M. Roland Courteau. En effet !
M. Gérard Dériot. Il n’est pas envisageable de demander aux médecins de trahir le serment d’Hippocrate et d’imposer aux personnels médicaux de donner la mort. Cette limite rappelée, nous ne sommes pas hostiles, bien sûr, à la poursuite de ce débat ni, surtout, à la nécessaire évaluation d’ensemble des moyens consacrés à la prise en charge des maladies chroniques, des pathologies lourdes et dégénératives appelant la mise en œuvre de suppléances vitales, ainsi qu’à l’accompagnement du grand âge et de la fin de vie.
J’ai conscience du développement insuffisant des soins palliatifs, que tout le monde a déploré. Il faut absolument, madame le ministre, remédier à cette situation.
Le manque de formation en soins palliatifs et à la prise en charge de la douleur, au cours des études de médecine, explique en grande partie les manques actuels en ce domaine. Selon le rapport Sicard, 80 % des médecins n’auraient jamais suivi de formation sur la prise en charge de la douleur, que ce soit en formation initiale ou continue. En effet, la pratique des soins palliatifs ne doit pas être l’apanage des services de soins palliatifs. Tout médecin peut pratiquer des soins palliatifs, y compris sédatifs, s’il a reçu la formation adéquate et s’il dispose des protocoles appropriés.
Cela étant, il ne faut d’ailleurs pas que soit mis en place dans chaque hôpital un service dédié aux soins palliatifs, car de tels soins doivent pouvoir être prodigués de manière transversale et pratiqués par tous, afin que les patients n’aient pas le sentiment d’être dirigés vers un mouroir.
Par ailleurs, une enquête réalisée auprès des médecins, toutes spécialités confondues, pour le Conseil national de l’Ordre des médecins, montre que la loi est mal connue par 53 % des praticiens interrogés.
Dans le premier rapport de l’Observatoire national de la fin de vie de février 2011, le professeur Régis Aubry fait état de l’inadéquation de la formation des acteurs de santé : depuis 2005, seulement 2 % des médecins généralistes ont été formés à la question de la fin de vie.
Ce constat sans appel nous oblige à agir, notamment à développer la formation en soins palliatifs.
Il nous appartient aussi de mieux faire connaître la loi et, surtout, de la faire appliquer, car, je le maintiens, elle est équilibrée. Tout d’abord, elle confirme l’interdit de tuer. Ensuite, elle replace le malade au centre du dispositif en affirmant son droit de maîtriser la fin de sa vie. Enfin, elle restitue au médecin la plénitude de sa responsabilité : il lui appartient de faire le choix du traitement adapté, d’informer le malade et son entourage sur les risques véritables liés à certains médicaments et sur les conséquences prévisibles de l’interruption des soins, d’accompagner le patient jusqu’au bout de son chemin et de prendre parfois lui-même, en toute transparence, l’initiative d’y mettre fin.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette loi a l’immense mérite d’exister. Nous avons tenu les uns et les autres à ce qu’elle existe. S’il est sans doute nécessaire de continuer à en évaluer l’application, s’il est utile d’en débattre, il est surtout impératif de la faire connaître des professionnels. Il faut surtout, madame le ministre, développer davantage les soins palliatifs, tant à l’hôpital qu’au domicile des malades. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois de plus, nous examinons un texte portant sur l’assistance médicalisée pour mourir.
On le voit bien, la proposition de loi de nos collègues écologistes traite à la fois de ce qui est trop communément appelé « euthanasie », mais aussi de l’aide au suicide.
Depuis mon explication de vote, lors du débat du 25 janvier 2011, chacun sait ici que je suis favorable à l’assistance médicalisée pour mourir. J’ai confirmé cette position en déposant moi-même une proposition de loi sur ce sujet le 2 décembre 2013.
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui m’animent. Elles sont absolument identiques à celles que mes collègues favorables au texte ont déjà exposées : permettre aux personnes pour qui la vie est devenue physiquement ou moralement insupportable de demander une aide médicale pour abréger leur vie.
Les débats médiatiques et les opinions tranchées appellent de ma part quelques réflexions.
