M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur Requier, je ne suis pas favorable à l’amendement que vous avez défendu. Je considère en effet, comme M. le rapporteur, que le délai de quinze jours actuellement prévu pour la ratification de la mesure de géolocalisation constitue un bon équilibre entre le délai d’un mois retenu par la Cour européenne des droits de l’homme et qui, du reste, est appliqué en Allemagne et une décision immédiate du juge des libertés et de la détention, sitôt mise en œuvre la mesure de géolocalisation.
Mes chers collègues, il nous appartient de trouver un équilibre entre l’intérêt général et les garanties individuelles ; j’ai vraiment le sentiment que le délai de quinze jours, combiné à d’autres dispositions, permet d’assurer un compromis acceptable.
En outre, comme l’a rappelé Mme le garde des sceaux, le délai de quinze jours correspond à la durée traditionnelle de la flagrance aggravée.
Mes chers collègues, il n’y a donc aucune raison de le raccourcir !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur Reichardt, vous avez mentionné le dispositif appliqué en Allemagne : vous oubliez que, si la Cour européenne des droits de l’homme l’a entériné, c’est seulement parce qu’il donne des « garanties adéquates et suffisantes contre les abus » !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. En dépit de quelques incertitudes et malgré les légers problèmes d’interprétation que le projet de loi m’a posés en ce qui concerne la protection des libertés, je voterai l’amendement présenté par M. Requier.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je voterai moi aussi l’amendement n° 11, parce qu’il touche à un problème très sensible : celui des libertés individuelles.
Il faut se souvenir que notre procédure pénale présente la particularité d’être inquisitoire. Aussi bien, dans le cadre d’une enquête de flagrance, le parquet dispose déjà de moyens et de prérogatives considérables. De là vient que l’intervention du juge est si importante dans notre procédure.
Certes, la Cour européenne des droits de l’homme a fixé la limite à un mois ; mais, eu égard à la nature de notre procédure pénale et dans la mesure où les opérations concernées touchent de façon aussi importante à la liberté individuelle, il m’apparaît que le juge doit intervenir le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.
Mme Hélène Lipietz. Les sénateurs écologistes sont cohérents avec eux-mêmes : puisqu’ils sont hostiles au projet de loi au motif que le juge des libertés et de la détention n’est pas saisi ab initio, ils ne peuvent qu’approuver toute mesure visant à assurer la saisine de celui-ci le plus tôt possible.
Dans la mesure où la géolocalisation est, selon la Cour de cassation, une atteinte grave à la vie privée, il ne me paraît pas logique de maintenir la durée de quinze jours sous prétexte qu’elle correspond au délai en vigueur pour la flagrance aggravée ; le juge des libertés et de la détention doit être saisi le plus vite possible !
Le raccourcissement du délai de quinze à huit jours n’est peut-être pas suffisant, mais les membres de mon groupe ne peuvent qu’en appuyer l’idée.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. À titre personnel, je voterai cet amendement : vous n’en serez pas surpris, mes chers collègues, puisque j’ai proposé par voie d’amendement que l’intervention du juge soit immédiate, dès la mise en œuvre de la procédure de géolocalisation. Je me doutais que mon amendement ne serait pas adopté ; celui-ci, en revanche, me paraît être un bon compromis.
M. Jean-Claude Requier. Les radicaux proposent les bons compromis ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
En cas d'urgence résultant d'un risque d'atteinte grave aux personnes, les opérations mentionnées à l'article 230-32 peuvent être mises en place ou prescrites par un officier de police judiciaire.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il résulte d’un amendement adopté par la commission des lois que, en cas d’urgence, un officier de police judiciaire peut prendre l’initiative de poser une balise de géolocalisation, sous réserve qu’il en avertisse immédiatement le procureur de la République et qu’il recueille l’accord écrit du magistrat compétent dans un délai de douze heures. L’urgence est avérée en cas de risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens.
Compte tenu des risques d’atteinte à la vie privée, que moi-même et plusieurs autres orateurs ont signalés, les auteurs de cet amendement ont voulu proposer que la possibilité pour l’officier de police judiciaire de décider seul, après simple information du procureur, la mise en place d’un système de géolocalisation soit limitée aux cas de risque imminent d’atteinte aux personnes.
