compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Accès au logement et urbanisme rénové
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (texte de la commission n° 356, rapport n° 355).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Dilain, corapporteur.
M. Claude Dilain, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le parcours législatif du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit ALUR, touche aujourd’hui à sa fin.
Après l’adoption par le Sénat du projet de loi en deuxième lecture, le 31 janvier dernier, la commission mixte paritaire s’est réunie le 11 février à l’Assemblée nationale et a abouti à un accord entre les deux chambres.
La réussite de la CMP est l’illustration du soutien appuyé du Parlement à ce projet de loi ambitieux, qui vise à apporter des réponses à la crise du logement subie par nos concitoyens. Il le fait en instituant un dispositif d’encadrement des loyers, en créant la garantie universelle des loyers, ou GUL, en réformant les professions immobilières, en renforçant la lutte contre l’habitat indigne et contre les « marchands de sommeil », en proposant des mesures ambitieuses pour la prévention et le traitement des copropriétés dégradées, en réformant les procédures d’attribution des logements sociaux, en réformant la gouvernance d’Action logement, ou encore en modernisant des procédures d’urbanisme, point sur lequel je laisserai M. Daniel Raoul s’exprimer.
On ne peut que saluer l’engagement du Gouvernement, et votre mobilisation, madame la ministre, pour apporter des réponses appropriées sur tous les fronts à la crise du logement. J’en profite pour renouveler mes remerciements tant à votre endroit qu’à celui des collaborateurs de votre cabinet ainsi qu’aux agents de l’administration, avec qui nous avons pu travailler dans les meilleures conditions et de manière très efficace.
Pour ce qui concerne les titres Ier et II, dont j’avais la charge, je souhaite souligner que, sur 104 articles, seule une trentaine restait en discussion avant la CMP. Cela montre la large convergence de vues entre la Haute Assemblée et les députés sur ces dispositions.
Je tiens d’ailleurs à saluer le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, M. Daniel Goldberg, avec qui j’ai constamment dialogué tout au long de la discussion de ce projet de loi. Je pense que nos échanges ont contribué à rapprocher les points de vue et à assurer une compréhension mutuelle des positions exprimées par les députés et par la sénateurs.
S’agissant des titres Ier et II du projet de loi, la commission mixte paritaire n’a apporté que des ajustements au texte adopté par le Sénat en deuxième lecture. Elle a ainsi adopté des amendements rédactionnels, des amendements de précision ou encore des amendements de coordination avec la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Je souhaite relever plusieurs modifications de fond intervenues à l’occasion de la commission mixte paritaire.
À l’article 1er bis, la CMP a précisé que, pour être cotitulaires du bail, deux personnes pacsées doivent en faire la demande conjointe, précision qui répond à une préoccupation exprimée en deuxième lecture par M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois.
À l’article 4, la CMP a poursuivi l’alignement des règles applicables aux logements meublés sur celles qui sont applicables aux logements nus en matière de congé : les dispositions prévoyant une sanction pénale en cas de congé frauduleux ont ainsi été étendues aux logements meublés.
À l’article 6 ter, la CMP est revenue sur une disposition introduite par la Haute Assemblée, qui permettait de déroger au régime d’autorisation préalable au changement d’usage pour les meublés touristiques, estimant que cette disposition allait à l’encontre de la libre administration des collectivités territoriales.
À l’article 8, qui institue la garantie universelle des loyers, la CMP a précisé une disposition issue d’un amendement de Mireille Schurch et du groupe CRC, adopté par le Sénat en deuxième lecture, prévoyant que l’agence de la GUL pourrait ne pas exercer ses droits à l’égard d’un locataire en situation d’impayés. Le texte issu des travaux de la CMP permet à l’agence d’exercer uniquement une partie de ses droits, ce qui me paraît plus favorable aux locataires en situation d’impayés. Je tiens cependant à souligner que l’agence de la GUL ne sera aucunement contrainte de renoncer à exercer ses droits. Ainsi, cette disposition ne constitue pas un encouragement à ne pas payer ses loyers.
À l’article 28, la CMP a introduit une disposition issue d’un amendement que M. Jacques Mézard avait déposé en deuxième lecture et retiré à la demande du Gouvernement. Cette disposition porte sur les droits d’agir en justice des associations syndicales libres, les ASL. Après analyse approfondie, il est apparu que la proposition de M. Mézard était pertinente et permettait de répondre à une jurisprudence incertaine sur le sujet. C’est pourquoi la CMP a repris cette proposition.
