M. Pierre Hérisson. La loi Besson dispose que les communes de plus de 5 000 habitants sont obligatoirement concernées par le schéma départemental, mais cela ne signifie pas que les communes de moins de 5 000 habitants n’ont pas d’obligations en la matière. En effet, elles peuvent être visées par le schéma départemental parce qu’elles sont des lieux de passage traditionnels, parce que leur territoire se prête à la réalisation d’une aire d’accueil ou encore parce qu’elles appartiennent à un EPCI ayant reçu la compétence en matière de réalisation d’aires d’accueil. Ainsi, dans l’intercommunalité d’Annecy, qui comprend sept communes comptant plus de 5 000 habitants, dont une de plus de 50 000 habitants, l’aire d’accueil principale est située sur le territoire d’une commune de moins de 2 000 habitants.
Il ne faudrait donc pas laisser croire que les communes de moins de 5 000 habitants ne sont pas concernées. Je rappelle d'ailleurs que, selon la jurisprudence « ville de Lille » du Conseil d'État, qui n’a rien perdu de sa portée, les 36 763 communes de France sont toutes tenues d’assurer l’accueil et le stationnement des gens du voyage pendant au moins quarante-huit heures en cas de besoin. Cette obligation n’a pas été remise en cause par la loi Besson.
J’en viens aux pouvoirs de substitution du préfet. La loi Besson dispose déjà que ce dernier peut inscrire d’office au budget de la commune le montant nécessaire à l’exécution de ses obligations en matière d’aires d’accueil. On est donc ici en train d’enfoncer une porte ouverte, même si l’on impose des contraintes financières plus importantes.
La loi interdit l’approbation définitive du plan local d’urbanisme d’une commune relevant d’un schéma départemental si celle-ci n’a pas prévu l’emplacement nécessaire à la réalisation de l’aire d’accueil. Cependant, la question importante, qu’il faudra, encore une fois, traiter lors de l’examen de la proposition de loi Raimbourg, est de savoir comment le préfet, dans le cadre de son pouvoir de substitution, pourra déterminer cet emplacement. En effet, si le préfet n’a pas le pouvoir de réquisitionner un terrain, on pourra prévoir toutes les contraintes financières que l’on voudra, cela ne servira strictement à rien.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je ne peux être favorable – c’est un euphémisme ! – à cet amendement.
Je ferai un parallèle avec la situation qui prévaut en matière de logement social. À la suite des péripéties que vous connaissez, la loi Duflot a modifié pour la énième fois le cadre juridique, notamment en augmentant les pénalités pour les communes ne remplissant pas leurs obligations. Si les pénalités ont été relevées, c’est précisément parce que la sanction ne marche pas ; je suis persuadé que ce n’est pas cette mesure qui permettra d’améliorer les choses.
On n’arrivera pas à créer du logement social contre la volonté d’un conseil municipal. Il trouvera toujours un moyen de s’exempter de ses obligations. Il faut privilégier la pédagogie, plutôt que d’appliquer des sanctions ; j’en suis intimement convaincu, pour avoir été maire pendant dix-huit ans. J’ai construit 350 logements sociaux dans ma commune, mais si je n’avais pas eu la volonté de m’engager dans cette voie, il n’en existerait toujours aucun aujourd’hui, malgré le risque de sanction. Il en va de même en ce qui concerne la réalisation d’aires d’accueil pour les gens du voyage.
Par ailleurs, s’il est vrai que certaines communes refusent de réaliser une aire d’accueil sur leur territoire, d’autres le veulent bien, mais ne le peuvent pas.
Je citerai une nouvelle fois l’exemple de ma commune, qui compte 8 000 habitants. Nous n’avons pu faire autrement que confier la création de l’aire d’accueil à l’EPCI, en plein accord avec le schéma départemental et avec l’approbation de M. le préfet. L’EPCI a choisi un terrain à cette fin, mais un village voisin, qui ne fait pas partie de l’intercommunalité, bloque la réalisation de l’aire d’accueil, estimant sans doute que l’emplacement choisi est trop proche de son territoire. Cette situation de blocage dure depuis dix ans, sans que nous puissions en sortir ! Dans ces conditions, serait-il concevable de nous contraindre à consigner dans les mains d’un comptable public les sommes nécessaires ?
Comme pour le logement social, si une commune ne veut pas réaliser d’aire d’accueil, elle ne le fera pas. En outre, il arrive que des communes disposées à en créer une s’en trouvent empêchées, faute de terrain disponible.