Cette proposition ayant été rejetée par la commission des lois, je suis disposée à retirer l’amendement n° 14 au profit de l’amendement n° 16 présenté par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Comme vous venez de le rappeler, madame Assassi, le texte initial du projet de loi prévoyait trois cas dans lesquels l’officier de police judiciaire pourrait agir, après avoir informé le procureur par tout moyen et sous réserve que celui-ci valide la procédure dans les douze heures, ce qui est un délai extrêmement court : le risque de disparition des preuves, celui d’atteinte aux personnes et celui d’atteinte aux biens.
Vous proposez de ne conserver qu’un seul cas : le risque d’atteinte aux personnes. J’y vois une marque de votre souci humaniste, que je connais bien.
Reste que certaines atteintes aux biens et certaines disparitions de preuves peuvent aussi poser problème. C’est pourquoi je regrette d’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 14.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai bien entendu les arguments de Mme Assassi, qui a fait allusion à l’amendement que le Gouvernement présentera dans quelques instants.
Comme M. le rapporteur vient de l’expliquer, il est nécessaire de préserver la possibilité de procéder à des opérations de géolocalisation dans le cas aussi des atteintes aux biens ; songez, mesdames, messieurs les sénateurs, à la possibilité de géolocaliser, par exemple, un pyromane notoire.
L’amendement n° 16 du Gouvernement a pour objet de préciser certaines dispositions qui vous laissent insatisfaite, madame Assassi, du texte issu des travaux de la commission des lois. Aussi, je me permets de vous demander le retrait du vôtre.
Mme Éliane Assassi. Je le retire !
M. le président. L’amendement n° 14 est retiré.
L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce magistrat peut alors ordonner la mainlevée de la géolocalisation.
II. - Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
dans les cas prévus au 1° de l’article 230-33, et du juge d’instruction dans les cas prévus au 2° du même article ; dans ces derniers cas, si l’introduction doit avoir lieu hors les heures prévues à l’article 59, il doit recueillir l’accord préalable du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d’instruction
III. - Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans les cas prévus au premier alinéa, l’autorisation comporte l’énoncé des circonstances de fait qui établissaient l’existence du risque mentionné à ce même alinéa.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement comporte trois dispositions.
La première, dont M. le rapporteur a parlé tout à l’heure, vise à compléter l’alinéa 12 de l’article 1er par la phrase suivante : « Ce magistrat peut alors ordonner la mainlevée de la géolocalisation. » En fin de compte, il s’agit seulement d’assurer le parallélisme des formes avec la procédure de la garde à vue : de même que le procureur peut décider, dans un certain délai, de maintenir la garde à vue ou de la lever, ainsi le magistrat pourra ordonner la mainlevée de la géolocalisation.
La deuxième disposition de cet amendement vise à réparer une omission : le texte issu des travaux de la commission des lois fait mention du juge des libertés et de la détention mais non du juge d’instruction, alors que, en cas d’information judiciaire, ce dernier peut être amené à ordonner la géolocalisation ; il convient donc d’introduire la mention du juge d’instruction dans l’article 1er du projet de loi.
La troisième disposition proposée par le Gouvernement vise à compléter l’alinéa 14 de l’article 1er par la phrase suivante : « Dans les cas prévus au premier alinéa, l’autorisation comporte l’énoncé des circonstances de fait qui établissaient l’existence du risque mentionné à ce même alinéa. » Bref, il s’agit de prévoir, par précaution, que les motifs justifiant l’urgence seront précisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Madame la garde des sceaux, les membres de la commission des lois ont jugé votre amendement extrêmement positif. Il nous est apparu comme un complément nécessaire et tout à fait bienvenu à notre décision de maintenir, dans des conditions strictement encadrées, l’initiative de l’officier de police judiciaire.
Outre qu’il fait mention du juge d’instruction, l’amendement n° 16 comporte deux dispositions tout à fait claires.