J’évoquerai tout d’abord le terme « euthanasie », abondamment employé par les médias et par nous-mêmes ici. Nous savons ce qu’il signifie exactement : « bonne mort », mais nous savons aussi qu’il a été totalement détourné de son sens parce qu’il a été utilisé pour définir la mort la plus violente qui soit, celle qui a été infligée aux Juifs dans les camps d’extermination aussi bien qu’à l’extérieur de ces derniers. Il ne faut donc pas s’étonner que ce mot évoque une mort violente infligée à l’autre.
Or c’est tout le contraire qui est proposé dans ce texte et dans tous ceux qui ont déjà été déposés.
J’évoquerai ensuite la loi Leonetti puisque c’est généralement son existence qui est invoquée face aux demandes d’assistance médicalisée à mourir.
Personne ne songe à remettre en question cette loi, qui vise à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, car c’est une bonne loi. Et nous souhaitons tous que l’ensemble de nos concitoyens puissent avoir accès à une fin de vie apaisée. Malheureusement, on sait que la loi Leonetti est mal connue, parfois mal interprétée et, de toute façon, très inégalement appliquée sur le territoire.
Par ailleurs, les soins palliatifs s’adressent, par définition, aux personnes qui souffrent dans leur corps et, plus spécifiquement, à celles qui vont mourir des suites d’une maladie souvent longue, toujours incurable et douloureuse.
Mais qu’en est-il des personnes en fin de vie du fait de leur grand âge et qui ne supportent plus la dégradation de leur corps et les souffrances physiques ou psychologiques qui leur sont ainsi infligées ? Qu’en est-il des personnes plongées dans le coma et dans l’impossibilité d’exprimer leur envie de quitter une vie dont elles n’ont quelquefois même plus conscience ? Dans ces deux derniers cas, les soins palliatifs ne sont pas la réponse que les personnes concernées sont en droit d’attendre.
Il faudra bien qu’on se décide un jour à évoquer ces différentes fins de vie et qu’on analyse les solutions humaines à apporter dans ces situations.
Je n’entrerai pas aujourd’hui dans le débat que nous devrons, de toute façon, avoir le plus tôt possible. J’ai bien entendu, madame la ministre, qu’il aurait lieu avant la fin de l’actuelle mandature. Mais je reste convaincue qu’il faudra adopter un texte qui rende à l’individu, dans les conditions restrictives prévues à l’article 2 de la présente proposition de loi, la responsabilité du moment de sa mort.
Permettez-moi de répéter ce que j’ai déjà dit dans cet hémicycle le 25 janvier 2011 et que chaque être humain peut prendre à son compte :
« Alors que j’ai vécu en exerçant ma liberté et ma responsabilité, pourquoi ma fin de vie, si elle me place dans la situation dramatique [visée], devrait-elle être le seul moment qui échappe ma décision ? […]
« Qui peut décider, à ma place, de ce que je considère comme supportable ou non ?
« Qui peut décider, à ma place, que même si mes douleurs physiques sont apaisées, je dois supporter des souffrances morales ou psychologiques ?
« Qui peut décider, à ma place, de me priver d’un adieu lucide et serein, entourée de ceux que j’aime et qui m’aiment ?
« Pourquoi me voler cette ultime liberté ? »
Cette question reste posée. À cet égard, je reprendrai les termes employés par mon collègue Gérard Roche devant la commission la semaine dernière : « Il nous faudra réfléchir à une éthique de la mort qui s’inscrive dans le parcours de santé. » Cette approche permettrait sans doute d’évoquer ce sujet de manière dépassionnée.
Il y a urgence. Nos concitoyens attendent de nous des positions responsables et raisonnables. Ils attendent de pouvoir exercer leur ultime liberté et nous nous devons de répondre sereinement à cette attente.
Je tiens à préciser avec la plus grande clarté que la position que je viens d’exprimer n’est pas celle de la majorité du groupe UDI-UC, qui est plutôt opposé à toute aide à mourir. Mais les sénateurs de mon groupe souhaitent, comme moi, qu’un débat éclairé et serein puisse avoir lieu dans cet hémicycle sur ce sujet. Je peux donc dès à présent vous indiquer qu’ils sont favorables à la motion tendant au renvoi à la commission qui nous sera proposée tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Catherine Deroche et M. Yann Gaillard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la société a besoin d’un appui, comme en témoignent des milliers d’histoires intimes, toujours émouvantes, souvent tristes, parfois dramatiques. La gravité du sujet mérite bien une procédure originale, dont le seul but est de faire en sorte que se retrouvent tous les auteurs de propositions de loi. Ce n’est vraiment pas l’occasion de joutes politiciennes…
Le Sénat a toujours été en pointe sur la question de la fin de vie et la discussion que nous avons ce soir, à la demande du groupe écologiste, fait suite à de nombreux débats.