Tout à l’heure, on nous a opposé que ce n’est pas en alourdissant les sanctions que l’on lutterait plus efficacement contre les occupations illicites de terrains. Dans le même ordre d’idées, ce n’est pas en renforçant les contraintes que l’on amènera les communes à réaliser des aires d’accueil pour les gens du voyage. S’il en était autrement, cela se saurait ! (Mme Esther Sittler applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Monsieur Reichardt, nous reviendrons sur la question du transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière de réalisation d’aires d’accueil à l’occasion de l’examen d’amendements ultérieurs.
Cela étant dit, il s’agit ici non pas de renforcer les sanctions,…
M. André Reichardt. Jean-Pierre Michel a parlé de bombe atomique ! Si ce n’est pas une sanction…
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. … mais de mettre en place un dispositif gradué pour conduire les communes à respecter la loi, en les plaçant devant leurs responsabilités.
À cet égard, il est assez choquant que vous sembliez juger normal qu’une commune ne respecte pas la loi si elle ne le veut pas ! J’attends votre solution, car ce n’est pas là une situation satisfaisante. Je le répète, il est proposé d’instaurer une procédure progressive, dont la mise en œuvre serait placée sous la responsabilité du préfet.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 144 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 171 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 3 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. 3-1. – Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale visés à l’article 2 fournissent au représentant de l’État dans le département, chaque année avant le 1er juillet, un inventaire des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage sur leur territoire. Le contenu et les modalités de cet inventaire sont définis par décret.
« Le défaut de production de l’inventaire ou la production manifestement erronée, tels que constatés par le représentant de l’État, donne lieu à l’application d’une amende dont le montant est fixé dans les conditions prévues par décret. Les sommes ainsi recouvrées sont versées au fonds institué par l’article 3-2.
« Art. 3-2. – Il est effectué chaque année, dans les conditions fixées par la loi de finances, un prélèvement sur les ressources fiscales des communes et établissements publics de coopération intercommunale qui n’ont pas rempli leurs obligations mise à leur charge par le schéma départemental, à l’exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue par l’article L. 2234-15 du code général des collectivités territoriales.
« Les sommes correspondantes sont versées à un fonds départemental exclusivement destiné au financement de la réalisation des aires. Les modalités de composition et de gestion du fonds sont fixées par un décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement à visée incitative tend à l’établissement d’un inventaire précis des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage réalisées, afin de sanctionner fiscalement les communes n’ayant pas rempli leurs obligations. En effet, treize ans après la promulgation de la loi Besson, seulement 52 % des aires permanentes d’accueil et 29 % des aires de grand passage ont été réalisées. Après huit ans d’incitation financière de la part de l’État, ce bilan est plutôt maigre.
Il faut rappeler que la politique publique en la matière a près de cinquante ans. Dès 1966, la circulaire n° 128 du 8 mars et la circulaire n° 546 du 25 octobre, notamment, soulignaient la nécessité de créer et d’équiper des aires de stationnement communales, intercommunales ou départementales. Le régime d’autorisation s’appuyait sur le décret n° 62-461 du 13 avril 1962 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’article 91 du code de l’urbanisme et de l’habitation et relatif à divers modes d’utilisation du sol. Une autorisation était alors prévue pour l’installation dans certaines communes d’abris fixes ou mobiles utilisés ou non pour l’habitation dans le cas d’une occupation de plus de trois mois. Cette réglementation a permis à l’initiative privée et publique, émanant souvent d’associations et accompagnée par de hauts fonctionnaires, de susciter la création des premières aires d’accueil, comme celle de La Jaunaie, à Laval, en 1965.
Mme Nathalie Goulet. En Mayenne, chez nos voisins !
Mme Esther Benbassa. Dans son arrêt « ville de Lille » de 1983, que j’ai déjà évoqué, le Conseil d’État a rappelé le principe fondamental de liberté de circulation et a fait obligation à toutes les communes de mettre à disposition des voyageurs un espace de domaine public afin de mettre ce principe en œuvre.
En 1990 fut votée la première loi sur le sujet, déjà sur l’initiative de Louis Besson, qui estimait que les communes de plus de 5 000 habitants avaient les moyens de mettre à disposition des personnes itinérantes des équipements d’accueil répondant à des normes élaborées.
