M. Jean-Pierre Michel. Je suis d’habitude très défavorable aux demandes de rapport, mais, en l’espèce, j’estime que le Gouvernement devrait s’engager à clarifier les choses.
L’un des objectifs du rapport demandé dans cet amendement est justement d’éviter un certain nombre de confusions. De qui parle-t-on, en effet ?
L’appellation générique « gens du voyage » regroupe des catégories de personnes d’origine et de culture différentes. Elle permet aux pouvoirs publics de désigner, facilement et un peu lâchement, une population en la caractérisant uniquement par son mode de vie spécifique, sans avoir recours à des critères ethniques ou culturels, ce qui serait contraire à la Constitution.
Pour autant, si seule la catégorie des « gens du voyage » est juridiquement reconnue, le terme de « Tsiganes » est le plus fréquemment utilisé dans le langage commun.
Les États voisins, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe identifient officiellement ces populations sur une base ethnique et culturelle. Comme je le constate lors des sessions du Conseil de l’Europe auxquelles je participe, on privilégie actuellement le terme générique de « Roms », qui désigne l’ensemble de ces populations en Europe. L’appellation « Tsiganes » est en effet jugée péjorative notamment en Allemagne et en Europe centrale et orientale.
En France, le mot « Roms » est réservé aux seuls migrants de nationalité étrangère. Est-ce justifié ? Personne ne le sait, car on ne voit pas de qui l’on parle. On se sert de ce terme – pas au Sénat, mais ailleurs – pour évoquer des populations que l’on veut discriminer ou exclure, ou encore que l’on refuse d’accueillir.
Ces populations, qui proviennent essentiellement des pays d’Europe centrale et orientale, sont souvent sédentarisées dans leur pays d’origine. Elles relèvent de la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers sur le territoire français, sauf si elles viennent de pays membres de l’Union européenne liés par les accords de Schengen.
La population des gens du voyage est diverse. Trois groupes peuvent être distingués, ce que personne, pas même le Gouvernement, ne fait jamais.
Il s’agit d’abord des Roms, des « orientaux » venus d’Inde du Nord depuis le xiiie siècle, qui sont surtout présents en Europe centrale et orientale. Ils peuvent être français ; ce ne sont pas forcément des étrangers.
Il y a, ensuite, les Sintés ou manouches, principalement installés en Grande-Bretagne.
Enfin, les gitans sont surtout présents dans le monde ibérique et le sud de la France. Quand j’étais enfant, on évoquait dans le Midi les gitans qui allaient aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Étaient-ils tous français ? Non !
Tout cela introduit donc une très grande confusion, et dans un sens péjoratif.
Si ce rapport devait être produit – mais le Sénat ne votera pas un amendement qui tend à demander la remise d’un rapport –, le Gouvernement serait bien inspiré, lui qui demande tellement de rapports, dont certains posent d’ailleurs problème, de charger des historiens spécialistes du sujet de le rédiger. Il faut que nous sachions vraiment de qui l’on parle, quel nom donner aux uns et aux autres, à ceux qui sont français et à ceux qui ne le sont pas, mais qui peuvent être appelés de la même manière, car ils ont la même origine.
Mme la présidente. Monsieur Favier, l'amendement n° 37 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Nous allons retirer notre amendement et notre demande de rapport.
Si nous avions proposé, dans notre amendement, la création d’un institut du monde itinérant, on nous aurait rétorqué l’article 40… Nous sommes donc bien obligés d’en passer à chaque fois par une demande de rapport ! (Marques d’approbation sur différentes travées.)
J’entends M. le rapporteur. On ne peut pas tout renvoyer à l’État. En l’occurrence, sur des sujets comme celui-ci, il est important que les citoyens eux-mêmes puissent prendre des initiatives. Néanmoins, il me semble qu’il est aussi de la responsabilité de l’État et du Gouvernement d’encourager de telles démarches. Si une telle action permettait de déboucher sur la création d’un centre de la culture tsigane, cela serait extrêmement positif.
Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 37 est retiré.
L'amendement n° 38, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur la scolarisation des enfants des familles itinérantes.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit là aussi d’une demande de rapport, fondée sur les mêmes raisons que celles invoquées à l’appui de l’amendement précédent. Nous allons retirer cet amendement, non sans avoir procédé à un certain nombre de constats.