Enfin, à l’article 41, la CMP a prévu que, au sein de la métropole du Grand Paris, le président de la métropole pourrait déléguer ses compétences en matière d’habitat insalubre au président du conseil de territoire.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, les principales modifications effectuées par la CMP ne remettent en rien en cause le texte tel qu’il a été adopté par le Sénat à la fin du mois de janvier.
Au terme de l’examen du projet de loi, je souhaite souligner l’apport de la Haute Assemblée. Une fois de plus, le Sénat a fait la preuve de sa sagesse et de la qualité de ses réflexions.
Je pense bien entendu à la garantie universelle des loyers. La commission des affaires économiques, sur l’initiative de son président Daniel Raoul, a mis en place lors de la première lecture un groupe de travail sur ce sujet, jugeant que le dispositif était pour le moins perfectible.
Ce groupe de travail, dont M. Jacques Mézard était le rapporteur, était placé sous la présidence de M. Daniel Raoul. Il a travaillé dans un esprit constructif et a permis de faire converger les points de vue. Je tiens à saluer à la fois cette initiative, la qualité des propositions formulées par M. Jacques Mézard et la participation de l’ensemble des membres du groupe de travail aux travaux de ce dernier.
Ces propositions ont largement inspiré le dispositif présenté par le Gouvernement à l’Assemblée nationale en deuxième lecture : il combine une « garantie publique socle » universelle et une assurance complémentaire facultative, la « garantie socle » étant plafonnée au niveau du loyer de référence dans les zones tendues, avec un taux d’effort des locataires couverts pouvant atteindre 50 %.
Du fait des réserves constitutionnelles soulevées par Mme la ministre, il n’a pas été possible de supprimer le cautionnement et de rendre la GUL obligatoire, comme l’avait recommandé le groupe de travail. Pour autant, sur l’initiative de M. Jacques Mézard, le Sénat, à l’occasion de la deuxième lecture, a renforcé le caractère automatique de la garantie universelle des loyers.
Au terme de cette coproduction législative, l’article 8 du projet de loi met donc en place un dispositif précis et solide, qui répond à une attente et à des préoccupations exprimées depuis de nombreuses années sur toutes les travées de cet hémicycle : faciliter l’accès au parc privé en sécurisant les propriétaires.
Enfin, je ne peux que me réjouir que ce projet de loi permette d’engager une grande réforme des copropriétés, qui aura malheureusement moins fait parler d’elle que le titre IV du projet de loi. C’est peut-être parce que cette réforme, inspirée assez largement des conclusions du rapport de notre ancien collègue Dominique Braye, était consensuelle.
Madame la ministre, je tiens à saluer votre détermination sur ce sujet extrêmement important. Je me réjouis également que le projet de loi reprenne des mesures auxquelles tiennent les acteurs des copropriétés dégradées et de la lutte contre l’habitat indigne et contre les marchands de sommeil. Je pense par exemple à l’interdiction pour un copropriétaire endetté auprès de la copropriété d’acheter de nouveaux lots.
Le volet « copropriétés » du projet de loi constitue une avancée très importante, attendue par les acteurs de terrain. La création du fonds de travaux, mesure phare de ce volet, constitue ainsi une mesure essentielle pour la prévention de la dégradation des copropriétés.
Je me félicite également que le projet de loi ait permis d’avancer sur la question de l’assurance au sein des copropriétés, le Sénat ayant introduit, sur mon initiative, une obligation d’assurance pour les copropriétaires et les syndicats de copropriété. Les députés ont utilement complété cette disposition, même s’il n’a pas été possible, pour l’heure, d’aller jusqu’au bout de la réflexion sur cette question.
En conclusion, la commission des affaires économiques vous invite bien entendu, mes chers collègues, à approuver le texte issu des travaux de la CMP. Pour ce qui concerne les titres Ier et II, ce texte est largement fidèle à la position exprimée par le Sénat en deuxième lecture ; il comporte des dispositions volontaristes à même d’apporter des réponses à la crise – on pourrait même dire « aux crises » – du logement que connaissent nos concitoyens au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, en remplacement de M. Claude Bérit-Débat, corapporteur.
M. Daniel Raoul, en remplacement de M. Claude Bérit-Débat, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en l’absence de M. Claude Bérit-Débat, corapporteur du texte, je présenterai les conclusions de la commission mixte paritaire pour les titres III et IV du projet de loi.
