M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. La mise en place d’un assainissement parfait suppose des dépenses régulières pour assurer le renouvellement des infrastructures liées à l’eau. Vous avez tous cité les réseaux et la nécessité de veiller à leur entretien avec un soin particulier.
Dans le même temps, on ne saurait accepter que les personnes et les familles à revenus modestes ou en situation précaire soient privées d’eau, au motif qu’elles ne pourraient pas payer le coût de ce service.
En France, l’eau potable, qui est généralement de bonne qualité, reste certes globalement peu chère au regard des autres biens essentiels. Pourtant, chaque année, des milliers de foyers se retrouvent confrontés à des difficultés pour payer leur facture d’eau.
Le poste de dépense relatif à l’eau et à l’assainissement ne représente, en moyenne, que 1 % du revenu disponible d’un ménage, mais, selon les ressources des ménages, la fraction consacrée aux dépenses d’eau varie bien entendu considérablement.
C’est pourquoi plusieurs dispositifs, en partenariat avec les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale ou le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement, existent et facilitent l’accès à l’eau. Par ailleurs, des remises gracieuses ou des abandons de créance peuvent être consentis par les gestionnaires des services publics d’eau et d’assainissement. Nous encourageons d’ailleurs ce type de démarche. Nous sommes nombreux à être saisis afin de donner notre avis sur certaines situations particulièrement fragiles ou dramatiques.
Mais il s’agit là de systèmes curatifs d’urgence. Ces mesures, pour utiles qu’elles soient, ne permettent pas la mise en œuvre d’un véritable droit à l’eau.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Ce dispositif d’aides est perfectible, mais il ne permet pas de toucher tous les foyers défavorisés ; surtout, il est trop souvent mis en œuvre lorsque les familles rencontrent déjà des difficultés pour régler leur facture. Or le traitement a posteriori est toujours beaucoup plus compliqué. Les solutions préventives doivent donc être développées. Au moment où les Français sont de plus en plus frappés par les difficultés économiques, il fallait une initiative vigoureuse afin de développer ces solutions.
Je tiens à souligner tout particulièrement l’initiative parlementaire qui a conduit à la promulgation de la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes. À cet égard, je salue MM. Philippe Kaltenbach, Christian Cambon et Mme Évelyne Didier, qui ont travaillé à cette loi.
Cette législation nouvelle ouvre la possibilité pour les collectivités de s’engager dans une expérimentation pour une tarification sociale de l’eau. D’une durée de cinq ans, cette expérimentation rend possible une tarification progressive de l’eau selon la situation des ménages que plusieurs d’entre vous ont évoquée au cours du débat.
Pour satisfaire les besoins essentiels au regard de la salubrité et de la dignité humaine, une première tranche gratuite peut être instaurée. Cette expérimentation permet également d’augmenter le plafond maximal des subventions versées au fonds de solidarité pour le logement, montant actuellement fixé à 0,5 % des redevances perçues et qui pourrait atteindre 2 %.
Pour participer à cette expérimentation, les collectivités exerçant les compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement devront se porter candidates auprès du représentant de l’État dans leur département, au plus tard le 31 décembre 2014. Je crois savoir que des collectivités ont d’ores et déjà fait acte de candidature.
Je signerai dans les prochains jours, avec mes collègues Philippe Martin et Marylise Lebranchu, une circulaire d’instruction ministérielle à l’intention des préfets pour lancer officiellement l’expérimentation sur la tarification sociale de l’eau. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce document devrait donc arriver dans vos départements respectifs dès la semaine prochaine.
Cette expérimentation est une véritable opportunité de renforcer la démocratie sociale au sein de notre pays et de lutter plus efficacement contre l’exclusion.