Le débat que nous avons eu en début d’après-midi l’a montré, les quatre heures dont disposent les groupes parlementaires pour discuter de leurs propositions de loi offrent finalement des possibilités assez réduites. On a aussi vu combien les propositions émanant de parlementaires étaient limitées par le fameux article 40 de la Constitution.
Au vu des discussions que nous avons déjà eues, je vais vraisemblablement retirer mon amendement. Par principe, notre commission estime qu’il y a trop de rapports, que « trop de rapports tuent le rapport » et elle émet un avis défavorable sur les amendements allant en ce sens.
Il faut, me semble-t-il, nous interroger sur la multiplication de tels amendements, déposés par tous les groupes politiques, sur tous types de textes. Finalement, le seul outil dont dispose un parlementaire pour attirer l’attention du Gouvernement et de la population sur un point particulier et, si cela est possible, pour faire bouger les lignes, c’est de proposer un rapport !
Évidemment, nous savons tous ici que ce n’est pas avec des rapports que nous transformerons la vie des femmes et des hommes de notre pays, mais nous devrions réfléchir aux moyens que la Constitution, votée par des majorités, donne aujourd'hui aux législateurs que nous sommes pour exercer réellement leur prérogative législative.
La discussion que nous avons eue en début de séance et le sort réservé à nos amendements nous invitent vraiment à nous interroger sur le temps législatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Le sujet est vaste. Nous avons vu, à l’occasion de la discussion de l’amendement n° 47 de M. Jean-Pierre Michel, combien il était compliqué de répondre à la préoccupation essentielle des gens du voyage : que la scolarisation de leurs enfants soit assurée sans discrimination. Il est absolument nécessaire d’innover sur ce plan, mais, sur ce sujet difficile, un rapport de plus ne remplacera ni la mobilisation ni la réflexion.
Par conséquent, madame Cukierman, la commission vous serait reconnaissante si vous retiriez votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Même avis.
Mme Cécile Cukierman. Je retire l'amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 322-4-1 du code pénal est abrogé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Plus de treize ans après l’adoption de la loi Besson, l’accueil des gens du voyage n’est toujours pas organisé de manière satisfaisante. Selon un rapport de la Cour des comptes, au 1er janvier 2012, 246 communes et 196 établissements publics de coopération intercommunale sont considérés comme défaillants au regard de leurs obligations en matière d’aires d’accueil et de stationnement des gens du voyage.
Pourtant, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler lors de la discussion générale, les dispositions répressives à l’encontre des gens du voyage se sont multipliées ces dix dernières années.
Ainsi, la loi pour la sécurité intérieure, présentée par M. Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’intérieur, a créé un délit d’installation illicite en réunion en vue d’y établir une habitation, même temporaire. Les peines encourues sont lourdes : six mois d’emprisonnement, 3 750 euros d’amende et saisie possible des véhicules tracteurs.
Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitaient doubler ces peines. Nous ne pouvons que nous réjouir que la commission des lois ne soit pas allée dans ce sens. Néanmoins, il nous semble pour le moins inapproprié d’apporter une réponse pénale à une situation résultant d’un problème évident d’accueil des gens du voyage : cela ne fait que renforcer les discriminations et le rejet de populations qui, parce qu’elles ont choisi un mode de vie itinérant, sont systématiquement montrées du doigt comme délinquantes. Historiquement, les nomades ont toujours fait peur aux populations sédentaires…
Le présent amendement a donc pour objet d’abroger purement et simplement l’article 322-4-1 du code pénal.
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. Lefèvre, Mme Troendlé, MM. Doligé, Carle, Hérisson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa de l’article 322-4-1 du code pénal, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze » et le nombre : « 3 750 » est remplacé par le nombre : « 7 500 ».
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Cet amendement prend l’exact contre-pied du précédent, puisqu’il vise à rétablir le texte initial de la proposition de loi, lequel durcissait les peines prévues à l’article 322-4-1 du code pénal.
Notre collègue Pierre Hérisson a suffisamment explicité l’intérêt de cette disposition, attendue par les nombreux élus ayant consenti des efforts financiers importants pour mettre leur collectivité en conformité avec la loi. Il convient de leur adresser un signal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Nous sommes en présence de deux amendements contradictoires : l’un vise à abroger l’article 322-4-1 du code pénal, tandis que l’autre tend à aggraver les sanctions prévues par ce dernier.