S’agissant du titre III, qui tend à améliorer la lisibilité et l’efficacité des politiques publiques du logement, neuf articles restaient en discussion. La commission mixte paritaire a trouvé un accord, dans le souci d’enrichir la palette des outils à la disposition des bailleurs sociaux et de faciliter l’accès au logement social.
Je me félicite ainsi de la mise en place, à l’article 49, des conférences intercommunales du logement au niveau d’un établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI, afin de définir des orientations communes et de mutualiser les moyens. Je me félicite aussi de l’adoption, à l’article 52, des règles de rattachement d’un office public de l’habitat à un EPCI.
Nous avons également intégré, à ce stade du débat, de nombreuses dispositions de coordination avec la loi sur les métropoles, notamment en ce qui concerne le Grand Paris et la métropole de Lyon.
J’en profite pour souligner toute la richesse de l’article 49, tel qu’il ressort de nos travaux grâce à l’apport de la Haute Assemblée : les trois familles de bailleurs sociaux disposent désormais d’une palette d’outils diversifiés et innovants, qui vont leur permettre de mettre en œuvre des solutions adaptées pour construire ou pour gérer des logements sociaux. Cet article doit d’ailleurs beaucoup au travail de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, que je remercie de son apport.
Le dispositif est en place. Il nous reste à le faire vivre pour accroître significativement la production de logements sociaux en location et/ou en accession. Et c’est un défi majeur !
Le titre IV, qui vise à moderniser les documents de planification et d’urbanisme, comportait le principal point de désaccord entre les deux chambres : les conditions de transfert de la compétence en matière de plan local d'urbanisme, ou compétence PLU, au niveau intercommunal. Comme vous le savez, les députés se sont finalement ralliés à l’analyse et à la position proposées et soutenues par la Haute Assemblée à deux reprises.
Dans le texte adopté par la commission mixte paritaire, la vocation de la compétence PLU à remonter au niveau intercommunal est clairement affirmée, mais le transfert effectif de la compétence ne se fera pas de manière contrainte. Trois ans après le vote de la loi et, périodiquement, à l’occasion de chaque renouvellement complet du conseil communautaire, les communes qui n’ont pas encore opéré le transfert et qui ne souhaitent pas le réaliser immédiatement pourront en effet décider de le reporter au rendez-vous suivant. Il suffira qu’un quart des communes représentant au moins 20 % de la population le décident pour qu’il en soit ainsi.
Par ailleurs, la loi maintiendra une procédure de transfert volontaire, sur l’initiative des intercommunalités, qui pourra intervenir à chaque instant, ce qui correspond à l’esprit de l’actuel article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales. Les seuils de décision de cette nouvelle procédure volontaire de transfert, spécifique à la compétence PLU, ont évidemment été harmonisés avec ceux de la procédure précédente, c'est-à-dire 25 % des communes représentant 20 % de la population.
Je tiens à le souligner, par rapport au texte initial et aux versions votées par l’Assemblée nationale en première et deuxième lectures, le texte issu de la commission mixte paritaire témoigne de la force de conviction de la Haute Assemblée et de ses représentants et d’un réel effort des députés, que je veux souligner, pour prendre en compte le point de vue défendu par le Sénat.
Sur la question de l’urbanisme commercial, le rapporteur du Sénat a défendu sa position constante, celle de ne pas scinder l’examen de cette réforme importante entre deux textes, une telle scission étant d’autant moins nécessaire que l’examen du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a déjà commencé à l’Assemblée nationale. Remettre la réforme de l’urbanisme commercial à ce dernier texte n’était pas la remettre sine die et aurait permis de l’appréhender de manière plus cohérente.
Je regrette que ce point de vue raisonnable n’ait pas prévalu en commission mixte paritaire et que des dispositions sur le volet commercial des schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, aient été réintroduites. Cependant, nous avons tenu à ce que, du point de vue de la commission des affaires économiques et, sans doute, du Sénat dans son ensemble,…
M. Gérard Cornu. Exactement !
M. Daniel Raoul, corapporteur. … les dispositions relatives à l’urbanisme commercial figurant dans le projet de loi ALUR ne préemptent absolument pas le débat qui aura lieu dans la loi Pinel. L’ensemble du sujet sera remis à plat dans ce texte, quitte à réécrire, si nous l’estimons nécessaire, l’article L. 122-1-9 du code de l’urbanisme tel qu’issu de la loi ALUR.