Afin d’assurer la transparence que vous appelez de vos vœux, il faut d’abord mener un travail sur le cadre des factures d’eau. Qui sait aujourd’hui combien il paie pour son approvisionnement en eau potable ? J’essaierai de vous apporter quelques éléments de réponse sur le prix de l’eau. D’une manière générale, les données sur l’eau doivent être non seulement accessibles et publiques, mais également compréhensibles pour les différents usagers et diffusées de façon adéquate.
Enfin, pour garantir une gestion pérenne des ressources en eau, il faut limiter les conflits d’usage. Cela suppose l’implication de tous les acteurs, au premier rang desquels les collectivités locales, afin de sécuriser la ressource tout en recherchant les économies partout où elles sont possibles.
Avant de conclure cette intervention, dont vous voudrez bien pardonner les éventuelles maladresses dans la mesure où j’ai remplacé au pied levé Philippe Martin, je voudrais apporter quelques éléments de réponse aux questions que vous avez posées.
Je souligne la nécessité d’améliorer la qualité de l’eau. C’est un enjeu important pour maintenir le prix de l’eau à un niveau acceptable. Vous avez évoqué les problèmes de pollution.
S’agissant des nitrates, le Gouvernement a finalisé la réforme des programmes d’action « nitrates » au niveau national. De nouveaux programmes renforcés sont en cours d’élaboration à l’échelle régionale. Un recensement national a été effectué pour arrêter la carte relative aux nitrates et un très important travail a été réalisé dans chaque région.
S’agissant des pesticides, je voudrais saluer l’initiative de nos amis du groupe écologiste dont le travail a permis d’aboutir à la loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, laquelle interdit aux collectivités l’usage des pesticides d’ici à 2020, monsieur Dantec.
Par ailleurs, l’adoption du plan Écophyto devrait encourager les agriculteurs à s’engager dans des démarches plus économes. Il s’agit là de l’agro-écologie, que défend bec et ongles mon ami Stéphane Le Foll, ainsi que le Gouvernement de façon générale, dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Quant à l’irrigation, mon collègue Philippe Martin est en train de promouvoir des projets de territoire, accompagnés par l’État. Il s’agit de projets de retenues d’eau, dont le financement reposera sur l’agence de l’eau et qui devront, comme cela a été rappelé cet après-midi, se conjuguer avec la recherche d’économies de cette ressource.
La loi Brottes, quant à elle, ouvre la voie à des expérimentations sur tous les sujets que vous avez évoqués. Au fur et à mesure des évaluations – deux rendez-vous, voire trois, auront lieu d’ici à 2018 –, des évolutions législatives et réglementaires pourront voir le jour.
Aujourd’hui, il n’est pas possible d’arrêter un tarif unique : la ressource en eau varie selon les territoires et son coût peut dépendre de l’usage de puits, de rivières ou de cours d’eau. Dès lors, il est de la responsabilité de chacun de rechercher le plus juste prix.
M. Raymond Couderc. C’est le bon sens !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le prix moyen de l’eau et de l’assainissement collectif est de 3,95 euros, toutes taxes comprises, par mètre cube, soit 39,50 euros par mois sur la base d’une consommation annuelle de 120 mètres cubes.
Le prix moyen de l’eau, au 1er janvier 2013, s’élève à 2 euros, toutes taxes comprises, par mètre cube, soit une facture annuelle de 240 euros, sur la base d’une consommation annuelle de 120 mètres cubes.
Le prix de certains services avoisine 0,50 euro par mètre cube, tandis que d’autres coûtent plus de 5 euros. De telles disparités traduisent des situations différentes, qu’il s’agisse de l’exploitation des services, de l’état de la ressource en eau utilisée et des traitements nécessaires qui en découlent, de la densité de population et de ses conséquences en matière de longueur de réseau à entretenir, ou encore de la stratégie des renouvellements des infrastructures. Tous ces facteurs doivent être pris en compte afin de veiller à ce que les opérateurs arrêtent le plus juste prix.