En 1978, le sénateur Henri Caillavet avait déposé une proposition de loi relative au droit de vivre sa mort. Cet humaniste et libre penseur avait eu le courage de lancer le débat, mais la société n’était pas prête.
J’évoquerai aussi ce débat de janvier 2011 au cours duquel le Sénat avait malheureusement détricoté une proposition de loi déposée par certains de nos collègues centristes, socialistes, communistes et de l’UMP. Depuis, rien n’a changé : il n’y a plus eu d’initiatives et les propositions de loi restent dans les armoires.
Le seul texte qui traite en partie de ce sujet est la loi Leonetti, votée en 2005. Lors de l’examen de ce texte au Sénat, l’ensemble des forces de gauche avaient décidé de ne pas prendre part au vote, le débat ayant été impossible, car, comme cela vient de nous être rappelé, le gouvernement de l’époque exigeait un vote conforme.
Pourtant, en tant que militante de l’association pour le droit de mourir dans la dignité – ADMD –, dont je tiens à saluer le président, Jean-Luc Romero, ainsi que l’action, j’ai toujours reconnu les avancées de cette loi qui évoque l’interdiction de l’acharnement thérapeutique, qui légalise l’administration de médicaments aux malades pour les soulager, quitte à ce que la dose soit létale. Toutefois, je sais aussi les insuffisances de cette loi, car l’amenuisement physiologique n’est pas une bonne réponse à l’exigence d’un droit de mourir dans la dignité.
Régulièrement, l’actualité révèle le cas de personnes implorant une fin de vie digne. Mais combien peuvent réellement bénéficier des dispositions prévues par la loi Leonetti ? Est-il normal que les médias restent, pour beaucoup de patients, dans ces circonstances solennelles où l’on a avant tout besoin de sérénité, le seul recours pour voir leur situation et leur douleur prises en compte ?
Selon moi, il est de notre rôle de légiférer afin de passer de la pénalisation d’un acte à sa reconnaissance en tant que droit.
Nous le savons, le sujet de la fin de vie est un sujet sensible : il touche à notre conception de la vie, de la mort, de la solidarité, de la dignité. Chacun l’aborde avec son histoire personnelle, avec le souvenir de proches que l’on a vu partir, parfois sereinement, parfois dans la souffrance, alors qu’une mort digne et douce aurait été préférable.
La proposition de loi de notre collègue Corinne Bouchoux se place dans la continuité des débats et des textes de la République pour garantir les libertés : elle va dans le sens d’une reconnaissance du droit des malades et d’une reconnaissance bien encadrée d’un droit à mourir dans la dignité.
Deux événements sont survenus après le choix des écologistes d’inscrire ce texte au débat.
Le drame de Vincent Lambert, entre hôpital, justice et famille divisée, nous montre la nécessité d’un texte et d’outils tels que le registre des directives anticipées.
Quant à l’annonce faite par le Président de la République le 14 janvier 2014, elle aurait pu nous faire renoncer. Toutefois, nous avons choisi de prendre nos responsabilités, d’ouvrir le débat au Parlement, d’y associer tous les collègues mobilisés, sans privilège d’auteur, et d’accepter, dans le consensus que mérite la fin de vie, qu’au sein de la commission des affaires sociales chacun se saisisse de cette question, en disposant du temps de réflexion qu’exige ce grave sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. « Je vous demande le droit de mourir », écrivait Vincent Humbert au Président de la République. C’était en 2002. Mais cette demande pourrait encore être faite aujourd’hui.
En effet, la loi Leonetti est insuffisante.