Pour le reste du titre IV, relativement peu de modifications de fond sont à signaler par rapport au texte voté par le Sénat en deuxième lecture.
La commission mixte paritaire a rétabli la définition obligatoire des modalités de la collaboration entre communes et intercommunalités en amont de la procédure d’élaboration des PLU. Elle a aussi rétabli le caractère obligatoire de la réunion de la conférence des maires avant l’approbation finale du PLU intercommunal. Il s’agit peut-être d’un formalisme nouveau pour quelques-uns, mais c’est une pratique déjà courante dans beaucoup d’intercommunalités. Dans mon agglomération, la conférence de maires tient lieu de bureau permanent. Ce n’est donc pas une lourdeur supplémentaire.
La commission mixte paritaire a également rétabli une durée de neuf ans avant qu’il soit nécessaire de passer par une révision du PLU pour ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser.
Elle est parvenue à une rédaction de compromis sur la périodicité d’évaluation des PLU, évaluation qui aura lieu tous les neuf ans dans le cas général, mais seulement tous les six ans si le PLU intercommunal tient lieu de programme local de l’habitat, ou PLH.
Elle a maintenu la possibilité d’autorisation de changement de destination des constructions situées en zone naturelle, dès lors que ces constructions ont été identifiées par le PLU.
Elle a supprimé la notion de coefficient d’occupation des sols, ou COS, qui avait été réintroduite au Sénat en deuxième lecture contre l’avis de la commission des affaires économiques et du Gouvernement.
Elle a décidé que la superposition des établissements publics fonciers, ou EPF, d’État avec des EPF locaux serait soumise à l’accord des EPCI à fiscalité propre et des communes pour les EPF locaux créés avant le 26 juillet 2013.
Elle a soumis au droit commun de la préemption, et donc à l’obligation d’une déclaration d’intention d’aliéner, la cession minoritaire de parts de société civile immobilière, ou SCI, dès lors que cette cession fait de l’acquéreur l’associé majoritaire.
Enfin, elle a rétabli l’article 70 quater, qui impose aux cessions majoritaires de parts sociales de SCI, dont le patrimoine est soumis au droit de préemption, d’être constatées par un acte reçu en la forme authentique ou par un acte sous seing privé contresigné par un avocat ou par un professionnel de l’expertise comptable. Je suis persuadé que nous aurons à en reparler au vu des expériences résultant de son application, madame la ministre.
M. Claude Dilain, corapporteur. C’est probable
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On n’attendra pas les résultats de l’application !
M. Daniel Raoul, corapporteur. Sans surprise, le texte de la commission mixte paritaire n’est pas exactement celui qui avait été voté par le Sénat en deuxième lecture.
M. Jean-Jacques Mirassou. Heureusement ! (M. Pierre-Yves Collombat s’esclaffe.)
M. Daniel Raoul, corapporteur. Cependant, et j’y insiste, sur les points les plus importants des titres III et IV, le texte issu de la commission mixte paritaire, soit est strictement conforme au texte voté par le Sénat en deuxième lecture, soit en est suffisamment proche, dans l’esprit et dans la lettre, pour que nous puissions considérer qu’il correspond à la volonté exprimée par la Haute Assemblée.
Dans ces conditions, mes chers collègues, et à l’instar de mon collègue Claude Dilain, je vous invite à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire, tel qu’il sera modifié à la marge par quelques amendements techniques de coordination, en particulier avec la promulgation de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez l’imaginer, c’est avec une grande fierté et une certaine émotion que je me trouve aujourd’hui devant vous pour l’examen du texte final du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
Voilà près de neuf mois, en juin 2013, ce projet de loi était présenté en conseil des ministres avec une belle ambition : celle de répondre à l’attente de nos concitoyens qui rencontrent de plus en plus de difficultés dans l’accès au logement.
Le travail législatif a été long et passionnant. Il s’est déroulé avec le souci permanent de ne pas renier cette ambition et de chercher au contraire à y répondre pleinement. Nous l’avons mené collectivement, et nous pouvons, me semble-t-il, en être fiers.
Alors que les difficultés économiques touchent une partie importante de la population, la question du logement est de celles qui importent le plus. Avoir un toit est un besoin de première nécessité ; c’est une condition de notre épanouissement, et c’est un droit. Au même titre que l’emploi, qui lui est lié, le logement est trop souvent, aujourd’hui, une source de souffrance, alors qu’il devrait offrir sécurité et réconfort.