Le prix moyen de l’assainissement collectif, quant à lui, au 1er janvier 2013, est de 1,90 euro, toutes taxes comprises, par mètre cube, soit une facture annuelle de 228 euros sur la base d’une consommation de 120 mètres cubes. Le prix minimal observé est proche de 1 euro, alors que le prix le plus élevé dépasse 3 euros. Comme pour l’eau potable, les disparités traduisent des situations différentes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, le Gouvernement, notamment mon collègue Philippe Martin, est mobilisé sur la question du droit à l’eau. Le lancement de l’expérimentation sur la mise en place d’une tarification sociale de l’eau et la mise en œuvre des dix mesures de la feuille de route de la conférence environnementale sont autant de chantiers devant nous permettre de favoriser l’accessibilité de l’eau pour tous.
L’urgence d’agir doit plus que jamais s’articuler avec la préservation de la ressource, sur le plan tant qualitatif que quantitatif. L’eau appartenant à tous, elle doit être préservée et garantie par tous, à tous les niveaux.
Nul doute que ce débat aidera le Gouvernement à trouver les solutions les plus équitables, les plus performantes, les plus justes pour mettre en œuvre cette solidarité indispensable dans le cadre de la gestion de l’eau. (Applaudissements.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le droit à l’eau.
4
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Daniel Raoul, Claude Dilain, Claude Bérit-Débat, Mmes Mireille Schurch, Élisabeth Lamure, MM. Jean-Claude Lenoir et Daniel Dubois ;
Suppléants : Mme Aline Archimbaud, MM. Gérard Bailly, Michel Bécot, Gérard César, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jacques Mézard et René Vandierendonck.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. André Vairetto.
M. André Vairetto. Je souhaiterais faire une mise au point au sujet du scrutin n° 133 sur les amendements identiques nos 66 et 71 rectifié, tendant à rétablir l’article 84 ter du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : M. Jeanny Lorgeoux a été déclaré comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il souhaitait voter pour, étant lui-même cosignataire de l’amendement n° 71 rectifié.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Débat sur les violences sexuelles faites aux femmes du fait des conflits armés
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les violences sexuelles faites aux femmes du fait des conflits armés et l’application par la France de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, à la demande de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin de l’année dernière, la délégation que je préside s’est saisie de la question des violences sexuelles dont les femmes sont victimes du fait des conflits armés.
C’est pour moi une satisfaction particulière que cette séance nous donne l’occasion d’évoquer dans notre hémicycle ce sujet aussi grave qu’important et d’en débattre avec vous, madame la ministre.
Les évolutions récentes en Libye, en Syrie et en Centrafrique ont souligné la tragique et révoltante actualité du phénomène des viols de guerre et ont confirmé que, hélas, les violences sexuelles sont véritablement des armes de guerre, notamment quand elles servent à propager de manière intentionnelle le virus du sida.
Il nous a aussi semblé que le moment était venu de faire un bilan des conséquences du conflit en ex-Yougoslavie, pendant lequel le viol de guerre a été utilisé de manière systématique, dans un but d’épuration ethnique. À l’époque, voilà maintenant vingt ans, la communauté internationale était longtemps restée incrédule devant les témoignages de ces horreurs et devant ce déchaînement de barbarie...
C’est un lieu commun, les conflits armés affectent les femmes d’une manière particulière : ils rendent encore plus vulnérables les femmes enceintes ou chargées de jeunes enfants ; on sait aussi, entre autres conséquences des guerres, le fardeau que constitue pour les femmes la responsabilité de la subsistance de leurs proches dans un environnement de pénurie généralisée.
Il faut aussi souligner le défi particulier que représente le fait de porter les armes pour les femmes qui participent aux combats : cette difficulté est fréquemment rappelée à la délégation dans le cadre de la réflexion qu’elle conduit actuellement sur le rôle des femmes dans la Résistance contre l’occupant allemand, dans la perspective de l’organisation d’un colloque sur ce sujet le 27 mai prochain.