La première d’entre elles correspond exactement à l’état d’esprit de la commission : si le juge, en l’occurrence le procureur de la République, décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre les opérations de géolocalisation, il en ordonne la mainlevée, ce qui signifie que tous les faits qui auraient pu se dérouler durant les douze heures, au plus, précédant cette décision n’auront aucun effet.
Seconde disposition, qui est également une très bonne idée à notre sens : dans le cas où un officier de police judicaire, dans les circonstances que nous avons évoquées, a pris l’initiative d’opérations de géolocalisation, le procureur qui aura été informé par le même officier, par tout moyen, et qui devra rendre un rapport dans les douze heures fera mention obligatoirement dans ce document des circonstances qui auront conduit l’officier de police judiciaire à prendre des mesures d’urgence.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est là une procédure extrêmement cadrée, susceptible de donner toute garantie quant au bien-fondé du dispositif, du point de vue tant du magistrat que de l’officier de police judiciaire.
La commission est donc tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 18 et 19
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. 230-38. - Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables lorsque les opérations de géolocalisation en temps réel ont pour objet la localisation d’un équipement terminal de communication électronique, d’un véhicule ou de tout autre objet dont le propriétaire ou le possesseur légitime est la victime de l'infraction sur laquelle porte l'enquête ou l'instruction ou la personne disparue au sens des articles 74-1 ou 80-4, dès lors que ces opérations ont pour objet de retrouver la victime, l’objet qui lui a été dérobé ou la personne disparue.
« Dans les cas prévus au présent article, les opérations de géolocalisation en temps réel font l’objet de réquisitions conformément aux articles 60-1, 60-2, 77-1-1, 77-1-2, 99-3 ou 99-4.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement a simplement pour objet de préciser les conditions dans lesquelles une géolocalisation portant sur des objets appartenant à la victime de l’infraction ou à une personne disparue peut être prononcée, quand il s’agit notamment de protéger une personne ou de trouver un objet permettant de localiser une victime d’enlèvement ou d’actes de ce genre.
Dans ces hypothèses, il s’agira bien d’une géolocalisation en temps réel : on ne peut pas attendre que la victime donne son accord !
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer les mots :
ainsi que des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. S’agissant de la localisation au moyen des données techniques de l’internet, l’alinéa 18 de l’article 1er vise explicitement les hébergeurs – à savoir les personnes mentionnées au I du paragraphe 2 de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique – comme devant fournir de telles données de localisation, alors que, en application du cadre actuel, ces dernières ne font pas partie de la liste des données techniques devant être conservées par les hébergeurs. Il convient donc de les exclure du champ de l’obligation en cause.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Madame la ministre, il va de soi que la géolocalisation ne peut pas être mise en œuvre à l’encontre des victimes. Vous avez souhaité que cela fût explicite ; soit. La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 17.
Quant à l’amendement n° 5, la commission, après délibération, a décidé de s’en remettre à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 5 ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Logiquement, si l’amendement du Gouvernement est adopté, l’amendement présenté par Mme Goulet « tombera », car il sera satisfait.
Mme Nathalie Goulet. Nous sommes d’accord !
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 5 n’a plus d’objet.
L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 23
Supprimer les mots :
une enquête ou
et les mots :
du procureur de la République ou
II. - Alinéa 25, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
S’il estime que les opérations de géolocalisation n’ont pas été réalisées de façon régulière, que les conditions prévues à l’article 230-41 ne sont pas remplies ou que les informations mentionnées à ce même article sont indispensables à l’exercice des droits de la défense, le président de la chambre de l’instruction ordonne l’annulation de la géolocalisation. Toutefois, s’il estime que la connaissance de ces informations n’est pas ou n’est plus susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne, il peut également ordonner le versement au dossier de la requête et du procès-verbal mentionnés au second alinéa de l’article 230-41.
III. - Alinéa 26
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf si la requête et le procès-verbal mentionné au second alinéa de ce même article ont été versés au dossier en application de l’article 230-42
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission des lois a notamment introduit dans l’article 1er un nouvel article permettant que, dans certaines conditions, la date, le lieu et l’heure où le moyen technique destiné à la localisation est mis en place, ainsi que les premières données de localisation ne soient pas versés en procédure.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure lors de la discussion générale, ce dispositif diffère de celui qui est en vigueur pour ce qui concerne le témoignage sous anonymat. Dans ce dernier cas, le prévenu peut demander à être confronté aux témoins, et le juge peut aussi décider de verser certaines pièces au dossier, s’il considère qu’elles sont indispensables à l’exercice des droits de la défense.