Désireuse de maintenir une position équilibrée, la commission est défavorable à ces deux amendements.
Madame Benbassa, vous proposez de supprimer l’article 322-4-1 du code pénal, qui réprime « le fait de s’installer en réunion, en vue d’y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s’est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental […] ou qui n’est pas inscrite à ce schéma, soit à tout autre propriétaire » sans son autorisation.
Il me semble totalement inadéquat de supprimer ce délit, qui constitue clairement une entrave au droit de propriété. En outre, comme vient de l’indiquer M. Lefèvre, ce serait adresser un mauvais signal aux communes qui ont consenti des efforts pour remplir leurs obligations.
M. Pierre Hérisson. Absolument !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Nous ne pouvons donc pas souscrire à votre proposition, madame la sénatrice : elle est tout à fait contraire à l’esprit de la loi Besson.
Cela dit, si vous vous étiez contentée de proposer la suppression du seul dernier alinéa de l’article 322-4-1, disposant que « lorsque l’installation s’est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l’exception des véhicules destinés à l’habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale », nous aurions pu en discuter. En effet, comment demander à celui dont le véhicule a été saisi de quitter l’endroit où il s’est installé ?…
Monsieur Lefèvre, vous proposez quant à vous de revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi.
Or, comme l’a bien montré le rapport que le député Didier Quentin a consacré à la question, on constate que les services de police et de gendarmerie utilisent le dispositif de l’article 332-4-1, en particulier les sanctions financières qu’il prévoit, dans le cadre d’une stratégie de dissuasion qui leur permet d’obtenir un départ plus rapide des caravanes installées de façon illicite sur un terrain appartenant à autrui.
En effet, les sanctions actuellement inscrites dans la loi sont déjà tellement élevées qu’elles ne sont que rarement prononcées. Or vous proposez de durcir encore ces sanctions : cela risque d’avoir des effets contreproductifs, en portant atteinte à la crédibilité du dispositif, et d’aller ainsi à l’encontre de l’efficacité que vous recherchez.
Par conséquent, je propose d’en rester au texte équilibré de la commission et de maintenir les sanctions actuellement prévues par la loi, déjà si élevées qu’elles ne sont guère appliquées.
M. Antoine Lefèvre. Elles ne sont pas dissuasives !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ces deux amendements répondent à des objectifs complètement opposés.
Madame Benbassa, vous proposez la suppression des dispositions répressives existant aujourd'hui dans le code pénal.
Il convient de préciser que l’article 322-4-1 ne concerne pas spécifiquement les gens du voyage – heureusement, du reste ! – et que sa suppression entraînerait donc celle de l’ensemble des poursuites prévues pour occupation illicite d’un terrain appartenant à autrui.
En outre, je rappelle que, dans sa décision du 13 mars 2003, le Conseil constitutionnel a jugé cet article conforme à la Constitution, considérant notamment que le « législateur n’a pas entaché d’erreur manifeste la conciliation qu’il lui appartenait d’opérer en l’espèce entre, d’une part, la protection de la propriété et la sauvegarde de l’ordre public et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement protégées ». Il a également souligné « l’absence de disproportion manifeste entre les infractions et les sanctions concernées ».
Le Gouvernement n’est donc pas favorable à la dépénalisation d’une disposition qui, je le répète, ne concerne pas que les gens du voyage, d’autant que cette dépénalisation donnerait un mauvais signal aux propriétaires, privés et publics, qui subissent ces occupations illicites : elle pourrait donner l’impression que l’on autorise la continuation de telles pratiques.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 10 rectifié.
En ce qui concerne votre amendement, monsieur Lefèvre, visant à doubler les sanctions inscrites dans le code pénal, je pourrais, là aussi, renvoyer à la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi pour la sécurité intérieure : ayant eu à se prononcer sur l’adéquation entre les objectifs des poursuites et les sanctions pénales retenues par le législateur, le juge constitutionnel avait alors considéré que les dispositions de la loi étaient équilibrées. Cet équilibre me semble devoir être préservé, d’autant qu’y porter atteinte pourrait nous faire encourir la censure du Conseil constitutionnel, ce qui irait à l’encontre de votre objectif d’efficacité.