Mais parmi toutes les violences auxquelles les femmes sont confrontées du fait des guerres, les violences sexuelles occupent une place particulière, en raison tant de leur ampleur que de la barbarie inacceptable qui les sous-tend. Et le fait qu’elles soient aussi vieilles que les guerres, au point que, depuis l’enlèvement des Sabines, elles semblent faire partie de notre inconscient collectif, ne doit en aucun cas nous conduire à valider une vision fataliste d’un problème contre lequel on ne pourrait pas lutter...
Les statistiques, même imparfaites, sont éloquentes : entre 20 000 et 40 000 viols perpétrés en ex-Yougoslavie ; 400 000 viols commis au Kivu entre 2003 et 2008 ; plus de 10 000 patients par an soignés pour des pathologies liées aux viols par Médecins sans frontières depuis 2007.
Et pourtant, ces statistiques sont certainement très en deçà de la réalité, compte tenu de toutes les victimes que la honte a contraintes au silence. Une raison supplémentaire pour ne pas rester indifférent !
La délégation a commencé ses travaux – cinq tables rondes et auditions – sur les violences sexuelles faites aux femmes lors de conflits armés à une date, le 21 novembre, proche de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes fixée au 25 novembre : ce symbole était important.
Tout aussi symbolique était le choix de la date de publication du rapport, le 18 décembre, à deux jours du vingtième anniversaire de la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes du 20 décembre 1993, qui reconnaît la particulière vulnérabilité des femmes dans les zones de conflits armés.
Ces travaux nous ont convaincus, s’il en était besoin, que la lutte contre les violences sexuelles subies pendant les conflits armés s’inscrit de manière générale dans la lutte contre toutes les violences faites aux femmes : or cette lutte, en temps de paix comme en temps de guerre, est un élément essentiel du combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes dans lequel notre délégation est tout particulièrement engagée.
L’une de nos intentions, lorsque nous avons décidé de lancer ces travaux, était de donner un signal fort de notre implication aux associations et ONG qui viennent en aide aux victimes, dans des conditions souvent périlleuses, dans les pays ravagés par des conflits.
Les témoignages que nous avons entendus ont tous été bouleversants, certains même insoutenables.
Ces violences sexuelles détruisent les victimes, à tout jamais marquées dans leur chair et dans leur esprit : c’est une évidence.
Je retiens notamment ces mots très perturbants d’une participante libyenne à notre première table ronde : « il faut voir le regard de ces femmes : c’est un regard mort », ou cette remarque de Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie, au retour d’un déplacement en République démocratique du Congo : « Les petites filles sont transformées en poupées de sang. »
Par-delà les témoignages intolérables de ces horreurs, ce qui nous a frappés, c’est l’ampleur des dévastations que causent ces violences, car elles affectent non seulement les victimes, mais aussi des familles entières, voire des villages, qui sont parfois contraints d’y assister, impuissants. L’objectif des violeurs n’est pas uniquement de détruire leurs victimes, c’est aussi d’humilier leurs proches et toute une communauté. Au point que l’on se demande si l’objectif n’est pas aussi d’avoir une incidence sur le rétablissement de la paix en rendant toute réconciliation impossible.
Comme l’ont relevé divers témoins et observateurs, les violences sexuelles n’épargnent pas les hommes ; il est cependant évident que les grossesses imposées aux femmes, contraintes de porter et d’élever « l’enfant de l’ennemi », de même, inversement, que les stérilisations forcées, sont une dimension spécifique de ces violences pour les femmes.
Enfin, la stigmatisation des victimes, bannies par leurs familles, voire menacées de mort par des proches soucieux de laver la souillure, ajoute une violence sociale insupportable aux épreuves physiques et morales qu’elles ont déjà subies.
Autre cause d’aggravation de ces souffrances : internet et les techniques modernes de communication, qui font peser sur les victimes un risque supplémentaire, celui que les images de leur humiliation, filmées sur les téléphones portables des bourreaux, soient rendues accessibles à tous et les privent de l’anonymat de leur silence.