Je le rappelle, le Gouvernement avait prévu un mécanisme similaire dans la version initiale du texte. Des discussions tout à fait intéressantes ont eu lieu au Conseil d’État sur ce sujet, et, outre la différence avec le dispositif qui prévaut pour le témoignage sous anonymat, il en est ressorti que la géolocalisation s’apparente davantage à la sonorisation qu’à la perquisition.
En fait, la commission des lois introduit une dérogation aux principes généraux au bénéfice de la seule géolocalisation, sans faire de même pour la sonorisation, qui consiste à poser au domicile d’une personne, à son insu également, ce qu’on appelle vulgairement des « micros ». Le Conseil d’État suggérait de déterminer un dispositif qui englobe ces deux types d’actes de procédure et s’était prononcé pour une disjonction de ces dispositions ; le Gouvernement s’était rangé à cette suggestion.
J’ajoute que j’ai chargé le procureur général Jacques Beaume d’une mission sur nos procédures pénales, car jusqu’à présent nous les modifions essentiellement sous la pression de directives ou de jurisprudences européennes.
Il nous faut penser avec cohérence la procédure pénale de façon à modifier sa logique interne et à tenir compte de demandes portant sur l’introduction de débats contradictoires, notamment dans les enquêtes préliminaires. Il faut procéder de manière structurée et ne pas répondre précipitamment à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme.
Cela étant, puisque la commission des lois a quand même choisi d’introduire dans le présent projet de loi la disposition en cause, le Gouvernement propose de donner au président de la chambre de l’instruction, qui peut être saisi par la défense, la possibilité de décider de verser ou non au dossier les pièces dont il s’agit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Après délibérations, la commission a adopté la position que vous avez présentée, madame la garde des sceaux.
Vous le savez, nous sommes très attachés à la procédure que nous avons introduite, compte tenu des éléments qui nous ont été fournis, en particulier par les représentants de la police et de la gendarmerie, sur les conditions réelles dans lesquelles ils accomplissaient leur travail.
Il est important de préserver les droits de la défense. Mais cette question se pose principalement dans le cadre d’une instruction, bien davantage que dans celui d’une enquête préliminaire. En effet, dans le cadre d’une instruction, le droit de recours devant le président de la chambre de l’instruction existe, alors qu’il n’y a pas d’équivalent au cours d’une enquête préliminaire.
La question des droits de la défense et des dispositions susceptibles d’être prises par un juge du siège, et par lui-seul, pour que les éléments relatifs à l’origine de la géolocalisation soient extraits du dossier concerne essentiellement l’instruction.
La commission a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° 18.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Les membres du groupe socialiste voteront bien entendu en faveur de cet amendement.
Cela étant, madame le garde des sceaux, je me réjouis que vous ayez demandé au procureur général Jacques Beaume la rédaction d’un rapport sur l’ensemble de la procédure pénale ; à ce propos, je vous signale que les travaux des parlementaires sont souvent négligés, quand ils ne tombent pas purement dans l’oubli…
M. Jean-Pierre Michel. Je me permets donc de vous rappeler que Jean-René Lecerf et moi-même avons remis en 2011 un rapport sur la procédure pénale qui me paraît encore valable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Après l’article 67 bis-1 du code des douanes, il est inséré un article 67 bis-2 ainsi rédigé :
« Art. 67 bis-2. – Si les nécessités de l’enquête douanière relative à un délit douanier puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans l’exigent, tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l’ensemble du territoire national, d’une personne à l’insu de celle-ci, d’un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, peut être mis en place ou prescrit, par les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret, sur autorisation, dans les conditions et sous les réserves prévues par les articles 230-33 à 230-38 du code de procédure pénale, du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la mise en place du moyen technique est envisagée ou du juge des libertés et de la détention de ce tribunal. »
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
tout autre objet
insérer les mots :
en liaison avec l'enquête
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. L’objet du présent amendement est exactement le même que celui de l’amendement n° 10, que j’avais proposé à l’article 1er, et je m’attends donc à ce qu’il soit retoqué de la même façon, ce qui ne m’empêche pas de le défendre avec la même énergie. Je l’indique d’ores et déjà, je le maintiendrai et je me ferai battre avec le sourire !
