est formation individuelle, de manière à être extrêmement réactif. Le conseiller Pôle emploi doit être capable d’apporter immédiatement une réponse très concrète au demandeur d’emploi qui est en face de lui. Il n’est pas question qu’il le renvoie vers la région en lui disant qu’elle dispose éventuellement de la formation adéquate, mais que, dans le cas contraire, il va falloir lancer une procédure, qui est un petit peu plus longue.
M. Jean Desessard. La formation individuelle, c’est Pôle emploi !
M. Michel Sapin, ministre. Les formations individuelles, c’est Pôle emploi ; les formations collectives, c’est la région.
Pôle emploi tenait – on peut le comprendre – à conserver la capacité d’acheter des formations collectives. J’ai souhaité que les choses soient clarifiées. J’ai donc demandé à cette institution de bien vouloir entrer dans ce dispositif. C’est la base ; au fond, c’est là que vous voudriez en rester, monsieur Desessard.
L’alinéa 60 de l’article 11 offre un élément de souplesse, qui n’ôte aucun pouvoir de décision de la région : Pôle emploi « peut procéder ou contribuer à l’achat de formations collectives dans le cadre d’une convention conclue avec la région ». Si la région est d’accord, et uniquement dans ce cas, Pôle emploi peut lui-même acheter ces formations ou, mieux encore, contribuer en faisant un achat groupé avec la région.
Une telle disposition s’explique par notre volonté de réactivité. Si un groupe de salariés – on est, je le rappelle, dans un cadre collectif – travaillant dans une entreprise qui connaît des difficultés expriment, à un moment donné, un besoin particulier, le conseiller doit pouvoir leur offrir la même possibilité de formation pour des postes qui sont à peu près dans le même secteur géographique et qui sont eux-mêmes collectifs.
Madame Jouanno, monsieur Desessard, même si les choses sont plus compliquées à percevoir sur des territoires très urbains, je suis persuadé que vous avez relevé la pertinence de ce qui s’est fait sur le terrain avec le plan 30 000 – les 30 000 formations prioritaires de la fin de l’année dernière –, qui devient le plan 100 000.
Ce qui compte, je le redis, c'est la réactivité, la capacité à offrir très vite des formations, y compris collectives. Tel est tout simplement notre objectif.
Nous cherchons non pas à maintenir de la confusion – je comprends que ce soit votre crainte, madame Jouanno, mais je vous ai dit quels étaient nos principes –, mais à permettre à Pôle emploi de faire preuve de réactivité, avec l’accord des régions, qui ont le pouvoir, pour passer rapidement des mécanismes d’achat collectif.
Voilà la raison pour laquelle je tiens à cette disposition. Je sais que le conseiller de Pôle emploi a le souci d’offrir une solution non pas à une seule personne, mais à un groupe de personnes, et de le faire vite, de manière très réactive.
Il est vrai que dans nos régions – mais ce serait également vrai dans une collectivité locale –, le système est un peu plus lourd, soit parce qu’il faut faire un appel d’offres, soit parce qu’il faut compléter le budget, soit parce que, éventuellement, il faut passer devant la commission permanente pour lancer la procédure.
Ma réponse a été un peu longue, mais je tenais à vous dire, monsieur Desessard, que si je comprends vos préoccupations, il faut aussi penser au conseiller qui a devant lui des chômeurs à qui il doit pouvoir offrir une réponse le plus rapidement possible. Telle est la justification de cette disposition.