À travers la question du logement, c’est évidemment la question sociale qui est posée. Nous y apportons par ce texte une réponse forte ; j’en suis convaincue.
Les lectures successives, ici et à l’Assemblée nationale, ont confirmé notre volonté de ne plus nous satisfaire du statu quo. Elles ont amélioré, parfois ajusté, souvent enrichi les mesures proposées. Je me félicite de la qualité de ce travail parlementaire. Il ne m’aurait pas semblé satisfaisant que le texte soumis aujourd'hui à votre examen soit le même que celui dont vous étiez saisis en première lecture. C’est ce qui fait toute la force du travail parlementaire et du bicamérisme.
Ces lectures ont aussi permis de faire émerger un texte sur lequel puissent s’accorder les deux chambres, comme en témoignent les conclusions de la commission mixte paritaire.
Je souhaite nous en féliciter, car je suis convaincue que les réformes profondes initiées par ce texte n’auraient pas la même portée si elles ne recevaient pas l’approbation de la Haute Assemblée.
Nous pouvons donc être fiers du travail accompli ensemble, avec la conviction d’avoir bâti un texte porteur de véritables avancées sociales, avec la conviction surtout que les mesures actées aujourd’hui contribueront à changer la vie quotidienne de millions de Françaises et de Français, avec la conviction enfin que les chantiers que nous ouvrons changeront durablement le cadre du logement en France.
Ce texte ne résume évidemment pas à lui seul la politique menée par ce gouvernement en matière de logement.
Nous n’avons pas attendu ces neuf mois de débats pour agir. Dès son arrivée, le Gouvernement a pris les mesures fortes que la situation imposait : décret d’urgence pour enrayer la hausse des loyers, mobilisation du foncier public, renforcement des obligations de production de logements sociaux, plan d’investissement en faveur du logement lancé par le Président de la République le 21 mars 2013, loi d’habilitation du 1er juillet 2013 pour permettre au Gouvernement d’agir par ordonnances. Toutes les ordonnances, y compris celle que j’ai présentée à la commission des affaires économiques du Sénat voilà deux jours, seront publiées cette semaine.
Nous n’avons pas ménagé notre effort. Mais, au-delà de l’urgence, il fallait aussi lancer un vaste chantier législatif pour répondre aux questions structurelles : celle des rapports locatifs, celle de la prévention des expulsions, celle de la régulation des professions immobilières, celle de la prévention et du traitement des copropriétés dégradées et de l’habitat indigne, celle de la modernisation du logement social, celle de l’urbanisme.
Il fallait en passer par la loi pour s’attaquer à des sujets que l’on n’osait pas prendre à bras-le-corps depuis de nombreuses années, de peur d’ouvrir des chantiers qu’on ne saurait refermer. Le défi, je veux bien le reconnaître, était audacieux, sans doute même téméraire, mais nous ne pouvions pas le refuser. Nous ne pouvions pas céder une nouvelle fois à la tentation d’un immobilisme mortifère.
Notre responsabilité était donc d’agir. Ce ne fut pas sans peine, ni sans doutes, parfois. Mais, alors que nous approchons du terme de la procédure parlementaire, nous pouvons avoir la satisfaction de ne pas avoir renié notre ambition initiale, de ne pas avoir faibli face aux obstacles.
Le texte présenté aujourd’hui n’a rien perdu de son ambition du premier jour. Au contraire, il est plus riche. Il est plus précis. Il est tout simplement meilleur.
Les mesures qu’il comporte sont justes et sont nécessaires. Bien qu’elles ne soient pas encore toutes connues du grand public, je crois qu’elles sont toutes attendues, et ce depuis trop longtemps. Elles redonneront du pouvoir d’achat, elles apporteront plus de justice et de protection.
Certaines d’entre elles ont fait l’objet de longs débats, à la hauteur des changements qu’elles proposent.
Il s’agit ainsi de l’encadrement des loyers. Alors que le pouvoir d’achat des locataires a été progressivement étranglé par la hausse continue des loyers de ces dernières années, nous ne pouvions plus nous contenter de laisser le marché suivre son cours. Non, le libre jeu de l’offre et de la demande, quand il produit de l’exclusion, quand il conduit à priver des familles de logements abordables, quand il amène la ségrégation, ne doit plus être un dogme indépassable !