De surcroît, le faible nombre des poursuites exercées au titre de cet article, sous tous les gouvernements, montre que le doublement des peines ne permettra pas une efficacité accrue : il s’est élevé à quarante-neuf en 2008, à cinquante-huit en 2009, à quatre-vingt-douze en 2010, à quarante-cinq en 2011 et à cinquante-sept en 2012.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 3 rectifié bis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 141 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 160 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, l’article 1er est rétabli dans cette rédaction.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 1er de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 1-1 – I. – Le schéma national d’accueil des gens du voyage prévoit les conditions d’accueil des gens du voyage dans le cadre des grands passages et des grands rassemblements prévus à l’article 1er.
« Au vu de l’évaluation préalable des besoins prévue à l’article 1er et dans le respect des orientations de la politique nationale d’aménagement et de développement du territoire, le schéma national fixe la liste des terrains susceptibles d’être utilisés à cette fin et prévoit les aménagements nécessaires qui devront être réalisés sur ces terrains.
« Le conseil national de l’aménagement et du développement du territoire créé par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et la commission nationale consultative des gens du voyage sont associés à l’élaboration du projet de schéma national d’accueil des gens du voyage. Ils donnent leur avis sur ce projet.
« II. – Les directives territoriales d’aménagement mentionnées à l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme prennent en compte les orientations du schéma national prévu au I. »
II. – Dans le chapitre V du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2215-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2215-2. – Dans le cadre des pouvoirs qui lui sont reconnus par l’article L. 2215-1, le représentant de l’État dans le département peut prendre, conformément aux orientations fixées par le schéma national d’accueil des gens du voyage prévu à l’article 1-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, les mesures nécessaires à une répartition équilibrée des gens du voyage sur les terrains situés dans le département et inscrits au schéma national. »
III. – Il est institué une commission interministérielle de coordination des schémas d’accueil des gens du voyage. Elle est chargée d’évaluer les conditions d’application du schéma national défini à l’article 1-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et des schémas départementaux par le biais de la coordination régionale prévue au V de l’article 1er de la même loi. Son organisation et ses missions sont fixées par décret.
Les représentants de l’État dans les régions fournissent à la commission, chaque année avant le 1er septembre, un inventaire des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage sur leur territoire. Le contenu et les modalités de cet inventaire sont définis par décret.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet d’instaurer un véritable schéma national pour les grands groupes itinérants – comprenant de 50 à 200 caravanes –, qui serait piloté par l’État et coordonné par les préfets de région.
Après évaluation des besoins au niveau départemental, le schéma national fixerait la liste des terrains susceptibles d’être utilisés pour les grands passages et les grands rassemblements, et prévoirait les aménagements nécessaires. Le préfet, dont les pouvoirs sont élargis, pourrait prendre les mesures nécessaires à une répartition équilibrée des gens du voyage sur les terrains situés dans le département et inscrits au schéma national.
Une commission interministérielle serait instaurée afin de coordonner le schéma national et les schémas départementaux. Elle disposerait, pour cela, d’un inventaire dressé chaque année par les préfets de région des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage situées sur leur territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. En effet, le dispositif de cet amendement, qui tend à instituer un schéma national d’accueil des gens du voyage pour les grands passages et les grands rassemblements, ainsi qu’une commission interministérielle chargée de coordonner le schéma national et les schémas départementaux, semble complexe à mettre en œuvre. Mieux vaudrait recenser sur un même document les différentes catégories d’emplacements.
Par ailleurs, je signale que l’article 7 du texte adopté par la commission prévoit l’organisation des stationnements de grande ampleur. Compte tenu de la place qu’il donne à l’État, il devrait donner satisfaction aux auteurs de l’amendement. Je vous invite donc, madame la sénatrice, à retirer celui-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Madame la sénatrice, le Gouvernement est sensible à votre volonté d’améliorer les conditions d’accueil des gens du voyage à l'occasion des grands passages et des grands rassemblements, en précisant les obligations communales en la matière.
La proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage renforce les obligations relatives à la création d’aires de grand passage dans le cadre du schéma départemental, qui fixerait les obligations des communes en la matière avec le même degré de précision que pour les aires permanentes.
Le schéma départemental déterminerait ainsi les communes d’implantation des aires de grand passage ainsi que la capacité de chacune de celles-ci. Les secteurs d’implantation de ces aires ainsi que ceux des terrains susceptibles d'être utilisés pour les grands rassemblements doivent faire l’objet d’une détermination à l’échelon local.