Le financement de l’État, d’abord assez faible, sera doublé en 2000, au travers d’une loi cette fois entièrement consacrée à la problématique de l’accueil et de l’habitat des gens du voyage, afin de remédier au semi-échec de la politique suivie jusqu’alors.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, l’échec de cette démarche incitative est patent. La sanction, comme le rappelle le titre de cette proposition de loi, est devenue nécessaire afin de faire respecter l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire en matière d’accueil des gens du voyage.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 3 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article … ainsi rédigé :
« Art. … .- Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale visés à l’article 2 fournissent au représentant de l’État dans le département, chaque année avant le 1er juillet, un inventaire des aires d’accueil aménagées sur leur territoire, du nombre de place de caravanes correspondant, ainsi que de leur équipement en installations sanitaires, en alimentation en eau potable et en électricité. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. La question de la qualité des prestations fournies dans les aires d’accueil des gens du voyage est particulièrement importante. Le rapport de la Cour des comptes sur la mise en œuvre de la loi Besson est très instructif à cet égard.
Il y a en effet une grande diversité de comportements des élus locaux au regard de l’obligation faite aux communes et aux EPCI de taille significative de réaliser les aires d’accueil et les logements adaptés prévus par les schémas départementaux.
Mettons tout de suite de côté le cas des élus que je qualifierai de coopératifs, c’est-à-dire ceux qui ont très vite compris que le respect de la législation était le plus sûr moyen d’éviter les tensions.
Le style de vie des populations itinérantes étant tout à fait estimable et respectable, il importe que tout soit mis en œuvre pour que celles-ci puissent trouver leur place dans notre société, sans se heurter à une quelconque discrimination ou hostilité.
La réalisation des aires d’accueil, largement conduite dans certaines régions au regard des objectifs fixés, est la démonstration d’une forme d’intelligence collective partagée. On constate que les tensions que l’on peut parfois observer lorsque se produisent des occupations de caractère « sauvage » ou illégal ne se manifestent pas, ou seulement très rarement, dans ces territoires.
Il y a évidemment toujours des exceptions à cette règle, mais le fait est que les tensions les plus vives se font jour avant tout dans les départements et les villes où les structures d’accueil sont insuffisantes ou d’une qualité inférieure à ce qui est souhaitable.
Le rapport de la Cour des comptes mettait d’ailleurs notamment en évidence, outre l’insuffisance du nombre de structures dans certains départements, en particulier sur le littoral méditerranéen, la médiocre qualité des prestations fournies : aires situées à proximité de routes à grande circulation, voire d’autoroutes, de lignes à haute tension ou de voies ferrées, ou dont l’éloignement des centres-villes constitue un obstacle à une scolarisation normale des enfants, ainsi qu’au raccordement aux réseaux d’eau ou d’électricité, pourtant nécessaire à la vie de la collectivité. Le rapport est très instructif à cet égard.
Nous devons veiller au respect tant des équipements mis à disposition qu’à celui des familles censées en bénéficier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 18 et sollicite le retrait de l’amendement n° 32.
La proposition de Mme Benbassa est très proche d’un amendement que j’avais présenté en commission, mais qui avait été rejeté. Le débat que nous avions eu à cette occasion a ensuite débouché sur le dépôt de l’amendement n° 56 prévoyant la mise en place d’un dispositif de consignation, que le Sénat vient d’adopter.
À mon sens, il serait quelque peu inutile et incohérent d’adopter maintenant un autre dispositif, de nature différente, visant lui aussi à renforcer les sanctions contre les communes ne se conformant pas à leurs obligations en matière de réalisation d’aires d’accueil. Par conséquent, à titre personnel, dès lors que l’amendement n° 56 a été adopté, je suis très réservé à l’égard de l’amendement n° 18, même si j’avais formulé une proposition analogue en commission. Je ne le voterai donc pas.
M. André Reichardt. Merci !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’amendement n° 32, quant à lui, a pour objet d’améliorer la connaissance des structures d’accueil existant dans le département, en mettant l’accent sur le respect des normes. À titre personnel, il me semble utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. À l’instar des auteurs de l’amendement n° 18, le Gouvernement est sensible à la nécessité d’améliorer l’effectivité de la réalisation des aires d’accueil des gens du voyage. Il est ainsi favorable au renforcement du pouvoir de substitution de l’État lorsque les communes ou les EPCI ne respectent pas leurs obligations en la matière, notamment par la création d’une procédure de consignation entre les mains du comptable public des sommes nécessaires à la réalisation de ces aires d’accueil.