La puissance publique ne doit pas être l’impuissant témoin des effets dévastateurs d’une économie de la pénurie. La régulation est non seulement possible, mais elle est indispensable. Le dispositif d’encadrement des loyers que vous avez validé le démontre. Il est possible d’interdire les excès et d’affirmer qu’on ne peut pas louer n’importe quoi à n’importe quel prix et qu’on ne peut pas profiter impunément de la captivité d’une clientèle n’ayant pas d’autre choix.
Alors oui, nous allons encadrer les loyers sans sombrer dans les travers d’une économie administrée. C’est ce qui vous est proposé aujourd’hui.
Il s’agit également de la garantie universelle des loyers.
Si baisser les loyers répondra à une partie importante des difficultés, ouvrir l’accès au logement à ceux qui n’ont pas toutes les garanties exigées reste indispensable. C’est le sens de la garantie universelle des loyers.
Cette idée de sécuriser les locataires en mutualisant leurs risques est à la fois évidente et révolutionnaire. Elle s’inscrit dans la continuité des précédents dispositifs, du Loca-pass à la garantie des risques locatifs, ou GRL, qui cherchaient à lutter contre les freins dans l’accès au logement. Mais elle en est également l’aboutissement, en apportant enfin le caractère indispensable de l’universalité, qui, seule, peut garantir l’absence de discrimination et en maximiser la mutualisation.
Je le répète ici, et je pense que les années à venir le démontreront, il s’agit d’une avancée sociale majeure à la fois pour les locataires et pour les propriétaires : pour les locataires, cette mesure assurera la garantie en lieu et place d’une hypothétique caution personnelle ; quant aux propriétaires, ils verront leurs revenus sécurisés et ils seront accompagnés en cas d’impayés.
Il s’agit en outre des mesures de protection des personnes les plus fragiles. Je pense notamment à l’allongement de la trêve hivernale et à son extension, sous le contrôle du juge, à ceux qui, sans droit ni titre, n’ont d’autre choix que la rue ou le squat.
Il s’agit également de l’habitat participatif. C’est une véritable troisième voie, entre la copropriété et la location, qui est ouverte par l’article 22 du projet de loi.
En dotant d’un véritable statut les sociétés d’habitat participatif, il permettra de libérer le potentiel immense des multiples projets qui rassemblent partout en France des personnes rêvant d’habiter différemment, de vivre mieux ensemble.
L’habitat participatif est le symbole de l’intelligence collective que nous devons retrouver, qu’il est possible de vivre non avec moins, mais avec plus de liens.
Il s’agit par ailleurs de la prévention des copropriétés dégradées et de la lutte contre l’habitat indigne.
Oui, monsieur le rapporteur Claude Dilain, ces mesures étaient très attendues, comme en témoigne l’accueil consensuel qui leur a été réservé. Je regrette seulement qu’elles n’aient pas été mises en œuvre plus tôt ! Elles permettront enfin de donner à ceux qui se sentent trop souvent impuissants face au fléau du mal-logement des outils à la mesure du défi auxquels ils font face.
Je tiens à remercier ceux qui ont pavé le chemin ayant permis de vous présenter aujourd’hui ce titre II. Je pense en particulier à Dominique Braye, dont le rapport a constitué le socle de nos propositions, mais surtout à Claude Dilain, qui a défendu ce texte avec la conviction de celui ayant affronté au quotidien le drame des copropriétés dégradées et de l’habitat indigne. Les avancées sur ce point sont nombreuses, mais elles n’ont sans doute pas été suffisamment perçues.
Je pense à l’immatriculation des copropriétés, qui permettra de mieux connaître le parc de logements et d’identifier les ensembles fragiles pour agir en amont, lorsqu’il est encore temps, avant qu’ils ne basculent.
Je pense au fonds travaux, qui dotera progressivement les copropriétés des moyens financiers nécessaires pour faire face à l’imprévu, qui provoque bien souvent le début de la spirale de dégradation.
Je pense aux nouveaux moyens de coercition à l’encontre des marchands de sommeil, qui font de la misère leur fonds de commerce et qui, à quelques-uns, gangrènent parfois des immeubles entiers, voire des quartiers. Nous pourrons désormais agir avec la force requise, en leur appliquant une astreinte de 1 000 euros par jour tant qu’ils n’auront pas réalisé les travaux nécessaires et en permettant désormais au juge de leur interdire d’acheter des logements pour les louer.