Comme le rappelait Véronique Neiertz, ancienne ministre, « au vingtième siècle, l’être humain a gagné le droit de donner la vie à un enfant ou de ne pas la donner. » Elle ajoutait : « Une nouvelle frontière des droits de la personne reste à conquérir pour le XXIe siècle : le droit de quitter la vie en toute dignité, le droit d’être humain et de pouvoir le rester jusqu’au bout. »
C’est en quelque sorte un dernier hommage que chacun peut rendre à la condition humaine : choisir le moment et les conditions de sa mort, plutôt que les subir.
J’ai déposé en 2012 une proposition de loi allant dans ce sens et j’apprécie aujourd’hui de pouvoir m’exprimer sur ce sujet. Je le sais sensible et parfois clivant, relevant de la morale et de l’éthique de chacun. Mais je sais aussi qu’il est important que nous ayons ce débat, pour contribuer à faire avancer notre société.
Je remercie donc les auteurs de cette proposition de loi.
L’homme sait que la mort lui appartient. Nul ne devrait pouvoir lui interdire de décider des conditions de sa fin de vie C’est son ultime liberté.
En fait, de la même manière que nous nous battons pour que chaque personne vive libre, dans la seule limite du respect de la liberté des autres, il faudrait, comme l’indiquait le philosophe André Comte-Sponville, ajouter un droit aux droits de l’homme : le droit de s’en aller.
Je ne nie pas que d’importants progrès aient été réalisés, avec le développement des soins palliatifs et l’arrêt de l’acharnement thérapeutique, autorisé par la loi de 2005. Cependant, il demeure beaucoup de personnes dont la souffrance physique et psychique est si grande qu’elle ne peut être apaisée.
Surtout, il est des cas comme le handicap extrême, la dépendance totale, celui de la personne paralysée des quatre membres et qui veut mourir parce qu’elle n’accepte pas la déchéance ou cette lente et terrible dégradation de son corps. Elle veut mourir parce qu’elle refuse d’imposer cette déchéance aux autres, à ses proches et à la société. Tous les hommes et toutes les femmes n’acceptent pas forcément de déchoir. Elle veut mourir, parce que, lucide, elle n’accepte pas cette détérioration intégrale, ce calvaire avilissant qu’elle subit et que la loi lui impose, tel un châtiment.
Pour ces cas-là, chers collègues, les soins antidouleur ne constituent pas une réponse. Pour ces cas-là, la loi demeure insuffisante. Et dans ces cas-là, l’homme, qui est maître de sa vie, doit avoir le droit d’y mettre un terme. Il doit avoir le droit qu’on puisse l’y aider, s’il ne peut, seul, y parvenir.
Oui, ce combat, que nous sommes de plus en plus nombreux à engager, se fonde sur les valeurs essentielles que sont la liberté et la dignité.
La société doit donc permettre à la volonté de chacun de s’exprimer. Il s’agit d’un choix qui est certainement, selon l’expression de Viviane Forrester, le choix « le plus intime d’une vie : sa mort »
C’est la raison pour laquelle, le 8 juin 2012, j’avais moi-même déposé une proposition de loi relative à l’assistance médicale pour mourir et à l’accès aux soins palliatifs. Cette proposition, je l’avais déposée en conscience, parce que, aujourd’hui encore, on meurt « mal » en France et que les moyens mis en place par la loi sont, je le répète, loin de régler toutes les situations.
En 2010, un sondage révélait que 94 % des personnes interrogées étaient favorables à la possibilité de recourir à une aide active à mourir. Par ailleurs, une étude menée par l’OCDE montrait que sur trente-trois pays, la France se situait au douzième rang des pays dans lesquels on meurt « le mieux », derrière les Pays-Bas et la Belgique. J’ai donc, moi aussi, pensé à légiférer pour permettre, tout en l’encadrant strictement, le recours à l’aide médicale à mourir dans la dignité.
L’enjeu d’un texte sur la fin de vie et l’aide médicale est de donner une liberté, un nouveau droit. La demande qui sera faite devra bien évidemment être libre, éclairée, réfléchie et réitérée, selon une procédure qui encadre cette aide et dans des délais précis.
Je prône, pour ma part, plusieurs mesures qui devraient figurer dans une loi appelée à constituer, selon moi, une avancée sociétale majeure. Je n’énumérerai pas les différentes dispositions prévues dans le texte de ma proposition de loi, me contentant de vous renvoyer au texte de celle-ci.