Il n’apparaît pas réaliste d’imposer, à l’échelle nationale, une liste d’emplacements susceptibles d’être utilisés à cette fin. Par ailleurs, prévoir de coordonner un schéma national avec les schémas départementaux par le biais de la création d’une commission interministérielle de coordination des schémas d’accueil des gens du voyage ne s'inscrirait pas, à l'évidence, dans la politique actuelle de simplification des normes.
Enfin, il semble difficilement concevable que le représentant de l’État dans le département soit systématiquement responsable de la répartition des gens du voyage entre les différentes aires d’accueil implantées sur le territoire de celui-ci.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. La position du groupe UMP sur cette question est très simple. La loi Besson dispose que les grands rassemblements sont de la compétence de l’État. Il suffit de prévoir qu’il en va de même pour les grands passages, sans qu’il soit besoin de compliquer les choses en créant une structure interministérielle…
Je rappelle aussi que, comme les grands rassemblements, les grands passages sont des événements qui devront faire l’objet d’un arrêté préfectoral dans chaque département. Je reste persuadé que le département constitue l’échelon pertinent.
Mme la présidente. Madame Benbassa, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À ce titre, elles assurent une mission de service public, qui a pour objet de garantir, dans le respect de l’intérêt général, la liberté de circulation de ces personnes. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’objet de cet amendement est de créer un service public communal de l’accueil de petits groupes itinérants.
Nous considérons en effet qu’il convient de faire, dans la loi, la distinction entre l’itinérance de petits groupes et celle de grands groupes. Cette distinction est déjà pratiquée, de fait, dans les circulaires relatives aux équipements dont les communes doivent se doter.
Pour les petits groupes itinérants de moins de cinquante caravanes, nous estimons que l’accueil devrait être un service public de compétence exclusivement communale ou intercommunale.
L’inscription de ce principe dans la loi lui conférerait un caractère d’intérêt général, permettant d’élaborer des règles communes à travers des outils-modèles nationaux, tels qu’un cahier des charges, des tarifs ou un règlement intérieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement tend à instituer un service public communal de l’accueil de petits groupes itinérants, sans en préciser les contours.
La loi du 5 juillet 2000 organise déjà cet accueil. Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’objet de cet amendement est de confier aux communes une mission de service public de l’accueil des gens du voyage afin de garantir leur liberté de circulation, dans le respect de l'intérêt général.
L’objet de la loi du 5 juillet 2000 modifiée est de garantir la liberté de circulation au moyen de la réalisation, par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, d’infrastructures destinées à permettre le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage.
À ce titre, les communes exercent déjà une mission de service public, reconnue comme telle par la jurisprudence. Or, d’autres autorités interviennent dans ce service public, au premier rang desquelles l’État et les autres collectivités territoriales.
La rédaction de l'amendement pourrait laisser supposer qu’il s'agirait désormais d’une compétence exclusivement communale, ce qui méconnaîtrait la compétence des intercommunalités et celle de l’État.
Enfin, cette disposition inutile pourrait être interprétée comme créatrice d’obligations nouvelles pour les collectivités, d’autant que la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est déjà constitutionnellement garantie pour l’ensemble de la population, sans distinction.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais dire tout le mal que je pense de cet amendement, en dépit de l’amitié que je porte à Esther Benbassa ! Outre qu'il est satisfait, il prévoit d’imposer aux communes une mission de service public de l’accueil des gens du voyage, alors que beaucoup d’entre elles n’ont déjà pas les moyens de respecter les dispositions de la loi Besson. Les communes et les intercommunalités sont déjà surchargées d’obligations qui ne devraient normalement pas leur incomber : avec la disposition proposée, l’État se déchargerait encore sur elles d’une de ses missions ; je ne peux pas y souscrire.
Mme la présidente. Madame Benbassa, l'amendement n° 14 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :
1° Après le deuxième alinéa du II de l’article 1er, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au vu de l’évaluation préalable prévue au premier alinéa du présent II, le schéma départemental détermine les aires de grand passage destinées à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes, notamment à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels prévus dans l’alinéa suivant, avant, entre et après ces rassemblements. Il définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces grands passages. »
2° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 4, les mots : « destinées à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, avant et après ces rassemblements » sont supprimés.
La parole est à Mme Esther Benbassa.