Selon un témoin, la menace de divulguer ces images serait même devenue un élément de chantage contre les victimes et une source de revenus pour les criminels : c’est un martyre qui n’a pas de fin !
Un autre aspect extrêmement perturbant des violences sexuelles liées aux conflits armés est l’impunité des bourreaux, par contraste avec la souffrance infinie des victimes.
Or cette souffrance demeure longtemps après la fin du conflit, comme le montre le cas de l’ex-Yougoslavie où elle est toujours présente, et elle perdure sur tous les plans, physique, psychologique et aussi matériel, car ces femmes survivent souvent dans le plus grand dénuement...
La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a constaté que la communauté internationale avait véritablement pris conscience du problème, si l’on en juge par la constitution au fil du temps d’un arsenal juridique complet, constitué par un ensemble de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU dites « Femmes, paix et sécurité ».
Permettez-moi de dire un mot du contenu de ces textes, plus particulièrement de la résolution 1325 du 31 octobre 2000, emblématique, en quelque sorte, de cette construction juridique.
Ces résolutions affirment la nécessité de protéger tout particulièrement, pendant les conflits armés, les victimes de ces violences sexuelles, femmes et petites filles.
Elles appellent à mettre en place – c’est particulièrement important, j’y reviendrai dans un instant – une formation spécifique des personnels participant aux opérations de maintien de la paix, prenant en compte les besoins des femmes et des enfants.
Le Conseil de sécurité de l’ONU recommande enfin aux États de mettre fin à l’impunité des coupables et d’exclure ces crimes des mesures d’amnistie.
Un autre aspect de ces résolutions est le rôle qu’elles reconnaissent aux femmes comme actrices à part entière des processus de paix, nous invitant donc à considérer les femmes certes comme des victimes, mais également comme des atouts pour la reconstruction de ces pays.
Plus récemment, au mois d’avril 2013, le G20 de Londres a adopté une déclaration rappelant le niveau de brutalité terrifiant atteint par les viols de guerre et appelant les participants à prévoir les financements appropriés pour soutenir non seulement les femmes, mais aussi les enfants victimes de ces viols.
Dans le même esprit, le traité sur le commerce des armes, ouvert à la signature le 3 juin 2013 – c’est tout récent – engage les États exportateurs à s’assurer que les armes classiques ne peuvent servir à commettre des actes de violence fondés sur le sexe ou des actes graves contre des femmes et des enfants.
L’adoption de cet ensemble juridique cohérent peut être perçue de deux manières.
On peut y voir un signe positif de la détermination de la communauté internationale à lutter contre le fléau des viols de guerre.
Mais on peut aussi y voir, et c’est moins rassurant, le signe de son impuissance, dont témoignent à la fois la poursuite sans fin de ces violences et le fait que leurs auteurs soient bien peu nombreux à avoir été punis...
Permettez-moi de m’attarder un instant, mes chers collègues, sur l’insupportable impunité des bourreaux.
Certes, et c’est là un motif de satisfaction, les viols systématiques, la prostitution contrainte, les grossesses imposées et la stérilisation forcée sont considérés par les statuts des juridictions internationales spécialisées comme des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.
Mais cette satisfaction reste à bien des égards théorique, en raison du faible nombre de personnes effectivement condamnées pour ces crimes. Dans ces conditions, comment peut-on espérer que la justice puisse contribuer à apaiser les victimes de ces horreurs et leur permettre de se reconstruire ?
J’en viens maintenant au plan national d’action instauré par la France pour assurer la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité.
Ce plan a été adopté en 2010 pour la période 2010-2013. La France a été, semble-t-il, plutôt en avance par rapport aux autres pays.
Le plan français comporte, entre autres mesures, le renforcement de la participation des femmes aux opérations de maintien de la paix et aux opérations de reconstruction. Cet axe passe par la nomination de femmes au sein de composantes civiles et militaires.