Je tenais à exprimer ici mon adhésion à la philosophie générale du texte qui nous est présenté aujourd’hui. Sachez, Corinne Bouchoux, que nous nous rejoignons sur la plupart des dispositions proposées, y compris sur l’importance de la mise en place d’un registre national automatisé.
Mes chers collègues, nous avons été quelques-uns à déposer des textes sur ce sujet. Ceux de MM. Godefroy, Fouché, Gorce, Mézard, de même que le mien, avaient été soumis au Conseil d’État pour avis. Ce dernier avait rendu un avis plutôt positif, malgré quelques réserves nous incitant à les reprendre sur certains points et même à les fusionner dans un texte qui soit le plus exhaustif possible.
C’est ce sur quoi nous pourrions travailler, en incluant la proposition de loi de Mme Bouchoux. Nous avons le devoir d’agir. Nous devons cela aux personnes qui attendent cette loi.
Mais ce débat ne saurait pas avoir lieu dans la précipitation, et je serais enclin à soutenir un texte concerté, transpartisan, sur lequel nous aurions travaillé conjointement au sein, bien sûr, de la commission des affaires sociales, un texte qui pourrait aussi enrichir ou compléter le projet de loi du Gouvernement.
Pour conclure, je reprendrai les propos de mon collègue Jean-Pierre Godefroy, qui affirmait voilà quelques années : « Nous bâtissons un droit, celui de la fin de vie, qui, parce qu’il touche à l’essentiel, ne cessera d’évoluer. » Il ajoutait : « Le chemin sera encore long, mais c’est avec confiance et détermination que nous l’empruntons. » Je crois que l’on ne saurait mieux dire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Desessard, au nom de la commission des affaires sociales, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales la proposition de loi relative au choix libre et éclairé d’une assistance médicalisée pour une fin de vie digne (n° 182, 2013-2014).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, vice-président de la commission des affaires sociales, pour la motion.
M. Jean-Pierre Godefroy, vice-président de la commission des affaires sociales. Il me revient en effet de défendre, au nom de la commission des affaires sociales, cette motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi relative au choix libre et éclairé d’une assistance médicalisée pour une fin de vie digne.
Depuis 2005, le sujet de la fin de vie revient dans nos débats au Sénat avec une fantastique régularité : tous les trois ans. En 2005, nous avons adopté la loi Leonetti. En 2008, mon groupe a pris l’initiative d’une question orale avec débat sur le sujet. En 2011, dépassant nos clivages partisans, nous avons réussi à faire adopter en commission des affaires sociales un texte qui fut ensuite discuté en séance, mais rejeté. Et nous voilà aujourd’hui réunis pour l’examen de cette proposition de loi déposée par certains de nos collègues du groupe écologiste. J’espère que nous n’aurons pas un cinquième débat en 2017 ! Nous avons trop attendu, et je commence à avoir le sentiment de trop me répéter. Cependant, madame la ministre, vos propos et la volonté affichée par le Président de la République me rassurent.
Depuis neuf ans, je suis régulièrement amené à ressortir mes précédentes interventions, en constatant avec regret que je pourrais me dispenser de les modifier puisque rien n’a changé ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Ce sera encore une occasion manquée, aujourd'hui !
M. Jean-Pierre Godefroy, vice-président de la commission des affaires sociales. Notre droit ne permet toujours pas d’assurer le respect de la liberté de choix d’un malade en fin de vie qui souhaite accéder à une assistance médicalisée pour mourir.
Pourquoi suis-je favorable au renvoi en commission alors que je souscris à l’esprit du texte, qui se rapproche à de nombreux égards de la proposition de loi que j’avais déposée avec le groupe socialiste le 31 janvier 2012 ? Permettez-moi de revenir sur la façon dont le sujet de l’assistance médicalisée pour mourir a été abordé dans notre assemblée au cours des dernières années.
En 2010, parce que nous pensions que la question de l’assistance pour mourir dépassait nos clivages partisans habituels, nous avions fait le choix d’un travail en commun réunissant des membres de différents groupes. Le recours à cette méthode dans nos assemblées est suffisamment exceptionnel pour être relevé. Nous disposions à l’époque de trois propositions de loi sur le sujet. Sous la présidence de notre collègue Muguette Dini, que je tiens à remercier, nous avons décidé de faire examiner en commun ces trois propositions de loi par la commission des affaires sociales, laquelle avait alors adopté un texte unique, de synthèse. Issu de propositions de sénateurs de groupes politiques différents, ce texte n’était ni politiquement ni idéologiquement partisan. Il ne reflétait la position unanime d’aucun groupe, nous renvoyant tant à nos convictions personnelles qu’à notre responsabilité de législateurs.