Ces procédures, plus contraignantes que celles qui sont actuellement en vigueur et dont l’effectivité est garantie par le mécanisme de consignation, sont prévues dans la proposition de loi Raimbourg relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2013.
La création d’un mécanisme d’amende administrative en cas de non-respect de l’obligation d’inventaire et d’un prélèvement sur les ressources fiscales des communes et des EPCI concernés aboutirait à créer des contraintes dont le cumul apparaît disproportionné au regard du principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, compte tenu de la création du mécanisme de consignation que j’ai évoqué, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Concernant l’amendement n° 32, si le Gouvernement comprend l’objectif de ses auteurs, à savoir assurer le respect de la mise en œuvre des obligations prévues par le schéma départemental, il apparaît excessif d’imposer aux communes et aux EPCI une procédure annuelle spécifique en matière d’inventaire des aires d’accueil. La création d’une telle contrainte ne s’inscrit pas dans la politique actuelle de simplification des normes. Enfin, cet inventaire est déjà pratiqué, de fait, dans le cadre de l’enquête annuelle conduite par le préfet.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, retirez-vous l’amendement n° 18 ?
Mme Esther Benbassa. Non, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 18.
Mme Nathalie Goulet. Nous ne voterons pas cet amendement, pour des raisons que j’ai évoquées tout à l’heure, bien que son objet précise que le prélèvement opéré sur les ressources fiscales des communes n’ayant pas respecté leurs obligations alimenterait un fonds départemental destiné à financer la réalisation des aires d’accueil.
Je ne veux pas revenir sur un sujet qui fâche, monsieur le ministre, mais cela nous ramène au problème du financement, quelques jours seulement après le débat que nous avons eu sur la péréquation dans cette enceinte.
Beaucoup de communes ou d’intercommunalités, je l’ai déjà dit, sont tout à fait disposées à se conformer à leurs obligations, mais n’en ont tout simplement pas les moyens. La liberté des collectivités de s’administrer est limitée par leurs capacités financières et n’est souvent que formelle. Il y a là une vraie difficulté : monsieur le ministre, si vous voulez que la loi de la République soit respectée, comme nous le souhaitons tous dans cet hémicycle, que nous l’ayons votée ou non, il faut en donner les moyens aux acteurs de terrain. En l’occurrence, concernant la création des aires de stationnement, tel n’est pas le cas.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je ne voterai pas cet amendement pour deux raisons.
En premier lieu, il est curieux de demander une nouvelle fois aux communes et aux EPCI de fournir chaque année au représentant de l’État dans le département un inventaire des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage implantées sur leur territoire. Si un préfet n’est pas au courant de ce qu’il se passe dans son département, je lui recommande vivement de s’entourer des hommes à même de l’informer !
Mme Nathalie Goulet. Et des femmes !
M. André Reichardt. En outre, que je sache, l’État contribue financièrement à la réalisation des aires d’accueil et ne saurait donc être dans l’ignorance à cet égard. De plus, un contrôle préfectoral s’exerce en temps utile sur les budgets.
Par ailleurs, l’amendement prévoit que le défaut de production de cet inventaire donnerait lieu à l’application d’une amende. Permettez-moi de vous dire, madame Benbassa, qu’une telle proposition traduit une certaine méconnaissance du fonctionnement des communes, qui en ont franchement ras-le-bol de toutes ces contraintes supplémentaires dont on les accable jour après jour.
En second lieu, concernant le prélèvement sur les ressources fiscales des communes n’ayant pas rempli leurs obligations, autant je veux bien entendre que le dispositif de consignation voté à l’instant par la majorité du Sénat ne constitue pas une véritable sanction, comme l’a affirmé M. le rapporteur, autant je considère que, en l’espèce, ce prélèvement relève bien du domaine de la sanction.
Je le redis, nous sommes en train de mettre en place, pour les aires d’accueil des gens du voyage, un système de contrainte analogue à celui qui s’applique en matière de logement social. Si l’amendement est voté, non seulement les communes n’ayant pas satisfait à leurs obligations subiront un prélèvement sur leurs ressources fiscales, mais elles seront en plus amenées, comme en matière de logement social, à « cracher au bassinet », outre les sommes qu’elles devront débourser pour créer les aires d’accueil des gens du voyage.
C’est bien ce qui se pratique à l’heure actuelle en matière de logement social. Je m’évertue à expliquer qu’il s’agit d’une profonde injustice, mais aucun gouvernement ne veut le comprendre. J’y insiste, il y a là une dérive qui pénalise les communes ; il faudra bien un jour y mettre un terme.