Dans le cadre de ce plan d’action, le ministère de la défense a mis en place un programme de formation des personnels extrêmement efficace.
Ses représentants, dont je salue l’implication, ont exposé à la délégation l’intérêt de faire participer des femmes aux opérations de maintien de la paix, par exemple dans les pays où il est difficile aux hommes, a fortiori étrangers, d’entrer en contact avec des femmes, même dans un contexte médical. Parmi les effets du facteur « genre » dans la planification des opérations a aussi été citée la réduction des violences liée tout simplement – encore fallait-il y penser ! – au changement d’horaire des patrouilles pour privilégier leur passage au moment où les femmes et les enfants circulaient.
Le plan d’action français 2010-2013 est venu à échéance à la fin de l’année dernière et je pense, madame la ministre, que vous allez nous dire quel bilan peut en être tiré et comment se présente le suivant.
Un rapport annuel aux deux commissions parlementaires compétentes en matière de défense était prévu par ce plan. Je suggère que la présentation au Parlement du prochain plan associe à ces commissions les deux délégations aux droits des femmes, particulièrement sensibilisées aux sujets traités par les résolutions « Femmes, paix et sécurité ».
Au cours de ses réunions, notre délégation a acquis la certitude que les viols de guerre ne sont pas une fatalité et que le viol et les violences sexuelles peuvent cesser d’être des armes de guerre.
Notre rapport esquisse donc des pistes susceptibles d’être prises en compte pour que les choses évoluent à l’avenir.
Ainsi, il est important de veiller au renforcement des moyens matériels des institutions judiciaires dans les pays en situation de post-conflit. Trop de témoignages ont souligné les obstacles souvent très concrets qui découragent les victimes d’avoir affaire à la justice, par exemple, l’obligation de subir un contact avec leurs bourreaux, faute d’espaces de circulation séparés entre victimes et prévenus. Ces obstacles renforcent de fait l’impunité des bourreaux.
Or l’accès des victimes à la justice est une condition essentielle de leur apaisement : il est donc indispensable d’aider ces pays à recueillir dans les meilleures conditions possibles les plaintes des victimes.
De plus, il est nécessaire de s’assurer que les victimes ont accès à toute l’aide médicale, psychologique, économique et juridique dont elles ont besoin. À cet effet, notre délégation veillera à ce que les moyens des ONG et des associations présentes sur le terrain pour venir en aide aux victimes soient portés à un niveau cohérent par rapport aux besoins.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il nous a aussi semblé pertinent d’essayer d’intégrer, comme nous en a convaincus Yasmina Benguigui, les institutions de la francophonie à la lutte contre l’impunité des auteurs des violences en faisant pression sur les pays concernés pour que ces crimes ne demeurent pas impunis.
Il est important que notre pays milite pour une entrée en vigueur rapide du traité sur le commerce des armes par lequel les États s’engagent à s’assurer que les armes classiques ne peuvent servir à commettre des violences contre des femmes et des enfants.
Notre délégation souhaite que soient encouragées et poursuivies les mesures très prometteuses mises en œuvre par le ministère de la défense pour faire progresser la place des femmes, notamment dans l’encadrement des écoles militaires et par la création d’un observatoire de la parité. Nous avons considéré que ces mesures étaient de nature à participer à la déconstruction des stéréotypes indispensable à la lutte contre toute violence de genre.
Dans le même esprit, notre délégation a été convaincue que la participation des femmes militaires aux opérations extérieures doit être encouragée par l’affectation de ces personnels à des postes où leur présence peut permettre de contribuer à la prévention de ces violences et de mieux aider les femmes et les personnes vulnérables qui en sont victimes.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les réflexions et propositions qu’a inspirées à notre délégation ce sujet si grave. Non, les viols et les violences sexuelles commis pendant les conflits ne sont pas une fatalité ! Oui, la France a un rôle décisif à jouer pour que ces violences cessent d’être des armes de guerre ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.