Depuis lors, j’ai toujours souhaité travailler en commun avec l’ensemble des signataires de propositions de loi relatives à la fin de vie, qui appartiennent aux différents groupes politiques composant notre assemblée. Sept propositions de loi relatives à la fin de vie sont actuellement enregistrées au Sénat : celle qu’avait déposée le groupe socialiste en 2012 a été suivie, dans l’ordre chronologique, par celles de Roland Courteau, d’Alain Fouché, de Gaëtan Gorce, de Jacques Mézard, de Muguette Dini et enfin de Corinne Bouchoux.
Les sénateurs du groupe écologiste ont déposé une proposition de loi et demandé son inscription à l’ordre du jour de la présente séance, dans le cadre de leur espace réservé. Nous ne pouvons que les en remercier. Je me félicite que nous puissions aborder ce sujet qui relève d’une démarche commune.
Le 7 février 2013, le Conseil d’État, qui avait été saisi par le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a émis un avis sur les cinq propositions de loi qui étaient déjà enregistrées. La proposition de loi de Corinne Bouchoux n’a donc pas pu bénéficier de l’analyse particulièrement précise et éclairante du Conseil d’État. Les observations qu’il a formulées pourraient très utilement servir la qualité de cette proposition de loi, d’autant qu’elle pose un certain nombre de questions ; je pense notamment à son article 2, qui évoque les personnes atteintes d’une affection « avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable ». La notion de « tendance invalidante » mériterait d’être clarifiée. C’est un point de discussion dont la commission des affaires sociales pourrait s’emparer.
Comme vous le savez, le Président de la République s’était engagé, pendant sa campagne, à permettre l’assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. Conformément aux dispositions issues de la loi relative à la bioéthique de 2011, les projets de loi relatifs aux problèmes éthiques et aux questions de société doivent être précédés d’un débat public, suivi d’un rapport du Comité consultatif national d’éthique. Cette procédure ne s’applique pas aux propositions de loi. Le Gouvernement a choisi – vous nous avez rassurés à cet égard, madame la ministre – de passer par la voie d’un projet de loi, afin de prendre le temps d’une réflexion apaisée et approfondie.
Deux mois après son élection, le Président de la République a commandé au professeur Sicard un rapport sur la fin de vie, qui lui fut remis en décembre 2012. En juillet 2013, le Comité consultatif national d’éthique a rendu son avis. Au mois de décembre dernier, nous avons également recueilli l’avis particulièrement intéressant de la Conférence citoyenne constituée d’un panel de citoyens sélectionnés par l’IFOP. Elle s’est prononcée sur la question, allant d’ailleurs assez loin dans ses recommandations : suicide assisté et exception d’euthanasie.
Le 14 janvier, lors de sa conférence de presse, le Président de la République a réaffirmé sa détermination à agir pour « permettre à toute personne majeure atteinte d’une maladie incurable provoquant une souffrance psychologique ou physique insupportable et qui ne peut être apaisée, de pouvoir demander, dans des conditions strictes, une assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité ». À ma grande satisfaction, le Président de la République a donc repris, à quelques différences près, les termes de la proposition que loi que le groupe socialiste avait déposée en janvier 2012.
Nous sommes aujourd’hui dans l’attente du rapport du Comité consultatif national d’éthique, qui devrait être remis dans les semaines à venir. C’est la dernière étape avant qu’un projet de loi puisse nous être présenté ; nous espérons qu’il le sera avant l’été.
La procédure exigée pour les projets de lois relatifs aux questions éthiques ayant été engagée par le Gouvernement, pouvons-nous nous en exonérer aujourd’hui pour nos propositions de loi ? C’est possible d’un point de vue technique, mais je pense qu’il est préférable d’attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique. Néanmoins, si le texte annoncé par le Président de la République se faisait trop attendre (Sourires.),…