De grâce, restons-en à la procédure de consignation qui a été adoptée tout à l’heure par la majorité du Sénat. N’en rajoutons pas en votant cet amendement du groupe écologiste : je vous le demande, mes chers collègues, au nom de nos communes ! (Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je partage complètement les propos de mon collègue André Reichardt.
Je rappelle que la loi Besson prévoit une participation financière de l’État de 15 000 euros par aire d’accueil créée, disposition que ce dernier ne respecte plus depuis plusieurs années. (Mme Nathalie Goulet approuve.) Cela n’a pas empêché la majorité de nos collègues de voter un amendement prévoyant, pour les communes ne respectant pas leurs obligations, la consignation dans les mains d’un comptable public des sommes nécessaires à la réalisation d’une aire d’accueil ! L’absence de contribution de l’État au financement des aires d’accueil est la première des raisons expliquant que l’objectif de 40 000 emplacements fixé par la loi Besson n’ait pas été atteint !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Pierre Hérisson. Ajoutons que les 15 000 euros de subvention de l’État prévus par la loi Besson ne représentent plus grand-chose en 2014, au regard du coût de la réalisation d’une aire d’accueil.
Nous sommes en train de traiter maladroitement les questions abordées dans une perspective plus large par la proposition de loi Raimbourg, qui prend en compte la nécessité de faire évoluer la loi Besson.
J’ai de plus en plus l’impression que l’objectif était de déposer de multiples amendements pour éviter que le présent texte puisse être voté ce soir. En ce cas, nous vous donnons rendez-vous au mois d’avril pour la suite de l’examen de notre proposition de loi !
Le bon sens impose que la proposition de loi Raimbourg soit inscrite au plus vite à l’ordre du jour du Parlement, monsieur le ministre, afin qu’un débat général puisse s’ouvrir sur ce sujet. Cela vaudra beaucoup mieux que la mascarade de cet après-midi, destinée à empêcher le vote de l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 6 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Ces conventions font l’objet d’un bilan d’évaluation au terme de chaque année civile, évaluation associant les représentants des usagers. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement est retiré, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.
L’amendement n° 19, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après les mots : « de ce délai », la fin de la phrase est supprimée.
2° Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 9 la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 prévoit la possibilité, pour les communes respectant leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage, d’interdire le stationnement de résidences mobiles sur leur territoire. Cette possibilité est également ouverte, de manière dérogatoire, aux communes disposant d’un emplacement provisoire faisant l’objet d’un agrément par le préfet.
Nous considérons que de tels emplacements provisoires n’ont pas lieu d’être, le droit commun devant s’appliquer à tous. Cet amendement a donc pour objet de supprimer les emplacements provisoires et la possibilité, pour les communes qui en disposent, d’interdire le stationnement de résidences mobiles sur leur territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
En effet, les emplacements provisoires ont été agréés par le préfet. Par conséquent, une commune offrant de tels emplacements respecte ses obligations, tant qu’ils existent, et il ne serait pas logique que son maire ne puisse pas bénéficier des possibilités ouvertes par la loi.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement considère que la suppression proposée n’est pas opportune, dès lors que les aires d’accueil provisoires font l’objet d’un agrément du préfet délivré en fonction de leur localisation, de leur capacité et de leur équipement et pour une durée limitée dans le temps, sans exonérer pour autant la commune recourant à cette solution de ses obligations en matière de mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Il ne s’agit pas d’une alternative à ces obligations.
Les emplacements provisoires agréés par le préfet, qui offrent des garanties d’accueil aux gens du voyage, peuvent constituer une étape, en attendant la construction d’aires d’accueil pérennes. Par suite, priver les communes qui se sont dotées de ces emplacements provisoires de la possibilité ouverte par l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 serait contreproductif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Nous comprenons bien l’intention de Mme Benbassa et de ses collègues, mais nous nous rangeons à l’avis du ministre.
En effet, un emplacement provisoire peut présenter un intérêt. En outre, l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 précise que l’agrément d’un emplacement provisoire n’exonère pas la commune des obligations qui lui incombent.
Nous ne pourrons donc pas voter cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 19 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 19 est retiré.
Article 2
Le deuxième alinéa du II de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par les mots : « ou si le représentant de l’État dans le département propose un nombre suffisant d’emplacements disponibles dans une aire d’accueil située dans un périmètre de 30 kilomètres au plus de la commune sur laquelle est situé le terrain illicitement occupé. »