J’en profite, madame le garde des sceaux, pour attirer votre attention sur un problème en particulier : les mesures que nous voterons aujourd’hui n’auront qu’une portée nationale, et ce alors que les frontières sont très poreuses. L’étape suivante pour vos services, me semble-t-il, serait d’obtenir des mesures équivalentes de géolocalisation au plan européen, surtout en matière de fraude, d’évasion fiscale et pour les autres délits sur lesquels nous avons beaucoup travaillé dans cette enceinte sous la houlette de notre collègue Éric Bocquet. Si la géolocalisation est extrêmement utile à l’échelon national, elle ne se saurait s’arrêter à nos frontières.
Il faudra par conséquent très rapidement trouver des mesures d’harmonisation au plan européen – tout en assurant leur encadrement juridique strict, comme c’est le cas à l’échelle nationale –, afin de pouvoir poursuivre les délinquants à l’endroit où ils se trouvent ; ils ne restent évidemment pas à l’intérieur de nos frontières, ce serait beaucoup trop simple.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Madame Goulet, vous étiez satisfaite à l’article 1er, vous l’êtes encore à l’article 2 !
Mme Nathalie Goulet. Je n’en suis pas convaincue !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la sénatrice, j’ai entendu votre appel à une meilleure coopération en Europe. Nous y travaillons, n’en doutez pas. Chaque législation nationale met en place des dispositifs. Il faut le savoir, nous développons la coopération, en menant des enquêtes communes avec un certain nombre de pays européens. Sur le plan judiciaire, par le biais des transpositions de directives, nous avons amélioré la reconnaissance réciproque des décisions judiciaires.
Par conséquent, nous progressons. Même si la situation n’est pas encore reluisante, la nécessité de ce travail est désormais reconnue. Madame Goulet, votre demande est fondée, et sa concrétisation, nécessaire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur le recours à la géolocalisation par les services d'enquête. Ce rapport décrit notamment les moyens déployés et fournit des éléments chiffrés sur le nombre de demandes adressées aux opérateurs de télécommunications et sur l'efficacité de la géolocalisation dans la résolution des enquêtes.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je l’ai indiqué tout à l’heure au cours de la discussion générale, l’évolution rapide des technologies susceptibles de permettre une géolocalisation pourrait nécessiter un réajustement périodique du cadre juridique. Dans cette perspective, il est indispensable que le Parlement dispose régulièrement de données précises – nombre de requêtes formulées auprès des opérateurs téléphoniques et de balises posées, efficacité du recours à ces mesures pour faire aboutir des enquêtes – quant au fonctionnement concret de ce dispositif.
Un tel rapport pourrait d’ailleurs être utilement étendu aux autres mesures de surveillance des données personnelles prévues dans le cadre de l’article 20 de la loi de programmation militaire promulguée le 19 décembre dernier par François Hollande. À propos de cet article, la CNIL a considéré que l’extension « réalisée dans le cadre du régime administratif du recueil des données de connexion, risque d’entraîner une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée. »
Un rapport global au Parlement sur la mise en œuvre de la loi qui résultera de nos présents travaux et de l’article 20 de la loi de programmation militaire semble donc nécessaire.
Comme le souligne le Conseil national du numérique dans son avis du 6 décembre dernier, « la numérisation de la société, de la vie économique, et de la vie publique, ne doit pas être entravée par des incertitudes quant à la protection de la vie privée des individus et des collectifs. Il est indispensable de trouver un équilibre entre une protection globale et une protection individuelle. La confiance est le socle sur lequel construire la société et l’économie numériques. »
Cette confiance ne peut se construire que sur le fondement d’informations concrètes et régulières. Il me paraît normal et légitime que le Parlement soit régulièrement informé en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?